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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Rappel au Règlement

Mme Nathalie Goulet

Modification de la loi organique n°2010-837 et de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 (Procédure accélérée)

Discussion générale commune

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Bernard Buis

Mme Éliane Assassi

M. Alain Marc

M. Jean-Yves Leconte

Mme Maryse Carrère

M. Philippe Bonnecarrère

Discussion de l'article unique du projet de loi organique

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article unique

ARTICLE UNIQUE

Discussion des articles du projet de loi

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

ARTICLE PREMIER

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 2

M. David Assouline

ARTICLE 3

Lutte contre les contenus haineux sur internet (Procédure accélérée)

Rappel au Règlement

M. Pierre Ouzoulias

Discussion générale

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique

Hommage à une délégation jordanienne

Lutte contre les contenus haineux sur internet (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois

M. Yves Bouloux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Pierre Ouzoulias

M. Claude Malhuret

Mme Marie-Pierre de la Gontrie

Mme Maryse Carrère

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Philippe Bonnecarrère

M. Bruno Retailleau

Mme Muriel Jourda

M. David Assouline

M. Cédric O, secrétaire d'État

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

ARTICLE PREMIER

M. René Danesi

M. Franck Montaugé

M. Jean-Yves Leconte

M. David Assouline

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE PREMIER TER A

ARTICLE PREMIER TER B

ARTICLE 2

ARTICLE 3

ARTICLE 4

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis

M. Pierre Ouzoulias

M. David Assouline

ARTICLE 6 (Supprimé)

ARTICLE 6 BIS AA

ARTICLE 6 BIS B

ARTICLE 7

ARTICLES ADDITIONNELS

Interventions sur l'ensemble

M. David Assouline

M. Pierre Ouzoulias

Mme Maryse Carrère

M. Philippe Bonnecarrère

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis

M. Claude Malhuret

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Cédric O, secrétaire d'État

Annexes

Ordre du jour du mercredi 18 décembre 2019

Analyse des scrutins




SÉANCE

du mardi 17 décembre 2019

41e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : M. Yves Daudigny, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de Jean-Claude Carle qui fut sénateur de Haute-Savoie de 1995 à 2018.

Rappel au Règlement

Mme Nathalie Goulet .  - Ce rappel au Règlement est fondé sur l'article 29 de notre Règlement. Les autorités israéliennes viennent d'interdire l'entrée de Bethléem et Jérusalem aux chrétiens de Gaza. On tient deci-delà, cahin-caha, des colloques sur la protection que l'on doit aux chrétiens d'Orient, mais là rien sur cette situation extrêmement grave à quelques jours de Noël.

La situation des chrétiens de Gaza est déjà très difficile, de fait même de la situation de Gaza. Maintenant, on leur impose en plus des discriminations qui s'ajoutent au tunnel de Tsahal en construction qui touche plusieurs églises de Jérusalem. Adoptons une motion.

M. le président.  - Acte est donné de votre rappel au Règlement.

Modification de la loi organique n°2010-837 et de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen, en procédure accélérée, du projet de loi organique modifiant la loi organique n°2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et projet de loi modifiant la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet.

Discussion générale commune

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique .  - Ce projet de loi et ce projet de loi organique tirent les conséquences de textes de loi adoptés récemment. En vertu du cinquième alinéa de l'article 13, le président de la République nomme à des emplois et fonctions importantes, après avis public des commissions compétentes du Parlement, depuis la réforme constitutionnelle de 2008 et les lois organiques de 2010. Ce droit de véto est une avancée démocratique majeure. Si trois cinquièmes des suffrages exprimés sont défavorables, la nomination est rejetée. Cela concerne 52 Autorités administratives indépendantes (AAI), établissements publics ou entreprises publiques.

Même si le droit de veto n'a jamais été exercé, ces auditions sont un moment démocratique important.

Aujourd'hui, nous travaillons sur les conséquences de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire de juin 2018, dont l'ambition était de normaliser la gouvernance du groupe SNCF. Il n'est pas certain qu'une nomination par décret de trois ou quatre dirigeants de la SNCF participe de la normalisation souhaitée. L'ajout du Sénat voté en commission ne semble en outre pas légal.

Les ordonnances prévues par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire prévoient la nomination du directeur général de SNCF Réseau après avis conforme de l'Autorité de régulation des transports (ART). De plus, le président du directoire du Réseau de transport de l'électricité (RTE) n'est pas auditionné par les assemblées, mais sa candidature est validée en amont par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Cela devrait vous satisfaire.

Nous tirons également les conséquences de la privatisation de la Française des jeux (FDJ) prévue par la loi Pacte de mai 2019, qui a été un grand succès populaire. En outre, une nouvelle AAI, l'Autorité nationale des jeux remplacera l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) aux termes de l'ordonnance du 2 octobre 2019 : il fallait aussi l'intégrer dans ce texte.

L'ordonnance du 24 juillet 2019 remplace l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) par l'Autorité de régulation des transports.

Le projet de loi prolonge enfin le mandat des six membres de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) pour anticiper la fusion du CSA avec la Hadopi d'ici janvier 2021.

Ce projet de loi et ce projet de loi organique sont principalement techniques et d'application pratique.

L'ajout du président de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) ne nous semble pas justifié, non plus que l'ajout du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Tous deux ont un rôle principalement consultatif.

Je me réjouis de la discussion que nous allons avoir.

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois .  - La commission des lois a examiné ce projet de loi et ce projet de loi organique le 11 décembre. Le Gouvernement présentait ces textes comme de coordination, mais le diable se cache dans les détails. La commission a adopté treize amendements afin de corriger certaines maladresses et elle a rappelé son attachement à son pouvoir de contrôle sur les nominations du président de la République.

Le Gouvernement souhaite prolonger le mandat de six membres de la Hadopi en prévision de sa fusion avec le CSA. La commission ne s'y oppose pas.

Créée par la révision constitutionnelle de 2008, la procédure de l'article 13 prévoit la possibilité pour le Parlement de s'opposer à une nomination en cas d'avis défavorable des trois cinquièmes des votants des commissions compétentes. Cette procédure concerne 54 emplois.

Comme l'avait souligné en son temps notre ancien président Jean-Jacques Hyest, cette procédure permet d'écarter des candidatures de complaisance et de renforcer la transparence des nominations, notamment grâce à l'audition des candidats pressentis.

Depuis 2011, le Parlement s'est exprimé à 110 reprises sur des nominations envisagées par le Président de la République. Il n'a jamais mis en oeuvre son pouvoir de veto, ce qui a d'ailleurs conduit le groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle à proposer une modification des règles de blocage. À six reprises, l'une des commissions compétentes a toutefois formulé un avis négatif, marquant son désaccord sur le projet de nomination.

Ainsi en fut-il de l'opposition du Sénat à la nomination d'un membre du CSM, qui souhaitait, à titre temporaire, cumuler cette fonction avec celle d'ambassadeur de France à Madrid...

La commission des affaires économiques s'est aussi opposée à la nomination du directeur général de l'ONF la semaine dernière ; à un vote près, elle était bloquée.

Le projet de loi prévoit d'actualiser la liste des nominations soumises à l'approbation du Parlement. La commission des lois ne s'est pas opposée aux coordinations, qu'elle a d'ailleurs enrichies. Le Sénat s'était opposé à la privatisation de la Française des Jeux. Son PDG ne peut plus être nommé par le président de la République, le capital de la FDJ étant majoritairement privé.

Derrière ses aspects techniques, le texte du Gouvernement soulève des problèmes de méthode et de fond : l'exercice dépasse le simple toilettage. Sur le plan de la méthode, nous sommes invités à tirer les conséquences de trois ordonnances non encore ratifiées. La police des jeux ou l'organisation des réseaux de transports sont ainsi concernées, même si l'ordonnance sur ce dernier texte n'a toujours pas été ratifiée six mois après sa publication.

Je remercie la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable pour son attention sur la gouvernance de la SNCF. Pour la première fois depuis 2010, le Parlement aurait perdu tout contrôle sur la gouvernance de SNCF Réseau, ce qui n'était pas acceptable.

La commission des lois a ajouté deux postes à la liste : le président de la CADA et le directeur général de l'OFII. La mission de ce dernier d'accueil des demandeurs d'asile et des immigrés s'est fortement affirmée, avec 109 783 demandeurs d'asile traités et 97 400 contrats d'intégration républicaine signés l'an dernier.

Le Sénat a toujours été très attentif au fonctionnement de la CADA. Cette autorité administrative indépendante ne parvient plus à faire face aux demandes. En 2018, elle a été saisie de 5 867 demandes d'avis, traitées en 128 jours en moyenne au lieu des 30 jours théoriques. De l'aveu même de son président, la CADA ne peut plus continuer ainsi. Elle a un stock d'affaires de 1 800 dossiers, soit quatre mois d'activité, et les citoyens la sollicitent de plus en plus. Même des élus n'ont pu avoir de réponse à leurs demandes. Comment mettre fin à cette situation ?

Nous regrettons l'attitude du Gouvernement qui a déposé sept amendements pour revenir sur les apports de la commission des lois. Toutefois, je vous propose d'adopter le projet de loi et le projet de loi organique amendés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées des groupes RDSE et SOCR)

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La réforme ferroviaire, votée il y a un an et demi, prévoyait une évolution profonde de la gouvernance de la SNCF, qui passera au 1er janvier 2020 du statut de groupe public ferroviaire constitué d'EPIC à celui de groupe public unifié constitué de sociétés anonymes.

Cette évolution devait être précisée par ordonnance. Mais celle-ci, publiée en juin, n'a pas été ratifiée par le Parlement et aucun calendrier de ratification ne m'a été communiqué. Pourriez-vous nous dire quel sera le calendrier retenu par le Gouvernement ? En outre, l'Autorité de régulation des transports a émis de sérieuses réserves sur son contenu, en particulier sur l'indépendance de SNCF Réseau.

Ces projets de lois organique et ordinaire entendent tirer les conséquences des dispositions de cette ordonnance. Au-delà de cette méthode discutable, ces projets de loi affaibliraient le contrôle parlementaire sur la nomination des dirigeants de la SNCF.

La commission de l'aménagement du territoire entend conforter le contrôle parlementaire sur la nomination des dirigeants de la SNCF, selon trois axes. D'abord, il convient de maintenir la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution pour la nomination du dirigeant de SNCF Réseau, qui est prévue depuis 2010 et que le projet de loi organique tendait pourtant à supprimer, alors que l'ouverture à la concurrence va devenir effective.

L'exposé des motifs du projet de loi portant réforme ferroviaire de 2014 est toujours d'actualité : « Il est impératif que les processus de nomination des dirigeants du futur groupe public ferroviaire continuent de se dérouler sous le regard des parlementaires. Nul ne comprendrait ni n'admettrait que la réforme soit l'occasion de soustraire ces personnalités à un contrôle qui constitue une avancée unanimement reconnue de la démocratie ».

Enfin, un amendement au projet de loi ordinaire vise à soumettre la nomination du président du conseil d'administration de la société SNCF Réseau à l'avis conforme de l'ART, alors que l'ordonnance ne réserve cette procédure qu'au directeur général ou au PDG.

L'indépendance des nominations au sein du gestionnaire d'infrastructures doit être garantie. (Applaudissements sur diverses travées des groupeUC, Les Républicains et RDSE)

M. Bernard Buis .  - La procédure de l'article 13 concerne 54 postes aujourd'hui. Le projet de loi et le projet de loi organique procèdent à des ajustements après des fusions, ainsi que la prolongation du mandat des membres de la Hadopi.

La commission des lois a validé la plupart des modifications proposées mais a ajouté le président de la CADA et le directeur général de l'OFII à la liste des désignations soumises au contrôle du Parlement, mais il faudrait que l'OFII s'inscrive dans le champ de l'article 13, ce dont nous doutons.

La gouvernance de SNCF Réseau ne semble pas non plus concernée. La logique juridique de la commission nous échappe. Ce projet de loi et ce projet de loi organique ne sont que de coordination. Il ne faut donc y voir aucune négation du contrôle parlementaire. Le champ normatif est très limité et n'appelle pas d'observation de notre part.

A priori, le groupe LaREM s'abstiendra sur ces textes modifiés, mais attend la fin des débats pour adopter une position définitive. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Éliane Assassi .  - Le groupe CRCE est opposé à l'article 13 de la Constitution, issu de la révision de 2008. Pas moins de 54 postes sont concernés, mais il convient de parler de non-contrôle : ce nouveau droit, tout comme le référendum d'initiative populaire, est une chausse-trappe très difficile à mettre en oeuvre.

Le projet de loi constitutionnelle originel de 2008 prévoyait l'avis d'une commission commune aux deux assemblées. C'est devenu un avis public de la commission compétente dans chaque assemblée. Le président de la République ne pourra pas procéder à une nomination quand l'addition des votes négatifs sera supérieure aux trois cinquièmes des votants.

Cette obligation d'une majorité très qualifiée des trois cinquièmes rend un vote contre quasi impossible, car il faudrait un accord entre majorité et opposition. Mieux aurait valu prévoir une majorité positive des trois cinquièmes pour valider une nomination, ce qui aurait signifié un vrai consensus.

D'où la vacuité de l'exercice législatif que le Gouvernement nous propose aujourd'hui, puisque le président de la République a, de fait, les mains libres.

Il faut de la transparence, comme nous pouvons le noter à l'occasion de la désastreuse affaire Delevoye. Or la légèreté du Gouvernement va dans le sens contraire, puisqu'il organise par ordonnances la nouvelle gouvernance de la SNCF, non encore ratifiées, et on nous demande d'en tirer les conséquences et d'entériner des choix dont nous n'avons pu débattre, comme l'a souligné M. Mandelli lui-même. Mais le groupe CRCE est souvent bien seul à s'opposer au recours systématique aux ordonnances.

La virtualité devient une composante de notre travail de législateur, comme en témoigne également le prolongement du mandat de six administrateurs, alors que le projet de loi n'est pas encore écrit.

Quant à la FDJ, ne convenait-il pas de conserver un contrôle ? Est-ce le marché qui régulera le secteur des jeux ? Tout cela s'inscrit dans un climat général assez mauvais...

Le groupe CRCE votera, par principe, contre ce projet de loi, malgré certaines dispositions positives proposées par les commissions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Alain Marc .  - (M. Jean-Pierre Decool applaudit.) Les deux textes que nous examinons actualisent la liste des nominations soumises à appréciation du Parlement et prolongent le mandat de six administrateurs de la Hadopi.

Depuis 2008, le Parlement dispose d'un pouvoir de veto sur ces nominations listées au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Il faut trois cinquièmes des suffrages exprimés négatifs pour bloquer une nomination.

L'avis préalable des commissions parlementaires renforce le contrôle des nominations du président de la République et garantit, via les auditions des candidats pressentis, leur transparence.

La liste d'origine a été modifiée treize fois depuis 2009, mais n'a jamais fait l'objet d'un toilettage complet par le législateur. Ce texte prévoit la prolongation de six mois du mandat de membres de la Hadopi, qui doit fusionner avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

Ces mesures, présentées comme de coordination, conduisent en réalité à un léger recul du contrôle parlementaire : 51 emplois resteraient soumis à l'avis préalable du Parlement contre 54 aujourd'hui. C'est aller à rebours des efforts conduits depuis 2009 pour renforcer et élargir le contrôle.

Je me félicite que la commission des lois ait précisé que la prolongation des mandats concernerait les membres titulaires et suppléants de la Hadopi ; que la commission de l'aménagement du territoire ait prévu d'intégrer les nominations de quatre dirigeants de la SNCF. Le président de la CADA et le directeur général de l'OFII ont eux aussi été ajoutés : je m'en réjouis.

Le groupe Les Indépendants votera ces deux textes enrichis en commission.

M. Jean-Yves Leconte .  - Le contrôle parlementaire sur certaines nominations du président de la République introduit en 2008 a, malgré les réserves de Mme Assassi, constitué un progrès. Difficile de parler de veto puisqu'aucun n'a été exercé à ce jour ; néanmoins, c'est une évolution positive pour la vie démocratique.

La pratique des commissions mérite d'évoluer, car les auditions ressemblent davantage à une conversation sympathique qu'à un véritable exercice de contrôle. Une personnalité dont la nomination avait été validée par la commission des lois a dû renoncer après des révélations d'un hebdomadaire du mercredi...

Je me félicite de notre convergence, en commission des lois, sur l'ajout de la CADA et de l'OFII à la liste des organismes concernés. La CADA est indispensable au lien de confiance entre les citoyens et l'administration ; il faudrait des échanges nourris au moment de la nomination de son président pour connaître les orientations qu'il souhaite donner à l'institution.

L'OFII, monsieur le ministre, est bien davantage qu'un organisme consultatif, c'est un outil essentiel de notre politique d'intégration.

Logiquement, et malheureusement, ce texte retire la FDJ de la liste des organismes concernés. Sur ce point, je n'ai rien à ajouter aux propos de Mme Assassi. Le Loto a été créé au bénéfice des invalides de guerre... Nous en sommes loin aujourd'hui !

De même, tout a été dit sur la gouvernance de la SNCF. Le groupe socialiste soutiendra la position de nos deux commissions.

Enfin, pourquoi ce texte vient-il maintenant ? Il tire les conséquences d'ordonnances non ratifiées et d'un projet de loi qui n'a pas été examiné. Préjuger des résultats d'un vote du Parlement sur un projet de loi, même de transposition de directive européenne, n'est pas correct. Il aurait fallu présenter le texte proposant la fusion du CSA et de la Hadopi avant de prolonger le mandat des membres de cette dernière.

Le Parlement est traité en chambre d'enregistrement. On fait comme si une présentation en Conseil des ministres valait adoption définitive... (MM. Pierre Ouzoulias et Bruno Sido approuvent.)

Compte tenu des apports du rapporteur, le groupe socialiste votera ce texte, en espérant que le Sénat votera nos amendements qui rendent le contrôle parlementaire sur les nominations plus incisif et exigeant. Encore une fois, le Gouvernement n'a pas à préjuger des votes parlementaires. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Maryse Carrère .  - La révision de 2008 a « reparlementarisé » nos institutions, selon l'expression du constitutionnaliste Jean Gicquel, en s'inspirant de l'exemple américain.

Les autorités de régulation économique se multiplient au niveau européen ; en France les pouvoirs autrefois confiés à des services dépendant des ministres reviennent désormais à des autorités administratives ou à des agences avec un degré d'indépendance par rapport au politique pour le moins variable. Cela pose un problème de responsabilité, comme Jacques Mézard l'a souligné dans un rapport qui fait toujours référence.

Ces deux textes actualisent la liste de l'alinéa 5 de l'article 13 de la Constitution, mais ils anticipent l'entrée en vigueur de certains textes. Ne réduisons pas la ratification d'ordonnances à une simple formalité.

Ainsi le contrôle sur les nominations au sein de la SNCF recule après la réorganisation de celle-ci. Les amendements proposés par les commissions vont dans le bon sens. De même pour la CADA.

Le groupe RDSE a déposé un amendement ajoutant l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) à la liste, car elle garantit les droits et libertés en ligne de nos concitoyens, de nos entreprises et nous préserve des ingérences extérieures. Cela implique de faire nommer son directeur général par le président de la République et non plus le Premier ministre.

La question du contrôle parlementaire a mobilisé le Conseil d'État qui a rejeté, en 2017, l'annulation d'une nomination en imposant un délai de huit jours aux chambres pour se prononcer.

Il convient que le projet de loi organique insiste sur la lutte contre les cumuls et les conflits d'intérêts. Il convient que notre contrôle se rapproche de celui qui est en vigueur dans des pays comme les États-Unis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le débat qui nous réunit est principalement technique, ce qui souligne le décalage entre notre ordre du jour et les préoccupations actuelles de la société française.

Le groupe UC apprécie les évolutions permises par l'alinéa 5 de l'article 13 de notre Constitution. L'enjeu est la transparence du processus de désignation. C'est un élément important du contrôle du Parlement.

Il convient de vérifier les compétences des personnes désignées, mais aussi réfléchir à leurs objectifs et à leurs missions.

Le local et le national ne sauraient être dissociés : ainsi, la certification des comptes des collectivités territoriales est souhaitable.

Le projet de loi et le projet de loi organique effectuent un toilettage. Le nombre d'emplois concernés ne me semble pas essentiel, peu importe que ce soit 54, 56 ou 51. En revanche, la commission des lois a pertinemment étendu la liste à la CADA et à l'OFII, dont les missions ne se limitent pas à la technique mais revêtent une dimension éminemment politique. Il est rationnel de les ajouter.

Je ne partage pas l'enthousiasme de mes collègues sur l'ajout de l'Anssi qui n'est pas une autorité administrative mais un service dépendant du Premier ministre.

L'enjeu véritable est celui de l'inflation des AAI et du processus d'« agencification » du fonctionnement de l'État.

Le Parlement y perd une partie de ses compétences, mais notre propos n'est pas corporatif car cela nuit surtout au sentiment que le citoyen éprouve d'exercer une influence sur les processus de décision dans notre pays. Nous allons examiner tout à l'heure un autre texte sur les contenus haineux sur internet et nous proposerons d'étendre les fonctions d'une AAI dans ce cadre. Le processus est donc à double tranchant, mais c'est avant tout une question d'équilibre, entre l'extension des missions de certaines agences et la réduction de leur nombre.

La confiance dans la parole publique, qu'il s'agisse des retraites ou d'autres sujets, reste essentielle. Le Gouvernement devrait se saisir du sujet des AAI. Le Parlement a plusieurs fois attiré son attention sur la nécessité d'une rationalisation en la matière, d'une réduction de leur nombre, et pourquoi ne pas le dire en toute franchise, de leurs moyens de fonctionnement. Cela dit, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique du projet de loi organique

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article unique

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 1er de la loi organique n°2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, il est inséré un article 1... ainsi rédigé :

« Art. 1...  -  Ces emplois et fonctions s'exercent à temps plein. La liste exhaustive des emplois et fonctions préalablement occupés par la personne nominée est transmise aux commissions permanentes au moment de leur saisine pour avis. »

Mme Maryse Carrère.  - L'article 13 se contente d'édicter des règles de majorité. L'article 5 de l'ordonnance prévoit que le scrutin doit être dépouillé simultanément dans les deux assemblées. En cas de contentieux, le Conseil d'État décide, comme ce fut le cas en 2017, dans le contentieux entre le président du Sénat et le Gouvernement, à propos du redécoupage des circonscriptions électorales.

Nous sommes favorables à une codification des règles. Nous souhaitons inscrire dans la loi organique que l'audition dans les chambres lève les risques de cumul, de sorte que les candidats puissent exercer leurs nouvelles fonctions sans conflit d'intérêts.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait. Les emplois relevant de l'article 13 sont trop divers pour que l'on puisse légiférer de manière générale à leur sujet. Certains organes, tels que le Haut Conseil des nouvelles technologies ou la commission chargée du découpage électoral, se réunissent peu ou pas du tout, pas depuis 2009 pour la seconde. De sorte qu'il n'est pas réaliste d'y créer des emplois à temps plein.

Enfin, cet amendement relève de la loi ordinaire et non pas de la loi organique et il est partiellement satisfait par le statut général des AAI.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Il serait en effet excessif de prévoir systématiquement des emplois à temps plein. Les commissions ont à leur disposition le CV des candidats. Le texte actuel prévoit le renouvellement des fonctions figurant à l'article 13. Avis défavorable.

Mme Maryse Carrère.  - Cet amendement est d'appel. Nous voulons attirer l'attention sur le fait que le Parlement n'est pas qu'une chambre d'enregistrement.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Requier et Roux.

Après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après la huitième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

« 

Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information

Direction générale

 » ;

Mme Josiane Costes.  - La cybersécurité nous concerne tous, particuliers y compris, sauf peut-être ceux qui résident dans les zones blanches : La Poste aurait laissé 23 millions de données d'entreprises en accès libre, les failles des iPhone permettent à des hackers d'accéder aux photos et aux données personnelles de leurs utilisateurs. L'État est également touché, puisque des milliers de comptes fiscaux auraient été piratés. Nous proposons que le directeur de l'Anssi soit nommé selon les modalités de l'alinéa 5 de l'article 13.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'amendement reste fragile sur le plan constitutionnel. L'Anssi est en effet un service national rattaché aux services du Premier ministre, via le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationales.

L'amendement soulève aussi un problème de principe dans la mesure où le président de la République nommerait un agent placé hiérarchiquement directement sous l'autorité du Premier ministre. Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - L'Anssi est rattachée au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Il ne s'agit pas d'une autorité administrative. Son directeur général a le rang d'un directeur d'administration centrale et relève donc de l'alinéa 3 de l'article 13. Avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - La CADA rend presque exclusivement des avis, certes incitatifs, mais ne dispose pas de pouvoir coercitif. Seul le juge administratif est compétent pour enjoindre à l'administration de communiquer un document Le pouvoir de sanction dont elle a récemment été investie n'est qu'accessoire. Son président ne relève pas de l'alinéa 5 de l'article 13, qui fait référence à la cohérence des emplois et des fonctions. Aucune circonstance nouvelle ne justifie d'y revenir. D'où cet amendement de suppression.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission n'a pas pu se prononcer sur cet amendement qui n'a été déposé qu'en fin de matinée. Cependant, pourquoi minimiser le rôle de la CADA ? L'article 13 de la commission n'exclut pas les organes consultatifs comme en témoigne la présence dans la liste de la commission de découpage électoral. Retrait ou avis défavorable. (M. Philipe Bas, président de la commission des lois, approuve.)

M. Jean-Yves Leconte.  - Toute AAI travaille sous le contrôle du juge. En outre, monsieur le ministre, vous minimisez le rôle de la CADA, voire vous incitez les administrations à ne pas suivre ses avis, ce qui est pour le moins inquiétant. La CADA fait un travail sérieux et essentiel pour la transparence de l'administration vis-à-vis du citoyen.

M. Philippe Bonnecarrère.  - L'article 13 de la Constitution indique que sont concernés les postes susceptibles de concourir à la protection des libertés publiques. La CADA entre parfaitement dans cette catégorie. Depuis plus de trente ans que la CADA existe, le nombre de demandes qui lui sont soumises ne diminue pas. La transparence des données publiques reste un enjeu d'actualité.

Enfin, la CADA a très clairement un rôle précontentieux, plus que consultatif. Elle a aussi un pouvoir de sanction directe, depuis une quinzaine d'années, dans le cas d'une réutilisation frauduleuse des données.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le rôle du Parlement est de contrôler les politiques publiques. Nous devons recourir à la CADA, dès lors que le Gouvernement refuse de nous transmettre des documents nécessaires à notre contrôle. Je l'ai fait récemment. La CADA m'a répondu qu'elle m'aurait transmis les documents si j'avais été un simple citoyen mais qu'elle ne le faisait pas car je suis parlementaire et qu'elle ne voulait pas trancher un conflit entre le Parlement et le Gouvernement. On voit bien que vous considérez déjà la CADA comme un organe absolument consultatif, ce qui est regrettable.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement inclut la nomination de la présidence-direction générale de la Française des jeux dans les garanties prévues par l'article 13 de la Constitution.

Vous me direz que la FDJ est désormais une société à caractère privé. Le 12 octobre 2019, Bruno Le Maire indiquait pourtant dans une interview que l'État continuerait d'agréer les dirigeants de la FDJ, entreprise particulière donc.

La FDJ, au départ Loterie nationale, a été créée après la guerre de 1914-1918. Ceux qui achetaient des billets n'étaient pas les plus fortunés, et ne le sont toujours pas. Les revenus de la Loterie nationale allaient à des finalités sociales, dont les fameuses Gueules cassées.

Dans une époque où prévaut la logique capitalistique et où il paraît communément admis que les actionnaires font la loi, il est nécessaire de maintenir l'application de l'article 13.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Depuis son entrée en bourse, la FDJ est une entreprise privée. L'article 13 ne concerne que les entreprises publiques. L'État conservera un droit de regard sur le fonctionnement de la FDJ mais n'ira pas plus loin. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - M. Sueur a devancé mes objections dans une belle prolepse.

Votre amendement est plutôt de coordination avec votre opposition à la privatisation de la FDJ que normatif. On ne peut pas faire relever la FDJ de l'article 13 sans en faire autant pour d'autres entreprises où l'État est actionnaire minoritaire.

Les Français ont approuvé la privatisation de la FDJ qui a été un succès.

Les associations d'anciens combattants qui détiennent, me semble-t-il, une dizaine de pour cent du capital de la FDJ ont fait une belle opération lors de sa privatisation...

M. Martial Bourquin.  - C'est incroyable ! Vive la privatisation ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe SOCR ; M. Pierre Ouzoulias renchérit.)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 10 et 11

Supprimer ces alinéas.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est chargé de l'accueil des étrangers. C'est un acteur essentiel en matière d'asile. Cependant, il ne formule que des avis destinés aux préfets et ne répond pas aux critères d'application de l'alinéa 5 de l'article 13.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Comment le Gouvernement peut-il soutenir que l'OFII ne joue qu'un rôle consultatif, dans le contexte de pression migratoire que nous connaissons ? Avec 110 000 demandeurs d'asile, 97 000 contrats d'intégration républicaine, l'hébergement des demandeurs d'asile, le versement d'allocations, le regroupement familial, la gestion des retours volontaires, les visites médicales des étrangers demandant un titre de séjour, l'OFII joue un rôle majeur, au même titre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Je remercie le groupe socialiste d'avoir mentionné la question en commission. Avis défavorable.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 14, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

 4° La cinquante-deuxième ligne est remplacée par une ligne ainsi rédigée :

« 

  Société nationale SNCF   

  Direction générale    

 » ;

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Seule la nomination du directeur général de la SNCF doit être soumise à l'alinéa 5 de l'article 13. Ce projet de loi organique a été soumis au Conseil d'État qui n'a pas vu de danger en matière d'indépendance de SNCF Réseau par rapport à SNCF et a considéré que le projet était compatible avec la directive européenne.

Il est important de ne pas déroger au décret de 2014. La SNCF reste une société à la gouvernance particulière : évitons de créer une double légitimité en son sein.

L'indépendance du directeur général de SNCF Réseau au sein de la SNCF est garantie par l'avis conforme de l'Autorité de régulation des transports (ART) à sa nomination.

EDF et RTE sont exactement dans une situation analogue : le directeur général de RTE n'est pas nommé par le président de la République, mais après avis conforme de la Commission de régulation de l'électricité (CRE).

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission de l'aménagement du territoire, qui a beaucoup oeuvré pour conserver le contrôle parlementaire sur la SNCF, partage notre position.

Cet amendement constituerait un recul pour le contrôle parlementaire. SNCF Réseau doit bénéficier de garanties d'indépendance suffisantes. Le président du conseil d'administration de la SNCF et celui de SNCF Réseau ont une voix prépondérante en cas d'égalité des votes. Nous souhaitons un contrôle du Parlement sur la gouvernance de SNCF et SNCF Réseau.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis.  - Cet amendement supprime les apports de la commission de l'aménagement du territoire. Il remplace les trois auditions prévues par une seule audition. La SNCF et SNCF Réseau ne sont pas des entreprises comme les autres. Avec l'entrée dans la concurrence, le regard du Parlement est plus que jamais nécessaire. Avis défavorable.

M. Hervé Maurey.  - J'irai dans le sens de MM. Mandelli et Détraigne. Cet amendement est extrêmement choquant et je pèse mes mots. D'abord, on légifère en fonction d'une ordonnance qui n'a toujours pas été ratifiée. Or elle pose un problème vis-à-vis de l'indépendance de SNCF Réseau, comme l'a souligné l'Arafer, devenue ART.

On voudrait de surcroît réduire le nombre d'auditions : seul le directeur général de la structure de tête serait désormais entendu, et non plus les dirigeants de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités. L'Arafer a encore émis, la semaine dernière, plus que des réserves sur les projets de décrets qui « menacent l'indépendance du gestionnaire de l'infrastructure et compromettent l'indépendance du système ferroviaire ».

Or les parlementaires, qui siègent encore dans les instances de la SNCF, verront leurs sièges disparaître, aux termes de l'ordonnance prise en juin, et qui n'est toujours pas ratifiée, contrairement aux assurances données ici en séance par la ministre au nom du Gouvernement.

Nous avons été favorables à l'ouverture à la concurrence mais cet amendement, venant réduire encore le rôle de contrôle du Parlement, donne de l'eau au moulin de ceux qui y étaient défavorables. Je voterai contre, évidemment.

M. Ladislas Poniatowski.  - C'est plié, monsieur le ministre ! (Sourires et marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article unique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°61 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 302
Contre   16

Le Sénat a adopté.

Discussion des articles du projet de loi

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, les mots : « du secret professionnel ou » sont supprimés.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement interdit toute remise en cause au titre du secret professionnel du caractère public des auditions organisées en application de l'article 13 de la Constitution.

L'article premier de la loi de juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution prévoit que ces auditions sont publiques, sauf deux hypothèses : la préservation du secret de la défense nationale et la préservation du secret professionnel. Si la première exception est totalement légitime, la seconde n'est pas fondée. Elle est inopportune pour une audition relevant de l'article 13. Que le secret professionnel puisse justifier le refus de répondre à une question est légitime, mais suffisant. Point n'est besoin de demander le huis clos sur ce fondement.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Le secret professionnel est déjà opposable aux commissions d'enquête et protégé par l'article 29-1 du Règlement de l'Assemblée nationale. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Jean-Yves Leconte.  - Y a-t-il un malentendu ? Je ne propose pas d'obliger les personnes auditionnées à ne pas respecter le secret professionnel mais de ne pas mener l'audition entière à huis clos. La personne peut refuser de répondre, mais en toute transparence et devant les citoyens.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La personne dont la nomination est envisagée ne peut invoquer, lors de son audition, son obligation de discrétion professionnelle qu'en application de l'article 26 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. »

M. Jean-Yves Leconte.  - Souvent, lors de nos auditions qui devraient constituer un élément important du contrôle parlementaire, il devrait être normal que la personne auditionnée réponde à nos questions. Or souvent, elle se retranche derrière un droit de réserve, promettant d'y répondre une fois nommée. Comment accepter cela ? Nous encadrons ce droit. Le Parlement doit améliorer son propre contrôle.

Cet amendement est un test de notre volonté. Voulons-nous rester dans des discussions sympathiques ou voulons-nous aller plus loin et exercer un contrôle parlementaire complet ? Il y va de la crédibilité du processus. Ne limitons pas trop nos compétences.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'avis du Parlement constitue une garantie d'indépendance pour le candidat mais le contraindre à répondre pourrait mener dans une impasse. Cela suggérerait une forme de mandat impératif qui n'est pas conforme à l'esprit de l'article 13.

À chaque parlementaire de se positionner en fonction des réponses qui lui sont données. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je ne suis pas d'accord. Il y a un principe de confiance lors de ces auditions. Il n'y a pas de mandat impératif. La personne peut ensuite changer d'avis.

Lorsque nous nous présentons à une élection, nous prenons des engagements mais n'avons pas de mandat impératif. À nous de gérer cela.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission est libre de définir sa position en fonction de l'ouverture dans l'attitude du candidat.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Amendement de coordination. Nous supprimons le président de la CADA de la liste.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Nous souhaitons un droit de regard sur la nomination du président de la CADA.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Yves Leconte.  - C'est un amendement de coordination avec l'amendement sur la Française des jeux, déposé sur le projet de loi organique.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Amendement de coordination.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 8 à 13

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

3° La première colonne de la cinquante-deuxième ligne est ainsi rédigée : « Direction générale de la société nationale SNCF » ;

4° Les cinquante-troisième et avant-dernière lignes sont supprimées.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Défendu.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 2321-3 du code de la défense est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le directeur général de l'autorité est nommé par décret du Président de la République, sur proposition du Premier ministre. »

M. Éric Gold.  - Cet amendement modifie le code de défense, afin de pouvoir soumettre la nomination au poste de direction générale de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) à la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. L'Anssi est un service de compétence nationale, rattaché au Premier ministre. La nomination de son directeur général par le président de la République ne serait pas constitutionnelle. Les seules personnes nommées par le président de la République sur proposition du Premier ministre sont les membres du Gouvernement.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 6° du I de l'article 11 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les mots : « l'Autorité de régulation des jeux en ligne » sont remplacés par les mots : « l'Autorité nationale des jeux ».

L'amendement de coordination n°6, accepté par la commission, est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 2

M. David Assouline .  - Quand le projet de loi de fusion Hadopi-CSA arrivera enfin, je serai pour. J'ai toujours été pour, parce qu'il faut réguler les images qui circulent sur le Net.

Mais proroger le mandat des membres de l'Hadopi dès à présent en fonction du projet de loi, alors que celui-ci en est encore au stade du passage en conseil des ministres, que son calendrier d'examen par l'Assemblée nationale n'est même pas fixé, que l'on ne sait même pas s'il va être adopté, c'est nous défaire de nos prérogatives de parlementaires. Aucun sénateur ne peut l'approuver.

L'exécutif ne peut pas nous demander de suivre son agenda ainsi, à un moment où nous avons à coeur de réaffirmer notre rôle de parlementaires.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. David Assouline.  - Cet amendement supprime en conséquence l'article 2.

Le moment venu, nous aurons le débat sur la fusion Hadopi-CSA et sur la régulation des vidéos sur internet.

Je le répète, accepter de légiférer en amont d'une loi pas encore débattue que l'on nous annonce pour mars 2020 à l'Assemblée nationale, mais qui ne sera peut-être examinée ici qu'au printemps 2021, c'est plus que grave. Nous cédons devant l'exécutif !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission partage le constat sur le calendrier. Toutefois, avis défavorable car la prolongation du mandat des membres de la Hadopi est limitée à un an ou six mois, ce qui est raisonnable. Il s'agit de préserver le travail de préfiguration de la fusion.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Que se passera-t-il si nous ne prolongeons pas le mandat des membres de la Hadopi ? Trois mandats expirent en juin, celui de sa présidente en janvier 2020. Qui accepterait d'être nommé pour quelques mois ? Ne nommer personne compromettrait la préparation de la fusion avec le CSA.

Le Conseil d'État n'a émis aucune réserve sur cette mesure de coordination, qu'il considère justifiée par un intérêt général suffisant. Ce n'est pas un blanc-seing ad vitam æternam que vous nous donnez, mais sur quelques mois. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Je ne peux rester insensible à l'argumentation de M. Assouline : ce texte anticipe effectivement sur une fusion qui n'est pas encore actée.

Depuis sa création, la Hadopi a connu des turbulences ; le Sénat a toujours défendu son action contre le piratage. Le président de la Hadopi et son collège ont une expérience indispensable au processus de rapprochement avec le CSA. Ce serait une erreur de les remplacer dans la phase actuelle. Si l'examen de la loi est reporté, il n'y a pas de risque à proroger les mandats.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je comprends l'inquiétude de David Assouline. Cela dit, l'échéance de transposition de la directive Services de médias audiovisuels (SMA), fixée en septembre, est impérative.

Lors de nos auditions, nous avons pu constater que le CSA et la Hadopi étaient engagés dans une fusion très technique et complexe. Faisons preuve de pragmatisme et de sagesse sans aller pour autant au-delà de la fin de 2020.

En outre, il n'est pas aisé de trouver des hommes et femmes pour occuper les fonctions de conseiller dans une AAI, a fortiori pour quelques mois seulement. Laissons-nous cette respiration.

M. David Assouline.  - Pouvons-nous nous satisfaire « d'accommodement » raisonnable, comme dit le ministre, avec les prérogatives du Parlement ? Le report du texte ne fait qu'aggraver les choses : c'est sur le principe que je plaide. Comment un parlementaire peut-il légiférer en anticipant une loi, c'est-à-dire en préjugeant de son propre vote, avant tout débat ? Autant dire que notre vote ne sert à rien !

Le Gouvernement pourra toujours renommer les mêmes membres de la Hadopi, s'il le juge opportun.

Quand nous examinerons le projet de loi audiovisuel, les parlementaires auront le droit de se dire en désaccord avec la fusion entre le CSA et la Hadopi. Leur répondra-t-on qu'elle est déjà actée ?

À chaque fois que le Parlement cède un pouce de ses prérogatives, c'est la démocratie qui recule. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Nous ne pouvons être insensibles aux propos de M. Assouline. Il est exceptionnel de prolonger le mandat de membres d'une AAI dans l'attente d'un texte de loi. On ne peut en effet tenir pour acquis le vote de celle-ci : le Parlement a toute souveraineté pour la modifier ou la rejeter.

Cependant, les membres du collège de la Hadopi n'étant pas renouvelables - contrairement à ce qu'affirme M. Assouline - on serait contraint de nommer de nouveaux membres, sans expérience, pour un mandat qui n'ira vraisemblablement pas à son terme, ce qui pose un problème de bonne administration.

Il est désagréable pour le Parlement que l'on tienne pour acquis le vote d'une loi qui ne lui a pas encore été soumise. Cependant, l'argument de l'accommodement raisonnable peut s'entendre. Nous avons surmonté nos réticences, ce qui n'est pas un encouragement au Gouvernement...

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Amendement de coordination.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Mieux encadrer la procédure de nomination du président du conseil d'administration de SNCF Réseau n'est pas superflu.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis.  - Le maintien d'une structure de la SNCF verticalement intégrée justifie l'avis conforme. Les modalités de nomination reflètent le degré d'indépendance du gestionnaire de réseau. Il s'agit d'envoyer un signal fort aux nouveaux entrants et non de les dissuader d'entrer sur le marché. Avis défavorable.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Le projet de loi, modifié, est adopté.

Lutte contre les contenus haineux sur internet (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

Rappel au Règlement

M. Pierre Ouzoulias .  - Cette proposition de loi est celle du Gouvernement, qui l'a défendue fortement. Opter pour une proposition de loi permet d'éviter l'étude d'impact. Selon l'article 8 de notre Règlement, celle-ci expose l'articulation du texte avec le droit européen, l'application sur le territoire national et les modalités d'adoption dans le temps des dispositions envisagées - autant de points sur lesquels nous aurions eu besoin d'éclairage.

L'avis de la Commission européenne n'a pas été transmis au Parlement, qui en a pris connaissance par la presse. C'est une forme d'obstruction. (M. David Assouline et Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudissent.)

Discussion générale

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique .  - Rares sont les textes qui répondent à un besoin aussi pressent, à une demande aussi forte de nos concitoyens.

Les événements de Noisiel, fin novembre, ont rappelé que si internet est un formidable vecteur de démocratie et de connaissance, il est aussi synonyme du pire. Menaces de mort, injures homophobes, banalisation du racisme et de l'antisémitisme : la haine y a libre cours, les premières victimes en sont les plus jeunes, les plus fragiles, les minorités.

Ceux qui profèrent les injures n'y voient que des mots sans importance ; pour ceux qui les reçoivent, ce sont des blessures dont les conséquences peuvent être tragiques. Des adolescents ont été poussés au suicide par le harcèlement subi sur les réseaux sociaux. Cette violence fragilise notre lien social.

La douleur des victimes est amplifiée par l'impuissance à faire supprimer les contenus et par l'impunité des auteurs. La victime de Noisiel a préféré fuir la France. Quel échec !

L'État porte une lourde responsabilité, lui dont le rôle premier est de protéger les citoyens.

Nos démocraties doivent apporter des gages clairs de leur capacité à faire respecter l'état de droit sur internet, faute de quoi les citoyens se tourneront vers des régimes plus autoritaires.

M. Bruno Retailleau.  - Voilà un argument intéressant.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - C'est pourquoi le président de la République a confié à Lætitia Avia l'élaboration de cette proposition de loi, longuement murie - rapport Avia-Amellal-Taieb, mission auprès de Facebook, concertation avec la société civile et nos partenaires étrangers. Au-delà de nos divergences, je salue le travail des rapporteurs du Sénat.

Le parcours parlementaire du texte a précisé les trois objectifs du Gouvernement. D'abord, mieux outiller les autorités judiciaires pour lutter contre l'impunité des auteurs. La garde des Sceaux a annoncé la spécialisation d'un parquet sur les enjeux numériques et le déploiement des dispositifs de plainte en ligne.

Ensuite renforcer les responsabilités des plus grandes plateformes et surtout les rendre opérationnelles, à travers une obligation de moyens et une véritable supervision.

Enfin, mieux former, sensibiliser et éduquer contre la violence en ligne, notamment grâce à un Observatoire de la haine en ligne.

Le risque de sur-censure est bien sûr au coeur de nos préoccupations, c'est pourquoi l'Assemblée nationale a renforcé les garde-fous. Entre protection des victimes et respect vigilant de la liberté d'expression, il faut tenir une ligne de crête.

À l'article premier, le Sénat a supprimé la référence aux 24 heures - ce qui me semble excessif. Nous y reviendrons dans le débat.

La Commission européenne a soulevé des questions juridiques sur l'articulation avec le cadre réglementaire européen. Je salue le travail de votre commission des lois sur ce volet. Nous nous inscrivons pleinement dans une perspective européenne, mais une vraie régulation à ce niveau prendra des mois ; or il y a urgence à agir.

Les travaux menés en France sont observés avec intérêt à l'étranger, car ils jettent les bases d'une régulation agile, ferme et dissuasive. La nouvelle supervision des grandes plateformes est la clé d'une régulation plus ambitieuse du numérique. Nul doute que votre commission de la culture sera en phase avec notre volonté de demander des comptes aux géants du numérique.

Jamais la haine en ligne n'a été aussi destructrice, jamais le sentiment d'impunité aussi répandu. Je n'ignore pas le chemin à accomplir, mais nous sommes déterminés à bâtir, avec le concours du Sénat, un texte conforme à l'objectif initial, juridiquement robuste et équilibré.

Hommage à une délégation jordanienne

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs et M. le ministre se lèvent.) J'ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d'honneur, d'une délégation du Sénat du Royaume hachémite de Jordanie, conduite par son président M. Fayçal Al-Fayez et composée de quatre sénateurs du groupe d'amitié présidé par Mme Haifa Najjar. La délégation est accompagnée par notre collègue Cyril Pellevat, président du groupe d'amitié France-Jordanie.

La délégation est en France jusqu'au 19 décembre, pour une visite d'étude consacrée notamment aux questions d'éducation et de santé. Elle a été reçue hier en audience par le président Larcher et s'est entretenue ce matin avec la secrétaire d'État auprès de la ministre des Armées. Elle rencontrera en fin de journée les sénateurs de la commission des affaires sociales, présidée par Alain Milon.

Le Sénat français entretient d'excellents rapports de confiance et d'amitié avec le Sénat jordanien. Rapports qui ont vocation à s'intensifier dans le cadre de notre relation bilatérale qui s'est développée autour de deux priorités : la sécurité et l'économie.

Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à nos homologues du Sénat jordanien, la plus cordiale bienvenue, ainsi qu'un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements)

Lutte contre les contenus haineux sur internet (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois .  - La commission des lois a examiné cette proposition de loi le 11 décembre. Nous en partageons tous l'objectif.

Pour agir contre les professionnels de la haine, c'est moins de lois nouvelles que de moyens dont nos services ont besoin. Il est légitime et nécessaire d'agir sur les hébergeurs dont le modèle économique, fondé sur l'attention, favorise la diffusion massive, virale, des contenus clivants et donc des messages de haine. Le temps est venu de les réguler.

Notre commission a abordé ce texte de manière constructive en tentant de maintenir une ligne de crête entre protection des victimes et protection de la liberté d'expression.

Sur un sujet aussi sensible, nous regrettons le choix de recourir à une proposition de loi plutôt qu'à un projet de loi. Le Parlement a ainsi été privé d'une étude d'impact. La directive SMA, le règlement européen sur les contenus terroristes et le projet de loi sur l'audiovisuel risquent également d'interférer avec ce texte.

L'article premier comportait un dispositif pénal inabouti et déséquilibré : le délai très bref imposé aux opérateurs les encourageait à retirer par excès de prudence des contenus pourtant licites. Autres effets pervers à redouter, le recours à des filtres automatisés et l'instrumentalisation des signalements par des groupes organisés, les fameux raids numériques.

Difficile de prioriser, en 24 heures, les contenus les plus nocifs, terrorisme ou pédopornographie, à côté d'infractions contextuelles. Problématique également, le contournement du juge et l'abandon de la police de la liberté d'expression aux grandes plateformes étrangères.

Le dispositif pénal envisagé était inapplicable : ainsi, comment caractériser l'absence de diligences normales de l'opérateur ?

Enfin, la Commission européenne a alerté sur la violation probable de la directive e-commerce et de la Charte des droits fondamentaux : le texte contreviendrait à des principes majeurs tels que le principe du pays d'origine, la responsabilité atténuée de l'hébergeur ou l'interdiction de surveillance généralisée des réseaux.

Faute d'alternative, notre commission a supprimé cette nouvelle sanction pénale.

D'autres dispositions ont été conservées et intégrées au régime général prévu par la loi sur la confiance dans l'économie numérique (LCEN).

Le coeur du texte reste l'imposition d'obligations de moyens sous la supervision d'un régulateur, armé de sanctions dissuasives. Nous l'avons renforcé. Nous avons proportionné les obligations à la charge des plateformes au risque d'atteinte à la dignité humaine et écarté toute obligation générale de surveillance des réseaux. Nous avons également prévu la possibilité de ne pas informer l'auteur des contenus retirés et clarifié les pouvoirs de sanction attribués au CSA, même si les moyens risquent de manquer.

La commission a souhaité renforcer la lutte contre la viralité. Le texte de l'Assemblée nationale prévoyait qu'une plateforme retirant un contenu haineux vu huit millions de fois au bout de 23 heures et 59 minutes respecterait parfaitement ses obligations. La commission a donc renforcé les obligations faites aux plateformes moins grandes mais très virales et adopté un amendement d'appel renforçant les obligations de transparence à la charge des régies publicitaires. Elle a enfin encouragé l'interopérabilité des plateformes.

Ce travail important a été conduit dans un esprit qui se prolonge dans les propositions d'amendements, dont plusieurs ont reçu un avis favorable. La commission des lois vous invite à adopter la proposition de loi ainsi modifiée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Yves Bouloux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - La commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de ce texte qui modifie la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004. Il affecte en effet l'économie numérique qui est au coeur de la compétence de notre commission.

Nous regrettons le choix d'une proposition de loi plutôt que d'un projet de loi, car une étude d'impact aurait été nécessaire. Nous regrettons également n'avoir pu prendre connaissance des observations de la Commission européenne que par voie de presse. Et je passe sur les réponses tardives au questionnaire...

Cette proposition de loi pose une question légitime sur un phénomène peu documenté, mais non moins réel. Le texte de l'Assemblée nationale était inabouti. La commission des lois l'a renforcé pour le rendre plus efficace, tout en limitant le risque d'atteinte à la liberté d'expression.

Les trois commissions saisies ont travaillé en bonne intelligence. Celle des affaires économiques a concentré son attention sur le dispositif de régulation administrative confié au CSA, plus efficace et moins attentatoire aux libertés que les dispositions initiales de l'article premier.

Des obligations de moyens seront prévues pour les plateformes et le régulateur pourra sanctionner sévèrement celles qui ne joueraient pas le jeu. Nous avons permis au CSA de viser des plateformes de moindre importance mais où les propos haineux sont fréquents, et d'encourager le partage d'informations entre plateformes. Nous avons intégré un principe de proportionnalité pour que les obligations de moyens à la charge des plateformes soient soutenables par les acteurs économiques et prennent en compte la viralité des contenus.

Notre assemblée l'a dit à plusieurs reprises : la directive e-commerce n'est pas l'alpha et l'oméga et une régulation agile des géants du numérique viendrait la compléter avec intérêt, même si, en l'état du droit européen, la ligne de crête est étroite. Notre proposition de loi sur le libre choix du consommateur dans le cyberespace permettrait d'agir à l'échelon national, dans l'attente d'une réponse pérenne au niveau européen. Nous espérons le soutien du Gouvernement sur ce sujet tout aussi fondamental. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce texte suscite une grande perplexité. Eux-mêmes exposés à la haine en ligne, les élus n'ignorent pas les aspects destructeurs des campagnes de calomnies et des propos odieux sur internet, et je suis solidaire de Laetitia Avia qui en a été victime.

Cependant, nous écoutons les retours des tribunaux, des associations et des spécialistes, partagés entre ceux qui jugent que cette loi ne sera d'aucune utilité et ceux qui l'estiment dangereuse.

Je suis hostile à l'idée de confier aux Gafam le rôle de juger ce qui serait licite ou illicite. Comment imaginer que ces plateformes qui pillent nos données personnelles et manipulent les scrutins, qui façonnent nos comportements et menacent nos démocraties, exercent une police de la pensée ou de l'expression ?

La commission de la culture s'est saisie des articles 4, 6 bis et 6 ter. Le code de l'éducation est riche de nombreuses dispositions sur la sensibilisation à l'internet. Reste à donner à l'école les moyens de la mettre en oeuvre. Cela passe par la formation des enseignants.

Avec ce texte, nous choisissons de remettre une fraction essentielle de notre souveraineté à des acteurs mondialisés réticents à toute forme de régulation et de discussion avec des autorités démocratiquement élues. Puissants, riches, méprisants, ces acteurs ont conçu un écosystème qui encourage la haine, la diffuse, la promeut. La sociologue turque Zeynep Tufekci a montré que les algorithmes de YouTube proposent des contenus toujours plus odieux, toujours plus « hard core », faisant de cette plateforme un puissant outil de radicalisation. Avec pour seule justification : cela fonctionne !

Face à ce modèle économique délétère, nous aurions tout intérêt à nous investir dans la production d'une technologie éthique, non aliénante. Cela passe aussi par la révision de la directive e-commerce, vieille de vingt ans, qui ne fait plus que protéger les intérêts de quelques géants anglo-saxons qui ont droit de vie et de mort sur nos entreprises.

Je regrette l'absence de véritable navette parlementaire pour traiter de sujets aussi importants, plutôt que de légiférer ainsi à la va-vite. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - Lors de la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information, nous avions voté, fait rarissime, la question préalable à la quasi-unanimité. Nous voulions vous alerter sur la méthode - une proposition de loi, dépourvue d'étude d'impact, discutée en procédure accélérée - et sur le fond, les dispositions étant inapplicables.

Vous n'avez rien appris de ce naufrage et récidivez pour satisfaire une imprécation présidentielle, en reprenant à votre compte cette proposition de loi qui suscite les plus vives réserves des acteurs du numérique, du Conseil d'État, du Conseil national du numérique et même de la Commission européenne. Au point de nous valoir des leçons de la République tchèque en matière de défense de la liberté d'expression !

Je loue le travail acharné, désespéré, de notre rapporteur Christophe-André Frassa, (M. Bruno Retailleau applaudit.) qui lui vaudrait sans contexte la médaille du sauvetage si elle n'était destinée qu'aux seuls Bretons. Mais nul doute que vous rétablirez votre texte initial à l'Assemblée nationale...

Pour éviter cet échouage, il aurait fallu un bilan préalable de la loi relative à la manipulation de l'information. Elle exigeait des plateformes de faire la transparence sur les traitements algorithmiques et de publier des statistiques. Le CSA ne les a toujours pas obtenues.

Le Sénat avait exprimé ses réserves sur le référé judiciaire prévu pour interrompre la diffusion de fausses informations lors d'une campagne électorale. Là non plus, aucun bilan d'application. Le seul recours dont a eu à connaître le tribunal de grande instance de Paris semble être le mien !

Le 1er mai 2019, le ministre de l'Intérieur indiquait sur son compte Twitter qu'on avait « attaqué l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, agressé le personnel soignant et blessé un policier ». Le terme était inapproprié comme son auteur l'a lui-même reconnu. Le tribunal a estimé que les termes d'attaque et de blessure étaient « exagérés » mais qu'il n'était pas possible de déterminer si la promotion de l'information avait été assurée par des outils automatisés. En outre, Twitter France a fait valoir son défaut de qualité à agir, la société mère, de droit irlandais, étant seule responsable du traitement des données. L'information fausse est toujours disponible et le message a été lu des milliers de fois...

C'est dans l'intérêt de la plateforme, qui participe à cette économie de l'attention que vous refusez de réguler, par faiblesse ou connivence.

Cette proposition de loi s'intéresse aux conséquences d'un modèle économique que nous vous proposons de juguler en favorisant l'interopérabilité et la transparence des algorithmes. En acceptant nos amendements, vous agiriez sur les causes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Claude Malhuret .  - Je ne peux qu'être surpris de la façon dont la discussion s'engage. Ce texte nous arrive de l'Assemblée nationale avec en son coeur la création d'un nouveau délit, placé sous le contrôle du juge, pour obliger les plateformes à retirer les contenus manifestement haineux dans les 24 heures après leur signalement.

En supprimant la création de ce délit, la commission des lois a retiré son intérêt au texte. La Quadrature du Net en conclut qu'ainsi modifié, il n'a plus de substance et qu'il est inutile de l'adopter.

L'article premier avait pourtant été voté par une très large majorité à l'Assemblée nationale, à l'exception de l'extrême gauche. Les groupes Les Républicains et UDI l'ont voté avec empressement. Quelques semaines plus tard, ce qui était salué comme une avancée à l'Assemblée nationale est considéré au Sénat comme une incongruité à supprimer...

Pour ma part, je suis partisan du texte. Jusqu'à quand les Gafam vont-ils piétiner les principes de nos sociétés démocratiques ?

Jamais des propos publics d'une telle infamie n'ont été ainsi livrés, en toute impunité, à des millions de personnes. Harcèlement, dépressions, suicides : les conséquences sont connues.

La législation actuelle est impuissante face à un phénomène qui ne fait qu'empirer. Le CSA ou la plateforme Pharos sont dépassés.

Seules les grosses plateformes ont les moyens humains, techniques et financiers pour agir. Comme le dit le proverbe arabe : « Celui qui fait monter l'âne au minaret devra aussi l'en faire redescendre ».

On objecte que ce texte privatiserait la censure, que l'on confie aux plateformes ce qui relève du juge. (On le confirme sur le banc de la commission.) Mais la censure existe déjà, toute-puissante : ce sont les milliers d'internautes qui ont fermé leur compte et n'osent plus s'exprimer pour ne plus subir le déferlement infernal des injures antisémites, sexistes, homophobes !

Le mécanisme va dans le même sens que ce qui s'applique à la presse depuis 1881. Pourquoi y aurait-il deux poids deux mesures ? Les éditeurs et hébergeurs sont tous deux des diffuseurs. Plateforme et presse ont les mêmes responsabilités.

Ce ne sont pas les victimes mais les agresseurs que l'on défend, en restant inactifs.

La Commission européenne est hostile à ce texte, nous dit-on, mais elle n'a rien fait depuis des années. La directive e-commerce de 2000 est d'un laxisme inimaginable, gangrénée par les millions de dollars de lobbying des Gafam à Bruxelles. La Commission européenne se réveille sur les contenus haineux après les États, puis elle veut s'en charger. Sortons-la de sa torpeur. L'inaction passée n'est pas un gage d'efficacité future. Nous aurions tout à gagner à la bousculer un peu. Comme vous l'avez compris, je suis favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Indépendants et LaREM)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie .  - Nous avons tous été témoins de propos haineux sur internet. Nul besoin de dresser un florilège. Chacun sait ce qu'est l'incitation à la haine, quel que soit son objet.

Le groupe socialiste partage les objectifs de cette proposition de loi. Le droit en vigueur ne nous permet pas de lutter efficacement contre la haine en ligne. Il faut donc renforcer l'arsenal législatif. Mais pas au prix de l'atteinte à une liberté constitutionnelle, monsieur Malhuret.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Depuis deux ans, la majorité a souvent consenti à ébrécher les libertés publiques au prétexte de l'efficacité.

La liberté d'expression ne doit pas être menacée. Or elle est placée après la recherche d'efficacité dans ce texte, avec prédominance du contrôle des plateformes privées au détriment du juge judiciaire, qui reste le premier garant des libertés.

De plus, vous prenez le risque d'un sur-retrait, soit une censure opérée par les opérateurs privés.

Il n'est pas anodin que nombre d'acteurs, le Conseil national du numérique, le Conseil national des barreaux, l'Arcep, la CNCDH, le Syndicat de la magistrature, la Quadrature du Net, se soient exprimés sans équivoque contre cette proposition de loi. La Commission européenne a fait des observations très préoccupantes qui pourraient conduire les juges français à rejeter toute demande de condamnation d'une plateforme.

Nous devons préserver nos principes fondamentaux. Or les auteurs du texte n'ont pas distingué les organes de presse des autres. Ils doivent donc être exclus du champ de la loi.

Le délai de 24 heures pour que la plateforme décide ou non de retirer un contenu interroge. Le risque de retrait excessif est bien réel pour les contenus qualifiés de « douteux ».

Le groupe socialiste souhaite renforcer le rôle du juge. C'est bien à lui de se prononcer et de valider ou non une obligation de retrait, jusqu'à sa validation par le TGI statuant en référé.

Il faut également renforcer le rôle du CSA en organisant la coopération et les partages d'informations entre plateformes. Il a aussi un rôle à jouer dans la lutte contre la duplication des contenus haineux, ainsi que dans le contrôle et la régulation des algorithmes des plateformes.

Le groupe socialiste aborde cette proposition de loi dans un esprit de responsabilité.

Ce texte est imparfait mais c'est une occasion de renforcer liberté d'expression et lutte contre la haine. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et RDSE ; M. Bruno Retailleau, Mme Sophie Primas et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme Maryse Carrère .  - Nous faisons face à une explosion du racisme et de l'antisémitisme en ligne. Il était important d'agir face à un déferlement d'autant plus méprisable qu'il est souvent anonyme.

Cependant, la proposition de loi pose plusieurs problèmes. Par exemple, le délai de non-retrait d'un contenu en 24 heures donnait un poids trop important aux plateformes, en leur confiant la responsabilité de la censure.

Le texte initial proportionnait même la sanction au nombre de connexions.

En outre, on ne peut pas mettre toutes les plateformes sur un pied d'égalité, traiter de la même manière Facebook qui est à vocation commerciale, et Wikipedia qui ne l'est pas et dont la communauté assure déjà la régulation des contenus.

Avec l'article premier, il y a un risque fort de sur-retrait, comme l'indiquent les premiers retours d'expérience préoccupants d'Allemagne : les plateformes censurent des contenus non problématiques par peur excessive de la sanction.

Je salue l'exclusion des moteurs de recherche.

La proportionnalité des moyens selon la taille des plateformes est une bonne mesure. Le rôle du CSA doit être central, notamment dans la lutte contre la viralité.

Mais quel financement ? On augmente les prérogatives du CSA sans augmenter ses moyens. Idem pour l'Éducation nationale qui doit sensibiliser les élèves au numérique.

Une plus grande interopérabilité est une solution pour éloigner certains citoyens des réseaux sociaux. Mais le texte ne va pas assez loin en ce domaine.

L'obligation de transposition de la directive SMA, le règlement européen sur les contenus terroristes ou encore le Digital Service Act nous prouvent qu'en termes de législation sur les contenus haineux, il est urgent d'attendre.

Toutefois, le groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Internet peut être un formidable outil de liberté d'expression. Néanmoins, son utilisation est de plus en plus souvent dévoyée ; c'est devenu le lieu privilégié de propagation des contenus violents, haineux.

Nous devons agir dans l'équilibre entre liberté d'expression et modération des contenus.

Je salue le travail de Laetitia Avia. Cette proposition de loi facilite la riposte judiciaire et promeut des actions de prévention en milieu scolaire. Les plus jeunes sont les premiers utilisateurs d'internet ou la révolution numérique modifie les comportements.

Inspiré du précédent allemand entré en vigueur au 1er janvier 2018, ce texte en évite les écueils. Il a beaucoup évolué pour tenir compte de l'avis du Conseil d'État. La commission des lois du Sénat a supprimé le nouveau délit de non-retrait que nous voulions au contraire préciser. Le texte était parvenu à un équilibre en laissant à la justice le soin de trancher, même si les arguments de la commission peuvent être entendus.

Nous avons déposé des amendements adoptés en commission, par exemple pour préciser que le CSA prend en compte l'hétérogénéité des plateformes dans l'appréciation des moyens mis en oeuvre. Un amendement réécrivant l'article 6 bis AA a reçu un avis favorable de la commission des lois.

Nous reconnaissons tous que les grandes plateformes doivent être davantage responsabilisées. La loi LCEN de 2004 qui se contente de demander aux hébergeurs d'agir « promptement » pour retirer les contenus problématiques, n'est plus adaptée.

Le texte ayant été amputé d'une de ses dispositions principales, le groupe LaREM s'abstiendra. Nous devrons certainement remettre l'ouvrage sur le métier pour faire évoluer cette loi à l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les points de vue sont très différents selon les collègues, ce qui montre que cette proposition de loi perturbe nos certitudes.

Le problème est évident : celui des contenus haineux sur internet. Une solution est la régulation - aux articles 2 à 7 - et une autre la répression, à l'article premier.

Que nous songions aux 163 723 signalements annuels à Pharos pointés par le rapporteur ou à l'appel du président Malhuret à lutter contre la « pourriture », selon ses propres termes, le combat de l'auteure de la proposition de loi est parfaitement respectable, d'un point de vue personnel comme sociétal.

L'arme de la régulation est intéressante et pertinente. Comment responsabiliser les acteurs du numérique ? Les plateformes ont des obligations de moyens ; elles doivent assurer une régulation systématique et concrète. Cela rappelle le secteur bancaire.

Ainsi, il conviendra de savoir si les plateformes ont des modérateurs, combien, comment elles les recrutent, les forment, les rémunèrent. Le CSA devra aller voir chez les hébergeurs comment cela fonctionne.

Madame Morin-Desailly, je ne crois pas qu'il y ait de la naïveté puisque le régulateur pourra sanctionner la plateforme pour un montant pouvant atteindre 4 % de son chiffre d'affaires mondial. Nous proposerons d'aller jusqu'à 20 millions d'euros.

Reste la seconde arme, celle de la sanction pénale. Le délit de non retrait d'un message haineux dans les 24 heures est puni d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende à l'article premier. Je comprends le message politique mais il a toutes les chances d'être déclaré inconstitutionnel. A minima, cet article pourrait être annulé par la CJUE. En outre, il n'est pas conforme aux dispositions conventionnelles et serait inapplicable par les juges.

La comparaison avec l'Allemagne est assez injustifiée puisque la législation allemande ne comporte aucun élément pénal.

Il faudra deux lectures de cette proposition de loi : la rapidité n'est pas bonne conseillère.

Laissez-nous le temps de travailler l'article premier pour l'améliorer.

Notre position est-elle politique ? Non. Il s'agit au contraire de crédibiliser la parole politique dans notre pays en forgeant une loi applicable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur diverses travées des groupes Les Républicains et RDSE)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voilà un texte qui donne une mauvaise réponse à une bonne question. Je ne doute pas des bonnes intentions de ses auteurs. Nous voulons tous opposer la loi de la République à la loi de la jungle digitale, mais la réponse est mauvaise car elle sera inefficace.

Pour lutter contre un mal, elle attente à un bien, la liberté d'expression.

La mesure phare est l'article premier, heureusement modifié par la commission des lois. Tel que cet article est rédigé, dès qu'un contenu sera signalé, le compte à rebours de l'amende se déclenchera, et les plateformes préfèreront leur portefeuille aux libertés publiques : elles censureront !

Oui, la liberté d'expression a des bornes - mais dans le respect du contradictoire, que ce texte jette par-dessus bord. Le doute bénéficiera à l'accusateur.

Monsieur le ministre, vous m'avez reproché de ne pas avoir lu le texte. J'ai mis plusieurs jours à m'en remettre ! (Sourires)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Vous êtes trop sensible !

M. Bruno Retailleau.  - J'espère que vous-même l'avez lu, que les présidents de nos différentes commissions l'ont lu, que Mme von der Leyen l'a lu, elle aussi : elle promet d'ailleurs un texte pour bientôt. Il vaut mieux l'attendre que de voter ce texte bâclé, qui malmène une liberté fondamentale et qui ne sera pas applicable. Un juriste anglo-saxon a dit que sur internet, « code is law ». Combien d'intentions législatives se sont fracassées contre le mur du numérique !

Le Sénat s'est montré constructif : il n'a pas rejeté le texte, moyennant des amodiations et des modifications.

Tout d'abord, internet n'est pas une zone de non-droit : nous disposons d'un arsenal juridique et d'une jurisprudence. Nous voulons des dispositifs plus opérationnels, tout en protégeant nos libertés.

Deux remarques pour finir. Si les réseaux sociaux sont les grands déversoirs des mauvaises humeurs, ils sont surtout le défouloir d'une parole empêchée. Je n'excuse rien, mais beaucoup de Français ont le sentiment de ne pas avoir droit au chapitre. Attenter à une de nos libertés sous prétexte de lutter contre la tentation illibérale, c'est tomber dans le panneau.

On nous répète qu'il faut réguler les Gafam - Gérard Longuet le confirmera - et vous voulez leur confier ce que nous avons de plus précieux, en leur conférant une capacité de censure ! Bientôt, tout sera réglé par des algorithmes dont nous n'aurons pas le code source !

M. Pierre Ouzoulias.  - Bien sûr !

M. Bruno Retailleau.  - Ce n'est pas une société de vigilance qu'on nous propose mais une société de surveillance généralisée.

Bernanos a dénoncé, dans un livre, La France contre les robots, cette civilisation de la technologie. Nous n'en voulons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SOCR ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un sur-blocage préventif a été dénoncé par certains orateurs comme conséquence non voulue de l'article premier. Internet deviendra-t-il le lieu d'une aimable conversation civique ? Une plateforme bien connue censure toute nudité, même artistique. La Grande Odalisque d'Ingres disparaîtrait !

M. Bruno Retailleau.  - Et L'Origine du monde !

M. Julien Bargeton.  - C'est déjà censuré !

Mme Muriel Jourda.  - Verrons-nous les contenus artistiques et littéraires céder la place à Petit Ours Brun va à la plage ? (Sourires)

Depuis le 1er juillet 2019, le New York Times a décidé de ne plus publier de dessins de presse ; je rappelle que c'est un dessin de presse qui a valu à douze journalistes de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, de tomber sous les balles de terroristes islamistes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Derrière la volonté d'endiguer ces flots insensés de violences qui déferlent sur la toile se cache la liberté d'expression. Or celle-ci doit être protégée, respectée.

Je citerai pour conclure Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro : « Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, [...] ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. David Assouline .  - Le sujet a été posé avec talent par ceux qui m'ont précédé. Il est contraire à la démocratie de laisser prospérer des contenus insupportables qui portent atteinte au dialogue, au débat, à la politique !

L'intention de ce texte est à saluer ; mais il faut légiférer sans attenter à la liberté d'expression. Monsieur Retailleau, vous auriez pu appliquer votre excellent propos à la liberté de manifester, quand nous avons examiné votre loi contre les casseurs... C'était le même sujet : comment garantir la liberté de manifester tout en luttant contre ceux qui dévoient ce droit.

M. Bruno Retailleau.  - Le Conseil constitutionnel a dit non !

M. David Assouline.  - Bien entendu, mais il faut lire entre les lignes : le Conseil d'État a validé cette loi.

Un amendement que je défendrai place la loi de 1881 au-devant de ce texte, pour souligner que la presse, notamment en ligne, échappe à son périmètre. Sinon, le risque serait grand de voir les plateformes en ligne censurer préventivement des articles de presse. La presse en ligne est d'autant plus sensible qu'elle offre des espaces de contributions qui pourraient apparaître comme des opinions, mais qui sont couvertes par la loi de 1881.

Une des premières choses à affirmer, c'est la protection de la presse.

M. Cédric O, secrétaire d'État .  - Merci au rapporteur de son travail constructif sur ce texte, dont nous partageons les objectifs.

La multiplication d'épisodes parfois tragiques de harcèlement rendait la législation urgente. L'argument de l'étude d'impact a peu de portée : un gouvernement sait toujours se soustraire à ses contraintes. Un projet de loi aurait été préférable, mais ce texte convient, compte tenu de l'urgence.

Sur le fond, plusieurs intervenants ont reproché à ce texte de faire exercer la censure par les plateformes en ligne. Mais elles peuvent déjà le faire, sans que l'État y ait quoi que ce soit à redire, puisqu'elles sont régies par le droit privé ! L'exemple de L'Origine du monde le montre. Facebook aurait le droit d'afficher ses opinions politiques et de censurer les contenus qui ne lui conviendraient pas, sans que nous puissions intervenir.

C'est bien l'objet de ce texte que de constituer un domaine, la haine en ligne, où elles ne peuvent pas faire ce qu'elles veulent.

Dans les 24 heures qui ont suivi la tuerie de Christchurch, Facebook a supprimé 1,5 million de publications de la vidéo du massacre. Il est impossible d'en venir à bout et la justice serait bien incapable d'y parvenir.

Concernant la sanction pénale, le droit applicable est celui de la LCEN, où la menace d'une sanction pénale y figure. Ici, nous n'introduisons pas de sanction pénale : la vraie nouveauté de ce texte est l'obligation de moyens, sous peine d'une amende de 4 % du chiffre d'affaires. La sanction pénale est déjà dans le droit en vigueur.

Monsieur Ouzoulias, nous avons considéré que l'analyse du Conseil d'État était juridique, ce n'est pas votre sentiment. Les manipulations d'informations ne sont pas l'objet de ce débat.

L'interopérabilité est un moyen de toucher les plateformes dans leur modèle d'affaires. Mais elle pose un problème de principe.

M. Pierre Ouzoulias.  - L'Europe !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Non ! Mais vous proposez que Twitter soit rendu interopérable avec d'autres réseaux sociaux. En d'autres termes, vous voulez fluidifier le marché ! C'est une approche assez libérale... Pour un communiste, c'est intéressant. (Sourires)

Le rôle de l'État n'est pas de fluidifier le marché, mais de régler le problème sur la plateforme où il se pose.

L'articulation avec les dispositifs européens a été abordée. Pour le Gouvernement, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur la dignité humaine épargne à ce texte le risque d'inconventionnalité au regard de la directive e-commerce.

Si nous nous en remettons au droit européen pour en finir avec le racisme, les injures, l'antisémitisme, nous avons un problème. Si un citoyen français se fait menacer de mort sur un site hébergé à Malte, la loi maltaise doit-elle être la seule applicable ?

La question de la haine en ligne, en outre, doit être réglée dès à présent. Une directive européenne prendra du temps : en attendant, protégeons les Français.

Monsieur Retailleau, votre plaidoyer pour les libertés publiques serait audible si le seul amendement de votre groupe ne laissait le soin aux plateformes de supprimer des comptes sur la base d'un « faisceau d'indices ». Vous les laissez seuls juges des comptes à conserver ou à supprimer. Le débat promet d'être intéressant.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je partage vos préoccupations sur l'équilibre entre la lutte contre la haine et la liberté d'expression. Nos divergences portent sur les moyens.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la liberté d'expression est très forte, sur la base de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme. Le Conseil constitutionnel en fait l'une des conditions de la démocratie et « l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ».

Ce texte n'est aucunement liberticide. D'abord, les propos haineux sont très clairement définis : nous avons repris les dispositions de la LCEN où ils sont énumérés limitativement.

La lutte contre la haine voit son efficacité garantie par la création d'un parquet spécialisé et de mesures administratives et pénales. Le juge interviendra sur le fondement de propos « manifestement illicites ». Il garantit, par son rôle, la protection des libertés. La jurisprudence du Conseil constitutionnel donne un cadre très précis. Ce texte me semble donc équilibré et non disproportionné ni liberticide.

J'étais au dernier conseil des ministres européens « Justice et affaires intérieures ». La lutte contre les propos haineux est un sujet récurrent. Cependant, les positions des pays européens divergent et nous ne pouvons pas attendre la fin des discussions sur une initiative que la Commission souhaite prendre mais qui suscite l'opposition de certains pays, car ces débats pourraient prendre deux ans. C'est ce qu'a déjà fait l'Allemagne qui pourrait être avec la France à l'initiative de textes inspirant l'Union européenne. La loi allemande montre que les sanctions pécuniaires sont puissantes.

Comment soutenir que le droit pénal est inabouti tout en supprimant l'article premier ? Au contraire, notre système pénal est justement proportionné.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi ne s'applique pas à la presse, au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

M. David Assouline.  - J'ai défendu l'amendement. J'entends par avance les objections : cela va de soi que la loi de 1881 prévaut. Pourquoi alors ne pas l'affirmer d'emblée ? Les débats ont eu lieu : les plateformes doivent censurer d'elles-mêmes les contenus de presse haineux.

Puisque chacun, ici, souhaite développer la prévention, inscrivons dans le texte la prééminence de la loi sur la presse de 1881. Cela rassurerait la presse en ligne, qui est très inquiète. Dans notre pays, la liberté d'expression est traditionnellement régie par la loi de 1881.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Le régime de responsabilités des éditeurs en ligne n'est pas modifié par la proposition de loi. Votre amendement ne serait pas opérant. La LCEN ne mentionne pas la presse, mais les éditeurs et les hébergeurs. Votre amendement est d'appel et devrait donner l'occasion au Gouvernement de vous rassurer. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Un traitement spécifique accordé aux entreprises de presse soulèverait des problèmes juridiques au regard du principe d'égalité.

Il serait difficilement justifiable de traiter différemment un même contenu haineux, selon qu'il est tenu par un journaliste ou quelqu'un d'autre. En outre, la déontologie limite la diffusion de contenus haineux par la presse.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Ce que vous venez de dire est très préoccupant. La loi de 1881 organise de manière structurée les poursuites devant une juridiction pénale en cas de propos injurieux ou haineux, avec des délais qui sont raccourcis en période électorale.

La garde des Sceaux nous dit que l'application du texte permettrait en 24 heures, sans intervention du juge, qu'une plateforme privée décide de retirer de tels propos. Le retrait en droit de la presse est rarissime, voire inexistant. Il faut qu'il y ait atteinte grave à la vie privée.

Je m'attendais à ce que vous indiquiez tout simplement que la loi spéciale de 1881 prévalait sur la loi générale. Ce n'est pas ce que vous avez dit. Considérons-nous donc que les dispositions que nous votons s'appliquent à la presse ? Pour nous, c'est non.

M. David Assouline.  - Quel coup de théâtre ! Je m'attendais à ce que la ministre dise que mon amendement était satisfait et que la loi de 1881 supplantait tout. Or la ministre nous dit que la presse entre dans le champ du texte. Elle me donne donc bien raison, même si je coupe les cheveux en quatre... (Mouvements à droite)

Certaines plateformes ont déjà censuré des articles de presse car elles n'ont pas évalué la valeur de la contextualisation des propos haineux rapportés. Loin de propager des contenus haineux, ces articles les dénonçaient, mais les algorithmes n'y ont vu que du feu.

Ce débat n'a rien d'anodin. Le problème existe bel et bien, qui donnera lieu à recours et contentieux.

M. Jean-Yves Leconte.  - Plusieurs de nos collègues ont réaffirmé leur attachement à la loi de 1881 qui a construit notre liberté d'expression. Et voilà que l'on nous dit que ce texte la supplantera ! C'est pour le moins choquant.

Mieux aurait valu s'interroger pour adapter la révolution numérique aux principes de la loi de 1881. Cette révolution percute la pratique démocratique.

La liberté de la presse consiste à donner une responsabilité à ceux qui écrivent et publient : c'est sur ce principe que nous devons construire la révolution numérique.

Sinon, nous fabriquerons des non-citoyens et détruirons la démocratie.

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai cet amendement. J'ai pratiqué le droit de la presse. Que ce soit en termes de poursuites ou de délai d'action, sur les questions de retrait ou de qualification, la loi de 1881 est incontournable. On ne peut pas comparer le droit de la presse et la proposition de loi d'aujourd'hui. La loi de 1881 fixe des définitions très précises quand ce texte reste vague. Comment ces deux textes vont-ils se superposer ?

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous avons besoin d'une clarification. Si ce texte concerne aussi la presse, notre travail de législateur n'est plus du tout le même. J'ai lu très attentivement le projet, au Sénat, car on sait bien lire, monsieur le ministre, c'est même notre valeur ajoutée dans le bicaméralisme. (Sourires) Or il m'a semblé que ce texte ne concerne pas la presse, mais seulement les hébergeurs, au sens de la directive e-commerce. Dites-nous pourquoi tout d'un coup vous l'élargissez à l'ensemble de la presse et assumez-le !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Ce texte concerne les grands opérateurs de plateformes en ligne, pas la loi de 1881. Il n'est pas possible de mettre à la charge des opérateurs des obligations différentes selon qu'il s'agit d'un journaliste ou d'une personne privée.

M. Franck Montaugé.  - Vous ne répondez pas à la question de la presse en ligne. Nous souhaiterions que vous nous rassuriez précisément sur ce sujet.

L'amendement n°40 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. René Danesi .  - Cette proposition de loi s'inscrit dans le droit fil de l'inflation législative. À chaque événement sa loi. La loi de 2004 sur la confiance dans l'économie numérique, et surtout l'inoxydable loi de 1881 sur la liberté de la presse - dont les associations militantes font un usage immodéré devant la justice - suffisaient, preuve que le monde ancien protège la liberté d'expression et réprime les abus. Mais sélectionner les haines, c'est retomber dans les travers de la loi du 21 janvier 2001 sur la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité, qui se focalise, au sein des traites des noirs, sur la traite transatlantique, en oubliant celle des pays arabo-musulmans, plus longue et plus importante en nombre.

On peut craindre de même que l'on va énumérer des haines et des peurs à tour de bras, en singeant la lèpre populiste, en se concentrant sur celles qui visent les minorités ethniques, sexuelles et religieuses, et en négligeant les haines ordinaires, contre la majorité et les individus.

M. Franck Montaugé .  - Deux cultures s'affrontent, d'une part celle des USA et de la reconnaissance de la Freedom of speech instituée par le premier amendement de la Constitution des États-Unis qui fait foi dans le règlement des grandes entreprises qui ont conquis le monde d'internet ; d'autre part la liberté d'expression de notre culture française, voire européenne.

Ce texte doit nous faire progresser dans la liberté d'expression républicaine. Je souhaite que l'amendement équilibré que présentera Mme de la Gontrie reçoive votre assentiment.

La commission sur la souveraineté numérique avait préconisé des pistes intéressantes pour soumettre nos algorithmes à une logique plus humaniste. Ne soyons pas naïfs : l'affrontement est culturel. Saisissons-nous de ce texte pour progresser vers la liberté.

M. Jean-Yves Leconte .  - Des dispositions existent déjà pour sanctionner des propos haineux. Il n'y a pas forcément besoin de changer la loi. Plutôt que de remettre en cause la loi de 1881, inspirons-nous de ses principes. Avant d'interdire, demandons-nous si nous pouvons interdire. Les techniques vont toujours plus vite que la loi. L'imagination humaine dépassera toujours celle des algorithmes. L'extraterritorialité est prégnante.

Ce texte fait peser une menace sur notre crédibilité de législateur. Posons-nous la question de l'applicabilité des mesures que nous prenons.

M. David Assouline .  - Rappelons le contexte : une loi votée unanimement au Sénat et à l'Assemblée nationale, puis promulguée, obligeant les Gafam à payer la production journalistique qu'ils utilisent, est bel et bien bafouée par ceux à qui elle s'applique. Et on voudrait leur confier le soin de réguler, de réprimer, de censurer, de retirer les contenus haineux ? Il faut agir tout de même ! Je regrette la décision de la commission de supprimer complètement l'article premier, ce qui nous retire une possibilité d'agir.

L'amendement n°41 de Mme de la Gontrie fait primer le juge et la procédure contradictoire.

Comment ceux qui ont dit qu'ils ne paieront pas la production de presse qu'ils utilisent pourraient-ils avoir le pouvoir de censurer des contenus de presse ?

L'amendement n°19 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Daudigny.

Rédiger ainsi cet article :

La loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifiée :

1° Après l'article 6-1, il est inséré un article 6-2 ainsi rédigé :

 « Art. 6-2.  -  I.  -  Sans préjudice des dispositions du 2 du I de l'article 6 de la présente loi, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics ou sur le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus proposes ou mis en ligne par des tiers et dont l'activité sur le territoire français dépasse des seuils déterminés par décret sont tenus, au regard de l'intérêt général attaché au respect de la dignité humaine, à la lutte contre les contenus publiés sur internet faisant l'apologie des crimes contre l'humanité, provoquant à la commission d'actes de terrorisme, faisant l'apologie de tels actes ou comportant une incitation à la haine, à la violence, à la discrimination ou une injure envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l'origine, d'une prétendue race, de la religion, de l'ethnie, de la nationalité, du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre ou du handicap, vrais ou supposés, ainsi qu'à la lutte contre la vente, l'acquisition et l'importation à distance de produits du tabac manufacturé, de retirer ou de rendre inaccessible, dans un délai de vingt-quatre heures après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu contrevenant manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la présente loi, aux troisième et quatrième alinéas de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et à l'article 568 ter du code général des impôts ou de faire cesser, dans le même délai, le référencement de ce contenu.

« Dans le cas où un contenu mentionné au premier alinéa du présent I a fait l'objet d'un retrait, les opérateurs substituent au contenu un message indiquant qu'il a été retiré.

« Les contenus illicites supprimés doivent être conservés pendant une durée maximale d'un an pour les besoins de recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et seulement afin de mettre des informations à la disposition de l'autorité judiciaire.

« Le fait de ne pas respecter l'obligation définie au premier alinéa du I du présent article est puni des peines prévues au 1 du VI de l'article 6 de la présente loi.

« Toute association mentionnée aux articles 48-1 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée peut, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles prévues aux mêmes articles 48-1 à 48-6, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit mentionné à l'avant-dernier alinéa du I du présent article lorsque ce délit porte sur un contenu qui constitue une infraction pour laquelle l'association peut exercer les mêmes droits. »

2° Au troisième alinéa du 7 du I de l'article 6, les mots : « ou identité sexuelle » sont remplacés par les mots : « sexuelle, de leur identité de genre ».

M. Yves Daudigny.  - Les produits du tabac vendus à distance soulèvent des enjeux de santé publique quand ils sont contrefaits ou vendus à des mineurs dont l'âge est difficilement vérifiable sur internet. L'interdiction de vente de tabac en ligne étant absolue, elle ne requiert aucune appréciation de sa licéité de la part des opérateurs de plateformes en ligne. Le retrait de ce type de contenu ne risque de porter atteinte ni à la liberté d'expression ni au commerce en ligne licite. Par conséquent, cet amendement visant l'obligation de retirer ou de rendre inaccessibles sous 24 heures après notification certains contenus manifestement illégaux devrait être appliqué aux infractions de vente et d'achat à distance de produits du tabac manufacturé.

Certes, ce n'est pas l'objet principal de ce texte, ce combat doit être mené en toutes circonstances et dans tous les véhicules législatifs.

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article 6-1 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, il est inséré un article 6-2 ainsi rédigé :

« Art. 6-2.  -  I.  -  Sans préjudice des dispositions du 2 du I de l'article 6 de la présente loi, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics, proposés ou mis en ligne par des tiers et dont l'activité sur le territoire français dépasse des seuils déterminés par décret sont tenus, au regard de l'intérêt général attaché au respect de la dignité humaine, de retirer ou de rendre inaccessible, dans un délai de vingt-quatre heures après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu qui contrevient manifestement aux infractions mentionnées aux cinquième, septième et huitième alinéas de l'article 24, à l'article 24 bis et aux troisième et quatrième alinéas de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et aux articles 227-23, 227-24 et 421-5 du code pénal.

« Les opérateurs mentionnés au 1° du I du de l'article L. 111-7 du code de la consommation dont l'activité repose sur le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers sont tenus, dans le même délai après notification, de retirer ces mêmes contenus de la page de résultats de recherche qu'ils renvoient en réponse à une requête.

« Le délai de vingt-quatre heures mentionné au premier alinéa du présent I court à compter de la réception par l'opérateur d'une notification comprenant les éléments mentionnés aux deuxième à cinquième alinéas du 5 du I de l'article 6 de la présente loi.

« Dans le cas où un contenu mentionné au premier alinéa du présent I a fait l'objet d'un retrait, les opérateurs substituent au contenu un message indiquant qu'il a été retiré.

« Les contenus retirés au titre du même premier alinéa doivent être conservés pendant la durée de prescription de l'action publique pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, à la seule fin de mettre ces informations à la disposition de l'autorité judiciaire.

« II.  -  Le fait de ne pas respecter l'obligation définie aux premier et deuxième alinéa du I du présent article est puni des peines prévues au 1 du VI de l'article 6 de la présente loi.

« Toute association mentionnée aux articles 48-1 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée peut, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles prévues aux mêmes articles 48-1 à 48-6, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit mentionné au présent II lorsque ce délit porte sur un contenu qui constitue une infraction pour laquelle l'association peut exercer les mêmes droits. 

« III.  -  Le fait, pour toute personne, de présenter aux opérateurs mentionnés au premier alinéa du I du présent article un contenu ou une activité comme étant illicite au sens du même I dans le but d'en obtenir le retrait ou d'en faire cesser la diffusion, alors qu'elle sait cette information inexacte, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Internet est un formidable espace de liberté mais des abus très inquiétants peuvent s'y développer.

Le Gouvernement propose de réintroduire l'obligation applicable aux moteurs de recherche. Il est primordial que les contenus illicites qui sont retirés soient conservés par les opérateurs.

Les seuls contenus retirés doivent être manifestement illicites, c'est-à-dire constituant un délit. Le non retrait sera puni d'un an d'emprisonnement et 25 000 euros d'amende.

Les personnes morales seront soumises à une sanction de 1,250 million d'euros d'amende et à une interdiction d'exercer pendant cinq ans.

C'est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, contrairement à ce qui a été soutenu. L'illicéité, j'insiste, doit être manifeste. La France n'est pas la seule à prévoir un tel mécanisme. L'Allemagne l'a fait dans sa loi de 2017. Le débat sur la sur-censure a aussi eu lieu dans ce pays. Mais depuis l'entrée en vigueur de la loi outre-Rhin, on a pu constater que la crainte était infondée. Le taux de retrait des contenus signalés n'est que de 27,13 % sur YouTube et de 17,7 % sur Twitter.

Le Gouvernement propose certains aménagements dans le champ de l'article : sur les contenus visés, et afin de répondre au mieux à l'exigence de ciblage des infractions, nous proposons d'exclure du champ des contenus les sujets liés à la traite des êtres humains, ainsi que ceux liés au délit de proxénétisme ou à celui de harcèlement sexuel.

Avis défavorable à l'amendement n°25, car le champ d'infraction retenu dépasse largement l'objet du texte.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'amendement n°25 me pose des difficultés. J'ai du mal à mettre sur le même plan vente illicite de cigarettes et apologie de crime contre l'humanité...

En outre, l'amendement est déjà satisfait par la législation actuelle. Retrait ou avis défavorable. L'amendement n°51 rétablit la rédaction de l'Assemblée nationale. Malgré quelques améliorations, nous notons toujours qu'il y a obligation de résultat, dans un délai de 24 heures, ce qui constitue un déséquilibre au détriment de la liberté d'expression.

Des représentants du parquet ont regretté un droit pénal purement expressif.

En outre, il y aura un problème d'imputabilité et de caractérisation de l'intentionnalité. Le délai couperet de 24 heures empêche de prioriser les contenus à supprimer.

Cet amendement viole en outre plusieurs éléments du droit européen. Avis défavorable.

L'amendement n°25 est retiré.

L'amendement n°51 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

I.  -  Après l'alinéa 2

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Après le même troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« À ce titre, après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu dont il apparaît qu'il contrevient manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du présent 7 doit faire l'objet dans les vingt-quatre heure d'un retrait ou doit être rendu inaccessible à titre provisoire. Ce retrait reste en vigueur jusqu'à sa validation par le tribunal de grande instance statuant en référé saisi par les personnes mentionnées au 1 et 2. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à 48 heures à compter de la saisine. En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à 48 heures à compter de la saisine.

« Le fait de ne pas respecter l'obligation définie à l'alinéa précédent est puni des peines prévues au I du VI. » ;

...° Au début du quatrième alinéa, les mots : « À ce titre, elles doivent » sont remplacés par les mots : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 doivent également » ;

II.  -  Alinéa 6

Après le mot :

précitée

insérer les mots :

le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « sixième » et

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet article a soulevé toutes les controverses. Il oblige les plateformes à retirer les contenus en 24 heures. Étant donné la sanction extrêmement lourde, les plateformes vont préférer retirer des contenus plutôt que de prendre un risque. Or ces contenus peuvent être de presse.

Quel est le rôle du juge dans ce contexte ?

Cet amendement instaure une obligation de retrait en 24 heures, à titre provisoire, d'un contenu haineux qui serait manifestement illicite sous peine de sanctions pénales, jusqu'à sa validation par le tribunal de grande instance statuant en référé.

Le juge judiciaire doit évaluer si le retrait a été pertinent ou non. Nous tenons à un juste équilibre entre lutte contre les contenus haineux et liberté d'expression.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement introduit un référé confirmation.

Je partage les arguments de principe des auteurs de l'amendement mais je ne suis pas convaincu par le mécanisme choisi.

Le rôle du juge assure traditionnellement un équilibre délicat entre la liberté reconnue aux personnes et la protection des droits d'autrui. C'est pourquoi la commission des lois a rejeté la rédaction initiale de la proposition de loi qui s'appuyait sur les seules plateformes en lieu et place d'un juge ; c'est aussi une question de souveraineté numérique, mais votre mécanisme n'est pas opérationnel. Nos juridictions seraient engorgées au-delà du raisonnable. Tout reposerait sur la plateforme et non sur l'auteur du signalement.

Retrait. Votre volonté peut être satisfaite par des amendements à l'article 2 qui prévoient non pas un délai de 24 heures pour tous les contenus, mais fixe un objectif moyen de 24 heures, bref une obligation de moyens plutôt qu'une obligation de résultat.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je rejoins assez volontiers le raisonnement de Mme de la Gontrie mais il serait très difficile d'instaurer une automaticité de saisine du juge des référés. Votre amendement est en outre satisfait, car les auteurs de contenus bénéficient déjà de la possibilité de saisir un juge des référés pour faire republier un contenu. Il n'y a simplement pas de caractère d'automaticité.

L'amendement est donc satisfait. Retrait ou avis défavorable.

M. David Assouline.  - Légiférer dans la précipitation empêche de faire des pas les uns vers les autres. Quels moyens le CSA aura-t-il pour mener à bien ses nouvelles missions ? Vous nous dites déjà que la justice est démunie. Mme de la Gontrie propose un premier pas vers une solution de bon sens.

Entre le rapporteur qui veut supprimer l'article premier et la ministre qui veut tout rétablir, choisissons le compromis de Mme de la Gontrie.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Le rapporteur dit que la justice ne peut pas faire face à de trop nombreux retraits et la garde des Sceaux dit que l'amendement est satisfait. Il faudrait savoir.

Je propose que le retrait ne soit que temporaire. Agir a priori est plus protecteur du droit qu'a posteriori. Cet amendement propose un point d'équilibre.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gabouty, Mme Guillotin, MM. Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Requier et Roux.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

en raison de son caractère illicite

M. Jean-Pierre Corbisez.  - La proposition de loi prévoit de remplacer un contenu supprimé par un message indiquant cette suppression. Ce n'est pas suffisant. Il faut préciser que le contenu a été supprimé parce qu'il est illicite.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement, corrigé à la demande de la commission.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. L'amendement manque de précision.

L'amendement n°27 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville et Wattebled.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les contenus illicites retirés ou rendus inaccessibles à la suite d'une notification doivent être conservés par les personnes mentionnées au même 2 pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, à la seule fin de les mettre à la disposition de l'autorité judiciaire. Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, définit la durée et les modalités de leur conservation. »

M. Claude Malhuret.  - Dans la rédaction actuelle du texte, les contenus faisant l'objet d'une notification au sens de la LCEN, et qui ont été rendus inaccessibles par un hébergeur, peuvent être conservés par lui pour les besoins de la justice. C'est une simple faculté. Or leur conservation est l'un des meilleurs moyens de preuve qui permettra au juge d'apprécier et de qualifier les faits et les circonstances. La simple faculté de conservation offerte aux hébergeurs ne garantit pas que toutes les infractions pourront être poursuivies.

Il convient de rendre cette conservation obligatoire pour les besoins de la justice afin que les infractions constituées puissent être effectivement poursuivies et sanctionnées.

Le rapporteur m'a suggéré une précision sur les contenus illicites retirés ou rendus inaccessibles, que j'ai acceptée. Mais tous les contenus, illicites ou non, doivent être conservés pour que la justice puisse sanctionner les retraits abusifs.

M. le président.  - Sous-amendement n°64 à l'amendement n°12 rectifié de M. Malhuret, présenté par le Gouvernement.

Amendement n°12, alinéa 3

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, pendant la durée de prescription de l'action publique

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Gouvernement est sensible à la nécessité de prévoir une durée de conservation suffisante des contenus retirés pour les besoins des enquêtes. Nous souhaitons que le délai de conservation des contenus corresponde à la durée de la prescription de l'action publique.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié sexies, présenté par Mmes N. Goulet, Férat, Dindar, Kauffmann et Billon, MM. Henno et Le Nay, Mme Vérien, MM. Guerriau, Mizzon, Menonville, Rapin et Louault, Mmes C. Fournier et Vermeillet, MM. Lefèvre, Moga et Chasseing, Mme Lassarade, MM. Lévrier et Decool, Mme Duranton, M. Janssens et Mme N. Delattre.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

peuvent être

par le mot :

sont

Mme Annick Billon.  - L'amendement se justifie de lui-même. C'est un remplacement de mots.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié sexies, présenté par Mmes N. Goulet et Vermeillet, MM. Guerriau, Henno, Louault et Lefèvre, Mmes Kauffmann et Vérien, MM. Le Nay, Bonnecarrère, Mizzon, Menonville et Rapin, Mmes Dindar, Férat et C. Fournier, MM. Danesi et Moga, Mme Billon, MM. Chasseing et Détraigne, Mme Lassarade, MM. Karoutchi et Decool, Mme Duranton, M. Janssens et Mme N. Delattre.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

d'un an

par les mots :

de trois ans

Mme Annick Billon.  - Compte tenu des délais de procédure, sur plainte avec constitution de partie civile, ou sur citation directe, le délai prévu d'un an est trop court.

Aucune poursuite n'est jugée en première instance avant un délai minimal de dix-huit mois compte tenu de la surcharge des tribunaux. Il faut en plus considérer les délais de recours. Il est donc indispensable que les contenus haineux soient conservés plus longtemps.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié quater, présenté par Mme N. Goulet, M. Bonnecarrère, Mme Férat, MM. Henno, Janssens, Louault, Lefèvre et Détraigne, Mmes A.M. Bertrand et Kauffmann, MM. Guerriau et Decool et Mme N. Delattre.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À cette fin, les personnes mentionnées à l'article 2 ouvrent un coffre-fort numérique dans des conditions fixées par décret, aux fins de conservation des contenus illicites retirés, conformément aux dispositions prévues par la norme AFNOR Z42-013, sur les normes d'archivage et la norme AFNOR Z42-020 sur la conservation des données dans le temps. »

M. Philippe Bonnecarrère.  - La commission des lois a prévu de donner un avis favorable à l'amendement de M. Malhuret qui inclut cet amendement n°9 rectifié quater.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Il s'agit de parvenir à un équilibre délicat entre facilité des enquêtes et obligations faites aux plateformes. Les plateformes parfois trop rapides à retirer les contenus empêchaient les enquêteurs de Pharos, que nous avons entendus, d'y accéder.

J'attire toutefois votre attention sur les bases de données de contenus haineux que les hébergeurs pourraient constituer.

Les auteurs des différents amendements proposent des mécanismes différents. Je préfère celui de M. Malhuret.

Avis favorable à l'amendement n°12 rectifié bis.

Retrait des amendements nos7 rectifié sexies, 1 rectifié sexies et 9 rectifié quater.

À titre personnel, avis très défavorable au sous-amendement n°64 car le délai est flou et potentiellement trop long.

M. David Assouline.  - L'amendement n°12 rectifié bis est intéressant à double titre : pas seulement pour stocker d'éventuelles preuves, mais aussi parce que la conservation des contenus permettra d'agir en cas de retrait abusif. On évite l'écueil de la destruction pure et simple d'un contenu, sur lequel l'ordre des avocats nous a alertés.

Monsieur le rapporteur, pourquoi une telle hostilité au sous-amendement du Gouvernement ? Il faut bien fixer un délai. La précision me semble bienvenue.

M. Jean-Pierre Corbisez.  - L'amendement n°12 rectifié bis est effectivement intéressant. Pour que la victime puisse déposer plainte, il faut que les propos haineux soient constatés par un huissier. S'ils ont disparu, c'est impossible.

Les amendements nos7 rectifié sexies, 1 rectifié sexies et 9 rectifié quater sont retirés.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - L'amendement n°12 rectifié bis a le mérite de renvoyer à un décret en Conseil d'État et à l'avis de la CNIL.

Pour avoir fait pas mal de droit, je préfère un décret qui fixera un délai précis plutôt qu'une référence à la durée de prescription de l'action publique, qui entrainera des computations hasardeuses. Je suis donc opposée au sous-amendement du Gouvernement.

Le sous-amendement n°64 n'est pas adopté.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Sagesse sur l'amendement n°12 rectifié bis.

L'amendement n°12 rectifié bis est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « demander à toute personne mentionnée au III de l'article 6 de la présente loi ou aux personnes mentionnées au 2 du I du même article 6 de retirer » sont remplacés par les mots : « notifier dans les conditions prévues au 5 du I de l'article 6 à toute personne mentionnée au III ou au 2 du I du même article » ;

b) Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées : « Les personnes mentionnées au 2 du I et au III du même article accusent réception sans délai de la notification. Elles doivent retirer ou rendre inaccessibles ces contenus dans un délai d'une heure après cette notification. Elles informent dans le même délai l'autorité administrative des suites données. » ;

2° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :

a) Les mots : « dans un délai de vingt-quatre heures » sont remplacés par les mots : « ou de mesures les rendant inaccessibles dans ce délai » ;

b) Les mots : « au même 1 » sont remplacés par les mots : « au 1 du I de l'article 6 ».

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Cet amendement assure la coordination avec le droit européen en précisant que les contenus à caractère terroriste doivent être retirés en une heure en cas de notification par les autorités.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Ce n'est pas un simple amendement de coordination - il durcit considérablement le régime administratif du retrait des contenus à caractère terroriste ou pédopornographique en une heure. Cet amendement s'inspire du règlement européen en cours d'élaboration, qui prévoit des peines d'un an de prison et de 250 000 euros d'amende, quintuplés pour les personnes morales.

C'est une mauvaise manière que nous fait le Gouvernement en présentant cet amendement la veille de l'examen du texte en séance, sans étude d'impact, sans nous laisser le temps d'interroger les services sur ce qui justifie une telle extension de leurs pouvoirs.

En l'état du droit, l'administration peut procéder au blocage des sites terroristes ou pédopornographiques en absence de réponse dans les 24 heures, sans contrôle préalable du juge, ce que le Conseil d'État a accepté au vu du caractère d'évidence.

L'amendement n°53 fait peser la charge du blocage administratif sur les éditeurs et les hébergeurs en une heure, et non 24 heures, quelle que soit leur taille. Tous n'ont pas matériellement les moyens de répondre dans un délai aussi court.

Le projet de règlement européen fait encore débat et la commission des lois préfère attendre. Le dispositif proposé ne prévoit aucun cas d'exonération de responsabilité ou d'erreur de l'administration, ni de conservation des contenus... Avis défavorable.

L'amendement n°53 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par MM. Grand, Pellevat et Reichardt, Mme Thomas, MM. Lefèvre et Regnard, Mme Morhet-Richaud, M. Bonhomme, Mme Lherbier, M. de Nicolaÿ et Mme Bories.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du IV de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots : « ou les outrages » sont remplacés par les mots : « , les outrages ou la diffusion de contenus haineux sur internet ».

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - La collectivité publique est tenue de protéger son fonctionnaire contre les atteintes dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée.

Cet amendement élargit cette protection aux agents publics lorsqu'ils sont victimes de diffusion de contenus haineux sur internet. En effet, à l'occasion des manifestations des gilets jaunes, des policiers ont vu leur image et leur identité diffusées sur les réseaux sociaux, accompagnées d'appel à la violence. À ce jour, aucun n'a bénéficié de mesure de protection et les contenus sont toujours en ligne.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'état du droit satisfait déjà l'intention. Les agents sont protégés contre le harcèlement, les menaces, les injures, même quand il y a une dimension discriminatoire ou haineuse. Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage le souci de protéger les policiers qui sont devenus des cibles comme on l'a vu dernièrement.

L'amendement est toutefois satisfait par le droit existant. Reste à faire en sorte que la justice fonctionne. La meilleure manière de limiter la diffusion des contenus haineux, c'est la peur du gendarme, et le risque réel de se retrouver devant le juge. La justice doit s'adapter à la viralité de ces contenus, ce qui n'est pas encore le cas. La garde des sceaux y travaille avec notamment un dispositif de dépôt de plainte en ligne, mais aussi le futur parquet numérique. Il faut enfin améliorer la formation des policiers, pour que les victimes qui se présentent au commissariat soient mieux reçues.

L'amendement n°22 rectifié est retiré.

L'article premier bis demeure supprimé.

ARTICLE PREMIER TER A

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, au premier alinéa de l'article 24 bis et aux troisième et quatrième alinéas de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Amendement de coordination.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - C'en est un effectivement, mais il n'est plus nécessaire après le rejet de l'amendement du Gouvernement à l'article premier. Retrait.

L'amendement n°52 est retiré.

L'article premier ter A est adopté.

ARTICLE PREMIER TER B

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu'une association mentionnée aux articles 48-1 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse notifie un contenu contrevenant manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du présent 7, les opérateurs mentionnés au premier alinéa accusent réception sans délai de la notification de l'association et l'informent des suites données à la notification ainsi que des motifs de leur décision. L'association conteste s'il y a lieu le défaut de retrait ou de déréférencement du contenu.

« Elle peut, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles prévues aux articles 48-1 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit mentionné au dernier alinéa du présent 7 lorsque ce délit porte sur un contenu qui constitue une infraction pour laquelle l'association peut exercer les mêmes droits.

Mme Sylvie Robert.  - Nous proposons de donner un fondement législatif aux associations qui proposent de servir d'interface aux victimes de contenus haineux. On faciliterait ainsi leur action. Il serait opportun de créer un label de « signaleur de confiance », afin que les plateformes prennent en considération leurs signalements.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement n'a plus lieu d'être, puisque la commission a supprimé le délit de non-retrait des contenus haineux - même si l'action des associations, pour dénoncer et poursuivre les délits que constituent certains messages haineux, reste importante. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°42 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

Lorsqu'une association 

insérer les mots :

reconnue d'utilité publique

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Afin, d'une part, de s'assurer de la qualité de la prise en charge des mineurs dans le cadre des signalements aux plateformes pour les faits dont ils sont victimes et, d'autre part, de prévenir tout risque de sur-notification, il convient de réserver aux seules associations reconnues d'utilité publique la possibilité de signaler un contenu haineux contre un mineur.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°60 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié sexies, présenté par Mmes N. Goulet et Vérien, MM. Le Nay, Guerriau, Henno, Bonnecarrère, Mizzon, Menonville et Rapin, Mmes Dindar et Férat, M. Louault, Mme Vermeillet, MM. Lefèvre, Danesi et Détraigne, Mme Billon, M. Chasseing, Mmes Kauffmann et Lassarade, MM. Decool et Janssens et Mme N. Delattre.

Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

dans le cadre de leur usage des plateformes en ligne

Mme Annick Billon.  - De très nombreuses associations travaillent dans le secteur de la protection de l'enfance, et ont acquis une sérieuse expérience : il serait dommageable de leur refuser le droit d'agir au motif que leurs statuts n'auraient pas prévu la mention de leur protection « dans le cadre de leur usage des plateformes en ligne ».

L'objet de cet amendement est d'assurer une meilleure protection des mineurs.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Je ne puis être défavorable à cette mention qui complète mon amendement précédent.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°2 rectifié sexies est adopté.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville et Wattebled.

Alinéa 2, première phrase

1° Remplacer le mot :

infractions

par les mots :

dispositions pénales

2° Remplacer les mots :

opérateurs mentionnés

par les mots :

personnes mentionnées

M. Claude Malhuret.  - Correction rédactionnelle.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis favorable à ces corrections pertinentes.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°13 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié septies, présenté par Mmes N. Goulet et Vérien, MM. Le Nay, Guerriau, Henno, Mizzon, Menonville et Rapin, Mmes Dindar, Férat et C. Fournier, M. Louault, Mme Vermeillet, MM. Lefèvre, Danesi et Détraigne, Mmes Billon et Kauffmann, M. Chasseing, Mme Lassarade, M. Karoutchi, Mme Duranton, M. Janssens et Mme N. Delattre.

Alinéa 3, dernière phrase

Remplacer les mots :

Elle assure

par les mots :

L'hébergeur assure dans des conditions fixées par décret,

Mme Annick Billon.  - On voit mal comment l'association pourrait assurer techniquement la conservation des données transmises par le mineur dans des conditions de sécurité suffisantes.

Nous proposons que cette mission soit confiée à l'hébergeur, et que les conditions de conservation fassent l'objet d'un décret.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Il y a un malentendu sur l'article. Le but de celui-ci est de donner une base légale à la conservation des données transmises par les mineurs. Car les intervenants associatifs en ont besoin pour leur action. Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°3 rectifié septies est retiré.

L'article premier ter B, modifié, est adopté.

L'article premier ter demeure supprimé.

La séance est suspendue à 19 h 55.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 1 à 3

Supprimer ces alinéas.

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement d'appel exprime mes interrogations sur le rôle du CSA dans la régulation de l'internet. Les Gafam étant monopolistiques, traiter de leur régulation revient à traiter de celle de l'internet.

Le CSA est une AAI initialement chargée d'attribuer des fréquences radio et TV en fonction de conditions d'octroi à respecter. Lui confier la régulation de l'internet est une extension de son champ qui doit être discutée, car internet est bien plus complexe et bien moins national que des fréquences audiovisuelles. La future loi de réforme audiovisuelle sera le bon cadre pour en débattre. Mais nous pourrions amorcer la discussion dès à présent.

La directive sur le e-commerce distingue les éditeurs des hébergeurs, ces derniers devant avoir une absolue neutralité de traitement des contenus. Est-ce encore le cas des Gafam ?

L'amendement identique n°58 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°16, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 2 et 3

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 6-2.  -  I.  -  Afin de favoriser le développement et l'accès aux plateformes qui protègent efficacement les victimes des contenus haineux, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation, permettent à leurs utilisateurs de migrer vers des plateformes tierces tout en continuant à communiquer avec les personnes restées sur leur propre plateforme. Ils implémentent des standards techniques d'interopérabilité entre services de communication au public en ligne, conformes à l'état de l'art, documentés, stables et qui ne peuvent être modifiés de façon unilatérale. »

M. Pierre Ouzoulias.  - Je suis très attaché à l'interopérabilité, dès lors que les Gafam sont en situation monopolistique. Les grands réseaux sociaux empêchent les utilisateurs d'emporter leurs données pour aller vers un concurrent. C'est un abus de pouvoir.

Vous m'avez accusé d'être un libéral. Je suis effectivement un fervent partisan du logiciel libre. Je défends l'interopérabilité pour des raisons éthiques, afin d'empêcher les réseaux sociaux d'exercer une censure néfaste à la liberté d'expression.

Mme la présidente.  - Amendement n°43, présenté par MM. Montaugé et Assouline, Mme de la Gontrie, M. Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

Alinéa 2

Après le mot : 

publics 

insérer les mots : 

ou sur le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers

M. Franck Montaugé.  - Cet amendement inclut les moteurs de recherche parmi les opérateurs concernés par la nouvelle régulation des plateformes, et qui seront désormais assujettis à des obligations de moyens renforcés, sous la supervision du CSA.

À l'instar des opérateurs de plateforme en ligne, les moteurs de recherche exercent un rôle d'intermédiaires actifs, ils permettent un partage de contenus d'autant plus rapide qu'ils font appel à des processus algorithmiques de hiérarchisation et d'optimisation. 

Cet ajout reprend l'une des recommandations formulées par le Conseil d'État dans son avis sur la présente proposition de loi en vue de respecter le principe constitutionnel d'égalité et celui conventionnel de non-discrimination.

L'État s'apprête à se doter de moyens pour auditer les algorithmes. Il est indispensable d'intégrer ces algorithmes dans le texte car aucune donnée n'y échappe.

Mme la présidente.  - Amendement n°57, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement attire votre attention sur les risques que votre rédaction, séduisante sur le principe, emporte du point de vue de la constitutionnalité comme de la conventionalité.

Dans un des rapports qui a servi à la rédaction du texte de loi, il était proposé que le CSA puisse s'extraire du seuil imposé par décret, s'il le jugeait nécessaire pour viser certaines plateformes plus petites qui lui paraîtraient néanmoins dangereuses. Or cela fragiliserait l'ensemble du texte, selon le Conseil d'État, consulté, ainsi que les directions juridiques de l'État.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avec les amendements nos15 et 16, plus aucun hébergeur ne serait soumis à la régulation et aux obligations de moyens sous la supervision du CSA.... Avis défavorable.

L'amendement n°43 traite d'un vrai sujet, qui mérite réflexion. La commission a estimé nécessaire d'exclure les moteurs de recherche de la régulation en raison de leur rôle bien moins déterminant que les réseaux sociaux dans la propagation virale de la haine et parce que leurs caractéristiques techniques rendent quasiment impossible de désindexer d'un moteur un seul propos haineux précis sans rendre inaccessible tout le reste d'une page, d'un journal ou d'un site pourtant licite.

La loi allemande NetzDG les exclut de son périmètre, et la proposition de loi initiale de Mme Avia ne les incluait pas. Avis défavorable.

Enfin, l'amendement n°57 supprime un dispositif de souplesse souhaité par la commission. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable à l'amendement n°43 pour les mêmes raisons que le rapporteur. Monsieur Ouzoulias, pourquoi le CSA ? Parce qu'il faut bien une AAI pour s'assurer de la régulation des plateformes. Il n'est pas souhaitable que les contenus soient supervisés par le Gouvernement...

Le CSA a une expérience sur les contenus, notamment à la télévision. Il est normal qu'il s'adapte aux usages du temps en s'étendant au numérique, même si cela représente un défi technologique, le même d'ailleurs qui se pose à l'ensemble de la puissance publique. Nous devons nous doter des compétences de professionnels capables de dialoguer avec les ingénieurs de Facebook ou Google.

Le Gouvernement estime que, dans le cadre de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, l'interopérabilité est un outil à utiliser. Mais il faut le faire au niveau européen !

Votre approche consiste à dire qu'il ne faudrait pas réguler un marché où se vendent des objets dangereux, mais plutôt créer un autre marché sur lequel se rabattre. Cela me pose un problème philosophique. Avis défavorable aux amendements nos15 et 16.

M. Franck Montaugé.  - Les moteurs de recherche et leurs algorithmes renvoient à chaque internaute l'environnement qu'il a façonné par sa navigation sur le Net. Cela justifie qu'on prenne en compte dans ce texte les moteurs de recherche.

M. Pierre Ouzoulias.  - Sur le fond, je ne suis pas opposé à une régulation par le CSA.

Mon argument consiste à appeler votre attention sur la distinction entre la manière dont le CSA régule les fréquences audiovisuelles et celle dont il devra réguler l'internet, car les deux choses sont fondamentalement différentes.

Les réseaux sociaux sont en situation monopolistique et bénéficient d'un avantage anticoncurrentiel qu'il faut réduire. D'où la nécessité de favoriser l'émergence de solutions alternatives, afin que ceux qui refusent d'aller sur les réseaux sociaux existants pour des raisons éthiques puissent transporter leurs données ailleurs. Les Gafam le refusent, pour protéger leur situation dominante.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis.  - L'amendement de M. Ouzoulias sur la portabilité des données et celui de M. Montaugé nous renvoient à la question du statut et de la responsabilité des plateformes ainsi qu'à leur toute-puissance. Chacun a le droit de vouloir quitter un système agressif pour rejoindre une plateforme éthique. Google est un acteur incontournable, puisque 99 % de la recherche passe par lui. C'est aussi un éditeur de contenus. Il faut se poser la question d'un démantèlement des oligopoles dans le but de garantir un fonctionnement démocratique et éthique de l'internet.

M. David Assouline.  - Je soutiens la régulation d'internet par le CSA. Mais finissons-en avec l'hypocrisie. Avez-vous vu une augmentation des moyens du CSA dans le dernier budget ? Et pourtant la tâche est gigantesque ! On veut aller vite, faire émerger une loi, faire des annonces rapides, et pour cela, on met la charrue avant les boeufs.

On a permis au CSA de contrôler des contenus écrits avec la loi sur les fake news ; on veut désormais lui confier la régulation des Gafam. Mais avec quels moyens ?

J'ai lu dans un article récent que Twitter finançait une petite équipe de recherche pour développer une plateforme open source, dont Twitter serait ensuite cliente. Autrement dit les géants vont eux-mêmes utiliser l'open source dans leurs stratégies de concurrence ! Penser que Google n'est pas concerné par ce mouvement serait une erreur. Ce moteur de recherche est présent dans toutes les activités du Net.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

M. Pierre Ouzoulias.  - L'Assemblée nationale discute la loi sur l'économie circulaire. Un amendement n°1112 a été voté qui permet l'interopérabilité des logiciels. Pourquoi ne pas faire la même chose au Sénat sur l'interopérabilité des plateformes ?

L'amendement n°16 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos43 et 57.

Mme la présidente.  - Amendement n°61, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 7, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ils informent leurs auteurs des sanctions qu'ils encourent en cas de notification abusive.

II.  -  Alinéa 8, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

qui leur est adressée conformément au 5 du I de l'article 6 de la présente loi.

L'amendement réactionnel n°61, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°46 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

Alinéa 8, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ils accomplissent les diligences proportionnées et nécessaires au regard de la nature du contenu et des informations dont ils disposent pour retirer ou rendre inaccessibles dans les vingt-quatre heures les contenus manifestement illicites qui leur sont notifiés.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement précise les modalités de notification d'un contenu illicite, pour plus d'efficacité.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Il inscrit expressément dans la loi la durée de 24 heures fixée comme objectif aux plateformes pour le retrait des contenus manifestement illicites.

Autant il ne me semble pas possible d'inscrire le délai de 24 heures à l'article premier comme objectif de résultat, autant, au sein des obligations de moyens, c'est une piste intéressante.

Cette rédaction semble compatible avec le droit européen, puisqu'elle ne fixe pas de délai couperet. Avis favorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement souhaitait inscrire ce délai à l'article premier et en faire un délit autonome, en tirant les conclusions de la loi pour la confiance dans l'économie numérique. Mais puisque la commission estime que l'amendement va dans la bonne direction, sagesse.

L'amendement n°46 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin, Corbisez et Gold, Mme Guillotin, MM. Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux.

I.  -  Alinéa 11, première phrase

Après le mot :

décision

insérer les mots :

avant qu'elle ne prenne effet

II.  -  Après l'alinéa 11

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« En cas d'action motivée de l'utilisateur à l'origine de la publication du contenu notifié en ce sens, la mesure de retrait ou de rendu inaccessible est automatiquement suspendue. Ils informent le notifiant de sa possibilité de saisir le juge des référés.

« Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.

« En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.

« Les actions fondées sur le présent a sont exclusivement portées devant un tribunal de grande instance et une cour d'appel déterminée par décret.

Mme Maryse Carrère.  - L'article 2 introduit une modification substantielle du droit existant, en cas de divergence sur le caractère illicite du contenu entre la plateforme et l'auteur. La censure primera sur la liberté d'expression, puisque le contenu litigieux sera supprimé ou rendu inaccessible priori. Nous n'avons pas d'étude d'impact sur cette mesure.

On sait seulement qu'en Allemagne, pour un million de notifications en un an, les plateformes allemandes n'ont supprimé que 17 % des contenus signalés. Soit les utilisateurs surnotifient, soit les plateformes sont très libérales.

Il serait plus prudent de maintenir le droit existant plutôt que de créer un système qui pourrait devenir un outil de censure puissant.

Mme la présidente.  - Amendement n°31, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 11, première phrase

Après le mot :

décision

insérer les mots :

avant qu'elle ne prenne effet

II.  -  Après l'alinéa 11

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« En cas de protestation motivée de l'utilisateur à l'origine de la publication du contenu notifié, la mesure de retrait ou de rendu inaccessible est automatiquement suspendue. Ils informent le notifiant de sa possibilité de saisir le juge des référés.

« Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.

« En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.

« Les actions fondées sur le présent a sont exclusivement portées devant un tribunal de grande instance et une cour d'appel déterminée par décret.

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement, rédigé en lien avec le Barreau de Paris, prévoit une voie de recours quand l'usager considère que ses messages ont été censurés à tort.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Ces amendements réintroduisent le juge dans le processus de retrait des contenus haineux. En l'espèce, en cas de contre-notification par l'auteur de contenus litigieux retirés, la plateforme devrait obligatoirement les rétablir, à charge pour le notifiant de saisir le juge des référés.

Même si je suis favorable sur le principe, le manque de moyens de la justice rend le délai de 48 heures laissé au juge pour statuer assez illusoire si ce contentieux se développe. J'y décèle un problème concernant l'intérêt pour agir du notifiant et un problème d'articulation avec le régime de responsabilité de la LCEN. Avis plutôt défavorable mais qu'en pense le Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Il existe déjà des voies de recours suffisantes pour les auteurs de contenus retirés. Introduire systématiquement le juge des référés dans la boucle se heurte au principe de réalité.

La vidéo de Christchurch a été republiée 1,5 million de fois en 24 heures. Avis défavorable.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je comprends l'argumentaire du rapporteur, qui est juste.

Monsieur le ministre, le Sénat vous a déjà dit lors de la discussion sur la loi de manipulation de l'information que recourir au juge des référés était une mauvaise solution. Vous le reconnaissez aujourd'hui, je vous en remercie.

L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°31.

Mme la présidente.  - Amendement n°44, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 5° bis Ils mettent en oeuvre les moyens appropriés pour empêcher la rediffusion en ligne de contenus identiques relevant des infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l'article 6. »

M. Franck Montaugé.  - Cet amendement rétablit l'obligation mise à la charge des plateformes d'empêcher la réapparition de contenus haineux illicites identiques et déjà retirés.

Le droit européen ne s'oppose pas à ce qu'un hébergeur soit enjoint de supprimer ou de bloquer des contenus identiques.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, nous proposons que les opérateurs mettent en oeuvre les moyens nécessaires pour empêcher la rediffusion en ligne des contenus illicites.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'amendement n°44 rétablirait une obligation générale d'empêcher la réapparition de contenus illicites, le notice and stay down, contraire au droit européen.

L'exception récente ménagée par la Cour de justice dans l'arrêt Facebook cité en objet ne s'applique que de façon limitée aux contenus qualifiés d'illicites par une juridiction. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Franck Montaugé.  - Mon amendement porte bien sur les contenus déjà déclarés illicites.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Ce n'est pas dans le dispositif de l'amendement.

M. David Assouline.  - Si M. Montaugé dit : « Il faut l'entendre ainsi », pourquoi ne pas choisir de sous-amender son amendement ? Travaillons ensemble plutôt que de nous limiter à un débat binaire. Si nous rectifions l'amendement, le rapporteur y sera-t-il favorable ?

L'amendement n°44 n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°56, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 9, première et seconde phrases

Remplacer les mots :

représentant légal

par les mots :

point de contact

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Cet amendement substitue à la notion de représentant légal celle plus adaptée de point de contact, pour répondre à de possibles réserves en provenance de la Commission européenne. L'obligation d'un représentant légal sur le territoire français pourrait être considérée comme une entrave injustifiée au principe de la libre prestation des services de la société de l'information dans le marché unique.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Sagesse sur l'amendement n°56 du Gouvernement, qui revient ici sur la rédaction qu'il avait lui-même introduite à l'Assemblée nationale. La consistance juridique d'un point de contact ne me semble toutefois pas très explicite.

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous revenons à la loi sur la manipulation de l'information. Vous y aviez prévu la nomination d'un représentant, dispositif qui n'a pas fonctionné. Vous en venez à présent à l'idée d'un point de contact.

Qu'est-ce qu'un point de contact ? Une paillotte dans un coin du territoire, où l'on viendrait rencontrer M. Twitter ou M. Google ? On l'a vu avec le tweet malheureux de M. Castaner : des sociétés installées à l'étranger peuvent parfaitement ne pas répondre à la convocation de la justice française. Le point de contact n'y changera rien.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Je pense que la référence à cette notion ne fera qu'ajouter une difficulté supplémentaire. Le franchissement de l'obstacle conventionnel et de l'obstacle constitutionnel est déjà suffisamment difficile, la combinaison avec le droit pénal des personnes morales suffisamment complexe, pour qu'on n'en rajoute pas. Comment les magistrats appliqueront-ils au cas d'espèce, le refus de retrait de contenus illicites, l'article 121-2 du code pénal sur la responsabilité pénale des personnes morales ?

Il aurait fallu deux lectures pour affiner la rédaction. (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Je me suis dit que le point de contact était une notion précise. Or j'ai cherché : cela n'existe pas juridiquement.

Je voterai contre l'amendement, mais je tiens surtout à souligner que l'exposé des motifs signe le naufrage de votre législation, notamment vis-à-vis de l'Union européenne, dont vous mentionnez vous-mêmes les réserves...

M. Pierre Ouzoulias.  - C'est un aveu !

M. Patrick Kanner.  - C'est un naufrage.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Fin du game, comme on dit. Cette législation ne sera jamais appliquée.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Il est vrai que le point de contact est une notion innovante. (Marques d'ironie sur diverses travées) Il me semblait que vous n'étiez pas contre l'innovation.

M. Patrick Kanner.  - Cela n'a rien à voir !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Définissez ce qu'est le point de contact !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Nous avons besoin d'intermédiaires, qui ne seraient pas pénalement responsables, mais qui nous permettraient d'avoir des discussions avec les plateformes, qui sont installées à l'étranger, à Malte ou au Luxembourg. Afin d'éviter le risque d'inconstitutionnalité, nous créons cette notion...

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Définissez-la !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - ... après discussion avec la Commission européenne.

M. Patrick Kanner.  - Vous battez en retraite avec le point de contact.

M. David Assouline.  - Créez la personnalité juridique, sécurisez juridiquement la notion de point de contact. Vous faites du bricolage. Or le Conseil constitutionnel ne bricole pas.

Les armées d'avocats des plateformes vont utiliser toutes les faiblesses de cette loi. L'intention de cette dernière est louable mais s'il est impossible de lutter contre les contenus haineux, si la loi est ridiculisée, c'est la lutte contre les contenus haineux qui reculera.

L'amendement n°56 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°23 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Babary, Bascher et Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet et Brisson, Mme Bruguière, MM. Buffet et Calvet, Mme Canayer, MM. Cardoux, Chaize, Charon, Chatillon, Courtial, Cuypers et Danesi, Mmes L. Darcos, Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Dufaut, Mmes Dumas, Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Ginesta, Gremillet, Guené et Hugonet, Mme Imbert, M. Laménie, Mmes Lamure, Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, Le Gleut et Leleux, Mmes Lherbier, Malet, M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nachbar, Nougein, Paul, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero et MM. Raison, Reichardt, Savin, Schmitz, Sido, Sol, Vial et Vogel.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Ils mettent en place les moyens nécessaires à la suppression des comptes de leurs utilisateurs ayant fait l'objet d'un nombre de notifications par plusieurs personnes faisant apparaître, au vu de ce faisceau d'indices, une contravention sérieuse aux infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la présente loi et aux troisième et quatrième alinéas de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette suppression peut être contestée par l'utilisateur dans les conditions prévues au 5° du présent article. Elle intervient sans préjudice de leurs obligations relatives à la conservation des données associées à ces comptes pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales. »

M. Antoine Lefèvre.  - Certains pays, voire certaines entreprises, abritent de véritables centrales d'où sont pilotés des groupes de faux comptes. Ces « usines à trolls » constituent une menace majeure pour la liberté d'expression et la bonne information des citoyens.

Cet amendement facilite la lutte contre les faux comptes en créant une obligation de moyens à destination des plateformes, afin que celles-ci se dotent des capacités de ciblage et de suppression des comptes soupçonnés d'être des faux. Nous proposons de retenir la technique du faisceau d'indices, qui s'applique d'ores et déjà dans le domaine des marchés publics.

Afin de ne pas porter atteinte aux équilibres du texte, ces suppressions de comptes pourraient donner lieu à des réclamations similaires à celles prévues à l'article 2 pour les suppressions de certains contenus.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis favorable, l'amendement vise les comptes uniquement dédiés à la diffusion de contenus illicites. Les plateformes sont encouragées à avoir recours à un faisceau d'indices, et notamment le nombre des notifications et des retraits.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je suis étonné de la position du rapporteur. Supprimer un compte, c'est aller loin.

Le sujet abordé par cet amendement est important. Mais si l'on a du mal à trouver une ligne de crête sur les contenus, que penser de la suppression de comptes, c'est-à-dire d'un très grand nombre de contenus ? Des utilisateurs malveillants pourraient organiser un assaut de notifications sur un compte pour le faire fermer. Le risque est très élevé. Avis défavorable.

L'amendement n°23 rectifié bis est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 3 bis est adopté.

ARTICLE 4

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis .  - Cet article pose les bases d'une régulation des acteurs du numérique par le CSA. Nous y sommes favorables et pensons que le CSA est le mieux placé pour cette mission. À aucun moment ce n'est le CSA qui juge du caractère licite ou non des contenus. Il supervise les moyens mis en oeuvre par les plateformes.

Je remercie la commission des lois d'avoir intégré les amendements de la commission de la culture.

Il faudra très vite doter le régulateur des moyens adéquats face à des plateformes sans scrupule. Aux États-Unis, la Federal Trade Commission s'intéresse de très près à la fusion Facebook, WhatsApp et Instagram et au respect des règles de concurrence. L'Europe ne doit pas être à la traîne. Les États-Unis, et les fondateurs de réseaux eux-mêmes, s'interrogent.

M. Pierre Ouzoulias .  - Dans la loi sur la manipulation de l'information, l'article 13 prévoit que les opérateurs de plateformes en ligne désigneront un représentant légal pour faciliter le travail du CSA. Si j'ai bien compris votre analyse, cet article pourrait être frappé d'inconstitutionnalité : vous ouvrez la voie à une QPC intéressante.

J'avais déposé un amendement sur l'article 4 qui permettait au CSA de recevoir des plateformes les algorithmes qu'elles utilisent. Cet amendement a été retoqué par la commission des finances sur le fondement de l'article 40 de la Constitution, car elle a estimé qu'il créait une charge financière supplémentaire pour le CSA. Or celui-ci n'a pas les moyens financiers d'exercer ses missions. Aujourd'hui, le CSA se branche sur Youtube pour voir comment réagissent les algorithmes à ses requêtes. Il serait plus simple que les plateformes transmettent leurs algorithmes au CSA.

M. David Assouline .  - La transparence des algorithmes est au coeur des enjeux de la révolution numérique. On nous oppose le secret des affaires quand nous demandons l'open source. Il ne s'agit pas nécessairement de transmettre les algorithmes au tout-venant. Il conviendrait de confier l'open source à une instance de régulation.

Les plus grands ingénieurs oeuvrent au service des plateformes et le CSA devra débaucher les meilleurs pour assurer sa mission. En aura-t-il les moyens ? Le tuilage des lois est complètement fou. Preuve en est le texte précédemment examiné où on nous demandait de proroger le mandat de six membres de la Hadopi jusqu'à sa fusion avec le CSA. Ici, on nous demande de légiférer pour accroître les missions du CSA sans lui en donner les moyens.

Mme la présidente.  - Amendement n°62, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois.

Alinéa 7, au début

Insérer la mention :

II. - 

L'amendement rédactionnel n°62, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°33, présenté par M. Bonnecarrère.

Alinéa 9

Après les mots :

sans pouvoir excéder

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

20 millions d'euros ou, s'agissant d'une entreprise, 4 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Cet amendement repose sur un parallélisme des règles avec le RGPD. Il propose de donner au CSA un moyen de régulation assez fort pour contrôler des plateformes, notamment étrangères, n'ayant pas de chiffre d'affaires et diffusant des contenus haineux.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°33 qui évitera des comportements opportunistes non prévus par le mécanisme actuel.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - La comparaison avec le RGPD est limitée car cette loi a vocation à ne s'appliquer qu'aux très grands réseaux sociaux, alors que le RGPD s'applique à toutes les entreprises.

Plus les contraintes sont fortes, plus il y a de barrières à l'entrée de nouvelles plateformes. La somme de 20 millions d'euros que vous proposez serait inopérante. Aujourd'hui, c'est bien plus.

La question d'un réseau étranger reste hypothétique, mais je n'y avais pas pensé. Sagesse.

L'amendement n°33 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°11 rectifié quater, présenté par Mme N. Goulet, M. Détraigne, Mme A.M. Bertrand, MM. Janssens, Guerriau, Henno et Louault, Mme Kauffmann, MM. Danesi, Lefèvre et Decool et Mme N. Delattre.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'opérateur peut contester les dispositions prévues aux sixième à dixième alinéas du présent I devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris.

M. Antoine Lefèvre.  - Défendu.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui attribue au seul juge des référés du TGI de Paris le contentieux des décisions de régulation des plateformes. Complexité inutile : c'est le droit commun de la compétence contentieuse qui a vocation à s'appliquer faute de dérogation expresse par le législateur. Pour mémoire, le Conseil d'État est juge des recours dirigés contre les décisions prises par les organes des autorités indépendantes, au titre de leur mission de contrôle ou de régulation.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°11 rectifié quater n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par MM. A. Marc, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Malhuret, Mme Mélot et MM. Wattebled et Decool.

Alinéa 13

1° Après le mot :

outils

insérer le mot :

gratuits

2° Après le mot :

informations

insérer les mots :

, dans un format ouvert et conforme à ses recommandations,

M. Claude Malhuret.  - Dans l'intérêt d'une lutte efficace contre les contenus haineux, cet amendement permet au CSA d'organiser ce partage transparent d'informations entre tous les opérateurs quelles que soient leur taille et leurs relations concurrentielles.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°38, présenté par MM. Assouline et Montaugé, Mme de la Gontrie, M. Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

M. David Assouline.  - Le texte de l'Assemblée nationale prévoit que le CSA encourage les opérateurs de plateformes en ligne dans la mise en oeuvre d'outils de coopération dans la lutte contre les contenus à caractère haineux.

La commission des affaires économiques du Sénat a adopté un amendement du rapporteur qui va plus loin en proposant la mise en oeuvre d'outils de coopération et de partage d'informations.

La création de mécanismes garantissant la lutte contre la duplication de contenus haineux doit être au coeur du dispositif de lutte contre les contenus haineux.

La mise en place d'un mécanisme de partage d'informations entre opérateurs renforcera la coopération systémique visant à lutter contre la haine sur internet.

Cet amendement propose que le CSA organise un partage transparent d'informations entre tous les opérateurs quelles que soient leur taille et leurs relations concurrentielles.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°50 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, D. Laurent, Mouiller et Cambon, Mme Berthet, MM. Kennel et Pellevat, Mme Morhet-Richaud, MM. Rapin, Longuet, Morisset, Mandelli et Duplomb, Mme Gruny, MM. Piednoir et Laménie et Mme Duranton.

Mme Pascale Gruny.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°39, présenté par MM. Assouline et Montaugé, Mme de la Gontrie, M. Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

Alinéa 13

Après le mot :

informations

insérer les mots :

, dans un format ouvert et conforme à ses recommandations,

M. David Assouline.  - Il est essentiel que le régulateur puisse organiser une coopération entre opérateurs et éviter que des contenus qui sont rendus inaccessibles sur une plateforme restent disponibles sur une autre plateforme qui n'aurait pas été notifiée.

Le régulateur doit être en capacité de fixer les principes et les modalités de mise en oeuvre des outils de coopération et de partage d'informations entre opérateurs. Cela conforte le rôle du CSA qui pourra mieux intervenir dans l'organisation de la coopération entre les plateformes.

Cet amendement de repli est en conséquence recentré sur la conformité de la mise en oeuvre des outils de coopération et de partage aux recommandations du CSA. J'espère que le rapporteur acceptera cet amendement : ce serait le deuxième sur ce texte !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Je souhaite le retrait des amendements identiques nos8 rectifié bis, 38 et 50 rectifié au bénéfice de l'amendement de repli n°39.

Il s'agit pour tous ces amendements de préciser les modalités des échanges d'informations entre plateformes.

Alors que nos gouvernements renforcent les devoirs de coopération des plateformes, la constitution par ces grands acteurs du numérique de base de données de textes et images illicites est une source d'efficacité dans leur lutte contre ces contenus : des outils techniques leur permettent de comparer, de filtrer et d'éliminer de façon quasi automatisée les images illicites. Ils épargnent ainsi à leurs modérateurs humains une tâche difficile et font disparaître des contenus illicites avant même que leurs utilisateurs aient besoin de leur notifier.

Mais ces bases de données de contenus illicites sont aussi désormais un enjeu économique majeur et leur maîtrise est un moyen de conserver ou de créer de solides barrières à l'entrée aux dépens des plateformes plus modestes.

À l'initiative de notre collègue rapporteur pour avis Yves Bouloux, la commission des lois a précisé les missions confiées au CSA afin d'encourager le partage d'informations entre opérateurs.

Les auteurs des trois amendements identiques souhaitent imposer la mise à disposition de ces informations de façon gratuite. Malheureusement, en raison de la valeur économique des informations collectées par les plateformes, il me semble difficile d'adopter de tels amendements qui s'apparentent à une forme d'expropriation sans prévoir de garanties ou d'indemnisation appropriée.

En revanche, la seconde partie de ces amendements, qui est reprise par l'amendement de repli n°39, me semble intéressante et j'y suis favorable : il s'agit de donner au CSA compétence pour préciser le format de ces informations afin d'en faciliter la circulation entre plateformes.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable aux trois amendements identiques et sagesse au 39. J'ai néanmoins quelques doutes sur la valeur juridique du verbe « encourage ».

L'amendement n°8 rectifié bis est retiré.

Les amendements identiques nos38 et 50 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement n°39 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« IV.  -  Le Conseil supérieur de l'audiovisuel impose aux opérateurs mentionnés au même article 6-2 à mettre en oeuvre :

M. Pierre Ouzoulias.  - Encourager les opérateurs à développer des standards techniques en faveur de l'interopérabilité ne sera pas efficace. Le ministre a souligné que le terme « encourager » n'avait pas de portée juridique. Mieux vaut le leur imposer. C'est ce que cet amendement prévoit.

Mme la présidente.  - Amendement n°55, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - L'interopérabilité doit être appréhendée de façon plus globale et sans doute à l'échelon européen.

En l'espèce, la capacité du CSA à imposer de tels standards de manière large à des acteurs non basés en France ne paraît pas avérée et cet élargissement serait de nature à renforcer les interrogations soulevées par la Commission européenne quant au caractère ciblé et proportionné du dispositif, d'où notre amendement de suppression.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - La commission des lois a souhaité donner au CSA la nouvelle mission d'encourager l'interopérabilité entre plateformes.

Il s'agit, ni plus ni moins, que d'approfondir l'obligation de portabilité, en complétant la boîte à outils du régulateur des plateformes comme le recommandait la commission d'enquête du Sénat sur la souveraineté numérique.

Les amendements nos17 et 55 proposent deux modifications radicalement opposées sur le sujet de l'interopérabilité, auxquelles je suis défavorable.

L'amendement de M. Ouzoulias souhaite imposer, et non plus encourager, l'interopérabilité. Celui du Gouvernement veut supprimer totalement cette mission du CSA.

Tenons-nous en à la voie médiane de la commission, une mission d'encouragement, typique du droit souple désormais cher aux régulateurs.

Je vous renvoie également aux travaux en cours à la commission des affaires économiques et à la proposition de loi de Sophie Primas visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace.

M. Pierre Ouzoulias.  - Monsieur le ministre, vous faites une utilisation opportuniste de l'argument européen. Vous nous disiez que la France devait montrer le chemin, puis vous m'opposez le droit européen. Européen convaincu, j'ai le sentiment que ça ne rend pas service à la construction européenne d'utiliser ce genre d'arguments.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - On ne peut pas réguler les Gafam par un amendement examiné en séance du soir. La disposition que vous proposez favoriserait la disproportion des obligations imposées : la Commission européenne estimerait que nous dépassons les bornes. Avis défavorable.

L'amendement n°17 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°55.

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par MM. Montaugé et Assouline, Mme de la Gontrie, M. Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

,y compris l'accès aux principes et méthodes de conception des algorithmes ainsi qu'aux données sur lesquels ils se basent, sans que le secret des affaires mentionné par la loi n°2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires ne puisse lui être opposé

M. Franck Montaugé.  - L'auditabilité et la redevabilité des algorithmes utilisés par les plateformes doivent être des objectifs du législateur. C'est une des recommandations de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique.

Cela suppose que les autorités concernées puissent avoir recours à une expertise spécialisée pour développer et mettre en oeuvre des techniques de contrôle adaptées.

Sur ce point, nous suivrons avec attention le projet de loi audiovisuel qui prévoit, dans son article 36, la création d'un pôle d'expertise numérique qui apporterait une expertise technique spécialisée aux autorités intervenant dans la régulation des opérateurs de plateforme en ligne. Quelque 30 millions d'euros sur trois ans y seraient consacrés.

Pour assumer les missions de régulation et de contrôle qui lui sont conférées, le CSA doit être en mesure d'évaluer et de garantir la transparence des algorithmes utilisés par les plateformes et de vérifier leur conformité à la loi.

Notre amendement renforce les moyens d'action du régulateur en stipulant que le CSA a accès, dans le cadre de ses missions de contrôle, aux principes et méthodes de conception des algorithmes ainsi qu'aux données sur lesquels ils se basent, sans que le secret des affaires puisse lui être opposé.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet intéressant amendement précise les pouvoirs de contrôle dont dispose le CSA pour assurer le respect des nouvelles obligations à la charge des plateformes en matière de lutte contre la haine. Cela figure déjà dans la loi fake news.

Avis du Gouvernement même si j'y suis favorable par principe.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Grâce à cette loi, le CSA pourra demander des précisions aux grandes plateformes sur les algorithmes destinés à repérer les contenus haineux. En ce sens, votre amendement est satisfait. Mais votre amendement concerne tous les algorithmes, ce qui poserait un problème de conventionnalité, ce qui serait jugé disproportionné par la Commission européenne.

Nous souhaitons créer une cellule commune pour faciliter le contrôle des différentes autorités indépendantes.

En outre, l'algorithme ne peut être évalué que par le test. Il ne suffit pas d'y avoir accès pour pouvoir le contrôler. Retrait ou avis défavorable.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°37 est adopté.

L'article 4 modifié, est adopté.

L'article 5 demeure supprimé.

ARTICLE 6 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°54, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifiée :

1° Au 8 du I de l'article 6, les mots : « , à défaut, à toute personne mentionnée » sont supprimés ;

2° Après l'article 6-1, il est inséré un article 6-4 ainsi rédigé :

« Art. 6-4.  -  Lorsqu'une décision judiciaire passée en force de chose jugée a ordonné toute mesure propre à empêcher l'accès à un service de communication au public en ligne dont le contenu relève des infractions prévues au I de l'article 6-2 de la présente loi, l'autorité administrative, saisie le cas échéant par toute personne intéressée, peut demander aux personnes mentionnées au 1 du I de l'article 6 de la présente loi, et pour une durée ne pouvant excéder celle restant à courir pour les mesures ordonnées par celle-ci, d'empêcher l'accès à tout service de communication au public en ligne reprenant le contenu du service visé par ladite décision en totalité ou de manière substantielle.

« Dans les mêmes conditions, l'autorité administrative peut également demander à tout exploitant de moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à ces services de communication au public en ligne.

« Lorsqu'il n'est pas procédé au blocage ou au déréférencement desdits services en application des deux premiers alinéas du présent article, l'autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l'accès au contenu de ces services. »

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Le débat est intéressant et important. La proposition de loi comportait la notion de sites miroirs.

Certains sites, comme « démocratie participative.fr », promeuvent des thèses nazies. Ce site a été déréférencé par la justice. Le lendemain, il réapparaissait sous une adresse légèrement différente, en .ru. Il ne faut donc plus avoir besoin de repasser par le processus judiciaire qui dure des mois pour fermer un site quand il n'est qu'un miroir.

Nous avons entendu les remarques de la commission des lois tout en reprenant l'objectif en ciblant les acteurs concernés et en précisant que le déréférencement porte sur les sites et pas sur les contenus. Le dispositif est ainsi mieux calibré. Il y aurait un problème d'efficacité si cet article n'était pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°45, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante : 

Après l'article 6-1 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, il est inséré un article 6-... ainsi rédigé :

« Art. 6-....  -  Lorsqu'une décision judiciaire passée en force de chose jugée interdit la reprise totale ou partielle d'un contenu relevant des infractions prévues au troisième alinéa du 7 du I de l'article 6, l'autorité administrative, saisie le cas échéant par toute personne intéressée, demande aux personnes mentionnées au 1 du même I ainsi qu'à tout fournisseur de noms de domaine de bloquer l'accès aux contenus jugés illicites par ladite décision et rediffusés en ligne sur tout site, tout serveur ou au moyen de tout autre procédé électronique.

« Dans les mêmes conditions, l'autorité administrative peut également demander à tout moteur de recherche ou tout annuaire de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à ces contenus. 

« Lorsqu'il n'est pas procédé au blocage ou au déréférencement des contenus en application des deux premiers alinéas, l'autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l'accès à ces contenus. 

« Le fait de ne pas procéder au blocage ou au déréférencement des contenus en application des deux premiers alinéas est puni des peines prévues au 1 du VI de l'article 6. 

« Un décret fixe les modalités selon lesquelles sont compensés, le cas échéant, les surcoûts résultant des obligations mises à la charge des personnes mentionnées au premier alinéa du présent article. »

M. David Assouline.  - Cet amendement rétablit l'obligation mise à la charge des plateformes d'empêcher la réapparition de contenus haineux illicites identiques.

L'AAI demandera le déréférencement du contenu précédemment interdit par un juge. Le législateur connaît déjà bien ce problème qui perturbe gravement l'efficacité des décisions judiciaires.

Nous avons déjà eu ce débat avec l'amendement n°44 à l'article 2 : le législateur connaît bien ce problème. S'il existe actuellement plusieurs possibilités de blocage de contenus illicites sur internet, il n'est pas prévu de droit de suite lorsque les mêmes contenus haineux réapparaissent. Ces derniers sont considérés comme des contenus distincts et leur retrait exige d'enclencher une nouvelle procédure judiciaire pour en obtenir le blocage alors que le nouveau site reprend, à l'identique, ces contenus.

Cet amendement s'appuie sur la récente jurisprudence établie par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Dans son arrêt du 3 octobre 2019, elle ne s'oppose pas à ce qu'un hébergeur soit enjoint de supprimer ou de bloquer des commentaires identiques précédemment déclarés illicites. Nous sommes précisément dans ce cas.

Nous avons rendu ce dispositif compatible avec les exigences constitutionnelles.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - La commission des lois avait supprimé cet article qui semblait ne rien apporter par rapport au droit existant. La nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement est plus précise et mieux adaptée à l'objectif recherché. Avis favorable à l'amendement n°54.

Le dispositif de l'amendement n°45 paraît trop large par rapport à ce que permet la jurisprudence européenne. Dès lors, nous demandons son retrait au profit de l'amendement du Gouvernement.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Retrait au profit du nôtre.

L'amendement n°45 est retiré.

L'amendement n°54 est adopté.

L'article 6 est ainsi rétabli.

ARTICLE 6 BIS AA

Mme la présidente.  - Amendement n°59 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Pellevat et Danesi, Mmes Lassarade et de Cidrac, MM. Bizet, Cambon et H. Leroy, Mme Imbert, MM. Savary, Lefèvre, Milon et Laménie, Mme Deroche et M. Brisson.

Supprimer cet article.

Mme Laure Darcos.  - L'article 6 bis AA propose que le vendeur d'espaces publicitaires communique à l'annonceur publicitaire un compte rendu de la liste des domaines et sous-domaines sur lesquels il a diffusé des publicités. Il prévoit également qu'un commissaire aux comptes atteste que l'annonceur publicitaire est en possession de cette liste. Le dispositif proposé est cependant déjà en place.

En outre, le dispositif proposé part d'un postulat erroné. En effet, la fourniture d'une liste de sites n'a d'intérêt que si ces sites sont illicites. Or aucun annonceur soucieux de sa réputation ne souhaite diffuser des publicités sur des sites haineux car cela risque de porter atteinte à sa marque.

Cet amendement supprime ce mécanisme qui n'aura aucun impact sur la lutte contre le financement des sites haineux.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Les critiques portées par cet amendement sur la rédaction de l'article 6 bis AA sont fondées.

L'amendement n°47 y répond de manière à permettre d'agir sur le financement des sites haineux. Nous demandons donc le retrait au profit de l'amendement n°47.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je partage la préoccupation de la sénatrice et l'invite également à retirer son amendement au profit de l'amendement n°47.

L'amendement n°59 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°47, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Rédiger ainsi cet article :

Les annonceurs publient en ligne et tiennent à jour au minimum mensuellement les informations relatives aux emplacements de diffusion de leurs annonces qui leur sont communiquées par les vendeurs d'espace publicitaire sur Internet en application de l'article 23 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Le fait de ne pas respecter l'obligation définie au premier alinéa du présent article est puni de la peine prévue au 1° de l'article 25 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 précitée et dans les conditions prévues au même article 25.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Je remercie Mme Darcos. Un commissaire aux comptes attestera de la liste des domaines et sous-domaines sur lesquels le vendeur d'espaces publicitaires a diffusé des publicités. En cas de manquement, l'AAI prononcerait une amende.

Cet amendement tient compte de la loi Sapin qui impose aux vendeurs d'espaces publicitaires des obligations de compte rendu relatives aux emplacements de diffusion en ligne des campagnes publicitaires à destination des annonceurs. L'amendement met à la charge des annonceurs eux-mêmes une obligation de transparence, tout en veillant à ne pas créer de contraintes disproportionnées, en leur imposant de diffuser publiquement les informations qui leur ont été transmises. La DGCCRF pourrait prononcer une amende.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°63 à l'amendement n°47 de M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux.

Amendement n° 47, alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque la publicité est diffusée sur un site d'information, au sens de l'article 14 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, les informations relatives aux autres emplacements de diffusion de l'ensemble des annonces figurant sur les espaces publicitaires en ligne de ce site sont accessibles depuis ce même site.

Mme Josiane Costes.  - Ce sous-amendement se concentre sur les sites d'information qui sont également financés par la publicité. Il rend obligatoire la publication d'un lien sur ces sites précisant leur source de financement.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - La commission des lois n'a pas examiné le sous-amendement et suivra l'avis du Gouvernement.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Nous sommes très favorables à l'amendement n°47. Une partie des sites est financée par des annonceurs très connus, qui ne savent pas que leurs publicités y sont diffusées. Ils le sauront dès lors qu'ils seront contraints de dresser une liste des sites sur lesquels ils diffusent leurs annonces. On asséchera ainsi le financement des sites extrêmes.

J'ai une réserve assez instinctive sur le sous-amendement car il concerne les sites d'information. Retrait ou avis défavorable.

Le sous-amendement n°63 est retiré.

L'amendement n°47 est adopté.

L'amendement n°29 rectifié n'a plus d'objet.

L'article 6 bis AA est ainsi rédigé.

L'article 6 bis A est adopté.

ARTICLE 6 BIS B

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville et Wattebled.

Alinéas 1 à 4

Supprimer ces alinéas.

M. Claude Malhuret.  - Ces alinéas sont superfétatoires. Ils prévoient l'ajout de mesures pouvant être prononcées par le juge dans le cadre du contrôle judiciaire ou de la mise à l'épreuve. Il s'agit de l'interdiction, pour l'intéressé, d'adresser des messages à la victime, de façon directe ou indirecte, par tout moyen, y compris par voie électronique.

Or le code de procédure pénale et le code pénal prévoient déjà cette possibilité.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - M. Malhuret note à juste titre que la peine complémentaire déjà prévue d'interdiction d'entrer en communication avec la victime couvre l'interdiction de communication électronique. Nous l'avons cependant maintenue en pensant qu'elle pouvait gagner à être explicitée. Avis du Gouvernement.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Ces dispositions complètent utilement la proposition de loi. C'est une réponse particulièrement appropriée au cyberharcèlement. Il est primordial que les personnes astreintes à une telle interdiction prennent pleinement conscience de sa signification.

L'amendement n°14 rectifié est retiré.

L'article 6 bis B est adopté.

L'article 6 bis C demeure supprimé.

L'article 6 bis est adopté.

L'article 6 ter A est adopté.

L'article 6 ter est adopté.

ARTICLE 7

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié quinquies, présenté par Mmes N. Goulet, Vérien, Vermeillet, Férat et C. Fournier, MM. Bonnecarrère, Le Nay, Guerriau, Henno, Mizzon et Menonville, Mme Dindar, MM. Louault, Lefèvre, Danesi et Moga, Mmes Billon et Kauffmann, M. Chasseing, Mme Lassarade et MM. Decool, Lévrier et Janssens.

Supprimer cet article.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Nous avons peu d'estime pour les rapports et encore moins pour les observatoires. La régulation va être confiée au CSA. Un chapitre de son rapport annuel portera donc sur l'activité dont cette proposition de loi s'occupe.

Éviter de créer un observatoire est un début de réponse quant à la demande de moyens supplémentaires pour le CSA.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Dieu sait que la commission n'aime pas les rapports ni les comités Théodule. L'observatoire de la haine en ligne sera rattaché au CSA, mais il sera également composé de membres de la société civile. Retrait ou avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°4 rectifié quinquies est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux.

Rédiger ainsi cet article :

Dans des conditions établies par décret, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et le Conseil supérieur de l'audiovisuel recueillent les observations des associations, administrations et chercheurs qualifiés et échangent les informations de nature à améliorer la prévention et la lutte contre la publication de contenus illicites en ligne.

M. Jean-Pierre Corbisez.  - La création d'un observatoire de la haine en ligne n'est pas pertinente. Nul besoin d'institutionnaliser une démarche de partenariats entre les acteurs concernés.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - On ne peut que partager l'objectif de cet amendement. Mais il est satisfait par les dispositions de la loi du 20 janvier 2017 sur les AAI qui prévoit l'obligation pour elles d'échanger sur leurs sujets d'intérêts communs. Retrait ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°28 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. Bizet et Allizard, Mmes Berthet, A.M. Bertrand et Bruguière, MM. Calvet, Cambon, Chaize, Charon et Cuypers, Mme de Cidrac, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. B. Fournier et Grand, Mme Gruny, MM. Kennel et Laménie, Mme Lassarade, MM. Le Gleut, Lefèvre, Panunzi, Pellevat, Pointereau, Regnard et Savary et Mme Troendlé.

I.  -  Alinéa 1

1° Remplacer les mots :

de la haine

par les mots :

des contenus illicites

2° Après le mot : 

contenus

insérer les mots :

illicites et en particulier ceux

II.  -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Cet observatoire assure un travail de liaison et de coordination avec le dispositif national de signalement des contenus illicites de l'Internet mis en oeuvre par la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements placée au sein de l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication de la direction centrale de la police judiciaire.

M. Pascal Allizard.  - Défendu.

Les amendements nos20 rectifié bis et 24 ne sont pas défendus.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°18 rectifié.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°18 rectifié est adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°32, présenté par M. Bonnecarrère.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du 2, après les mots : « leur caractère », il est inséré le mot : « manifestement » ;

2° Au premier alinéa du 3, les mots : « de l'activité ou de l'information illicites » sont remplacés par les mots : « du caractère manifestement illicite de l'activité ou de l'information ».

M. Philippe Bonnecarrère.  - Cet amendement tire les conséquences d'une réserve du Conseil constitutionnel, pour l'intégrer dans le dispositif.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cette précision, qui reprend la jurisprudence du Conseil constitutionnel, est tout à fait utile.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°32 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°21 rectifié, présenté par MM. Grand et Pellevat, Mme Thomas, MM. Lefèvre et Regnard, Mme Morhet-Richaud, M. Bonhomme, Mme Lherbier, M. de Nicolaÿ et Mme Bories.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conséquences de la diffusion de contenus haineux sur internet visant les forces de l'ordre.

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - À l'occasion de mouvements sociaux comme celui des gilets jaunes, les forces de l'ordre ont été régulièrement filmées par des manifestants. Les diffusions de ces images ont souvent été accompagnées d'injures, d'appels à la violence et de menaces.

Sauf dans certaines circonstances particulières, les forces de l'ordre ne peuvent pas s'opposer à l'enregistrement de leur image et à sa diffusion. Or la préservation de leur anonymat garantit leur efficacité mais aussi leur sécurité. D'où cette demande de rapport.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°65 à l'amendement n°21 rectifié de M. Grand, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Amendement n°21, alinéa 3

Après le mot :

Parlement 

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

un rapport évaluant les conséquences de la présente loi sur la réduction des contenus haineux sur internet.

M. David Assouline.  - Je le retire.

Le sous-amendement n°65 est retiré.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Ce sujet grave mérite d'être abordé. Avis de sagesse de la commission, même si j'y suis favorable à titre personnel.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - La position du rapporteur m'étonne au sujet d'une demande de rapport. Le plus important est de lutter contre la haine et que l'observatoire nous fournisse des données. Retrait ou avis défavorable.

M. David Assouline.  - Je ne m'attendais nullement à l'avis favorable du rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - C'était à titre personnel.

M. David Assouline.  - Quand bien même... On ne demande pas de rapports superflus, telle est la ligne que tient la commission. Et sur un sujet partiel, en fin de discussion, vous dérogez à ce principe ? Ce n'est pas sérieux. Je demande au Sénat de ne pas vous suivre...

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis.  - Avec tout le respect que je dois au rapporteur, a-t-on vraiment besoin d'un rapport pour constater que la propagation de propos haineux vis-à-vis des forces de l'ordre a un impact certain ? Restons-en à l'essentiel. La loi n'a pas besoin d'être inutilement bavarde.

L'amendement n°21 rectifié n'est pas adopté.

L'article 8 demeure supprimé.

Les articles 9 et 10 sont successivement adoptés.

Interventions sur l'ensemble

M. David Assouline .  - Nous venons de discuter de sujets importants dans des conditions difficiles. Dans un contexte fragile et incertain, nous avons tenté de trouver une position médiane sur l'article premier. Attachés à l'État de droit, nous avions proposé de donner le dernier mot aux juges : l'amendement de Marie-Pierre de la Gontrie a été rejeté.

Nous voulions préciser que la loi de 1881 sur la presse prévalait notamment pour la presse en ligne et qu'en conséquence la presse était exclue du champ de cette proposition de loi. Rebondissement : la garde des Sceaux nous a dit que la presse était concernée par cette loi. Notre amendement excluant la presse a été rejeté.

Nous nous abstiendrons sur ce texte peu efficace dès lors que la commission l'a réécrit en en supprimant l'article principal.

Nous espérons que cette loi ne se fracassera pas sur la réglementation européenne, car alors nous aurions reculé alors qu'il fallait avancer.

M. Pierre Ouzoulias .  - Monsieur le ministre, vous m'avez donné mon argumentaire lorsque vous avez dit que ce n'était pas le bon texte ou le bon moment, ce soir, en fin de session, pour réguler les grandes plateformes. Qu'ajouter à cela ? Je le regrette.

Ce que vous nous proposez est inutile, dès lors que vous ne remettez pas en cause le modèle même de ces opérateurs qui nourrissent leur économie de l'attention de la diffusion de la haine en ligne, parce qu'elle entraîne une augmentation de débit qui assure leur situation monopolistique. Bref, c'est un nouveau coup d'épée de bois dans l'eau et le problème reste entier.

Pour le régler, il faudrait une volonté politique que vous n'avez pas. Il faut obliger les plateformes à respecter la neutralité et leur statut d'hébergeurs, ce qu'elles ne font plus parce qu'elles interviennent de plus en plus comme éditeurs, grâce aux algorithmes que vous ne voulez pas révéler. Ite missa est !

M. Jérôme Bascher.  - Très bien !

Mme Maryse Carrère .  - Il nous faudra sans doute revenir sur la question de la liberté d'expression en ligne, ne serait-ce qu'à cause du calendrier européen. Espérons que nous disposerons alors de davantage de données d'évaluation, issues notamment de l'expérience allemande.

Des amendements du groupe RDSE, il ne reste pratiquement que la création d'un observatoire. Une navette parlementaire aurait amélioré le texte.

C'est dans cet état d'esprit que nous attendrons le résultat de la commission mixte paritaire. La majorité du groupe RDSE votera ce texte, même s'il promeut un droit mou.

M. Philippe Bonnecarrère .  - L'enjeu est important et la démarche du Gouvernement est légitime.

L'outil technique que vous développez au travers de l'Arcep ou du CSA est intéressant. Mais l'article premier fragilise considérablement votre construction : votre crédibilité politique existe, mais la crédibilité juridique du texte sera faible.

Contrairement à M. Ouzoulias, je ne mets pas en cause votre volonté politique, bien au contraire : vous avez le souci de la rapidité car vous avez identifié un enjeu majeur ; cependant, vous ne donnez pas le calendrier adéquat pour produire un texte de qualité.

Vous êtes conscients que nous ne sommes pas dans l'urgence puisque nous discutons d'une proposition de loi et non d'un projet de loi et ce, après deux rapports. Je regrette que vous n'alliez pas au bout de votre démarche et que nous soyons dans une procédure accélérée.

Cependant, le groupe UC votera ce texte.

Mme Sonia de la Provôté et M. Jean-Marc Gabouty.  - Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis .  - Je voterai ce texte mais du bout des lèvres. Légiférer de cette manière n'est guère satisfaisant.

L'écosystème numérique est déficient, non vertueux et toxique comme l'explique la sociologue turque que j'ai déjà citée.

Il faudrait évaluer la loi pour une république numérique et travailler sur ses manques. Le temps législatif ne doit pas être soumis à celui de la communication du Gouvernement.

Nous vous avons demandé à plusieurs reprises une double lecture de ce texte qui traite d'un sujet de société méritant des solutions structurelles et complètes. Il faut remettre à plat ce sujet de grande importance. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre.

M. Claude Malhuret .  - Sans surprise, je n'ai pas changé d'avis depuis le début de l'après-midi puisque rien n'a changé...(Sourires)

En supprimant l'article premier, notre assemblée va retirer de ce texte ce qui en fait la substance même. Nous nous retrouvons dans la même situation qu'avec la loi pour la confiance dans l'économie numérique et nous n'avons pas fait de progrès dans la lutte contre les propos haineux sur internet.

Pour autant, le texte tel que sorti du Sénat, n'opère aucun recul. Nous nous abstiendrons donc pour dire notre indifférence. Ce texte poursuivra son parcours à l'Assemblée nationale.

Je souhaite que le Gouvernement fasse tout son possible pour remplacer la directive européenne de 2000.

Ite missa est, disait M. Ouzoulias tout à l'heure. Je citerai le fameux exorde de Cicéron : quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? Jusqu'où ira l'impudence des Gafam ?

Quel changement par rapport à la naissance d'internet, dans les années quatre-vingt-dix ! Ce qui fut présenté comme un formidable levier de développement pour nos démocraties est en train de se transformer en menace, à rebours de la devise de Google : don't be evil. Faisons en sorte que celle-ci ne soit plus une antiphrase !

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Ce texte était initialement équilibré. Je regrette la suppression de l'article premier par la commission.

Sans entrer dans la polémique initiée par M. Assouline, constatons que ce texte ne s'inscrit pas dans le cadre très particulier de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Des avancées sont à noter. Notre groupe s'abstiendra.

M. Cédric O, secrétaire d'État .  - Je remercie votre assemblée pour l'esprit constructif qui a présidé au débat.

Malgré nos divergences, nous pensons que la référence au délai de 24 heures dans l'article premier reste utile et nécessaire. Nous partageons l'objectif de fond de ce texte.

La CMP vous donnera l'occasion de retravailler ce texte avec les députés.

Nous avons une obligation d'agir vite, sans pour autant mettre en cause la qualité du travail parlementaire. Il y a une tension, une urgence ; c'est un problème de santé publique. Chacun connaît un enfant ou un adolescent qui a été victime de cyberharcèlement.

Je ne partage pas votre jugement selon lequel le texte serait fragile. Pour autant, restons humbles car aucun État européen n'a encore trouvé de solution. Aucun.

La France porte, dans le cadre de la discussion sur l'agenda de la Commission européenne, la volonté d'une régulation beaucoup plus forte des plateformes structurantes, parmi lesquelles les grands réseaux sociaux. Nous en discuterons très prochainement avec Thierry Breton et Margrethe Vestager. Il faut avancer au niveau européen, tout en impliquant les parlementaires, pour créer un cadre de régulation qui soit vraiment à la hauteur des enjeux démocratiques et économiques.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

Prochaine séance, mercredi 18 décembre 2019, à 15 heures.

La séance est levée à minuit.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mercredi 18 décembre 2019

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : Mmes Agnès Canayer et Patricia Schillinger

1. Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 30

Présidence : M. David Assouline, vice-président

2. Deux conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger (texte de la commission, n°192, 2019-2020)

=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat global et renforcé entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part (texte de la commission, n°189, 2019-2020)

3. Nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2020

4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille (n°157, 2019-2020)

5. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique (n°204, 2019-2020)

À 21 h 30

Présidence : M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

6. Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 12 et 13 décembre 2019

Analyse des scrutins

Scrutin n°61 sur l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi organique modifiant la loi organique n°2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 342

Suffrages exprimés : 318

Pour : 302

Contre : 16

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 143

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (71)

Pour : 71

Groupe UC (51)

Pour : 50

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Vincent Delahaye, Président de séance

Groupe LaREM (24)

Abstentions : 24

Groupe RDSE (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (13)

Pour : 13

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 2

N'ont pas pris part au vote : 4 - M. Philippe Adnot, Mme Christine Herzog, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier