Projet de loi de finances pour 2020 (Suite)

Seconde partie (Suite)

SÉCURITÉS

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances .  - L'année 2019 a été marquée par des dérapages importants en matière de maintien de l'ordre. Les forces de l'ordre évoluent dans un climat dégradé, avec 54 suicides de policiers et de gendarmes à cette heure, un record.

L'année a été marquée par un fort malaise, et une grève d'une ampleur inédite le 2 octobre. C'était la première fois en vingt ans que tous les syndicats manifestaient ensemble.

Ce budget 2020 n'est pas à la hauteur des enjeux, malgré une augmentation de 1,91 % en autorisations d'engagement pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » et de 1,84 % en autorisations d'engagement.

La hausse des crédits pourrait être plus soutenue à périmètre constant : 3,51 % en autorisations d'engagement et 2,35 % en crédits de paiement pour la gendarmerie nationale, 4,22 % en autorisations d'engagement et 5,35 % en crédits de paiement pour la police nationale.

Je dénonce depuis longtemps l'augmentation constante de la part des dépenses de personnel dans le total des dépenses : 90 % pour la police nationale, 85 % pour la gendarmerie nationale. Il y a quatorze ans, elle était de moins de 80 %. Cette évolution est ni soutenable ni maîtrisée. Elle procède d'une vision purement politique. Vous recrutez coûte que coûte, au détriment de la capacité opérationnelle.

En dix ans, les dépenses de personnel ont augmenté trois fois plus rapidement que les dépenses de fonctionnement et d'investissement : 25 % d'un côté, 9 % de l'autre.

Les dépenses de personnel augmentent de 3,6 % pour la police nationale et de 2,5 % pour la gendarmerie nationale en raison des recrutements importants et des mesures indemnitaires. En 2020, les recrutements s'élèveront à 1 398 ETP dans la police nationale, contre 1 735 en 2019, et à 490 ETP dans la gendarmerie, contre 643 en 2019, conformément aux annonces présidentielles. Le coût s'élève à 47,45 millions d'euros pour la police nationale et à 16,36 millions d'euros pour la gendarmerie nationale.

L'année 2020 sera aussi marquée par le poids des mesures catégorielles, dont la prime « gilets jaunes » : 192 millions d'euros pour la police nationale, 91,2 millions d'euros pour la gendarmerie nationale.

C'était prévisible, la mission « Sécurités » dépasse de 500 millions d'euros la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques, soit 4 % des crédits de paiement. Ce dépassement, l'un des plus importants, tient à la non-maîtrise des dépenses de personnel.

Les dépenses de fonctionnement et d'investissement ont atteint un niveau plancher. Pour la gendarmerie nationale, elles sont stables en autorisations d'engagement et augmentent de 6 % en crédits de paiement. Pour la police nationale, elles baissent de 8,8 % en autorisations d'engagement et de 0,8 % en crédits de paiement.

Les crédits pour le renouvellement des véhicules, bon indicateur de la volonté de restaurer la capacité opérationnelle des forces de l'ordre, sont très insuffisants : il faudrait 40 millions d'euros de plus nécessaires pour empêcher le parc de vieillir. Le budget d'acquisition représente le tiers de la revalorisation salariale octroyée en 2020.

Des efforts notables de rationalisation ont été faits avec la création d'une direction du numérique et un service des achats unifié. Je salue la création bienvenue de l'office anti-stupéfiants, l'Ofast.

L'année 2019 a été marquée par l'abandon inévitable de la vacation forte, qui aura fait perdre trois ans et été source de crispations. Son coût en effectifs la condamnait d'avance. En remplacement, la police nationale devrait adapter un nouveau cycle de travail en 2020.

Ce budget n'est pas adapté aux circonstances ni aux missions de la police et de la gendarmerie. C'est sans réserve que la commission des finances propose de rejeter les crédits de la mission « Sécurités ».

M. le président.  - Je vous demande de veiller au respect des temps de parole.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial de la commission des finances .  - En 2018, la mortalité routière a atteint son plus bas niveau : 3 488 décès, outre-mer compris, soit 196 de moins qu'en 2017. L'accidentalité a reculé de 3 %. Autant de vies sauvées. Cette embellie reste à confirmer en 2019, même si les chiffres resteraient a priori stables.

La mise en place des 80 km/h mi-2018 et la détérioration de radars entre octobre 2018 et mi-2019 ont cependant perturbé la donne.

L'outre-mer est particulièrement touché. Malgré des progrès, en Guadeloupe notamment, le nombre de décès par million d'habitants est supérieur de 70 % à la celui de la Métropole. Sur le territoire métropolitain, le rapport varie de 1 à 3 selon les territoires.

La France se situe seulement à la moyenne de l'Union européenne. L'Allemagne et le Royaume-Uni affichent de meilleurs résultats.

L'abaissement de la vitesse à 80 km/h aurait préservé 206 vies. Soyons prudents. Le nouvel indicateur : « nombre de tués hors agglomération, hors autoroutes » permettra d'évaluer les résultats.

Les crédits du programme 207 « Sécurité et éducation routières », augmentent de 2,3 % pour atteindre 42,64 millions d'euros. L'action principale concerne le permis de conduire, qui représente la moitié des crédits. La réforme de 2019 devrait connaître un second souffle avec les mesures annoncées par le Premier ministre visant à rendre le permis moins cher et plus accessible.

Le délai médian d'attente remplace le délai moyen comme indicateur, c'est positif. L'opération « permis à 1 euro par jour » me paraît surbudgétée. Plus largement, il faut repenser l'aide au financement du permis de conduire.

S'agissant du compte d'affectation spéciale « Radars », l'estimation du produit des amendes, à 1,837 milliard d'euros, me paraît optimiste. Le résultat 2019 sera inférieur de 10 % aux prévisions de la loi de finances initiale, qui étaient de 1,867 milliard d'euros. Je rappelle que plus de 10 000 radars ont été dégradés en 2018, 7500 au 1er septembre 2019 ; le taux moyen de disponibilité des radars est tombé à 75 % en 2019.

L'impact sur les recettes de l'État a été immédiat. Le produit des amendes radars sera inférieur en 2020 à celui de 2017.

L'objectif de déploiement a été revu à la baisse, avec 4 400 équipements nouveaux en 2020, dont 1 200 radars tourelles. Selon le délégué à la sécurité routière, 800 pourront être installés en 2020.

Enfin, les crédits du programme 754 sont en hausse malgré la décentralisation du stationnement payant. Cela s'explique par le dynamisme des amendes forfaitaires majorées et hors radars.

L'augmentation des recettes estimées pour 2020 profiterait en premier lieu au programme de désendettement de l'État, pour 32 % du total. Ce mode de ventilation se fait au détriment de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), qui joue le rôle de variable d'ajustement, alors qu'elle est a pour mission de financer les grands investissements de transport. L'incohérence est telle que le projet de loi de finances rectificative a réaffecté une partie du produit des amendes radars vers le budget de l'Afitf.

Il faudrait une refonte complète du compte d'affectation spéciale demandé également par la Cour des comptes. (M. Alain Richard applaudit.)

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Les crédits du programme 161 baissent en 2020, avec 519,5 millions d'euros de crédits de paiement, en raison d'une réduction de périmètre avec le transfert de 15 millions d'euros au programme 216.

La situation des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) est particulièrement tendue : ils sont de plus en plus sollicités alors que leurs moyens stagnent. Leurs dépenses d'investissement ont baissé de 18 % en dix ans. La dotation de soutien aux investissements structurant ne représente plus que 7 millions d'euros en 2020, contre 25 millions en 2017. Elle n'accordera plus aucun soutien aux projets locaux. Un effort de l'État aurait été possible, alors que les dépenses d'intervention sont inférieures à la programmation.

Plus de dix-huit mois se sont écoulés sans que vous ne tiriez les conséquences de l'arrêt Matzak de la Cour de justice de l'Union européenne, qui menace notre système de volontariat des sapeurs-pompiers. Plusieurs recours ont été déposés devant les tribunaux administratifs. Monsieur le ministre, allez-vous soutenir une nouvelle directive, pour garantir la pérennité de notre modèle ?

À la suite de mon rapport sur les feux de forêts, je me félicite que le projet de loi de finances prévoie de remplacer les Trackers par de nouveaux Dash. Accélérons la livraison pour éviter une rupture capacitaire, et faisons aboutir les négociations européennes en vue d'une commande mutualisée de Canadair. Monsieur le ministre, je me félicite que nos sept Trackers soient de nouveau autorisés à voler depuis la semaine dernière, dans l'attente de leur remplacement.

Je suis déçu, en revanche, de l'évolution du service d'alerte et d'information des populations : des 38,6 millions d'euros initialement prévus pour la période 2020-2022, il ne reste que 5,6 millions d'euros pour la seule rénovation des sirènes.

Pourquoi privilégier ainsi les sirènes au détriment de l'alerte par téléphone, pourtant préconisé par le Livre blanc dès 2008 ? L'incendie de Lubrizol et les intempéries dans le Sud-Est ont démontré qu'un Cell Broadcast aurait été plus efficace.

Une directive européenne nous impose d'alerter par téléphone d'ici 2022. Pourquoi ne pas avoir prévu aucun crédit, en autorisations d'engagement ou en crédits de paiement pour 2020, 2021 ou 2022 ?

Je vous propose le rejet de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et des forces armées .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le budget 2020 ne va pas améliorer la situation des gendarmes, loin s'en faut. Connaissez-vous le Bon Coin des gendarmes, sorte de bourse où ils s'échangent des pièces de rechange ou des objets nécessaires pour remplir leur mission malgré la pénurie ? Savez-vous qu'ils ont dû se cotiser, versant chacun 20 euros, pour remplacer le moteur d'un véhicule en panne ?

Cette année encore, les crédits d'investissement stagnent. Ceux des réservistes, pourtant indispensables, sont en forte baisse. L'insuffisance des crédits, aggravée par la réserve de précaution et le surgel ministériel, sont dommageables car les dépenses sont contraintes. Résultat, les véhicules et l'immobilier sont impactés massivement. Avez-vous des pistes, monsieur le ministre ?

La présence territoriale de la gendarmerie nationale est remise en cause par certaines propositions inquiétantes issues des « ateliers d'idéation » - comme la réduction du tiers du nombre des brigades, alors que les Français réclament plus de services publics, ou leur regroupement au sein des maisons France services.

M. Jérôme Bascher.  - N'importe quoi !

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis.  - Je doute que la sécurité gagne à un tel mélange des genres. La commission des affaires étrangères a émis un avis défavorable aux crédits du programme « Gendarmerie nationale ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et des forces armées .  - Je rends hommage à nos gendarmes qui ont dû faire face à des situations particulièrement difficiles en 2019, avec les gilets jaunes. Les travaux d'élaboration du Livre blanc de la sécurité intérieure sont en cours ; il devra être suivi d'une loi d'orientation et de programmation, comme nous l'avons fait pour la défense.

M. Christian Cambon.  - Très bien !

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis.  - Il faut une programmation financière mettant les moyens en adéquation avec les missions. Est-ce prévu, monsieur le ministre ?

L'écart entre les sollicitations et les outils mis à disposition des gendarmes ne cesse de se creuser. En 2019, 1 900 véhicules ont été livrés pour 2 800 inscrits au budget, seulement 1 550 sont prévus en 2020. C'est très insuffisant. Selon vos services, il en faudrait 2 800 par an, soit 60 millions d'euros. Il manque donc 20 millions d'euros en 2020 pour offrir un outil de travail décent à nos gendarmes. Ce n'est pas inatteignable.

Avec la baisse des crédits immobiliers en 2020, nous sommes très loin des 300 millions d'euros nécessaires à l'entretien du parc domanial. Le délabrement des casernes est flagrant : 80 % d'entre elles datent d'avant 1950.

Après avoir été encensées à la suite des attentats, nos forces de l'ordre sont parfois la cible de mécontentements diffus. Au 30 juin 2019, la gendarmerie enregistrait une hausse de 11,5 % des agressions physiques, de 3,7 % du nombre de blessés après une agression armée, et de 11,4 % des blessés après une agression sans arme.

Avec l'accroissement des effectifs, il est indispensable d'améliorer les conditions de travail et de logement. Monsieur le ministre, entendez les gendarmes !

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs exercices, la commission des lois regrette l'approche déséquilibrée du Gouvernement qui privilégie la hausse des effectifs au détriment de l'amélioration des conditions de travail. Ce projet de loi de finances ne déroge pas à la règle.

Les crédits d'investissement chutent de 13,6 % pour la police nationale et de 17,4 % pour la gendarmerie nationale. Le compte n'y est pas. Comment garantir la modernisation du parc automobile et améliorer les conditions immobilières si les dotations diminuent ?

Augmenter le nombre de policiers et de gendarmes ne suffira pas à renforcer leur capacité opérationnelle si leurs moyens d'intervention ne sont pas entretenus.

Depuis deux ans, les enveloppes allouées au financement des réserves sont ponctionnées pour financer les recrutements et les mesures de revalorisation salariale. En 2020, c'est moins 11 % pour la police nationale, 30 % pour la gendarmerie. Ces coupes budgétaires risquent d'appauvrir à terme le vivier de réservistes.

Un mot enfin des conséquences du recrutement souhaité par le Gouvernement. Des mesures ont été prises pour renforcer la capacité d'accueil des écoles, mais cela pourrait ne pas suffire. Surtout, la baisse du niveau de sélectivité des concours est inquiétante. Il ne suffit pas de recruter en quantité mais aussi en qualité ; à défaut, la sécurité des Français en serait dégradée.

Nous avons émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités », hors programmes « Sécurité civile ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je ne répéterai pas que la sécurité civile est le parent pauvre de la sécurité, nous le savons tous. L'arrêt Matzak de la Cour de justice de l'Union européenne qui a reconnu la qualité de travailleur à un sapeur-pompier volontaire belge risque de remettre en cause notre modèle de sécurité civile. M. Nunez dit examiner les dérogations possibles à la directive Temps de travail : c'est une solution de facilité, qui ne règle rien. Il faut une directive européenne ad hoc sur l'engagement citoyen. Un projet est écrit et n'attend que votre soutien !

En 2016, la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance s'était traduite par une diminution de la participation versée par l'État aux départements, en contrepartie de l'abondement d'un fonds à hauteur de cette économie, dédié aux investissements structurants des SDIS. Cet engagement n'a tenu qu'une année. Depuis, les économies restent, mais le montant du fonds diminue. Sur quatre ans, la différence s'élève à 60 millions d'euros. Comment expliquer cette diminution alors que les investissements des SDIS sont au plus bas ?

Pour nos pompiers, ce n'est plus une perte, c'est un hold-up !

Vous annonciez en septembre un plan pour la sécurité des sapeurs-pompiers. Notre commission des lois rendra son rapport sur le sujet le 11 décembre. La sécurité des sapeurs-pompiers est tributaire de la qualité des équipements qui les protègent.

Rendez aux pompiers les 60 millions d'euros qu'ils vous ont fait économiser, afin qu'ils puissent acheter le matériel dont ils ont besoin !

L'avis de la commission des lois est défavorable sur ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et Les Indépendants)

M. Alain Richard .  - Mes premiers mots seront pour remercier les rapporteurs. Notre groupe salue un budget qui répond à un objectif politique. Le Gouvernement s'était engagé à augmenter les effectifs de la police et de la gendarmerie ; cet engagement est en cours de réalisation. Cela entraîne des coûts budgétaires. Il faut savoir ce que l'on veut.

Les plans d'amélioration des rémunérations ont, en outre, été engagés ou enrichis depuis deux ans, ce qui a des répercussions budgétaires. Nous approuvons cette politique.

Nous sommes tous soucieux de la maîtrise des dépenses publiques mais, sur chaque budget, on demande à augmenter les crédits... Soyons cohérents. Que chacun assume sa part de responsabilité. Nous approuvons la priorité donnée à la sécurité publique, à la défense et à l'Éducation nationale.

Nous entendons les observations sur le besoin de crédits d'investissement et de matériel. Quelles pistes, monsieur le ministre ?

Nous sommes enfin attentifs à la question de la résorption des heures supplémentaire et des jours de congés car la surcharge des forces de l'ordre crée des tensions. Je sais que le ministre et le secrétaire d'État sont à leur contact et y veillent. Il faut rétablir la sérénité sur ces sujets.

Le développement de la réserve est un point fort de la politique des ressources humaines. Nous sommes là aussi à l'écoute du Gouvernement.

Le groupe LaREM soutiendra l'approbation de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Éliane Assassi .  - L'examen de ces crédits est décevant. L'augmentation des moyens, de 3,7 % en autorisations d'engagement et de 3,9 % en crédits de paiement, n'est pas là où nous l'attendions. Le Gouvernement s'entête dans le choix du renforcement des effectifs, au détriment des conditions de travail. Certes, les recrutements augmentent, mais à quel prix, dans quel but ?

Le rapporteur spécial estime que l'évolution des dépenses de personnel n'est ni soutenable, ni maîtrisée. La commande politique est contreproductive, faute d'être en adéquation avec les besoins.

Les dépenses de fonctionnement et d'investissement sont au niveau plancher à cause du dérapage des dépenses de personnel. Pour compenser la hausse des effectifs, vous taillez dans les dépenses d'équipement des forces de l'ordre. La Cour des comptes avait pourtant mis en garde votre ministère sur un effet ciseaux.

Les 20 000 policiers qui étaient dans la rue le 2 octobre ne réclamaient pas plus d'effectifs mais une amélioration de leurs conditions de travail, la défense de leur retraite et une loi de programmation ambitieuse pour un service public de qualité.

Ce budget répond bien mal à leurs revendications et n'améliore en rien le climat délétère qui règne. Le record tragique du nombre de suicides ne le montre hélas que trop... Pour beaucoup, ce malaise est lié à la perte de sens du métier. La police de sécurité du quotidien est une coquille vide. Quels objectifs ont été atteints ?

Je m'interroge aussi sur la stagnation des crédits de la sécurité civile. Les sapeurs-pompiers attendent une amélioration de leurs conditions de travail. Ils ont aussi exprimé leur colère dans la rue - et fait l'objet de représailles déplorables. Plutôt que de reporter les décisions sur les collectivités, il aurait fallu revaloriser la prime de feu...

Le groupe CRCE votera contre ce budget qui ne répond pas aux attentes de professionnels à bout de souffle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Franck Menonville .  - Les crédits de la mission progressent de 3,7 % en autorisations d'engagement et de 3,9 % en crédits de paiement. Mais cet effort reste bien modeste au regard du contexte sécuritaire tendu. Menace terroriste, pression migratoire, délinquance élevée impliquent une mobilisation sans précédent des forces de sécurité intérieure. Si les effectifs augmentent, les moyens matériels ne sont pas au rendez-vous. L'effort budgétaire est en-deçà des attentes et des besoins, vu les violences urbaines récurrentes.

Votre budget ne permettra ni de remédier au vieillissement du parc automobile et des équipements, ni de rénover le parc immobilier. Or la dégradation de la situation matérielle des forces de sécurité contribue au mal-être croissant au sein de la police et de la gendarmerie.

Il est regrettable que le Gouvernement ne privilégie que les effectifs : les dépenses de personnel pèsent sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement.

Je salue l'engagement de ces hommes et ces femmes qui, au péril de leur vie, assurent notre sécurité au quotidien.

Même si vous avez en partie hérité de la situation, ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux. Le groupe Les Indépendants ne votera pas les crédits de la mission.

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie M. Bonnecarrère de m'avoir laissé 50 % de son temps de parole. Je salue à mon tour les forces de police et de gendarmerie.

Merci, monsieur le ministre, d'avoir enfin publié le document de politique transversale sur la prévention de la délinquance et de la radicalisation. Le renseignement est au coeur de notre dispositif de lutte contre le terrorisme. La confidentialité est entendable, mais nous pourrions avoir quelques éléments chiffrés sur les moyens de nos services via la délégation au renseignement.

On parle souvent de moyens, mais il y a aussi les résultats. En 2018, plus de 20 000 personnes ont été suivies dont 2 594 personnes ont fait l'objet d'une surveillance particulière ; 2 133 lieux de culte salafistes ont été surveillés dont 35 ont été fermés. Le Gouvernement a montré une vraie volonté en la matière.

J'aimerais que soit évalué le comité de prévention de la délinquance et de la radicalisation, dont vous avez lié le sort à celui de la Miviludes. Le groupe Les Républicains a demandé une commission d'enquête sur la radicalisation. Je ne sais si nous apprendrons de nouvelles choses... Il faut surtout travailler ensemble. Le groupe UC soutiendra toutes les mesures de lutte contre la radicalisation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Claude Requier .  - Ce budget marque un retour à la normale après une adaptation des moyens de nos forces à la menace terroriste. J'en veux pour preuve la priorité donnée à la sécurité du quotidien et la sécurisation de la coupe du monde de rugby en 2023.

Depuis le début du quinquennat, conformément à l'engagement présidentiel, les effectifs des forces de l'ordre augmentent. L'objectif de 10 000 renforts supplémentaires devrait être tenu. Le Gouvernement s'est attaqué aussi à la délicate question du paiement des heures supplémentaires.

Il est bon que l'État règle ses dettes auprès de ceux qui le servent.

L'effort budgétaire accompagne la mobilisation exceptionnelle de nos forces de l'ordre sur des urgences récurrentes, notamment la crise des gilets jaunes, qui s'est traduit par un investissement humain supplémentaire. La vie familiale des agents s'en est trouvée perturbée.

La désescalade commence à se faire sentir, la mobilisation du 5 décembre s'annonce plus classique. Le Parlement a en outre adopté une loi renforçant les moyens de lutte contre les black blocs.

Le budget de la mission « Sécurités » nous paraît crédible. On pourrait toujours faire mieux avec plus de moyens, mais il faut aussi veiller à la qualité des recrutements. Nous tenons à ce que l'ordre républicain soit incarné par des fonctionnaires et nous inquiétons de l'évolution vers un continuum de sécurité qui confierait certaines missions à des forces de sécurité privées. Ne soumettons pas notre sécurité aux lois du marché !

Ces professions sont usantes. Depuis le début de l'année, plus de cinquante agents se sont donné la mort. Nous espérons que la loi de programmation annoncée permettra d'adapter définitivement l'organisation du temps de travail aux normes européennes.

Nous nous satisfaisons de la stabilité des moyens consacrés à la sécurité routière. Celle-ci doit passer par l'éducation et l'amélioration des équipements routiers avant d'envisager des mesures aussi contraignantes que la généralisation des 80 km/h, dont vous savez ce que je pense...

Notre regard provincial bute sur certains choix budgétaires, comme celui d'installer le nouveau siège de la DGSI à Paris : ce déménagement absorbe presque la totalité des crédits fonciers de la police nationale.

De même, pourquoi équiper les gendarmes de terminaux ultramodernes, qu'ils auront peut-être parfois du mal à utiliser ?

Le droit à la sécurité doit s'appliquer partout.

Le groupe RDSE ne s'opposera pas à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; M. Alain Richard applaudit également.)

Mme Brigitte Lherbier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai démissionné de mon poste d'adjointe à la sécurité de Tourcoing pour devenir sénatrice. C'est dire si le sujet m'intéresse...

Les élus sont au premier rang pour répondre aux doléances des habitants. Le trafic de stupéfiants est en augmentation, de plus en plus de sites sont touchés, et pour une plus grande variété de substances. Des kilos de cocaïne ont été retrouvés sur les plages françaises : c'est invraisemblable ! Les trafics sont le fléau des quartiers. Un sentiment d'impunité se développe et les dealers opèrent de plus en plus au grand jour. L'insécurité n'est pas un sentiment, elle existe vraiment.

Certes, le nombre de policiers augmente. Le Gouvernement souhaite réagir. Les préfets sont réactifs : ils organisent avec les élus locaux des lieux de concertation - Éducation nationale, ou travailleurs sociaux s'impliquent dans la gestion du problème.

Reste à gérer l'organisation des ressources humaines. Les gendarmes et les policiers sont accaparés par la tension sociale. Combien d'hommes et de femmes sont occupés à maintenir l'ordre face aux manifestations ? Que dire des gardiens débordés dans les prisons ? Tous ces agents sacrifient souvent une vie personnelle pour notre sécurité. Et les pompiers aussi. La violence monte.

Lors d'une réunion de sécurité, un colonel des sapeurs-pompiers nous disait que même en situation de guerre, on respectait l'intégrité des ambulances ; ce n'est plus le cas.

Nous attendons que le budget soit à la hauteur des violences. L'augmentation des effectifs n'est pas une fin en soi, surtout quand cela se fait au détriment des équipements.

La qualité de l'équipement n'est pas à la hauteur des investissements nécessaires. Les locaux dans lesquels travaillent les policiers sont vétustes. Les réserves de la police et de la gendarmerie sont victimes de coupes importantes.

Il est grand temps d'apporter une réponse globale à ceux qui assurent la sécurité de nos concitoyens. Malheureusement, votre budget n'est pas à la hauteur. Je voterai contre, comme beaucoup de mes amis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Je veux d'abord dire le respect que nous avons pour nos gendarmes et policiers qui accomplissent une mission très difficile. Nous avons tous en mémoire le drame qui s'est produit à la préfecture de police de Paris. Des mesures ont été prises, puisqu'en l'espèce, une personne travaillant au coeur du réacteur, au sein même des services antiterroristes, s'était radicalisée. Qu'avez-vous fait pour empêcher que la situation se renouvelle ?

Mme Goulet l'a dit : la lutte contre la radicalisation est essentielle. Vous avez donné des consignes très strictes aux préfets en ce sens.

Il est aussi important de ne pas se bercer d'illusions, en donnant trop de crédits aux marchands de solutions trop faciles, qui proposent vidéo ou pseudo-formation. Une personne radicalisée est convaincue de ce qu'elle pense, parce qu'elle le pense vraiment, et ce qu'elle a en tête est contraire à nos principes et dangereux. Pour lui faire prendre conscience de ses erreurs, il faut donc beaucoup de temps, beaucoup de savoir-faire, la mobilisation de très nombreuses personnes, des éducateurs, des fonctionnaires spécialisés dans les domaines de la justice, de l'action sociale, etc. Voilà pourquoi je me suis permis de dénoncer certaines pratiques trop superficielles.

Le groupe SOCR ne votera pas ce budget, malgré les progrès en matière d'effectifs, dont je donne volontiers acte au ministre.

Les crédits supplémentaires serviront à apporter des réponses à la question difficile du nombre d'heures supplémentaires non payées.

Les crédits alloués à l'action « Commandement, ressources humaines et logistique » sont en baisse de 16,9 % en autorisations d'engagement et 13,2 % en crédits de paiement. Les moyens ne suivent pas les effectifs. Le parc automobile de la police nationale subit une baisse de 15 millions d'euros de crédits. Même tendance pour l'immobilier.

Les crédits de formation n'augmentent pas suffisamment par rapport à la hausse des effectifs. Trop peu de moyens sont alloués aux réservistes.

Enfin, l'action « Sécurité routière » est en baisse de 5,2 % par rapport à 2019. Or le sujet préoccupe à juste titre nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC)  Avec plus de 3,9 % en crédits de paiement quand notre PIB augmente de 1,2 %, la mission « Sécurités » est en nette progression. Plus de 1 000 policiers et 490 gendarmes renforceront les capacités de notre pays. Ce n'est pas rien, à l'heure de l'exécution de la loi de programmation militaire. Le cap du régalien est tenu.

L'augmentation la plus marquée concerne les actions 1 « Ordre public » et 4 « Police des étrangers », conformément aux attentes de nos concitoyens. La commission des lois a estimé que les crédits alloués à l'équipement des forces de sécurité étaient trop limités. C'est vrai, mais il faut nuancer car des engagements ont été pris sur la revalorisation des rythmes de carrière, l'amélioration des conditions de travail, les jours de repos et le paiement des heures supplémentaires. Tout cela favorise l'amélioration des conditions de sécurité dans ce pays.

Alain Richard le disait : en matière de sécurité, il faut savoir ce que l'on veut.

Capacité d'organisation, qualité d'exécution au quotidien, bonne gestion des hommes et des femmes qui exercent les missions, exacte mesure des menaces, sont des critères essentiels. Notre pays est plus réputé, pour ses idées que pour sa ténacité à les mettre en oeuvre.

Les conditions de recrutement ne doivent pas être dégradées. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le général L'Hotte, écuyer en chef du Cadre noir, répétait chaque matin : « Je vais calme, en avant et droit ». Tel est l'esprit de cette mission.

Je rends hommage à nos forces de l'ordre qui se sont mobilisées sur tous les fronts en 2019 : gilets jaunes, prévention de la menace terroriste, sécurité des biens et des personnes, violence de la rue et haine « anti-flics », manque d'effectifs, commissariats et casernes vétustes, véhicules obsolètes ; les policiers et gendarmes demandent un plan Marshall de la sécurité intérieure. Le nombre important de suicides témoigne de l'état psychologique dégradé de nos forces de sécurité. Il est urgent de les protéger.

Les quatre programmes de la mission soutiennent les actions de la sécurité intérieure. Notre rapporteur pour avis de la commission des lois, Henri Leroy, regrette que le budget 2020 n'apporte pas de solution à la dégradation des conditions de travail des policiers et gendarmes.

Le renforcement des effectifs se fait au détriment de l'équipement. L'efficacité des policiers et gendarmes ne repose pourtant pas que sur leur nombre. Ne pas augmenter les dépenses de fonctionnement et d'investissement nuira à leur capacité fonctionnelle.

M. Christian Cambon.  - C'est cela le problème.

M. Jérôme Bascher.  - Absolument !

Mme Nicole Duranton.  - Dans le cadre de la police de sécurité du quotidien, des stratégies locales devraient se développer sur des territoires à fort enjeu de sécurité.

Les investissements des SDIS, en souffrance, ne sont plus soutenus par l'État. La montée en puissance du service national universel fait craindre un nouveau report de charges sur les collectivités.

En matière de sécurité routière, la mesure des 80 km/h reste difficile à évaluer. Or le budget est là aussi en baisse.

Je regrette que les crédits ne permettent pas à nos forces de l'ordre d'être aussi opérationnelles qu'elles le pourraient. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Jean-Luc Fichet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)  Les crédits de la sécurité civile sont en baisse de 3,3 % par rapport à 2019, liée au transfert des systèmes d'information vers le programme 216. Même en neutralisant les effets de ce changement de périmètre, les crédits du programme 161 marquent le pas.

Pourtant, la sécurité civile ne représente que 2,5 % des crédits de la mission. Le programme 161 est peu impactant pour les SDIS, financés avant tout par les collectivités locales. Un malaise grandit à mesure que la stagnation des effectifs dure.

L'arrêt Matzak assimile les sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs et plafonne leurs heures à 2 304 heures par an. Un sapeur-pompier salarié à temps plein ne peut pas travailler comme sapeur-pompier plus de 697 heures par an.

Les périodes d'astreinte sont assimilées à du temps de travail ce qui remet en cause le modèle français. De quelle manière envisagez-vous les discussions avec la nouvelle Commission européenne sur ce sujet ?

Le volume d'interventions des sapeurs-pompiers pour des feux a augmenté de 25 %. Le secours d'urgence à la personne a augmenté de 61 %. Il est devenu l'activité principale des SDIS, en particulier dans les territoires touchés par la désertification médicale. C'est dire combien la nature de l'activité a changé. Les sapeurs-pompiers assurent près de 95 % des urgences hospitalières.

L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales évalue que ce taux d'agression déclaré a augmenté de 213 %...

M. Sébastien Meurant.  - Eh oui !

M. Jean-Luc Fichet.  - Je me félicite de la proposition de loi Kanner visant à renforcer la sécurité des sapeurs-pompiers, même si ses dispositions ont été amoindries. C'est une première avancée. Une mission d'information sénatoriale viendra enrichir notre réflexion.

L'État se doit de garantir des moyens à notre sécurité civile. Ce n'est pas le cas de ce budget. La dotation des SDIS est largement diminuée. Le groupe socialiste votera contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; M. Sébastien Meurant applaudit aussi.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Quand on regarde un budget, on peut le voir de différentes manières. Je le vois comme un bon budget. Est-il pour autant parfait ? Non.

Certains relaient les demandes des forces de police de voir les effectifs renforcés, tout en nous reprochant aussi de le faire. Il est important de s'inscrire dans la durée lorsqu'on examine un budget.

Si l'on pose une base 100 en 2007, entre 2007 et 2012, le budget s'est effondré de 100 à 88 pour la gendarmerie nationale, de 100 à 83 pour la police nationale. Dans le même temps, dois-je rappeler que 12 500 postes ont été supprimés ? Et malgré cela, dans la même période, et sur la même base, le coût des policiers a augmenté à 105 et celui des gendarmes à 110.

Lorsque l'on regarde un budget, il faut en voir la dynamique. Nous avons augmenté de 10 % sur trois exercices les moyens alloués à nos policiers et gendarmes. Et l'an prochain, la dynamique sera encore supérieure.

Est-ce suffisant ? Non, dès lors qu'on considère le mal-être réel dans lequel se trouvent nos forces de l'ordre.

Cependant, ces forces bénéficient de la plus forte augmentation du budget de la Nation. Encore une fois, c'est insuffisant, car le terrorisme, la délinquance, les tensions et les risques ne cessent d'augmenter.

Je salue l'engagement de tous ces hommes et femmes, policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers qui oeuvrent à la sécurité des Français. Ce budget de plus de 13 milliards d'euros est en augmentation de 518 millions d'euros, de 4 % pour la police et la gendarmerie. La hausse est sensible et favorise la politique de recrutement que nous poursuivons. Cette politique de recrutement avait débuté en 2015.

Je vous propose, dans l'objectif de 10 000 emplois dans ce quinquennat, de créer dans ce budget 2 000 emplois, - à peine un retour à l'étiage de 2007 - pour la police, en plein accord avec les organisations syndicales. Soyons cohérents ! Le protocole de 2018 a conduit à une augmentation de salaire de 100 euros nets par mois pour les policiers et gendarmes. Nous avons aussi ouvert une négociation sur le temps de travail et les heures supplémentaires dont les premières heures remontent à 2005.

Ce budget n'est donc pas si mauvais que certains d'entre vous le prétendent. Nous avons débloqué 50 millions d'euros à la fin de cet exercice pour payer 3,5 millions d'heures supplémentaires.

Dès 2020, notre nouveau dispositif générera moins d'heures supplémentaires et nous mettons en place une nouvelle organisation du temps de travail. C'est une première.

Alors que les policiers avaient un week-end de libre toutes les six semaines, ils en auront un de trois jours, un week-end sur deux et une semaine deux.

Je ne veux plus jamais que l'on me dise qu'un suicide n'est pas lié aux conditions de travail. Certes, il y a toujours des causes profondes, liées et multiples à un tel acte. Mais le nombre record de suicides que nous avons connus l'an dernier est aussi lié aux conditions de travail. Nous avons fait le choix du porte-monnaie pour créer des postes dans la police ; ainsi, 87 % des crédits qui lui sont accordés iront aux créations de postes et au pouvoir d'achat, je l'assume.

L'amélioration du rythme de travail n'aura pas d'impact sur la présence policière dans la rue. Ce budget poursuivra le recrutement de 1 465 policiers supplémentaires en 2020.

Les crédits d'investissement et de fonctionnement ne sont pas en reste. La création de la direction du numérique est importante, mais il faut regarder l'évolution du budget à périmètre constant. L'enveloppe de 55 millions d'euros pour acheter 2 500 véhicules neufs, marque une augmentation de 25 % par rapport aux autres années. Nous privilégions l'ordre public - 5 millions d'euros - et la lutte contre les stupéfiants - 10 millions d'euros - pour la dotation de moyens techniques et l'Ofast en particulier.

Les crédits de la gendarmerie nationale augmentent également. L'ensemble des sous-officiers en bénéficiera : 5,5 millions d'euros sont ainsi consacrés à la gendarmerie nationale. En 2020, 2 000 voitures seront financées ; 500 voitures supplémentaires seront commandées d'ici fin 2019...

M. Jérôme Bascher.  - Ah !

M. Christophe Castaner, ministre.  - Une enveloppe de 100 millions d'euros sera consacrée aux investissements et 47 opérations immobilières seront menées.

J'en viens à la sécurité civile. En 2019, avec les inondations dans l'Aude, l'incendie de Notre-Dame de Paris et les feux de forêt, le rôle des sapeurs-pompiers et plus généralement de la grande communauté de la sécurité civile a été essentiel. Ce rôle ne cessera de croître avec le changement climatique. Le budget 2020 leur consacrera 464,5 millions d'euros, en augmentation de 6 % par rapport à 2017. Les deux tiers de cette somme sont destinés au fonctionnement et à l'investissement. Les Trackers seront remplacés par des Dash, véritables couteaux suisses de l'intervention de la sécurité civile - 380 millions d'euros y sont consacrés - et de nouveaux Dash seront livrés dès cette année.

Nous travaillons avec la Commission européenne pour commander des Canadair. Elle n'a pris ces fonctions qu'aujourd'hui, mais j'ai déjà débuté les discussions. Nous remplaçons les véhicules de lutte contre les feux de forêt, et maintenons les crédits consacrés au déminage.

Nous investissons aussi en faveur du numéro unique de secours. En 2020, nous avancerons sur plusieurs chantiers.

L'activité des secours d'urgence et d'assistance aux personnes augmente depuis de longues années. Or depuis ces derniers mois, elle est en légère diminution.

Les effectifs des sapeurs-pompiers reculent depuis plusieurs années. Cette année, ils augmentent de 1 %. C'est insuffisant, mais c'est un début.

Les premières mesures pour les services d'urgences aux personnes ont été engagées. Les sapeurs-pompiers ne sont pas des ambulanciers avec un véhicule rouge.

Mme Catherine Troendlé.  - Tout à fait !

M. Christophe Castaner, ministre.  - Selon le président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers, il n'y a pas d'augmentation des agressions. Mais il faut des plaintes systématiques pour chaque agression. Dans un cas sur deux, c'est la victime qui devient agresseur. Il faut protéger nos sapeurs-pompiers.

Vous me demandez de prendre des décisions pour les sapeurs-pompiers professionnels, qui dépendent des collectivités territoriales ! Chiche... Mais je demande que les présidents de l'association des départements de France et de l'association des maires de France soient présents, car si je prends des décisions que d'autres paient, le Sénat, représentant des collectivités territoriales, pourrait légitimement me le reprocher.

Sur les retraites, nous avons travaillé avec les organisations syndicales. Sur les augmentations de la prime dite au feu, j'ai fait des propositions.

Mme Catherine Troendlé.  - C'est vrai !

M. Christophe Castaner, ministre.  - Sur l'arrêt Matzak, la solution n'est pas une nouvelle directive sur l'engagement, qui interviendrait dans un délai long. J'ai déjà travaillé sur ce sujet avec le nouveau commissaire européen. Je m'y suis engagé auprès des sapeurs-pompiers.

L'ancien président de la Commission européenne avait écrit une lettre équivalant à une fin de non-recevoir aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Nous travaillons à présent sur de nouvelles bases avec la nouvelle Commission.

Je précise qu'il n'y a pas de baisse d'emplois dans la sécurité civile, mais la création de 12 emplois. Par ailleurs, 408,4 millions d'euros sont consacrés à la sécurité routière, en légère hausse. Les crédits de paiement augmentent de 2,3 %.

Je n'ai pas répondu à toutes les questions, mais devant la commission d'enquête du Sénat sur l'incendie de l'usine Lubrizol, j'ai évoqué les alertes. Nous devons améliorer notre dispositif. Devant la commission des lois, j'ai planché sur la gestion post-attentats à la préfecture de police.

Bref, sur la sécurité, le budget, en forte progression, est bon. Les réalités multiples de la police et de la gendarmerie - et non « la » réalité que vous présentez comme unique - nécessitent de souligner cet effort.

Enfin, l'achat du siège de la DGSI n'impactera pas, monsieur le président Requier, la totalité du budget immobilier de la police nationale. Ce sera inscrit en plus dans le projet de loi de finances pour 2021 : je viens d'avoir l'accord de Bercy. La police nationale bénéficiera ainsi d'un budget de plus de 225 millions d'euros pour un an, exceptionnellement.

Le siège unique et sécurisé de la DGSI, actuellement éclaté en trois bâtiments séparés, nécessite cet investissement majeur. Nous devons cet engagement au personnel de la DGSI. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Examen des crédits de la mission, des comptes spéciaux, des articles rattachés et des amendements portant articles additionnels

Article 38 - État B

M. le président.  - Amendement n°II-525, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

1 052 870

1 052 870

Gendarmerie nationale

dont titre 2

2 611 247

2 611 247

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

3 664 117

3 664 117

TOTAL

3 664 117

3 664 117

3 664 117

3 664 117

SOLDE

0

0

M. Christophe Castaner, ministre.  - Cet amendement corrige une erreur d'imputation. Le rendez-vous salarial implique un coup de rabot, comme l'on dit à Bercy.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - Par cohérence avec le rejet du budget, avis défavorable.

L'amendement n°II-525 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-314 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes et MM. Léonhardt, Requier et Vall.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

1 500 000

1 500 000

Gendarmerie nationale

dont titre 2

Sécurité et éducation routières

1 500 000

1 500 000

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

1 500 000

1 500 000

1 500 000

1 500 000

SOLDE

0

0

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement vient de la Gironde, de Nathalie Delattre... Il maintient la participation historique des maîtres-nageurs sauveteurs CRS à la sécurisation des plages.

Depuis quelques années, elle est en effet remise en cause, en particulier depuis la publication de la communication de la Cour des comptes de septembre 2012 sur « L'organisation du secours en montagne et de la surveillance des plages ».

Aux côtés des SDIS, de nombreuses associations et des civils contractuels recrutés par les communes, les MNS CRS concourent depuis 1958 à la sécurité des usagers des plages françaises. Comme le souligne opportunément la Cour des comptes, leur présence sur les plages est particulièrement précieuse. Ils sont compétents pour prévenir les noyades des vacanciers comme pour lutter contre la « délinquance du sable ». Dès 2012, la Cour des comptes constatait « l'indéniable progression des enjeux de sécurité publique, compte tenu d'une délinquance croissante sur les plages ».

Cet amendement accroît les crédits affectés aux compagnies républicaines afin de pérenniser l'exercice de leur mission de sécurité publique sur les plages, en transférant 1,5 million d'euros de crédits de l'action 2 « démarches interministérielles et communication » du programme 207 « Sécurité et éducation routières » vers l'action 2 « Sécurité et paix publiques » du programme 176 « Police nationale ».

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.  - Nous sommes extrêmement sensibles à la présence des maîtres-nageurs sauveteurs CRS sur les plages, mais puisque vous le gagez, votre amendement aurait des conséquences négatives sur les crédits de la sécurité routière. En outre, ce n'est pas une mission régalienne de l'État - elle concerne davantage les collectivités territoriales - et il faut sécuriser la détention des armes sur ces lieux. Retrait ou avis défavorable.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Depuis 2008, la tendance des effectifs de CRS parmi les maîtres-nageurs sauveteurs est à la décroissance. De plus en plus, les collectivités territoriales prennent en charge cette sécurité.

En revanche, nous redéployons des policiers et des gendarmes pour assurer la sécurité sur les lieux touristiques.

Je n'ai pas diminué le nombre de CRS sur les plages faute d'anticipation en 2019. Pour autant, il n'est pas nécessaire d'augmenter leur nombre, ce n'est pas leur mission principale. Les collectivités territoriales peuvent faire appel aux maîtres-nageurs sauveteurs dont ils disposent dans les piscines. Avis défavorable.

M. Jérôme Bascher.  - Dans un contexte de menace d'attentat de masse, le redéploiement en zone touristique est essentiel.

Les Français sont aussi de moins en moins polis les uns envers les autres. La marque CRS dans le dos...

M. François Bonhomme.  - ... ou sur le maillot !

M. Jérôme Bascher.  - ... a du bon, car elle est dissuasive et efficace ! Les maîtres-nageurs sauveteurs classiques n'ont pas l'autorité suffisante pour faire respecter dans nos lieux de baignade les civilités qui conviendraient.

L'amendement n°II-314 rectifié est retiré.

Les crédits de la mission « Sécurités » ne sont pas adoptés.

Article 78 septdecies

M. François Bonhomme .  - Cet amendement propose une expérimentation. La plateforme unique d'expérimentation des appels d'urgence est essentielle pour soulager la pression sur les SDIS - qui ont 4,6 millions d'interventions par an.

Dans le Tarn-et-Garonne, il y a trois semaines, vous avez vu, monsieur le ministre, tout l'intérêt de l'expérimentation qui a entraîné en quelques mois une stabilisation remarquable du nombre d'interventions. Tous les SDIS sont soumis à ces appels : le dispositif mériterait d'être développé. Toutefois, il faudrait un effort supplémentaire en crédits d'investissement. Avec le pacte qui limite l'augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales à 1,2 %, c'est une voie à envisager.

M. le président.  - Amendement n°II-32, présenté par M. Vogel, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial.  - Cet article 78 généralise la possibilité pour les associations agréées de sécurité civile de réaliser des évacuations d'urgence de victimes, actuellement circonscrites au ressort d'activité de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et du bataillon de marins-pompiers de Marseille.

Si je partage l'objectif poursuivi par ce dispositif, je propose néanmoins la suppression de cet article introduit par l'Assemblée nationale.

En effet, une telle mesure n'a aucune incidence directe sur les charges de l'État, et ne doit dès lors pas figurer dans la présente loi de finances, encadrée par l'article 34 de la LOLF. Son adoption dans le texte définitif l'exposerait à une censure du Conseil constitutionnel.

La rédaction mériterait en outre d'être améliorée, afin de garantir la pleine maîtrise des SDIS du recours aux moyens complémentaires qu'offriraient les associations agréées de sécurité civile.

Cet article pourrait être repris dans un texte spécifique modifiant la loi sur la sécurité civile de 2004.

Mme Catherine Troendlé.  - Très bien.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Cet article a été introduit à la demande d'un député Les Républicains. Ce dispositif est utile et apporte une réponse au mal-être des services de secours. Avis défavorable. Ce serait un mauvais signe donné aux sapeurs-pompiers.

L'amendement n°II-32 est adopté.

L'article 78 septdecies est supprimé.

Article 40 - État D

M. le président.  - Amendement n°II-308 rectifié, présenté par MM. Raison, Bas, Perrin, B. Fournier et Joyandet, Mme Billon, M. Hugonet, Mme Morhet-Richaud, MM. Houpert et Gremillet, Mmes Bonfanti-Dossat et Deroche, MM. Paccaud et Savin, Mmes Thomas, Chain-Larché et A.M. Bertrand, MM. Chaize, Mandelli, Cardoux et Charon, Mme Deromedi, MM. Pellevat, Bazin, Darnaud et Genest, Mmes Troendlé et Deseyne, MM. Lefèvre, Calvet et Pierre, Mme Lopez, M. Courtial, Mme Estrosi Sassone, MM. J.M. Boyer et Meurant, Mmes Bruguière et Ramond, MM. Vaspart, D. Laurent et Magras, Mme Chauvin, M. Longeot, Mmes Loisier et L. Darcos, MM. Bascher, Morisset et Segouin, Mme Puissat, MM. H. Leroy, Bonhomme et Schmitz, Mme Imbert, M. Huré, Mme Micouleau, M. Saury, Mme Berthet, MM. Allizard et Fouché, Mme Lherbier, M. Bonne, Mme Gruny et M. Leleux.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Structures et dispositifs de sécurité routière

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

586 439 892

586 439 892

Désendettement de l'État

586 439 892

586 439 892

TOTAL

586 439 892

586 439 892

586 439 892

586 439 892

SOLDE

0

0

M. Antoine Lefèvre.  - Cet amendement consacre les recettes des « amendes radars » à l'amélioration du réseau routier et de ses zones les plus accidentogènes, et ainsi, favorise les politiques de prévention.

Il transfère donc les crédits de l'action 1 du programme « désendettement de l'État » vers l'action 1 du programme « contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières ».

Cet amendement a été cosigné par plus de 80 collègues. Les radars apparaissent souvent sur certains segments routiers comme des « pompes à fric ». Avec 60 % d'appareils hors d'usage l'an passé, il y a eu moins de morts sur les routes. Nous préférons flécher ces moyens vers l'amélioration très attendue de l'entretien d'un réseau routier en nette dégradation.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial.  - C'est une récidive ! (M. Antoine Lefèvre s'étonne.) Ce que je veux dire, c'est qu'il ne s'agit pas d'un amendement de circonstance, lié aux élections municipales. L'adoption de cet amendement conduirait à supprimer totalement le programme 755, et les deux amendements suivants de Michel Raison supprimeraient carrément le fléchage en direction du désendettement de l'État. Certes, le compte d'affectation spéciale doit être rebâti, de manière notamment à ce que l'État reçoive un solde et non un pourcentage des recettes. Mais d'ici là, mieux vaut éviter de trop déstabiliser l'architecture du dispositif. Remarquons toutefois que les fonds destinés aux collectivités croissent de 30 %. Avis défavorable.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Avis défavorable. Cette clé de répartition existe depuis 2006 : 21 % pour le désendettement de l'État, 20 % pour les collectivités territoriales et 26 % pour l'Afitf. Je veux aussi m'opposer à la petite musique de la « pompe à fric ». On ne devrait pas entendre cela au Sénat. Depuis que le président Chirac a fait de la sécurité routière une grande cause nationale...

M. Jérôme Bascher.  - Merci de le reconnaître !

M. Christophe Castaner, ministre.  - ... les limitations de vitesse, comme la ceinture à l'avant imposée par Raymond Barre, sauvent des vies. Les radars en ont sauvé 116 l'an passé ! Ils ne rapportent que 860 millions d'euros de recettes, alors que la sécurité routière coûte 3,5 milliards d'euros et les accidents autoroutiers 35 milliards d'euros. Parler de « pompes à fric », ce n'est pas au niveau de la souffrance des victimes ni des pompiers qui interviennent.

L'amendement n°II-308 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-272 rectifié, présenté par MM. Fouché, Menonville, Guerriau, Wattebled, Chasseing, Lagourgue, D. Laurent et Pellevat, Mmes Lanfranchi Dorgal et Guidez, M. Genest, Mmes Lassarade et Bonfanti-Dossat, M. Détraigne, Mme Troendlé, M. Joyandet, Mme N. Delattre et MM. B. Fournier, Bonhomme, Bouchet et Mayet.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Structures et dispositifs de sécurité routière

190 992 680

190 992 680

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

190 992 680

190 992 680

Désendettement de l'État

TOTAL

190 992 680

190 992 680

190 992 680

190 992 680

SOLDE

0

0

Mme Catherine Troendlé.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°II-273 rectifié, présenté par MM. Fouché, Menonville, Guerriau, Wattebled, Chasseing, Lagourgue, D. Laurent et Pellevat, Mmes Lanfranchi Dorgal et Guidez, MM. Reichardt et Genest, Mmes Lassarade et Bonfanti-Dossat, M. Détraigne, Mme Troendlé, M. Joyandet, Mme N. Delattre et MM. B. Fournier, Bouchet et Mayet.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Structures et dispositifs de sécurité routière

100 000 000

100 000 000

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

100 000 000

100 000 000

Désendettement de l'État

TOTAL

100 000 000

100 000 000

100 000 000

100 000 000

SOLDE

0

0

Mme Catherine Troendlé.  - Défendu.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial.  - Le dispositif est cette fois un peu différent : il transfert tous les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme 751 vers le programme 754. Cela reviendrait à faire cesser les marchés existants pour l'entretien des radars. Remarquez que cela résoudrait la question de l'affectation des recettes, puisque celles-ci finiraient par disparaître : on tuerait la poule aux oeufs d'or !

M. Christophe Castaner, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-272 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-273 rectifié.

Les crédits du compte spécial « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » sont adoptés.

Article additionnel avant l'article 83

M. le président.  - Amendement n°II-307 rectifié, présenté par MM. Raison, Bas, Perrin et Magras, Mme Ramond, M. Vaspart, Mme Bruguière, MM. D. Laurent et Bascher, Mme Loisier, MM. Longeot et Joyandet, Mme L. Darcos, M. J.M. Boyer, Mme Estrosi Sassone, MM. Courtial et B. Fournier, Mme Billon, M. Hugonet, Mme Morhet-Richaud, MM. Gremillet et Houpert, Mme Lopez, MM. Pierre et Calvet, Mmes Imbert, Deseyne et Chauvin, M. Meurant, Mme Troendlé, MM. Genest, Darnaud, Bazin, Pellevat et Charon, Mme Deromedi, MM. Cardoux, Mandelli et Chaize, Mmes A.M. Bertrand, Thomas et Chain-Larché, MM. Savin et Paccaud, Mmes Deroche et Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mme Puissat, MM. Segouin, Morisset et Huré, Mme Micouleau, MM. Bonhomme, Schmitz, Saury et Fouché, Mmes Berthet et Lherbier, MM. Allizard et Bonne, Mme Gruny et M. Leleux.

A. Avant l'article 83

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 2° du B du I de l'article 49 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du premier alinéa du b est supprimée ;

2° Le deuxième alinéa du b est supprimé ;

3° La première phrase du troisième alinéa du b est supprimée ;

4° Le c est abrogé.

B. En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

M. Antoine Lefèvre.  - L'amendement consacre les recettes des amendes radars à l'amélioration du réseau routier et de ses zones les plus accidentogènes. Pour ce faire, il limite les dépenses de la section « circulation et stationnement routiers » du CAS aux dépenses relatives aux équipements nécessaires au procès-verbal électronique, ainsi qu'aux frais de traitement des avis de contravention et à la contribution au financement par les collectivités territoriales d'opérations destinées à améliorer les transports en commun et la circulation.

M. le président.  - Amendement n°II-309 rectifié, présenté par MM. Raison, Bas, Perrin et B. Fournier, Mme Billon, M. Hugonet, Mme Morhet-Richaud, MM. Houpert, Gremillet et Joyandet, Mme L Darcos, M. J.M Boyer, Mme Estrosi Sassone, M. Courtial, Mme Lopez, MM. Pierre, Calvet, Lefèvre, Darnaud et Genest, Mmes Deseyne et Troendlé, MM. Bazin et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Charon, Cardoux, Mandelli et Chaize, Mmes Chain-Larché, Thomas et A.M Bertrand, MM. Savin et Paccaud, Mmes Deroche et Bonfanti-Dossat, M. H Leroy, Mme Puissat, MM. Segouin, Morisset et Bascher, Mme Loisier, M. Longeot, Mme Chauvin, MM. Magras, D Laurent et Vaspart, Mmes Ramond et Bruguière, MM. Meurant et Bonhomme, Mme Imbert, MM. Schmitz et Huré, Mme Micouleau, M. Fouché, Mmes Berthet et Lherbier, MM. Allizard, Saury et Bonne, Mme Gruny et M. Leleux.

A. Avant l'article 83

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la troisième phrase du c du 2° du B de l'article 49 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour 2020, le montant de cette perte de recettes est calculé de sorte que le montant des versements au budget général soit égal à celui prévu par la loi de finances initiale pour 2018. »

B. En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

M. Antoine Lefèvre.  - Défendu.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial.  - La commission des finances a émis un avis favorable aux crédits du compte d'affectation spéciale, mais nous aimerions travailler avec vos services et ceux de Bercy pour que le dispositif, devenu une véritable usine à gaz avec ses financements croisés, soit revu. Chaque année, des correctifs sont nécessaires. Vos amendements sont dans le même esprit que les précédents. Avis défavorable.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-307 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-309 rectifié.

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances .  - L'article 24 de la Constitution dispose que le Parlement vote la loi, contrôle l'action du Gouvernement et évalue les politiques publiques. En matière d'immigration, d'asile et d'intégration, on ne peut y compter. Il faut voter à l'aveuglette sur des chiffres éparpillés et souvent artificiellement majorés ou minorés.

Emmanuel Macron s'inquiétait dans Valeurs actuelles de l'échec de notre modèle d'intégration. Mais jamais les entrées légales n'ont été aussi nombreuses et les expulsions aussi rares ; nous n'avons jamais montré tant de laxisme, en relaxant la plupart des passeurs tout en condamnant à de la prison ferme les jeunes militants de Génération identitaire pour une fermeture symbolique des frontières françaises... Nous atteignons les limites du « en même temps ». À force de ne pas choisir, nous sommes dans l'impasse et les risques de partition dénoncés par François Hollande ou de face à face violents prédits par Gérard Collomb deviennent chaque jour plus vraisemblables.

Il faut revenir à l'honnêteté, à tout le moins dans les chiffres, biaisés et non consolidés. Ainsi, d'après nos collègues Cornut-Gentille et Kokouendo, le nombre des clandestins en Seine-Saint-Denis pourrait être de 150 000 à 400 000. Au nom d'une conception angélique des droits de l'homme, nous nous interdisons une connaissance précise des réalités démographiques et des coûts - dont on ne sait qu'une chose, c'est qu'ils représentent « un pognon de dingue ».

Il faut aussi de la clarté : comment comprendre qu'en quelques mois on soit passé du pacte de Marrakech à un discours de fermeté, sans aucune remise en question de ce pacte ? Il faut de la cohérence. Comment atteindre les objectifs de 100 % de reconduites à la frontière des déboutés du droit d'asile avec un budget en baisse, au moment même où les demandes explosent tant notre système est généreux grâce à l'argent de ces contribuables à qui nous demandons « en même temps » de se serrer la ceinture et d'accepter sans rien dire la préférence étrangère !

Comme Valéry Giscard d'Estaing, Georges Marchais ou Jacques Chirac, je pense qu'il faut non seulement stopper l'immigration illégale, mais aussi réduire drastiquement les 400 000 entrées légales.

Le plus impardonnable est le manque de courage, (M. Didier Rambaud proteste.) car il n'y a pas en France de politique migratoire, ni de politique d'intégration des étrangers.

Refuserons-nous de regarder en face la trajectoire de l'histoire et ce qu'il en a coûté à nos aïeux pour nous léguer un grand pays, libre et rayonnant sur le monde ? Montrons-nous dignes d'eux. N'accueillons que ceux qui acceptent nos lois, nos moeurs et expulsons ceux qui ne veulent pas s'y plier.

Si nous ne faisons rien, qu'en sera-t-il dans quelques années de la France de Louis XIV, de Napoléon, et de De Gaulle ? La réponse est dans la question. J'ai honte de vous présenter ce budget sur une mission aussi mensongère ; je vous invite donc à rejeter cette mission dite par antiphrase « Asile et immigration et intégration ». (M. François Bonhomme applaudit.)

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est très nuancé.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui ont besoin de moyens supplémentaires, sont les principales bénéficiaires de la hausse de 9 % des crédits de la mission. Dont acte. La hausse d'effectifs de 205 emplois suffira-t-elle à tenir le fichu délai imparti de deux mois ? Nous ne le croyons pas.

Les crédits de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) s'établissent à 440 millions d'euros, alors que les dépenses effectives en 2019 avaient été de 519 millions d'euros. Par quel hasard y aurait-il l'année prochaine moins de besoins ? Le Gouvernement parie sur une stagnation des demandes d'asile. Il fait le même pari que l'année dernière, alors qu'il y a eu 12 %, soit 134 000 demandes en plus en 2019. Vous faites aussi le pari de renvoyer plus de personnes dans leur pays d'origine, mais les crédits sont en baisse. Où est la cohérence ?

M. François Bonhomme.  - On la cherche !

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - C'est pourquoi la commission des lois ne peut que donner un avis défavorable.

Nous avons réalisé un travail sur la fraude documentaire que vous trouverez dans mon avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Le contexte budgétaire contraint n'a pas empêché le Gouvernement d'augmenter, pour la troisième année, les crédits de la mission - plus 8 % en 2020. Cela lui permettra d'atteindre les objectifs fixés par le président de la République et le Premier ministre dans les débats parlementaires organisés les 7 et 9 octobre, un an après la loi Asile et immigration et le 6 novembre, lors d'un comité interministériel.

Le budget vise la réduction à six mois du délai d'examen des demandes des ressortissants des pays sûrs et renforce les capacités d'hébergement des demandeurs d'asile. C'est une bonne chose si vous souhaitez tenir votre engagement, monsieur le ministre, d'évacuer les camps dans le nord-est de Paris avant 2020. Il faut nuancer la baisse apparente des moyens de la lutte contre l'immigration clandestine, qui ne sont pas tous retracés dans cette mission. L'intégration est essentielle : nous augmentons les crédits de 30 millions d'euros, ce qui permettra d'augmenter le nombre d'heures de français et d'instruction civique.

Après des années d'incuries, la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte commence à porter ses fruits. L'opération Shikandra, du nom d'un poisson qui mord ceux qui s'approchent de son nid, lancée en août, vise 25 000 reconduites d'ici fin 2019. Au 1er octobre, 22 000 avaient déjà été réalisées. Compte tenu des différences économiques qui sous-tendent cette immigration, le Gouvernement s'est engagé à aider l'Union des Comores. Les propos tenus par son président le 13 novembre ne remettent pas en cause, je l'espère, l'accord conclu.

La commission des lois a envoyé une mission en Guyane. Le rapport sera publié en janvier ; monsieur le ministre, soyez-y attentif.

Je vous invite à adopter ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et Les indépendants)

Mme Esther Benbassa .  - Avant son élection, Emmanuel Macron louait la politique migratoire d'Angela Merkel, qui avait « sauvé la dignité de l'Europe ». Depuis, il ne fait que donner des gages à peine voilés aux populismes, à commencer par la loi Asile et Immigration ou, dernièrement, avec les quotas. Alors que 2 260 migrants sont morts noyés en Méditerranée l'année dernière, ce budget, qui fait la part belle à la lutte contre l'immigration irrégulière au détriment de l'intégration, n'est pas fait pour nous rassurer. Le Gouvernement fait tout pour décourager les migrants, qui fuient la guerre, la famine ou le dérèglement climatique. Votre politique dissuasive est inhumaine : alors que près de 2 000 exilés sont sans logement dans la capitale, vous préférez investir 41,2 millions d'euros dans les centres de rétention administrative (CRA) plutôt que dans les places d'hébergement ou l'accompagnement social des personnes retenues.

La seule bonne nouvelle concerne les 20 millions d'euros supplémentaires accordés à l'Ofpra, que Laurent Nunez nous avait refusé catégoriquement l'an passé.

Ce budget insuffisant oblige les associations à agir à la place de l'État.

M. Christophe Castaner, ministre.  - On les paie pour cela !

Mme Esther Benbassa.  - À quand une politique migratoire digne, des places en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), une revalorisation de l'allocation de demandeur d'asile (ADA) et un réel accompagnement vers l'emploi ? Nous ne voulons pas de votre politique inique et ne voterons donc pas ce budget insincère.

M. Emmanuel Capus .  - Je cite le rapporteur spécial : « Entre 2014 et 2019, les crédits affectés à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière ont crû de 37,5 %, alors que la demande d'asile a quasiment doublé ». Il faut être vigilant et nuancé. Les crédits affectés à l'éloignement et ceux de l'immigration ne sont pas forcément liés et nous ne devons pas entretenir cette confusion entre réfugiés, immigrés et étrangers, qui font le jeu des populismes. Ne sacrifions pas à l'angélisme pour autant : l'immigration préoccupe les Français comme les autres Européens.

Les réformes se sont succédé sans succès. Les migrations sont des phénomènes internationaux et nous regrettons que l'Europe n'ait pas mandat pour traiter ce problème. L'espace Schengen est une chance pour tous les Européens. Il contribue à faire de l'Europe un continent de paix, de prospérité et de liberté. Cela ne doit pas se transformer en faiblesse. L'augmentation du nombre d'agents de Frontex est insuffisante.

L'Europe ne doit plus sous-traiter le contrôle de ses frontières. Le comportement du président turc Erdo?an est inacceptable et nous ne pouvons pas être ses otages. Le contrôle des frontières nécessite des mesures coercitives, ne nous le cachons pas.

La France doit prendre sa part de l'effort. L'État doit consacrer des moyens pour que le contrôle de l'immigration se fasse dans les meilleures conditions. L'augmentation de 25 % des effectifs de l'Ofpra va dans le bon sens. Nous regrettons la stagnation des crédits alloués à la lutte contre l'immigration irrégulière, d'autant plus que le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire (OQTF) est inférieur à 25 %. « Faire des lois et ne pas les exécuter, c'est autoriser ce qu'on veut interdire », disait Richelieu.

M. François Bonhomme.  - Cela n'a pas changé !

M. Emmanuel Capus.  - Effectivement. Nous voulons une France tournée vers le monde, mais dans le soutien et respect de la loi.

Le groupe Les Indépendants votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et LaREM)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Ce sujet n'est pas franco-français, mais européen. Son volet budgétaire n'est que second par rapport à la question principale : en quelle mesure les Européens seront-ils capables de se concerter pour faire face aux enjeux. Nous souhaitons faire des propositions pour combattre le sentiment d'impuissance de l'État en matière d'immigration.

En matière d'asile, il faut être capable de dire : oui veut dire oui, et non veut dire non. Nous avons apprécié la volonté du Premier ministre de mener un débat sur ces questions devant la Représentation nationale il y a quelques mois. Notre groupe avait alors fait des propositions, notamment celle d'un droit européen au mieux harmonisé et minima convergent - cela supposant sans doute une coopération renforcée entre au moins neuf pays. Nous prônons aussi un renforcement de l'espace Schengen et la mise en place d'une interface de recherche unique : les systèmes d'information sont actuellement trop nombreux !

Il faut simplifier les procédures d'éloignement - c'est ce qui manquait dans la loi Asile et Immigration. Nous saluons l'initiative prise par le Premier ministre auprès du Conseil d'État pour étudier cette question. Les requêtes devant les juridictions administratives ont augmenté de 38 000 depuis trois ans, dont 35 000 liées au droit des étrangers.

La coopération avec les pays d'origine est essentielle, tout comme la question des quotas.

Une partie du budget concerne l'augmentation des moyens du programme 303 de 7,98 %. Nous constatons aussi une hausse des moyens en matière d'intégration par le travail et par une meilleure pratique du français.

L'Ofpra bénéficie de plus de 200 postes supplémentaires, ce qui est considérable. Connaissez-vous une autre agence qui connaisse une telle augmentation ?

La réduction des crédits en matière de lutte contre l'immigration irrégulière pose la question de l'exécution des mesures d'éloignement. Monsieur le ministre, y a-t-il des éloignements qui ne seraient pas exécutés pour des raisons financières ?

Pour le reste, ce budget va dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et LREM)

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE) L'asile est un droit, mais aussi un devoir. Proclamer le droit d'asile, c'est dire la société que l'on veut. L'immigration, elle, est une politique, avec des moyens.

M. François Bonhomme.  - Et des frontières !

M. Jean-Yves Leconte.  - Malheureusement, en ce moment, c'est plutôt le moyen de faire de la politique, au risque de fracturer la société. (M. François Bonhomme proteste.) Certains sont actifs, et développent la haine, d'autres passifs, et craignent pour leur réélection. Nous assistons à ce que Soljenitsyne nommait « le déclin du courage ».

Ne confondons pas politique de lutte contre la fraude et politique d'intégration. Pour être intégré dans un pays, il faut s'y sentir bien, ne pas se sentir différent. L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit avoir les moyens d'intégrer les étrangers et de faire en sorte qu'ils apprennent la langue française. Évitons que les files d'attente physiques et numériques ne mettent des personnes en situation irrégulière. Il faut un an pour obtenir un titre de séjour : quand enfin on l'obtient, il expire ! Que dire de la naturalisation ? Une personne qui partage notre langue et nos valeurs et qui souhaite devenir français, après de longues procédures, reçoit de la part de notre administration une grande gifle : on le considère comme un étranger.

M. Roger Karoutchi.  - (Amusé) Cela me semble normal, avant la naturalisation !

M. Jean-Yves Leconte.  - C'est bien d'améliorer les moyens de l'Ofpra et de la CNDA. Mais le dispositif d'accueil est totalement inopérant. Alors qu'entre 2012 et 2017, de nombreuses places en CADA avaient été ouvertes, ces places ne croissent que de 8 %. La norme de l'hébergement pour les demandeurs d'asile, c'est la rue. Pas même 50 % des demandeurs d'asile passent par les CADA, qui est pourtant la seule solution pour les traiter avec humanité et soigner leurs traumatismes. Ce budget ne fera pas évoluer la situation. Comment voulez-vous que les gens s'en sortent s'ils n'ont pas le droit de travailler ?

Nous avons tous été touchés par le drame du Mali. Nous avons besoin d'États africains forts et respectueux des droits humains. Veillons à ne jamais mettre à mal cette politique pour obtenir des laissez-passer consulaires. La situation de la Guinée, par exemple, est très préoccupante.

Les moyens de Frontex devront être renforcés dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel. La France doit y prendre sa part.

Veillons à ne pas nous rendre complices de l'esclavagisme qui sévit en Libye. Veillons aussi à ce que les externalisations opérées dans nos consulats se fassent dans de bonnes conditions. Nous ne pouvons pas voter ce budget.

Nous sommes tous attachés à nos identités, mais les migrations sont la source de l'histoire de l'humanité. Elles font nos identités à tous. Le discours du rapporteur spécial n'était pas digne de sa fonction. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il fallait que cela fût dit !

Mme Josiane Costes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) L'Europe connaît depuis 2015 une hausse significative des flux de migrants, obligeant les États membres à consentir des efforts financiers importants. Cette mission se décompose en deux programmes : « Immigration et asile » et « Intégration et accès à la nationalité française ». On constate une augmentation de 9,8 % en crédits de paiement et 6,3 % en autorisations d'engagement, soit un quasi-doublement depuis 2017. Les moyens de l'Ofpra sont considérablement renforcés, avec plus de 200 personnes en plus et une subvention augmentée de 30 %. La CNDA bénéficie d'une augmentation de 25 % de ses autorisations d'engagement et de 59 % de ses ETP. Espérons que cela contribuera à réduire les délais des demandes d'asile.

Je salue le contrat d'intégration républicaine créé par la loi de 2016, enrichi en 2018. Plus de 12 millions d'euros financent la formation linguistique et l'insertion professionnelle. Mais je partage l'inquiétude sur les demandes d'asile, que le Gouvernement prévoit stables, faisant la même erreur que dans le précédent budget. Cela mène à des sous-budgétisations. L'augmentation de 33 % du budget de l'ADA est à saluer, mais le montant reste inférieur à celui du projet de loi de finances rectificative. Nul besoin d'être prophète pour savoir que cela ne suffira pas.

Le sujet le plus inquiétant est l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, qui ne se fait que pour la moitié d'entre eux dans une structure adaptée. Or le projet de loi de finances ne prévoit aucune création de place, en raison de l'effort, il est vrai important, consenti l'année dernière.

Quant aux CRA, je crains que les conditions de vie n'y soient pas dignes, à voir la baisse de leurs crédits de 26,39 % en autorisations d'engagement et de 9,98 % en crédits de paiement. Le Gouvernement la justifie par une hausse de 35 % des places en CRA depuis 2017. Mais le taux d'occupation de ces centres atteint 87 %. À Vincennes, j'ai été bouleversée par les conditions de ceux qui y sont retenus. Il est plus que nécessaire d'augmenter les crédits dans ce domaine.

Les crédits alloués aux frais d'éloignement des étrangers en situation irrégulière stagnent de manière regrettable alors que leur taux d'exécution est historiquement bas, à 15 %.

Le groupe RDSE souhaiterait que l'on se centre sur des sujets de fond : que dire sur le long terme de l'évolution de notre politique sur l'immigration ?

Le groupe RDSE s'abstiendra majoritairement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; MM. Emmanuel Capus et Claude Haut applaudissent également.)

M. Édouard Courtial .  - La pression migratoire que connaît notre pays interroge sur notre histoire et nos valeurs dans un contexte de crise identitaire. Bien sûr, la France peut et doit s'honorer d'accueillir celles et ceux qui sont persécutés dans leur pays d'origine mais avec dignité et dans le cadre d'un parcours d'intégration clairement défini.

Cette question majeure ne date pas de 2017 et les solutions ne sont pas franco-françaises, mais européennes : il faut ainsi aligner partout en Europe le montant de l'ADA, comme le propose notre collègue Leroy. Il faut aller plus loin pour lutter contre le détournement massif du droit d'asile. La loi de 2018 tarde à produire des effets et les annonces du Premier ministre ne portent que sur la partie émergée de l'iceberg.

La hausse des crédits pour la troisième année consécutive sera-t-elle suffisante ? Les 129 millions d'euros de crédits seront en fait absorbés en totalité par le droit d'asile.

Ancien président du Conseil général de l'Oise, j'ai mesuré concrètement la pression migratoire sur nos collectivités et son coût. Le système d'accueil et d'hébergement des mineurs isolés est au bord de l'implosion. Les départements font face seuls à une situation intenable. Toujours plus de prise en charge et moins de moyens. La réforme des finances locales va réduire encore leurs marges de manoeuvre. Ils doivent parfois choisir entre mineurs étrangers et mineurs français, eux aussi en détresse. J'avais eu quelques sueurs froides sur ce sujet.

La commission des lois a donné un avis défavorable à l'adoption de ces crédits. Je partage l'analyse du président Bas : nous devons repenser notre politique d'immigration sur le fond. En vertu de notre pacte social, nous devons choisir qui accueillir sur notre sol ; nous devons le faire dignement, comme le commande notre pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Lherbier .  - Élue d'un département frontalier, le Nord, je croise des migrants sur les routes tous les soirs. Les automobilistes craignent de circuler dans ces conditions. Les corps de huit migrants ont été retrouvés récemment sur les plages.

Je me suis rendue avec la commission des lois à Calais. Les sénateurs présents en gardent un souvenir poignant. Les no man's land sont envahis par des migrants qui souhaitent rejoindre l'Angleterre.

Nous devons gérer cette misère humaine et lutter contre la traite des êtres humains. Nous nous sommes déplacés à Bruxelles, dans le cadre de la commission d'enquête, avec Jean-Noël Buffet. Chaque pays est concerné par le sujet, chacun fait face à l'exaspération de sa population. Les Français restent très touchés par la situation de ces migrants, mais l'exaspération s'amplifie en raison de l'indécision des gouvernements, qui ne savent pas concilier humanité et fermeté dans l'application des lois.

La lutte contre le trafic des êtres humains est inefficace ; celle contre l'immigration irrégulière est un échec. Avec 20 000 reconduites sur 130 000 obligations de quitter le territoire français (OQTF), la France est tombée à un taux historiquement bas en matière d'exécution des décisions d'éloignement.

M. François Bonhomme.  - On peut faire mieux !

Mme Brigitte Lherbier.  - Soit l'OQTF est annulée pour vice de forme, soit l'administration ne peut l'exécuter dans les délais.

Notre commission d'enquête sur les forces de sécurité intérieure s'est rendue au centre de rétention de Lesquin dans le Nord. Il est choquant que les personnes en situation irrégulière se maintiennent sur le territoire. Pourquoi voter demain des quotas d'immigration légale si l'immigration illégale n'est pas combattue ? Il faut être très ferme avec les personnes en situation irrégulière. Sinon, pourquoi les autres feraient-elles des efforts pour s'intégrer ? Je suis défavorable à l'adoption des crédits de la mission. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - Vous avez été loin, monsieur le rapporteur spécial.

M. Arnaud de Belenet.  - Trop loin !

M. Christophe Castaner, ministre.  - Du pacte de Marrakech à la préférence étrangère, vous avez semé nombre de fausses informations. Ainsi le nombre d'éloignement a augmenté de 18 % cette année, il n'a jamais été aussi élevé, tandis que vous dites le contraire ! Il n'est pas vrai non plus que les passeurs soient relaxés. J'ai cru avoir perdu la mémoire et j'ai dû rechercher sur votre fiche Wikipédia vos positions politiques passées... (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Sueur applaudit également.)

M. François Bonhomme.  - Il faut se méfier de Wikipédia.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Mme Benbassa, elle, fait preuve de cohérence...

Ne mélangeons pas ceux ayant vocation à obtenir le droit d'asile en France, et ceux qui ne peuvent rester sur notre territoire.

À l'Assemblée nationale et ici, ces dernières semaines, nous en avons débattu clairement. La politique migratoire est infiniment complexe ; parler d'immigration, c'est parler un peu de soi. Il est si facile de caricaturer et de s'en remettre aux bons vieux repères d'opposition entre droite et gauche ! Gardons-nous de toutes postures. Parler d'immigration est un devoir, le président de la République l'a souhaité. Des décisions ont été présentées par le Premier ministre, pour améliorer la qualité de l'accueil mais aussi pour rendre effectives les décisions. C'est ainsi que l'évacuation des campements du nord de Paris a été réalisée dès le lendemain et s'est poursuivie ce matin -  500 personnes ont été mises à l'abri.

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont, en cohérence avec nos objectifs, en augmentation de 9,7 % à périmètre constant.

En 2018, 206 000 personnes sont entrées légalement sur le territoire, dont 90 000 par regroupement familial. L'augmentation du nombre d'étudiants, 83 000, et des migrants économiques, 33 000, sont un bon signe pour l'attractivité de la France. Je note que l'on avait prédit ici l'effondrement du nombre des étudiants étrangers...

M. Jean-Yves Leconte.  - Ce ne sont pas les mêmes !

M. Christophe Castaner, ministre.  - Le nombre de demandeurs d'asile, 120 000, a augmenté, singularité par rapport à la baisse de 18 % en Allemagne.

Les causes de cette évolution sont multiples. Elles tiennent en particulier à des facteurs européens, et à notre système. Nous devons l'expliquer aux Français ; et corriger ce qui serait identifié comme une anomalie. Cela ne veut pas dire accueillir moins ou plus, ni le faire moins bien, mais maîtriser les flux. C'est pourquoi les crédits de l'Ofpra augmentent fortement afin de recruter plus de 200 ETP pour accélérer les décisions ; 441 jours de délai pour un Georgien demandant l'asile, ce n'est pas normal. (Mme Nathalie Goulet approuve.)

Nous poursuivons, en 2020, l'effort pour augmenter les capacités d'hébergement : elles ont plus que doublé depuis 2015. Aucune politique publique n'a fourni un tel effort de solidarité. Cela ne suffit pas, mais nous faisons fort : depuis 2017, 3 000 places ont été ouvertes en CADA. Nous devons améliorer la rapidité de l'instruction des dossiers et réussir les parcours d'intégration. C'est la finalité de notre politique.

Les donneurs de leçons ne doivent jamais oublier d'où ils parlent... Les crédits consacrés à l'intégration ont augmenté de 25 % depuis l'année dernière, notamment pour financer le doublement des heures de français. Comment s'intégrer, en effet, si l'on ne maîtrise pas la langue ?

L'immigration est au coeur de l'action du Gouvernement, fermement et sans angélisme, pour protéger ceux qui en ont besoin.

Monsieur Capus, évidemment la coopération européenne est essentielle. Le président de la République veut accélérer le calendrier de renforcement de Frontex : 10 000 agents seront déployés d'ici 2024, au lieu de 2027.

Nous avons prévu 11,9 millions d'euros pour financer l'interopérabilité des fichiers d'information européens, mais ils n'apparaissent pas ici en raison de la création de la direction du numérique : ils sont inscrits dans le programme 216.

La non-exécution des OQTF est due le plus souvent à l'absence de laisser passer consulaire. Les hébergements contraints ont augmenté de 20 % en 2018. Aucun réacheminement n'est annulé faute de crédits - ils augmentent au contraire, je tiens à rassurer M. Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

Examen des crédits de la mission et des articles rattachés

Article 38 - État B

M. le président.  - Amendement n°II-49 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et Daubresse, Mme Eustache-Brinio, M. Morisset, Mmes Deromedi et Puissat, MM. Bonhomme, Danesi, Pemezec, Schmitz, Savin et Cambon, Mme Lopez, MM. D. Laurent, Cardoux, Regnard et Kennel, Mme Sittler, M. Mayet, Mme Troendlé, MM. Brisson, Gremillet, Longuet, Bascher, Lefèvre, Piednoir et Dallier, Mme Imbert, MM. Laménie, Dufaut, Nougein, Bizet et Charon, Mme Malet, M. Hugonet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. J.M. Boyer, B. Fournier et Allizard, Mmes A.M. Bertrand et Berthet et M. Bonne.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

10 000 000

10 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

10 000 000

10 000 000

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

M. Roger Karoutchi.  - Notre politique migratoire est un échec. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.) Et je ne vous vise pas particulièrement, monsieur le ministre ! Je suis souvent d'accord avec ce que vous dites. Mais après les paroles, on attend les actes.

Tout le monde respecte le droit d'asile, mais sur 130 000 demandeurs, la moitié n'en relève pas, preuve en est que 75 % des recours à l'Ofpra sont rejetés.

Nous sommes dans un système fou : 75 % des déboutés du droit d'asile restent en France illégalement. Il faut traiter correctement les réfugiés et les immigrés légaux. On ne sait plus comment traiter les immigrés illégaux. En Île-de-France, on n'arrive plus à les héberger et cela coûte cher.

Mon amendement est d'appel. Vous savez bien que nous ne sommes pas à l'équilibre. Le système explose. L'immigration illégale coûte extrêmement cher, au détriment des réfugiés et immigrés légaux.

Je retirerai mon amendement, qui aura un avis défavorable du rapporteur et du ministre. Mais je suis certain que ce dernier est d'accord sur le fond...

L'amendement n°II-49 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-318, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

20 000 000

20 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

20 000 000

20 000 000

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

Mme Esther Benbassa.  - Depuis 2015, le Gouvernement souhaite diminuer le nombre de demandeurs d'asile et en minore le chiffre. Il en résulte une sous-budgétisation et une insincérité des crédits. C'est pourquoi la commission des lois a refusé de les voter.

La crise de l'accueil n'est pas finie. L'immigration va continuer à augmenter. La décision du Gouvernement de ne pas créer de nouvelles places d'accueil est irréaliste. Nous ne pouvons accepter la création de nouveaux bidonvilles, que ce soit à Calais, à la Porte de la Chapelle ou à la Porte d'Aubervilliers. Ils sont une honte pour notre pays.

Le Gouvernement se fait complice des 2 000 exilés qui errent dans les rues de Paris.

Cet amendement prévoit 20 millions d'euros pour créer 20 000 nouvelles places d'hébergement d'urgence.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Vous avez raison : les campements n'ont pas fini de fleurir dans nos villes, car le Gouvernement ne traite pas les causes, il fait croire à des malheureux que la France peut les accueillir et ne lutte pas contre les filières de passeurs.

Le président de la République lui-même annonce que le droit d'asile va mourir si on ne regarde pas les choses en face. Il faut sortir du déni : ce ne sera jamais assez, Mme Benbassa a raison, vu le différentiel de niveau de vie entre nos pays.

Par cohérence avec le rejet des crédits de cette mission, avis défavorable néanmoins.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Je profite de cet amendement pour attirer votre attention sur les interprètes afghans de l'armée française, qui sont dans une situation épouvantable. (M. Gérard Longuet renchérit.) C'est une honte. Ils se trouvent à Nantes, dans la Somme - où notre collègue Daniel Dubois en héberge. S'il y a un droit d'asile, c'est d'abord pour eux, sans qui l'armée française aurait été sourde et muette en Afghanistan !

Je ne soutiens pas l'amendement de Mme Benbassa, mais balloter ces personnes d'un service à l'autre est une honte. Recevons-les dignement.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Roger Karoutchi.  - Je soutiens totalement la demande de Mme Goulet. Ces personnes devraient obtenir le droit d'asile. Le contraire serait injuste et incompréhensible pour l'opinion publique. Faites un geste, afin de faire honneur au pays !

Je ne voterai en revanche pas l'amendement n°II-318 car l'accueil normal, madame Benbassa, ce sont les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, non les centres d'hébergement d'urgence, qui sont destinés à la population précaire nationale. Mais il n'y a plus de place pour celle-ci, on a sursaturé les centres avec des immigrés !

Une fois les gens installés dans les CADA, il est difficile de les en faire sortir, même s'ils n'y ont plus droit... Comment faire ? La répartition vantée par M. Cazeneuve n'est toujours pas une réalité.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je partage l'avis de M. Karoutchi. Les CADA sont le coeur du dispositif d'hébergement lié à l'asile. Développons ces structures, pour accueillir les demandeurs correctement.

Même si je suis attachée à l'indépendance de l'Ofpra, le Gouvernement est libre d'attribuer un titre de séjour spécifique pour services rendus, comme aux interprètes afghans de l'armée française.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Nous avons créé 3 000 places en CADA depuis 2017.

Il y a des occupations juridiquement indues dans les divers dispositifs d'hébergement. Pire, certains réfugiés sont dans la rue. Avec un effort de 4 % sur les droits de tirage de l'ensemble des acteurs publics, nous pourrions tous les loger.

Le Gouvernement ne décide pas pour l'Ofpra mais ces interprètes doivent être aidés. Le Gouvernement s'est engagé à accueillir les 500 personnes concernées en trois vagues. Les logements seront fournis par l'armée, l'accompagnement social relève des opérateurs financés par l'État. Nous voulons être à la hauteur de notre histoire.

M. Arnaud de Belenet.  - Mon intervention relève davantage du rappel au Règlement que de l'explication de vote. Dans la discussion générale, le rapporteur spécial s'est affranchi de la réalité des chiffres. Ses propos relevaient de jugements de valeur, bien éloignés de l'enjeu budgétaire et des arguments juridiques.

J'apprécierais que les futurs avis de la commission des finances se fondent sur des faits et des chiffres. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, SOCR et CRCE)

L'amendement n°II-318 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-310 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Troendlé, M. Guerriau, Mmes Berthet, Loisier et Giudicelli, MM. Frassa, Regnard, Grosdidier, Bouchet, Longeot et Cardoux, Mme Kauffmann, MM. Charon et Mayet, Mme A.M. Bertrand, MM. Lefèvre, Kennel et Ginesta, Mmes Thomas et Férat, MM. Wattebled, Courtial, Pierre et Danesi, Mmes Sittler et Deromedi et M. Bascher.

I.  -  Créer le programme :

Création de nouvelles places en centre de rétention administrative

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

85 443 350

85 443 350

Intégration et accès à la nationalité française

Création de nouvelles places en centre de rétention administrative

85 443 350

85 443 350

TOTAL

85 443 350

85 443 350

85 443 350

85 443 350

SOLDE

0

0

M. Jérôme Bascher.  - Votre prédécesseur, M. Gérard Collomb, aimait à parler du benchmarking opéré par les migrants. Pour l'éviter, cet amendement prévoit une convergence des allocations et des systèmes européens de l'asile, en prenant comme exemple le modèle allemand d'asile.

Le nombre de « faux » demandeurs d'asile a explosé. Nous proposons d'augmenter le nombre de places d'accueil dans les CRA.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - La France, maillon faible de l'Europe, est devenue le premier pays pour les demandes d'asile. La question du benchmarking se pose !

Je serai intéressé par la réponse du ministre. Par cohérence, avis défavorable.

M. Christophe Castaner, ministre.  - En réalité, les écarts ne sont pas si importants. On parle de 215 euros versés par l'ADA pour une personne vivant en France. Diminuer cette allocation aurait des conséquences catastrophiques en termes de dignité. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci de ce rappel. Les conditions de logement sont meilleures en Allemagne qu'en France. L'Allemagne favorise l'autonomie des demandeurs d'asile en facilitant l'obtention d'un permis de travail. La comparaison doit être complète !

Lorsque les 215 euros sont versés sur une carte de paiement, qui n'est pas utilisable partout, les trafics se développent.

M. Roger Karoutchi.  - L'ADA n'est pas tant en cause que le climat général. Pourquoi le nombre de demandeurs d'asile augmente-t-il seulement en France ? Parce que le système est moins maîtrisé, moins contrôlé. Ce n'est pas le niveau de l'ADA qui pose problème ! Mais elle continue à être versée pendant plusieurs mois à certains déboutés, même chose pour l'hébergement en CADA, qui est maintenu. Ensuite, l'AME prend le relais, pour ceux qui restent irrégulièrement. C'est tout le système qui est à revoir ! Le président de la République le dit, mais nous attendons les actes. Il faut accueillir bien ceux qui ont droit à l'asile et être ferme contre ceux qui sont en situation irrégulière.

Je m'abstiendrai sur cet amendement.

M. Jérôme Bascher.  - M. Karoutchi a raison. Quand vous êtes un vrai demandeur d'asile persécuté dans votre pays, l'hébergement en CADA est une solution. Mais certainement pas aussi confortable que vous le dites, monsieur Leconte. C'est certes mieux que rien, mieux que l'hôtel...

M. Jean-Yves Leconte.  - Mieux que la rue !

M. Jérôme Bascher.  - Il faut s'attaquer aux filières clandestines en provenance d'Albanie ou du Caucase. Il faut aussi revoir notre politique d'asile pour certains pays, car quel sens y a-t-il à accueillir des demandeurs d'asile venus de pays qui sont devenus des démocraties ?

M. Jean-Claude Tissot.  - La carte de retrait facilitait l'intégration des migrants hébergés en CADA, ils pouvaient grâce à elle effectuer des petits achats et s'intégrer dans les territoires ruraux.

M. Philippe Bonnecarrère.  - L'ADA, dans son principe, s'applique dans tous les pays de l'Union européenne suivant une directive de 2013. Son montant, en revanche, relève du pouvoir réglementaire.

M. Patrice Joly.  - Selon le démographe François Héron, qui occupe la chaire Migration et sociétés au collègue de France, il y a eu 115 000 demandes d'asile entre juin 2018 et juin 2019, mais 152 000 en Allemagne, et surtout 66 000 en Grèce et 83 000 en Espagne. Il ne faut pas raisonner en données brutes mais envisager les chiffres au regard du poids démographique de chaque pays d'accueil.

M. François Bonhomme.  - À supposer que ces chiffres soient vrais, celui qui compte, c'est le nombre de reconduites. Comme toute Nation, la France a le droit de maîtriser sa politique migratoire.

Mme Nathalie Goulet.  - Il n'y a aucun lien entre vos services et la CNAM, ce qui contribue à entretenir les droits de ceux qui restent illégalement en France. Nous avons fait des propositions avec Carole Grandjean pour éviter une utilisation abusive de la carte Vitale.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Nous nous éloignons du cadre budgétaire. Oui, monsieur Karoutchi, certains passeurs comparent les systèmes pour juger de l'opportunité d'envoyer les migrants dans tel ou tel pays. Nous luttons contre ce phénomène. Depuis 2012, 78 filières ont été démantelées.

Le système peut conduire, il est vrai, à des abus. La CNAM est informée désormais des OQTF. Elle peut donc suivre les dossiers.

Nous demandons aussi aux responsables des centres d'hébergement de connaître l'identité des personnes qu'ils accueillent pour éviter les détournements de l'aide au logement. Certains y rechignent.

C'est aussi la philosophie de la carte de paiement. Avec la carte de retrait, certains payaient leurs passeurs... Il est très facile d'installer un terminal de paiement électronique. À Forcalquier comme ailleurs (Sourires), tous les commerces en disposent. Cela ne coûte que 20 euros.

M. François Bonhomme.  - Nous voilà rassurés !

M. Christophe Castaner, ministre.  - Rien ne justifie que, depuis le 20 octobre, la France soit devenue, devant l'Allemagne, le premier pays de demande d'asile. Il faut évaluer la situation et corriger les effets d'aubaine qui pourraient exister. Il s'agit d'argent public et nous devons en rendre compte.

M. le président.  - Nous nous sommes un peu éloignés du débat budgétaire. Concentrons-nous, mes chers collègues, sur les amendements.

L'amendement n°II-310 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-316, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Créer le programme :

Fonds de soutien à la garantie de l'exercice du droit d'asile

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

5 000 000

5 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

Fonds de soutien à la garantie de l'exercice du droit d'asile

5 000 000

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

Mme Esther Benbassa.  - Il est bon que l'action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » ait obtenu une augmentation de plus de 20 millions d'euros, notre groupe le réclamait déjà l'an dernier ; cependant les moyens alloués à l'Ofpra ne sont pas suffisants au regard du nombre de demandeurs d'asile attendus.

Les associations et organismes compétents estiment que le nombre de requérants sera en hausse. Cet amendement crée un fonds de soutien à la « garantie de l'exercice du droit d'asile », afin d'assurer le recrutement de personnel qualifié et la revalorisation de l'ADA.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Ces 5 millions d'euros ne changeront guère la situation. Avis défavorable.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-316 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-319 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Apourceau-Poly et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

I.  -  Créer le programme :

Sauvetage des naufragés

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

5 000 000

5 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

Sauvetage des naufragés (ligne nouvelle)

5 000 000

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

Mme Esther Benbassa.  - Selon l'ONU, plus de 2 260 personnes migrantes se sont noyées en mer en 2018. La Méditerranée se transforme en cimetière et par son inaction, l'État français se fait complice de ces morts.

Les migrants quittent des zones de guerre et d'instabilité pour rechercher la paix en Europe, avant de retourner dans leur pays d'origine. Il est temps que nous leur portions assistance. Cet amendement crée un programme « Sauvetage des naufragés » afin de financer un navire, affrété par l'État français, pour porter secours en Méditerranée aux navires en détresse.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Cette tragédie montre qu'il faut décourager les traversées. Avis défavorable. L'augmentation de 5 millions d'euros ne serait de toute façon pas suffisante.

M. Christophe Castaner, ministre.  - La France est le premier pays d'accueil des migrants en Europe. J'ai négocié des accords de débarquement avec Malte et avec l'Italie. Quoi qu'il en soit ce n'est pas à la France, mais à l'Europe, d'affréter un tel navire. Il y a 660 000 demandeurs de statut de réfugié en Libye : la France peut-elle tous les accueillir ? Défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mme Benbassa pose un problème fondamental. Personne ne peut être insensible à cette situation. Les passeurs, avec le plus grand cynisme, conduisent ces personnes à la mort. Il est vrai que la réponse, avec Frontex, est européenne. Il faut faire cesser les trafics et sanctionner les responsables.

La France doit peser pour que l'Europe se donne les moyens de mettre un terme à tout cela.

M. Marc Laménie.  - Il s'agit de la loi de finances, mais le volet humain est fondamental sur ce sujet. Ces problèmes datent d'il y a longtemps. Des centaines de victimes innocentes meurent. Il faut trouver des solutions, qui dépassent néanmoins le cadre budgétaire. Je suivrai l'avis du rapporteur sur cet amendement.

L'amendement n°II-319 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-317, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Créer le programme :

Fonds de soutien à l'accompagnement des troubles psychotraumatiques

II.  -  En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asile

1 000 000

1 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

Fonds de soutien à l'accompagnement des troubles psychotraumatiques

1 000 000

1 000 000

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

Mme Esther Benbassa.  - De nombreux migrants sont atteints de troubles psychotraumatiques, conséquence des violences subies dans leur pays d'origine ou lors de leur traversée. Le syndrome post-traumatique entraîne une amnésie traumatique qui empêche de relater les persécutions subies, ce qui complique le travail de l'Ofpra. Sans suivi médical, ces troubles peuvent déboucher sur des pathologies plus graves comme la schizophrénie. Nous proposons de créer un fonds d'un million d'euros pour la prise en charge de ces troubles. Il est de notre devoir d'améliorer l'offre de soins en santé mentale pour redonner confiance et dignité à ces personnes.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - Les besoins sont infinis. La France y consacre beaucoup d'argent. Cette mission dépasse déjà de 26 % la loi de programmation des finances publiques, c'est le plus gros dépassement. De quoi interroger sur la sincérité de ce budget... Avis défavorable.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Le plan d'action gouvernemental présenté il y a peu par le Premier ministre prévoit des plateformes d'accès aux soins et un rendez-vous médical systématique pour identifier et accompagner les troubles psychotraumatiques. Mme Buzyn s'y est engagée. Nous créons par ailleurs 300 places d'hébergement pour les femmes victimes de violence et de traite. Le risque est réel, nous le prenons en compte, le Gouvernement est mobilisé. Cet accompagnement relève par ailleurs du budget du ministère de la Santé et des Solidarités.

L'amendement n°II-317 n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » ne sont pas adoptés.

M. le président.  - J'appelle en discussion les articles rattachés aux crédits de la mission.

Article 76 nonies

M. Jean-Yves Leconte .  - Cet article supprime l'aide au retour volontaire des étrangers en situation irrégulière. Pourquoi ?

M. Christophe Castaner, ministre .  - Nous avons suivi la recommandation des parlementaires de la majorité de l'Assemblée nationale. Il y avait des dérives, des effets d'aubaine. Nous préférons mobiliser les crédits sur les mesures d'éloignement efficaces.

M. Roger Karoutchi .  - Je ne voterai pas cet article. Lors des réunions du conseil d'administration de l'OFII, on m'expliquait que l'aide au retour volontaire donnait des résultats, notamment vers les pays d'Europe de l'Est, et était contrôlée. Elle a l'avantage d'être moins stressante que l'aide au retour forcé. Si cela permet d'éloigner ne serait-ce que quelques milliers de personnes par an, pourquoi s'en priver ?

L'article 76 nonies n'est pas adopté.

Article 76 decies

M. le président.  - Amendement n°II-21, présenté par M. Meurant, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial.  - À Mayotte, le nombre croissant d'arrivées rend l'intégration de plus en plus difficile. L'État demande un délai pour l'application du contrat d'intégration républicaine, ce qui priverait quelque 6 000 personnes de cours d'apprentissage du français. Cela me paraît malvenu.

C'est un bel exemple de ce que nous subissons sur tout le territoire...

M. Christophe Castaner, ministre.  - Avis défavorable. Nous croyons au contrat d'intégration républicaine mais nous n'avons pas la capacité technique de le mettre en oeuvre à Mayotte. Nous donnons la priorité à l'efficacité dans la lutte contre l'immigration irrégulière, M. Mohamed Soilihi l'a rappelé. Nous dépasserons l'objectif des 25 000 reconduites dès la fin de l'année à Mayotte. Pour la première fois, nous reconduisons la quasi-totalité des personnes qui débarquent. Le flux est maîtrisé.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Je comprends l'argument de la commission. Cependant, Mayotte est un département où la situation migratoire n'a rien de normal. Pour la première fois en vingt ans, la lutte contre l'immigration commence à porter ses fruits. En 1986, Jacques Chirac nous recommandait de ne pas mettre la charrue avant les boeufs. D'autres dispositions exceptionnelles existent déjà, puisque l'AME et les minima sociaux ne sont pas applicables à Mayotte. Méfions-nous des bonnes idées dont on ne mesure pas les conséquences. Je ne voterai pas cet amendement.

M. Jean-Yves Leconte.  - À Mayotte, une personne en situation régulière ne peut pas se rendre dans l'Hexagone et ne bénéficie pas du contrat d'intégration républicaine. Si l'on veut marquer l'appartenance de Mayotte à la République, il faudrait que les personnes qui y habitent aient les mêmes droits, à commencer par le droit de circulation. Cette mesure est trop dérogatoire au droit commun.

L'amendement n°II-21 est adopté et l'article 76 decies est supprimé.

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT

M. Jérôme Bascher, en remplacement de M. Jacques Genest, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Disons les choses clairement : à périmètre constant, le budget augmente de 50 millions d'euros pour financer les élections. Rien là d'exceptionnel. En vérité, le ministère de l'Intérieur tire son épingle du jeu dans le processus de réorganisation des services déconcentrés qui dépendaient jusqu'ici du Premier ministre. La force fait l'union !

Je m'étonne que les crédits d'investissement et de fonctionnement ne suivent pas l'évolution des emplois. Certaines administrations essentielles restent à l'écart des réorganisations en cours, comme les agences, les ministères financiers ou l'Éducation nationale.

En attendant, la désertification territoriale se poursuit. Après les 4 000 suppressions d'emplois du plan Préfectures nouvelle génération (PPNG), les guichets des préfectures ont fermé aux usagers - à l'exception de l'accueil des étrangers, ce qui fait le lit d'un certain parti...

Les sous-préfectures sont réduites à peau de chagrin : 82 disposent de moins de dix emplois, contre 58 en 2017. Ce sont des sous-préfectures croupions !

Nous avons les annonces, mais pas les financements, ce qui laisse craindre de nouvelles coupes dans le réseau préfectoral et in fine, la mise à contribution des collectivités...

Les maisons France Service seront financées par les collectivités territoriales et l'État ne mettra rien au pot - tout en leur imposant la contractualisation au prétexte de mauvaise gestion !

Les effectifs affectés au contrôle de légalité diminuent de 8 %, soit 74 ETP. Idem pour les missions de sécurité des populations.

La modernisation de la délivrance des titres sécurisés est une bonne chose mais les délais demeurent élevés et la réforme a éloigné les citoyens des collectivités. (M. François Bonhomme approuve.) L'État ne traite plus que 5 % des demandes des certificats d'immatriculation, laissant le reste à des organismes privés : à raison de 30 euros par carte, la facture à la charge des Français s'élève à 300 millions d'euros. Espérons que le projet de nouvelle carte d'identité électronique n'entraînera pas trop de frais pour nos concitoyens...

L'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) bénéficie de 30 ETP et ses moyens sont renforcés. Mais nous demandons plus d'État dans les territoires, pas à Paris !

La commission des finances, sensible aux perspectives ouvertes par les restructurations des états-majors régionaux mais déterminée à obvier à toute nouvelle paupérisation de l'État de proximité, s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la mission. (M. Antoine Lefèvre applaudit.)

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - Le programme 354 résulte de la fusion de l'ancien programme 307 « Administration territoriale » rassemblant les moyens des préfectures et sous-préfectures, et du programme 333, « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », qui supportait notamment les directions départementales interministérielles, les délégations régionales placées sous l'autorité des préfets de région et les secrétariats généraux pour les affaires régionales.

Grâce à un jeu de bonneteau budgétaire, les moyens consacrés à l'administration territoriale apparaissent en forte hausse, de 6,4 % en autorisations d'engagement, de 6 % en crédits de paiement et de 4 % en ETPT. Ces augmentations en trompe-l'oeil sont le fait de transferts de moyens existants jusque-là comptabilisés hors périmètre du ministre de l'Intérieur.

L'objectif de la LOLF était pourtant d'accroître la sincérité et la lisibilité de la loi de finances !

M. Roger Karoutchi.  - Que c'est beau ! (Sourires)

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis.  - En réalité, à périmètre constant, les moyens dévolus à l'administration territoriale de l'État baissent de 707 ETP. 

Loin de marquer une rupture, le projet de loi de finances pour 2020 poursuit la politique de dissolution de l'administration territoriale de l'État.

La commission des lois a émis un avis défavorable sur ces crédits.

M. Emmanuel Capus .  - La mission « Administration générale et territoriale de l'État » enregistre une augmentation en trompe-l'oeil de ses crédits d'environ 40 %. Cette hausse est due au changement de périmètre de la mission avec la fusion des programmes 333 et 307. À périmètre constant, la mission n'augmente que de 50 millions d'euros par rapport à 2019, hausse qui couvre le coût de l'organisation des élections.

Je salue la mutualisation des moyens sur plusieurs programmes. Des services de proximité à la qualité renforcée sont un gain inestimable pour nos concitoyens.

La réforme des préfectures, avec le PPNG, se poursuit. Après la phase de baisse, la phase de redéploiement des emplois est en cours. L'institution préfectorale est indispensable et la baisse des effectifs ne doit pas entraver son action ni accentuer le sentiment d'éloignement. L'an dernier, j'avais salué le rôle essentiel du préfet du Maine-et-Loire dans le cadre d'une prise d'otages.

La dématérialisation des procédures administratives pour la délivrance des titres est une bonne nouvelle, mais certains territoires sont défavorisés. Veillons à ne pas accentuer les fractures territoriales.

Le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales voient leur budget baisser ; ils sont pourtant essentiels pour les communes qui n'ont pas les moyens financiers de faire face à des difficultés juridiques.

Le programme 232 « Vie politique, culturelle et associative », prévoit une enveloppe de 132 millions d'euros pour les élections municipales.

Le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », voit ses crédits augmenter avec la création de nouvelles directions et agences.

La place centrale du corps préfectoral doit être accompagnée de moyens suffisants pour faciliter la déconcentration. L'État doit rester un partenaire privilégié des collectivités.

Le groupe Les Indépendants votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Nathalie Goulet .  - Je ne peux que déplorer la baisse des effectifs du réseau préfectoral et le transfert de certains services aux communes et intercommunalités via les maisons de services au public et maisons France service, qui me laissent dubitative. L'illettrisme numérique est une réalité dans les territoires ruraux. La dématérialisation systématique et rapide des procédures mettra en difficulté un certain nombre de personnes fragiles, déjà victimes de l'absence de mobilité.

Le rapport consacre de longs développements à la fraude documentaire.

Auditionné dans le cadre de la mission qui m'a été confiée par le Premier ministre sur la fraude sociale, Jean-Michel Brevet, chef de la division de l'expertise en fraude documentaire, relevait les failles du système de communication électronique des données de l'état civil (Comedec), et notamment l'obtention frauduleuse de documents authentiques sur la base de faux justificatifs.

Pour les actes d'état civil, on n'a jamais voulu prévoir un formulaire sécurisé. Il est indispensable que les actes d'état civil soient normés avec un document Cerfa. Seules les 600 communes ayant une ou plusieurs maternités, les notaires, les caisses de sécurité sociale se connectent à Comedec.

Vous avez multiplié l'utilisation du certificat électronique visible pour limiter la fraude documentaire. C'est une voie à suivre.

En juillet, la Côte d'Ivoire a voté une première loi-cadre pour rendre obligatoire l'enregistrement à l'état civil. Le Burkina-Faso a fait de même, comme le Tchad - où selon l'Unicef, seul un enfant sur dix serait enregistré ! - et le Niger. Il faut engager une politique ambitieuse de lutte contre la fraude documentaire. L'Unicef et l'Union africaine sont mobilisés. Le groupe UC votera ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Laurence Harribey .  - Au travers de cette mission, le ministère de l'Intérieur met en oeuvre trois de ses responsabilités fondamentales : garantir l'exercice des droits des citoyens, assurer la présence et la continuité de l'État sur le territoire et mettre en oeuvre au plan local les politiques publiques nationales. Il s'agit de répondre au double enjeu de la démocratie et de la proximité.

La mission change d'échelle avec une augmentation de 50 %, en trompe-l'oeil, résultant du transfert d'un programme relevant du Premier ministre. Cela ne facilite pas la lisibilité, exigence constitutionnelle.

Les moyens dédiés à l'administration territoriale de l'État s'érodent, dans le cadre de la réforme Action publique 2022. Des efforts budgétaires importants sont demandés aux administrations déconcentrées. L'État doit certes en finir avec son réflexe touche-à-tout mais ne peut se désengager complètement des territoires au prétexte de la dématérialisation des procédures. En 2017, un Français sur trois n'a pas eu recours à l'e-administration ; selon France Stratégie, 14 millions de Français sont éloignés du numérique. Il y va de l'égalité devant le service public. À quand une première évaluation de la stratégie nationale du numérique inclusif ?

Les maisons France service succèdent aux MSAP. En partie financées par les collectivités territoriales, elles ne sauraient être un prétexte au délestage de l'État... L'avenir nous le dira.

Des efforts budgétaires importants sont demandés, notamment sur le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités. Malgré le resserrement des actes à transmettre au contrôle de légalité, que se passera-t-il avec l'extension du rescrit administratif aux collectivités territoriales ?

L'affection de 30 ETP à l'ANCT nous laisse songeur. Quelle est la doctrine territoriale de l'État ? Espérons que le projet de loi 3D y répondra.

Si la mission budgétaire porte comme responsabilité la garantie de l'exercice des droits des citoyens, il faut les faire connaître. À la suite de notre saisine de la commission nationale du débat public, il nous semble nécessaire de prévoir de crédits pour l'organisation d'un débat public autour du référendum d'initiative partagée (RIP) relatif à Aéroports de Paris : 12 millions d'euros, comme pour le grand débat. Le Gouvernement ne saura nous trouver trop dispendieux. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

Mme Josiane Costes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) La mission « Administration générale et territoriale de l'État » était traditionnellement composée de trois programmes. Deux programmes ont fusionné, permettant de présenter une augmentation en trompe-l'oeil, résultant de transferts de crédits.

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » reste le parent pauvre du projet de loi de finances, avec des crédits stables ; la hausse de 50 millions d'euros est due aux élections municipales et à la création de la nouvelle direction du numérique.

La réalité des territoires, c'est un recul des services publics de proximité. La dématérialisation à marche forcée a abouti à la suppression de nombreux points de contacts essentiels pour les personnes âgées. La réorganisation des DDFiP s'inscrit dans cette logique.

Certes, le Gouvernement lance les maisons France service, mais le compte n'y est pas : il existe 1 350 maisons de service au public pour 2 054 cantons ; il faudrait en déployer plus de 700 pour couvrir la totalité des cantons d'ici 2020. Or aucun financement n'est prévu car le Gouvernement mise sur la mutualisation des structures existantes.

Les collectivités territoriales devront encore mettre la main à la poche alors qu'elles financent déjà les MSAP.

Le PPNG a connu des dysfonctionnements majeurs. Le Gouvernement annonce pour 2020 des secrétariats généraux communs aux services préfectoraux et aux services déconcentrés. Si la dématérialisation est nécessaire, elle ne doit pas accroître la fracture numérique, territoriale et sociale. Le Défenseur des droits avait d'ailleurs proposé des voies alternatives pour préserver l'accès au droit pour tous.

L'ingénierie territoriale pose problème depuis plusieurs années. Initiative du groupe RDSE, l'ANCT devrait offrir un guichet unique et des moyens opérationnels pour les porteurs de projets dans les territoires. Reste que son budget de 50 millions d'euros est trois fois moindre que celui de l'actuel Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) et l'Agence n'a obtenu que trois ETP sur les 25 qu'elle avait demandés.

M. Jean-Claude Requier.  - Eh oui.

Mme Josiane Costes.  - Ce sont moins de personnes pour travailler en faveur des territoires ruraux.

Les effectifs du contrôle de légalité et du conseil baissent de 174 ETP, les moyens budgétaires de 21 % alors que les communes ont de moins en moins de moyens pour traiter leurs problèmes juridiques.

Nous nous opposons à la fusion de la Miviludes et du Comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation, accompagnée d'une réduction des effectifs. Le phénomène sectaire dépasse le seul fait religieux. Cette décision est d'autant plus incompréhensible que la Cour des comptes avait pourtant souligné la baisse des modestes ressources de la Miviludes ces dernières années.

Nul ne nie la nécessité de réduire la dépense publique, mais ce sont toujours les mêmes secteurs qui pâtissent des économies. Nous déplorons le recul sans accompagnement et sans explication de l'administration dans nos territoires. Ce projet de loi de finances n'envoie pas un signal favorable en faveur de l'acte III de la décentralisation, que nous attendons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Arnaud de Belenet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Cette mission névralgique est placée sous le signe de la cohérence et l'efficacité. Le programme 354 découle de la fusion de deux programmes. Cela nous fait perdre un peu de lisibilité cette année, mais nous en gagnerons par la suite. Là encore, cohérence et efficacité.

Ce programme s'accompagne de l'extension du périmètre de l'ancien programme 333 à l'outre-mer et de l'affectation aux secrétariats généraux communs des effectifs des préfectures et des directions départementales interministérielles. Cohérence et efficacité.

Préfectures et sous-préfectures sont au coeur des enjeux de simplification administrative et de modernisation des procédures. Des circuits de gestion efficaces, déconcentrés, participent à la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale. Les secrétariats généraux communs devront améliorer la qualité du service rendu. Le PPNG est poursuivi qui s'appuie sur la dématérialisation des procédures.

Les crédits du programme 232 augmentent en raison des élections municipales. Il donne au ministère les moyens d'appliquer pleinement les dispositions des lois de 1901 et 1905.

Enfin, les dépenses du plan de lutte contre le terrorisme financeront des programmes de recherche universitaire sur l'islam.

L'augmentation de 46 % du programme 216 tient à la création d'une direction du numérique au sein du ministère pour répondre aux objectifs de transformation numérique et proposer plus d'efficacité et de services aux usagers.

M. Genest semblait dubitatif sur les Maisons France Service, craignant qu'elles ne se transforment en coquilles vides. Or le projet de loi de finances prévoit plus 18 millions d'euros pour l'ouverture de nouvelles maisons et leur montée en gamme. La Banque des territoires de la Caisse des dépôts investira 30 millions d'euros d'ici à 2022 pour leur déploiement avec pour objectif le soutien aux structures postales et le déploiement de bus France Service.

Par ce budget, le Gouvernement répond aux besoins de proximité et d'efficacité qu'expriment les Français. Notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Le groupe CRCE, qui a toujours milité pour un renforcement des moyens de la fonction publique territoriale afin d'assurer la présence physique de la République sur l'ensemble du territoire - y compris à Forcalquier - ne peut que soutenir la position de la commission des lois.

Le désengagement continu de l'État en matière d'ingénierie publique pénalise les petites communes. Les effectifs des directions départementales interministérielles ont baissé de 28,5 % entre 2012 et 2017 ; c'est une manie !

Mais le Gouvernement affiche pourtant son soutien aux petites collectivités. Le nouveau report de la cartographie de l'offre d'ingénierie montre qu'il n'y a aucune volonté de tenir ces engagements. Ces retards tiendraient à la mise en place de l'ANCT, dotée de pseudopodes locaux, pilotés par les préfets. De quels effectifs ces agences disposeront-elles, hormis ceux de préfectures squelettiques ? De quelle ingénierie parle-t-on ? De l'accompagnement des collectivités territoriales dans la définition de leurs projets, mais pas d'expertise technique concrète.

Les petites collectivités territoriales devront continuer à s'en remettre aux bureaux privés ou aux structures intercommunales ou départementales - quand elles existent. C'est d'autant moins satisfaisant que la qualité de l'ingénierie publique résidait aussi dans sa neutralité politique...

Le groupe CRCE ne votera pas les crédits de la mission. Le jacobinisme, certes tempéré de girondisme, a traversé les siècles : je souhaite que cela continue ! (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Édouard Courtial .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La mission « Administration générale et territoriale de l'État » n'est pas la plus médiatisée du budget, et pourtant elle a un rôle crucial dans les territoires, notamment ruraux. La hausse de 18 % des crédits tient à deux réformes : la création d'une direction du numérique unique et la mise en place de secrétariats généraux communs aux préfectures et aux directions déconcentrés interministérielles. Au-delà de transferts comptables, le budget est stabilisé à 4 milliards d'euros.

Si le processus de mutualisation et de dématérialisation se renforce, cela ne peut se faire sans redonner toute sa place à l'État pour faire respecter le principe républicain de l'égalité devant les services publics. L'État doit entendre le sentiment d'abandon des territoires ruraux alimenté par la suppression de nombreux services publics de proximité.

Cela relève d'une décision politique. Plusieurs réformes sont en cours pour créer des maisons de service au public. Ancien président du Conseil départemental de l'Oise, je sais les efforts qu'ont déjà faits de nombreuses collectivités, dans un contexte financier contraint, pour anticiper le désengagement de l'État lors du quinquennat précédent.

Le programme 232 assure l'exercice de la démocratie via les crédits dédiés à l'organisation des élections : vous le savez, les conseils municipaux seront renouvelés en mars. Le projet de loi Engagement et proximité est très attendu. La crise des vocations, les risques juridiques, voire les violences sont autant de défis pour les élus locaux. Je regrette que l'Assemblée nationale ait rejeté la plupart de nos propositions pour ces élus, premiers fantassins de la République.

Enfin, l'article 73 C prévoit un rapport sur l'opportunité de dématérialiser la carte d'électeur. Je suis sceptique : voter est autant un droit qu'un devoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le champ de cette mission est large. Le ministère de l'Intérieur y met en oeuvre trois responsabilités : garantir l'exercice des droits des citoyens dans le domaine des grandes libertés publiques, assurer la présence et la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire de la République et mettre en oeuvre au plan local les politiques publiques nationales.

Les crédits portent la création d'une direction du numérique qui concerne sept anciens programmes budgétaires. Rattachée au secrétaire général, elle pilotera les projets informatiques transversaux, les réseaux de télécommunication, les applications pour les élections et le répertoire des associations. Elle pourrait utilement se saisir du problème de la transmission des dossiers de procuration. Je lui adresse tous mes voeux de réussite. Mais en matière d'information et de numérique il faut rester prudent. J'ai en mémoire les ratés de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) - mais j'ai pu constater qu'il était possible de débloquer une situation en postant un message sur Facebook.

L'ANCT devrait être créée au 1ejanvier 2020, selon le décret du Premier ministre du 19 novembre. Jacques Genest, notre rapporteur dont nous regrettons l'absence, est circonspect : « On crée une énième agence. Nous verrons bien le service que ça rendra à la population et aux collectivités territoriales. Je me souviens avec une certaine nostalgie de l'élan donné à l'aménagement du territoire par la DATAR. Encore une fois, nous verrons ce qu'il en sera et si les 30 ETPT prévus apportent un plus. »

Cette agence souffre d'une incohérence puisque seule parmi les associations d'élus, l'Association nationale des élus du littoral n'y est pas représentée, alors que 9 % de la population métropolitaine et ultramarine réside près d'un littoral. Certes, le conseil d'administration de l'ANCT est pléthorique, mais cela ne coûtera pas grand-chose de rajouter un trente-quatrième membre.

Le Gouvernement souhaite labelliser un maximum de Maisons France Service d'ici la fin de l'année, en les ciblant surtout sur les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la ville. L'État contribuera à leur fonctionnement à hauteur de 30 000 euros par an. Pourtant, ce financement n'apparaît pas dans les crédits de la mission ?

Le groupe Les Républicains se rangera à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - L'examen des crédits de cette mission est une étape importante car ce budget structure le fonctionnement du ministère de l'Intérieur. Mais il ne porte pas tout. Madame Lavarde, les crédits pour les Maisons France Service sont retracés dans les programmes du ministère de la Cohésion des territoires.

Ce budget peut provoquer un manque de lisibilité à cause de ses effets périmétriques. Le message politique est simple : servir au plus près des Français en faisant un choix, celui de la départementalisation.

Il y a quelques années, le Gouvernement avait souhaité privilégier l'échelon régional. Le Premier ministre a décidé de faire monter en puissance les préfets de département pour répondre à la soif de justice territoriale qui s'est exprimée il y a un an. Sachez que les territoires abandonnés par la République, cela n'existe pas.

Le ministère de l'Intérieur a un rôle à jouer dans le maillage territorial pour satisfaire l'attente de services publics de proximité. Notre réseau de préfectures et de sous-préfectures nous donne un ancrage précieux - ce n'est pas aux sénateurs que je vais l'apprendre...

Le ministère est aussi engagé dans la modernisation de son action. Son administration centrale bénéficiera de 1,41 milliard d'euros et son administration territoriale de 1,8 milliard.

L'année 2020 sera celle de l'aboutissement de réformes majeures qui assureront un meilleur service pour les Français.

Mesdames Costes, Harribey, monsieur Collombat, parler de budget en trompe-l'oeil ou de petit jeu annuel est injuste. Ces changements de périmètre n'ont pas pour but d'essayer d'échapper à votre sagacité. L'État se réorganise en profondeur, ce qui induit des mouvements budgétaires. Le nouveau programme a été créé pour entériner la montée en puissance de préfets à la tête de services départementaux interministériels qui leur échappaient jusqu'à présent. Leurs secrétaires généraux dirigeront les services supports mutualisés.

La direction du numérique unique et rationalisée assurera une meilleure cohérence d'action. Elle sera source d'économies - il ne faut pas en avoir peur. La mutualisation des achats poursuit le même but.

La refonte des systèmes européens en matière d'immigration, ou la mise en oeuvre d'un numéro d'urgence unique nécessitent cette rationalisation du système.

Notre budget est résolument orienté vers des réformes, pour plus de simplicité.

On constate une baisse de 174 ETP sur le contrôle de légalité. Mais 80 % de cette baisse résulte d'une comptabilisation plus réaliste du personnel. Pour les 20 % restants, nous avons fait le choix de l'expertise avec plus d'agents de catégorie A et B.

Au moins un agent se consacrera dans chaque département à la lutte contre la fraude documentaire - cela représente plus d'une centaine d'ETP. Nous agissons contre les fraudes à l'identité grâce à Comedec. Le dispositif Justif'Adresse contribuera à diminuer les fraudes. On constate 23 % d'augmentation de détection des fraudes sur les passeports et 65 % sur les permis de conduire.

Je salue l'engagement des agents, femmes et hommes, incarnant l'État dans les territoires qui, avec sens du devoir, ont permis ces progrès. Ils méritent notre respect. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Examen des crédits de la mission et des articles rattachés

Article 38 - État B

M. le président.  - Amendement n°II-521, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Administration territoriale de l'État

dont titre 2

204 141

204 141

204 141

204 141

Vie politique, culturelle et associative

dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur

dont titre 2

TOTAL

204 141

204 141

SOLDE

-204 141

-204 141

M. Christophe Castaner, ministre.  - Cet amendement technique procède à la minoration des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » dans le cadre de la décentralisation de la gestion des fonds européens.

M. Jérôme Bascher, en remplacement de M. Jacques Genest, rapporteur spécial.  - Je me range à l'avis donné l'an dernier à un amendement identique. Avis favorable.

M. Michel Canevet.  - Je me réjouis du rattachement à cette mission du programme 333, dont j'avais la responsabilité comme rapporteur spécial.

L'accès aux cartes grises nécessite souvent le recours à une intermédiation, ce qui n'est pas normal.

Enfin, la gestion des fonds européens restera-t-elle dévolue aux régions, qui les gèrent plutôt bien ? Il serait ridicule de recentraliser. Au contraire, il serait souhaitable de leur permettre de les verser directement.

M. Christophe Castaner, ministre.  - La Cour des comptes travaille à un rapport sur les fonds européens. Les régions sont montées en puissance avec succès. Je peux vous l'affirmer en tant qu'ancien président d'un groupe d'action locale (GAL) Leader +. Les retards spectaculaires de l'agence de services et de paiement ont été rattrapés de manière tout aussi spectaculaire. Pour autant, il faut une évaluation des politiques car la décentralisation n'est pas toujours l'alpha et l'oméga.

L'amendement n°II-521 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-126 rectifié, présenté par MM. Kanner, Kerrouche, P. Joly et Éblé, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Sueur, Raynal, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Lalande, Lurel, J. Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. M. Bourquin et Boutant, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz et Duran, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes G. Jourda et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Administration territoriale

dont titre 2

Vie politique, cultruelle et associative

dont titre 2

10 005 000

10 005 000

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur

dont titre 2

10 005 000

10 005 000

TOTAL

10 005 000

10 005 000

10 005 000

10 005 000

SOLDE

0

0

Mme Laurence Harribey.  - Cet amendement mobilise un peu plus de 10 millions d'euros de crédits budgétaires - donc moins que les 12 millions d'euros consacrés au Grand débat - pour financer l'information du public sur le référendum d'initiative partagée (RIP) relatif à Aéroports de Paris (ADP) en diminuant d'autant les crédits de l'action 01 du programme 216. 

Les sénateurs socialistes ont par ailleurs saisi la Commission nationale du débat public (CNDP) le 26 novembre 2019 afin qu'un débat public soit organisé, comme c'est naturel sur un sujet qui touche l'aménagement du territoire et les questions environnementales.

M. Jérôme Bascher, en remplacement de M. Jacques Genest, rapporteur spécial.  - Un amendement similaire avait été rejeté lors du projet de loi de finances rectificative pour 2019. Retrait ou avis défavorable. C'est le Conseil constitutionnel qui doit gérer cette période préréférendaire. Dans une décision du 15 octobre 2019, il a jugé que le principe du pluralisme n'impliquait pas que des mesures d'information soient nécessairement prises par le Gouvernement.

Je suis d'autant plus libre pour dire cela que je n'ai pas voté la loi Pacte en partie à cause de cette privatisation, et que, si je n'ai pas signé la pétition, j'ai signé avec le président Dallier la saisine de la CNDP.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Il appartient au Conseil constitutionnel de veiller à la bonne application de la loi, qui n'a pas prévu de communication institutionnelle. Les services du ministère de l'Intérieur ont été très critiqués sur le site internet de recueil des signatures. Ce site avait pourtant été créé dès 2014, à une époque où M. Kanner, pourtant très critique, était au Gouvernement... Nous l'avons amélioré pour qu'il y ait plus de démocratie. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'admire la dialectique du rapporteur spécial, magnifiée par le ministre. On peut penser ce que l'on veut de l'article 11 de la Constitution - qui mériterait selon moi d'être réformé, ce qui supposerait qu'il y eût une réforme constitutionnelle...

M. Roger Karoutchi.  - Nous ne sommes pas pressés !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Au-delà de cela, chacun doit bien constater qu'il y a deux poids, deux mesures. Je suis contre la privatisation de la Française des jeux, pour laquelle vous avez fait beaucoup de publicité ! Puisque M. le ministre nous expose des éléments historiques, je lui rappellerais qu'après la Première Guerre mondiale...

M. Christophe Castaner, ministre.  - Je n'étais pas là !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... il a été décidé que le produit des jeux de hasard devait être perçu par l'État pour être affecté à des causes d'intérêt national. Vous avez complètement changé de philosophie et avez perdu la dimension éthique initiale. Mais vous avez fait beaucoup de publicité.

En comparaison, sur la privatisation d'Aéroports de Paris, nous n'avons reçu aucune information !

M. Roger Karoutchi.  - J'entends ce que dit M. Sueur. M. Requier doit être content, car si l'on remonte à 1918, ce doit encore être un mauvais coup de Joseph Caillaux ! (Sourires) Comment voulez-vous privatiser la Française des jeux sans le dire ? Ce n'est pas possible.

Je ne suis pas favorable à la privatisation d'Aéroports de Paris ; c'est d'ailleurs en votant l'un de mes amendements que le Sénat s'y est opposé. Mais attention ! Avant même d'obtenir le nombre de signataires requis, on dégagerait des crédits pour faire campagne ? C'est ouvrir la porte à des dérapages politiques brutaux. En revanche, si le référendum est décidé en raison d'un nombre de signatures suffisant, le Gouvernement devra informer nos concitoyens.

L'amendement n°II-126 rectifié n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », modifiés, sont adoptés.

L'article 73 B est adopté.

Article 73 C

M. le président.  - Amendement n°II-3, présenté par M. Genest, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Jérôme Bascher, en remplacement de M. Jacques Genest, rapporteur spécial.  - Cet amendement supprime l'article 73 introduit par M. Sabatier à l'Assemblée nationale, lequel demandait un rapport sur l'opportunité de supprimer la carte d'électeur au profit d'un dispositif numérique. Utiliser du papier pour savoir s'il faut supprimer du papier me rend dubitatif...

M. Christophe Castaner, ministre.  - C'est peu aimable de votre part pour M. Sabatier (Sourires). Le Gouvernement avait émis un avis défavorable. Merci donc au Sénat de le rejoindre. Sagesse !

M. Pierre-Yves Collombat.  - On ne peut être que d'accord avec l'objectif du ministre de rendre l'organisation territoriale plus simple et naturelle possible. Encore faut-il qu'elle existe encore ! Comme le disaient les existentialistes : « L'existence précède l'essence ! ». (Sourires)

L'amendement n°II-3 est adopté et l'article 73 C est supprimé.