SÉANCE
du jeudi 26 septembre 2019
3e séance de la session extraordinaire 2018-2019
présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente
Secrétaires : M. Yves Daudigny, M. Joël Guerriau.
La séance est ouverte à 11 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Énergie et climat (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'énergie et au climat.
Discussion générale
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Le 25 juillet dernier, la CMP est parvenue à un accord. Je me félicite de ce texte de compromis sur un sujet essentiel, qui concoure à atteindre les objectifs de neutralité carbone fixés par l'accord de Paris de 2015.
Je remercie le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Roland Lescure, ainsi que le rapporteur pour cette commission, Anthony Cellier, de l'esprit constructif qui a présidé à nos travaux. Je veux également saluer ma collègue Pascale Bories, rapporteure pour la commission du développement durable, pour la qualité du dialogue entre nos commissions
Le texte, qualifié de « petite loi Énergie » après sa présentation au Conseil des ministres, comporte 69 articles contre 12 initialement.
Notre assemblée a imprimé sa marque : à l'issue de la CMP, 31 articles ont en effet été adoptés dans leur rédaction issue du Sénat, 28 dans celle de la CMP et 2 dans celle de l'Assemblée nationale. 8 articles avaient auparavant été votés dans les mêmes termes.
Les ambitions de la loi étaient modestes. Le Sénat les a rehaussées. Pour autant, le Gouvernement aurait pu faire davantage pour le soutien aux entreprises, notamment les plus consommatrices d'énergie, pour les producteurs d'énergies renouvelables, notamment le biogaz.
En ma qualité de rapporteur des crédits Énergie pour la commission des affaires économiques, je serai particulièrement vigilant à ce que le Gouvernement offre des réponses à la hauteur de ces enjeux dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.
En dépit de ces réserves, je constate que le texte résultant de la CMP comprend des apports sénatoriaux très substantiels. La commission des affaires économiques a su faire progresser sa vision singulière des conditions de réussite de la transition énergétique qui ne peut aboutir que si elle est portée par des normes fixées par le Parlement plutôt que des experts, si elle repose sur un droit souple plutôt que normatif.
Cette transition repose sur des actions décentralisées, mises en oeuvre par nos entreprises, nos collectivités territoriales mais aussi par les citoyens, autour d'un État facilitateur, garant de la cohésion sociale et de la solidarité entre les territoires. Elle suppose enfin un horizon partagé : la promotion de nouveaux modes de production et de consommation plutôt que le renoncement à la croissance économique et au progrès social. C'est dans cet esprit que nous nous sommes efforcés d'infléchir et d'enrichir le texte.
Nous avons voulu soutenir la structuration des filières vertes en encourageant la petite hydroélectricité, en portant le volume d'appels d'offres pour l'éolien en mer à un gigawatt par an d'ici à 2024, en portant la part d'hydrogène vert de 20 à 40 % d'ici à 2030, en valorisant la biomasse. Ces objectifs vont donner une plus grande visibilité aux filières.
Le Sénat a aussi élargi le périmètre de la loi quinquennale qui déterminera, dès 2023, notre politique énergétique : à cette fin, il a prévu que la loi s'étendrait à la rénovation énergétique des bâtiments, ce secteur étant responsable de 45 % de notre consommation énergétique. Il a aussi inclus les outre-mer, oubliés du texte initial.
Le Sénat a aussi fixé le cadre des volumes des certificats d'économie d'énergie. Il s'agit d'une avancée majeure, puisque les CEE concentrent un volume financier de plus de 3 milliards d'euros, soit 3 à 4 % de la facture d'énergie.
Nous avons aussi garanti la primauté de la loi quinquennale face à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas carbone.
Face aux changements climatiques, le Sénat a affirmé la préséance du législateur sur le pouvoir règlementaire, de la politique sur la technique.
Cette loi fera l'objet d'une évaluation lors de chaque projet de loi de finances initiale. En complétant ainsi l'information budgétaire des parlementaires, notre assemblée a souhaité que les orientations fixées par la loi, qui ne sauraient rester déclamatoires, puissent être déclinées concrètement.
Loin de se cantonner aux objectifs et outils de pilotage, le Sénat a aussi prévu la prise en compte du bilan carbone dans les appels d'offres pour lutter contre le dumping environnemental. Nous avons aussi soutenu l'hydrogène vert, le biogaz, l'hydroélectricité et le photovoltaïque. Nous avons tenu à prévoir les mesures d'accompagnement pour les salariés touchés par les fermetures des centrales à charbon, nous avons aussi cherché à consolider les ressources d'EDF et à prendre en compte l'inflation dans l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).
Notre commission sera vigilante sur la réorganisation d'EDF, et notamment de la filière nucléaire. L'abandon du réacteur nucléaire de 4e génération Astrid est un nouveau signe. Il fallait aussi éviter toute surtransposition des directives européennes. De même, nous avons renforcé les outils à la disposition des collectivités territoriales pour que la transition énergétique puisse être un levier de développement.
Je souhaite que cette loi soit la dernière du genre face à la crise climatique : il n'est plus possible que le Parlement légifère dans l'urgence sur la base d'évolutions décidées à l'avance dans les projets de PPE et de stratégie bas-carbone. La loi quinquennale apportera à notre politique énergétique la clarté dont elle a besoin : son calendrier est prévisible, son champ exhaustif, sa portée définie. Je souhaite qu'elle inscrive le Parlement au coeur des enjeux énergétiques et climatiques ; il en va du devenir de notre modèle socio-économique mais aussi de celui de nos institutions démocratiques.
Aussi, je vous invite à voter le texte de la CMP et les six amendements techniques qui lui sont joints. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire . - Ce projet de loi est important pour notre politique climatique et énergétique. Il inscrit pour la première fois la neutralité carbone dans la loi. Il nous donne de nouveaux leviers pour réduire nos émissions et notre consommation, modifier notre mix énergétique, lutter contre les passoires thermiques.
On avait reproché à ce texte sa brièveté. Je remercie le Sénat et l'Assemblée nationale de l'avoir enrichi. Merci à la CMP pour son remarquable travail.
Le président de la République a placé l'écologie au coeur de l'acte II du quinquennat. Il a rappelé devant l'assemblée générale de l'ONU que l'impératif climatique devait être au coeur de nos stratégies politiques. Comme l'a dit le Premier ministre en juin, les mois à venir seront ceux de l'accélération écologique - je la porterai avec vous. Nous devons construire les réponses collectives et concrètes car la transition écologique et solidaire est l'affaire de tous.
Avec ce texte, l'objectif est clair : atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle. Nous devons réduire notre dépendance face aux énergies fossiles. L'objectif de réduction d'émissions doit être porté de 30 à 40 % à l'horizon 2030. Ainsi nous fermerons les quatre dernières centrales à charbon de métropole, soit l'équivalent de 10 millions de tonnes de CO2 que nous éviterons chaque année, tout en accompagnant les collectivités territoriales et les salariés, car la transition écologique ne sera durable que si elle est solidaire. (M. Roland Courteau renchérit.)
Pour atteindre la neutralité carbone et les 33 % d'énergie renouvelable du mix énergétique en 2030, il nous faut accélérer. C'est l'ambition de cette loi qui précise et élargit les obligations d'installation de panneaux photovoltaïques en toitures et permet leur installation sur les délaissés autoroutiers.
La France s'engage dans le développement à grande échelle des énergies renouvelables. Nous allons ainsi accélérer le déploiement de l'éolien en mer. Nous avons attribué 600 MW en juin dernier. Nous visons de porter à 1 GW la capacité d'éolien en mer attribuée par an d'ici 2024. La filière industrielle a désormais toutes les cartes en main. De même, dès 2022, les réseaux de chaleur seront systématiquement classés afin d'y avoir recours lorsqu'ils existent.
Il fallait revoir la gouvernance et l'évaluation de notre politique climatique. C'est pourquoi nous créons le Haut Conseil pour le climat, gage de transparence du débat public. À partir de 2023, le Parlement élaborera tous les cinq ans les objectifs de notre politique énergétique.
Il faudra également s'assurer que les budgets respecteront l'accord de Paris. Le budget vert sera ainsi une réalité dès 2021, de concert avec le Haut Conseil. Le rapport de l'IGF et du Conseil général à l'environnement et au développement durable remis hier en précise le cadre. L'enjeu est de tenir les objectifs de l'accord de Paris.
La lutte contre les passoires thermiques illustre notre politique : le logement représente plus d'un quart de notre consommation d'énergie. Quatre millions de ménages modestes vivent dans des passoires thermiques et 15 % des Français ont froid en hiver dans leur logement. L'objectif est clair : la fin des passoires thermiques en 2028. C'est un enjeu de qualité de vie comme de pouvoir d'achat.
Pour autant, il ne faut pas mettre les ménages ni les propriétaires en difficultés financières. Les audits seront obligatoires dès 2022 pour les passoires thermiques afin de connaître les travaux à réaliser pour améliorer la performance énergétique de ces logements.
Sur ce pilier majeur de la transition, nous ne pouvons laisser des pratiques douteuses, des mauvaises rénovations instiller le doute chez nos concitoyens. C'est pourquoi cette loi renforce également la lutte contre la fraude aux certificats d'économie d'énergie : pour que chaque rénovation soit réellement utile pour les occupants des logements et pour le climat.
La mobilisation de la société face à l'urgence climatique est de plus en plus visible. (M. François Bonhomme approuve.)
Ce texte a d'ailleurs été examiné à l'Assemblée nationale en pleine canicule. Le texte décrète l'urgence écologique et climatique et permet d'agir sur tous les leviers, à tous les niveaux.
M. Jean-François Longeot . - L'actualité nous rappelle sans cesse l'urgence climatique. Ce texte dans la continuité du Plan climat de 2017 concrétise l'ambition du Gouvernement pour passer d'une économie linéaire à une économie circulaire.
Je salue l'accord en CMP : nos concitoyens n'auraient pas compris que l'on se perde dans des discussions sans fin. Merci à nos rapporteurs.
Le groupe UC est favorable à ce texte qui acte la réduction de la dépendance aux énergies fossiles, développe de nouveaux outils de pilotage de la politique climat et renforce la maîtrise du prix de l'énergie.
Ce texte prévoit d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2020, une baisse de 40 % de la consommation d'énergies fossiles d'ici à 2030 et la fermeture des dernières centrales à charbon en 2022. Sur ce dernier point, il faut veiller à accompagner les salariés et à leur proposer des reclassements appropriés.
Le groupe UC salue aussi les apports du Sénat en matière de soutien aux énergies renouvelables, ainsi que les mesures de soutien aux collectivités territoriales.
Une petite déception sur la rénovation thermique des logements indispensable pourtant pour réussir la transition énergétique. (M. Roland Courteau approuve.) Le texte reste encore loin des promesses du Gouvernement sur ce sujet. Espérons que le PLF donne au Gouvernement l'occasion d'agir en faveur de la rénovation. La transition écologique peut et doit être au service des plus défavorisés, pour améliorer leurs conditions de vie et réduire les inégalités. Si le dispositif en trois phases retenu - incitation, obligation, sanction - de même que l'intégration de critères de performances énergétiques dans la définition d'un logement décent constituent donc des premières avancées, elles restent bien loin des promesses du candidat Macron.
Pour réussir, il faut aussi faire preuve de pédagogie, comme l'a montré la crise liée à la taxe carbone. La remise en cause de l'augmentation de la taxe carbone en est un exemple criant.
De telles politiques publiques devraient s'accompagner d'un pendant industriel permettant l'émergence de technologies, de filières nationales stratégiques ou favorisant le développement de programmes d'alliances industrielles sur le modèle de l'Airbus des batteries.
Enfin, les mesures contenues dans ce projet de loi pourraient être complétées par un volet consacré aux économies d'énergie puisque l'énergie la moins carbonée reste celle qui n'est pas produite.
Le groupe UC votera ce texte qui va dans la bonne direction, tout en restant vigilant sur les mesures visant à soutenir l'économie circulaire ou sur le verdissement de notre budget, alors que la prochaine Commission européenne a promis la première loi européenne pour le climat afin de faire de l'Union le premier continent neutre en carbone dès 2050. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Franck Menonville . - Ce projet de loi entend répondre à l'urgence climatique en redéfinissant notre politique énergétique.
Je regrette les délais restreints d'examen, malgré lesquels le Sénat a beaucoup enrichi le texte. Le travail de la CMP a été remarquable : l'accord n'allait pas de soi.
C'est désormais, à partir de 2023, le Parlement qui fixera les objectifs de politique énergétique de la France. Nous soutenons les buts fixés, la neutralité carbone en 2050, la baisse de la part des énergies fossiles, ainsi que le bouquet énergétique retenu qui comportera une part croissante d'énergies renouvelables (ENR). La production hydroélectrique et de biogaz doit faire l'objet d'une attention particulière : nous saluons les mesures sur les garanties d'origine de biogaz. De même, nous nous félicitons de l'interdiction de panneaux photovoltaïques sur les littoraux dégradés. En 2016, la production d'électricité générait cinq fois moins de CO2 que la moyenne européenne : le nucléaire est un atout, rappelons-le. L'énergie nucléaire doit cependant être strictement encadrée.
La lutte contre la fraude aux certificats d'économie d'énergie sera renforcée pour préserver ce système.
Pour parvenir à un texte commun, il nous a fallu accepter des compromis. Nous aurions ainsi souhaité le maintien de la possibilité de saisine du Haut conseil pour le climat par les parlementaires.
Le groupe Les Indépendants votera ce texte utile, conscient néanmoins que beaucoup reste à faire, notamment en matière de rénovation énergétique pour lutter contre les passoires thermiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; Mme Sophie Primas applaudit également.)
Mme Noëlle Rauscent . - Je me félicite de l'accord trouvé en CMP sur ce texte, dont l'examen a été constructif. Le texte - considérablement enrichi par nos travaux - réaffirme nos objectifs de décarbonisation ; pour cela, il faut réduire notre dépendance aux énergies fossiles. L'objectif de réduction de leur consommation est porté de 30 à 40 % en 2030. Cela passe par la fermeture des quatre centrales à charbon, tout en accompagnant les salariés, ainsi que par l'augmentation concomitante de notre production d'ENR, notamment le solaire et l'éolien en mer. La transition écologique ne sera possible et acceptée que si elle est solidaire.
Ce texte est réaliste et pragmatique : la réduction de 50 % de la part du nucléaire est reportée de 2025 à 2035. Concernant le bâtiment, la loi fixe un objectif de rénovation des passoires thermiques, étalé dans le temps, pour permettre aux propriétaires de s'adapter.
Le Parlement fixera à partir de 2023 et tous les cinq ans, nos objectifs de politique énergétique en cohérence avec la PPE.
Ce texte est un premier pas ambitieux et tourné vers l'avenir : il sera renforcé par le projet de loi d'orientation des mobilités, le projet de loi de finances et le suivi du HCC. Face au changement climatique, il faut être déterminé. La loi ne peut pas tout : la société civile trouvera les réponses concrètes. Le groupe LaREM votera naturellement ce texte.
M. Fabien Gay . - Madame la ministre, vous avez inventé le projet de loi à obsolescence programmée. (Sourires) Il est déjà caduc ! En témoignent les incendies qui ravagent l'Amazonie, où vous autorisez l'exploitation minière ; l'alerte du GIEC sur la hausse de 6,5 à 7° de la température mondiale en 2100. Les objectifs de réduction de 40 % d'émission de GES en 2030 sont très insuffisants à cet aune.
Le changement climatique est déjà une réalité. À terme, toutes les espèces, la nôtre incluse, sont menacées. Les jeunes, les gilets jaunes, rouges ou verts l'ont compris et ils n'ont plus confiance : vous ne changez rien, préférant la surconsommation, le capitalisme et la course au profit. Vos mots sonnent creux ; il faudrait d'abord rompre avec l'austérité budgétaire pour un grand plan d'investissement. Il est facile de faire des selfies avec le cacique Raoni ; mais où sont les actes ? Le HCC dénonce l'absence d'investissements publics et privés de plus de 40 milliards en 2018 dans les secteurs clés des transports, des bâtiments et de la production d'énergie. D'ailleurs, les investissements en France dans les énergies fossiles, c'est 75 milliards en 2017 ! C'est sûrement la politique du « en même temps »...
Il faut une rupture avec le libre-échangisme : le Mercosur et le CTA, c'est l'agro-business et la déforestation. L'astrophysicien Jean-Pierre Bibring rappelait lors de la dernière fête de l'Humanité que « nous consommons sur terre plus d'énergie qu'en produit le noyau terrestre ». Sans la fin du capitalisme tel que nous le connaissons, c'est la fin de nos civilisations. Il faut sortir du capitalocène...
Ce texte maintient les familles précaires dans les passoires thermiques ; il poursuit le démantèlement du service public de l'énergie avec la fin du tarif réglementé. Les plus précaires subissent en premier lieu le réchauffement climatique. La transition énergétique ne se fera pas sans justice sociale.
La lutte contre le changement climatique ne peut être le seul fait des individus : il faut un engagement massif des États et des entreprises.
Ce projet de loi aurait dû prendre la mesure de l'urgence. Philippe Gellück, le père de la bande-dessinée Le Chat, dit : « La pollution de la planète n'est pas aussi grave qu'on le dit : elle l'est beaucoup plus ». Le groupe communiste ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Angèle Préville applaudit également.)
M. Roland Courteau . - Pour la première fois, Homo Sapiens détruit les conditions mêmes de sa vie sur terre. Avec une hausse possible de 7° C projetée en 2100, il est temps que le climat soit perçu comme un enjeu majeur de survie.
Transition énergétique et justice sociale doivent être étroitement liées. Certes, la France n'est pas le plus mauvais élève. Avec ce texte, sommes-nous en phase avec les rapports du GIEC ? Je ne le crois pas. Ce texte reste, après la CMP, celui des occasions manquées, malgré les efforts constructifs du groupe socialiste en première lecture.
La rénovation thermique des logements passoires attendra : nous serons vigilants lors de l'examen du projet de loi de finances, car c'est l'enjeu majeur. Qu'en est-il de l'engagement du candidat Macron de créer un fonds public pour la rénovation ?
L'Arenh crée une concurrence faussée sur le dos d'EDF, contraint de biberonner des concurrents comme Total non endettés, alors qu'EDF est très endettée et doit faire face à un mur d'investissements. N'est-ce pas une spoliation ? EDF a perdu 3 millions de clients depuis 2012. C'est dire que le marché est déjà bien ouvert ! Pourquoi imposer un déplafonnement qui ne répond à aucun motif d'intérêt général ? Y aura-t-il concomitance entre déplafonnement et la prise en compte de l'inflation, madame la ministre ?
Nous reviendrons sur le projet de scission d'EDF, baptisé Hercule, véritable projet de découpe et de privatisation partielle.
Le groupe socialiste attendait plus d'un tel texte ; il ne le votera pas, à regret. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Ronan Dantec . - La raison d'être première de ce texte était, rappelons-le, de repousser de dix ans l'objectif de réduction de la part du nucléaire prévue par la loi de 2015. Une loi destinée à repousser l'échéance de dix ans ne peut réjouir l'écologiste que je suis. Mais il ne suffit pas d'afficher des objectifs si les politiques publiques ne suivent pas, ce qui fut le cas pour la loi de transition écologique.
Néanmoins sur la question de l'avenir du nucléaire, je suis quelque peu rassuré. Le rapporteur Gremillet a fait démentir la traditionnelle méfiance gaulliste vis-à-vis des ENR (Mme Sophie Primas proteste.) Qu'il en soit salué ! Ce sont des évolutions positives ! L'éolien off-shore a un grand avenir devant lui, et nous avons eu le plaisir de lancer à Saint-Nazaire les travaux du premier parc éolien la semaine dernière.
Le Gouvernement m'a lui aussi rassuré, avec l'abandon du nucléaire de quatrième génération en rase campagne. Avec ses multiples déboires, l'EPR n'incarne pas plus l'avenir. Rendez-vous dans cinq ans pour, je l'espère, acter l'extinction progressive de la parenthèse nucléaire.
Je regrette que certains amendements portés par le collectif Climat n'aient pas été retenus, notamment sur la stratégie bas carbone. Un amendement, le classement en logements indécents des logements les plus énergivores, était d'appel. Ce débat essentiel devra être repris, dès le projet de loi de finances. Il faut des ambitions quantitatives et surtout une cohérence entre les politiques d'incitation et de contrainte.
Je salue le maintien de l'article 6 bis sur les projets d'autoconsommation des HLM.
L'Assemblée nationale a accepté, lors de la CMP, de conserver la mention de l'évaluation par l'État de sa propre action en matière de mise en oeuvre de politique territoriale d'énergie.
Madame la ministre, vous semblez avoir entendu le Sénat, qui demandait à l'État de soutenir l'action des territoires. Vous avez réuni vendredi dernier tous les réseaux de collectivités territoriales pour discuter d'une nouvelle stratégie nationale de relance des plans climat-air-énergie territoriaux.
Le groupe RDSE se partagera entre les votes favorables et une abstention bienveillante des sénateurs écologistes. Ce n'est plus le temps des postures.
Mme Pascale Bories . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC ; M. Daniel Gremillet, rapporteur, applaudit également.) Je salue le travail accompli, malgré les délais contraints. Le texte d'origine comprenait huit articles et peu d'ambition. Il a été substantiellement enrichi. Je salue donc les efforts du rapporteur et le remercie pour les échanges que nous avons eus.
Je suis particulièrement satisfaite des accords que nous avons trouvés sur les articles qui avaient été délégués au fond à notre commission, notamment celui relatif au Haut Conseil du climat.
L'article qui touche à l'autorité environnementale était sensible, notamment à cause du rôle confié aux préfets. La volonté de leur confier la compétence pour examiner au cas par cas si les projets d'aménagement devaient ou non faire l'objet d'une étude d'impact environnementale laissait craindre une multiplication des recours pour conflit d'intérêts, ce qui aurait bien évidemment fortement insécurisé les porteurs de projets. La rédaction de compromis trouvée nous prémunit contre tout conflit d'intérêts.
Le compromis trouvé en CMP a également maintenu la suppression de l'article visant à confier le contentieux relatif aux éoliennes en mer au Conseil d'État en premier et dernier ressort, une solution qui n'était pas pertinente car elle aurait affaibli le droit au recours.
Je me félicite que les mesures d'accompagnement des salariés des centrales à charbon et nucléaires votées par le Sénat aient prospéré en CMP. Je regrette que la CMP n'ait pas retenu ma proposition d'annexer à la programmation pluriannuelle de l'énergie une feuille de route relative au démantèlement des réacteurs nucléaires, il est essentiel que l'État travaille avec l'ensemble des acteurs de la filière à l'élaboration d'une stratégie de démantèlement. N'oublions pas que le nucléaire fait de la France l'un des pays dont la production électrique est la moins émettrice.
Je regrette également que l'amendement de Daniel Laurent sur l'installation de panneaux photovoltaïques dans les zones littorales dégradées n'ait pas été adopté.
Toutefois, ce texte de compromis va dans le bon sens et je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Yves Bouloux applaudit également.)