Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
Réforme des retraites (I)
Mme Monique Lubin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Monsieur le Premier ministre, la communication officielle de M. Delevoye affirme que la réforme des retraites renforcera l'équité entre les générations, protègera les plus fragiles, restaurera la confiance des Français et redonnera de la valeur au travail.
Ces affirmations ne relèvent-elles pas de la méthode Coué ? Comment affirmer que le niveau des retraites ne baissera pas, que les pensions des femmes seront meilleures ? Comment assurer une valeur au point, alors que vous exigez que les retraites n'excèdent pas 14 % du PIB, comme aujourd'hui ? La valeur du point servira bien sûr de variable d'ajustement. Comment et par qui sera fixée la valeur du point ?
L'âge de 62 ans est préservé, mais avec la limite inacceptable d'une décote pour ceux qui décideront de partir avant 64 ans, véritable épée de Damoclès. C'est inacceptable pour ceux qui exercent les métiers les plus contraignants et qui ont commencé à travailler tôt, dont le niveau de pension est plus faible et qui ne pourront se permettre de voir leurs revenus baisser. Inacceptable aussi pour ceux qui sont bannis du monde du travail lorsqu'ils atteignent 62 ans.
Monsieur le Premier ministre, au vu de toutes les incertitudes, vous risquez de nous plonger dans l'inconnu, même si vos intentions sont bonnes. Vous allez nous proposer de passer d'un système qui, certes, n'est pas parfait à un système qui risque de nous plonger dans l'inconnu.
M. le président. - Concluez.
Mme Monique Lubin. - Il faut cesser les valses-hésitations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Votre question me permet de m'exprimer après la remise ce matin des recommandations du Haut-Commissaire, fruit d'une longue concertation avec les citoyens et les partenaires sociaux dont la qualité a été soulignée par tous. Ces recommandations serviront de base à la concertation qui s'ouvre à la rentrée pour préparer le futur projet de loi.
Il ne m'appartient pas de me prononcer sur telle ou telle proposition, mais équité, justice seront les maîtres mots du nouveau système universel, qui sera plus lisible et solidaire. Chaque euro cotisé donnera les mêmes droits à tous. Le système sera plus lisible et s'adaptera aux carrières. Il sera plus solidaire, notamment lors des périodes de maladie, de congés maternité, de chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Annie Guillemot applaudit également.)
Situation en Iran
M. Franck Menonville . - Notre compatriote Fariba Adelkhah, chercheuse franco-iranienne, est détenue en Iran depuis début juin. Une ressortissante irano-britannique a aussi été arrêtée. Les États-Unis et le Canada sont également concernés. Ces faits font suite au retrait des États-Unis de l'accord sur le nucléaire le 8 mai 2018. Le régime iranien met ainsi la pression sur les gouvernements concernés afin de se constituer une monnaie d'échange en cas de conflit.
L'Europe a tenté de sauver l'accord sur le nucléaire en créant la plateforme d'échange Instex toujours inactive, laissant l'Iran subir de plein fouet les sanctions américaines. Faute d'autres solutions, Téhéran viole le traité et reprend sa marche vers l'arme nucléaire. Personne ne veut voir l'Iran se doter de la bombe atomique et personne n'a intérêt au déclenchement d'un conflit. Cependant, la guerre semble se rapprocher.
L'Europe et la France sont prises en étau par cette montée des extrêmes. Nous ne pouvons que condamner le choix de Téhéran sans pour autant approuver la décision du président Trump. L'Iran ne doit plus être une menace pour la région.
Deux réponses sont possibles : la militaire, qui serait l'option de tous les dangers et la négociation, qui est aujourd'hui à l'agonie.
« Beaucoup de faux pas sont faits en restant immobiles » disait Disraeli. Que pouvons-nous faire pour obtenir la libération de Fariba Adelkhah et éviter le pire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur divers bancs des groupes SOCR, RDSE, UC et LaREM)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Notre priorité est claire : l'Iran doit revenir sans délai en conformité avec ses engagements de l'accord de Vienne. C'est une question de principe. C'est aussi un enjeu de sécurité pour que les tensions internationales n'aillent pas à l'escalade.
La France est mobilisée pour que se réduisent ces tensions.
La mauvaise réaction de l'Iran fait suite à une mauvaise décision américaine, celle de se retirer du JCPOA (Joint comprehensive plan of action) et de prendre des sanctions et des mesures extraterritoriales à l'égard de Téhéran.
Une solution reste possible comme l'ont rappelé Theresa May, Angela Merkel et Emmanuel Macron, le 14 juillet dernier.
Le président de la République s'est entretenu avec le président Rohani au sujet de Mme Adelkhah. Nous avons demandé des informations, l'accès consulaire et une libération rapide. Nos demandes n'ont pas encore été satisfaites. L'Iran doit faire preuve de transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes UC et Les Indépendants)
Sécurité et Coupe d'Afrique des Nations (I)
Mme Claudine Thomas . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Dimanche dernier, jour de Fête nationale, des supporters algériens ont célébré la qualification de leur équipe, ce qui a donné lieu à des violences et des actes de destruction à Paris, Lyon, Marseille et dans bien d'autres villes. Quelque 282 personnes ont été interpellées et 249 ont été placées en garde à vue.
Le ministre de l'Intérieur pratique l'omerta en ne dévoilant pas le nombre de voitures brûlées. Ces scènes de violence se sont répétées partout en France, ce qui laisse craindre le pire pour la finale de demain.
Il est choquant et révélateur de voir cette nuée de drapeaux algériens brandis par des Français issus de l'immigration et dont les parents ont choisi la France.
Mme Samia Ghali. - Et alors ?
Mme Claudine Thomas. - Il est choquant de voir ces manifestations violentes, et encore plus le jour de notre Fête nationale. L'État semble accepter ces violences comme une fatalité et il ne les gère qu'au coup par coup.
Les Français en ont assez. Il est temps de ramener la paix sociale dans notre pays en recréant une unité de valeurs républicaines, sans favoriser les communautarismes de toutes sortes.
Cette violence est révélatrice d'un problème plus grave : il est temps de repenser notre politique d'intégration. (Exclamations sur divers bancs à gauche)
Mme Éliane Assassi. - Ils sont Français !
Mme Claudine Thomas. - Sans reconquête de l'école et des quartiers difficiles, rien ne sera résolu.
La politique de l'autruche n'a qu'assez duré ! Quelle réponse concrète à ces dérives, à cette carence d'éducation civique et à ce mépris des valeurs de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Le dispositif prévu vendredi soir pour la finale de la Coupe d'Afrique des Nations est identique à celui des autres événements sportifs d'importance que nous avons reçus, comme pour la finale de la Coupe du monde. Nous avions tout prévu dimanche. Je ne peux pas vous laisser dire qu'il y a eu des violences et des dégradations. (Marques de protestation sur les bancs du groupe Les Républicains) Aucun commerce n'a été pillé. Tout a également bien fonctionné à Marseille.
Madame la sénatrice, le dispositif sera le même vendredi pour la finale : il sera réactif et adapté et permettra de procéder à des interpellations s'il le faut. Rien ne laisse préjuger qu'il y aura des violences : c'est faire un procès d'intention à des supporters (Mme Éliane Assassi le confirme.) qui viennent fêter une victoire dans la liesse et dans la joie. Vous faites un procès d'intention. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR) Nous éviterons d'éventuelles émeutes urbaines, grâce aux forces de police, grâce aux CRS et aux gendarmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Sécurité et Coupe d'Afrique des Nations (II)
Mme Michèle Vullien . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ma collègue vient de poser une question sur ce qui s'est passé le 14 juillet. Je suis étonnée, monsieur Nunez, que vous disiez qu'il ne s'est rien passé. En ce 14 juillet, en guise de bouquet final nous avons assisté à un bien triste spectacle donné par des bandes organisées : violences matérielles, symboliques, verbales et même physiques à l'encontre des forces de l'ordre. J'ai vu à la télévision un magasin de motos vandalisé. C'est intolérable qu'il n'y ait aucune réaction. Il faut faire régner l'ordre. Ces incidents rappellent ceux intervenus quelques jours auparavant et quelques mois plus tôt. Ils se renouvellent sans que nous soyons en mesure de faire régner l'ordre, de rassurer la population malgré la mobilisation d'un dispositif important.
Dans un État de droit, quelle est notre capacité à contenir ces déferlements de haine, à protéger les personnes et les biens ? En prenant trop de précautions, en acceptant l'inacceptable, on prend le risque de pousser l'électorat modéré vers les extrêmes.
Qu'avons-nous raté collectivement pour engendrer un tel déferlement de haine à l'égard de la France et de ses symboles ? J'espère que le dispositif de demain sera efficace... (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Je n'ai pas dit qu'il ne s'était rien passé. (On le nie bruyamment sur les bancs du groupe Les Républicains.) Vendredi soir, le dispositif sera le même que dimanche ; nous interviendrons pour interpeller, pour disperser. Il n'y a pas eu de débordements à Paris et à Marseille. Si le nombre d'interpellations a dépassé les 300, vendredi soir, c'est justement pour éviter toute exaction.
Le pillage du magasin de cycles auquel vous avez fait référence a eu lieu lors des quarts de finale et non des demies. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue l'engagement des policiers et des gendarmes. (Marques d'ironie sur les mêmes bancs) On ne peut pas laisser faire d'amalgame entre des supporters de l'équipe d'Algérie et un prétendu échec de l'intégration. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ; M. David Assouline applaudit également.)
Réforme des retraites (II)
M. Martin Lévrier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Dès les années 2000, les Sénateurs ont travaillé sur la modernisation durable des retraites. Plusieurs rapports sénatoriaux ont souligné la nécessité d'une réforme systémique, conscients que l'impératif de l'équilibre financier ne pouvait être la seule approche. Ainsi, dans leur rapport fait dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale « Retraites 2010 : régler l'urgence, refonder l'avenir », Mme Christiane Demontès et M. Dominique Leclerc énonçaient que devait « être engagé dès à présent ce débat national en posant le principe du passage progressif à un système par points (...), qui assurerait un lien plus clair entre cotisations et pensions, identifierait mieux les mécanismes de solidarité et serait un gage de clarté pour les jeunes générations ».
Les sénateurs étaient conscients qu'il fallait mettre fin aux additions de mesures paramétriques qui ont transformé le système de retraites existant en un millefeuille indigeste.
La réforme du système des retraites devra renforcer la solidarité intergénérationnelle en rendant le système intelligible pour tous, mettre un terme aux iniquités existantes entre actifs notamment en fusionnant les 42 régimes, pérenniser le système de manière durable en empêchant l'adjonction des réformes paramétriques.
Répondre à ces objectifs, c'est répondre à l'engagement pris le président de la République devant les Français.
Après deux ans de concertation, Jean-Paul Delevoye vient de rendre ses conclusions. Quelles sont les prochaines étapes ? Quand le Parlement pourra-t-il s'emparer de ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Laissez-moi compléter ma réponse à Mme Lubin. Les préconisations du Haut-Commissaire sont le socle du système universel de retraite. Cependant, nous devons prendre le temps nécessaire pour arrêter les modalités pratiques du passage à ce nouveau régime. Nous devons rassurer et apporter des garanties aux Français.
Nous devons prendre en compte les exigences d'équilibre économique avant la bascule dans le nouveau système universel.
La retraite est pour l'instant un casse-tête, une injustice et parfois une angoisse pour les Français. Le président de la République veut un système plus juste, généreux, solidaire. Prenons le temps de préparer un système où chacun pourra vivre sa retraite avec justice et sérénité.
Une deuxième phase de concertation s'ouvre qui donnera lieu ensuite à un projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. René-Paul Savary. - Ça c'est précis !
Plan social chez Conforama
M. Olivier Léonhardt . - J'associe les collègues de mon groupe, Mme Jouve, MM. Guérini et Corbisez, concernés, comme beaucoup d'autres, par l'une des 32 fermetures de magasins annoncées et les 1 900 licenciements. La déflagration sociale est énorme, notamment en Essonne, à Fleury-Mérogis, où j'ai rencontré des salariés - certains ont trente ans d'ancienneté - avec Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT.
Il est d'ailleurs totalement indécent que le licenciement de 1 900 personnes soit à peine relaté dans la presse nationale quand on voit ce qui occupe les flashs des chaînes infos en continu ces derniers jours.
Le PDG de Conforama s'était engagé par voie de presse le 14 juillet à ne pas démanteler l'entreprise, qualifiant cette crainte de « fantasme intégral ». Or dès le lendemain, les bijoux de famille commençaient à être vendus, avec les filiales espagnoles et portugaises. L'argent de cette vente ne sera pas versé aux salariés licenciés.
L'entreprise a perçu plus de 50 millions d'euros de CICE. Elle doit rendre des comptes.
Quelles mesures envisagez-vous pour empêcher le démantèlement de l'entreprise, pour sanctionner les créanciers et les fonds d'investissement vautours et pour préserver le maximum d'emplois face à cette tragédie sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; MM. Jean-Pierre Sueur et Martial Bourquin applaudissent également.)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Le groupe Conforama est confronté à d'importantes difficultés qui se sont accrues depuis décembre 2017, suite aux malversations de son actionnaire majoritaire sud-africain, Steinhoff.
En outre, Conforama fait face à l'évolution très rapide des modes de consommation. Dans ce contexte, la direction a annoncé la fermeture de 32 magasins Conforma et 10 Maisons Dépôt.
Face à ces annonces, je comprends l'angoisse et la colère des salariés.
Avec Bruno Le Maire, nous sommes très fermes. Il est indispensable que le dialogue avec ce groupe de 14 000 salariés dont 9 000 en France ait lieu.
L'urgence est d'assurer la pérennité de l'entreprise et de sauvegarder le plus d'emplois. J'appelle chacun à poursuivre le dialogue, avec transparence et loyauté. Je serai particulièrement vigilante quant aux conditions de mise en oeuvre de la restructuration et aux efforts de reclassement des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Violences policières
Mme Esther Benbassa . - Zineb Redouane, octogénaire, décède, atteinte au visage par un jet de grenade lacrymogène alors qu'elle fermait ses volets ; Geneviève Legay, 73 ans, blessée à la tête à la suite d'une charge de CRS. Les violences policières ont fait 3 000 blessés parmi les gilets jaunes, 94 graves, des mutilés, des éborgnés. (Mouvements à droite) Les enquêtes de l'IGPN ne débouchent sur rien.
Le président de la République a jugé le 7 mars que les mots de « répression » et de « violences policières » étaient inacceptables - ce sont les faits qui le sont, pas les mots.
Le 21 juin dernier, à Nantes, une charge de police, visiblement disproportionnée, contre des jeunes qui célébraient la Fête de la musique un peu trop tardivement, conduit quatorze personnes à sauter dans la Loire pour échapper aux coups et aux lacrymogènes. Steve Caniço n'a pas été retrouvé. Des plaintes ont été déposées, le Défenseur des droits s'est autosaisi. La famille de Steve attend toujours des réponses. Ma question est simple : où est Steve ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR ; M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Il y a eu des investigations pour toutes les affaires citées, et bien d'autres. La justice est systématiquement saisie quand il y a un blessé. L'IGPN a été saisie plus de 280 fois, une centaine de dossiers ont été transmis au parquet. Les investigations se poursuivent.
L'action de la police et de la gendarmerie est encadrée et proportionnée. Toute suspicion de violences donne lieu à investigation, les agents répondent aux questions des enquêteurs.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Où est Steve ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Avec M. Castaner, retenu au Conseil des affaires intérieures à Helsinki, nous n'avons aucune raison de ne pas avoir pleine confiance dans nos gendarmes et policiers.
Plusieurs voix à gauche. - Où est Steve ? Où est Steve ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Ils sont présents tous les jours pour lutter contre la délinquance, rappelons-le.
À Nantes, le soir de la Fête de la musique, des policiers sont intervenus pour mettre un terme à des concerts qui se poursuivaient très tardivement. Un juge d'instruction a été saisi, une investigation est en cours. Vous comprendrez que je ne puisse m'exprimer sur l'affaire. Toute la vérité sera faite rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Où est Steve ?
Mme Esther Benbassa. - Cette réponse ne calmera pas les inquiétudes de la famille de Steve. Le 16 juin dernier, vous avez décoré M. Chassaing, commissaire divisionnaire à Nantes. Cinq jours plus tard, si l'on en croit Mediapart (Exclamations à droite), il ordonnait le gazage de ces jeunes.
M. le président. - Concluez !
Mme Esther Benbassa. - Notre pays va mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Accueil des migrants
M. Rémi Féraud . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Plusieurs grandes villes sont confrontées à l'arrivée de migrants fuyant la guerre ou la misère. Beaucoup vivent dans des conditions indignes, à Paris, Bordeaux, Lille, Rennes, Nantes, Toulouse, Saint-Denis... Le 23 avril, les maires de ces villes ont réclamé le renforcement des dispositifs d'accueil. Les municipalités et les associations mettent en place des mesures humanitaires d'urgence mais ne peuvent pallier l'absence de l'État.
À la porte de la Chapelle, la situation est dramatique. Votre silence et votre passivité sont inacceptables. La mise à l'abri et la prise en charge durable des réfugiés relèvent de l'État. Quand le Gouvernement assumera-t-il enfin ses responsabilités ? Quand mettrez-vous fin à une situation indigne des valeurs de la République ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - La demande d'asile a augmenté de 20 % en 2018 en France, dont 45 % se concentre à Paris et en Île-de-France. Parler d'une prétendue passivité ou inaction du Gouvernement est inacceptable. (M. David Assouline le conteste.)
Nous avons porté le nombre de places d'hébergement pour les demandeurs d'asile à 170 000, dont 22 000 à Paris. Nous avons renforcé les moyens de l'Ofpra pour réduire à six mois les délais d'instruction des demandes afin de libérer des capacités d'hébergement. En 2018, 8 000 logements ont été mis à disposition des réfugiés, 18 000 cette année. On ne peut parler de passivité !
M. David Assouline. - C'est vieux, cela !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Venez porte de la Chapelle !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Le préfet de police et le préfet de la région Île-de-France organisent des opérations de mise à l'abri Nous sommes très présents porte de la Chapelle. Le dispositif d'orientation et d'accueil des demandeurs d'asile a été amélioré, une plateforme téléphonique a été mise en place pour réduire les files d'attente, le nombre de rendez-vous au guichet unique a été doublé.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Bref, tout va bien !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Je ne peux vous laisser dire que le Gouvernement serait passif. Il agit, y compris au niveau européen pour essayer de refonder Schengen. Nous sommes dans l'action ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. David Assouline. - Vous êtes passifs.
M. Rémi Féraud. - La situation sur le terrain témoigne de l'inaction du Gouvernement. Venez voir porte de la Chapelle, et ailleurs. Dépassez la seule vision du ministère de l'Intérieur et construisez avec les collectivités et les associations une réponse à la hauteur de notre promesse humaniste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
Chambres d'agriculture
M. Michel Raison . - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Il y a quelques semaines, la Cour des comptes épinglait le budget de l'État. Malgré la hausse des recettes, vous avez du mal à maîtriser les dépenses publiques. Est-ce pour cela que vous demandez aux chambres d'agriculture de baisser leurs recettes fiscales ? De combien souhaitez-vous les baisser ? Quelle concertation ? Sur quels critères vous appuyez-vous ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC ; Mme Angèle Préville applaudit également.)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - (On réclame le Premier ministre sur les bancs du groupe Les Républicains.) J'espère que ma réponse sera aussi applaudie que votre question ! (Sourires)
Le Gouvernement maîtrise la dépense publique, ce que certains dans l'opposition lui reprochent. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Je sais que ce n'est pas votre cas.
Le Premier ministre a arbitré en faveur d'une hausse, certes limitée, du budget de l'agriculture. Nous agissons : maintien de l'épargne de précaution de 150 000 euros par agriculteur, pérennisation du TODE, pour 500 millions d'euros, exonération totale de TICPE sur le gazole non routier pour 1,2 milliard d'euros.
Les lettres de cadrage ne sont pas encore arrivées mais j'ai en effet informé son président que les recettes de l'Assemblée permanente des Chambres d'agriculture (APCA) baisseraient. Le sujet essentiel est celui du revenu des agriculteurs, qui ne gagnent pas leur vie. Le choix du Premier ministre est de baisser la taxe affectée sur le foncier non bâti pour leur donner plus de pouvoir d'achat.
Les chambres d'agriculture jouent un rôle essentiel.
Mme Sophie Primas. - Justement !
M. Didier Guillaume, ministre. - Nous travaillons ensemble, la concertation se poursuit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Michel Raison. - Je suis très déçu de votre réponse qui n'en est pas une. Vous avez osé dire que vous alliez améliorer les revenus des agriculteurs en baissant leur impôt. Ils recevront au mieux 50 euros chacun ! Cessez de tenir un double discours en prônant d'un côté la transition agricole alors que, de l'autre, vous réduisez les recettes des chambres d'agriculture ! Vous affaiblissez un corps intermédiaire, de terrain, très utile aux collectivités territoriales et aux paysans. (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
Scolarisation des enfants suisses en France
M. Loïc Hervé . - L'agglomération de Genève est l'une des plus dynamiques d'Europe ; elle recouvre deux cantons suisses et deux départements français. Les élus du territoire genevois français s'alarment de la décision des autorités genevoises de modifier unilatéralement le règlement sur l'enseignement primaire. Hormis quelques rares exceptions, les enfants suisses résidant en France ne pourront plus être scolarisés en Suisse. Dans les dix ans à venir, nos écoles vont donc devoir accueillir près de 2 000 enfants suisses. Le coût se chiffre en millions d'euros.
Je rappelle que les frontaliers travaillant à Genève payent leurs impôts à la source au canton de Genève, qui en conserve les deux-tiers.
Le Gouvernement va-t-il protester au niveau diplomatique le plus élevé contre de telles décisions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Ce sujet fait l'objet de discussions avec les autorités suisses. Notre coopération transfrontalière doit rester juste et équilibrée. Dès le vote de ce nouveau règlement, nous avons saisi les autorités cantonales pour souligner les difficultés qui en découleraient.
La dernière réunion du dialogue transfrontalier a été l'occasion d'échanges nourris, mais les autorités genevoises sont restées sur leur position. Nous envisageons toutes les mesures pour atténuer l'impact de cette décision, par exemple ne pas séparer les fratries. Nous travaillons avec le ministre de l'Éducation nationale et le rectorat de Grenoble.
Nous respectons nos accords bilatéraux, mais la situation peut toujours être améliorée. Nous l'avons fait pour la coopération sanitaire avec l'accord adopté fin juin, nous sommes déterminés à avancer sur l'indemnisation du chômage. La situation transfrontalière est bonne, mais oui, elle peut s'améliorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Loïc Hervé. - Cette décision protectionniste est inspirée par un populisme anti-frontalier préoccupant. La fermeture des petites douanes la nuit va dans le même sens. D'autres sujets devront être mis sur la table : la coopération médicale et sanitaire, l'indemnisation du chômage. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et LaREM)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Merci.
Création d'un commandement militaire de l'espace
M. Claude Haut . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) À la veille du 14 juillet, le président Macron a annoncé la création dès le 1er septembre d'un commandement militaire de l'espace regroupant des moyens actuellement disséminés. Nous faisons ainsi du spatial une priorité stratégique et un enjeu de sécurité nationale.
L'espace exo-atmosphérique est devenu espace de conflictualité, contesté et disputé. Un satellite détourné, perturbé ou espionné constitue une menace pour la sécurité et la défense nationale, il peut compromettre nos opérations militaires. Comment ce commandement de l'espace assurera-t-il la consolidation de nos capacités ?
La loi de programmation militaire pour 2019-2025 a acté une hausse du budget à hauteur de 3,6 milliards d'euros. De nouveaux moyens seront-ils dédiés à cette nouvelle politique spatiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Loïc Hervé et Mme Sophie Taillé-Polian applaudissent également.)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Veuillez excuser l'absence de Mme Parly.
L'espace est un enjeu de compétition, mais aussi de conflictualité potentielle. Face à la menace, la loi de programmation militaire a renforcé notre capacité nationale de surveillance de l'espace exo-atmosphérique et prévu le renouvellement de tous nos satellites militaires de renseignement.
La nouvelle stratégie spatiale de défense décidée par le président de la République va plus loin : il s'agit d'étendre notre surveillance des activités en orbite et de protéger, si besoin activement, nos intérêts spatiaux. Le grand commandement de l'espace rassemblera 230 spécialistes ; il sera développé particulièrement à Toulouse. La ministre des Armées détaillera le dispositif le 25 juillet à Lyon.
C'est par cet effort que nous protégerons nos moyens d'action et que nous garantirons l'usage pacifique de l'espace, dans le cadre des traités internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Dette publique
M. Ronan Le Gleut . - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Monsieur le Premier ministre, le montant de la dette s'élève à 2 359 milliards d'euros. Ce n'est plus une petite montagne, c'est un Everest. Le chiffre est vertigineux si on le rapporte aux 67 millions d'habitants : 35 210 euros par habitant ! Une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de nos têtes et vous augmentez encore les dépenses publiques, de 4,6 milliards d'euros ! Il y a pourtant bien des économies à faire, sur le train de vie de l'État, le périmètre de la fonction publique ou l'AME.
Pourquoi abandonnez-vous la promesse du candidat Macron de sérieux budgétaire, pour ne pas léguer une dette insoutenable à nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Le déficit était de 3,4 % du PIB lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités. Cette année, il sera de 2,1 %. Cela représente 28 milliards d'euros gagnés en deux ans, constatés par la Cour des comptes et par votre rapporteur général.
Monsieur le sénateur, vous avez voté contre toutes les baisses de dépenses que nous avons proposées. (MM. Julien Bargeton et Martin Lévrier applaudissent.) Vous avez voté contre la mission « Travail » qui supprimait les contrats aidés, contre les 3 milliards d'euros d'économies en matière de logement. Lors de la même séance, votre groupe nous aura reproché de faire des économies sur les chambres d'agriculture et aura abondamment critiqué la dette ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
J'ai été interpelé à sept reprises au Sénat sur la fermeture des trésoreries, car vous refusez les économies à la DGFiP... Vous avez voté contre toutes les baisses de dépenses. Vos collègues députés ont fait pire : ils ont proposé 17 milliards d'euros de dépenses en plus ! Dans cette matière, vous êtes manifestement croyants mais pas pratiquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Ronan Le Gleut. - La dette publique atteint 99,6 % du PIB ! Si les taux d'intérêt augmentent, ce sera une catastrophe financière pour la France. Vous avez deux mois pour revoir votre copie. Le Sénat vous proposera des pistes d'économies, écoutez-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; on ironise sur les bancs du groupe LaREM.)
Déploiement de la 5G
M. Marc Laménie . - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Les Indépendants) Les contours du lancement de la 5G se précisent. La cession des fréquences rapportera entre 3 et 5 milliards d'euros à Bercy. Les déserts numériques s'accentueront ou reculeront, en fonction des choix du Gouvernement.
Si vous favorisez les recettes, un tiers de la population risque de ne pas être couverte en 2025. La fracture numérique ne fera que s'accentuer. Ne renouvelons pas les erreurs du passé ! Allez-vous donner la priorité à l'aménagement du territoire ? Êtes-vous prêt à accepter une moindre recette afin de permettre aux opérateurs, selon un cahier des charges strict, d'investir pour combler la fracture numérique qui alimente la fracture territoriale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Les Indépendants)
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Le cahier des charges des enchères de la 5G vient d'être soumis à consultation publique par l'Arcep. Les objectifs du Gouvernement sont exigeants. Nous souhaitons mettre l'accent sur les usages professionnels avec des services différenciés, y compris dans les zones rurales. Il s'agit de trouver un équilibre entre rendement et couverture du territoire, en dépassant la seule approche financière. C'est un enjeu d'équité.
Nous espérons que chaque opérateur équipera 12 000 sites en 5G en 2025 - contre 20 000 sites actuellement en 4G. Nous avons demandé que 20 % à 25 % de ces sites équipés le soient dans les campagnes et ce, dès 2024. Il ne faut pas que les opérateurs privilégient les villes. Le déploiement sera rapide.
Les fréquences radioélectriques font partie du patrimoine de l'État, qu'il convient de valoriser justement, sans pour autant handicaper les opérateurs. L'État mène une étude de valorisation de ces fréquences afin de déterminer le montant des redevances. La Commission des participations et des transferts rendra un avis fin septembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Marc Laménie. - Il est vrai que le sujet n'est pas simple. Mais il convient de donner la priorité à l'aménagement du territoire. Nous comptons sur l'engagement total du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 15.