SÉANCE
du mardi 16 juillet 2019
7e séance de la session extraordinaire 2018-2019
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, Mme Patricia Schillinger.
La séance est ouverte à 09 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle 35 questions orales.
Obligation d'emploi des travailleurs handicapés
M. Philippe Mouiller . - Les décrets d'application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ont été publiés le 27 mai dernier et suscitent déjà des inquiétudes.
Afin de favoriser l'emploi direct des personnes handicapées, la loi prévoit que les contrats de sous-traitance conclus par les entreprises ou collectivités territoriales avec les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ou les entreprises adaptées (EA) - soit près de 250 000 travailleurs handicapés - ne feront l'objet que d'une déduction de la contribution des employeurs à hauteur de 30 %. Ne craignez-vous pas des retombées fâcheuses sur le secteur protégé ?
Nous regrettons également la suppression de la prise en compte de la lourdeur du handicap. Les premiers effets se font sentir avec la fin des contrats à temps partiel.
Qu'est-il prévu pour les travailleurs handicapés ayant les profils les plus difficiles ? En outre, nous sommes inquiets du risque d'absorption de l'Agefiph par Pôle Emploi. Où en est votre réflexion ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Les associations du secteur du handicap sont inquiètes des effets de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel sur les ESAT et les EA. Cette loi procède du constat que le taux d'emploi des travailleurs handicapés reste bas - 3,6 % avec une progression de 0,1 point par an - en comparaison avec l'objectif légal de 6 % !
N'opposons toutefois pas emploi direct et emploi indirect.
La loi ne change pas le principe mais les modalités de prise en compte des contrats de sous-traitance, qui prend la forme d'une déduction. Tout ceci a été fait en coopération avec les partenaires sociaux. Cela ne pose pas de problème aux responsables associatifs. Sur le terrain, lorsqu'on explique la réforme, elle est acceptée.
Je suis favorable à une gradation entre ESAT, EA et emploi direct. Avec Sophie Cluzel, nous avons passé un accord avec les entreprises adaptées pour un seuil qui passerait de 40 à 90 places. Quant à l'Agefiph, nous n'envisageons pas une fusion, mais un rapprochement, une coopération renforcée.
M. Philippe Mouiller. - Nous partageons l'objectif de la réforme. Les curseurs - taux, prise en compte dans la sous-traitance - sont à déplacer avec prudence. Les structures sont sur une ligne de crête économique qu'il ne faut pas quitter. Attention, enfin, aux personnes les plus lourdement handicapées, sorties du dispositif.
Soutien aux collectivités et contrats d'apprentissage
M. Vincent Delahaye . - À la suite du grand débat national, le Premier ministre faisait de l'apprentissage l'un des cinq chantiers prioritaires de l'action du Gouvernement.
Le taux de chômage des moins de 25 ans est supérieur à 20 % ; 1,3 million de jeunes sont actuellement sans emploi et sans formation. L'apprentissage peut être la voie royale pour lutter contre le chômage des jeunes puisque 70 % des apprentis se voient proposer un poste à l'issue de leur formation.
Néanmoins, si tout le monde s'accorde pour louer les vertus de l'apprentissage, les organismes gestionnaires de centres de formation d'apprentis (CFA) peinent souvent à trouver des employeurs prêts à accueillir des apprentis.
Afin de remédier à cette situation, nombre de collectivités territoriales, en particulier les communes, sont prêtes à accueillir des apprentis en leur sein. Le rapport publié par le Conseil d'État en 2015 dénombrait 10 000 apprentis accueillis dans la fonction publique, dont les deux tiers étaient recrutés dans les collectivités territoriales. Ce chiffre pourrait être bien supérieur car, à l'heure actuelle, rien n'est fait pour aider les collectivités territoriales à recruter des apprentis.
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé une aide unique aux employeurs d'apprentis, limitée aux entreprises du secteur privé de moins de 250 salariés. Les organismes du secteur public non industriel et commercial, et donc les communes, n'y sont pas éligibles.
Cette situation est inéquitable dès lors que l'apprentissage est déjà plus coûteux pour les collectivités que pour les entreprises privées. Il existe une majoration spécifique de la rémunération des apprentis du secteur public en fonction du diplôme préparé. Un apprenti visant l'obtention d'un bac pro ou d'un BTS coûtera plus du double à la collectivité publique. Cette situation a pour conséquence un coût de revient beaucoup trop élevé pour les petites et moyennes collectivités. Voilà pourquoi tant de communes, pourtant de bonne volonté, sont aujourd'hui dissuadées de recourir à l'apprentissage.
Le Gouvernement compte-t-il aider les communes comme les entreprises de moins de 250 salariés ? Pourquoi ne pas élargir l'aide aux autres entreprises ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Nous partageons votre objectif de développer l'apprentissage, voie royale d'excellence et d'insertion vers l'emploi. Les effets de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel se font déjà sentir, avec une hausse de 7 % l'année dernière et une hausse de 10 % depuis le début de l'année. La diversité des métiers au sein des collectivités territoriales est exceptionnelle.
L'un des freins au développement de l'apprentissage était la prise en compte de la formation. Le projet de loi sur la fonction publique prévoit que les contrats signés par les communes après le 31 décembre 2019 seraient financés pour moitié par le CNFPT à hauteur de 45 millions d'euros, soit 15 000 apprentis ; l'autre moitié étant payée par les collectivités, lesquelles sont exonérées de taxe d'apprentissage.
Les régions percevront un soutien financier de l'État pour assurer la présence de CFA sur tout le territoire.
Une réflexion sur l'accès à l'emploi des apprentis dans la fonction publique territoriale est également en cours.
M. Vincent Delahaye. - Une communication spéciale à l'attention des collectivités serait bienvenue.
Suivi des personnes bénéficiant du chômage tout en ayant un emploi
M. Roger Karoutchi . - La presse s'est fait l'écho en juin de ce que la gestion des 830 000 permittents, qui cumulent emploi et allocation-chômage, serait externalisée. Or en 2014, la Cour des comptes avait souligné que Pôle Emploi, malgré ses défauts, était plus performant que le privé sur ce créneau... Confirmez-vous ou infirmez-vous cette réforme ?
La presse ajoute qu'elle s'accompagnerait d'une baisse en moyenne de 300 euros par mois de l'indemnité. Mais pour ma part, je ne crois que le Gouvernement...
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Tout ce que dit la presse n'est pas vrai... Il n'y a aucune diminution du capital de points. Ce qui change, c'est que les permittents ne pourront plus gagner plus que lorsqu'ils travaillaient. En effet, les premiers mois, actuellement, les revenus sont supérieurs à ce qu'ils étaient quand la personne travaillait. Le bon sens s'en étonne. En contrepartie, les permittents verront leurs droits s'allonger.
Ces derniers continueront d'être gérés par Pôle Emploi. Celui-ci ne fait que sous-traiter une partie de ses prestations à des organismes aux compétences particulières. Cela se fait déjà d'ailleurs, pour la rédaction de curriculum-vitae par exemple. Pôle Emploi peut faire ou faire faire.
En l'occurrence, les permittents ont souvent du mal à bénéficier de l'accompagnement de Pôle Emploi, car ils peuvent être appelés à tout moment par un employeur. Grâce à cet accompagnement spécialisé, ils pourront participer à des ateliers ou des formations le week-end ou en soirée.
M. Roger Karoutchi. - Merci de ces précisions. Il faut rassurer les gens : une communication plus précise du Gouvernement serait bienvenue.
Vétusté du réseau ferroviaire dans la Nièvre
M. Patrice Joly . - Ma question porte sur la vétusté du réseau SNCF sur la ligne Paris-Nevers et en particulier dans la Nièvre. En 2018, pannes et incidents ont paralysé à plusieurs reprises la ligne Paris-Montargis-Nevers. Plus de vingt-trois trains ont été supprimés durant cette même année.
La multiplication de ces arrêts brutaux du trafic ferroviaire est le corollaire de la vétusté importante du réseau SNCF, certaines locomotives datant de la présidence de Georges Pompidou, mais aussi des nouveaux travaux de réfection des lignes.
À titre d'exemple, le 27 juin 2019, les passagers du train Paris-Clermont-Ferrand ont dû passer une nuit cauchemardesque sur les voies. Ils sont restés bloqués plus de onze heures dans le train sans eau ni climatisation, sans pouvoir utiliser les toilettes, hors d'usage, en raison d'une caténaire qui a disjoncté et fondu vers Montargis dans le Loiret, entraînant l'immobilisation du train.
Pourtant, SNCF Réseau, gestionnaire du réseau ferré français, a annoncé un investissement de 183 millions d'euros pour la modernisation et la maintenance du réseau régional. Dans la Nièvre, plusieurs chantiers d'importance sont annoncés ou en cours pour un montant total d'un peu plus de 20 millions d'euros.
Or ces travaux tant attendus sont également source de difficultés et de retards. Ils sont normalement exécutés sur les voies la nuit mais ils se prolongent souvent jusqu'au petit matin, paralysant ainsi les départs pour Paris. Ces écarts, non contractuels, causent un préjudice immense aux Nivernais qui ne peuvent circuler pour se rendre à leur lieu de travail.
Quelles mesures d'accompagnement le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin d'améliorer le renouvellement des installations du réseau SNCF et de permettre aux Nivernais de se rendre notamment à Paris dans des conditions sereines ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État . - Veuillez excuser l'absence de Mme Borne. Le retard exceptionnel du 27 juin est dû à deux incidents graves : un accident de personnes en région parisienne, qui a bloqué le départ du train pendant 3 heures, puis un arrachement de la caténaire près de Montargis après une mauvaise manipulation du conducteur du train précédent.
Les passagers ont été avitaillés en eau et en repas, et seront indemnisés à hauteur de 200 % du prix du billet.
La gestion de crise peut certes être améliorée. La loi pour un nouveau pacte ferroviaire attribue cette compétence en totalité à SNCF Réseau à partir de 2020.
Le Gouvernement est particulièrement attentif à l'amélioration des lignes existantes. Pour Paris-Nevers, à l'horizon 2025, plus de 1,1 milliard d'euros sera investi : 350 millions d'euros pour acquérir 12 nouvelles rames ; 760 millions d'euros pour la remise à niveau de l'infrastructure ; des opérations ciblées de modernisation et de performance feront l'objet de priorisation en lien avec les collectivités locales.
Depuis le 1er février 2019 également, le Wifi a été installé dans tous les trains pour environ 3,2 millions d'euros. C'est le premier train d'équilibre du territoire (TET) à en bénéficier, avec un retour très positif. Le but de ces travaux est d'améliorer la fiabilité de la ligne et de permettre un parcours de 1 h 55 entre Paris et Nevers.
Travaux routiers dans le Lot-et-Garonne
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Les élus d'Agen et du Grand Villeneuvois se sont engagés à développer l'axe routier de la RN21 et plus particulièrement la section Monbalen-La Croix Blanche, qui relie Villeneuve sur Lot à Agen et à l'autoroute et donnerait un second souffle à notre économie départementale.
C'est dans cet esprit qu'en 2015, l'État a inscrit la RN2I dans le Contrat de Plan État-Région (CEPR). Mais hélas, trois années sont passées et le projet n'a toujours pas été concrétisé. Or en dépit de la réaffirmation de ces engagements à travers une convention de financement entre l'État, le département, la communauté d'agglomération d'Agen et la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois, signée le 18 mars 2019 et d'une seconde signée plus récemment, la concrétisation se fait attendre.
L'attente se transforme en inquiétude, depuis que le Gouvernement a annoncé vouloir transférer 4 000 kilomètres de routes nationales aux départements.
Lors de son déplacement en Dordogne le 31 janvier, la ministre des transports a déclaré vouloir apporter des réponses concrètes aux territoires plutôt que de leur vendre du rêve... Nous attendons donc une réponse sans langue de bois ! Allez-vous transférer la RN21 ? Les 24 millions d'euros de crédits prévus au CPER iront-ils au Lot-et-Garonne ? Comprenez que les esprits s'échauffent, car ce département est le seul à ne pas avoir bénéficié de crédits inscrits au CPER.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Mme Borne m'a chargée de vous répondre... sans langue de bois !
L'État est pleinement mobilisé pour assurer des équipements adaptés aux besoins. Les études de conception détaillée de la section « La Croix-Blanche - Monbalen », d'une longueur de 7,2 km, ont mis en évidence un fort surcoût, l'estimation passant de 36 à 50 millions d'euros. Les services ont cherché à optimiser le projet pour qu'il reste dans l'enveloppe initiale ; il s'agira de limiter la section neuve à deux fois deux voies à la création d'un créneau de dépassement au droit de Monbalen, à réaménager la section existante au sud de ce créneau et à créer un giratoire.
La convention financière signée le 18 mars dernier a confirmé cette solution. Elle ouvre la voie à la finalisation des études de conception détaillée pour lesquelles 2 millions d'euros ont été alloués cette année : un million pour l'engagement du marché de maîtrise d'oeuvre et les études géotechniques et un autre pour la réalisation des acquisitions foncières nécessaires.
Le transfert de la RN21 n'est pas envisagé pour l'instant, le Conseil départemental n'ayant pas fait part de son souhait. Si cette hypothèse devait être examinée, ses conditions, notamment financières, seraient directement inspirées des conditions mises en place dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Merci pour votre réponse. Ces travaux sont importants notamment pour des raisons de sécurité. Les esprits s'échauffent, car le Lot-et-Garonne est le seul qui n'avait pas fait l'objet d'inscriptions au CPER.
Conséquences de la suppression des trains de nuit
Mme Martine Berthet . - Ma question porte sur les suppressions de trains de nuit dans les territoires.
En Savoie, alors que deux TGV par jour ont été supprimés entre Paris et Chambéry, la disparition du train de nuit Paris-Bourg-Saint-Maurice au motif de sa non-rentabilité a également de lourdes conséquences pour la desserte des territoires de montagne des Alpes du nord, les places de TGV étant saturées en période de vacances et particulièrement onéreuses.
Il est essentiel de développer le tourisme non seulement en hiver, mais aussi en été. Au-delà de l'aspect économique, le tourisme d'été est source de beaucoup de bien-être, pour les familles et les jeunes urbains. Or un aller-retour en TGV depuis Paris coûte très cher une fois que ceux-ci n'ont plus droit aux cartes SNCF de réduction Jeune : 450 à 500 euros, voire plus pour un couple. Ils préfèrent dès lors louer une voiture.
À l'heure où les enjeux écologiques sont importants, il paraît indispensable de remettre en fonction la ligne de nuit Paris-Bourg-Saint-Maurice, au coût beaucoup moins onéreux pour ses utilisateurs.
Quelle est la position du Gouvernement sur la possibilité d'une relance d'une desserte des territoires par des trains de nuit modernes ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - La diminution de l'offre TGV en Savoie est liée à des travaux temporaires menés depuis cette année et au moins jusqu'en 2023 sur le pôle d'échanges multimodal de Lyon Part-Dieu, se traduisant par la fermeture de 2 voies sur 11.
Cette contrainte technique a conduit SNCF Mobilités à travailler à une adaptation de l'offre grande vitesse entre Paris et les régions de l'Est et du Sud-Est de la France, en modifiant l'itinéraire ou en supprimant certains TGV à compter du mois de décembre 2018, dont la liaison Paris-Annecy desservant Chambéry.
Pour compenser la baisse de fréquence sur la liaison Paris-Annecy, SNCF Mobilités déploie de nouvelles rames à deux niveaux, en mesure d'accueillir davantage de voyageurs, ce qui permet une réduction du nombre de places de 10 % seulement.
SNCF Mobilités dispose pour son activité grande vitesse d'une autonomie de gestion, dans le respect de l'homologation par l'État de prix plafonds. C'est donc à elle de construire sa stratégie commerciale. Le Gouvernement est naturellement attentif à ce que des tarifs compétitifs rendent le TGV accessible au plus grand nombre.
Le train de nuit Paris-Bourg-Saint-Maurice a été supprimé par le précédent gouvernement au 1er octobre 2016 du fait d'un modèle économique non soutenable et d'existence d'alternatives de bon niveau. Mais les débats autour du projet de loi d'orientation des mobilités ont montré la nécessité de se réinterroger sur le modèle des trains de nuit. L'État réfléchit à l'amélioration de cette offre répondant aux besoins de désenclavement des territoires et qui réduit l'empreinte écologique.
Mme Martine Berthet. - Merci pour votre réponse. Je note bien que le Gouvernement étudie les trains de nuit. Le développement économique et touristique le justifie autant que la décarbonation de ces transports.
Pollution des terrains de l'ancienne usine Saft d'Angoulême
Mme Nicole Bonnefoy . - Ma question porte sur la gestion du dossier de la pollution des terrains de l'ancienne usine Saft du quartier Saint-Cybard.
La presse locale du 29 mai 2019 relate que des négociations auraient eu lieu entre le conseil départemental de la Charente et Alcatel Lucent participation (ALP), identifié comme l'ayant droit de la Saft. Selon la presse, ces négociations auraient abouti à un accord prévoyant un partage de la facture pour la dépollution du site, qui s'établirait entre 2 et 5 millions d'euros au total.
Je rappelle que l'État disposait parfaitement d'informations sur ce site industriel classé puisque celui-ci est classé parmi les sites industriels figurant sur la base de données des sites industriels et activités de service (Basias) qui indique que l'activité du site a commencé en 1936 et s'est achevée en 1984. Un inventaire des produits utilisés ou générés par l'activité du site est réalisé. Il relève la présence de cadmium, nickel, plomb, oxyde de plomb ainsi que des acides minéraux ou organiques. En outre, la base de données sur les sites et sols pollués ou potentiellement pollués (Basol), récemment mise à jour à la suite des derniers diagnostics, indique une date vraisemblable des faits de pollution, en 1977.
L'État avait donc depuis de nombreuses années la parfaite connaissance de la pollution des sols et des eaux souterraines. L'État a-t-il mis l'ayant droit en demeure de procéder à l'obligation de dépollution du site conformément au principe pollueur-payeur ? L'État entend-il prendre sa part dans le financement de la dépollution ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Le ministère de la Transition écologique et solidaire est attentif à la dépollution de ces terrains. Le ministre d'État, dans son courrier du 17 avril dernier, vous a indiqué qu'à ce stade les services de l'État n'ont pas retrouvé d'éléments démontrant que ce site anciennement exploité par la société Saft ait été classé au titre de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), bien que comme vous l'indiquez ce site est recensé à la fois dans les bases de données Basias et Basol. En effet, cette première base recense les anciens sites industriels et activités de services, et pas uniquement les anciennes ICPE, et la fiche du site n'apporte aucun élément quant au classement ICPE de ce site. D'autre part, la fiche de la base Basol a été créée en juin 2018, soit après la transmission à l'État fin 2017 des premiers diagnostics de pollution par le conseil départemental de la Charente, et a été mise en ligne le 12 décembre 2018.
En conséquence, toute action administrative introduite par la préfète au titre de la législation sur les ICPE serait très fragile juridiquement et pourrait être annulée en cas de recours.
Comme cela a été annoncé lors de la réunion publique du 28 mai dernier, le conseil départemental a trouvé un accord avec l'ayant-droit de la société Saft, afin que celui-ci cofinance, dans le cadre d'une intervention volontaire, l'élaboration du plan de gestion, des diagnostics à réaliser dans les habitations et les mesures d'aménagement préconisées relatifs à la qualité de l'air ambiant, ainsi qu'à l'issue du plan de gestion les mesures de réhabilitation tant sur site que hors site.
Dans ce contexte, toute prescription envers l'ayant-droit de la société Saft pourrait déboucher sur une action contentieuse qui pourrait avoir pour conséquence, la remise en cause du cofinancement annoncé et la mise en stand-by des études et travaux de dépollution envisagés le temps que la justice ait statué.
Dans l'objectif partagé de réaliser les travaux au plus tôt, l'État ne mettra pas l'ayant droit en demeure et préférera la voie déjà empruntée avec le conseil départemental.
Mme Nicole Bonnefoy. - Le responsable est parfaitement identifié. Alcatel seul doit payer. Il appartient au ministère de respecter le droit en mettant l'ayant droit en demeure d'assumer ses manquements, au lieu d'inventer une nouvelle règle, qui consiste à faire payer non le pollueur, mais le pollué !
Prévention des avalanches et qualité des bulletins météorologiques
M. Cyril Pellevat . - Météo France est un établissement public administratif qui exerce les attributions de l'État en matière de sécurité météorologique des personnes et des biens. À ce titre, il apporte son expertise technique aux services compétents de l'État. Mais peut-on encore parler d'expertise au regard des failles systématiques dans les prévisions météorologiques annoncées par Météo France ? La menace de fermeture continue pourtant à planer sur les stations météo de Chamonix et de Bourg-Saint-Maurice, dont les agents disposent de la connaissance indispensable du territoire, de ses zones à risque ainsi que de l'évolution des conditions nivologiques en période de crise en zone de montage. Comment peut-on faire confiance davantage aux capteurs automatiques qu'aux salariés formés et expérimentés de Météo France ?
On peut craindre dans ces conditions une recrudescence des accidents mortels. Les chiffres sont édifiants : on compte 21 accidents mortels et 30 décès par an. Je comprends l'inquiétude des guides de montagne, qui ont relevé des erreurs de prévision « qui dépassent le seuil de tolérance qu'il faut bien avoir s'agissant d'une prévision ».
Pierre Dac disait que « les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir ». C'est vrai, mais la qualité des bulletins météorologiques à destinations des guides de montagne et autres acteurs référents du milieu relève d'une mission de sécurité publique qui ne peut pas être sacrifiée sur l'autel du budget.
Les professionnels de la montagne se fient en conséquence aux prévisions suisses ou belges. À terme, l'offre de prévision privée supplantera l'offre publique.
À l'heure de l'urgence climatique, la perte de précision des outils de Météo France n'est pas seulement une aberration, c'est un danger. Comment comptez-vous mieux assurer la sécurité des personnes et des biens ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - L'enjeu est important : 60 accidents ont été recensés l'an dernier, tuant 13 personnes - ce qui est toujours moins que la moyenne de 30 décès par an enregistrés auparavant.
Le bulletin de Météo France contient des informations synthétiques sur les risques pour chacun des 36 massifs des Alpes, des Pyrénées et de la Corse. Pour la Haute-Savoie, ce sont trois bulletins qui sont diffusés concernant le Mont-Blanc, les Aravis et le Chablais. Ils sont rédigés par Météo France avec la contribution des observateurs du réseau nivo-météorologique et en partenariat avec l'Association des maires de stations de montagne, de domaines skiables France, et de l'Association des directeurs de pistes et de la sécurité des stations de sports d'hiver.
Compte tenu des révolutions technologiques en cours, nous avons demandé à Météo France et à ces acteurs, mais aussi à d'autres - association nationale pour l'étude de la neige et des avalanches, système national d'observation des sports de montagne, syndicat national des guides de montagnes, syndicat des moniteurs de ski, et représentants des usagers de la montagne - d'engager une réflexion pour accroître le partage d'informations avec les acteurs de terrain : un plan d'action sera rédigé d'ici la fin de l'année.
Pollution plastique des océans
M. Didier Mandelli . - Avec 11 millions de km carrés et 18 000 km de côtes, la France possède le second espace maritime mondial derrière les États-Unis. La mer contribue à plus de 3 % du PIB français soit 80 milliards d'euros et 336 000 emplois dans les secteurs du transport, de la pêche, de l'aquaculture, de la plaisance, du tourisme. L'économie bleue, ce sont aussi les biotechnologies marines, les énergies renouvelables, le dessalement et les communications internationales assurées à 98 % par des câbles sous-marins.
Notre espace maritime et nos territoires littoraux sont une véritable richesse pour notre biodiversité, notre économie et notre attrait touristique. Selon l'OCDE, son poids économique doublera à l'horizon 2030. Pourtant, cette richesse est de plus en plus menacée par la multiplication des déchets plastiques dans les océans, les rapports d'ONG font état de la situation préoccupante de cet impact, notamment en Méditerranée.
Il y a eu une prise de conscience grâce à la mobilisation d'ONG et d'États. La France, grâce au projet de loi sur l'économie circulaire que nous examinerons bientôt, est précurseur en la matière. Elle devra associer tous les acteurs, notamment les collectivités territoriales qui ont étendu les consignes de tri. Ainsi par exemple, en Vendée, le système Trivalis du centre de tri départemental assure le tri et le recyclage de 80 % des déchets produits.
Comment la France parviendra-t-elle à mobiliser ses partenaires internationaux, quand on sait que 90 % de la pollution provient de dix cours d'eau d'Afrique et d'Asie ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Je partage votre constat. La France génère 3,3 millions de tonnes de déchets plastiques par an. Le taux de collecte pour recyclage est d'un peu plus de 20 % et leur réincorporation en France dans des produits neufs de l'ordre de 10 %. Il y a donc des progrès à faire.
Une fois en mer, les déchets se fragmentent en petits débris très nocifs pour l'environnement.
Notre responsabilité est de transformer l'usage des plastiques, en favoriser l'écoconception et le réemploi. Les secteurs prioritaires ont été identifiés par la feuille de route du ministère de la Transition écologique et solidaire d'avril 2018 : emballages, bâtiment, automobile et équipement électriques et électroniques. Nous visons l'incorporation d'un million de tonnes de plastique recyclé par an.
En février 2019, un pacte sur le plastique a été signé par treize entreprises pour atteindre 60 % d'emballages réutilisables, recyclables ou compostables en 2022, et 100 % en 2025.
Le code de l'environnement interdit de plus certains produits plastiques à usage unique tels que les sacs, les assiettes et les cotons-tiges ; la loi Egalim accentue cette politique. La France a joué un rôle clé dans la rédaction de la directive européenne du 5 juin 2019 qui prévoit l'interdiction en 2021 de plusieurs de ces produits pour l'ensemble des pays européens. Le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire présenté le 10 juillet dernier en conseil des ministres prévoit encore des mesures ambitieuses pour limiter les déchets, et quatorze expérimentations ont déjà été retenues pour une collecte des emballages innovante, performante et solidaire. Je compte sur le Sénat pour accompagner ce mouvement lors de l'examen du projet de loi.
M. Laurent Duplomb. - Ce n'est pas le sens de la question.
M. Didier Mandelli. - Oui, la France est vertueuse. Mais 90 % de la pollution provient essentiellement d'Afrique et d'Asie... Il s'impose à la France de mobiliser nos partenaires au-delà de l'hexagone. Il est bon d'être vertueux, mais il faudrait aussi être contagieux ! (M. Laurent Duplomb applaudit, de même que Mme Françoise Gatel.)
Danger d'un projet éolien pour une commune
M. Jean-François Longeot . - Je veux dire mon inquiétude concernant le projet Bel Coster initié par la Confédération helvétique, projet visant l'exploitation de neuf éoliennes et qui est situé sur la frontière de la commune de Jougne et de la commune de Ballaigues. Ce projet est susceptible d'avoir des incidences notables sur le territoire français. En effet, il se situe sur le périmètre de leur source des Bonnes Eaux, source existentielle pour cette collectivité, qui alimente 1 875 habitants en eau potable et détériorerait durablement le périmètre fragile de la source. C'est pourquoi les élus, les habitants, ainsi que le préfet du Doubs ont tous émis un avis défavorable à sa réalisation.
Si chacun est convaincu de la nécessité d'encourager les énergies renouvelables, le développement actuel de ce parc éolien suscite toutefois de trop forts risques.
Force est de constater, dans ce cas précis, que ce projet n'est pas respectueux de la biodiversité. Le laisser en l'état, c'est prendre le risque de priver 1 875 habitants de leur alimentation en eau potable et donc de la vie.
Dans l'esprit de la bonne coopération transfrontalière entre nos deux pays, et en application des engagements qu'ils ont pris dans le cadre de la convention d'Espoo, je vous remercie de bien vouloir tenir compte du rejet de ce projet par les élus et la population locale.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Veuillez excuser l'absence de M. de Rugy.
En octobre 2017, la Suisse a ratifié l'accord de Paris. Le développement des énergies renouvelables, enjeu fort pour la souveraineté énergétique de la Suisse, ne doit pas se faire au détriment de l'environnement et des enjeux humains.
Vous évoquez le parc éolien du canton de Vaud dont l'emprise est située sur le bassin d'alimentation du captage des Bonnes Eaux.
Dès mars 2016, ce projet a été porté à l'ordre du jour de la session annuelle du dialogue franco-suisse, puis relayé lors de certains échanges diplomatiques avec le souci d'obtenir la pleine application de la Convention d'Espoo par les autorités cantonales, notamment la mise en oeuvre de la phase de consultations bilatérales.
L'insistance des autorités françaises a payé : la population a été consultée et le préfet du Doubs a émis un avis défavorable au projet en août 2017, car le projet ne présente pas toutes les garanties de préservation de la ressource en eau. À la suite de cet avis, un groupe de travail franco-suisse s'est constitué pour apporter des réponses et un hydrogéologue agréé français a formulé des recommandations.
En septembre 2018, les autorités du canton de Vaud se sont engagées à imposer toutes les mesures permettant d'éviter la pollution des eaux souterraines, durant les phases de chantier et d'exploitation du parc éolien. Les mesures de prévention, de surveillance et de protection sont aujourd'hui établies et sont en accord avec celles imposées en France dans le cas de l'implantation de projets éoliens en contexte environnemental analogue.
J'entends votre inquiétude et celle du maire de Jougne. La réunion d'information, qui s'est tenue à Pontarlier le 12 avril dernier, a permis aux parties prenantes au projet côté suisse de présenter les mesures prises en réponse aux demandes françaises.
Je veillerai personnellement à ce que les engagements pris par les autorités suisses soient respectés.
M. Jean-François Longeot. - J'y suis sensible. Les inquiétudes sont en effet fortes dans le Doubs. Je suis rassuré par votre implication sur ce dossier.
Relance énergétique de la petite hydro-électricité
M. Olivier Cigolotti . - La petite hydroélectricité, notamment à travers les petits ouvrages anciens, peut produire l'équivalent de la consommation électrique, hors chauffage, d'un million de foyers.
Pourtant, en France, certains choix de « continuité écologique » ont conduit à privilégier la destruction des sites de petite hydro-électricité et des barrages, au lieu de les équiper de passes à poissons quand cela est nécessaire, alors même que la Commission européenne soulignait dès 2012 que ces aménagements devaient être des choix de première intention.
La recherche en écologie a montré que les retenues, plans d'eau, canaux et zones humides, qui font partie des annexes hydrauliques de nombreux moulins notamment, ont des effets positifs sur la biodiversité des végétaux, insectes, oiseaux ou encore sur certains poissons.
Le choix français actuel paraît donc une option profondément contestable tant sur un plan écologique qu'énergétique, et témoigne d'une surtransposition excessive des règles européennes.
De plus, il est à noter qu'équiper les sites de petite hydro-électricité, au-delà de la production d'une énergie propre, non carbonée et locale, permet un investissement dans plusieurs filières d'emplois non délocalisables telles que les bureaux d'études, les installateurs-réparateurs, les turbiniers etc., ce qui bénéficie notamment aux territoires ruraux où les moulins sont les plus nombreux ; c'est le cas en Haute-Loire.
Les chercheurs estiment qu'aujourd'hui 25 000 moulins à eau pourraient être relancés sur le territoire français, qui a le plus gros potentiel de l'Union européenne.
Face aux contentieux soulevés par les choix français, et au blocage de nombreux projets, une nouvelle politique publique s'impose.
Quelles avancées législatives et réglementaires le Gouvernement envisage-t-il pour mettre en oeuvre le potentiel de la petite hydro-électricité, tout en facilitant les procédures administratives ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - La petite hydroélectricité, essentielle à l'atteinte des objectifs environnementaux, fait l'objet d'appels d'offres périodiques lancés par le ministère de la transition écologique et solidaire. Le 26 juin, treize projets lauréats ont été désignés. Mais le rôle de la petite hydroélectricité est limité quant à l'atteinte des objectifs nationaux.
En outre, la multiplication de ces installations dans les cours d'eau peut avoir des impacts importants. En effet, les seuils fragmentent les cours d'eau, empêchent souvent le déplacement des espèces nécessaire à l'accomplissement de leur cycle de vie. Ils peuvent ralentir les eaux qui se réchauffent plus vite l'été, perdent de l'oxygène et créent des habitats de milieux stagnants favorisant des espèces incompatibles avec le bon état des cours d'eau.
Le développement de la petite hydroélectricité doit donc se faire de façon compatible avec le bon état des cours d'eau. Afin de limiter les impacts environnementaux, la priorité est donnée à l'équipement des seuils existants non-encore équipés en hydroélectricité ou à l'amélioration d'installations hydroélectriques existantes.
Le développement de la petite hydroélectricité doit être rendu compatible avec la biodiversité, il devra donc être sélectif. Les nouveaux projets font donc l'objet d'une attention particulière.
M. Laurent Duplomb. - Dogmatique !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. - De nombreux échanges ont lieu entre les directions du ministère et les acteurs de la filière afin d'orienter ces derniers vers les projets les plus vertueux tout en limitant les contraintes administratives qui peuvent peser sur les exploitants. Un groupe de travail sur la continuité écologique piloté par mon administration et sous l'égide du comité national de l'eau a élaboré un plan d'actions qui s'est traduit par la publication d'une note technique destinée aux services instructeurs, qui vise à prioriser la restauration de la continuité écologique et à mieux prendre en compte l'ensemble des enjeux, en particulier énergétique.
M. Olivier Cigolotti. - Nous examinons cet après-midi un projet de loi sur l'énergie et le climat. C'est l'occasion pour le Gouvernement de montrer sa détermination à atteindre le mix énergétique envisagé et à simplifier les procédures administratives beaucoup trop lourdes pour atteindre les objectifs fixés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Financement de la société nationale de sauvetage en mer
M. Christophe Priou . - J'attire votre attention sur le financement de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM). La perte tragique de trois sauveteurs bénévoles expérimentés, le 7 juin, rappelle à quel point la SNSM est impliquée dans des opérations de secours compliquées au cours desquelles les marins risquent leur vie pour en sauver d'autres. « Aujourd'hui plus que jamais, les sauveteurs en mer ont besoin de vous » : tel est le slogan accompagnant la demande de don. Cependant, les dons restent insuffisants pour couvrir les besoins de la SNSM. Par exemple, la formation des nageurs sauveteurs nécessite près de 300 heures de formation. Les matériels techniques sont nombreux, ils doivent impérativement être financés ainsi que l'entretien et le renouvellement de la flotte. Si la SNSM n'est pas un service d'État, elle effectue néanmoins une importante mission de service public. Près de 80 % de ses ressources proviennent de dons privés. Ces dernières années, l'État a augmenté sa participation financière au bénéfice de l'association reconnue d'utilité publique. Toutefois, il existe une incertitude pour les prochaines années et les prochains budgets. Les efforts consentis par l'État seront-ils poursuivis au-delà de 2020 ? Il semble urgent de mettre en place des financements pérennes pour accompagner efficacement les missions irremplaçables assurées par les bénévoles.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Le dramatique naufrage du 7 juin aux Sables d'Olonne restera dans nos mémoires, comme l'a rappelé le président de la République qui s'est rendu sur place.
L'État n'a pas attendu cette catastrophe pour renforcer ses aides à la SNSM ; avec un triplement de moyens à 6 millions d'euros en 2019 par rapport à 2015. Il poursuivra ses efforts en 2020 et au-delà. François de Rugy organisera une table ronde sur le modèle financier de la SNSM. Il importe de renouveler sa flotte de canots ; de professionnaliser sa gestion technique et de renforcer la formation des 8 000 bénévoles.
Le modèle de la SNSM, fondé sur le don et le bénévolat, doit être pérennisé, car il exprime la solidarité des gens de mer. Cela nécessite l'engagement de tous dont les usagers de la mer, les entreprises et les collectivités territoriales.
L'État sera bien aux côtés de la SNSM pour l'aider dans sa modernisation.
M. Christophe Priou. - La mission sénatoriale d'information sur le sauvetage en mer et la sécurité maritime émettra des préconisations. Nous espérons que l'État les suivra.
Ouverture des grandes surfaces le dimanche
Mme Françoise Gatel . - Je souscris aux objectifs du Premier ministre sur le moratoire des ouvertures de grandes surfaces en périphéries et la préservation et la revitalisation du tissu commercial des centres-villes et des centres-bourgs. Or, dans le cadre de la loi Pacte, le Sénat a adopté mon amendement pour réguler l'ouverture des grandes surfaces le dimanche en dehors des zones touristiques. Cet amendement a été retoqué par le Gouvernement et l'Assemblée nationale. Mais Mme la ministre a dit qu'elle allait prendre le sujet à bras-le-corps.
Depuis plus de vingt ans en Ille-et-Vilaine, cinq intercommunalités, les enseignes et les partenaires sociaux ont signé des accords pour réguler les ouvertures du dimanche afin de préserver les commerces de proximité.
Où en est la réflexion du Gouvernement destinée à donner une assise juridique à de tels accords ? Tous les élus locaux continuent à défiler pour défendre le petit commerce.
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - le Gouvernement s'est fortement engagé dans la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, notamment par le Programme Action Coeur de Ville et les récentes dispositions relatives à l'aménagement commercial de la loi ELAN. Le Gouvernement continue d'oeuvrer pour un meilleur équilibre entre les différents acteurs économiques et au développement des territoires.
Cependant, la législation concernant l'ouverture dominicale des magasins a vocation à réguler la concurrence entre les commerces d'une même profession. Elle ne peut pas être restreinte à un critère de préservation ou de revitalisation du tissu économique territorial.
Concernant l'ouverture dominicale, la Commission de concertation du commerce a été invitée à étudier des pistes d'expérimentation, de simplification ou d'évolution des dispositifs. Les objectifs de simplification et d'adaptation aux besoins devront s'articuler avec le principe de repos hebdomadaire prévu par la Convention 106 de l'OIT et veiller à ne pas générer de distorsion de concurrence.
La concertation locale et la cohérence entre les documents de planification urbaine et les outils locaux de dérogations à l'ouverture dominicale seront particulièrement prises en compte, afin de poursuivre la revitalisation des centres-villes que nous avons entamée et qui est au coeur de notre engagement.
Mme Françoise Gatel. - Monsieur le ministre, je vous félicite pour la qualité de la lecture de cette réponse mais vous ne répondez pas à ma question. Où en est le groupe de travail lancé par Mme la ministre ? Transmettez-lui ma demande de rencontre avec les élus du pays de Rennes. Combien de temps les élus financeront-ils des commerces multiservices et des boulangeries alors que les grandes surfaces grignotent toute l'activité de commerce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; Mme Brigitte Micouleau applaudit également.)
Inquiétudes des travailleurs frontaliers sur la convention fiscale avec le Luxembourg
Mme Véronique Guillotin . - Je me fais la porte-parole des travailleurs lorrains et ardennais qui chaque jour passent la frontière pour rejoindre le Luxembourg. Ratifiée en France le 25 février et au Luxembourg le 3 juillet, la nouvelle convention fiscale vise à éviter les doubles impositions, comme les doubles exonérations, et à prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, la fortune et les sociétés. Elle trace également une nouvelle ambition concernant le télétravail, qui s'en trouve facilité. Même si nous aurions souhaité aller plus loin et permettre le télétravail 46 jours par an, compte tenu de l'engorgement des infrastructures de transport.
Cette convention succède à celle de 1958, devenue obsolète, et place nos deux pays en conformité avec les standards internationaux en vigueur. Ces avancées nous ont poussés à adopter la loi de ratification.
Néanmoins, lors de son examen en février, j'avais émis des réserves sur l'absence d'étude d'impact concernant la nouvelle méthode retenue pour le calcul de l'impôt sur le revenu : en effet, les services fiscaux calculeront désormais les impôts que les contribuables français auraient à payer en France sur les revenus du travail effectué au Luxembourg. Mais quid du différentiel ? Les salariés français aux revenus les plus modestes pourraient être les premiers impactés, en raison du plus faible taux d'imposition sur ces revenus au Luxembourg. Fortement attendues par les 100 000 frontaliers concernés, pourriez-vous nous apporter des clarifications sur ce point et rassurer au plus vite les travailleurs frontaliers sur l'application et l'interprétation fiscale de cette convention par la direction de la législation concernée ?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Conformément au modèle de convention fiscale de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le 1 de l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise signée le 20 mars 2018 prévoit une imposition partagée des revenus d'emploi entre l'État de résidence du salarié et celui de l'exercice de son activité. La convention du 1er avril 1958 prévoyait une imposition exclusive dans ce dernier État, c'est-à-dire le Luxembourg pour les travailleurs frontaliers français.
Afin de tirer les conséquences de ce partage d'imposition, la méthode d'élimination des doubles impositions relative aux revenus salariaux a été modifiée dans la nouvelle convention. Le mécanisme d'exonération des revenus du travail étranger couplé à sa prise en compte pour le calcul du taux effectif de l'impôt à acquitter en France sur les autres revenus a ainsi été remplacé par un mécanisme d'imposition en France des revenus du travail étranger couplé à l'octroi d'un crédit d'impôt égal à l'impôt étranger acquitté sur ces mêmes revenus.
Cette méthode permet de se cantonner strictement à la nécessité d'éliminer la double imposition et de garantir que l'impôt acquitté par les contribuables français soit le même quel que soit le lieu d'exercice de leur activité. En d'autres termes, à salaire égal, l'impôt acquitté sera le même pour un salarié résidant en France et travaillant en France que pour un salarié résident en France et travaillant au Luxembourg.
Ce changement n'aura de conséquence sur le niveau d'imposition des travailleurs frontaliers que si l'impôt calculé en France sur les revenus salariaux luxembourgeois se trouve supérieur à l'impôt luxembourgeois sur ces mêmes revenus.
En raison d'une réforme fiscale introduite au Luxembourg en 2017 ayant conduit à une augmentation significative du crédit d'impôt pour salariés luxembourgeois et par conséquent à une diminution de l'imposition des travailleurs frontaliers, certains d'entre eux auront toutefois un reliquat d'impôt à acquitter en France. Ce reliquat sera égal à la différence entre l'impôt français qui aurait été dû si le travailleur exerçait son activité en France et l'impôt prélevé au Luxembourg.
Cette situation ne concernera toutefois qu'une minorité des contribuables concernés, l'impôt sur le revenu français étant globalement plus favorable, en raison notamment du quotient familial et des réductions et crédits d'impôt. Le recours aux frais réels pour les frais professionnels peut également conduire à un impôt français inférieur.
Mme Véronique Guillotin. - Merci pour les 100 000 travailleurs frontaliers sur 600 000 habitants au Luxembourg ! Votre réponse n'est pas de nature à les rassurer...
Beaucoup n'ont pas d'autre choix que de traverser la frontière pour travailler. Ce sont les plus bas salaires qui seront le plus impactés. J'espère que la convention ne sera pas appliquée de façon abrupte et tiendra compte de la situation de nos concitoyens.
Ressources des chambres des métiers et de l'artisanat des outre-mer
M. Georges Patient . - Les chambres des métiers des cinq départements d'outre-mer se meurent. Celle de Guyane a même célébré ses obsèques.
L'article 97 de la loi de finances du 30 décembre 2017 pour 2018 a acté des mesures d'exonération de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe pour frais des chambres des métiers et de l'artisanat pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires annuel de moins de 5 000 euros.
Malheureusement, aucune étude d'impact préalable n'a été réalisée concernant ces exonérations qui sont effectives depuis janvier. Or, depuis juin 2019, les directions des finances publiques ont communiqué les montants du produit de cette taxe aux chambres des métiers. L'évolution est insoutenable. Si en métropole, la baisse est estimée à 8 %, en Guadeloupe elle est de 26 % et en Guyane de 28 %. D'autres mesures ont un impact direct sur les ressources des CMA : suppression de l'obligation du stage préparatoire à l'installation, réduction des ressources du conseil de la formation, réduction des redevances d'immatriculation au répertoire des métiers. Ainsi pour la CMA de Guyane, pour 2020, à périmètre constant, les ressources seront réduites de 332 000 euros, soit 22 % de baisse et en 2021 elles seront réduites de 352 000 euros, soit 24 % de baisse.
Contrairement aux collectivités locales pour lesquelles le Gouvernement s'est engagé à compenser la perte de recette due à l'exonération de CFE, rien n'a été prévu pour compenser la perte de ressources dues à l'exonération de taxe pour frais pour les chambres des métiers.
Qu'entendez-vous faire pour atténuer la brutalité de ces pertes de ressources et pour aider les CMA des outre-mer à en absorber le choc et tout simplement survivre ?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - L'exonération de cotisation foncière des entreprises et des taxes pour frais de chambres figurant à l'article 97 de la loi de finances pour 2018 en faveur des redevables dont le chiffre d'affaires n'excède pas 5 000 euros s'inscrit dans le cadre du programme du Gouvernement en faveur des travailleurs indépendants, conformément aux engagements pris par le président de la République.
Ce programme poursuit quatre objectifs : garantir le pouvoir d'achat, soutenir la création d'entreprises, moderniser et améliorer la protection sociale, simplifier les démarches et la vie administrative des travailleurs indépendants.
L'impact de la mesure d'exonération de taxe pour frais de chambres des métiers et de l'artisanat et de taxe pour frais de chambres de commerce et de l'industrie est en partie supportée par l'État, dès lors que le produit des ressources affectées aux chambres est plafonné dans les conditions prévues à l'article 46 de la loi de finances pour 2012. Il est néanmoins exact que la part de produit revenant aux chambres après plafonnement est en général plus réduite dans les territoires ultra-marins, par rapport à la métropole, en raison des spécificités de leur tissu socio-économique.
Cela nous invite à poursuivre la réflexion sur la péréquation des ressources des CMA à l'instar de celle mise en place pour les CCI.
M. Georges Patient. - J'entends vos propos, mais la CMA de Guyane n'a rien perçu depuis le début de l'année. J'espère que M. Darmanin, en Guyane prochainement, apportera des réponses concrètes.
Investissements locaux et nationaux
M. Yannick Vaugrenard . - Les élus locaux de tout bord se plaignent à juste raison des délais de réalisation de leurs investissements. Le temps trop long passé à l'instruction des dossiers, du fait de normes excessives, tout comme les recours qui foisonnent, entraînant de mauvaises conséquences financières et économiques pour les territoires.
Les nouvelles technologies, tout autant que les nouveaux modes de communication, auraient dû au contraire permettre moins de lenteur et plus d'efficacité ; or c'est tout le contraire qui est constaté.
Lorsqu'il y a quinze ans, il fallait deux à trois années pour réaliser un investissement communal important, aujourd'hui, il peut se passer au mieux cinq à huit ans, entre le moment de la décision et l'inauguration.
Cette problématique se retrouve y compris s'agissant de grands investissements nationaux, tels que l'éolien offshore, où il faut deux fois plus de temps pour la mise en oeuvre en France par rapport à la Grande-Bretagne ou à l'Allemagne. En conséquence, ces deux pays font la course en tête dans ce domaine, procurant 70 % des installations européennes ! Notre pays, qui a la plus grande façade maritime, reste englué dans les recours à répétition.
Dans les deux cas, locaux et nationaux, c'est l'économie qui trinque, ce sont nos concitoyens qui en pâtissent, et c'est l'intérêt très particulier qui l'emporte fréquemment sur l'intérêt collectif. L'intérêt général doit l'emporter. Les recours systématiques et successifs mériteraient d'être pénalisés plus durement, les retards pris dans les réalisations mieux intégrés dans les jugements rendus au détriment des plaignants.
Comment le Gouvernement se saisira-t-il de cette question qui touche autant à l'économie qu'à notre bon fonctionnement démocratique ? Quelles mesures prendrez-vous ?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Cet enjeu est important pour les industries, les collectivités et l'avenir de notre pays. L'initiative « Territoires d'industrie » lancée le 22 novembre 2018 apportera des réponses concrètes aux territoires. Les travaux engagés dans les 136 territoires labellisés ont bien identifié l'importance de la simplification administrative, dans un contexte où la multiplicité et la complexité des procédures freinent encore trop souvent le développement de certains projets.
Le 3 juin 2019, le Premier ministre a missionné le député d'Eure-et-Loir, Guillaume Kasbarian, pour proposer des mesures concrètes de réduction de la complexité et des délais. Je vous invite à lui faire part des cas concrets dont vous avez connaissance.
La France s'inspirera d'exemples étrangers. Les recommandations pourraient consister en une modification des textes en vigueur pour supprimer, raccourcir et adapter certaines procédures.
Des procédures dématérialisées et des expérimentations pourraient être proposées. La mission rendra ses conclusions en septembre 2019.
Le Gouvernement annoncera dans un deuxième temps les mesures qu'il retient pour parvenir à réduire les délais.
M. Yannick Vaugrenard. - Vous n'avez pas évoqué l'aspect juridique. Des projets bien engagés sont souvent retardés par des recours successifs. Il faudrait pénaliser les personnes qui en abusent.
Inquiétudes sur la réforme des finances publiques en Seine-Maritime
Mme Céline Brulin . - Le Gouvernement engage la réforme de la carte des trésoreries, en annonçant la prétendue ouverture de 15 structures supplémentaires en Seine-et-Marne. En réalité, il s'agit d'une désertification car à la place des 41 trésoreries actuelles, regroupant quasiment toutes les fonctions des finances publiques, les missions de ces structures réduiraient les services rendus.
Ces « points de contacts » ne sont que des permanences de la DGFiP dans une maison France Services ou un bureau de poste, alors que ceux-ci réduisent aussi leur présence dans nos territoires. Ces permanences pourraient également avoir lieu dans une mairie, mais les maires se méfient des transferts de charges et ne souhaitent pas participer à cette nouvelle vague de déménagement.
Certains services, comme le dépôt de numéraire, pourraient être délégués aux buralistes. Ces « points contacts » seraient des lieux d'enregistrement et de redirection vers des trésoreries plus éloignées. Les élus locaux, pour qui les trésoreries sont « de performants auxiliaires des communes » devraient avoir recours aux services de conseillers aux collectivités répartis à l'échelle des intercommunalités.
Enfin, cette réorganisation est déconnectée de la réalité, rattachant des communes à des services très éloignés, en méconnaissance totale des bassins de vie. Cette réorganisation traduit en fait des restrictions budgétaires et des suppressions de postes.
La dématérialisation ne pourra répondre aux besoins. Ce plan est censé faire l'objet d'une concertation avec les élus jusqu'en octobre. Pouvez-vous vous engager à tout remettre sur la table pour que nous puissions travailler, réellement, à une amélioration des services publics de proximité ?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Vous avez appelé mon attention sur les conséquences de la future réforme des finances publiques dans le département de Seine-Maritime.
La DGFiP a vu ses missions évoluer depuis deux ans : le réseau se transforme en permanence pour s'adapter aux évolutions démographiques et aux nouveaux modes de relations avec le public, notamment grâce aux nouvelles technologies, tout en cherchant à s'adapter aux besoins.
Depuis 2012, près de 700 points de contact ont été fermés, soit 18 % et, jusqu'à présent, ces évolutions se décidaient annuellement, sans visibilité territoriale d'ensemble et sans que les élus, la population et les agents soient toujours bien informés en amont. Nous avons engagé une démarche fondamentalement différente : le Gouvernement souhaite assurer une meilleure accessibilité des services publics à la population, notamment dans les territoires où le sentiment d'abandon de l'État se développe. Il souhaite aussi porter une attention toute particulière aux usagers qui sont peu familiers ou éloignés des outils numériques, sans renier la nécessaire modernisation des services publics.
Il s'agit de tirer parti des nouvelles organisations du travail comme des nouveaux usages, notamment les démarches en ligne, la dématérialisation, le travail à distance et le développement d'un traitement plus automatique de certaines tâches répétitives.
Ainsi, nous pourrons multiplier les sites où un accueil physique de proximité sera assuré, notamment dans les maisons France Services ou dans les mairies. L'objectif est d'augmenter le nombre d'accueils de proximité de 30 % d'ici 2022. C'est un effort sans précédent et qui rompt avec la disparition programmée des accueils de service public.
C'est dans ce cadre, et en concertation avec le préfet du département, que la directrice régionale des finances publiques a élaboré une proposition de nouvelle organisation des services des finances publiques pour le département de la Seine-Maritime, ce qui se traduira par une présence de la DGFiP dans 57 communes, soit 15 de plus qu'actuellement, dont 9 de plus parmi les communes de moins de 3 500 habitants.
Cette proposition est le point de départ d'une concertation très approfondie avec l'ensemble des parties prenantes et des élus et elle a vocation à évoluer. La concertation doit se dérouler jusqu'en octobre avec l'ensemble des élus, de leurs associations représentatives ainsi qu'avec les agents de la DGFiP, leurs représentants et les services de l'État.
Mme Céline Brulin. - Nous avons déjà eu ces explications mais les citoyens restent très inquiets en raison des files d'attente. Les élus locaux se mobilisent pour garder des services publics de proximité.
Nouvelle organisation des services des finances publiques
M. Alain Duran . - Ma question porte aussi sur le projet de nouvelle organisation des services des finances publiques.
La DGFiP est une des administrations d'État au maillage le plus fin et le plus dense sur le territoire national. En Ariège, il existe 12 trésoreries et trois accueils de proximité. Sur les 245 agents, une quarantaine est affectée à ces accueils.
Nous sommes au début de la concertation, mais permettez-moi de vous faire part de mes inquiétudes. Dans mon département, vous prévoyez de transformer les 12 trésoreries actuelles en accueil de proximité. Vous prévoyez même d'en déployer 2 autres pour mailler le territoire. Si je prends l'exemple de la trésorerie de mon canton, à Tarascon, celle-ci est ouverte tous les matins cinq jours sur sept avec des agents des finances. À quelques kilomètres de là, dans le canton voisin, l'accueil de proximité qui a remplacé voici trois ans la perception, n'est ouvert que trois demi-journées par semaine. Ce n'est pas le même service ! La dématérialisation ne remplace pas la présence humaine, surtout pour nos administrés souvent âgés et peu familiers des outils numériques.
De plus, vous créez des conseillers aux collectivités territoriales, mais le comptable public occupera demain un bureau éloigné et perdra son statut de comptable public.
Alors que cette nouvelle organisation et, je vous cite, « vise à améliorer les prestations offertes en matière de gestion financière et comptable aux collectivités locales et aux élus », je m'interroge sur la qualité du service rendu en matière de gestion comptable, suite au retrait de huit emplois dans mon département en 2019, et aux 25 suppressions annoncées dans les trois ans à venir.
La fermeture annoncée de huit perceptions dans mon département va concentrer sur trois sites la gestion comptable des 327 communes. Or, je peux vous assurer que le nombre de collectivités restera le même avec tout le volume comptable qui s'y rattache.
Pouvez-vous m'assurer le maintien du principe de séparation ordonnateurs/payeurs, qui apporte des garanties de sécurité et de probité dans la gestion de l'argent public ?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Le maillage de la DGFiP est l'un des plus denses des administrations d'État avec près de 3 600 points de contacts pour ses usagers, particuliers, entreprises et collectivités locales, en 2019. Cette présence importante traduit la diversité des missions de la DGFiP, mais elle doit être repensée pour répondre aux besoins actuels des usagers, des collectivités locales, notamment rurales, et permettre une amélioration des conditions de travail des agents.
La DGFiP a vu ses missions évoluer profondément depuis deux ans et continuera à se transformer avec des chantiers d'ampleur : prélèvement à la source, suppression de petites taxes, fin programmée de la taxe d'habitation, paiement en liquide externalisé vers d'autres réseaux, poursuite de la simplification de la déclaration de revenus...
Le Gouvernement souhaite assurer une meilleure accessibilité des services publics à la population, notamment dans les territoires où le sentiment d'abandon de l'État se développe. Il s'agit de tirer parti des nouvelles organisations du travail comme des nouveaux usages pour s'organiser différemment : d'un côté, concentrer et dématérialiser les tâches non visibles par le public pour gagner en efficacité et en rapidité de traitement, permettant à l'État de réaliser des gains de productivité sans dégrader la qualité du service public et, de l'autre, apporter une offre de service nouvelle en augmentant fortement les sites où un accueil physique de proximité sera assuré, L'extension de l'accueil sur rendez-vous améliorera la réponse apportée aux questions des contribuables. L'objectif est d'augmenter le nombre d'accueils de proximité de 30 % d'ici 2022. C'est un effort sans précédent et qui rompt avec la disparition programmée des accueils de service public.
Enfin, cette évolution doit également permettre d'améliorer les prestations offertes en matière de gestion financière et comptable des collectivités locales et de conseil aux élus, notamment pour les collectivités les plus petites ou les plus fragiles. À cet effet, la DGFiP dédiera des cadres de haut niveau exclusivement affectés à cette mission et directement installés dans les territoires, au plus près des élus et des collectivités.
Fibre optique en Bretagne
Mme Sylvie Robert . - Aujourd'hui, nombreuses sont les régions qui se sont lancées dans le déploiement de la fibre optique. Pourtant, le taux de couverture reste hétérogène, et faible dans nombre de territoires ruraux.
Les collectivités bretonnes ont décidé d'accélérer le processus de déploiement afin de couvrir l'ensemble de la région d'ici à 2026 - plutôt que 2030. L'objectif est de résorber les fractures numériques au plus tôt et de permettre aux usagers de disposer d'une connexion optimale tout en maîtrisant les coûts du chantier.
Si le numérique démultiplie les opportunités, ceux qui en sont exclus sont d'autant plus victimes. Les aménagements ont un impact positif sur l'économie. En termes d'insertion et d'emploi, l'exemple breton devrait générer, en moyenne, plus de 600 emplois équivalents temps plein durant la période de déploiement. Le projet public régional de déploiement de la fibre optique est particulièrement structurant pour l'ensemble du territoire.
Cependant, si les collectivités bretonnes sont extrêmement mobilisées sur le sujet, elles manquent encore de visibilité quant à l'engagement financier de l'État au titre du fonds national pour la société numérique (FSN), créé dans le cadre du programme des investissements d'avenir. Ce fonds de 4,25 milliards d'euros doit accompagner les nouveaux usages, soutenir les secteurs publics et privés. Afin d'anticiper, de préparer au mieux la révision de leur plan de financement et de concrétiser le projet, les collectivités ont besoin de lever toute incertitude sur la participation financière de l'État.
Pourriez-vous préciser l'engagement de l'État, à travers le FSN, en faveur du projet de déploiement intégral de la fibre optique en Bretagne ?
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - Le numérique est un droit et non un luxe. Jusqu'à présent, il a accru les fractures territoriales. Aussi le président de la République en a fait une priorité en fixant des objectifs ambitieux, celui du bon débit pour tous en 2020 et du très bon débit pour tous à l'horizon de 2022.
Vous soutenez depuis longtemps le numérique en Bretagne : je suis à vos côtés en ce domaine. Le Gouvernement a sécurisé le financement du FSN par des crédits de paiement de plus d'un milliard d'euros. En Bretagne, ce fonds avait déjà été utilisé.
Nous avons vu que le secteur privé pouvait parfois intervenir, mais il nous faut aussi assurer le déploiement entre 2022 et 2025. Nous sommes en train d'identifier le montant des aides nécessaires, territoire par territoire. Nous vous transmettrons cette évaluation, puis nous prendrons des décisions lors des prochaines lois de finances.
Mme Sylvie Robert. - Merci M. le ministre. J'attends avec impatience le prochain projet de loi de finances. Vous connaissez l'implication de la Bretagne. J'espère que l'État sera au rendez-vous.
Gestion de la compétence « affaires scolaires »
Mme Brigitte Micouleau . - À la suite de la fusion d'intercommunalités, la compétence « affaires scolaires » a été restituée à certaines communes rurales qui, faute de pouvoir constituer un syndicat à vocation scolaire, ont opté pour une entente scolaire - la meilleure solution étant donné les exigences de la loi NOTRe et du schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI).
Or la forme conventionnelle de ces regroupements suppose une commune juridiquement responsable, qui assume tous les risques et intègre dans son budget celui de l'entente scolaire. Son propre budget de fonctionnement est obéré par la prise en charge des emprunts contractés pour l'entente scolaire. Ces difficultés nourrissent la déception.
Le Gouvernement ne pourrait-il permettre la création d'un syndicat à vocation scolaire, notamment pour les petites communes rurales qui souhaitent mutualiser leurs moyens pour exercer une compétence commune dans de bonnes conditions ?
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - Sujet ô combien important ! La fusion d'intercommunalités peut modifier le périmètre des compétences. Un cadre existe déjà via le SDCI. La communauté de communes issue d'une fusion dispose d'un délai de deux ans pour se prononcer sur la manière dont elle entend exercer la compétence scolaire.
L'organe délibérant peut transférer partiellement les compétences restauration et activités périscolaires à ses communes membres qui peuvent les confier à un service commun porté par la communauté de communes.
Enfin, la loi permet d'instituer des syndicats intercommunaux ou mixtes compétents en matière de construction d'écoles élémentaires ou d'accueil de la petite enfance, indépendamment du schéma intercommunal.
Mme Brigitte Micouleau. - J'entends ces arguments. Je ne suis pas sûre que les communes de Haute-Garonne qui font face à de grandes difficultés de fonctionnement, notamment Cadours, y soient sensibles.
Service de gardes nature du Grand Belfort
M. Cédric Perrin . - Ma question porte sur l'impossibilité pour les communes extérieures à la communauté d'agglomération du Grand Belfort d'adhérer à son service de gardes nature.
Ce service, qui relevait, jusqu'au 31 décembre 2017, de la compétence du centre de gestion de la fonction publique du Territoire de Belfort, a été repris par le Grand Belfort, qui l'a sans aucun doute sauvé.
L'objectif du Grand Belfort était de proposer à ses communes membres, mais également à des communes ou établissements extérieurs, d'en bénéficier. Or les services préfectoraux ont informé l'EPCI de l'impossibilité d'ouvrir cette prestation aux communes situées en dehors de son périmètre au motif que le dispositif ne figure pas parmi ceux prévus à l'article L. 522-2 du code de la sécurité intérieure.
Le Grand Belfort ne peut donc pas mettre ses agents à la disposition des communes extérieures, notamment celles de la communauté de communes des Vosges du sud alors qu'elles en bénéficiaient par le passé. Faute de moyens, elles ne peuvent créer leur propre police rurale.
J'ai déposé une proposition de loi visant à faciliter la mutualisation des gardes champêtres. Le Gouvernement est-il prêt à la soutenir, par exemple dans le cadre du projet de loi Engagement et proximité ?
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - Effectivement, l'article L. 522-2 du code de la sécurité intérieure ne permet pas à une communauté d'agglomération de mettre des gardes nature à disposition des communes hors de son périmètre, mais l'article L.5216-7-1 du code général des collectivités territoriales permet à une commune même extérieure de confier une prestation de service à une communauté d'agglomération.
La vocation première d'un EPCI est d'exercer ses compétences sur le territoire de ses communes membres. L'intervention pour le compte d'autres personnes publiques ne peut avoir qu'un caractère marginal, c'est-à-dire être ponctuelle et d'importance limitée.
Le cas échéant, les communes extérieures au Grand Belfort peuvent s'associer dans un syndicat intercommunal ou dans un syndicat mixte avec le Grand Belfort pour mutualiser les agents. Enfin, leurs EPCI peuvent se substituer au centre de gestion pour l'exercice de cette compétence.
Je m'engage à ce que la préfecture vous accompagne pour trouver une solution, et à en parler à M. Lecornu en amont de son projet de loi.
M. Cédric Perrin. - Les réponses de la préfecture ne permettent pas d'entrevoir une solution, c'est pourquoi je propose de faire évoluer la loi. C'est une question de bon sens !
Rétablissement du conseiller territorial
Mme Christine Herzog . - J'appelle à rétablir la loi relative au conseiller territorial votée sous le gouvernement Fillon. Depuis 2004, les conseillers régionaux sont élus sur une liste unique, ce qui ne permet plus une représentation des sensibilités départementales. Le problème a été aggravé sous la précédente majorité par la création de nouvelles régions XXL. Le retour à la logique du conseiller territorial serait un moyen pertinent de répondre aux enjeux de démocratie locale et de proximité.
Le texte voté à l'époque pourrait être amélioré. Ces conseillers territoriaux pourraient être élus au scrutin de liste à la proportionnelle, au niveau de chaque département, ce qui garantirait la pluralité des sensibilités au sein des départements et, partant, leur spécificité.
Le conseiller territorial exercerait les attributions actuelles du conseiller régional et du conseiller départemental. Dans chaque région, le nombre des conseillers territoriaux serait égal au nombre actuel des conseillers régionaux, et le nombre de sièges attribués à chaque département serait proportionnel à sa population, avec un minimum de deux sièges par département.
Une telle réforme favoriserait la complémentarité de l'action de la région et des départements, tout en dégageant des économies par la réduction de l'effectif total. Qu'en pense le Gouvernement ?
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Le Gouvernement partage votre ambition d'assurer une complémentarité entre département et région et de renforcer le lien de proximité entre les élus et les électeurs, condition de la démocratie locale.
Je ne partage pas votre solution qui aurait des conséquences négatives compte tenu des écarts de population. Ainsi, la Haute-Marne et la Meuse n'auraient plus que cinq conseillers territoriaux, contre 34 élus actuellement - sachant que les communes de moins de 100 habitants disposent de sept élus !
Le scrutin proportionnel de liste à l'échelle départementale risquerait de ne pas dégager de majorité. La seule solution serait d'augmenter le nombre de conseillers territoriaux, mais là encore les écarts seraient importants : sept conseillers territoriaux en Lozère mais 123 en Haute-Garonne, et un conseil régional d'Occitanie comptant plus de 500 membres.
Mme Christine Herzog. - De nombreux élus seraient favorables au principe du conseiller territorial, pour réaliser des économies.
Fermeture du commissariat de Puteaux
M. Philippe Pemezec . - Le grand débat national a mis en exergue le sentiment d'abandon des territoires. Quelque 90 % des Français demandent aux services publics une plus grande proximité, et le président de la République a promis d'assurer cette présence.
Or la réorganisation de la police de proximité menée depuis deux ans par le préfet de police de Paris va à l'encontre de ces annonces.
Après la fermeture de certains commissariats les week-ends et les nuits - deux seulement sont ouverts la nuit pour tout le département des Hauts-de-Seine - un nouveau palier est franchi avec l'annonce de la fermeture pure et simple du commissariat de Puteaux, dont les effectifs sont déjà passés de 70 à 10.
Les rumeurs évoquent la fermeture de la moitié des commissariats des Hauts-de-Seine ! Ne poussez-vous pas vers plus de police municipale, c'est-à-dire un nouveau transfert de charges vers les communes ?
Quels sont les objectifs de ce plan de réorganisation de la sécurité pour les Hauts-de-Seine ? D'autres fermetures de commissariats sont-elles prévues ? Je vous demande de reconsidérer la fermeture du commissariat de Puteaux.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Il n'est pas question de fermer la moitié des commissariats de votre département. Ne croyez pas les rumeurs ! En revanche, nous voulons une organisation qui permette d'avoir plus de policiers dans la rue, de jour comme de nuit, plutôt que dans les bureaux.
Depuis 2015, le recrutement de forces de police est à la hausse avec un objectif de 10 000 embauches, après une hémorragie de 12 000 postes entre 2007 et 2012. Les tâches administratives monopolisent les policiers et les empêchent d'intervenir sur le terrain.
À Puteaux, seulement 9 % du total des plaintes sont reçues entre 21 h et 6 h. La fusion se traduira par un effectif disponible de 135 agents. Cette capacité opérationnelle garantira deux patrouilles en journée sur le secteur Puteaux-La Défense ; entre deux et trois la nuit.
Une meilleure organisation de la chaîne hiérarchique est indispensable sur un territoire dont les limites communales ne sont connues que des maires.
Je demanderai au directeur de la police départementale de vous contacter pour vous rassurer.
Le commissariat de Puteaux accueillera du public sur une large plage horaire et un visiophone permettra de joindre le commissariat de La Défense. L'objectif est bien de renforcer la présence policière.
M. Philippe Pemezec. - J'espère que vos arguments ne servent pas à masquer le manque de moyens de la police. Les fermetures ont des effets pervers sur les conditions de travail : sous-effectifs chroniques et dégradation des rapports avec la population. Espérons que ces annonces ne sont pas de la poudre aux yeux. Encore une fois, je vous demande de reconsidérer la fermeture du commissariat de Puteaux.
Site des Brotteaux
M. Patrick Chaize . - Les pratiques et usages illégaux se développent sur le site des Brotteaux dans l'Ain. Ce site, enjeu important de conservation, fait face depuis quelques années à une augmentation exponentielle de son taux de fréquentation en période estivale, avec 50 000 personnes supplémentaires en une seule semaine. À la clé, des comportements qui constituent un véritable danger, tant pour l'environnement et la biodiversité locale que pour la sécurité des biens et des personnes : attitudes agressives, naturisme public, montagnes de déchets, feux, braconnage, etc.
Les élus sont isolés, désemparés, car les moyens d'action et de régulation sont très faibles au regard de la taille du site. La situation est grave et ne peut plus durer.
Je sollicite la mise en place en urgence de moyens pour assurer la surveillance de la basse rivière d'Ain en période de haute fréquentation. Le déploiement immédiat d'une brigade équestre est indispensable.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - C'est l'intérêt des questions orales que d'attirer l'attention du ministre sur des problèmes locaux. Le site que vous mentionnez, remarquable, connaît une dynamique extrêmement forte. Nous devons accompagner la montée en puissance de certains territoires en période touristique.
J'ai lancé la saison d'été il y a deux semaines à Arcachon. Quelque 4 000 renforts de policiers et gendarmes supplémentaires appuient les forces de sécurité pendant la saison estivale, dont 400 en Gironde. L'adaptation aux variations de population en haute saison n'est pas simple.
Dans ce contexte, la gendarmerie de l'Ain prend en compte les enjeux de sécurité du site des Brotteaux, en lien avec le syndicat de rivière. En revanche, les conditions d'installation d'une brigade équestre de la garde républicaine sont trop lourdes pour être assurées dans un délai court. Je préfère le dire simplement : nous ne savons pas faire.
En outre, la garde républicaine est très sollicitée. Des patrouilles de surveillance ponctuelles en lien avec l'ONCFS et le garde champêtre sont régulièrement mises en place pour mieux lutter contre les incivilités telles que les déplacements en quad qui nuisent à l'environnement.
M. le président. - Il est effectivement important que le ministre vienne répondre aux questions orales. Nous vous attendons pour la prochaine séance.
M. Patrick Chaize. - J'entends votre ambition d'adapter les moyens. Cependant, comment faire dès lors qu'ils restent limités ? Ne faudrait-il pas des forces supplémentaires sur ce genre de sites d'une sensibilité extrême ? La semaine dernière, la situation était critique. Nous comptons sur les forces de sécurité pour rétablir une situation plus proche de la normale.
Retraites complémentaires des agriculteurs
M. Jean-François Rapin . - Monsieur Attal, vous êtes ministre de la jeunesse et je vous interroge sur les retraites... Les agriculteurs perçoivent des indemnités de retraites minimes au regard de la pénibilité des tâches qu'ils ont exercées. Des organismes de retraites complémentaires leur proposent d'anticiper cette situation. Or nombre de retraités agriculteurs constatent que les revenus complémentaires ne sont pas à la hauteur des cotisations versées pendant plusieurs dizaines d'années. En l'espèce, un administré du Pas-de-Calais, qui avait versé 60 000 euros durant 35 ans, doit vivre jusqu'à 100 ans pour percevoir l'intégralité de sa rente ! L'organisme complémentaire s'oppose à tout aménagement. De telles dérives sont inexplicables.
Que proposez-vous pour améliorer la situation des agriculteurs retraités ? À la veille de la remise des conclusions de Jean-Paul Delevoye, il est essentiel de prendre en considération ces remontées du terrain.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - La question du pouvoir d'achat des retraités agricoles concerne tous les Français.
Je vous prie d'excuser Mme Buzyn.
Depuis la réforme de 2014, les agriculteurs partant en retraite ne peuvent avoir une pension inférieure à 75 % du smic. Le président de la République souhaite aller plus loin et a demandé que la pension, après une vie de travail, soit supérieure à 1 000 euros par mois. Le Gouvernement travaille à la mise en oeuvre de cet engagement dans le cadre de la réforme des retraites.
Un dispositif dit Madelin agricole existe depuis 1997. Les conditions tarifaires et le calcul de la rente viagère sont soumis à des conditions très strictes. Les assureurs sont tenus d'utiliser des tables de mortalité homologuées. Or celles-ci ne prévoient pas une espérance de vie de 100 ans. Il faudrait que l'administré que vous évoquez saisisse le médiateur des assurances.
Enfin, la loi Pacte procède à une réforme en profondeur des produits d'épargne retraite supplémentaire, avec une liberté de choix entre sortie en rente ou en capital. Les textes d'application préciseront les conditions d'application aux contrats en cours.
M. Jean-François Rapin. - L'exemple que j'ai cité, même s'il est atypique, reflète un problème global. Ne faudrait-il pas prendre en compte la pénibilité du travail agricole, qui a varié selon les époques ? J'espère que la loi annoncée sur les retraites répondra à ces questions.
Médecine esthétique
Mme Élisabeth Doineau . - De plus en plus de jeunes Français, influencés par les réseaux sociaux, recourent à la médecine esthétique.
On voit se développer des actes non chirurgicaux comme l'injection d'acide hyaluronique ou de Botox. Beaucoup se tournent vers des esthéticiennes qui cassent les prix et exercent illégalement la médecine. Faute de formation médicale, les risques pour la santé des clients sont importants.
Un encadrement plus strict s'impose. Le rapport Cazeau sur les dispositifs médicaux recommandait de renforcer les exigences de formation des médecins et d'encadrer strictement les professions non médicales qui pratiquent des soins esthétiques.
Ne faudrait-il pas instaurer un diplôme national de médecine esthétique et fixer par arrêté la liste des interventions à visée esthétique ne pouvant être exécutées que par des médecins diplômés ? Quelles mesures sont envisagées pour sécuriser l'exercice de la médecine esthétique ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - La demande sociétale d'actes à visée esthétique est en constante augmentation. Ainsi plus de 75 000 appareils d'épilation à lumière pulsée et plus de 600 000 seringues de produits de comblement sont vendus chaque année en France.
Les nouvelles techniques doivent être encadrées pour garantir la sécurité de ceux qui y ont recours. Depuis la loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST) de 2009, le code de la santé publique interdit certaines pratiques en raison de suspicion de danger grave pour la santé.
L'encadrement des actes est fondé sur leur niveau de risque. La ministre de la Santé a demandé à ses services de préciser la réglementation pour la rendre plus efficace. Le rapport de M. Cazeau pourra servir de base. Des fiches d'information figurent sur le site du ministère de la Santé. Pour autant, il faut aussi diffuser l'information et alerter le grand public sur les risques encourus.
Mme Élisabeth Doineau. - La communication est essentielle, car les réseaux sociaux laissent penser que tout est possible et entraînent des ravages. Créer un diplôme de médecine esthétique s'impose.
Mise en place du tiers payant
M. Jean-Pierre Moga . - La directive du 6 février 2019 relative au tiers payant sera compliquée à mettre en place dans les petites communes. Le centre de santé du bassin de Tonneins en Lot-et-Garonne a été mis en service il y a un an. Son fonctionnement répond aux critères suivants : ouverture durant onze heures chaque jour en semaine et le samedi matin ; un recrutement de médecins dans les meilleures conditions ; un équilibre financier basé sur les retours des actes effectués dans le cadre d'un tiers payant généralisé.
Or dans les petits centres hospitaliers, les logiciels de gestion ne permettent pas la télétransmission des déclarations de médecins traitants, tels les arrêts de travail, maladie ou accident du travail. Cela pénalise la prise en charge des rémunérations sur objectifs de santé publique. Est également impacté le forfait patientèle médecin traitant. Le centre de santé ne peut pas se servir d'une carte professionnelle de médecin car la CPAM ne peut ou ne veut pas installer les données d'assurance maladie dans ce centre ; seule une carte professionnelle d'établissement peut être utilisée, qui ne permet pas la télétransmission des déclarations.
De nombreuses prestations ne sont pas ou sont mal remboursées. Cela condamne la mise en place du tiers payant à l'échec, à la fermeture de certains centres médicaux et à l'aggravation de la désertification médicale. Quelles solutions envisagez-vous pour y remédier ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - L'instruction du 6 février 2019 a été prise à l'occasion de la mesure « 400 généralistes dans les territoires prioritaires ». La ministre est attentive aux conditions de déploiement du tiers payant. Son suivi est assuré par un comité de pilotage, qui s'est réuni le 9 juillet. Les données montrent que le tiers payant est pratiqué sur 99,2 % des actes facturés par les centres de santé. C'est le cas à 42,8 % sur la prise en charge à 100 %, à 32,3% sur la part prise en charge par les complémentaires et à 24,1 % sur la part assurance maladie uniquement. Cela montre une pratique du tiers payant très développée même si l'on peut faire mieux sur la part complémentaire. Le comité de pilotage y veille.
La CNAM a travaillé avec les centres de santé pour améliorer les procédures de facturation. Les complémentaires de santé développent les factures numériques. Des feuilles de soins électroniques existent qui permettent un paiement dans un délai de trois jours. Pour les arrêtés de travail dématérialisés, les outils ne sont pas encore totalement adaptés à la situation spécifique des médecins salariés des centres de santé. La CNAM lance actuellement une expérimentation visant à y remédier. Une attention est également portée au dispositif de rémunération.
Numerus clausus en Centre-Val-de-Loire
M. Jean-Paul Prince . - Alors que la région Centre-Val de Loire détient le triste record de la plus faible densité médicale, citoyens et élus se sont émus de voir leur région exclue de l'augmentation du numerus clausus dans les facultés de médecine à la rentrée 2019. Seulement 2,74 % du numerus clausus national est attribué aux facultés de médecine de la région alors que celle-ci représente 3,83 % de la population.
En mai 2019, le Premier ministre a annoncé l'ouverture de places d'internat supplémentaires dans la région, sachant que la majorité des jeunes médecins s'installent là où ils ont obtenu leur diplôme. Certes, une augmentation du numerus clausus ne produit des effets qu'à moyen terme mais dans une situation aussi critique, toute amélioration est bonne à prendre. La région la plus touchée par les déserts médicaux ne devrait-elle pas bénéficier également de l'augmentation de numerus clausus prévue à la rentrée 2019 ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Les habitants de la région Centre-Val-de-Loire connaissent de réelles difficultés d'accès aux soins. Le retard régional du numerus clausus a été partiellement rattrapé avec une hausse de 20 % ces dix dernières années. Cependant, cette hausse ne s'est pas répercutée sur le nombre de médecins susceptibles de s'installer. La faculté de Tours forme beaucoup d'étudiants mais relativement peu d'internes : en 2018, le nombre d'étudiants admis en deuxième année a été de 255, mais le nombre de postes d'internes pourvus n'a été que de 214. La ministre des solidarités et de la santé s'est engagée, avec Frédérique Vidal, à ouvrir 255 postes d'internat en 2019 dans la région. Dès novembre prochain, ce seront autant d'internes supplémentaires qui viendront se former dans les services hospitaliers et les cabinets de médecine de ville, et qui pourront être accompagnés vers un exercice dans la région.
La réforme en cours doit favoriser une prospective pluriannuelle des effectifs. Nous souhaitons que la région Centre-Val-de-Loire soit un territoire d'anticipation du plan « Ma Santé 2022 ». Avec l'ARS et en lien avec l'ensemble des acteurs dont les élus, un plan régional visera à libérer du temps médical et la mesure « 400 médecins salariés » facilitera l'implantation de jeunes médecins.
Le Gouvernement veut faire de cette région une région pilote pour la montée en puissance de ces dispositifs.
M. Jean-Paul Prince, rapporteur. - Il faut attendre une semaine pour avoir un rendez-vous chez un généraliste, six mois chez un dentiste, un an chez un ophtalmologiste. Les temps d'attente des consultations aux urgences de l'hôpital de Blois est d'au moins six heures.
Zones sous-médicalisées
M. Roland Courteau . - Parmi les zones sous-médicalisées où les patients éprouvent d'importantes difficultés à accéder aux soins dans des conditions de proximité et de délais satisfaisantes, la situation des Hautes Corbières et des Corbières, dans l'Aude, est préoccupante, notamment à Tuchan où, depuis plusieurs mois, population et élus recherchent des solutions pour préserver la présence d'un médecin dans un territoire de 2 000 personnes et de 35 lits en Ehpad.
Jusqu'à ce jour et depuis quatre ans, un médecin opérait seule sur ce bassin de santé à raison de 12 heures par jour, deux gardes de nuit par semaine et d'un week-end par mois. La situation est devenue intenable pour ce médecin qui se trouve dans un état de grand épuisement et qui a dû cesser son activité faute d'être secondée par un deuxième médecin. Dès lors, il n'y a plus de médecin exerçant dans la maison de santé.
Une solution existe car un médecin originaire du Venezuela serait intéressé pour exercer sur ce secteur. Elle a notamment exercé, durant cinq années à l'hôpital de Barcelone où elle a suivi une formation en spécialité « médecine de famille et communautaire » pour laquelle elle a obtenu les mentions « remarquable » et « très bien ».
Cependant, l'ordre départemental des médecins a émis un avis défavorable à cette proposition. J'ai saisi la ministre, sans réponse.
Que compte faire le Gouvernement pour mettre en place une telle solution, rapidement et concrètement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Les conditions d'exercice du Docteur Sanchez à Tuchan sont particulières : elle a bénéficié d'un contrat de stabilisation et de coordination valorisant son exercice dans un territoire sous-doté. Les maisons de santé professionnelles reposent sur un projet de santé. Il en existe deux sur votre territoire. Cependant, le docteur Cornic qui exerçait en libéral est parti dans une autre commune.
Un rapprochement a été effectué avec une autre maison de santé distante de 17 kilomètres mais les deux maisons de santé ont refusé de collaborer, même si un rapprochement a fini par avoir lieu à travers la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du Libaglir. Le projet de santé est un prérequis à la contractualisation avec l'ARS.
Quant au docteur Larrazabal, la réponse que lui a faite l'ordre des médecins est fondée sur l'article L.4112-7 du code de la santé publique.
Vénézuélienne, elle relève des procédures des étrangers hors UE à diplôme européen instruit par le Centre national de gestion (CNG). Le médecin a choisi d'aller exercer en Espagne. L'ARS a rencontré les parties prenantes à plusieurs reprises.
M. Roland Courteau. - Mais quelle solution propose le Gouvernement ? Comment rassurer la population ?
Fermeture de lits de gériatrie
Mme Laurence Cohen . - La direction de l'AP-HP prévoit de réduire de 30 % à 50 % le nombre de lits au sein des unités de soins de longue durée d'ici à 2024, soit plus de 1 000 lits en Île-de-France. Dans le Val-de-Marne, ce sera 44 % de lits en moins, soit 150 lits en moins pour l'hôpital Émile Roux de Limeil-Brévannes. Les hôpitaux Paul Brousse de Villejuif et Charles Foix d'Ivry-sur-Seine, comme d'autres structures accueillant des patients âgés, avec des pathologies qui nécessitent un suivi médical quotidien et sur la durée, subiront également les conséquences de ce plan drastique.
Une assemblée générale de la filière gérontologique a demandé l'arrêt de ces fermetures. D'autant que l'ARS d'Île-de-France préconisait une hausse du nombre d'unités de soins de longue durée (USLD).
Entendez-vous intervenir pour que ces lits de soins en longue durée soient maintenus ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - L'AP-HP compte plus de 2 300 lits d'USLD répartis sur 18 sites hospitaliers. Seulement 35 % des patients nécessitent un suivi médical continu à l'hôpital. Pour les autres, il faut une prise en charge médico-sociale globale, hors de l'hôpital.
L'AP-HP a travaillé à un nouveau schéma stratégique des USLD, avec le maintien d'un certain nombre de lits, la mise aux normes des bâtiments et l'augmentation du nombre de places en Ehpad ou dans des structures hospitalières ou médico-sociales.
L'AP-HP maintiendra une coopération forte avec l'hôpital et travaillera en étroite concertation avec les élus, déjà associés, mais qui le seront plus encore à partir de septembre 2019 ; s'agissant du Val-de-Marne, une nouvelle rencontre des parties prenantes est prévue en septembre.
La qualité de prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie est une priorité que nous portons tous conjointement et cette réforme constitue une opportunité d'améliorer et d'adapter nos réponses.
Mme Laurence Cohen. - Cette réponse me laisse dubitative. Ce que nous demandons, c'est la prise en charge des patients souffrant de polypathologies. D'autant que le personnel manque cruellement dans les Ehpad. Il faudrait pour faire face aux besoins créer 100 000 emplois en trois ans !
Encore une fois, la ministre répond à côté, sans déployer aucun moyen supplémentaire. En l'occurrence, votre réponse est un copier-coller de celle faite par lettre par M. Hirsch et M. Rousseau à Christian Favier.
Avenir de la médecine scolaire
Mme Mireille Jouve . - En l'espace d'une dizaine d'années, le nombre de médecins scolaires a été divisé par deux. Dans le même temps, la liste des missions qui leur sont confiées s'est considérablement étoffée. Faute de moyens adaptés, les visites médicales obligatoires ne peuvent plus être assurées, tout comme les actions de promotion de santé. Le rôle de la médecine scolaire est essentiel en matière de dépistage précoce. Un nombre croissant d'enfants, du fait de difficultés économiques et sociales accrues au sein de leur famille, n'ont pas accès en dehors du milieu scolaire à une médecine préventive, alors que le cadre scolaire a été durant des décennies un outil précieux pour lutter contre les inégalités et tenter d'offrir aux enfants les mêmes chances de réussite.
Je ne peux que déplorer qu'avec le profond recul de la prévention médicale au sein des établissements, on laisse de nouveau s'installer une forme d'inégalité qui aura inéluctablement des conséquences sur le parcours des élèves.
Les dispositions de la loi pour une École de la confiance ne suffiront pas à répondre au manque de médecins scolaires. Ne faudrait-il pas un réel effort d'attractivité de la médecine scolaire ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Oui, l'école a des responsabilités fondamentales en matière de santé. On lie souvent les difficultés de recrutement des médecins scolaires à un souci d'économie, ce qui est faux.
Des mesures ont été prises pour rendre la profession plus attractive. Le régime indemnitaire des médecins scolaires a été amélioré en 2015. Des revalorisations du statut des médecins de l'Éducation nationale, conseillers techniques ont eu lieu, la grille indiciaire sera améliorée d'ici la fin de l'année, les niveaux de salaires des primo-recrutés seront relevés.
En 2017, une formation spécialisée transversale « Médecine scolaire » a été créée dans le cadre du troisième cycle des pédiatres, généralistes et médecins de santé publique.
Enfin, depuis la rentrée 2018, une immersion des étudiants en médecine scolaire est possible. Nous attendons que ces mesures portent leurs effets, d'où le maintien des postes non pourvus.
Nous travaillons avec le ministère de la Santé sur la promotion de la santé en milieu scolaire.
Droits à la retraite des enseignants
M. Olivier Paccaud . - La loi est votée, promulguée, mais parfois non appliquée. Pourtant nul n'est censé ignorer la loi et l'exécutif ne doit pas se soustraire à ses devoirs.
C'est le cas de la loi du 26 juillet 1991 relative à la prise en considération des années de formation des élèves enseignants des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) pour leurs droits à la retraite, toujours sans décret d'application, 28 ans après !
Il y a quelques semaines, l'académie d'Amiens informe un enseignant souhaitant légitimement bénéficier de cette loi qu'il ne pourrait y prétendre, pour cette raison ! Même si l'article 14 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique indiquait que « les périodes pendant lesquelles ont été perçues des allocations d'enseignement créées par le décret du 1er septembre 1989 portant création d'allocations d'enseignement, ainsi que la première année passée en institut universitaire de formation des maîtres en qualité d'allocataire, sont prises en compte pour la constitution et la liquidation du droit à pension de retraite, sous réserve de la titularisation dans un corps d'enseignements et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État », ces dispositions ne pouvaient en effet, selon ce courrier, être appliquées « en l'absence de décret d'application, (...) jamais entré en vigueur. » L'académie conclut donc « que les périodes d'allocataires de première année d'IUFM ne sont ni validables, ni valables pour la retraite ».
Après 28 ans, le délai raisonnable est plus que dépassé. La situation dont vous héritez, certes, est kafkaïenne et scandaleuse, mais il faut la corriger. Pourquoi ne pas envisager un décret permettant la rétroactivité des droits pour mettre fin à ce préjudice ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Voilà une absurdité telle que notre système sait en produire... La loi date de 1991 - j'avais 2 ans - et le décret en Conseil d'État n'a jamais été publié, c'est un fait. Près de trente ans après, il est difficile de demander au ministre de l'Action et des comptes publics de combler cette carence, d'autant que se prépare une réforme sur les retraites. Le rachat des années d'études a été rendu possible par la loi de 2003. Cette situation se réglera dans le cadre de la réforme des retraites à venir.
Le président de la République souhaite un suivi au jour le jour des textes d'application des réformes que nous portons, afin que ce type de situation ne se reproduise pas.
M. Olivier Paccaud. - Pour que s'efface la défiance envers le monde politique, il faut que les politiques tiennent leur parole !
Normes d'encadrement dans les collèges
Mme Christine Lavarde . - Le 17 juin 2019, était organisée au collège Jacqueline-Auriol, à Boulogne-Billancourt, une journée morte pour dénoncer le manque criant d'encadrement dans cet établissement, le danger potentiel sous-jacent pour les élèves, et l'épuisement de l'équipe en place.
Depuis l'abrogation de la circulaire du 25 octobre 1996 relative à la surveillance des élèves et son remplacement par celle du 7 décembre 2009, il n'existe plus de taux d'encadrement dans les collèges. En 2014, la ministre de l'Éducation nationale d'alors affirmait : « conformément aux indications de la circulaire du 11 juin 2003 relative aux assistants d'éducation, les crédits permettant le recrutement de ces agents sont répartis entre les établissements d'enseignements publics par les autorités académiques selon des critères objectifs et rationnels liés aux besoins des établissements. Actuellement, aucun nouveau barème n'a été transmis aux académies. Un ratio moyen de 112 élèves par assistant d'éducation est constaté à la rentrée 2013 dans les collèges. »
Ce ratio moyen s'est beaucoup dégradé : le ratio est donc de 1 pour 155,75 au collège Jacqueline Auriol ; ce ratio est de 1 pour 156,66 au collège Landowski à Boulogne Billancourt ; il est de 1 pour 138,75 au collège Les Champs Philippe situé à la Garenne-Colombes ; il est de 1 pour 163,33 au collège Évariste-Galois de Bourg-la-Reine.
Par ailleurs, comment expliquer les inégalités entre établissements ?
Pouvez-vous préciser la nature des « critères objectifs et rationnels » qui aboutissent à de tels ratios, et comment entendez-vous renforcer le taux d'encadrement dans les collèges ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je suis attentif à la situation des établissements de Boulogne où j'ai moi-même été élu. Le ratio national, loin de se dégrader s'est amélioré, passant de 112 - en 2013 - à 89 élèves par assistant d'éducation. Les moyens sont répartis par le rectorat entre chaque établissement en fonction de ses caractéristiques propres, comme la présence d'un internat, l'origine sociale des élèves et l'environnement dans lequel ils grandissent. À Boulogne, la situation est plutôt favorable malgré des disparités.
Le collège Jacqueline Auriol possède un internat mixte, tout comme celui de Bourg-la-Reine et celui de la Garenne-Colombes. Le ratio y est plutôt satisfaisant avec quatre assistants d'éducation supplémentaires liés à la présence de cet internat. D'où la différence avec le collège Landowski, qui ne possède pas d'internat.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État. - Le dispositif « Devoirs faits » fonctionne efficacement. Nous permettons à ceux qui souhaitent s'engager de pouvoir le faire après un contrat de trois ans.
Mme Christine Lavarde. - Les parents d'élèves seront heureux de prendre connaissance de votre réponse. Je crains un décalage entre la réalité du terrain et les chiffres qui vous ont été communiqués par l'inspection d'académie.
Droits des anciens combattants
M. Jean-Marc Todeschini . - Le 3 décembre 2019 doit entrer en vigueur l'ordonnance du 12 décembre 2018. Celle-ci porte sur diverses dispositions relatives à l'organisation des infrastructures ferroviaires et à l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs.
Cependant, au II de son article 6, cette ordonnance prévoit la suppression des quatre derniers alinéas de l'article L. 251-1 et l'abrogation des articles L. 251-2, L. 251-5 et L. 523-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
Cette abrogation prive les anciens combattants et leurs ayants droit de différents avantages qui faisaient partie intégrante du droit à réparation que la République doit à ces femmes et ces hommes qui se sont sacrifiés pour la France.
Ainsi, les titulaires d'une pension militaire d'invalidité égale ou supérieure à 25 % ne bénéficieront plus des tarifs préférentiels de la SNCF. De même, les pères et mères, les enfants, les conjoints, les frères et soeurs d'un ou d'une mort pour la France ne pourront plus bénéficier d'un voyage gratuit annuel pour se rendre sur la tombe de leur parent.
Ces nouvelles dispositions ont provoqué, pour ne pas dire plus, une profonde incompréhension au sein des associations d'anciens combattants et victimes de guerre. Pour nombre d'entre eux, gravement blessés au service de la France, ce mode de transport leur permet de retrouver une certaine autonomie et d'éviter l'immobilité dans laquelle l'infirmité les enfermerait.
À l'heure où chacun prend conscience de la nécessité de rendre les déplacements sobres en émissions de polluants, retirer le bénéfice des transports ferroviaires à tarifs préférentiels aux anciens combattants apparaît comme particulièrement anachronique.
Cette ordonnance sera-t-elle corrigée ? Ces tarifs seront-ils accordés par l'opérateur public historique comme par tous les autres opérateurs potentiels ? Dans quels délais ces décrets seront-ils signés et publiés ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Veuillez excuser l'absence de Mme Geneviève Darrieussecq, en déplacement en Serbie avec le président de la République.
L'ordonnance que vous citez a abrogé les articles relatifs aux tarifs spéciaux des voyages pour se rendre sur les tombes des morts. Cette abrogation était nécessaire car ces articles ne visaient que la SNCF et non les autres opérateurs ferroviaires.
Mais la loi de 2018 prévoit qu'un décret peut fixer des tarifs spéciaux pour tous les opérateurs. Le décret, en cours de préparation, sera pris avant le 3 décembre 2019, afin qu'aucune rupture de droits n'ait lieu. Le système continuera donc bien d'exister dans le cadre de l'ouverture à la concurrence.
Les associations du monde combattant seront régulièrement tenues informées, soyez-en certain.
M. Jean-Marc Todeschini. - Merci pour ces propos rassurants.
Lutte contre les ravageurs des noisettes
M. François Bonhomme . - Ma question porte sur les dégâts causés par la larve du balanin des noisettes, responsable des noisettes véreuses, dont on ne se rend compte que quand il est trop tard. Cette situation menace fortement la filière de la noisette de France qui se trouve démunie pour lutter contre ce ravageur. En effet, l'interdiction de l'usage des néonicotinoïdes contre le balanin des noisettes, en particulier du produit Calypso, dont la substance active, l'acétamipride, a été inscrite à l'annexe 1 européenne, met cette filière en grande difficulté pour réduire ce ravageur, responsable de 80 % des dégâts sur les récoltes.
Je rappelle que nous importons des noisettes en provenance de différents pays qui ne présentent, a contrario de la filière française, laquelle propose une production tracée et certifiée, aucune garantie en matière sanitaire et de résidus. Ces importations ne font l'objet d'aucun contrôle efficace tant pour les producteurs nationaux que pour les consommateurs français. Par ailleurs, un nouveau ravageur polyphage, la punaise diabolique, a été détecté sur notre territoire, ce qui constitue un facteur d'autant plus aggravant que cet hémiptère a été à l'origine en 2017 de la destruction de 90 % de la récolte en Géorgie.
Qu'entendez-vous faire pour répondre à cette urgence phytosanitaire et permettre à la filière de la noisette de France de lutter efficacement contre cette grave menace ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Voici la réponse préparée par le ministre de l'agriculture, M. Guillaume.
L'utilisation des néonicotinoïdes est interdite depuis le 1er septembre 2018. En effet, par égard pour la santé des Français, un arrêté du 7 mai 2019 a autorisé la filière noisette à utiliser par dérogation l'acétamipride jusqu'au 1er juillet 2020, après avis de l'Anses. La Direction générale de l'alimentation appuie la filière en ce sens. Ainsi la recherche d'une solution de remplacement est en cours.
Quant à la punaise diabolique, repérée en 2012 dans le Bas-Rhin et en 2015 dans les Landes, les conditions climatiques européennes lui conviennent et il n'est plus possible de l'éradiquer. Sa surveillance a été renforcée dans le cadre du dispositif de surveillance biologique nationale du territoire. Un séminaire a été organisé le 5 février par l'Inra sur ce sujet. Un comité de pilotage mène des projets d'études.
Ce nouveau ravageur se développe, hélas, à la faveur du réchauffement climatique.
M. François Bonhomme. - Faire un colloque, c'est bien. Surveiller, aussi. Je partage les préoccupations sanitaires du Gouvernement mais l'importation de produits non contrôlés est vraiment problématique. Le Tarn-et-Garonne est le deuxième producteur français de noisettes : hâtons-nous de trouver une solution !
La séance est suspendue à 12 h 45.
présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.