Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat.
Nous veillerons au temps de parole et au respect des uns et des autres.
Pénurie de médicaments
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Madame la ministre de la Santé, depuis plusieurs années, nous constatons la hausse de la pénurie de médicaments. Le Gouvernement a tardé à réagir. Or la situation est alarmante. Des bébés manquent de vaccins, des malades du cancer et des personnes atteintes de la maladie de Parkinson n'ont plus accès à leur traitement.
Le Gouvernement dit avoir la volonté d'agir. Pourtant, il ne s'attaque pas à l'impuissance publique face aux laboratoires pharmaceutiques.
Les laboratoires renchérissent les coûts en organisant les pénuries, réduisent les stocks, délocalisent de France la production et la recherche. Sanofi supprimera ainsi 1 500 emplois en 2019, dont 300 dans le R&D alors qu'il a touché 150 millions d'euros de crédit impôt recherche chaque année sans même parler du CICE !
Il est temps que tout cela change ; que la filière pharmaceutique soit considérée comme stratégique et vitale, que l'État assure un approvisionnement de médicaments de qualité à des prix abordables. Que compte faire concrètement le Gouvernement pour atteindre ces objectifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Je ne suis pas d'accord avec vous, le Gouvernement n'a pas tardé à agir. Il existe des plans de gestion pour éviter les ruptures. Le phénomène, mondial, s'accélère toutefois : les pénuries sont vingt fois plus nombreuses qu'il y a dix ans. Nous avons donc monté d'un cran notre dispositif pour agir contre ces ruptures qui inquiètent nos concitoyens et les professionnels de santé.
J'ai présenté lundi une feuille de route qui vise à faire la transparence sur le phénomène, à mieux informer les patients et médecins, à prévenir les pénuries par des actions de prévention des risques sur l'ensemble de la chaîne de production et de distribution des médicaments, à renforcer la coordination nationale et internationale, et à mettre en place une nouvelle gouvernance nationale - dont j'installerai le comité de pilotage en septembre.
Je remercie les pharmaciens et les médecins pour leur implication.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Les déclarations sont très en deçà de l'enjeu et des risques. Nous avons proposé la création d'un pôle public du médicament, d'un plan public de distribution impliquant la pharmacie centrale des armées, et d'une opposition systématique aux délocalisations dans le secteur du médicament. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Violences conjugales
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Soixante-quinze féminicides depuis le début de l'année - soixante-quinze meurtres non passionnels, mais possessionnels, de la part de conjoints qui préfèrent leur femme morte plutôt que libre. Soixante-quinze femmes de 20 à 90 ans tuées par les violences machistes.
Madame la ministre, vous annoncez un Grenelle contre les féminicides de septembre à novembre, mais il faut agir dès maintenant, sans patienter cinq longs mois supplémentaires. Vous êtes chargée du cinquième plan triennal de mobilisation - c'est donc que la lutte dure depuis au moins 15 ans - pour un budget qui n'a jamais été à la hauteur des besoins, en dépit d'une augmentation de 50 % entre 2012 et 2017.
En 2018, le Centre d'information des droits des femmes et de la famille (CIDFF) de Saint-Nazaire ne pouvait traiter que 1 300 des 2 300 demandes de rendez-vous.
Madame la ministre, avec le rapport de force qui émerge, avez-vous la certitude que votre budget sera doublé en 2020 pour répondre aux besoins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - Le Grenelle des violences conjugales commencera le 3 septembre 2019, en écho au 3919, le numéro d'aide pour les violences conjugales, et s'achèvera le 25 novembre, journée mondiale de lutte contre les violences envers les femmes. Ce Grenelle associera toutes les parties prenantes.
La question des moyens est importante : j'ai assuré aux associations ce matin que de nouvelles ressources seraient mises en oeuvre, mais il faut aussi améliorer l'effectivité des mesures.
Le budget aux associations a déjà augmenté de 21 %, il a été multiplié par trois ou quatre pour certaines. Le 3919 disposera de 120 000 euros supplémentaires. Tous les services de l'État doivent être mobilisés.
Le Grenelle doit être co-construit et déboucher sur un plan et un agenda concret. Tous y seront bienvenus - enfants, élus, parties prenantes. Le Premier ministre le clôturera et annoncera des mesures concrètes. Tous peuvent y contribuer sur le portail grenelle@pm.gouv.fr. Nous avons aussi créé 240 places en centres d'hébergement pour l'été. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Grève des professeurs lors du bac
M. Claude Malhuret . - « Nous désapprouvons la politique du ministre, vengeons-nous sur les élèves », telle est la doctrine des 1 % de grévistes, issus de ZAD, zones à délirer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ces grévistes sont condamnés par les Français et par une grande majorité de leurs collègues.
Angéline, citée par Ouest France, disait : « Nous avons fait notre travail, respectez-le et redonnez nos notes. Ce n'est pas à nous de payer ».
Ce sont désormais les élèves qui sont contraints d'enseigner la morale à certains de leurs professeurs. (Murmures à gauche ; applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains)
L'exemplarité des professeurs, est-ce de ne pas remettre ses copies ? Imagine-t-on des médecins ne pas donner leurs ordonnances ? C'est un manque de respect vis-à-vis des élèves, premières victimes, des familles qui leur confient leurs enfants et de leurs collègues, dont l'image est abîmée.
Confrontés à un ministre déterminé, ce qui n'était pas arrivé depuis des années... (M. Jean-Pierre Moga applaudit ; applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.) ces enseignants dénoncent les inégalités entre candidats. Mais qui en est à l'origine, si ce n'est ces escamoteurs de copies ? Les mêmes annoncent déjà des préavis de grève pour la rentrée. Ne pourraient-ils pas un jour déposer un préavis de travail ? (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
On ne peut se permettre la réforme Blanquer disent-ils, mais peut-être l'Éducation nationale ne peut-elle se permettre ces offusqués professionnels et leurs drôles de méthodes qui auraient fait rougir de honte leurs ancêtres, les hussards noirs.
Monsieur le Premier ministre, faites preuve de fermeté face à ces révolutionnaires à statut protégé, et mettez en oeuvre cette réforme qui est celle du Gouvernement, mais aussi de l'Assemblée nationale et du Sénat. (Applaudissements des bancs du groupe LaREM à ceux du groupe Les Républicains)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Le bac, ce n'est pas simplement un examen, c'est un moment important : il marque l'entrée dans l'enseignement supérieur ; l'entrée dans la majorité non légale mais intellectuelle. C'est une étape symbolique mais pas seulement. Le moment du bac est en moment d'angoisse et de fierté pour les élèves, mais aussi pour les familles. Nous connaissons tous des gens qui sont les premiers de leur famille à avoir eu le bac.
Les conditions de déroulement du bac 2019 sont à bien des égards insatisfaisantes. Formuler des revendications n'est pas illégitime. Mais une infime minorité a décidé de perturber les épreuves, puis la correction des copies, puis la remise des notes. On a installé du désordre et de l'angoisse. Ces agissements ne sont pas à la hauteur de l'enseignement de notre pays.
Le ministre de l'Éducation nationale a adopté, à juste titre, une position ferme pour que le bras de fer ne puisse pas être gagné par les perturbateurs. Il a bien fait et je lui apporte tout mon soutien.
Le choix d'une petite minorité ne doit pas masquer le travail d'une immense majorité qui peut, le cas échéant, partager les interrogations de cette petite minorité, être opposée à tel ou tel aspect de la politique menée par le Gouvernement, mais qui considère qu'être enseignant c'est transmettre un savoir et donner l'exemple. Je salue tous ceux qui, en conscience, ont appliqué ces principes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, UC et Les Républicains)
Burkini
M. Michel Savin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Dans l'agglomération grenobloise, des actes communautaires fracturent chaque jour un peu plus le pacte républicain. À deux reprises, des femmes militantes sont venues se baigner en burkini dans les piscines municipales, ce qui est interdit par les règlements intérieurs. Dans le même temps, une école salafiste qui devait être fermée est toujours active. Sa fermeture est suspendue dans l'attente d'un procès cet automne.
Cette fracturation communautaire est une agression à nos principes. Face à de tels actes, c'est notre pacte républicain qui chaque jour s'abîme un peu plus. Peut-on accepter que tout l'été, la question du burkini se pose dans les piscines municipales ? Comment accepter qu'une école salafiste radicalisée puisse continuer d'accueillir des élèves lors de la prochaine rentrée ?
Les élus locaux attendent une réponse claire et stricte de l'État afin de faire respecter la laïcité et les principes républicains de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - L'association que vous évoquez est bien connue à Grenoble. La baignade en burkini est en effet interdite dans les piscines municipales pour des raisons essentiellement d'hygiène et de sécurité, et le maire est chargé de faire respecter l'ordre public dans les services de sa commune. Mais, vous avez raison, ne soyons pas naïfs : c'est aussi une action militante provocatrice organisée, médiatisée, pour tester les limites de notre République.
Il faut, face à ce communautarisme, à ce repli identitaire, rester droit dans nos bottes et protéger nos valeurs. Partout où le repli communautaire est constaté et que cela s'impose, nous menons des opérations de contrôle et fermons les établissements, les lieux de culte, les débits de boissons ou encore les écoles hors contrat de manière extrêmement efficace et déterminée.
Dans le cas de Grenoble, le ministre de l'Éducation nationale a demandé aux parents de ne pas inscrire leurs enfants dans l'école en question, en attendant l'appel qui sera rendu.
Le plan que nous mettons en oeuvre contient aussi de nombreuses actions éducatives. Comptez sur notre détermination pour éradiquer le repli communautaire.
M. Michel Savin. - Votre réponse n'est pas à la hauteur des enjeux. Vous nous parlez hygiène, je vous parle laïcité, principes républicains et repli identitaire. Sans fermeté, vous entretiendrez un flou. Votre lâche complicité accroît les tensions dans les quartiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Financement de l'apprentissage
Mme Catherine Fournier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) La partie « apprentissage » de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel fait l'objet de demandes d'application dès la rentrée.
Ainsi, les chambres de métiers et de l'artisanat et certains directeurs de CFA réclament l'avancée de l'application de la réforme dès septembre 2019. En effet, suivant le décret du 28 mars dernier, le paiement des CFA au « coûts-contrat » serait plus avantageux pour une majorité d'entre eux, que l'ancien système dit des « coûts préfectoraux ».
Comptez-vous proposer aux CFA qui le souhaitent d'utiliser le nouveau système de financement dès la rentrée 2019 ? Sinon, y aura-t-il une remise à plat en janvier 2020 pour tous les contrats antérieurement souscrits, afin qu'il n'y ait pas de distorsion financière entre anciens et nouveaux contrats ?
L'État s'est engagé à verser aux régions une enveloppe de 250 millions d'euros au titre des dépenses de fonctionnement. Celles-ci pourront ainsi moduler territoire par territoire, le taux de prise en charge des contrats et assurer le maintien de certaines formations en zone rurale. Rien n'est encore figé, ce serait pour octobre, qu'en est-il ?
Les régions disposeront également de fonds d'investissement. Ces investissements doivent faire l'objet de conventions d'objectifs et de moyens conclues avec les opérateurs de compétences. Le projet de loi prévoit que les critères d'attribution de ces fonds seront fixés par décret, après concertation avec les régions. Qu'en est-il du calendrier ? Les régions attendent. Ces enveloppes régionales vont guider l'action des acteurs de l'apprentissage après l'entrée en vigueur de la réforme. Quand pourrez-vous nous renseigner sur leurs montants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur divers bancs du groupe Les Républicains)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel permettra de développer l'apprentissage. Le nombre d'apprentis a augmenté de 7,7 % l'an dernier ; la tendance est de plus de 10 % pour 2019.
Les chambres des métiers, passée leur prudence initiale, demandent une application anticipée de la réforme : c'est bon signe. Nous discutons avec elles des modalités financières et juridiques pour avancer.
Les régions recevront toujours une fraction de la TICPE pour l'investissement et ils disposeront de crédits pour le fonctionnement. Mais 600 millions d'euros restent non fléchés vers l'apprentissage et quatre régions ont réduit la dotation de fonctionnement pour 2019, mettant en péril leurs CFA ; et trois autres priveront les leurs de trésorerie. Ne faisons pas des jeunes et des entreprises les victimes des transferts de compétences. Nous rencontrerons les présidents de régions pour mettre fin à ces dysfonctionnements.
Mme Catherine Fournier. - N'oublions pas les régions exemplaires, ni de remettre la pression sur celles qui le sont moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Iran
M. Richard Yung . - Depuis quelques semaines, l'Iran suscite de vives préoccupations. Dimanche dernier, Téhéran a annoncé la reprise de l'enrichissement de l'uranium en violation de l'accord de Vienne. Les autorités iraniennes cherchent ainsi à adresser un message aux parties à l'accord de 2015 qui prévoit que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire en échange de la levée des sanctions politiques et économiques. Téhéran menace d'autres mesures si Paris, Londres et Berlin se comportent de manière - je cite - « étrange ». Les pays européens sont pris en otage entre la position extrême des États-Unis et celle de l'Iran, réponse au retrait unilatéral américain de l'accord dans l'intention de faire tomber le régime iranien.
L'initiative iranienne risque de faire voler en éclats l'accord de Vienne, instrument essentiel de la sécurité de l'Europe, même si la provocation américaine en est à l'origine.
Face à cette crise, le président de la République a parlé avec son homologue américain et son conseiller diplomatique se rend aujourd'hui à Téhéran pour obtenir des mesures de désescalade avant le 15 juillet.
Quels messages la France transmettra-t-elle aux autorités iraniennes pour encourager cette désescalade ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - L'Agence internationale de l'énergie atomique a constaté que l'Iran avait rompu à deux reprises les accords de Vienne en dépassant les 300 kg de stockage d'uranium faiblement enrichi ainsi qu'en dépassant le taux d'enrichissement maximal fixé par l'accord à 3,67 %. Ce sont des dépassements légers mais de rupture.
Avec mes homologues Jeremy Hunt et Heiko Maas, nous avons publié aujourd'hui un communiqué. Nous nous sommes exprimés sur cette situation très préoccupante. C'est une mauvaise réaction iranienne à une mauvaise décision américaine.
Il faut tout mettre en oeuvre pour obtenir un espace de dialogue. Le président de la République s'est entretenu avec M. Rohani samedi et M. Trump hier. Le conseiller diplomatique du président de la République est arrivé à Téhéran et tente d'éviter toute escalade, voire tout accident. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon
M. Stéphane Artano . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Il y a des silences qui en disent long, comme des paroles qui ne signifient rien, comme disait Édith Piaf... Depuis le dépôt du dossier d'extension du plateau continental en 2014, le Gouvernement français est extrêmement silencieux sur ce dossier et les propos tenus par le président Macron lors du grand débat en février 2019 ne nous ont pas rassurés.
Quelle est la stratégie de la France dans le différend qui l'oppose au Canada ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Nos deux pays sont parties à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer : ils ont chacun déposé un dossier de demande d'extension du plateau continental. Dans la convention de Montego Bay, la commission des limites du plateau continental pourrait être saisie de ce dossier, mais cette commission n'a pas vocation à trancher des litiges. La seule solution est donc de parvenir à un compromis bilatéral. D'où la proposition française de lancer un dialogue d'experts franco-canadiens en 2016, mais, pour l'instant, le Canada ne souhaite pas entamer cette discussion.
En attendant, le président de la République a évoqué la question avec le Premier ministre canadien, lors des cérémonies du 6 juin, en vue de renforcer l'intégration régionale de Saint-Pierre-et-Miquelon, notamment dans le domaine de la pêche. La priorité du Gouvernement reste d'assurer le développement économique et social de l'archipel.
Annick Girardin est déterminée à avancer mais il faut pour cela être deux !
M. Stéphane Artano. - La France et le Canada sont amis et voisins mais le Canada persiste à nier l'évidence concernant le plateau continental et refuse le dialogue alors qu'il a trouvé des solutions intelligentes sur d'autres dossiers... disait Annick Girardin, alors députée.
Depuis 2014, il ne s'est pas passé grand-chose, sauf que le Canada a besoin de la France pour l'accord de libre-échange, le CETA. Je me réjouis que le président de la République soit à tu et à toi avec Justin Trudeau, mais c'est de souveraineté qu'il s'agit.
Nous entrerons dans le marché commun debout, disait le général de Gaulle. Là nous sommes couchés en permanence dans une position de soumission devant les Anglo-saxons. Ici, c'est devant le Canada.
Je voterai contre la ratification du CETA, si nous en sommes saisis. Il y va de notre souveraineté nationale et pas seulement pour Saint-Pierre-et-Miquelon. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et CRCE et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)
Action publique
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Au début du quinquennat, le programme AP2022 était présenté comme l'alpha et l'oméga de la transformation de l'État. Il devait sortir le pays de l'ornière.
Aux premiers jours de l'été 2018, nous vivions un psychodrame autour de la publication du rapport du comité Action publique 2022. Quatre mois plus tard, en octobre 2018, à l'occasion du second comité interministériel à la transformation publique, on apprenait que près de 75 % des recommandations du comité se retrouvent dans les chantiers lancés par le Gouvernement. Une telle rapidité et un tel taux de mise en oeuvre pour un rapport réputé écrit par des experts indépendants laissent pantois.
En avril 2019, dans son programme national de réforme, le Gouvernement se félicitait des résultats obtenus : « Les transformations issues d'AP 2022 vont notamment se traduire par des baisses du nombre d'emplois publics, déjà mises en oeuvre par les lois de finances pour 2018 et 2019 ». On aurait aimé y croire !
Malheureusement, ni la Cour des comptes ni la Commission européenne ne partagent votre autosatisfaction.
En effet, la Cour des comptes, dans son rapport sur le budget de l'État en 2018, indique : « Bien que les créations de postes aient été très limitées par rapport aux trois années précédentes, la baisse nette des effectifs prévue n'est pas encore engagée ».
Quant à la Commission européenne, sa lecture du programme de stabilité et du PNR 2019 est sévère. Dans son avis du 5 juin, elle estime qu'« il n'apparaît pas clairement comment, et dans quels délais, ce programme de réforme contribuera par des mesures concrètes à l'objectif très spécifique de réduction du ratio des dépenses au PIB d'ici à 2022 ».
Qu'avez-vous à répondre aux critiques de ces experts indépendants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Le Gouvernement mène des réformes structurelles dans tous les domaines, notamment avec la loi de confiance de l'action publique et le projet de loi sur la fonction publique. Notre objectif est de maîtriser la dépense publique tout en garantissant de bonnes conditions d'exercice du métier d'agent public.
Mais nous travaillons aussi à rapprocher le recouvrement fiscal et le recouvrement social, à limiter l'usage des espèces dans l'administration, à lutter contre la fraude.
Du point de vue du service rendu, nous multiplions les points de contact, sans jamais remettre en cause la qualité ni la présence du service public sur tout le territoire. Le président de la République a défini cet objectif comme prioritaire lors de sa conférence de presse du 25 avril.
Madame Lavarde, vos questions trouveront des réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Christine Lavarde. - J'ai consulté les 48 fiches qui relatent la mise en oeuvre des actions prioritaires de votre Gouvernement : j'y ai vu des choses intéressantes mais rien sur la baisse des dépenses publiques. Il faut aller plus vite. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Interdiction des serres chauffantes
M. Joël Labbé . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Il y a quelques semaines, j'interrogeais le ministre de l'Agriculture sur l'interdiction des serres chauffées en agriculture biologique. Votre réponse était ambiguë et je vous l'avais dit.
Depuis, des agriculteurs bio, des citoyens et des ONG se sont emparés du sujet avec force, notamment via une pétition, qui rassemble aujourd'hui plus de 80 000 signataires. Des distributeurs, et non des moindre, se sont engagés à ne pas vendre de produits bio produits sous serres chauffés.
Ce matin, Le Monde publiait une tribune, signée par une centaine de parlementaires, vous appelant à prendre position pour l'interdiction de la production bio à contre-saison. Cette mobilisation et sa forte médiatisation sont la preuve de l'attachement des acteurs de la bio, et des consommateurs-citoyens au cahier des charges AB, garantie de qualité et de respect de l'environnement.
À la veille du Comité national de l'agriculture biologique (CNAB), soutiendrez-vous une interdiction claire des serres chauffées en bio ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Le CNAB se réunira jeudi pour en décider. Ce n'est pas au Gouvernement de dire aux associations ce qu'elles doivent faire... j'ai trop de respect pour la société civile.
La question est plutôt : doit-on surtransposer les directives européennes ? Le Gouvernement n'y est pas favorable. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC)
En revanche, il faut travailler sur la saisonnalité. Il serait scandaleux que des produits bio sortent de serres chauffées en janvier ou en février. L'éducation à la saisonnalité, au goût est indispensable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UC)
Quand il y a des gelées en avril ou mai, nous sommes bien contents qu'il y ait des serres chauffées. La Fédération nationale d'agriculture biologique elle-même n'y est pas opposée, mais il faut fixer des règles. C'est le comité national de jeudi qui prendra sa décision.
En revanche, je le redis : je suis très opposé à la contre-saisonnalité des fruits et légumes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Joël Labbé. - Certes, c'est aux acteurs de décider mais la voix du Gouvernement a son importance. Donner le label AB à des produits de serres chauffées est un non-sens. Le bio doit être local et saisonnier. N'industrialisons pas le label bio, au risque de déstabiliser la filière. Votre réponse ne me satisfait toujours pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Islam et rôle des préfets
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Ma question s'adresse à M. Castaner, ministre de l'Intérieur et des cultes. Alors que notre pays est confronté aux tentatives de certains de remettre en cause les fondements mêmes de notre unité, nous venons d'apprendre qu'une circulaire a été adressée aux préfets pour faire émerger des interlocuteurs du culte musulman et préfigurer un maillage territorial tel que le souhaite l'association Musulmans de France, ex-UOIF, branche française des Frères musulmans.
Si cette immixtion des représentants de l'État dans l'organisation d'un culte se confirme, vous porteriez atteinte à la laïcité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Le document auquel vous faites référence a été émis après les Assises territoriales de septembre 2018 qui a réuni plus de 3 000 représentants du culte musulman ; il ne s'agissait pas d'immixtion dans l'organisation du culte musulman, mais d'encourager une structuration départementale, comme le souhaitaient diverses organisations représentatives du culte musulman.
Le principe de laïcité est totalement respecté. Il s'agit de mettre en place une structuration départementale et pas seulement nationale ou régionale.
Des propositions ont émergé ; nous avons donc relancé les préfets pour entretenir le dialogue. Pour lutter contre la radicalisation, il faut des acteurs structurés, des interlocuteurs. En aucun cas, l'État ne saurait en effet se mêler de l'organisation d'un culte. D'autres assises territoriales se tiendront en septembre.
Mais je ne peux que démentir vos propos : il n'y a pas d'immixtion dans l'organisation du culte musulman.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Comment vous assurez-vous que les organisations radicales ne s'engouffreront pas dans ces instances ? Le président de la République et le Gouvernement doivent être clairs sur le sujet.
Il appartient aux religions de se fondre dans la République, pas l'inverse. Arrêtons de tolérer l'intolérable, de céder aux pressions religieuses. La neutralité est mise à mal.
Pas besoin de réunions chez le préfet, simplement du courage politique, la volonté de refuser toutes les pratiques religieuses qui mettent à mal notre liberté et la neutralité de l'État.
Entendez, monsieur le ministre, le cri d'alarme de l'association des femmes élues de l'Isère, entendez le cri de femmes courageuses qui s'appellent Zineb, Zohra, Fatiha... Votre responsabilité, monsieur le ministre, c'est de ne jamais laisser vaciller la République et la laïcité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Situation des pompiers
M. le président. - Je donne la parole bien amicalement à notre doyen M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle . - (Applaudissements sur tous les bancs) La grève des pompiers risque de durer alors que l'été et le risque d'incendies approchent. De plus en plus sollicités pour des missions qui ne correspondent pas à leurs compétences, confrontés à des manques d'effectifs et de moyens, ils doivent en outre faire face à la disparition des services publics de proximité.
C'est ainsi que dans les zones rurales touchées de plein fouet par la désertification médicale, la situation devient particulièrement préoccupante. Les pompiers sont fréquemment appelés à remplacer les ambulances. Dans les départements de la Gironde et de la Dordogne, cette catégorie d'intervention a augmenté de 13 % et jusqu'à 33 % dans les Landes.
De 2003 à 2018, le nombre d'interventions annuelles effectuées par les pompiers est passé de 3,5 millions à 4,6 millions; le département de la Gironde a subi une hausse de 16 % et celui des Landes une hausse de 26 %. Cette année, la Gironde prévoit de dépasser le seuil des 140 000 interventions contre 115 000 en 2017. Cette hausse de l'activité opérationnelle ne peut se compenser par une rationalisation et mutualisation des moyens dont les limites inquiètent à juste titre toute une profession.
Je fais bien naturellement confiance à mes collègues Catherine Troendlé, Loic Hervé et Patrick Kanner de la mission d'information relative à la sécurité des sapeurs-pompiers pour proposer des solutions capables d'assurer la protection des pompiers et la nécessaire coordination avec les autres acteurs de la sécurité sur l'ensemble des territoires.
Monsieur le ministre, quelle réponse avez-vous l'intention d'apporter aux pompiers qui n'en peuvent plus ? II y a urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Sophie Joissains et M. Loïc Hervé applaudissent également.)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Nous recevons régulièrement les organisations syndicales de sapeurs-pompiers. Et nous l'avons à nouveau fait depuis le dépôt d'un préavis de grève jusqu'au 31 août.
Les agressions augmentent, nous avons mobilisé les préfets pour organiser la coordination des secours et des forces de l'ordre, et nous lancerons une campagne de prévention des sapeurs-pompiers à la rentrée.
Vous avez également évoqué la question du secours aux personnes, qui explose dans notre pays : ainsi, près de 85 % des sorties y sont liées. Avec Mme Buzyn, nous tentons de rationaliser les appels d'urgence.
Enfin, le Gouvernement, avec l'aide de Mme Troendlé, s'est battu au niveau européen pour maintenir le système français de volontariat. Nous espérons parvenir à une modification de la directive et obtenir diverses dérogations. Je salue une nouvelle fois l'engagement, le courage, la détermination et le grand professionnalisme des sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. le président. - Je salue notre nouvelle collègue, Mme Agnès Constant, de l'Hérault et lui souhaite un heureux mandat. (Applaudissements)
Pénurie de médicaments et homéopathie
M. Michel Canevet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) À l'initiative du groupe Libertés et Territoires, une mission sénatoriale a rendu le 30 novembre dernier 30 propositions sur la pénurie de médicaments parmi lesquelles une meilleure coordination à l'échelle européenne et l'accroissement de la localisation de la production et la recherche de principes actifs dans notre pays. Qu'en est-il de la mise en oeuvre de ces propositions ?
Plus de la moitié des Français utilisent régulièrement l'homéopathie, et 72 % des Français lui font confiance. Sera-t-elle déremboursée suite aux recommandations de la Haute Autorité de santé ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UC ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudit également.)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Vous rappelez les 30 recommandations de l'excellent rapport Decool-Daudigny. Ma feuille de route, que j'ai présentée hier, reprend nombre d'entre elles.
Les causes de la pénurie de médicaments sont multiples : manque de matières premières, accident sur un site de production, compétition entre pays, vieux médicaments jugés non rentables. Nous devons donc trouver un panel de solutions pour lutter contre ces diverses causes. La demande mondiale est croissante - surtout dans les pays émergents - tandis que l'offre stagne.
Nous devons donc nous pencher sur l'ensemble de la chaîne du médicament. Nous travaillons par exemple sur le principe d'une mutualisation des achats au niveau européen, notamment pour les vaccins. L'Agence du médicament va réfléchir à la façon de parer aux pénuries de médicaments.
Nous expertisons la mise en place d'une solution publique provisoire pour assurer l'approvisionnement des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur en cas d'échec des négociations avec les laboratoires.
Sur l'homéopathie, vous aurez ma réponse demain.
M. Michel Canevet. - Nos concitoyens s'inquiètent de cette pénurie. Les grossistes-répartiteurs peuvent témoigner de sa réalité. Il est urgent d'agir.
Beaucoup de gens font confiance à l'homéopathie pour se soigner. Elle est très utilisée. Son déremboursement aurait des conséquences. Tenez-en compte, madame la ministre, sous peine de créer une médecine à deux vitesses. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UC)
La séance est suspendue à 17 h 50.
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
La séance reprend à 18 heures.