Clarifier et actualiser le Règlement du Sénat
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le Règlement du Sénat, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat.
Discussion générale
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) C'est une oeuvre de longue haleine que nous achevons par le débat d'aujourd'hui. Son ambition méticuleuse est de rendre notre Règlement plus lisible et maniable, en regroupant au sein des mêmes articles toutes les dispositions relatives aux mêmes sujets, de sorte qu'il ne soit pas besoin d'aller chercher des règles complémentaires dispersées dans la présentation actuelle de notre Règlement.
Conduit sous l'impulsion de notre président, ce travail de longue haleine est basé sur de nombreuses concertations. C'est une première : la discussion sur la modification du Règlement du Sénat s'est faite, en partie, selon la procédure de la législation en commission. À la demande du groupe CRCE, un certain nombre de dispositions restent néanmoins à débattre en séance.
Les réformes du Règlement du Sénat ont toujours été inspirées par notre tradition du pluralisme de notre assemblée, ce qui les rend souvent consensuelles. J'ai auditionné tous les présidents de groupe et tous les présidents de commission. Je m'en réjouis car nous sommes témoins des difficultés que, dans d'autres assemblées, la modification du Règlement suscite entre les groupes.
Le Sénat est, il est vrai, beaucoup plus avancé que l'Assemblée nationale dans la modernisation des procédures, et je me réjouis de constater que la réforme Larcher de 2015 a inspiré la Chambre basse, notamment pour la procédure de législation en commission, du contrôle de la distinction entre la loi et le règlement, le droit de réplique lors des questions d'actualité, etc. : le Sénat peut être fier de ses procédures, respectueuses aussi des groupes minoritaires et d'opposition, qui aujourd'hui ont fait école.
Malgré son volume, ce texte présente une portée volontairement limitée et un objectif plus modeste que les réformes de fonds que nous avons examinées ensemble. Il s'agit néanmoins de clarifier, de simplifier et de codifier, bref de réécrire à droit quasi constant notre droit parlementaire pour le rendre plus lisible.
J'apprécie tout particulièrement de voir disparaître des dispositions du Règlement que j'ignorais et qu'il a fallu exhumer pour l'occasion, car elles étaient tombées en désuétude. En cas d'urgence, le Règlement prévoit que les délégations de vote sont faites par télégramme, ou bien que les pétitions sont réunies au sein d'un feuilleton, qui n'est plus publié depuis de nombreuses années ; il mentionne encore des questions orales avec débat, qui n'ont plus d'utilité depuis la création des débats d'initiative sénatoriale. Enfin, pour les scrutins publics, le Règlement prévoit que les secrétaires se réunissent dans le couloir droit de l'hémicycle pour les votes « pour » et dans le couloir gauche pour les votes « contre ». (Sourires à droite)
Les mécanismes de double annonce s'imposent encore dans certaines nominations, ce qui mérite d'être supprimé aussi.
Enfin, certains laconismes peuvent déboucher sur une obscurité de nos procédures fixées selon des règles coutumières. Les plus importants de ces usages mériteraient de figurer explicitement dans notre Règlement pour que nous sachions exactement à quoi nous en tenir.
Je n'ai eu qu'à vérifier que la proposition de résolution se faisait à droit constant. J'ai été soucieux de respecter l'esprit de cette modification de notre Règlement. Si la réforme constitutionnelle devait aboutir, nous devrions en tirer les conséquences pour notre Règlement, d'où mon attention à ne pas changer les équilibres profonds et consensuels qui définissent notre procédure parlementaire. J'ai néanmoins proposé quelques apports prudents, et la commission a bien voulu me suivre.
Ainsi l'intervention de la Conférence des présidents concernant les droits attribués à chacun des groupes au début de chaque année est un ajout de notre part.
De même, une autre mesure consacre le rôle des présidents des commissions des finances et des affaires sociales dans le contrôle de la recevabilité financière et sociale des amendements.
Nous avons aussi intégré la jurisprudence du Conseil constitutionnel en ce qui concerne la tenue de jours supplémentaires de séance sur demande du Gouvernement.
Nous avons procédé à des clarifications techniques sur la seconde délibération, le vote par division, et la mise en place du scrutin électronique prévue au 1er octobre 2019. Enfin, nous avons pérennisé la mission de veille contre les surtranspositions confiée à notre commission des affaires européennes.
Cette première étape était nécessaire. Il était judicieux de ne pas mélanger les genres en nous concentrant sur une exigence de visibilité et de modernité de notre Règlement avant d'entreprendre, éventuellement, une réforme plus profonde. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Bernard Buis . - Outre des modifications rédactionnelles concernant presque les deux tiers des articles de notre Règlement, cette proposition de résolution vise à garantir la lisibilité et l'intelligibilité de notre Règlement intérieur par la simplification et la clarification de la rédaction de certains articles, à l'instar de la règle de l'entonnoir ou encore de la procédure des propositions de résolution européenne ; par le rassemblement systématique des dispositions semblables au sein d'articles ou de chapitres dédiés comme en témoigne la création d'un chapitre spécifique aux organisations extraparlementaires ou à l'organisation des travaux de commission.
Ce texte simplifie aussi notre procédure en allégeant l'examen en séance publique : ainsi en est-il de la suppression, pour les procédures de nomination, des mécanismes de double annonce en séance publique, de la transformation de certaines obligations réglementaires, annuelles en obligations pluriannuelles, à l'image de l'obligation de déclaration comme groupe d'opposition ou minoritaire.
Ce texte améliore aussi la planification des travaux par la Conférence des présidents en prévoyant notamment l'envoi, par le Premier ministre, des demandes d'inscription à l'ordre du jour prioritaire au plus tard la veille de la réunion de la Conférence ou en consacrant un délai pour la communication des sujets de contrôle.
Enfin, ce texte améliore les modalités de remplacement d'un membre du Bureau ou d'un membre de commission hors session, ou encore de la possibilité pour une commission permanente de nommer plusieurs rapporteurs sur un texte. Il supprime aussi des dispositions jugées désuètes ou inappliquées, à l'instar du recours au scrutin public ordinaire en cas de doute sur la commission compétente, la référence aux procès-verbaux, l'annonce du dépôt en séance des textes législatifs ou encore le dispositif des questions orales avec débat sur des sujets européens.
Cette proposition de résolution opère à droit quasi-constant, preuve que notre outillage règlementaire ne manque pas de souplesse.
Notre groupe exprime néanmoins certaines réserves sur l'aspect discrétionnaire de l'article 8 : désormais, ce seront les présidents, et non plus les bureaux, des groupes politiques qui remettent au président du Sénat la liste des candidats qu'ils ont établis pour siéger dans les commissions permanentes.
La modification de l'article 75 bis supprime le temps de parole de deux minutes et demie pour les questions d'actualité au Gouvernement renvoyant le temps de parole à la Conférence des présidents. Nous doutons de l'opportunité d'une telle mesure.
Nous aurions enfin souhaité apporter quelques utiles précisions sur le cadre applicable aux commissions d'enquête sénatoriales. L'affaire Benalla a révélé une pratique peu conforme à l'esprit transpartisan qui caractérise d'ordinaire une enquête sénatoriale. En effet, les membres de la commission des lois auraient sans doute apprécié prendre connaissance, avant la levée de l'embargo médiatique, du rapport sur la base duquel ils étaient appelés à se prononcer.
En dépit de ces quelques remarques, notre groupe apporte son soutien à cette révision.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Merci !
Mme Éliane Assassi . - Cette réforme du Règlement intervient dans un contexte institutionnel agité, marqué par l'incertitude de la révision constitutionnelle voulue par le président Macron.
Si le retrait de l'inscription dans la Constitution d'un recul important concernant les droits du Parlement est un acquis, le fait de renvoyer ces modifications aux règlements des assemblées ne nous rassure pas.
La réforme du Règlement de l'Assemblée nationale confirme l'atteinte portée au droit d'expression : limitation du temps de parole, du droit d'amendement et confinement de la séance publique au strict nécessaire... Tout cela n'augure rien de bon pour l'avenir du pouvoir législatif.
Ce qui fait la force du Parlement, c'est le débat, la participation à l'élaboration de la loi, le droit de modifier les propositions gouvernementales. Sans confrontation des idées, le Parlement est moribond.
Une démocratie qui perd son socle parlementaire est au bord du précipice.
Mercredi dernier, monsieur le président du Sénat, vous vous êtes inquiété de la généralisation de la procédure accélérée et du recours aux ordonnances. Cependant, les assemblées ne se démunissent-elles pas elles-mêmes de leur capacité à peser sur l'examen des lois ? Cet aveuglement est incompréhensible.
Le Sénat a su montrer son utilité. Il peut se ressaisir et envoyer le message selon lequel le Parlement ne doit pas se désarmer : son arme, c'est le droit de proposer et de s'opposer.
Votre réforme serait à droit quasi-constant, ce qui implique que des modifications sont néanmoins apportées.
L'évolution la plus marquante de cette proposition de résolution concerne les irrecevabilités. Nous assistons à une sorte d'automutilation du Sénat... Il fut un temps, celui de MM. Arthuis et Marini, où le Sénat résistait à l'extension sans fin des irrecevabilités. Ils avaient proposé d'abroger l'article 40 de la Constitution ! M. Hyest, rapporteur sur la réforme de 2008, s'était opposé au transfert aux présidents des assemblées de la mise en oeuvre de l'article 41 de la Constitution, irrecevabilité dite règlementaire. Il déclarait : « On ne peut écarter que cette irrecevabilité, dès lors qu'elle serait soulevée à l'initiative des présidents des assemblées, soit appliquée lors du dépôt d'amendement. Le droit d'expression des parlementaires en serait affecté ».
Pourquoi cette affirmation ne serait-elle plus d'actualité ? Faut-il admettre la start-up nation, chère à M. Macron ?
Cette réforme soutient une conception particulièrement extensible de l'irrecevabilité qui met en péril le droit d'amendements. Ils ne seraient plus que des sortes de commentaires des projets de loi.
Idem pour la règle de l'entonnoir qui pourrait devenir la règle dès la première lecture. Cela tuerait le débat et désorganiserait la séance publique. Pourquoi se précipiter ainsi et graver dans le marbre des dispositions qui limitent le pouvoir des parlementaires ? Pourquoi ne pas attendre l'éventuelle révision constitutionnelle pour modifier notre Règlement ?
Nous avons voulu ce débat en séance publique car l'heure est au redressement du Parlement, pas à son avilissement.
Si nos propositions de défense des droits du Parlement sont repoussées, nous ne voterons pas cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. Jean-Pierre Sueur . - Je voulais d'abord saluer l'initiative de notre président Gérard Larcher qui nous propose une nouvelle rédaction de notre Règlement, notre bien commun qui régit notre activité parlementaire. Il était nécessaire de faire évoluer certaines rédactions, comme l'a très bien dit notre président rapporteur, Philippe Bas.
La révision constitutionnelle semble menacée mais pourrait être utile pour le fonctionnement du Parlement.
En effet, il n'est pas acceptable que la procédure accélérée devienne la procédure de droit commun. Il faudrait que la Conférence des présidents puisse s'y opposer dans un certain nombre de cas. Jusqu'à il y a peu, la navette, la double lecture, était la règle. Cela permettait de peaufiner l'écriture des textes et les présentations d'amendements duraient à l'époque cinq minutes. Comment faisait-on ? Peut-être y avait-il un peu moins de lois cependant... Il serait sans doute préférable qu'il y en ait moins aujourd'hui.
De même, je ne me résous pas à cette déperdition de temps parlementaire : beaucoup de propositions de loi adoptées - parfois à l'unanimité - par notre assemblée ne sont jamais inscrites à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Marques d'approbation à droite) Comme l'a proposé un ancien président de la commission des lois, il serait sage qu'une proposition de loi examinée par une assemblée soit nécessairement examinée par l'autre dans l'année qui suit. Sinon, on tente de transformer les propositions de loi en amendements. Mais ceux-ci se voient déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution !
La solution serait peut-être d'en revenir aux textes portant « diverses dispositions » d'actes divers, ce qui neutraliserait l'article 45. Il n'est en tout cas pas acceptable que l'initiative parlementaire soit ainsi dévoyée et que l'on ne puisse faire aboutir les propositions de loi qui nous tiennent à coeur.
Merci à notre rapporteur d'avoir repris la résolution que nous avions proposée avec M. Montaugé, validée par le Conseil constitutionnel, et qui étend les pouvoirs du rapporteur d'un texte au-delà de son adoption, afin de faciliter le suivi de l'application des lois. Si la plupart des décrets ne sont pas publiés dans les deux ans, le président de la commission compétente pourrait inviter le ministre à venir rendre des comptes.
Je reviendrai lors du débat sur les commissions d'enquête. Il serait souhaitable de préciser que la publicité de leurs auditions est la règle, quitte à ce qu'elles décident de siéger à huis clos. La totale transparence de leurs travaux est un acquis. Personne ne comprendrait que l'on revienne là-dessus.
Par rapport aux règles de présence, il eût été sage d'appliquer aux sénateurs représentant les Français de l'étranger les mêmes règles que pour nos collègues élus d'outre-mer car leurs contraintes sont semblables. Mais comme cette règle a été adoptée en commission, nous n'y reviendrons pas aujourd'hui.
De même, nous devrions revoir l'ordre d'examen des motions de procédure, dans le cas d'une proposition de loi référendaire, car l'article 11 de la Constitution de 2008, a été fait pour ne pas servir.
Enfin, nous avons proposé un amendement de bon sens sur les collaborateurs parlementaires, en prévoyant qu'ils assistent les sénateurs « à l'exclusion de toute autre tâche » : Cet ajout me semblait de bon sens, et l'histoire récente montre qu'il ne serait pas totalement inutile, mais n'a pas été retenu par la commission. Je n'ai toujours pas compris pourquoi, car si cela va sans dire, cela va mieux en le disant. C'eût été une protection tant pour les sénateurs que pour leurs collaborateurs.
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Ce texte est de faible portée politique. Il procède du souhait du président du Sénat d'expurger de notre Règlement des références obsolètes datant parfois de la IIIe République.
Certains verront disparaître avec nostalgie sans doute la mention des « télégrammes » et des « feuilletons », mais c'était avant l'ère des réseaux et des nouvelles technologies...
D'autres suppressions, comme celle des questions orales avec débat remplacées par les débats d'initiative parlementaire, soulignent la capacité de notre Haute assemblée à se rénover, servant souvent de modèle à l'Assemblée nationale. Bien que des marges d'évolution demeurent, les questions qui agitent nos collègues députés ont depuis plus longtemps trouvé des réponses apaisées ici que l'on pense à la régulation du temps de parole en séance publique ou à l'allègement de la procédure parlementaire pour l'examen des réformes consensuelles. L'application de la procédure de législation en commission à cette réforme du Règlement en est le parfait exemple.
Certaines dispositions de notre Règlement pourraient être modifiées dans les mois à venir en raison de la réforme institutionnelle. Certains de nos collègues souhaitent les aborder dès à présent. Au nom de la commission des affaires européennes, M. Bizet souhaite ainsi renforcer le rôle d'alerte de cette dernière.
Je pense aussi aux procédures d'application des règles d'irrecevabilités qui contraignent notre capacité d'action et ne sont pas suffisamment motivées. Chaque fois que le Sénat cherche à se montrer vertueux dans la rationalisation de son activité parlementaire, il s'instaure une asymétrie de prérogatives entre lui et le Gouvernement ou entre lui et l'Assemblée nationale.
C'est le cas en matière de recevabilité des amendements. Alors que l'Assemblée nationale donne à nos collègues de plus grandes marges de manoeuvre, quand bien même leurs initiatives sont ensuite censurées par le Conseil constitutionnel, il n'en demeure pas moins que leurs propositions demeurent inscrites au compte rendu et peuvent nourrir les réflexions futures du législateur.
C'est également le cas en matière de règles de dépôt d'amendements, alors que les sénateurs souffrent de délais plus contraints que le Gouvernement et tandis que la procédure accélérée est progressivement devenue la norme. Si le parlementarisme rationalisé a d'abord fait ses preuves, l'adaptation continue des pratiques parlementaires au nouveau cadre constitutionnel ne permet plus d'améliorer la qualité de la loi. Pour pallier ces limites, le délai de réflexion de deux semaines entre l'examen en commission et l'examen en séance devrait être strictement observé.
Le poids des lobbies n'est-il pas le premier responsable de cette dégradation législative ?
Toutes ces contraintes dégradent nos capacités d'analyse et de propositions.
Je souhaite aussi l'attribution aux groupes d'opposition et aux groupes minoritaires du rapport des textes dont ils veulent débattre dans leur ordre du jour réservé.
Enfin, tant l'affaire Fillon que l'évolution des rapports institutionnels placent le Sénat en situation de « seul pouvoir constitutionnel non aligné », pour reprendre les mots du président Bas, et ils posent la question des moyens humains mis à disposition des parlementaires. Aux côtés de l'administration parlementaire, les collaborateurs dont nous nous entourons pourraient être ainsi mieux associés à nos travaux. Le groupe RDSE porte cette question depuis longtemps.
Si la réforme constitutionnelle semble reportée sine die, il n'en était pas moins nécessaire de revoir notre Règlement.
Le groupe RDSE votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Les questions orales avec débat n'existent plus, non plus que les procès-verbaux depuis 2009. Il était temps de dépoussiérer notre Règlement, pour le rendre plus lisible et plus facile d'accès. Les codifications des pratiques préexistantes sont également utiles. C'est l'acte II de la réforme Larcher, après celle de 2015 réformant les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale.
Il s'agit ensuite pas moins de rendre nos travaux plus intelligibles, pour un Sénat plus moderne, plus efficace : c'était déjà le cas en 2015 et c'est encore le cas aujourd'hui avec la discussion de ce jour.
Un Sénat plus présent, c'est un Sénat qui pérennise la mission de veille contre les surtranspositions, mission confiée à la commission des affaires européennes.
Un Sénat plus moderne, c'est un Sénat qui adapte son Règlement à la mise en place du scrutin public électronique, prévue à compter du 1er octobre.
Un Sénat plus efficace, c'est un Sénat qui allège la séance publique, facilite la planification des travaux par la Conférence des présidents, ou encore, qui intègre des règles relevant de la pratique.
Cet utile effort de clarification supprime des dispositions qui initiaient un large et rare consensus politique quant à leur obsolescence, qu'il s'agisse des délégations de vote par télégramme ou des pétitions réunies au sein d'un feuilleton, qui n'est plus publié depuis de nombreuses années. Comment ne pas soutenir la suppression d'une mesure découverte lors de l'examen de cette proposition de résolution, selon laquelle, lors des scrutins publics, les secrétaires doivent se tenir dans le couloir droit de l'hémicycle pour les votes « pour » et dans le couloir gauche pour les votes « contre » ?
Nous pouvons être fiers de la manière dont les échanges se sont passés entre tous les groupes, sans donner lieu à des éclats. Grâce à la concertation, le texte est consensuel.
Cette résolution sort enrichie de débats constructifs, qu'il s'agisse des droits attribués aux groupes au début de chaque année, des précisions quant au contrôle de recevabilité financière ou sociale mais également des conditions de travail de nos collaborateurs, avec la pérennisation d'une cellule d'écoute et d'accueil pour assurer un travail parlementaire juste et équilibré.
Faire évoluer le Sénat et son fonctionnement au quotidien, c'est améliorer son image et participer d'une plus grande transparence de son fonctionnement et de son apport non négligeable au travail parlementaire. Notre institution est parfois la mal-aimée de la République car incomprise, critiquée car à l'écart de la politique médiatique, celle-là même qui se trouve être à bout de souffle et qui ne convient plus à nos concitoyens.
Elle montre que loin d'être une institution sclérosée, le Sénat évolue et se donne les moyens de se transformer. Ses initiatives servent d'ailleurs d'exemples à l'Assemblée nationale.
Voilà un exercice consensuel, pragmatique et constructif pour un travail parlementaire plus efficace.
Le groupe UC votera bien sûr cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Roger Karoutchi. - Monsieur Malhuret, soyez aussi bon que la dernière fois !
M. Claude Malhuret . - En avril, le président du Sénat, après avoir consulté les groupes parlementaires, a déposé une proposition de résolution pour actualiser notre Règlement, devenu difficile d'accès en raison de la sédimentation des mesures diverses, anciennes voire obsolètes.
Cette proposition de résolution modifie près d'une centaine d'articles de notre Règlement et crée une vingtaine d'articles nouveaux. Elle rend plus facile d'accès le Règlement. Elle simplifie les procédures et supprime des dispositions obsolètes ou inappliquées. Notre rapporteur président a tenu à conserver l'esprit de la réforme et a logiquement refusé certains amendements.
Je salue l'extension du pouvoir de la Conférence des présidents, la reconnaissance du pouvoir de contrôle de recevabilité des présidents des commissions des finances et des affaires sociales, ou enfin l'intégration de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les jours supplémentaires de séance demandés par le Gouvernement.
Je salue aussi l'adaptation à la mise en place du scrutin public électronique au 1er octobre prochain et l'inscription de la mission de veille contre les surtranspositions confiées à la commission des affaires européennes.
Bref, ce travail à droit quasi-constant aboutit à un dépoussiérage utile et nous le voterons sans réserve ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants, Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. François Bonhomme . - Cette proposition de résolution résulte d'un effort de concertation avec tous les groupes très en amont. Elle modifie les deux tiers des articles et introduit une vingtaine de nouveaux articles. Elle contribue à rendre notre Règlement plus lisible et plus clair, remédiant à l'ésotérisme né d'une sédimentation année après année. Certaines règles comme celle sur la composition et la procédure de désignation de notre Bureau à la proportionnelle sont dispersées entre les articles 2, 3 et 6. Nous les avons regroupées.
D'autres mesures étaient manifestement obsolètes. Qui a utilisé les télégrammes prévus pour les délégations de vote à l'article 64 ? Seuls les plus anciens se souviennent de l'existence, prévue par l'article 89, « d'un feuilleton portant l'indication sommaire des pétitions et des décisions ». Qui sait encore où les secrétaires pour les scrutins publics doivent-ils, en principe, prendre place ? Ca sent bon la IIIe République !
La proposition de résolution clarifie et actualise le contenu du Règlement. Nous ne pouvons que l'approuver car elle se fait à droit quasi constant. Les changements opérés ne modifient pas la substance de la procédure parlementaire devant le Sénat, ils l'adaptent à des pratiques devenues coutumières.
Merci au président Larcher pour cette proposition de résolution bienvenue dont nous espérons qu'elle présage des modifications plus substantielles du Règlement, pour un travail parlementaire encore plus efficace. Nous aurons, sans aucun doute, de nombreuses propositions à faire lors des réformes institutionnelles pour consolider les outils de contrôle de l'action du Gouvernement et faire en sorte que les politiques publiques répondent mieux aux attentes de nos concitoyens et de nos territoires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Joissains applaudit également.)
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
M. Yves Bouloux . - Nous aurions pu nous contenter de prendre acte des modifications du Règlement proposées par le président Larcher et parfaites par la commission des lois. Comme le président-rapporteur l'a rappelé, celles-ci se font à droit quasi constant. L'objectif n'est pas sans nous rappeler la mission « Bureau d'annulation des lois anciennes et inutiles » de Vincent Delahaye.
Hasard du calendrier, l'Assemblée nationale a également débattu il y a quelques jours de son règlement. De façon plus spectaculaire : des centaines d'amendements avaient été déposées. On mesure toute l'importance du travail sénatorial pour l'apaisement du débat public.
Cette proposition de résolution laisse augurer des débats que nous aurons lors d'une éventuelle réforme constitutionnelle. D'abord, sur le rôle des collaborateurs de groupe et des collaborateurs de parlementaires. La récente création d'une instance de dialogue et les premières élections professionnelles qui seront organisées à la fin de ce mois indiquent que la tendance est à son affirmation. Cela ne doit pas être l'occasion d'une forme de concurrence avec les administrateurs, la place du parlementaire doit demeurer centrale.
Ensuite, le droit des groupes minoritaires, fondement incontournable du bon fonctionnement et de la vivacité de notre démocratie.
Enfin, le droit d'amendement et les irrecevabilités. Certains voudraient que la commission des finances motive chaque rejet d'amendement au titre de l'article 40. Vu l'état de nos finances publiques, ne devrait-on pas plutôt attendre des sénateurs qui présentent des amendements qu'ils justifient leur soutenabilité ?
Je suivrais l'avis du président-rapporteur Bas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bas, rapporteur. - Merci.
M. René Danesi . - Ce texte est bienvenu d'autant qu'il ouvre la voie à des propositions de résolution complémentaires. Il met notre procédure parlementaire définitivement à l'abri d'une révision constitutionnelle totalement imprévisible dans le temps et dans ses formes.
Quelques points méritent un débat de fond. En premier lieu, les irrecevabilités. Il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur celle au titre de l'article 45, premier alinéa, de la Constitution. L'appréciation du « lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » doit être discutée en commission - ce qui est d'ailleurs prévu. Cela éviterait des psychodrames en séance, comme nous en avons connu avec l'amendement portant le délai de l'IVG de 12 à 14 semaines qui avait peu à voir avec le projet de loi. (Murmures réprobateurs sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
Idem pour l'irrecevabilité financière au titre de l'article 40. En pratique les amendements sont exécutés au coin du bois par les administrateurs et le président de la commission. Plus personne n'en entend parler, ils deviennent des « invisibles du Sénat ». L'Assemblée nationale, elle, ne transforme pas l'article 45 en robe de bure, pas plus que l'article 40 en calice.
En second lieu, le contrôle des ordonnances. Les ordonnances étant d'application immédiate, le Gouvernement a pris l'habitude de faire procéder à leur ratification au moyen d'articles figurant dans des projets de loi à portée générale comme la loi Pacte, ou même, au dernier moment, par voie d'amendements. Dans ces conditions, le Parlement n'a ni le temps ni les moyens de contrôler l'usage qui a été fait de la délégation de son pouvoir législatif. Il arrive même qu'il n'y ait aucun contrôle du tout car peu de lois de ratification sont inscrites à l'ordre du jour ès qualité. À la fin de la session 2017-2018, il y avait ainsi un stock de 38 textes en instance. Il faudrait une concertation exigeante avec le Gouvernement pour un contrôle continu des ordonnances, lesquelles devraient d'ailleurs se cantonner aux sujets techniques. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je me réjouis de la qualité de cette discussion qui fait apparaître une très large convergence de vues sur cette proposition de résolution du président Larcher.
La question délicate des irrecevabilités doit s'inscrire dans une réflexion large. Les grands électeurs et nos concitoyens nous le disent souvent, les lois sont difficiles d'accès. Même si nul n'est censé ignorer la loi, la loi est généralement ignorée à force d'obésité et de boursouflures. Si l'on veut bien considérer la question sous cet angle, chacun s'accordera sur la nécessité de s'assurer du lien, même indirect, que présentent nos propositions avec le texte. Cela ne nous prive nullement de notre droit d'amendement. À preuve, le nombre d'articles votés est de 2 à 2,5 fois plus important que le nombre d'articles déposés par le Gouvernement.
Quant aux irrecevabilités financières, la commission des finances du Sénat est bien moins sévère que la commission des finances de l'Assemblée nationale. (Mme Éliane Assassi le conteste.) À l'Assemblée nationale, 7 % des amendements sont éliminés pour irrecevabilité financière, contre 5 % au Sénat. Compte tenu du nombre d'amendements déposés dans une chambre et dans l'autre, la différence est assez substantielle.
Nous reviendrons sur les autres sujets lors de la discussion des articles.
La discussion générale est close.