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Table des matières
Déclaration de politique générale du Gouvernement
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire
Mise au point au sujet de votes
M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la proposition de loi
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois
M. Sébastien Lecornu, ministre
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
M. Mathieu Darnaud, rapporteur
M. Philippe Bas, président de la commission
Ordre du jour du jeudi 13 juin 2019
SÉANCE
du mercredi 12 juin 2019
103e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Françoise Gatel, M. Guy-Dominique Kennel.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Déclaration de politique générale du Gouvernement
M. le président. - L'ordre du jour appelle la lecture d'une déclaration de politique générale du Gouvernement.
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vais donner lecture du discours de politique générale que le Premier ministre prononce en ce moment à l'Assemblée Nationale.
Je veux vous dire l'honneur et la fierté que je ressens d'être ici, au Sénat pour prononcer devant vous, mesdames et messieurs les sénateurs, ce discours de politique générale.
Le fait que je lise mot pour mot le texte du Premier ministre prêtera parfois à sourire mais nous sommes toutes et tous attachés aux règles de notre Constitution.
« Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs,
« Voilà deux ans maintenant que nous gouvernons et il y a toujours urgence. Peut-être davantage encore.
« Urgence économique, comme le crient les salariés des usines de Belfort, d'Amiens et d'ailleurs.
« Urgence sociale, comme le crient nos concitoyens des territoires isolés, comme le disent les personnels hospitaliers.
« Urgence écologique, comme le crient les jeunes Français à l'encontre des gouvernements et des entreprises qui n'en font pas assez.
« Urgence politique. Le 26 mai, l'extrême droite est arrivée en tête des suffrages en France. » (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. François Bonhomme. - Ce n'est pas un hasard !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Comme dans beaucoup de démocraties occidentales, la radicalité politique, nourrie de l'obsession du déclin et de la peur de l'autre, structure désormais une part de notre vie démocratique.
« Cette urgence, elle nous rassemble : c'est elle qui a conduit à l'élection du président de la République ; c'est elle qui a donné une majorité au président lors des élections législatives ; c'est elle qui a guidé votre vote de confiance au Gouvernement il y a deux ans, pour conduire un intense agenda de transformations. Je ne reviendrai pas ici sur la longue liste des réformes que nous avons menées. Les Français n'attendent pas un bilan, encore moins un exercice d'autosatisfaction. (On ironise à gauche.) Je veux simplement dire au Gouvernement et à la majorité que j'en suis fier, et que je les remercie du travail accompli.
« Le chômage est au plus bas depuis dix ans ; l'investissement au plus haut depuis douze ans ; la progression du pouvoir d'achat la plus dynamique depuis dix ans. » (Exclamations à gauche)
M. André Reichardt. - Tout va bien !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « La France bat des records d'attractivité. Cela nous donne des motifs d'espoir et une légitimité pour continuer le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
« Nous n'avons eu de cesse, ces deux années durant, de tenir le cap fixé par le président de la République. Celui que nous jugions nécessaire pour libérer les forces de notre pays et protéger ses citoyens. Quitte à prendre des décisions impopulaires. Quitte à commettre des erreurs et j'en prends évidemment ma juste part. Quelles qu'ont été les difficultés, l'essentiel des mesures annoncées dans ma précédente déclaration de politique générale est aujourd'hui engagé. Cette fidélité à la parole donnée a forgé la légitimité de notre action.
« En novembre dernier, nous avons rencontré la colère. Certains diront que nous l'avons seuls créée. Je ne le crois pas. Cette colère vient de loin (Rires narquois sur certains bancs du groupe SOCR) et bien des démocraties l'ont ressentie dans des formes variées. Mais peu importe. C'est à nous, gouvernants, parlementaires, qu'elle était en premier adressée. D'une certaine façon, elle nous rappelait à notre promesse de promouvoir le travail et de lutter contre les injustices. Nous avons décidé des mesures puissantes pour répondre aux aspirations des Français. Et pour apaiser.
« De cette période, qui m'aura marqué profondément, comme je crois chacun d'entre vous, puis du grand débat, qui a permis à des centaines de milliers de Français de se rendre dans leur mairie ou dans des salles publiques pour dialoguer, travailler et réfléchir, le Gouvernement et la majorité entendent tirer la force d'un nouvel élan.
« C'est l'Acte II du quinquennat.
« Une nouvelle étape qui marque une césure, à travers un profond changement de méthode, mais qui va de pair avec deux impératifs : la constance et la cohérence, qui sont bien les seules choses que notre pays n'ait jamais tentées.
« Constance et cohérence dans l'action. Notre pays a besoin de se transformer. Notre ennemi, ce n'est pas le mouvement, c'est le statu quo.
« Constance et cohérence dans nos valeurs ensuite. Nos valeurs, ce sont le patriotisme, l'attachement à la République, l'affirmation de l'idéal européen.
« C'est la quête de justice sociale, pas celle qui se paye de mots, mais celle qui se vit au quotidien.
« C'est la valeur travail. Cette idée simple que les solutions proviendront du travail et qu'il faut donc le récompenser.
« C'est le dépassement des postures et des vieux clivages.
« Plus que jamais, notre pays a besoin de l'union des Françaises et des Français qui veulent agir, loin, bien loin, des logiques partisanes.
« L'engagement partisan est évidemment respectable. » (« Ah ! » sur plusieurs bancs à gauche)
Mme Martine Filleul. - Voilà qui nous rassure !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Le Général de Gaulle, qui n'aimait guère les partis politiques... »
M. Gérard Longuet. - Il en a quand même créé un !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « ... avait tenu à ce que l'article 4 de la Constitution prévoie qu'ils concourent à l'expression du suffrage universel.
« Les partis demeurent donc des acteurs centraux de la démocratie. Je ne crois pas pour ma part que les cultures de gauche et de droite aient disparu. (On renchérit sur les bancs du groupe SOCR.)
« Il y a dans notre pays, une culture de gauche. Une culture de droite. Une culture du centre. (On le revendique sur les bancs du groupe UC.) Le nier, ce serait oublier deux siècles d'histoire politique. Mais ces cultures suffisent-elles à structurer le débat ? Disent-elles quoi faire sur l'Europe, sur l'écologie, sur la politique méditerranéenne, sur la décentralisation ? Je ne crois pas, mesdames et messieurs les sénateurs, que le vrai sujet soit aujourd'hui, de savoir comment ressusciter la gauche ou sauver la droite. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.)
« Le but est de savoir comment, avec nos héritages, nos sensibilités, nos différences, nous dépassons nos habitudes, pour nous rassembler, pour relever les défis de notre pays et de notre planète. »
Mme Éliane Assassi. - On a le droit de ne pas être d'accord !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Les maires savent combien la logique de rassemblement est puissante (Exclamations ironiques sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains) et je salue tous ceux, d'où qu'ils viennent, qui sont prêts à nous rejoindre dans le soutien au président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe RDSE ; exclamations ironiques sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains)
« Car nous avons beaucoup fait depuis deux ans, mais il reste tant à faire !
« Au coeur de l'acte II, il y a d'abord l'ambition écologique.
« Plus personne n'a aujourd'hui, le monopole du vert, et c'est aussi cela, le dépassement des anciens clivages.
« Je connais les soupçons me concernant - c'est le Premier ministre qui parle. (Rires et applaudissements)
« Je viens de la droite (Mêmes mouvements), j'ai travaillé dans une grande entreprise française du nucléaire, je suis élu d'une ville industrielle, je ne pourrais donc ni rien comprendre, ni rien faire. »
Moi qui ai une histoire différente, un parcours différent, je suis fier de servir sous les ordres du Premier ministre et du président de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC) Je reprends...
« Je trouve que c'est faire peu de cas de ma culture politique, de mon expérience au Havre et de ces deux années de gouvernement. Mais oui, j'ai mis du temps, comme d'autres Français, à considérer que ces enjeux étaient aussi urgents que la défense de l'emploi ou la sécurité. Les jeunes nous bousculent, partout dans le monde et en Europe. Partout nous constatons les dérèglements climatiques, la pollution de l'air, des sols et des mers qui menacent notre santé et la biodiversité.
« Je ne me ferai pas passer pour un autre. (Nouvelles exclamations amusées)
« Je ne suis pas un défenseur de la décroissance. Je crois dans la science, je voudrais qu'elle ait plus de place dans le débat public, que nos décisions soient davantage éclairées par elle. Je sais ce que notre pays doit à son agriculture et la chance qu'il a de pouvoir compter sur des agriculteurs exigeants et passionnés.
« J'aime l'industrie : j'admire ses salariés, ouvriers, techniciens et ingénieurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SOCR)
« Je crois en l'économie de marché régulée par le politique, en l'innovation et en la force de la croissance.
« Je crois possible un nouveau modèle économique qui produise des richesses, donc de l'emploi, sans salir, sans contaminer, sans détruire, sans condamner ceux qui viendront après nous ou ceux qui vivent loin de nous. Et je crois qu'à chaque fois que nous mettons une incitation financière publique en place, il faut s'interroger sur son efficacité réelle et songer à la façon dont les acteurs privés prendront un jour le relai. Il faut inventer un modèle économique où la sobriété énergétique, les transports propres, la saine alimentation, le recyclage progressent beaucoup plus vite que le taux de croissance. C'est ma conviction et je veux être jugé sur les actes.
« Car ces douze prochains mois seront ceux de l'accélération écologique. » (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. André Gattolin. - Bravo !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Le premier axe de notre plan de bataille, c'est de rendre plus propre notre économie, et tout d'abord notre manière de produire notre énergie et de nous déplacer. C'est l'objet des deux projets de loi dont vous êtes saisis, la loi d'orientation des mobilités et la loi énergie-climat. Je souhaite qu'elles puissent être votées avant l'été.
« C'est ce gouvernement qui fermera la centrale de Fessenheim, avant la fin 2020, et qui a proposé un chemin crédible pour réduire la part du nucléaire à 50 % d'ici 2035, avec le développement massif du renouvelable et notamment de l'éolien en mer. »
M. Alain Fouché. - Impossible !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « En arrivant aux responsabilités, nous avons concrétisé et considérablement baissé les coûts de six appels d'offres qui étaient bien mal partis. Aujourd'hui, le projet au large de Dunkerque démontre que les coûts baissent encore plus vite quand les projets sont bien montés. Nous pourrons ainsi augmenter le rythme des futurs appels d'offres à un gigawatt par an. (M. Martial Bourquin s'exclame.) C'est une bonne chose pour le prix de l'électricité, pour notre industrie et pour notre planète !
« Nous finaliserons d'ici la fin de l'année les contrats de transition écologique à Gardanne, Saint-Avold, Cordemais et au Havre, où les centrales à charbon fermeront d'ici 2022.
« Le succès de la prime à la conversion pour l'achat d'un véhicule moins polluant nous permet de doubler notre objectif : nous visons désormais un million de familles d'ici la fin du quinquennat.
« Nous donnerons une nouvelle orientation à notre politique hydroélectrique. En la matière, on ne régule pas seulement une production électrique, mais des vallées et des régions entières. Nous respecterons le droit européen, mais nous n'accepterons pas le morcellement de ce patrimoine commun des Français. »
Mme Éliane Assassi. - C'est pour cela que vous voulez privatiser ?
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Enfin, nous négocierons avec la Commission européenne une nouvelle régulation du prix de l'électricité... »
M. Gérard Longuet. - Enfin !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « ... pour que les Français bénéficient davantage de la stabilité et de la compétitivité que nous donnent nos investissements passés.
« Nous voulons donner aux Français les moyens de se chauffer sans polluer ni payer toujours plus.
« Nous remettrons totalement à plat les aides existantes à la rénovation énergétique. Parce que ces aides sont d'une effroyable complexité. Qu'elles profitent en réalité aux ménages les plus riches. Nous transformerons donc le crédit d'impôt de transition énergétique en une aide plus massive, versée en faveur de ceux qui en ont le plus besoin.
« Reconnaissons-le, à part dans le logement social, nous ne disposons pas aujourd'hui des leviers efficaces pour venir à bout des passoires thermiques qui plombent le climat et le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Inventons-les ensemble ! Je sais que les parlementaires feront des propositions, et j'y suis ouvert. »
Mme Sophie Primas. - Nous l'avons fait il y a deux ans !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Nous en discutions avec Pascal Canfin : il faut sur ce sujet réussir à mobiliser les financements publics et privés, raisonner au-delà des normes et des obligations, mêmes si elles sont nécessaires, réitérer le succès qu'un Jean-Louis Borloo a pu avoir avec l'ANRU en son temps. » (Exclamations ironiques sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR)
Mme Éliane Assassi. - Et le plan Banlieues ? (On renchérit à gauche.)
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Le deuxième axe de notre plan de bataille, c'est de rompre avec le gaspillage. D'en finir avec un modèle de consommation dans lequel les mines sont toujours plus profondes et les montagnes de déchets toujours plus hautes.
« J'ai annoncé notre volonté d'en finir avec cette pratique scandaleuse qui consiste à jeter ce qui ne peut être vendu. Cette mesure constitue une première dans le monde. Elle figurera dans le projet de loi de lutte contre le gaspillage qui sera l'une des trois priorités de la rentrée parlementaire en septembre.
« Nous avons déjà acté la suppression des produits plastiques à usage unique les plus néfastes. Mais je veux que nous allions plus loin. Parce que l'État se doit d'être exemplaire, tous les produits en plastique jetables seront bannis de l'administration à compter de l'année prochaine. (Moues dubitatives à droite comme à gauche)
« Je souhaite également que nous nous fixions un objectif de 100 % de plastique recyclé et nous lancerons dans les prochains jours une grande concertation notamment avec les collectivités, pour étudier la mise en place d'une consigne sur certains emballages. Les collectivités d'outre-mer pourront, si elles le souhaitent, en devenir des territoires pilotes.
« La loi anti-gaspillage prévoira la possibilité d'imposer l'incorporation de plastique recyclé dans toutes les bouteilles en plastique à usage unique.
« Enfin, j'ai noté la volonté de beaucoup de parlementaires d'aller plus loin dans la suppression du plastique à usage unique. Un amendement avait étendu cette obligation à toutes les boîtes plastiques. Nous avions considéré ensemble qu'il déstabilisait trop nos industries et qu'il fallait le corriger. Mais son intention était bonne et je vous proposerai dans le cadre de la loi anti-gaspillage, des dispositions pour interdire progressivement les boîtes plastiques qui ne sont pas constituées de plastique recyclé. »
M. Alain Chatillon. - Quelle hauteur de vue !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « S'agissant de l'alimentation également, nous devons produire et manger mieux.
« Nous nous battrons en Europe - le président de la République l'a réaffirmé - pour garantir un budget de la PAC à la hauteur des besoins de la transition écologique. Un budget qui protège nos agriculteurs et qui leur donne les moyens de produire autrement. »
M. Jean Bizet. - C'est mal parti !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Nous réorganiserons également notre police de l'alimentation pour apporter aux Français davantage de garanties sur ce qu'ils consomment.
« Nous avons lancé avec succès une démarche nationale pour améliorer l'information sur la qualité nutritionnelle des aliments et développer l'utilisation de Nutriscore dans l'étiquetage des aliments. (Mouvements à droite) Nous la défendrons auprès de la Commission européenne et de nos partenaires afin de rendre le Nutriscore obligatoire.
« Un mot pour conclure sur ce point : en matière de prévention, le Gouvernement a un bilan que je crois solide, sur le tabac, les vaccinations, la sécurité routière. Agnès Buzyn m'a proposé d'ouvrir une nouvelle étape, pour s'attaquer à l'obésité. Il s'agira d'un objectif national, pour l'école, la santé, le sport, l'agriculture, l'industrie. Je serai heureux d'accueillir les propositions parlementaires sur ce sujet.
« Avec François de Rugy... (Rires), je souhaite que les Français soient les premiers acteurs de la transition écologique. »
M. Rachid Temal. - Quelle rock star !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « La convention citoyenne pour la transition écologique et climatique constituera un moment de démocratie participative inédit. Elle pourra proposer de nouvelles mesures ; elle pourra en définir le rythme et les financements. Elle rendra ses conclusions au début de l'année 2020. Le Gouvernement s'engage à traduire ces propositions en projets de loi, en mesures réglementaires voire, pour les plus puissantes, à les soumettre à référendum. (« Ah ! » sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR)
« Le Conseil de défense écologique s'assurera pour sa part de la mobilisation au plus haut sommet de l'État pour faire de l'écologie une priorité de l'ensemble de nos politiques publiques. Nous devons défendre aussi bien le climat que le pouvoir d'achat, la qualité de l'air que nos industries ou nos emplois. Nous avons là un nouvel « en même temps » à construire... »
M. Gérard Longuet. - Ah ça oui !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « ... qui appelle les mêmes dépassements : dépassement des oppositions entre producteurs et écologistes, dépassement de nos habitudes de consommation, dépassement des postures. Il faut que nous arrivions à en faire l'affaire de tous. Et il faut que nous nous concentrions sur les résultats concrets, dans le quotidien des Français. Je ne veux pas être l'homme des effets d'annonce, mais celui des engagements tenus. (Mme Sophie Primas s'exclame.)
« Au coeur de l'acte II, il y a l'ambition écologique et il y a la justice sociale.
« La justice sociale, c'est d'abord permettre à toutes et à tous de travailler.
« Le chômage baisse, il a même atteint son plus bas niveau depuis dix ans. Avec 93 000 emplois créés au premier trimestre, les chiffres publiés encore ce matin par l'Insee montrent que nous sommes sur la bonne voie.
« Pour autant, nous n'en avons pas fini avec un chômage de masse qui enferme dans la précarité, qui lamine des familles et des territoires. Chaque période de chômage est une épreuve, est une angoisse. C'est un combat de tous les jours pour celui qui y est confronté. C'est le combat central de mon Gouvernement. Car nous en avons fini avec la résignation et l'idée délétère que tout aurait été tenté contre lui.
« Nous avons renforcé le dialogue social dans l'entreprise, pour mettre fin à la peur de l'embauche. Nous avons réformé la formation professionnelle et l'apprentissage, pour développer les bonnes compétences en face des besoins. Nous avons mis en place un plan pauvreté dont l'objectif central est la reprise d'activité. Il faut maintenant achever ce vaste mouvement de réformes et conduire, comme tous nos voisins l'ont fait, celle de notre assurance chômage.
« Avec la ministre du travail, Muriel Pénicaud, nous présenterons la réforme mardi prochain, le 18 juin ; nous nous fixons plusieurs objectifs.
« Le premier c'est de mettre fin au recours abusif aux contrats courts. Nous avons donné aux entreprises plus de souplesse et de sécurité grâce à la réforme du droit du travail et c'était nécessaire. La contrepartie - vous savez combien j'apprécie ce terme - c'est une responsabilité accrue dans le recours aux contrats courts qui empêchent les salariés de construire leur vie avec un minimum de sérénité.
« C'est pourquoi, dans les cinq à dix secteurs d'activité qui utilisent le plus ces contrats et qui génèrent de la précarité, nous instaurerons un principe de bonus-malus sur les cotisations d'assurance chômage. Dans les autres secteurs, nous prendrons une mesure transversale pour décourager le recours aux CDD d'usage.
« Le deuxième objectif de cette réforme, c'est de faire en sorte que le travail paye toujours plus que l'inactivité. C'est en général le cas. Dans la majorité des situations, les règles d'indemnisation sont bien faites et elles continueront à s'appliquer. Mais il existe des situations où le montant de l'allocation mensuelle du chômage est supérieur au salaire mensuel moyen perçu. Nous devons y mettre fin.
« Le troisième objectif vise à introduire une dégressivité de l'indemnisation pour les salariés qui perçoivent les salaires les plus élevés et qui sont en mesure de retrouver un emploi plus vite que les autres.
« Quatrième objectif de la réforme de l'assurance chômage : renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emplois. Vous le savez, le Gouvernement a regretté que les partenaires sociaux n'aient pu, par le dialogue, réformer eux-mêmes le régime d'assurance chômage. Mais nous continuons à penser qu'ils ont leur place dans la mise en oeuvre de cette réforme, comme ils ont leur place dans la mise en oeuvre de tout l'acte II. En particulier, les nouvelles mesures d'accompagnement, pour lesquelles nous dégagerons de nouveaux moyens, ne doivent pas être pensées uniquement à Paris : les besoins ne sont pas les mêmes selon les bassins de vie et d'emploi. Les travaux que j'ai lancés autour de la mobilisation nationale et territoriale avec les partenaires sociaux devront permettre d'identifier les meilleures solutions et donner une grande marge de manoeuvre aux acteurs locaux.
« J'ajoute que conformément aux engagements du président de la République, cette réforme donnera accès à l'assurance chômage aux salariés démissionnaires ainsi qu'aux travailleurs indépendants.
« La justice sociale, c'est de faire en sorte que le travail paye. Avec le Président de la République, nous avons reçu cinq sur cinq le message d'exaspération fiscale que les Français nous ont adressé. Ceux-ci ne veulent plus des mots, ils veulent des actes. Nous avons donc décidé une baisse d'impôts historique : au total, les impôts des ménages baisseront durant ce quinquennat de 27 milliards d'euros.
« Je vous confirme que la taxe d'habitation sur les résidences principales sera intégralement supprimée pour l'ensemble des Français. »
M. Jean-Pierre Sueur. - Quand ?
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Les 80 % de Français les plus modestes bénéficieront dès ce mois de septembre de la suppression du deuxième tiers de la taxe d'habitation et leur taxe sera intégralement supprimée en 2020. Pour les 20 % de Français restants, la suppression se déploiera sur trois années.
« Nous réformerons le financement des collectivités territoriales en garantissant leur autonomie financière et le dynamisme de leurs ressources. (On en doute sur les bancs du groupe Les Républicains.) Jacqueline Gourault et Gérald Darmanin reprendront les concertations avec les associations d'élus dès la semaine prochaine. » (M. Martin Lévrier applaudit, tandis qu'on n'y croit guère sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Dallier. - Il faudrait accélérer un peu !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « L'ensemble des mesures figurera dans le projet de loi de finances afin de garantir la visibilité aux maires. (M. Alain Richard applaudit.)
« Nous avons choisi de concentrer l'intégralité de la baisse de l'impôt sur le revenu annoncée par le président de la République sur les classes moyennes qui travaillent. Le taux d'imposition de la première tranche de l'impôt sur le revenu, qui regroupe douze millions de foyers, sera abaissé de trois points. Cela représente un gain moyen par foyer de 350 euros, soit, à ce niveau, un tiers de l'impôt en moyenne; c'est massif, c'est clair, c'est net. Les cinq millions de foyers de la tranche suivante bénéficieront d'un gain moyen de 180 euros.
« Ces baisses seront votées dans le projet de loi de finances pour 2020.
« Soyons clairs ; baisser les impôts de 5 milliards d'euros, en une fois, nous obligera à faire des choix pour contenir nos dépenses publiques. » (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Pierre Sueur. - Lesquelles ?
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Certains opposent parfois ceux qui seraient attachés aux équilibres budgétaires à ceux qui feraient vraiment de la politique. Je crois profondément le contraire. La responsabilité politique, c'est de mettre en oeuvre des principes et, en même temps, de respecter le réel.
« C'est le choix d'une grande nation, qui veut maîtriser son destin. C'est la marque des premiers ministres qui m'inspirent. Je pense à Pierre Mendès France et Georges Pompidou, à Michel Rocard et Alain Juppé. » (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, tandis qu'on se gausse sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR.)
Mme Éliane Assassi. - Quelle humilité !
M. Roger Karoutchi. - Et Chirac ?
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Le réel, c'est souvent nos sous. Ceux des Français. Ceux que nous prenons pour financer nos politiques publiques ou la redistribution. Ceux de nos enfants, car les dettes que nous créons, ce sont nos enfants qui les rembourseront.
« Le Président a dans cette perspective annoncé la révision de certaines niches fiscales et sociales. Nous nous concentrerons sur les niches anti-écologiques, sur les niches concentrées sur les très grandes entreprises... »
M. David Assouline. - Total !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « ... ou sur les niches qui en fait réduisent les droits sociaux des salariés, comme la déduction forfaitaire spécifique. (M. André Gattolin applaudit.)
« Dans chacun de ces secteurs, la concertation a montré que le changement était possible, mais qu'il devait être progressif. Nous avons appris de la taxe carbone, et nous ferons donc ces réformes, en laissant aux entreprises le temps de s'adapter. Bruno Lemaire et Gerald Darmanin indiqueront au début du mois de juillet les choix du Gouvernement.
« La justice, c'est de mieux associer les salariés aux résultats de l'entreprise, de renouer avec l'idée gaullienne de participation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains)
« La prime exceptionnelle de fin d'année qu'avait annoncée le président de la République sera reconduite pour un an en 2020, avec le même régime défiscalisé dans la limite de 1 000 euros par bénéficiaire. »
M. Alain Joyandet. - Très bien.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est financé comment ?
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Pour que cet élan soit pérenne, les entreprises devront, pour verser la prime exceptionnelle, mettre en place un dispositif d'intéressement au profit de leurs salariés avant le 30 juin 2020. Nous les y aiderons, en simplifiant la mise en place des accords d'intéressement dans les PME, en les autorisant à tester ces accords sur un an au lieu de trois, en mettant à la disposition des PME des accords-types opposables à l'administration.
« La justice sociale, c'est de renouer avec la méritocratie républicaine. Avec l'égalité des chances.
« Trop souvent, notre modèle social repose sur des politiques de compensation, qui lissent les inégalités sans chercher à les réduire à la base. La France est un des pays les plus redistributifs au monde et pourtant l'un des pays où le déterminisme social est le plus élevé. Les études PISA montrent par exemple que l'influence du milieu social sur les performances scolaires est parmi les plus élevées.
« À cet égard, le dédoublement des classes de CP et de CE1 de zones d'éducation prioritaires mené par Jean-Michel Blanquer restera comme l'une des grandes mesures de ce quinquennat. Nous irons encore plus loin dans le traitement des difficultés à la racine, en rendant l'école obligatoire dès 3 ans (Exclamations), en étendant l'effort de réduction du nombre d'élèves à la grande section de maternelle dans les zones les moins favorisées et en limitant à 24 élèves par classe sur tout le territoire les CP et CE1. »
M. François Patriat. - Du jamais vu !
M. Yvon Collin. - Très bien !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Jean-Michel Blanquer et Sophie Cluzel ont également présenté en début de semaine, après des mois de concertation, les contours d'un nouveau service public d'accueil des enfants handicapés à l'école. Nous voulons en finir avec des systèmes qui bricolent des solutions pour les enfants en situation de handicap, qui trop souvent font leur rentrée après les autres enfants.
« Nous poursuivrons la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur. Avec la réforme de ParcoursSup que Frédérique Vidal a conduite, les jeunes Français choisissent désormais leur voie par vocation, non plus par défaut. » (Exclamations à gauche)
Mme Cécile Cukierman. - Sauf ceux qui restent sur le carreau !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Cette réforme qu'on disait impossible, elle est faite, elle marche et elle est juste. On compte déjà 30 % de plus de boursiers dans les classes préparatoires parisiennes et les IUT ont admis 19 % de bacheliers technologiques de plus. »
Mme Cécile Cukierman. - Vous mettez la poussière sous le tapis !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Renforcer notre modèle social, c'est en combler les failles. C'est l'adapter aux situations individuelles. C'est inventer de nouvelles solidarités.
« Je pense aux familles monoparentales qui se sont beaucoup exprimées durant le grand débat. Logement, travail, fins de mois, garde d'enfants, tout est plus difficile quand on est seul. C'est pourquoi, dans le plan Pauvreté, nous avons prévu l'ouverture de 30 000 places en crèches et la formation de 600 000 professionnels. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains, où l'on souligne que ce sont les collectivités territoriales qui paient.)
« Un service unique d'information des familles sera créé en 2020 pour connaître en temps réel, les places de crèches et d'assistantes maternelles disponibles. Enfin, dès juin 2020, le Gouvernement mettra en place un nouveau système pour protéger les personnes seules contre le risque d'impayés des pensions alimentaires. »
M. Jacques Genest. - Cela existe déjà !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Sur décision d'un juge, ou sur demande en cas d'incidents de paiement, les pensions seront automatiquement prélevées par la CAF pour être versées à leurs bénéficiaires et c'est la CAF qui déclenchera une procédure de recouvrement en cas d'impayé. Quand la vie est dure, que chaque euro compte, que chaque jour compte, il ne faut pas rajouter de l'inquiétude, de la tension, de la précarité et laisser les familles seules face à l'incertitude sur le versement des pensions.
« Je pense à notre système de soins. Nous sommes tous choqués par ces images d'urgences saturées. »
Mme Laurence Cohen. - À qui la faute ?
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Agnès Buzyn a apporté des premières réponses la semaine dernière, pour mieux reconnaître l'engagement des professionnels et moderniser les locaux. »
Mme Laurence Cohen. - Elles ne suffisent pas ! Il faut des moyens !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Mais tout le monde sait que la situation des urgences traduit un mal plus profond. Notre ambition est de transformer le système de santé, en ville comme à l'hôpital, pour mettre un terme aux crises qui minent la confiance des soignants et des patients. La loi sera bientôt votée. C'est une grande loi de transformation. »
Mme Cécile Cukierman. - De casse de l'hôpital public, oui !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Le défi sera alors celui de l'exécution. Nous serons au rendez-vous. Pour l'heure, j'en appelle au sens des responsabilités de tous les professionnels de santé, publics et privés... »
Mme Éliane Assassi. - Mais ils sont responsables !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « ... pour se rassembler autour des directeurs d'ARS, afin de coordonner leur présence estivale et d'anticiper les points de tension à venir. (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE)
« Je pense au combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes que mène le gouvernement, avec Marlène Schiappa (Huées sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains), dans les domaines de l'égalité salariale, de la lutte contre les discriminations et contre les violences.
« Je pense aux millions d'aidants qui arrêtent de travailler ou qui réduisent leur activité pour s'occuper d'un proche. Nous demanderons aux partenaires sociaux de se saisir de cette question et nous examinerons comment prendre en compte ces situations dans le calcul des retraites.
« Je pense à tous ceux qui sont perdus face à la complexité de notre système d'aides sociales et pour lesquels nous sommes en train de préparer le futur revenu universel d'activité. La concertation a commencé, elle conduira à la présentation d'un projet de loi en 2020.
« L'acte II, c'est répondre au défi du vieillissement de la population. C'est l'un de nos grands défis de société. Certains parlent d'une révolution de la longévité... Nous avons trop tardé pour nous y confronter, parce que les budgets en jeu sont gigantesques, mais aussi peut-être par une forme de déni. Nous le voyons tous avec nos parents ou nos grands-parents : malgré le dévouement des soignants, des familles et des aidants, nous sommes mal préparés.
« C'est notre regard qui doit changer. Celui que nous portons sur la place des personnes âgées dans notre société. Le rôle qu'elles peuvent y jouer. Nous devons aussi entendre leur volonté de vieillir à domicile. Entendre les familles qui supportent une charge financière importante, qui souvent sont pris en tenailles entre leurs obligations d'enfants et celles de parents voire de grands-parents. Entendre les personnels, dont le métier doit être revalorisé.
« La ministre des solidarités et de la santé présentera à la fin de l'année un projet de loi qui définira une stratégie et la programmation des moyens nécessaires pour prendre en charge la dépendance. Dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous enclencherons une première étape, avec des mesures favorisant le maintien à domicile et des investissements dans les Ehpad.
« Cela fait dix ans qu'on promet cette grande réforme de dignité et de fraternité. Nous la conduirons et ce sera un autre grand bond en avant social de ce quinquennat. Peut-être un des plus importants.
« L'autre grand défi de notre génération, c'est la mise en place d'un système universel de retraites. »
Mme Laurence Cohen. - Le pire est à craindre.
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Nous avons aujourd'hui 42 régimes qui assurent globalement un bon niveau de retraite. »
Mme Éliane Assassi. - Puisque ça marche, pourquoi casser ?
M. François de Rugy, ministre d'État. - « La France est un des rares pays où le niveau de vie des retraités est supérieur à celui de la population.
« Cependant, notre système n'est ni simple ni juste. Il pénalise les carrières courtes ou hachées. Ce constat est connu. S'y ajoutent des inquiétudes légitimes concernant son avenir.
« Le Haut-Commissaire Jean-Paul Delevoye a mené un intense travail de concertation. Il présentera en juillet ses recommandations en faveur d'un système universel permettant à la fois de renforcer l'équité entre générations, la protection des plus fragiles et la confiance des Français.
« Ce nouveau système, que nous mettrons en place de manière très progressive, reposera sur un principe simple : les règles seront les mêmes pour tous. C'est-à-dire qu'un euro cotisé ouvrira les mêmes droits pour tous. Ce système sera aussi plus redistributif car il réduira l'écart entre les pensions des plus modestes et celles des plus aisés, entre les pensions des hommes et celles des femmes. Il garantira enfin, comme le président l'a demandé, que les personnes qui ont travaillé toute leur vie ne gagnent pas moins que 85 % du SMIC.
« Nous savons tous que ces principes sont justes mais qu'ils nécessitent des évolutions profondes. S'agissant des fonctionnaires par exemple, dont les retraites sont calculées actuellement sur les six derniers mois hors primes, le nouveau mode de calcul, sur l'ensemble de la carrière et sur l'ensemble de la rémunération, devra nous conduire à revaloriser les profils de carrière de certaines professions, je pense en particulier aux enseignants.
« Les mêmes règles pour toutes et tous, cela signifie aussi la fin des régimes spéciaux. Cela se fera très progressivement (Sourires narquois à droite), sans modifier les conditions de départ des personnes qui ont déjà des projets pour leur retraite et en conservant l'intégralité des droits acquis. Ce qui compte, c'est la cible vers laquelle nos régimes vont converger ; pour aller vers cette cible, il faut du temps et de la souplesse. Nous nous en donnerons pour réussir cette transformation.
« Enfin, le président l'a affirmé, nous devons travailler plus longtemps. C'est la clé de la réussite du pays. Je vois bien que cela inquiète. Mais la réalité, c'est qu'il s'agit aussi d'une question de justice. Continuer à partir à la retraite deux ans plus tôt que l'âge moyen des autres pays européens, c'est demander à nos enfants de financer cet écart. Et les Français sont lucides. Déjà, l'âge moyen de départ à la retraite est supérieur à l'âge légal, parce que nos compatriotes ont compris que grâce à leur travail, ils pouvaient bénéficier d'une meilleure pension. Et ils ont raison. Nous maintiendrons la possibilité d'un départ à 62 ans, mais nous définirons un âge d'équilibre et des incitations à travailler plus longtemps. Ainsi, chacun pourra faire son choix, en liberté et en responsabilité.
« La condition pour que ce choix existe, c'est que le chômage recule, et c'est la raison pour laquelle nous lancerons un grand plan pour l'emploi des seniors.
« L'acte II, c'est aussi répondre à un certain nombre de peurs. Des peurs qui se sont exprimées durant le grand débat. Qui s'expriment depuis des années dans le débat public.
« Toutes reposent sur un sentiment de perte de contrôle. Perte de contrôle sur les évolutions du monde. Sur le progrès technologique. Sur des menaces réelles ou ressenties. Sur la violence.
« Il existe plusieurs manières d'appréhender ces inquiétudes ou ces peurs. On peut les attiser pour en tirer profit. On peut les nier, pour éviter de se poser des questions difficiles. Ou alors, on peut les affronter. En montrant à nos concitoyens que sur tous les sujets, la République a les moyens de garder le contrôle.
« Garder le contrôle, c'est d'abord garantir l'ordre public pour tous et sur tout le territoire.
« Une de nos premières décisions a été de lancer un vaste plan de recrutement et d'équipements des forces de l'ordre et d'y accorder les moyens. Il y avait urgence. Et on partait de loin.
« Une autre décision a été de concentrer les forces dans les quartiers de reconquête républicaine où la délinquance, les incivilités avaient grimpé en flèche. Les premiers résultats sont là : en 2018, les vols avec armes ont baissé de 10 % ; les cambriolages de 6 % et les vols de véhicules de 8 %. » (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Dallier. - Personne n'y croit !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Durant les douze prochains mois, notre priorité sera de combattre le trafic de stupéfiants qui gangrène des pans entiers de notre territoire. Cela implique d'harceler les points de vente, de neutraliser les échelons de distribution, de faire tomber les têtes de réseaux. »
M. Rachid Temal. - Rappelez Pasqua !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Nous procèderons aux changements d'organisation nécessaires pour parvenir à ces résultats opérationnels.
« J'ai également demandé à Christophe Castaner un plan pour lutter contre la violence gratuite. »
M. Rachid Temal. - Nous voilà rassurés.
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Les Français n'en peuvent plus des coups de couteaux donnés pour un mauvais regard ou des batailles rangées entre bandes rivales. Nous ne devons plus rien laisser passer. (Exclamations dubitatives sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Pour réussir, nous devrons finaliser les réformes que nos forces de l'ordre attendent depuis longtemps... »
Mme Éliane Assassi. - Avoir plus de policiers !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « ... sur le temps de travail, sur les heures supplémentaires, sur la fidélisation dans les postes et les territoires.
« Pour traduire ces orientations, le ministre de l'Intérieur et le secrétaire d'État engageront dès cet été, la rédaction d'un livre blanc sur la sécurité intérieure... » (Exclamations ironiques à droite comme à gauche)
M. Roger Karoutchi. - On fera un rapport parlementaire dessus !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « ... ainsi que d'une future loi de programmation.
« Garder le contrôle, c'est maintenir une vigilance de tous les instants contre la menace terroriste. C'est continuer de fermer les lieux de culte radicalisés. C'est poursuivre l'expulsion systématique des ressortissants étrangers en situation irrégulière qui figurent au FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Nous en avons expulsé plus de 300 au cours des dix-huit derniers mois.
« C'est poursuivre les efforts de recrutement dans le renseignement : il y en aura 1 900 d'ici la fin du quinquennat.
« Garder le contrôle, c'est affirmer notre singularité et notre indépendance dans le monde. Un monde dangereux où la France, inlassablement, cherche à porter la voix de la paix et de la stabilité en continuant de promouvoir le multilatéralisme contre la loi du plus fort, - en investissant dans l'aide au développement. »
M. Yvon Collin. - Très bien !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Au-delà des moyens en hausse que nous y consacrons, pour aller jusqu'à 0,55 % du PiB, c'est l'ensemble de notre dispositif qui doit être revu. (M. Yvon Collin approuve.) Une mission est en cours et je sais que les commissions parlementaires ont fait de nombreuses propositions. Le président de la République tiendra un conseil du développement en juillet et à l'issue des rencontres du G7 cet été, Jean-Yves Le Drian préparera un projet de loi qui sera déposé au Parlement à l'automne et discuté en 2020.
« La France doit également rester capable de se battre contre ses ennemis. En Syrie où la fin du califat territorial est une victoire, mais ne marque pas la fin de la menace. Au Mali, aux côtés de nos alliés. Je sais que vous vous associerez tous à l'hommage que je veux rendre à celles et ceux qui risquent leur vie pour protéger la nôtre. Mes pensées vont à leurs familles, et plus particulièrement à celles qui ont été endeuillées cette année.
« Conformément aux engagements du président de la République, mon gouvernement a voulu donner les moyens à nos armées de nous défendre. Le 13 juillet dernier, le président a promulgué la loi de programmation militaire pour porter notre effort de défense à 2 % du PIB. C'est un effort massif. Mais il s'agit là aussi d'être constant et cohérent.
« Combattre les peurs du pays, montrer que nous gardons le contrôle, c'est avoir le courage d'affronter sans fausse pudeur certaines réalités, notamment concernant la pression migratoire.
« Cette réalité, c'est un nombre de demandeurs d'asile qui a baissé de 10 % en Europe l'année dernière mais qui continue d'augmenter en France de 22 %. »
M. Roger Karoutchi. - Pourquoi ?
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Si nous voulons bien accueillir et bien intégrer ceux qui rejoignent notre pays, nous devons maîtriser ces flux migratoires.
« Ce combat est évidemment d'abord européen. Le président de la République l'a annoncé : la France portera dans les prochains mois avec de nombreux partenaires européens un projet de refondation complète des accords de Schengen.
« Nous devrons également prendre nos responsabilités au niveau national. Le droit d'asile est un trésor. Nous y consacrons des moyens en forte hausse. C'est le prix de la fidélité à nos valeurs. Mais c'est aussi pour cette raison que nous devons lutter avec fermeté contre les abus.
« Nous continuerons évidemment à offrir aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil et de protection sociale conformes à nos principes. Mais nous devons nous assurer que les demandeurs d'asile choisissent la France pour son histoire, pour ses valeurs, pour sa langue, et non parce que notre système serait plus favorable que celui d'autres pays européens. »
M. David Assouline. - C'est précisément lié à ses valeurs ! (Mme Éliane Assassi renchérit.)
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Le fond de ma conviction, c'est que ces sujets devraient faire l'objet d'une harmonisation complète dans l'Union européenne.
« Ces questions sont difficiles. Elles soulèvent les passions. Elles touchent aux fondements de notre souveraineté et de nos principes. Il est donc nécessaire d'en débattre de manière régulière et au grand jour avec le Parlement. C'est pourquoi, comme l'a annoncé le président de la République, le Gouvernement organisera chaque année un débat au Parlement sur les orientations de la politique d'immigration et d'asile. Le premier aura lieu au mois de septembre. (M. François-Noël Buffet s'en félicite.)
« Combattre les peurs, c'est lutter contre l'islamisme et faire vivre la laïcité.
« Le Gouvernement accompagnera les musulmans dans la construction d'un islam où les croyants français exercent eux- mêmes les responsabilités. Nous ne le ferons pas à leur place mais nous leur donnerons les moyens. D'abord, de combattre l'islamisme et les discours de haine sur les réseaux sociaux. Je salue la proposition de loi de Laetitia Avia qui nous donnera les outils nécessaires.
« Ensuite de réformer l'organisation du culte musulman. Des assises territoriales de l'islam de France ont eu lieu l'été dernier. Un large consensus s'est dégagé en faveur d'une structuration départementale. Il est important que des suites soient données à ces attentes.
« Enfin, l'islam de France doit recruter et former des imams en France, qui parlent le français. Et mettre fin de manière progressive au système où beaucoup d'imams ou psalmodieurs sont choisis et rémunérés par des États étrangers. »
M. Roger Karoutchi. - On le dit depuis dix ans !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « S'il faut des dispositions législatives pour garantir le respect de l'ordre public et renforcer la transparence du financement des cultes, en particulier quand ce financement est étranger, le Gouvernement vous les proposera, sans remettre en cause la loi de 1905 ni le libre exercice des cultes.
« Combattre les peurs, c'est remettre de la conscience dans la science, pour paraphraser une formule célèbre. C'est déterminer ce qui est permis et ce qui ne l'est pas dans des domaines où tout devient techniquement possible.
« Les États généraux de la bioéthique se sont achevés il y a un an. Le Parlement s'est également saisi de ces questions. Le projet de loi que le Gouvernement s'est engagé à préparer pour tirer les conclusions de ces travaux est prêt. Conformément aux engagements du président de la République, il autorise le recours à la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes. Sur certaines questions, comme l'accès aux origines, le régime de filiation en cas de PMA avec tiers donneur, plusieurs options étaient possibles, et le Gouvernement a retenu celles qui lui semblaient les plus à même de permettre un débat apaisé.
« Le projet de loi sera adopté en Conseil des ministres fin juillet et pourra être débattu au Parlement dès la fin septembre, juste avant la discussion budgétaire. J'ai la chance d'avoir dans mon gouvernement trois ministres d'exception : une médecin, Agnès Buzyn, une juriste, Nicole Belloubet et une scientifique, Frédérique Vidal. (Rires et exclamations - « Et les autres ? - à droite comme à gauche.) Les débats que vous avez eus avec elle, que j'ai eus avec elles, ont été de grande qualité. Je suis persuadé que nous pouvons atteindre une forme de consensus sur ces dossiers. C'est mon ambition en tout cas.
« Combattre les peurs, enfin, c'est regarder l'avenir avec confiance, investir dans l'intelligence, renouer avec l'esprit de conquête.
« L'État, qui devrait raisonner en stratège pour le long terme, est trop souvent englué dans le court terme. Dans la gestion politique à six mois. Alors que des entreprises ou des collectivités territoriales déploient des plans d'action à dix ans, investissent, motivent leurs collaborateurs, cherchent, découvrent.
« Il faut, comme le président nous y a invités, tracer une perspective collective de long terme pour notre pays, donner de la visibilité à chacun sur les objectifs de la Nation à l'horizon 2025. Bâtir un pacte productif. Rattraper notre retard en robotique, comme nous sommes en train de rattraper notre retard en numérique. Devenir le principal hub de l'intelligence artificielle en Europe. Devenir en tout point la Nation la plus attractive, pour le tourisme, la santé, l'industrie...
« Offrons à la jeunesse des raisons de s'engager. Pour l'environnement. Pour le développement. Dans les territoires isolés. Via le service national universel que nous commençons à déployer cette année.
« Définissons une nouvelle ambition pour la recherche et l'enseignement supérieur. Je vous saisirai d'un projet de loi de programmation et de réforme au printemps 2020.
« Combattons les peurs, le repli, et défendons ce que le président de la République a appelé l'art d'être Français, c'est-à-dire aussi l'art tout court, la culture. Nous poursuivrons le déploiement du pass-culture. Nous réaffirmerons dans le cadre du projet de loi audiovisuel, qui sera discuté au Parlement au tout début 2020, le rôle de l'audiovisuel public dans la diffusion de la culture. Nous défendrons le patrimoine national. Un patrimoine avec lequel, on l'a vu lors de la catastrophe de la cathédrale de Notre-Dame, les Français entretiennent un rapport fort et intime.
« L'acte II du quinquennat se joue enfin dans la réforme de l'État. Non pas au sens bureaucratique qu'on lui donne souvent, mais au sens qu'on lui donnait en 1935, en 1958, quand déjà, la République cherchait à renouer avec le peuple.
« J'ai déjà évoqué, devant vous, le « mur de défiance » qui s'est élevé, au fil des années, entre les Français et ceux qui les représentent ou qui les administrent. J'ai aussi fait le constat avec vous du besoin de proximité et de participation qui s'est exprimé lors du grand débat.
« Nous ne répondrons pas à ces attentes avec de simples aménagements. C'est l'ensemble de l'action publique - « du sol au plafond » si vous me permettez l'expression - qu'il faut désormais transformer.
« Il y a un an, nous avions présenté un projet de loi constitutionnelle et deux projets de loi complémentaires, organique et ordinaire. » (L'orateur s'interrompt pour se désaltérer.)
M. Philippe Dallier et de nombreuses voix. - Et les autres ?
M. Roger Karoutchi. - Vous pouvez les refaire !
M. François de Rugy, ministre d'État. - Vous comprendrez que je reprenne mon souffle sur ce sujet... (Sourires) « Les circonstances... »
M. David Assouline. - Benalla est passé par là !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « ... n'ont pas permis leur examen. Mais les discussions se sont poursuivies, en particulier avec le Sénat et avec son président. Les événements des derniers mois nous ont confortés dans notre conviction que ces textes étaient utiles. Et le grand débat nous a permis de les enrichir.
« La garde des Sceaux est prête à présenter dès ce mois-ci trois nouveaux textes en Conseil des ministres. Ces textes reprennent le coeur des engagements du président de la République, y compris l'inscription de la lutte contre le dérèglement climatique à l'article premier de notre Constitution. Ils sont recentrés sur trois priorités.
« Les territoires, avec l'autorisation de la différentiation, l'assouplissement du cadre relatif à la Corse ainsi qu'aux outre-mer.
« La participation citoyenne, avec un nouveau titre dans la Constitution, la transformation du CESE en Conseil de la participation citoyenne, la possibilité de former des conventions de citoyens tirés au sort, la facilitation du recours au référendum d'initiative partagée et l'extension du champ de l'article 11.
« L'indépendance du parquet et la suppression de la Cour de justice de la République.
« En parallèle, des gestes ont été faits pour parvenir à un consensus avec le Sénat. »
M. Roger Karoutchi. - Lesquels ?
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Les dispositions relatives au fonctionnement des assemblées ont été retirées. Nous avons considéré qu'il appartenait aux assemblées elles-mêmes de décider de leurs réformes. »
M. Roger Karoutchi. - C'est sûr!
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Les dispositions relatives au cumul des mandats dans le temps ont été assouplies pour en exclure les maires de communes de petite taille et prévoir une entrée en vigueur progressive.
« Le président de la République a accepté de revoir sa proposition de baisse d'un tiers du nombre de parlementaires pour viser une réduction d'un quart, qui permet une juste représentation territoriale et l'introduction d'une dose significative de proportionnelle. »
M. Alain Richard. - Quel silence !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « La réalité aujourd'hui, c'est que nous sommes proches d'un accord sur le projet de loi constitutionnelle, mais que ce n'est pas encore le cas sur le projet de loi organique, et en particulier sur la question de la réduction du nombre de parlementaires. Et le Sénat a été très clair sur le fait qu'il n'y aurait d'accord sur rien s'il n'y avait pas accord sur tout. (On le confirme sur divers bancs.) Nous allons donc continuer à chercher à nous rapprocher. Mais nous ne mobiliserons pas du temps parlementaire pour in fine constater le désaccord du Sénat. »
Mme Éliane Assassi. (Hilare) - C'est réglé !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Nous ne renonçons pas à nos ambitions qui, nous le pensons, sont conformes à la demande de nos concitoyens. Nous attendrons le moment propice et la manifestation de volonté du Sénat, qui peut-être ne viendra qu'après le renouvellement de la Haute Assemblée en 2020. Nous pouvons aussi voter seulement la proportionnelle à l'Assemblée, sans changer le nombre de députés. Et le président de la République a la faculté d'interroger directement les Français sur la réduction du nombre de parlementaires. Ma conviction est que nous ne devons pas résister au désir de changement exprimé par les Français.
« Transformer l'action publique, c'est réformer nos administrations et notre service public, à Paris et sur le terrain.
« À la suite d'un long travail préparatoire, j'ai signé deux instructions qui remodèlent nos administrations, à Paris et sur le terrain. Dès janvier prochain, 95 % des décisions individuelles seront prises sur le terrain. Les services publics locaux seront renforcés, réorganisés pour plus de cohérence, les administrations centrales allégées et rendues plus agiles.
« Dans le même temps, nous achèverons d'ici l'été l'examen de la loi de transformation de la fonction publique et nous donnons plus de pouvoir aux managers publics. La mission confiée à M. Thiriez démarre ses travaux sur la haute fonction publique, pour rénover profondément son recrutement, sa formation et la gestion des carrières. C'est un dossier déterminant pour l'État, parce que pouvoir bénéficier des meilleurs éléments, et des plus dévoués, a toujours été essentiel. Je m'en occuperai personnellement.
« Le service public, c'est une promesse républicaine, en particulier pour les territoires isolés, la ruralité, les quartiers en difficulté, l'outre-mer. Des personnes, un accueil, un conseil. Quel que soit l'endroit où l'on habite, on doit pouvoir rencontrer un de ses représentants.
« C'est le sens de la création des maisons France Services que le président de la République a souhaitée. Depuis plusieurs années, les maisons de services au public ont tenté d'apporter une première réponse. Certaines le font déjà remarquablement bien. Je l'ai vu à Montmoreau en Charente. Mais reconnaissons ensemble que les maisons de service public sont très variées et proposent des niveaux de service très différents. Nous devons changer d'échelle et de logique. Partir des besoins de nos concitoyens. Dépasser les frontières des administrations, oublier que nous sommes l'État, le département, la CPAM ou la CAF. Cela veut dire des choses simples, comme des horaires d'ouverture élargis, des agents polyvalents, capables d'offrir immédiatement des réponses, d'accompagner vers la bonne porte d'entrée. Dès le 1er janvier 2020, je veux 300 maisons France Services pleinement opérationnelles. Et d'ici la fin du quinquennat, nous en aurons une par canton. (Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Paul Émorine et Roger Karoutchi ironisent ; marques de doute à droite et à gauche.)
« J'aurai également le plaisir de signer avant le 14 juillet les contrats de convergence et de transformation avec les collectivités ultramarines. Des contrats qui mettent en oeuvre nos objectifs de développement économique et social dans ces territoires, et qui s'inscrivent résolument dans la transition écologique. Je veux redire, comme je l'avais fait lors de ma première déclaration de politique générale, à nos compatriotes ultramarins notre volonté de faire appliquer, en toutes circonstances, ce que j'ai appelé un « réflexe outre-mer ». Nous tiendrons nos engagements pour l'outre-mer.
« Transformer l'action publique, enfin, c'est répondre à l'aspiration fortement exprimée dans le grand débat pour plus de simplicité et plus de proximité.
« Je suis favorable, pour ma part, à un nouvel acte de décentralisation. Mais je sais que cela prend du temps et que les positions des territoires sont moins unies que nous ne le voudrions tous. C'est bien normal, d'ailleurs, car notre système est devenu compliqué.
« Ma conviction, c'est qu'il faut d'abord conforter les maires, qui sont plébiscités par nos concitoyens, pour répondre au sentiment de fracture territoriale.
« Je vous propose donc de procéder en deux temps. D'abord, en prenant des mesures pour favoriser l'engagement des maires. Elles seront rassemblées dans un projet de loi que le Gouvernement présentera dès juillet et que je proposerai au Sénat d'examiner dès la rentrée. »
M. Roger Karoutchi. - C'est la Constitution !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Ensuite, nous devrons nous accorder avec les élus et leurs représentants sur la meilleure méthode pour clarifier le fameux « millefeuille territorial ». Il faut aller vers des compétences clarifiées, une responsabilité accrue, des financements clairs, comme le président de la République nous y a invités. »
M. Philippe Dallier. - Depuis le temps qu'on entend cela !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « J'irai demain solliciter l'approbation de la politique du Gouvernement au Sénat. »
M. Roger Karoutchi. - Bienvenue !
Mme Éliane Assassi. - Pourquoi demain ?
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Mes prédécesseurs l'ont peu fait et encore, seulement lorsque le Sénat était clairement dans la majorité. Convenez avec moi que c'est loin d'être le cas en ce qui concerne mon Gouvernement... J'irai donc demain au Sénat, sans penser revenir avec une majorité. Mais ce sera l'occasion pour le Gouvernement de détailler ce chapitre territorial de l'acte II et le vote permettra à chacun de se prononcer et à nous tous d'y voir plus clair. (Exclamations sur divers bancs)
« J'ai appelé au dépassement pour relever les défis. Mais je reconnais que le Gouvernement aussi doit dépasser ses habitudes, ses inclinations, pour changer de méthode. Le sentiment d'urgence nous a parfois conduits à prendre des décisions rapides, pas assez concertées. C'est toujours une erreur et au final, cela fait perdre du temps. Dans ma vie de maire, j'ai pu constater qu'écouter c'est toujours mieux pour se faire entendre.
« En cette troisième année aux responsabilités, nous voulons faire évoluer notre manière de gouverner. Nous sommes et nous demeurerons des réformateurs. Mais nous devons davantage associer les Français à la fabrique de nos décisions. Les transformations que nous avons engagées, beaucoup de nos concitoyens ont pensé que nous les faisions sans eux ; certains ont même cru que nous les faisions contre eux. Je pense notamment aux retraités et aux Français des territoires les plus isolés. C'est à nous de les convaincre que nous les faisons pour eux, à nous de changer de méthode pour les faire avec eux. (Marques d'ironie sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains)
« C'est le sens de la mobilisation nationale qui réunit sur les territoires élus, partenaires sociaux, associations, services de l'État, pour identifier ce qu'on doit changer au service public de l'emploi et de la transition écologique. C'est le sens aussi du développement d'une forme de démocratie directe et participative. Parce que le Grand débat n'est pas une parenthèse. Mais un besoin de fond de nos démocraties. Le sens enfin de cette attention que nous devons apporter à ce "fameux dernier mètre" qui sépare parfois une décision prise dans un lointain bureau ministériel des Français, qui, seuls, comptent.
« Changer de méthode, c'est aussi changer de ton. La détermination, la conviction, la passion que nous mettons à défendre nos idées ne devraient jamais nous conduire à l'arrogance, à l'agressivité (Applaudissements ironiques au centre et sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR), à la caricature. Regardons avec lucidité notre scène politique et nos débats médiatiques. Ils ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. Je ne donne aucune leçon (On le conteste à droite.) et je ne m'exonère d'aucune responsabilité dans ce domaine. Mais nous avons à traiter de belles questions, qui méritent mieux que des raccourcis, des outrances ou des postures. Ces belles questions méritent, elles aussi, que nous dépassions nos vieilles habitudes... »
M. François Calvet. - On n'est pas à la maternelle !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « ... que nous nous écartions de ces partitions vieillies qui nous font jouer, mal le plus souvent, les mêmes rengaines fatiguées. Nous pouvons faire tellement mieux ! La France, qui est souvent belle dans la tradition et la permanence, n'est jamais aussi grande que dans l'effort et le dépassement.
« Dans le pays des Lumières, ce n'est jamais l'argument d'autorité qui doit prévaloir ; dans le pays des Lumières, on doute et on se respecte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)
« Je ne me résigne pas au rétrécissement du débat public et je souhaite que nous portions ensemble l'espoir d'un ressaisissement, sans gommer nos différences. Il est un joli mot, qui vient de la rude et grave républicaine romaine, mais qui semble parfois faire défaut dans nos démocraties, c'est celui de "civilité". »
M. Michel Savin. - Aïe, aïe, aïe !
M. François de Rugy, ministre d'État. - « Une civilité qui va au-delà de la politesse de façade, et qui concerne au fond le respect que l'on doit à tout membre d'une même communauté. Si vous le voulez bien, c'est, après le dépassement, le second terme que j'aimerais placer au coeur de notre projet. Pour marquer le respect, la considération que chacun a le droit le plus fondamental de revendiquer.
« Notre feuille de route est claire pour l'année qui vient. Mais notre vision pour le pays va bien au-delà d'une année de travail, aussi intense soit-elle. Nous souhaitons réconcilier la France avec elle-même. Notre pays, qui a tout et que le monde envie, a perdu confiance. En tout cas, des millions de ses citoyens ont perdu confiance en lui.
« Cette confiance, nous voulons la rebâtir.
« En renouant avec l'idée de rassemblement, car notre pays a besoin d'unité et de respect.
« En renouant avec l'idée de puissance, gage de notre grandeur et de nos modes de vie.
« En remettant l'humain au coeur de nos préoccupations.
« Une France fidèle à elle-même, puissance industrielle, militaire et culturelle, une France travailleuse, solidaire et écologique, qui puise dans ce qu'elle produit la ressource de la justice sociale et qui ne vit pas au crédit de ses enfants, ni de leur environnement.
« Je me tiens devant vous pour tenir les engagements du président de la République et mettre fidèlement en oeuvre l'intégralité de ce que je viens de vous annoncer.
« Et j'ai l'honneur d'engager devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement que je dirige sur ce programme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Olivier Cadic, Mme Nassimah Dindar, MM. Michel Canevet et Olivier Henno applaudissent également.)
M. le président. - Acte est donné de la déclaration de politique générale dont il vient d'être donné lecture au Sénat.
Demain, à 9 h 30, une déclaration de politique générale du Gouvernement sera prononcée par M. le Premier ministre. Elle sera suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 49, quatrième alinéa, de la Constitution.
La séance est suspendue à 16 h 20.
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
La séance reprend à 16 h 45.
Mise au point au sujet de votes
M. Éric Kerrouche. - Lors du scrutin public n°149 du 11 juin 2019 sur le projet de loi Santé, M. Boutant, Mme Lepage, MM. Leconte et Lozach qui n'ont pas pu prendre part au vote souhaitaient voter contre.
M. le président. - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.
Statut de l'élu communal
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi créant un statut de l'élu communal, présentée par M. Pierre-Yves Collombat et plusieurs de ses collègues. (Demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste)
Discussion générale
M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la proposition de loi . - Encore aujourd'hui, le mot même de statut de l'élu communal sonne comme une incongruité, voire un gros mot, une injure à tous ces hussards de la République !
Nous allons voir si le temps est venu mettre fin à cette hypocrisie séculaire.
La commune est le premier garant de la cohésion sociale, le premier investisseur public et le deuxième employeur public et en même temps, les élus restent privés de la sécurité que procure un statut.
Un statut protège et distingue, facilitant l'exercice de la représentation du peuple. Instituer un tel statut serait prendre au sérieux notre Constitution laquelle donne un fondement politique aux institutions locales. Selon l'article 1er, l'organisation de la France est décentralisée et, à l'article 72, il est précisé que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon », elles « s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ».
Les communes sont donc loin d'être des institutions destinées à donner un vernis démocratique à une administration d'État déconcentrée ou à offrir un passe-temps à des notables rentiers. Prendre au sérieux l'idée de décentralisation, ce serait d'abord reconnaître symboliquement l'importance de la mission de ceux qui administrent et donnent vie à la commune, ce que fait la loi fondatrice de la nouvelle décentralisation du 2 mars 1982 qui prévoyait déjà une loi instituant un statut de l'élu local.
C'est pour les élus des communes que l'hypocrisie bat des records. L'article 2123-17 du code général des collectivités territoriales (CGCT) issu de la loi du 21 mars 1831 prévoit que « les fonctions de maire, d'adjoint et de membre du corps municipal sont essentiellement gratuites ». Cette loi disait par ailleurs « qu'aucun électeur ne pourra déposer son vote qu'après avoir prêté, entre les mains du président, serment de fidélité au Roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume ». Étrange hommage de la République à la Monarchie de Juillet ! Accessoirement, supprimer l'article L. 2123-17 du CGCT, comme le propose le présent texte, permettrait de sortir du dilemme qui fait actuellement des indemnités de fonction, soit le salaire d'une fonction publique croupion, soit une forme de dédommagement soumis à impôt et à cotisations sociales, ce qui n'est pas banal pour un dédommagement qui couvre... on ne sait quoi, et cohabite avec les frais de représentation.
De glissement en glissement, Bercy considère que l'indemnité de fonction est imposable à l'impôt sur le revenu selon les règles applicables aux traitements et salaires. Ainsi l'article 10 de la loi de finances pour 2017, sans crier gare, supprimait la possibilité de déclaration fiscale séparée des indemnités électives et des autres revenus, entraînant une majoration importante de l'impôt pour nombre d'élus : « Les indemnités de fonction perçues par les élus locaux en application du CGCT sont imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires ». Étranges « fonctions gratuites » !
Instituer un statut de l'élu municipal est le seul moyen d'endiguer la dérive qui fait de l'élu territorial, et particulièrement communal, dans l'exercice de ses fonctions - fonctions exercées au nom de la collectivité et dans l'intérêt général - un simple citoyen ou un professionnel. En effet, si la longue liste des responsabilités des élus n'a rien à voir avec celle du citoyen lambda ou même d'un chef d'entreprise, d'un médecin ou d'un avocat, il en va différemment de sa responsabilité pénale qui est souvent plus lourde au motif que l'intéressé est investi d'un mandat électif public, d'un pouvoir général de police ou est dépositaire de l'autorité publique.
Le meilleur résumé de la situation nous est donné par Camille et Jean de Maillard : aujourd'hui « On n'est plus citoyen que pour s'abstenir d'agir, à moins de vouloir assumer une responsabilité dont on devient l'infamant débiteur ». Tant qu'on refusera d'articuler principe d'égalité devant la loi et réalité de l'inégalité devant les charges, responsabilités et obligations, ce qui devrait être au coeur d'un authentique statut de l'élu territorial, on en restera là... Tant qu'il y aura des amateurs au rôle « d'infamant débiteur ».
Trois urgences : préciser les notions de prise illégale d'intérêt et de délit de favoritisme - ce que le Sénat a fait trois fois avant que la disposition disparaisse dans le trou noir de la navette ; préciser l'article L. 122-4 du code pénal en donnant force de loi à l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 10 octobre 2012 relaxant le maire de Cousoire (Nord) précédemment condamné pour avoir donné une gifle à un adolescent provocateur. Mais l'institution d'un statut de l'élu communal ne saurait se limiter à une reconnaissance des responsabilités particulières des administrateurs communaux élus et à l'amélioration des conditions d'exercice de leur mandat.
Le statut de l'élu communal doit aussi préciser les droits des conseillers municipaux, particulièrement ceux de l'opposition, trop souvent soumis au bon vouloir du maire et de sa majorité.
Avant de succomber au charme imaginaire de la démocratie post-représentative, l'urgence est de la revivifier en donnant toute sa place à un débat démocratique.
Le texte aborde aussi la disponibilité des élus, formation, sécurité matérielle, et bien d'autres sujets.
J'espère qu'il ne subira pas le même sort que mes autres propositions, à savoir un enterrement de première classe...
M. Loïc Hervé. - Des funérailles républicaines !
M. Pierre-Yves Collombat. - ... ou une incinération. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois . - Cette proposition de loi vise à améliorer le statut de l'élu communal. Le législateur se doit en effet d'offrir aux élus les garanties nécessaires pour qu'ils puissent exercer leur mandat dans de bonnes conditions, au service de l'intérêt général.
Des évolutions récentes rendent cette préoccupation aiguë : décentralisations successives, montée en puissance des intercommunalités, exigence accrue de nos concitoyens à l'égard de leurs élus qui doivent être « à portée d'engueulade », comme le dit le président Gérard Larcher.
Résultat : l'exercice d'un mandat local demande toujours plus de temps et d'investissement, alors que les conditions d'exercice des mandats n'ont que faiblement progressé.
Le monde du travail évolue aussi, ce qui explique qu'il soit de plus en plus difficile de concilier l'exercice d'un mandat avec la vie professionnelle.
Enfin, la progression de la place des femmes dans les assemblées élues et l'évolution des structures familiales expliquent sans doute le besoin de trouver une meilleure conciliation entre l'exercice du mandat et la vie familiale.
Les maires et les autres élus municipaux sont le visage de la République au quotidien, et si nous souhaitons qu'ils continuent à s'engager, il est urgent d'apporter des réponses à leurs attentes. La commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales se sont saisies du sujet. La seconde a mené un travail d'ampleur. Près de 17 500 maires ont répondu à la concertation qu'elle a lancée. Le rapport en six tomes qu'elle a produit le 5 juillet a abordé tous les aspects du problème : régime indemnitaire, régime social, formations, reconversion, responsabilité pénale et obligations déontologiques, et a formulé 43 propositions.
La commission des lois s'est saisie du sujet au travers de la mission de contrôle et de suivi des lois de réforme territoriale. Cette démarche a abouti à la rédaction d'un rapport visant à revitaliser l'échelon communal, qui porte de nombreuses propositions concernant les conditions d'exercice des mandats locaux.
Aussi, invitons-nous le Gouvernement à retenir sans retenue les apports du Sénat dans le cadre de son futur projet de loi relatif aux élus locaux.
C'est dans ce contexte qu'intervient la proposition de loi de M. Collombat, qui avance des pistes intéressantes sur la formation des élus ou la conciliation entre vie professionnelle et mandat local.
Je souhaite donc saluer l'initiative de notre collègue, qui apporte sa contribution à l'un des chantiers les plus déterminants pour l'avenir de nos communes : celui des conditions d'exercice des responsabilités et donc de la vigueur de la démocratie locale.
D'une manière générale, le texte gagnerait à s'enrichir d'un certain nombre de modifications.
À travers les auditions que j'ai menées, j'ai ainsi pu relever que certaines mesures proposées dans le texte, si elles entendent répondre à des besoins avérés, demanderaient d'avantage d'expertise afin d'évaluer leur impact financier sur les communes et leurs groupements, ainsi que sur les entreprises.
Nous savons tous la modestie des moyens dont jouissent les parlementaires pour leurs initiatives législatives... Mais certaines dispositions seraient difficilement soutenables pour les communes sans une revalorisation très conséquente des dotations de l'État, sur laquelle nous n'avons malheureusement ici aucune prise.
Par ailleurs, certaines divergences peuvent être observées entre les intentions exprimées par l'auteur de la proposition de loi dans l'exposé des motifs et les conséquences en droit des dispositions proposées. Certaines mesures pourraient même avoir des effets contre-productifs.
Nous avons choisi de discuter en séance du texte initial, pour faire apparaître les points de convergence et de divergence. Votre commission a déposé plusieurs amendements afin de compléter, modifier ou préciser le texte initial. Le texte constitue une base de discussion.
Les amendements proposés visent à supprimer la création d'un fonds national pour la formation des élus locaux, dont le financement est fragile, à la création d'une majoration indemnitaire pour les maires des communes de moins de 10 000 habitants ayant cessé leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat, ou encore à supprimer des dispositions trop générales, comme les articles 5 et 6 qui concernent les frais de garde des enfants des élus et diverses dispositions d'ordre fiscal ou encore des dispositions qui pourraient alourdir les contraintes pesant sur les plus petites communes.
D'autres amendements corrigent des anomalies du droit existant afin de donner aux conseillers communautaires des communautés de communes les mêmes droits que ceux des conseillers communautaires des autres catégories d'EPCI ou de prévoir une délibération des communes nouvelles dans les trois mois suivant leur création sur les orientations et crédits ouverts au titre de la formation des membres du conseil municipal.
Enfin, la commission des lois a donné un avis favorable à plusieurs amendements extérieurs venant utilement compléter le texte.
Les évolutions actuelles rendent les maires vulnérables, et cette discussion plus urgente encore. Elle nous donne l'occasion d'interpeller le Gouvernement pour que ses engagements ne restent pas lettre morte.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales . - Je veux d'abord remercier le sénateur Collombat dont le texte s'inspire de son expérience de maire, et je m'y reconnais pleinement.
Le Sénat s'est rapidement emparé de la question du statut de l'élu, même si ce terme ne me paraît pas le plus adéquat pour parler du rôle et de la place qu'occupent les élus locaux dans la République.
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation présidée par M. Bockel a travaillé de manière très approfondie sur ce sujet, avec la remise d'un rapport complet visant à « Faciliter l'exercice des mandats locaux ».
Le 25 avril dernier, le président de la République a rappelé la légitimité des élus locaux, notamment des maires, et promis de leur donner un statut digne de ce nom.
Ces annonces font évidemment suite aux nombreux échanges que le président de la République a eus avec les maires dans le cadre du Grand débat : 96 heures de débat en présence de plus de 5 000 élus locaux ont permis d'aborder tous ces sujets. Pendant ces échanges, nous avons entendu un besoin de proximité, de clarté et d'enracinement.
Notre réflexion devrait se donner pour butoir les prochaines municipales de 2020. Nous ne saurions nous résoudre à voir des communes dans lesquelles les listes pour les municipales seraient incomplètes voire des communes dans lesquelles aucun candidat au poste de maire ne se déclarerait.
En avant-première, je nous livrerai quelques éléments de méthode sur le projet de loi à venir. Le Premier ministre vous en dira plus demain matin et vendredi avec les maires de France à Albi.
Il sera structuré autour de trois grandes étapes du parcours de l'élu : avant l'élection, durant l'exercice du mandat - en limitant les irritants de la loi NOTRe - sans oublier l'après mandat.
Je vous présenterai un texte à la rentrée de septembre pour une adoption définitive en fin d'année. Je mène des concertations avec les associations d'élus et les parlementaires. Ce texte sera co-construit avec l'Assemblée nationale et le Sénat. Je salue les travaux de chacun - Alain Marc, Françoise Gatel, Jean-Marie Bockel, Philippe Bas, Mathieu Darnaud, Arnaud de Belenet - pour redonner de la liberté aux élus locaux et clarifier leurs compétences.
Le projet de loi que je vous présenterai sera une première étape du nouvel acte de décentralisation avec comme principes la responsabilité, la lisibilité et le financement. La feuille de route du Gouvernement en la matière vous sera précisée demain par le Premier ministre.
Cette proposition de loi, monsieur Collombat, arrive soit un peu trop tôt soit un peu trop tard, selon le point de vue. Elle arrive en réalité au bon moment, car elle enrichira la discussion.
Prenons d'abord les propositions qui nous paraissent faire consensus. Sur la disponibilité des élus, votre proposition d'étendre le congé électif de 10 jours aux salariés candidats au conseil municipal des communes de plus de 500 habitants, au lieu de 1 000 aujourd'hui, va dans le bon sens.
Plus globalement, il faut poser la question de l'accès des conseils municipaux à des profils qui ne sont aujourd'hui pas suffisamment représentés, comme les salariés du secteur privé.
Concernant la formation des élus, nous sommes en phase avec ce besoin de la renforcer, et notamment de l'étendre aux communes de plus de 1 000 habitants, contre 3 500 aujourd'hui. Mais l'enjeu réside aussi dans le financement. Vous proposez la création d'un fonds alimenté par des sommes non dépensées. Cela nous paraît encore un peu prématuré car créer un fonds dont le montant n'est pas évalué pourrait être contre-productif. De plus, il faut réfléchir à son articulation avec les dispositifs existants, sous peine de créer un ensemble peu lisible pour nos collègues élus locaux.
Privilégions l'articulation des dispositifs existants.
Sur les frais de garde, aussi, nous partageons votre constat, même si votre article reprend mot pour mot celui qui existe déjà dans le CGCT. Néanmoins, ce sujet aura toute sa place dans le futur projet de loi.
J'en viens aux sujets qui méritent davantage de débat et peut-être d'approfondissement.
Vous proposez d'instaurer un statut de l'élu communal, là où il faudrait avoir une réflexion plus vaste pour tous les élus.
D'autre part, vous proposez de supprimer le principe de gratuité. On changerait totalement notre système français, hérité de la loi du 5 avril 1884, ce qui paraît complexe sans une étude d'impact approfondie tant les conséquences sociales et fiscales pourraient être nombreuses. Une indemnité n'est pas un traitement de fonctionnaire.
Le débat sur les indemnités n'est pas le plus simple dans le contexte actuel. D'abord, les élus - et leurs associations - ne demandent pas toujours la revalorisation des indemnités. Il n'est pas inutile de le rappeler. On ne devient pas élu pour gagner de l'argent... (Protestations sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Ça se saurait...
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Sans démagogie ni posture, le sujet est incontestablement sur la table. Le Gouvernement est prêt à prendre en charge certaines dépenses qui incombent aux élus. Tous les élus ne sont pas égaux et c'est sur ce point qu'il faut travailler.
Vous proposez de renforcer la vie démocratique de la commune. Certaines des mesures que vous proposez sont déjà satisfaites. Et plutôt que de tout réglementer, faisons confiance aux élus locaux.
Quant à la sécurité professionnelle, elle est facilitée par la loi du 31 mars 2015. Avant d'aller plus loin, il faudrait mener une réflexion adaptée à la taille des entreprises.
Le Gouvernement ne peut pas émettre un avis favorable global à cette proposition de loi qui servira d'introduction au débat que nous aurons en septembre.
M. Jean-Yves Roux . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) L'élu communal est l'une des plus belles incarnations de la démocratie représentative. À quelques semaines des municipales, il est indispensable que le travail du Sénat soit pris en compte pour renforcer l'attractivité de l'élu communal, sans lequel il n'y a pas de démocratie locale vivante. Une commune sans élu, c'est le risque d'une fusion par défaut.
La démocratie locale, c'est n'est pas un défaut, c'est une envie. Animations, réunions publiques, petits ou grands débats valent mieux que les émissions de télévision ou la rancoeur des réseaux sociaux.
Il n'y a pas de petits élus, mais des élus au service de communes de petite taille. Ces élus disposent des mêmes charges et des mêmes responsabilités que les autres, sans l'ingénierie suffisante pour les accompagner. Nous soutenons la revalorisation des indemnités proposée dans ce texte, tout en étant ouverts au fait de la réserver aux élus des communes des plus petites tailles.
Nous voulons aussi sécuriser le mandat des élus des petites communes sans pour autant leur donner un blanc-seing. Nous sommes ainsi d'accord avec l'objectif de cette proposition de loi de préciser des notions juridiques telles l'autorité légitime, la prise illégale d'intérêt et le délit de favoritisme.
Nous proposons de clarifier la situation des élus en arrêt maladie et exerçant leur mandat pour éviter qu'ils ne soient obligés, par méconnaissance, de rembourser des sommes importantes. De manière plus globale, nous pensons que les élus, comme leurs administrés, pourraient bénéficier d'un droit à l'erreur.
On ne gère pas une commune avec la peur au ventre : on gère une commune avec éthique, le souci de bien faire et le sens de l'intérêt général.
Nous souhaitons que le statut de l'élu communal soit valorisé dans un parcours de vie. Les fonctions des maires et d'adjoints doivent être reconnues par une validation d'acquis.
Les maires des communes de moins de 1 000 habitants arrêtant leur mandat doivent bénéficier de l'allocation différentielle de fin de mandat.
Je demande également des avancées sur le régime d'imposition prévu pour les élus de communes de moins de 1 000 habitants. Être élu communal, notamment en ruralité, c'est un engagement au service de la collectivité et de l'intérêt général. Aucun n'est devenu riche, sinon d'expériences acquises et des rencontres effectuées, mais des charges liées au mandat doivent être mieux compensées.
Cette reconnaissance de l'élu est un gage de diversification des candidats. Disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, les élus doivent pouvoir valoriser leur expérience.
Un statut d'élu local n'est intéressant que si les élus ont les moyens de travailler. D'où notre soutien à la déconcentration, à une couverture numérique plus complète et aux services publics de proximité. C'est pourquoi le RDSE a soutenu la création de l'Agence nationale de cohésion des territoires pour aider à monter des dossiers et faciliter la gestion du quotidien. L'élu communal ne doit pas être esseulé. La démocratie locale est un sport d'équipe. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; MM. Pierre-Yves Collombat, Jacques-Bernard Magner et Jean-François Longeot applaudissent également.)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) L'enquête menée par l'AMF et le Cevipof a montré que 49 % des maires ne souhaiteraient pas se représenter en 2020. Ce chiffre monte à 60 % pour ceux qui effectuent leur premier mandat. Le malaise des élus locaux affaiblit notre République des territoires. Il tient à des facteurs liés à l'exercice du mandat qui s'est complexifié. La conciliation avec la vie professionnelle et personnelle est devenue plus difficile quand, a contrario, les limitations du cumul des mandats appellent à davantage de fluidité dans les parcours entre le mandat et la vie professionnelle des élus.
Autre facteur qui accentue le malaise, le droit n'a cessé de se complexifier. Dès 2015, le Sénat a veillé à faciliter l'exercice du mandat de l'élu local. (Mme Nathalie Goulet le confirme.) En 2017, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a organisé une consultation ainsi que différentes tables-rondes sur le sujet. Si à notre échelle nous représentons les collectivités territoriales, il est de notre responsabilité d'améliorer les conditions de leurs engagements et de ne pas participer à cette complexification et insécurité croissante : les élus communaux incarnent la première ligne de notre démocratie.
Il est impératif d'améliorer de façon concrète l'exercice des mandats locaux dans le respect de la conception française de la démocratie locale.
Le statut d'élu communal doit permettre de concilier le mandat avec la vie professionnelle et personnelle des élus, de donner aux élus les moyens d'exercer leurs fonctions, de même que favoriser une circulation fluidifiée entre vie professionnelle et mandats locaux.
Les maires ont donc besoin de garanties supplémentaires, et ce texte fait d'intéressantes propositions, qu'il s'agisse d'un droit à la formation, d'aménagements de la carrière professionnelle des élus, quand la limitation du cumul des mandats dans le temps rendra cette condition de plus en plus impérieuse.
Je suis favorable à la revalorisation des indemnités des maires et adjoints bien que je ne sois pas d'accord sur les modalités de celle-ci.
Je salue donc la démarche effectuée par nos collègues du groupe CRCE de même que le travail de notre rapporteur dont je partage l'analyse sur cette proposition de loi.
Mais s'il s'agit de donner des garanties et de renforcer les droits des élus, il ne faut pas les professionnaliser en revenant sur le principe de gratuité des fonctions électives.
L'extension de la formation des élus pourrait avoir des effets financiers pervers à rebours de l'objectif souhaité.
Enfin, s'il s'agit de limiter le risque pénal pesant sur les élus, concevoir une nouvelle cause d'irresponsabilité pourrait ajouter davantage de confusion et de complexité.
Alors qu'un projet de loi est annoncé sur ce sujet pour l'automne prochain, il est sans doute prématuré de se prononcer aujourd'hui en faveur de mesures qui pourraient lourdement évoluer dans les prochains mois, et alimenter par ce fait une insécurité juridique que dénoncent les élus locaux.
Les élus communaux peuvent avoir confiance : la Haute Assemblée sera à même d'apporter des évolutions concrètes pour faciliter l'exercice de leur engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Dany Wattebled . - De par sa vocation constitutionnelle, le Sénat s'intéresse depuis longtemps aux conditions d'exercice des mandats locaux. Le texte que nous examinons est une nouvelle initiative sénatoriale qui nous réjouit par les pistes intéressantes qu'il ouvre.
Cependant, je ne crois pas personnellement qu'il faille s'engager sur la voie de la professionnalisation. Être élu local n'est pas un métier. Son indemnité est une compensation et non une rémunération.
Cette proposition de loi se heurte à un problème financier en créant des contraintes nouvelles pour les collectivités territoriales.
L'impact financier des mesures proposées n'a pas été assez précisément mesuré. Un projet de loi doit être présenté en juillet et des discussions sont en cours.
Ce texte arrive à contretemps. Les Indépendants apporteront cependant leur contribution par le biais d'amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
M. Arnaud de Belenet . - Monsieur Collombat, vous disiez craindre l'enterrement de cette proposition de loi. (M. Pierre-Yves Collombat le confirme.) On vous a rétorqué « funérailles républicaines » et le ministre souhaite plutôt proposer une « résurrection républicaine » de ce texte intégré dans un dispositif plus vaste. C'est ce que nous souhaitons également.
Nous partageons les objectifs, comme M. Darnaud l'a dit. Bien souvent, nous entendons les élus mentionner certaines problématiques : les moyens d'action vont en diminuant et pas seulement sur le plan financier. Les lois NOTRe, Maptam, la baisse des dotations entre 2011 et 2017, heureusement stabilisée depuis, ont eu des effets néfastes.
Les très petites communes ont en effet besoin d'une attention particulière, en matière de concours de l'État, pour retrouver un confort de gestion a minima.
La complexité vient aussi des contraintes liées au contrôle. La difficulté des élus à exercer leur fonction en la conciliant avec leurs vies professionnelle et familiale est une réalité.
Ce diagnostic se retrouve dans le rapport de la délégation aux collectivités territoriales. Un projet de loi est en cours de rédaction qui s'appuie sur ces travaux. Le ministre souhaite y travailler en collaboration avec le Parlement. Ce texte trouvera sa place dans ce cadre.
Monsieur Collombat, nous convergerons certainement sur un certain nombre de points tels que le droit à congé pour campagne électorale ou le renforcement de l'offre de formation.
L'objectif est d'améliorer certaines de vos propositions, comme le droit à congé pour la campagne électorale ou le renforcement du droit à la formation pour les élus des communes, y compris pour celles de moins de 3 500 habitants.
La revalorisation des dispositifs indemnitaires pour les communes de moins de 10 000 habitants est une piste. Les élus aussi passionnés soient-ils par l'intérêt général disent tous que la responsabilité de centaines d'agents équivaut à un poste à responsabilité dans une entreprise.
Nous pourrons enfin retrouver les auteurs de la proposition de loi sur le droit à suspension de leur contrat de travail pour les élus, qui doivent avoir le droit de le retrouver après la fin de leur mandat.
M. Pascal Savoldelli . - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) La demande locale est inséparable de la demande nationale. Tout le monde en conviendra, de ce point de vue, la situation n'est pas formidable. Utilité et convergence, tels sont les deux objectifs que j'ai entendus, cela reste à confirmer.
J'entends des doutes sur le mot de statut. Mais l'AMF depuis des années réclame le statut de l'élu local ! Il ne s'agit en rien d'une professionnalisation de la vie politique. Ce qui importe, c'est une reconnaissance.
À neuf mois des municipales, nous serons très vigilants sur l'engagement de l'élu. On tend à passer de la République des lois à la République des contrats. Qu'est-ce qui nous assure que l'État ne passera pas un contrat avec une majorité des élus locaux ?
Si les élus ne sont pas là pour gagner de l'argent, ils ne sont pas non plus là pour en perdre. D'où les propositions de ce texte.
Monsieur Darnaud, selon vous, le fonds national de la formation des élus souffrirait d'un problème de financement. Posons donc la question au Gouvernement.
Nous souhaitons la parité et nous ne prendrions pas en compte les frais de garde pour les élus ? Cessons de faire preuve de tant de frilosité !
Quant à la responsabilité pénale des élus, l'enquête montre que la protection juridique est l'une des préoccupations majeures des élus. Le code français relativise la notion de prise illégale d'intérêt, faisant de ce risque pénal l'une des causes les plus importantes de la crise des vocations.
J'ai bien compris qu'il y aura d'autres étapes. Encourageons les convergences, soit. Mais des actes pourraient être retirés. Le Sénat, représentant les collectivités territoriales, doit faire un geste. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
M. Éric Kerrouche . - À en croire le président de la République, qui promet un statut digne de ce nom, le Premier ministre ou vos déclarations de tout à l'heure, monsieur le ministre, ce débat est d'actualité. Il est plus que temps que l'exécutif s'intéresse aux élus locaux. Tout vient à point à qui sait attendre !
Après la contractualisation déséquilibrée, l'échec de la conférence nationale des territoires (CNT), les démissions des maires, les dérapages de « balance ton maire », il y a eu les gilets jaunes, l'opération mairie ouverte et la découverte des vertus des élus de proximité pour le grand débat...et l'approche des municipales.
Dans les communes les plus petites, ce sont plus de 50 % des maires qui ne se représentent pas.
Monsieur le ministre, Mme Gourault pourrait, elle, répondre à nos questions écrites de novembre 2018 et de janvier 2019 sur la comptabilisation exacte, par strate, des démissions d'élus ? C'est une information cruciale.
Il faut améliorer les conditions d'exercice des mandats locaux, c'est une urgence démocratique. Depuis 1982, plusieurs lois, notamment en 2015, ont complété le statut de l'élu.
Mais les changements, nombreux, justifient un changement de braquet. La grande enquête de la délégation aux collectivités territoriales, auprès de 17 000 répondants, en témoigne. Il faut que les élus soient en mesure de mieux représenter la population. La législation en vigueur profite à certaines professions - cadres et professions intellectuelles supérieures - aux fonctionnaires par rapport aux salariés du privé, aux retraités et préretraités, aux hommes... (M. François Bonhomme et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains protestent.) Le statut de l'élu permettrait d'y remédier.
Il y a une césure entre rural et urbain : le poids des responsabilités est moins bien vécu par les élus des plus petites communes. Il y en a une autre entre ceux disposant de pouvoir exécutif et les autres.
La proposition de loi de Pierre-Yves Collombat répond à ce débat. Je le cite, le statut de l'élu doit « permettre la représentation de la population dans toute sa diversité ». Sa proposition de loi est peut-être incomplète, mais elle apporte des avancées certaines. On pourrait espérer des études d'impact, changer des seuils, des taux mais, globalement, elle va dans le bon sens.
Regret personnel, à cause de l'article 40, je n'ai pas pu reporter l'indemnité...
M. Sébastien Lecornu, ministre. - ... issue de la loi NOTRe !
M. Éric Kerrouche. - C'est un effet de cette loi, en effet. (On s'amuse sur les bancs à droite.) Mais je ne doute pas que le Gouvernement y remédiera.
Il faudrait aussi en finir avec le mythe de l'amateurisme républicain. Selon ma collègue Élodie Lavignotte, auditionnée par le Sénat, tous les textes conduisent à une professionnalisation des mandats ; pourtant, notre culture les maintient dans « l'amateurisme républicain. » Il faudrait s'interroger sur ce paradoxe.
Cette proposition de loi a au moins le mérite de montrer combien le statut de l'élu est une question brûlante. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
Mme Agnès Canayer . - L'élu local est au coeur de la démocratie. Premier interlocuteur de nos citoyens, il est « à portée d'engueulade » comme dit notre président Larcher. La gratuité, héritée de Rome, en est le corollaire, et a été instituée par la loi du 21 mars 1831 et confirmée par la loi municipale de 1884.
Il y a peu, le Cevipof publiait une enquête sur le blues des élus locaux. M. Collombat nous donne l'occasion de débattre sur un sujet qui préoccupe nombre d'élus.
Le statut risque de figer le dispositif. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement qui pose les principes généraux de manière souple.
Je suis opposée à ce que l'élu devienne le salarié de sa commune. C'est le sens de mon amendement sur ce point.
Les conditions matérielles sont souvent évoquées. C'est la raison pour laquelle je propose d'étendre le complément de mode de garde aux élus. Nous pourrions ainsi attirer de jeunes parents.
La formation est indispensable. Mais le fonds prévu à l'article 3 nationaliserait ce droit à la formation et briderait l'autonomie des collectivités territoriales. (M. André Reichardt le confirme.)
Cette proposition de loi est l'occasion d'avancer, grâce aux amendements du rapporteur.
M. Joël Guerriau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Les élus ont besoin plus que jamais d'un texte global portant sur le mandat, du début à la sortie - celle-ci peut en effet être un repoussoir, d'autant plus depuis que notre démocratie prend la voie d'une limitation du cumul des mandats dans le temps.
En premier lieu, cette proposition de loi a le mérite de promouvoir un engagement des élus qui dépasse le bénévolat. Mais suffira-t-elle à regonfler le moral des maires ? J'en doute, sans mesure de l'impact des dispositions proposées. De plus, un projet de loi est en préparation.
Cette proposition de loi apparaît donc comme préambule à un débat indispensable.
En 2001, le Sénat a déjà voté le texte excellent de M. Delevoye sur cette question.
Mme Nathalie Goulet. - Excellent texte !
M. Joël Guerriau. - Nous devons nous en souvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; Mmes Nathalie Goulet et Laurence Cohen applaudissent également.)
M. André Reichardt . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le maillage fin des communes, héritage de la Révolution, doit être conservé : c'est un atout en termes de proximité.
Avec le déclin du civisme, il faut accompagner les élus locaux, qui disent leur ras-le-bol et dont certains renoncent à se représenter.
Un statut est indispensable. Mais si vos propositions, monsieur Collombat, sont parfois intéressantes, elles sont parfois problématiques, financièrement notamment. Le fonds national pour la formation que vous proposez est compliqué, pour ne pas dire cocasse. Il pourrait devenir déficitaire.
Le seuil du congé électif, abaissé de 1 000 à 500 habitants, est porteur de risques pour les employeurs et pourrait s'avérer contre-productif.
Idem de la remise en question de la gratuité, qui pourrait mener à une certaine professionnalisation. Un mandat électif n'est pas une activité professionnelle mais un engagement civique ! L'indemnité de fonctions ne doit pas être une rémunération mais une indemnité qui couvre les frais. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi afin de maintenir l'indemnité des syndicats intercommunaux reprise par M. Kerrouche. J'espère qu'elle sera mise à l'ordre du jour - à moins, monsieur le ministre, que vous me brûliez la politesse. (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Pascal Allizard . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les Français restent attachés à leurs communes. Nous, qui avons souvent exercé des responsabilités communales, nous savons mieux que tout le monde combien le risque pénal ou les difficultés d'exercice du mandat peuvent être importants.
Avec les gilets jaunes, nous avons vu combien nous avions besoin des élus communaux. Or nombre d'entre eux sont las. Certains démissionnent, d'autres ne se représentent pas ; les territoires ruraux en seront les premières victimes. Où trouver des candidats compétents et dévoués ? Certaines communes s'en inquiètent déjà.
L'amélioration des conditions d'exercice des mandats communaux passe par des conditions financières améliorées et un arrêt de la pression normative.
Dans le Calvados, fin 2018, 66 % des élus attestent d'une baisse des dotations. Les élus ont surtout besoin de stabilité ; SCOT, intercommunalité, modes de scrutin, seuils, tout cela entraîne des dépenses supplémentaires.
Et l'on prétend dire aux élus, dans un État décentralisé, ce qu'ils ont à faire !
La fiscalité est vécue, elle aussi, comme complexe et injuste, et la formation fait défaut.
Poursuivons la réflexion sur ce sujet. Le Sénat y a déjà beaucoup travaillé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Sébastien Lecornu, ministre . - Je retiens trois types d'interrogations. Une question culturelle d'abord : la professionnalisation, la gratuité, le sens de l'engagement, jusqu'à la question de l'engagement syndical - qui ne dépendent pas de moi.
Deuxième volet : les aspects pratiques. Que règle-t-on, en cette matière, par la loi ? Cela suppose d'arbitrer entre égalité et liberté...Je ne souhaite pas faire de politique politicienne sur ce sujet, monsieur Kerrouche. Vous ne sauriez nous faire ce reproche alors que nous proposons de coconstruire une réforme ambitieuse ! Et en tant qu'ancien maire et président de conseil général, je crois savoir ce que veulent les élus.
Élu en 2014, j'ai subi les baisses de dotations unilatérales et brutales que vous aviez votées.
M. Jean-François Husson. - C'est vrai ! Entendez-le !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je ne me sens donc pas totalement responsable du vague à l'âme des élus locaux depuis des années.
Moins de politique, plus de pragmatisme, voilà la voie à suivre !
Je vous présente les excuses du Gouvernement pour l'absence de réponse à vos questions écrites, monsieur le sénateur, et vous donnerai les éléments dont je dispose en temps utile. Je doute en tout cas que les maires démissionnent parce qu'Emmanuel Macron est président de la République. Les maux sont plus profonds.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois . - Merci pour vos propos, monsieur le ministre.
Le Sénat est ouvert au dialogue. J'ai souvenir d'avoir travaillé avec vous au rapprochement des cinq départements de Normandie et puis attester de votre attachement aux élus de terrain.
Les difficultés se sont en effet accumulées ces dernières années sur les épaules des élus locaux, mais ce Gouvernement ne les a pas corrigées ! Ce que nous attendons, c'est que vous leviez les obstacles à l'exercice des libertés locales !
Permettez-moi de vous livrer une inquiétude. Il y a un an, nous avons adopté une proposition de loi visant à restaurer la responsabilité communautaire dans certains grands ensembles intercommunaux et à redonner une capacité d'action au département, en matière de développement économique notamment. Les dossiers sont sur la table. Hélas, le Gouvernement semble avoir renvoyé au-delà des élections municipales le traitement du millefeuille territorial.
Pouvez-vous éclairer le chemin ? Différer les corrections de la loi NOTRe serait une grave erreur.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je disais à l'instant à la tribune que le projet de loi que je défendrai traiterait des problèmes globaux de l'attractivité des mandats locaux et des moyens de ne pas décourager les élus.
Notez que les propositions des associations d'élus ne sont pas toujours les mêmes que celles du Sénat.
Le texte abordera également les moyens de dire merci aux anciens élus. La validation des acquis, par exemple. Tout cela se fera sur fond de négociations sur les questions fiscales - qui seront discutées à l'automne.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. Max Brisson . - Notre démocratie représentative est en crise, on l'oppose fréquemment à la démocratie participative ou directe. Je doute que l'on comble le fossé entre les deux en figeant le statut des élus.
Certes, il faut faciliter l'exercice des fonctions électives et veiller à la diversité des générations et des catégories socio-professionnelles, sans quoi nous risquons un repli sur une population d'élus déconnectés de la réalité. Et je soutiens de nombreuses dispositions de cette proposition de loi qui s'inspirent des travaux de la délégation aux collectivités territoriales.
Pour autant, on n'entre pas au service de la cité comme dans un métier. Enfermer cet engagement dans des règles rigides, distinguer des agents politiquement actifs de statut des autres citoyens, irait à l'encontre de la promesse démocratique. Chaque citoyen est libre de participer à la vie démocratique et c'est ce qui fait la remarquable vitalité de notre démocratie locale. Recherchons plus de convergence entre les différentes formes de participation citoyenne à la vie de la cité. Abolir le beau principe de gratuité des fonctions communales n'irait pas dans ce sens.
M. Roland Courteau . - Merci au groupe CRCE d'avoir pris l'initiative de ce débat. Le plus bel honneur que l'on puisse faire à un homme ou une femme, c'est de lui confier un mandat d'élu municipal, disait un ancien président de la République.
Si la tâche est enthousiasmante, nous savons la lassitude, pour ne pas dire le découragement, des élus locaux. Complexité des normes, manque de moyens, risques juridiques, risque pénal, insuffisance de la formation et de la protection sociale... Nous sommes tous d'accord pour améliorer les conditions d'exercice du mandat local et aboutir à une réelle diversité sociologique et de genre.
Faut-il aller jusqu'à la suppression du principe de gratuité ? Elle a toujours été repoussée. Il est vrai que le débat n'est pas simple. Un mandat n'est pas une profession, même s'il faut reconnaître que le mandat s'est fortement professionnalisé. Il passe pour un engagement bénévole, la loi municipale ne dit pas autre chose. Le renforcement des responsabilités des élus, la technicisation de leurs tâches méritent un renforcement des compensations. Le mandat d'élu découle du suffrage universel, faut-il en faire un métier ? Je n'ai pas tranché, faute de mesurer l'impact de cette mesure. Je ne suis sans doute pas le seul.
M. Pierre-Yves Collombat . - Beaucoup de choses réjouissantes ont été dites. « Le texte va trop loin », « le texte ne va pas assez loin », « ce n'est pas le bon moment », « ce n'est plus le moment ». Le plus réjouissant, c'est entendre dire que je serai à contretemps ! Contrairement à mes habitudes, je reprendrai des propos du président de la République que Le Monde d'aujourd'hui reproduit. Extrait de son discours devant l'Organisation internationale du travail : « La crise que nous vivons peut conduire à la guerre et à la désagrégation des démocraties. Tous ceux qui croient, sagement assis, confortablement repus, que ce sont des craintes qu'on agite se trompent, ce sont les mêmes qui se sont réveillés avec des gens qui semblaient inéligibles, ou sortis de l'Europe, alors qu'ils pensaient que ça n'adviendrait jamais. » Voilà la situation ! Elle se double d'une sécession rampante des citoyens : en témoignent la baisse de participation et les votes de dégagisme. On ne vote plus pour, on vote contre !
C'est là que la démocratie locale est importante et il y a même une corrélation exacte entre la taille de la commune et le taux de participation : plus elle est petite, plus les gens votent.
Demander un statut de l'élu local, c'est reconnaître le rôle des hussards tricolores de la République que sont les maires. C'est d'abord un geste politique !
Mme Cécile Cukierman . - Un statut de l'élu territorial, ce n'est pas simplement un enjeu sémantique. Dès lors qu'il y a statut, il y a reconnaissance de ces acteurs de la démocratie territoriale. La commune est la cellule de base de la démocratie, tout le monde est désormais d'accord pour le dire.
Conforter les élus, ce n'est pas faire de l'électoralisme à la veille des municipales. La question du renouvellement se pose 2020. Il y a la question financière, il y a la question du sens de leur engagement. Lisez L'Express, qui n'est pas réputé pour être un journal gauchiste : les élus dans les communes ou les intercommunalités XXL ne trouvent plus leur place. Des amendements ont été déposés sur l'article premier, discutons-les et maintenons la création du statut de l'élu territorial. Nous pouvons trouver des accords pour voter collectivement et je ne doute pas que le ministre saura entendre le Sénat et reprendre nos travaux.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur . - On aime à solenniser les choses dans cet hémicycle. Ne laissons pas croire que nous n'aurions pas une finalité commune, nous aspirons tous à prendre en compte le souhait des 500 000 élus locaux pour déboucher sur une amélioration des conditions d'exercice de leur mandat ou un statut. Le sujet dépasse la posture sémantique.
Chacun veut intervenir, dire son expérience. Nous avions évoqué la possibilité d'un renvoi en commission pour discuter de ce texte en même temps que celui du Gouvernement. Notre volonté est commune : ouvrir la discussion et, surtout, faire en sorte que le Gouvernement s'inspire de nos réflexions. Nous ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : l'article 40 de la Constitution nous interdit d'introduire des dispositions sur la formation ou, monsieur Savoldelli, sur les frais de garde.
Je le dis avec sincérité et un brin de solennité, puisse ce texte nous aider à aboutir à la réforme que nous appelons de nos voeux et dans laquelle, je l'espère, chacun prendra une part active. (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. Philippe Bas, président de la commission . - Cet article premier pose un problème essentiel, celui de la nature de la fonction élective. Le code général des collectivités territoriales prévoit qu'elle est gratuite. La proposition de loi revient sur cette pétition de principe.
La Révolution française n'aurait pas eu lieu si l'indemnité parlementaire n'avait pas existé. Au cours du mois d'août 1789, plusieurs députés du tiers état menaçaient de rentrer chez eux, tout simplement parce qu'ils n'avaient plus de quoi vivre. De là vient l'indemnité de 18 livres qui a été alors instaurée car il arrive qu'un élu doive faire des sacrifices professionnels pour exercer son mandat.
En 1848, pour éviter que seuls puissent être députés les banquiers, les fonctionnaires ou les grands propriétaires terriens, l'indemnité forfaitaire a été inscrite dans la Constitution. C'est pourquoi, chers collègues, lorsqu'un agent de l'Insee vient vous recenser et vous demande votre profession, vous devez répondre « sans profession » pour exercer votre mandat de parlementaire à temps plein. Les élus locaux sont dans une situation tout à fait comparable. Le mandat est gratuit mais donne lieu à indemnité pour l'exercer. Il faut s'en tenir à ce principe sacré de la République !
M. le président. - Amendement n°41 rectifié bis, présenté par MM. A. Marc, Malhuret, Menonville, Bignon, Chasseing et Luche.
Supprimer cet article.
M. Alain Marc. - M. Bas a retracé avec éloquence l'histoire des premiers élus. Plus pragmatique, je rappellerai que la France a la chance d'avoir 35 000 communes et plus de 500 000 personnes qui décident et sont autant de points de démocratie. La gratuité est essentielle. Sans elle, nous irons vers un regroupement forcé des petites communes pour être en mesure de payer un élu. D'où mon amendement de suppression de l'article.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - J'ajoute que les deux tiers des élus locaux ne perçoivent aucune indemnité.
M. Philippe Bas, président de la commission, et Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Monsieur le ministre, je vous invite à vous remémorer le débat passionné sur la fiscalisation des indemnités. Le Gouvernement est d'ailleurs revenu à de meilleurs sentiments en reprenant la position du Sénat. Avis favorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je me rallie à l'axe bien connu Philippe Bas-Édouard Philippe... (Sourires)
S'il y a un statut de l'élu, son article premier devrait préciser que la fonction est gratuite. C'est une façon de garantir la liberté de l'élu, son rôle à part. Son indemnité est totalement distincte des frais de personnel. Sur le terrain normand, les élus locaux sont attachés à cette singularité juridique de la somme qu'ils perçoivent. Ne revenons pas sur ce vieux principe du XIXe siècle, la gratuité. Avis favorable.
M. Pierre-Yves Collombat. - Cet éloge de la gratuité de la part des élus que nous sommes est assez réjouissant dans la mesure où nos fonctions ne sont pas gratuites.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Bien sûr que si !
M. Pierre-Yves Collombat. - Dans le code général des collectivités territoriales, seules les fonctions municipales sont gratuites ; rien n'est dit des autres fonctions. C'est anormal ! Soit on met tout le monde dans le même sac, soit on est en pleine cohérence.
On nous parle d'indemnité. Mais sur quoi porte l'indemnisation ?
M. Philippe Bas, président de la commission. - Un manque à gagner...
M. Pierre-Yves Collombat. - ... sur le temps de retraite ?
Mme Sophie Primas. - Des adjoints travaillent !
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est un revenu comme un autre, selon la loi de finances pour 2017 elle-même, puisque l'indemnité est imposable ! On est en pleine incohérence. Laissez là vos envolées lyriques sur la gratuité.
Effectivement, être maire n'est pas une profession. Le maire n'est pas un spécialiste des stations d'épuration, il est là pour représenter les citoyens. Mais pourquoi la gratuité pour ces fonctions-là seulement ?
M. Éric Kerrouche. - Historiquement, l'indemnisation a été créée pour ceux qui avaient dû abandonner leur profession mais elle a aussi servi à l'émancipation sociale. Avec elle, le monde ouvrier pouvait obtenir une représentation digne. L'indemnité est la condition de la représentation sociale de tous.
Dans les années 1960, Roland Barthes a écrit les Mythologies. Nous sommes en pleine mythologie. La question de l'amateurisme des fonctions d'élu est devenue un totem. On se cache derrière le statut, alors que la question est la variation des tâches derrière le statut. Dans les gros exécutifs, la fonction d'élu est incompatible avec l'exercice d'une autre profession.
Mme Michelle Gréaume. - Monsieur le ministre, vous distinguez salaire et indemnité. L'article 5 du projet de loi de finances pour 2017 n'a certainement pas été voté par le CRCE. Tout le monde ne peut pas en dire autant... (M. François Bonhomme se récrie.) Vérifiez, cher collègue.
Cet article a acté le principe que l'élu doit déclarer ses indemnités au même titre que ses salaires. Alors, en quoi le principe de gratuité est-il si important ?
Mme Nadia Sollogoub. - Je voterai contre cet amendement. Les feuilles d'indemnité des élus ressemblent trop à des feuilles de paie. Certains élus ne touchent aucune compensation, et leur mandat leur coûte de l'argent - comme à ceux qui perçoivent une toute petite indemnité. En quoi un statut empêcherait-il le bénévolat ? On ne peut pas en rester là. Pensons aux élus des petites communes.
Mme Cécile Cukierman. - Je vais répéter ce que je viens de dire, je serai peut-être plus claire. Oui, il existe un débat qui traverse tous les groupes sur ce que l'on appelle la gratuité mais l'article premier, c'est d'abord la création d'un statut de l'élu territorial que, à entendre les interventions, chacun reconnaît comme nécessaire. Voter l'amendement de suppression, c'est le refuser. Discutons des amendements : les nos27, 28 et 30 rectifiés le maintiennent, les n°26 rectifié et 55 rectifié bis portent sur la gratuité.
Merci au président de la commission des lois de se référer à l'héritage de la Révolution française - avec ces bases communes, nous pourrons avancer.
Le Sénat doit se rassembler pour se faire entendre du Gouvernement.
M. François Bonhomme. - Madame Gréaume, la fiscalisation alourdie des indemnités des élus date de la loi de finances de décembre 2016. Le prélèvement à la source, qui a été reportée, l'a rendue d'autant plus douloureuse. Mais cela a été décidé par l'ancien gouvernement, et non par l'actuel...
La difficulté quand nous touchons à la gratuité, c'est que les élus locaux ne perçoivent pas un salaire mais ils ne sont pas non plus tout à fait bénévoles. La difficulté, c'est de compenser de manière juste leurs missions à la hauteur de leurs différents degrés de responsabilités.
Certes, une forme de rétribution est la reconnaissance d'un engagement corps et âme pour la collectivité mais supprimer le principe de gratuité mettrait à mal un symbole, celui de l'engagement bénévole. Si nous supprimons la gratuité, que dirons-nous aux 450 000 élus locaux qui ne touchent aucune indemnité ? Espérons que cette question sera traitée au mois de septembre.
Mme Agnès Canayer. - Nous avons tous le même objectif, celui de faire bénéficier les élus locaux d'une reconnaissance à la hauteur de leur engagement.
Cependant les moyens diffèrent. Enfermer l'élu dans un cadre rigide ne mènera nulle part. Des chartes, des principes, des solutions concrètes, voilà ce qui portera ses fruits.
La gratuité, à laquelle je suis particulièrement attachée, est ce qui fait le sel de notre démocratie. Les gens donnent de leur temps, mettent de leur coeur, ils s'engagent au service de l'intérêt collectif ; c'est une force. Une rémunération l'amoindrirait.
C'est d'autant plus vrai que nous travaillons à favoriser l'engagement associatif et le bénévolat, si essentiel pour faire vivre nos communes. Rémunérer la fonction de maire serait un mauvais signal.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Très bien !
M. Joël Guerriau. - Nous parlons des élus mais aussi de tous ceux qui ne le sont pas parce qu'ils ont besoin d'une activité professionnelle pour vivre. Dire qu'un maire doit nécessairement se classer parmi les « sans profession » est choquant. J'ai envoyé un questionnaire aux élus locaux de Loire-Atlantique. Les résultats sont clairs : les indemnités sont un problème de fond, la question du statut revient aussi. Reconnaissons la réalité complexe et technique que recouvrent désormais les fonctions d'élus, dans leur diversité. En Loire-Atlantique, 56 % des maires considèrent que tous les élus devraient bénéficier d'une reconnaissance indemnitaire. Je ne voterai pas l'amendement.
M. Alain Marc. - Nous sommes dans une période où les fonctions électives alimentent la suspicion, que nous soyons parlementaires ou maires. Accorder un salaire aux maires serait un très mauvais signal. Dans l'Aveyron, je ne connais aucun conseiller municipal qui souhaite devenir maire pour toucher une indemnité !
Mme Sylvie Goy-Chavent. - L'élu municipal rend un service à la collectivité, il n'est pas un professionnel. Pas de professionnalisation, pas de fiscalisation !
Mme Éliane Assassi et M. Pierre-Yves Collombat. - Mais c'est déjà le cas !
Mme Sylvie Goy-Chavent. - N'ajoutons pas une couche !
Percevoir 661 euros brut par mois pour être corvéable à merci 7jours sur 7 ? Ne croyez pas que l'on s'engage dans la fonction municipale par appât du gain. Dans les petites communes, il s'agit de payer l'essence, le téléphone et les timbres. Les maires tiennent à la gratuité de leur fonction ; un salaire, ce serait des regards négatifs portés sur leur fonction.
M. Jean-Pierre Grand. - Cette proposition des communistes me ravit. Qu'y aura-t-il ensuite ? On se professionnalise puis on se syndiquera ? (Marques d'ironie sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Éliane Assassi. - Et on adhère au parti communiste !
M. Jean-Pierre Grand. - Quand les électeurs actionnaires renverront le maire dans ses foyers, il aura droit chômage ? Votre proposition est dans le droit fil des professionnels de la politique que les Français rejettent ! (Vives protestations sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Éliane Assassi. - Un peu d'humilité ! Vous êtes sénateur !
Mme Céline Brulin. - Le premier élément de cette proposition de loi est la création d'un statut de l'élu territorial. Tout le monde semble l'appeler de ses voeux, chacun dit que les élus locaux ont le blues.
M. le ministre Lecornu nous a rappelé que le Gouvernement est en train de travailler sur cette question. Le Sénat voudrait-il envoyer le message qu'il n'y a pas besoin d'un statut ? Les élus sont encore moins soutenus dans les petites communes que dans les grandes - oui ! Alors ouvrons le débat !
Je sais que le mot de statut fait peur à certains, il évoque des syndicats et d'autres choses plus horribles encore... (Sourires) Mais la sécurisation des élus locaux est une demande puissante que nos concitoyens sont prêts à soutenir.
M. Jean-Luc Fichet. - La gratuité n'existe plus. Il y a des gens qui exercent des responsabilités et touchent une indemnité. Un statut éviterait des votes sur les indemnités après chaque renouvellement, dont le montant varie en fonction de la réalité professionnelle. La hausse de 40 % des indemnités des maires de communes de 100 000 habitants n'a pas suscité de réactions. (M. Pierre-Yves Collombat s'amuse.) Les maires de petites communes se demandent pourquoi cela poserait problème pour eux !
M. Jean-Marc Boyer. - Qui dit professionnalisation dit salaire, et indemnisation pour chômage à la fin du mandat. L'indemnité est préférable. Qui est prêt à laisser la moitié de son salaire, voire plus, pour 661 euros bruts ? Il faut donc plutôt revaloriser ces indemnités. Qui est le patron des maires ? C'est l'électeur.
M. Pierre Laurent. - La question du statut de l'élu territorial, ce n'est pas seulement la question de l'indemnité. Les garanties de retour à l'emploi pour les salariés du privé n'existent pas, nous le savons bien. Si nous supprimons l'article premier, nous tuons le débat dans l'oeuf.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - La question des indemnités, nous avons souhaité la traiter. Mesdames Brulin, Cukierman et Monsieur Laurent, merci : vous soulignez que la commission n'a pas introduit d'amendement sur l'article premier pour éviter de fermer le débat sur le statut.
Mme Éliane Assassi. - Contrairement à Alain Marc !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Il ne m'appartient pas de demander à M. Marc de retirer son amendement.
Mme Éliane Assassi. - Bien sûr que si !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Monsieur Collombat, ce qui nous sépare n'est pas si profond. Le raisonnement par assimilation que vous faites, en disant que l'impôt sur le revenu assimile l'indemnité à un salaire, ne tient pas. Les revenus du capital, et même ceux de la prostitution, sont soumis à l'impôt sur le revenu ! (Rires sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce ne sont pas des indemnités !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Il est en effet regrettable, monsieur Guerriau, qu'il n'y ait pas une case « autres » qui permette d'expliquer à l'Insee qu'on est titulaire d'un mandat électif.
Une fois que vous êtes maire, vous êtes libre : vous n'êtes ni un salarié ni un fonctionnaire. « Tout mandat impératif est nul. » La liberté ne signifie pas faire n'importe quoi, c'est agir en conscience.
Ce matin, en commission des lois, nous avons déposé un amendement qui améliore l'indemnité des maires des communes les moins peuplées.
M. Jean-Marc Boyer. - Très bien !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Car celles-ci n'ont pas de services techniques et le maire et son adjoint aux travaux doivent être derrière les ouvriers quand on refait les huisseries de l'école ! (M. André Reichardt renchérit.)
Non, les électeurs ne sont pas les patrons du maire. Le maire est son propre patron. Il a la responsabilité pleine et entière, il n'est pas le subordonné de ses électeurs.
Les auteurs de la proposition de loi plaident pour le retrait de l'amendement n°41 rectifié bis, pour laisser le débat ouvert. J'y suis sensible et je n'hésite pas à demander à son auteur de le retirer, non pas que je sois en désaccord avec lui, mais parce que le débat doit avoir lieu.
M. André Reichardt. - Excellent !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Vous avez raison : l'article 1er ne pose pas que la question du principe de gratuité mais aussi celle de l'écriture par la loi du statut de l'élu territorial. Ce statut, nous devons l'écrire.
Mme Éliane Assassi. - Voilà !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - MM. Darnaud et Bockel ne disent pas autre chose dans leur rapport intitulé « Faciliter l'exercice des mandats locaux : enjeux et perspectives », ni le président de la République quand il affirme vouloir donner aux élus locaux « un statut digne de ce nom ». Le projet de loi que je défendrai écrira ce statut et lui donnera du corps.
Remettre en cause le principe de gratuité, c'est envoyer un mauvais signal. Beaucoup de démagogues n'attendent que cette occasion de taper sur les élus ! Leur engagement est gratuit, il n'est pas pour autant bénévole au sens où le sont les sauveteurs de la SNSM. Les militaires de réserve sont indemnisés, mais l'indemnisation n'est pas fiscalisée ; les sapeurs-pompiers volontaires ont encore un autre régime... Convenez qu'on ne saurait faire du régime fiscal un postulat pour définir les principes régissant la démocratie locale.
Le président Bas a raison : le maire, patron politique de sa collectivité, est aussi agent de l'État, puisqu'il est officier d'état civil, officier de police judiciaire... Il ne peut être le salarié ou l'agent de sa commune, sauf à écorcher le principe même d'autonomie de l'élu local.
Il nous faudra bien sûr traiter la délicate question des indemnités, mais le consensus sera difficile à bâtir.
M. Kerrouche a rappelé à raison qu'au XIXe siècle, l'indemnité était un outil d'égalité sociale ; c'est aussi une indemnisation du revenu que l'on perd par ailleurs. N'oublions pas la compensation de la responsabilité, pénale, civile et administrative, qui pèse sur le maire.
Les élus locaux ne demandent pas plus d'argent, mais ne comprennent pas le pourquoi du seuil à 500 habitants ; ils s'étonnent de gagner moins que le secrétaire de mairie ou que le directeur général des services - et deux à trois fois moins qu'un conseiller régional d'opposition qui n'a ni délégation ni responsabilité ! Pourtant, nous savons l'utilité de l'indemnité de conseiller régional d'opposition...
Pour résumer : oui au statut, non à la remise en cause de la gratuité, en raison de sa charge symbolique, traitons de la question des indemnités calmement, sans démagogie.
M. le président. - Monsieur Marc, retirez-vous l'amendement ?
M. Alain Marc. - Je le retire pour que le débat ait lieu. (Applaudissements)
L'amendement n°41 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°27 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Danesi et Daubresse, Mme Deromedi, M. B. Fournier et Mmes Gruny et Micouleau.
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les principes généraux déterminant les conditions d'exercice de leur mandat sont fixés par le présent code. »
Mme Agnès Canayer. - Ce n'est pas le statut qui garantira les conditions de l'épanouissement des élus locaux et favorisera leur engagement. Il paraît toutefois opportun d'intégrer à l'article L. 1111-1-1 du CGCT les dispositions relatives aux principes généraux de l'exercice des mandats locaux, afin de les placer en parallèle aux principes déontologiques de la charte de l'élu local, également fixés à cet article.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - J'y suis favorable sur le fond, mais il serait préférable de retirer cet amendement au profit de l'amendement n°28 rectifié afin que le débat puisse se poursuivre. (Mme Cécile Cukierman approuve.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Avis favorable avec sagesse ouverte, car nous nous commençons à mettre du contenu dans le statut de l'élu.
L'amendement n°27 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°28 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Danesi et Daubresse et Mmes Deromedi, Gruny et Micouleau.
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1111-1-2. - Les principes généraux déterminant les conditions d'exercice des mandats des élus des collectivités territoriales sont fixés par le présent code, dans le respect des règles de libre-administration des collectivités territoriales. » ;
Mme Agnès Canayer. - La notion de statut, appliquée notamment à la fonction publique, renvoie à l'existence de modalités d'entrée et de maintien dans l'emploi totalement étrangère à la réalité du mandat politique. Au surplus, la proposition de loi contient de nombreuses mesures visant à améliorer les conditions d'exercice de ces mandats, mais ne se place pas dans la perspective d'un travail d'ensemble.
Cet amendement préfère donc renvoyer à des « principes généraux » ce qui prévient tout risque juridique lié à la présence de dispositions s'appliquant aux élus locaux dans le code du travail ou le code électoral.
M. le président. - Amendement n°30 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Daubresse et Danesi, Mme Deromedi, M. B. Fournier et Mmes Gruny, Lherbier et Micouleau.
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1111-1-2. - Considérant que, dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences, il est créé un statut de l'élu territorial. » ;
Mme Agnès Canayer. - Pour la clarté, l'intelligibilité et la concision de la norme, nous privilégions une rédaction plus brève.
M. le président. - Amendement n°29 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Danesi et Daubresse, Mme Deromedi, M. B. Fournier et Mmes Gruny, Lherbier et Micouleau.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
comme le précise l'article 1er de la Constitution
et les mots :
tel que défini au deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution
Mme Agnès Canayer. - N'alourdissons pas inutilement la loi.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°28 rectifié ; demande de retrait des deux autres à son profit.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Même avis. Des choses existent déjà dans la loi.
Mme Michelle Gréaume. - Certains ont des réticences à l'égard du statut de l'élu. N'ayant pas fait l'ENA, je cherche la définition des mots dans le Larousse, un dictionnaire très correct. Je lis, à la troisième entrée du mot « statut » : « situation de fait, position par rapport à la société, aux institutions. Exemple : statut de la femme, du livre ». Pourquoi pas de l'élu territorial ?
Mme Cécile Cukierman. - N'étant pas une femme de compromis (M. le président Bas le confirme.), je veux aller jusqu'au bout. L'amendement n°30 rectifié me semble plus apte à nous rassembler, dans la diversité de nos positions. La question du statut n'est pas sémantique, ni même financière, mais bien politique. C'est de la place des élus dans la société qu'il s'agit. Reconnaître un statut aux élus territoriaux, c'est affirmer qu'il ne peut y avoir de démocratie sans eux.
M. Pierre-Yves Collombat. - La question du statut dépasse largement le principe de gratuité, en effet. Les maires ont une lourde responsabilité, notamment pénale.
Je suis surpris de ces discussions sur la gratuité : faudrait-il avoir honte de toucher des indemnités ? Les élus devraient-ils se couvrir de cendres ? Je sais bien que nous sommes à l'ère de la démagogie, mais tout de même ! (M. Roland Courteau renchérit.)
Il faut déterminer un certain nombre de principes généraux qui structurent le statut. S'il fait consensus, nous sommes prêts à nous rallier à l'amendement n°30 rectifié.
M. Éric Kerrouche. - Les amendements nos28 rectifié et 29 rectifié ont peu d'intérêt en effet. La notion de statut a aussi une dimension sociologique : c'est une façon d'être au sein de la société. Avoir un statut, c'est être reconnu pour ce que l'on est. Nous nous rallierons à l'amendement n°30 rectifié qui englobe toutes les strates de collectivités.
L'amendement n°28 rectifié est adopté.
Les amendements nos30 rectifié et 29 rectifié n'ont plus d'objet.
(Marques de protestations sur les bancs du groupe CRCE)
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est n'importe quoi !
Mme Michelle Gréaume. - On a supprimé toute référence au statut !
M. le président. - Amendement n°26 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, M. Daubresse, Mme Deromedi, M. Danesi et Mmes Gruny et Micouleau.
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
Mme Agnès Canayer. - La gratuité des mandats locaux, en plus d'être une tradition, relève d'une vision de l'engagement démocratique local : l'indemnisation n'est pas la contrepartie d'un service de type professionnel ni la rémunération d'un travail fourni. C'est un mécanisme de compensation d'une perte qui remonte à l'Antiquité romaine.
M. le président. - Amendement identique n°55 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet, Pierre et Raison, Mmes Morhet-Richaud et Berthet, MM. Chaize, Savary et Bazin, Mmes Thomas, Chain-Larché, Lassarade et Duranton, MM. Duplomb, Laménie, Priou, Vaspart, Perrin, D. Laurent, Rapin, Vogel et Mayet, Mme Ramond et M. J.M. Boyer.
M. Michel Raison. - Cet amendement de bon sens donne aux élus qui le souhaitent la possibilité de réduire leur indemnité ou d'exercer leur mandat bénévolement. Longtemps adjoint au maire d'une petite commune, je ne percevais pas d'indemnités. Je n'en suis pas mort - même si je suis un peu mieux indemnisé aujourd'hui. (Sourires)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Avis favorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Avis favorable.
M. Éric Kerrouche. - Dans Le Savant et le Politique, Max Weber fait la distinction entre vivre de la politique et vivre pour la politique.
Dans les faits, certains élus vivent de la politique, car leur mandat exige un engagement à plein-temps. C'est mon cas, c'est le cas dans certains mandats locaux. Avec cet amendement, on se paye de mots !
Les amendements identiques nos26 rectifié et 55 rectifié bis sont adoptés.
Mme Cécile Cukierman. - À regret, je ne voterai pas cet article premier.
Nous avons passé plus d'une heure à débattre du statut de l'élu territorial et de la gratuité ; l'un des amendements en discussion commune permettait d'aboutir collectivement à une formulation consensuelle ; or, par un artifice de procédure, il n'est pas soumis au vote ! En l'état, l'article premier ne crée pas de statut de l'élu local ; nous n'en sortons pas grandis ! Tant pis, nous nous rattraperons en septembre dans le projet de loi à venir...
M. le président. - Chacun ici est censé connaître le Règlement du Sénat, et ces amendements ont été mis aux voix de manière régulière.
Mme Cécile Cukierman. - Je ne vous mettais pas en cause !
M. le président. - Je l'ai pris pour moi. Lorsque des amendements sont en discussion commune, l'adoption du premier fait tomber les autres. Que ceux qui l'ignorent prennent des cours de rattrapage !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Je suis surpris de la réaction de Mme Cukierman. La commission aurait très bien pu mettre fin au débat, elle ne l'a pas fait.
Qu'attendent les élus dans les territoires ? Certainement pas des débats sémantiques sur le mot « statut » ou « conditions d'exercice », mais des avancées concrètes sur les indemnités, la responsabilité, la formation.
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. - Nous pensions nous entendre sur une formulation contenant l'expression « statut de l'élu » - ce que permettait l'amendement n°30 rectifié. Les « conditions d'exercice du mandat » ne sont pas la même chose que le statut, qui entraîne obligations mais aussi prérogatives ! C'est déterminant, en matière de responsabilité pénale ou de garantie d'emploi.
Soit dit en passant, les élus locaux sont les seuls pour lesquels il est fait mention de la gratuité. Je ne comprends pas que l'on n'ait pas voté l'amendement sur lequel nous étions tombés d'accord !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Cette querelle est une querelle de concepts. Ce qui importe, ce sont les règles applicables aux élus locaux. Un statut, c'est un ensemble de règles régissant une situation. Ne donnons pas au mot « statut » des implications qu'il n'a pas nécessairement. Nous ne voulons pas calquer le statut de l'élu sur celui de la fonction publique.
M. Pierre-Yves Collombat. - Mais l'amendement voté est en retrait par rapport à ce que nous voulions !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Nous pouvons nous retrouver sur des mesures pragmatiques et concrètes, ne faisons pas un abcès de fixation du mot « statut », qui n'a pas de statut juridique !
M. Pierre Laurent. - Nous avons déposé cette proposition de loi, dans un espace réservé, dans l'espoir d'avancer ensemble. Nous avons fait des gestes pour aboutir à une rédaction qui nous rassemble ; vous n'en avez pas fait autant, tout en reconnaissant la pertinence du sujet...
L'article premier, modifié, est adopté.
ARTICLE 2
Mme Michelle Gréaume . - Les élus locaux savent les difficultés qu'il y a à concilier vie professionnelle et exercice d'un mandat électif. Le CGCT prévoit les autorisations d'absence, le droit à la formation, mais ne garantit pas leur application : seul le code du travail régit les liens entre salarié et employeur.
Cet article renforce les droits des salariés élus en transcrivant dans le code du travail les obligations des employeurs et augmente le crédit d'heures pour l'exercice de responsabilités. Tous les salariés ne peuvent en effet se mettre à temps partiel.
M. le président. - Amendement n°42 rectifié bis, présenté par MM. A. Marc, Decool, Guerriau, Menonville, Bignon, Chasseing, Malhuret et Luche.
Supprimer cet article.
M. Franck Menonville. - Cet article, qui renforce les garanties offertes aux candidats aux élections municipales et aux conseillers municipaux, lorsqu'ils sont salariés, afin de leur permettre de participer à la campagne électorale et à l'administration de leur commune, aggravera les charges qui pèsent sur les PME.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Je partage vos préoccupations mais l'adoption de cet amendement mettrait fin au débat. Sagesse.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Sur le fond, je suis favorable à l'abaissement du seuil de 500 habitants, nous pourrons l'inclure dans le futur projet de loi. Pour des raisons juridiques, je suis toutefois réservé sur la réécriture du code du travail : la modification du CGCT suffit pour emporter le droit positif en la matière. Sagesse.
M. Pierre Laurent. - La mesure que supprime cet amendement a été suggérée par un chef d'entreprise qui souhaitait favoriser l'engagement citoyen de ses salariés ! Comme quoi, nous savons dialoguer !
M. Éric Kerrouche. - Ne nous leurrons pas sur la portée de cet article. Cette faculté ne sera pas forcément mobilisée entièrement et ne vaudra que tous les six ans.
L'amendement n°42 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°31 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Danesi et Daubresse, Mme Deromedi, M. B. Fournier et Mmes Gruny et Micouleau.
Alinéa 1
Remplacer les mots :
de plus de
par les mots :
d'au moins
Mme Agnès Canayer. - Nous harmonisons la rédaction avec celle de l'article L. 2121-2 du CGCT, qui détermine une tranche de 500 à 1 499 habitants. La formulation actuelle fixerait un seuil à 501 habitants.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Avis favorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°31 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°32 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Danesi et Daubresse, Mme Deromedi, M. B. Fournier et Mmes Gruny et Micouleau.
Alinéas 3 à 21
Supprimer ces alinéas.
Mme Agnès Canayer. - L'obligation pour les employeurs d'appliquer le droit des absences aux employés élus municipaux et les crédits d'heures aux élus communaux figure déjà aux articles L. 2123-1 et L. 2123-2 du CGCT.
M. le président. - Amendement identique n°62, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Outre que cette duplication ne produirait aucun effet juridique, elle nuirait à la lisibilité du droit et risquerait de provoquer des incohérences dans le cas où l'un ou l'autre des deux codes viendrait à être modifié dans l'avenir. Par ailleurs, on comprendrait mal que ne soient reprises dans le code du travail que les dispositions relatives aux conseillers municipaux, et non celles, de même objet, qui concernent les autres élus locaux.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. Grand.
I. - Alinéa 10
Remplacer la référence :
L. 2123-1
par la référence :
L. 3142-88-1
II. - Alinéa 18
Après la référence :
L. 2122-17
insérer les mots :
du code général des collectivités territoriales
M. Jean-Pierre Grand. - Défendu.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Avis favorable.
M. le président. - Il tombe si le vôtre est adopté...
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Avis favorable aux amendements identiques nos32 rectifié et 62. L'amendement n°10 tomberait en effet.
Les amendements identiques nos32 rectifié et 62 sont adoptés.
L'amendement n°10 n'a plus d'objet.
L'article 2, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°63, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 5214-8 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « Les articles L. 2123-2, L. 2123-3, » sont remplacés par les mots : « Les articles L. 2123-1 à » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application de l'article L. 2123-4, il y a lieu de lire : ?Les conseils des communautés de communes qui comportent, parmi leurs membres, au moins l'une des communes visées? au lieu de : ?Les conseils municipaux visés? ».
II. - Après le premier alinéa de l'article L. 5215-16 et après le premier alinéa de l'article L. 5216-4 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application de l'article L. 2123-4, il y a lieu de lire : ?Les conseils des communautés qui comportent, parmi leurs membres, au moins l'une des communes visées? au lieu de : ?Les conseils municipaux visés?. »
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Les conseillers communautaires des communautés d'agglomération, des communautés urbaines et des métropoles bénéficient de crédits d'heures et d'autorisations d'absence. Cette possibilité n'est pas prévue pour les conseillers communautaires des communautés de communes. Au vu de leurs compétences croissantes, cette exception ne semble pas justifiée.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Nous commençons enfin à rédiger concrètement ce qu'est le statut de l'élu. Avis favorable. Nous en reparlerons dans le projet de loi à venir.
M. Éric Kerrouche. - Cette extension est nécessaire. Une quarantaine de communautés de communes dépassent les 50 000 habitants. Nous voterons cet amendement.
L'amendement n°63 est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 3
M. François Bonhomme . - Cet article concerne le financement de la formation des élus. Le décret de juin 2016 prévoit une cotisation des élus locaux pour financer leur droit à la formation à hauteur de 1 % du montant brut de leurs indemnités. Pas moins de 14 millions d'euros sont prélevés chaque année - or 2 millions d'euros seulement ont été utilisés en 2017 et 2018 au titre du droit individuel à la formation.
Il serait bon que le Parlement se voie remettre un rapport sur le bilan du droit individuel à la formation des élus locaux et soit destinataire du bilan annuel de gestion de ce fonds.
M. Antoine Lefèvre . - Le 30 octobre 2012, lors de la présentation de mon rapport sur la formation des responsables locaux, j'avais déjà fait valoir que la conduite des affaires publiques nécessitait de larges compétences, tant l'environnement juridique et technique s'est complexifié. L'élu local est devenu un véritable gestionnaire ; le droit à la formation est une condition sine qua non du bon exercice du mandat. Préserver la capacité de décision autonome des élus locaux est même une condition de la libre administration des collectivités territoriales.
Je mesure le chemin accompli depuis 2012 en matière de droit à la formation des élus. Cependant, 97 % de ceux qui ont répondu à une enquête sur le sujet ont dit n'avoir jamais bénéficié d'un congé formation, 70 % n'ont bénéficié d'aucune prise en charge de leurs frais de formation et 99 % d'aucune compensation de la perte de revenus occasionnée par une formation.
Je suis naturellement favorable à l'obligation de formation pour les élus des petites communes, mais encore faut-il qu'ils y soient incités !
M. Roland Courteau . - La confiance de nos concitoyens repose sur la capacité des élus à maîtriser les dossiers. Or la légitimité du suffrage universel n'induit pas automatiquement la connaissance !
Les lois de 1992 et 2015, ont institué une formation obligatoire pour les élus des communes de 3 500 habitants et plus ayant reçu une délégation. Or les élus des petites communes exercent eux aussi des responsabilités importantes. Pourquoi les avoir oubliés ?
L'action publique locale ne cesse de se complexifier, requérant des compétences de plus en plus pointues. Il faut étendre l'obligation de formation à l'ensemble des élus en prévoyant les financements adéquats.
M. le président. - Amendement n°51, présenté par M. Bonhomme.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le dernier alinéa de l'article L. 1621-3 est complété par les mots : « et de la commission des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat » ;
M. François Bonhomme. - Cet amendement rend le Parlement destinataire du bilan annuel de la gestion du fonds pour le financement du droit individuel à la formation des élus locaux, actuellement communiqué au seul Comité des finances locales.
M. le président. - Sous-amendement n°82 à l'amendement n°51 de M. Bonhomme, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission.
Amendement n° 51, alinéa 3
Remplacer les mots :
de la commission des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat
par les mots :
des assemblées parlementaires
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Il est proposé que l'information bénéficie à l'Assemblée nationale et au Sénat dans leur globalité et non aux seules commissions des finances.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Tous les systèmes de formation des élus gagneraient à être plus transparents. Favorable à l'amendement n°51, qui va dans le bon sens ; sagesse sur le sous-amendement n°82.
Le droit individuel à la formation produit ses effets depuis 2017. Je vous communiquerai prochainement des chiffres plus récents : désormais, c'est 50 % de l'enveloppe qui est consommée.
Quoi qu'il en soit le rapport existe, communiquons-le au Parlement.
Le sous-amendement n°82 est adopté.
L'amendement n°51, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°52, présenté par M. Bonhomme.
I. - Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le dernier alinéa de l'article L. 1621-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le comité fixe en conséquence chaque année le taux de la cotisation obligatoire prévue au deuxième alinéa du présent article. » ;
II. - Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 2123-12-1, les mots : « ne peut être inférieur à 1 % » sont remplacés par les mots : « est compris entre 0,5 % et 1 % » ;
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant du II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - La perte de recettes résultant pour le fonds de financement du droit individuel à la formation des élus locaux du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. François Bonhomme. - Cet amendement prévoit que le Comité des finances locales décide chaque année du taux de la cotisation obligatoire, en fonction du niveau de consommation du fonds. Cela implique de modifier les dispositions du CGCT prévoyant que le taux de cette cotisation ne peut être inférieur à 1 % des indemnités des élus.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Réduire le taux de cotisation deux ans seulement après sa mise en place risquerait de porter atteinte à la formation des élus, notamment pour préparer leur reconversion. Un premier bilan de l'utilisation du droit individuel à la formation sera dressé à l'issue des municipales de 2020. Retrait ou avis défavorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Retrait. Le Parlement doit être associé, en effet. Le CFL a déjà une charge de travail considérable, l'impliquer me semble être une fausse bonne idée.
M. François Bonhomme. - C'est l'AMF qui m'a fourni les chiffres concernant la sous-consommation des crédits. Si ceux-ci sont davantage consommés, je m'en réjouis - et retire mon amendement.
L'amendement n°52 est retiré.
M. le président. - Amendement n°33 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Danesi et Daubresse et Mmes Deromedi et Micouleau.
Alinéa 2
Remplacer le nombre :
1 000
par le nombre :
1 500
Mme Agnès Canayer. - Il convient de se mettre en conformité avec le CGCT. Le chiffre de 1 500 habitants permettrait d'éviter de créer un seuil supplémentaire à 1 000 habitants, déconnecté des seuils déterminant le nombre des membres du conseil municipal.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - C'est dans les petites communes qui ne disposent pas d'équipes que les formations sont nécessaires. Retrait ? L'extension proposée par la proposition de loi n'est qu'un premier pas et a vocation à s'étendre à toutes les communes. Retrait ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Votre amendement va à l'encontre des préconisations unanimes du Sénat, à savoir rendre universel le droit à la formation. Le seul seuil qui vaut, c'est la capacité de la collectivité à financer la formation. Comme le DIF a réglé la question, je vous propose le retrait de cet amendement.
Mme Agnès Canayer. - Ces explications sont claires : je retire.
L'amendement n°33 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Labbé, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Roux.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 2123-12 est complétée par les mots : « , sous la forme d'un plan de formation pour les six années à venir » ;
M. Henri Cabanel. - Cet amendement vise à ce que chaque assemblée locale définisse un plan pluriannuel de formation pour la période du mandat.
M. le président. - Sous-amendement n°83 à l'amendement n°4 rectifié de M. Cabanel, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission.
Amendement n° 4, alinéa 3
Remplacer les mots :
les six années à venir
par les mots :
la durée restant à courir du mandat des conseillers municipaux
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Il faut préciser que le plan de formation vaut pour la durée restant à couvrir du mandat des municipaux, pour couvrir les cas de renouvellements intermédiaires. Avis favorable sur cet amendement, sous réserve qu'il soit sous-amendé.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - L'idée est intellectuellement séduisante, mais évitons d'imposer une nouvelle obligation aux élus locaux. S'il s'agit de prévoir un copier-coller des délibérations relatives à la formation d'une commune à l'autre, quel est l'intérêt ? En outre, je ne demanderai jamais aux préfets des contrôles de légalité en la matière. Ne faudrait-il pas plutôt que les organismes de formation proposent du sur-mesure aux petites communes ? Retrait.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Je comprends l'intention de l'amendement. Cependant veillons à ne pas imposer de nouveaux carcans aux élus locaux. L'enfer est pavé de bonnes intentions.
Je profite d'avoir la parole pour rendre hommage aux associations d'élus, à l'AMF et à l'AMRF qui organisent des formations gratuites à destination des maires des petites communes.
M. Éric Kerrouche. - Les formations sont surtout demandées par ceux qui ont déjà l'expérience du mandat d'élu. L'amendement est nécessaire.
Mme Cécile Cukierman. - Avec cette proposition de loi, chacun a eu à coeur d'essayer de faciliter l'exercice du mandat des élus locaux. Nous voterons cet amendement sous-amendé. Ce débat passionné a montré que nous avions tous l'engagement politique chevillé au corps.
Nous pourrons continuer le débat lors de l'examen du texte proposé par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Le sous-amendement n°83 est adopté.
L'amendement n°4 rectifié, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°34 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Danesi et Daubresse et Mmes Deromedi, Gruny et Micouleau.
Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
Mme Agnès Canayer. - La création du fonds national pour la formation des élus locaux pose des problèmes techniques et juridiques. Il tendrait à nationaliser le financement de la formation des élus, ce qui serait contraire au principe de libre administration des collectivités locales.
M. le président. - Amendement identique n°64, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Les communes disposent d'une grande marge de manoeuvre quant aux crédits qu'elles inscrivent pour la formation au mandat de leurs élus.
Il existe déjà une aide aux plus petites communes pour financer leurs actions de formation : il s'agit de la dotation particulière relative à l'exercice des mandats locaux. L'éligibilité à cette dotation pourrait être étendue dans le même temps que son montant pourrait être augmenté. Ces suggestions pourraient être étudiées en vue du projet de loi sur l'engagement des élus locaux annoncé par M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Avis favorable. Ne recréons pas un système complexe alors que la tuyauterie financière existe déjà.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je constate qu'il est urgent de ne pas déranger... Le but ici était d'assurer une forme de péréquation.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Elle existe déjà !
M. Pierre-Yves Collombat. - Il s'agit de rediriger les sommes qui ne sont pas dépensées vers les plus petites collectivités. Que les élus, au travers de leurs indemnités, financent leur propre formation et que cet argent dorme à la Caisse des dépôts ne semble gêner personne... C'est le Sénat qui a voté cette disposition, mais pas moi !
Les amendements identiques nos34 rectifié et 64 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°35 rectifié, présenté par Mmes Canayer et A.M. Bertrand, MM. Danesi et Daubresse et Mmes Deromedi, Gruny et Micouleau.
Alinéas 6 à 9
Supprimer ces alinéas.
Mme Agnès Canayer. - Mêmes arguments que précédemment.
M. le président. - Amendement identique n°65, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Cet amendement permet le maintien du financement de la formation des élus par la commune dans les conditions aujourd'hui en vigueur.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Avis favorable.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je me répète : il n'est pas normal que les élus financent leur propre formation.
Les amendements identiques nos35 rectifié et 65 sont adoptés.
M. le président. - Cette proposition de loi était inscrite dans une niche du groupe CRCE pour une durée de quatre heures. Elles sont écoulées.
Il reviendra à la Conférence des présidents d'inscrire à l'ordre du jour la suite de cette proposition de loi et la proposition de loi suivante que nous n'avons pas pu examiner.
Prochaine séance demain, jeudi 13 juin 2019, à 9 h 30.
La séance est levée à 20 h 45.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du jeudi 13 juin 2019
Séance publique
À 9 h 30
Présidence : M. Gérard Larcher, président du Sénat Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente
Secrétaires : M. Dominique de Legge - M. Éric Bocquet
1. Déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 49, quatrième alinéa, de la Constitution (demande du Gouvernement)
De 14 h 30 à 18 h 30
Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président
(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)
2. Proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales, présentée par Mme Nathalie Delattre, M. François Pillet et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°547, 2018-2019)