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Table des matières
Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union européenne
M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires
M. Alain Marc, auteur de la proposition de loi
M. Dany Wattebled, rapporteur de la commission des lois
M. Sébastien Lecornu, ministre
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
Débat sur le mécénat territorial au service des projets de proximité
M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants
M. Franck Riester, ministre de la culture
Ordre du jour du mardi 14 mai 2019
SÉANCE
du jeudi 9 mai 2019
87e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
Secrétaires : M. Daniel Dubois, M. Dominique de Legge.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union européenne
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « La caducité du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union européenne rendra-t-elle une autonomie budgétaire aux États membres ? », à la demande du groupe CRCE.
M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste . - Ouvrons ce débat sur ce constat éclairant : « La réforme de la zone euro est à nouveau à l'ordre du jour. Parmi les pistes envisagées, l'évolution des règles budgétaires devrait figurer en tête de liste. Celles-ci ont en effet engendré une austérité budgétaire excessive pendant la crise, aggravant et prolongeant ses conséquences économiques, sociales et politiques. Ces règles souffrent de graves problèmes de mesure : elles sont basées sur un concept légitime, le solde public structurel, mais celui-ci n'est pas observable et fait l'objet d'importantes erreurs d'estimation. »
Cette prise de position n'émane pas du Parti communiste, mais du Conseil d'analyse économique (CAE) ! Plus de 25 ans après Maastricht, plus de 10 ans après la profonde crise du capitalisme de 2007, ce constat remet en cause l'inefficacité et l'injustice de l'encadrement des politiques budgétaires nationales.
Or, depuis décembre, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de l'Union européenne est devenu caduc, sans existence légale, à la suite du refus du Parlement européen de l'entériner. Occasion unique, que notre Gouvernement a pourtant passée sous silence, alors même que nous sommes à la veille des élections européennes et que les conséquences de l'austérité sont mises en cause dans notre pays...
Le Traité tient une place particulière dans l'arsenal austéritaire mis en place à l'échelle européenne. Résultat des négociations entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, il fut au coeur de la campagne présidentielle de 2012, et malgré les promesses de François Hollande, il fut signé sans qu'une ligne en soit changée. Nous avions mis en garde contre ce déni de démocratie, mais aussi contre les dangers de ce corset budgétaire et les problèmes de légalité qui en découlaient.
Poussant comme jamais l'encadrement et le contrôle constitutionnel de l'action publique et budgétaire des gouvernements nationaux, le Traité s'oppose frontalement à la tradition républicaine d'une souveraineté parlementaire sur les dépenses de la Nation.
Alors que des mécanismes de contraintes de la dépense publique avaient déjà été imposés avec les règlements two-pack et six-pack, le TSCG porte une atteinte inédite à la souveraineté nationale en la soumettant, par son article 3, à la règle d'or - le déficit structurel ne devant pas dépasser de 0,5 % du PIB l'objectif fixé à moyen terme - mais aussi, par son article 7, aux recommandations du Conseil européen auxquelles elle ne peut échapper que par une majorité qualifiée inversée au Conseil.
Les conséquences de ces politiques d'austérité sont connues, et dramatiques : abandon de toute ambition de politique publique en Europe, mais aussi explosion des inégalités sociales, avec 87 millions d'Européens vivant sous le seuil de pauvreté.
Politiquement, l'impasse est partout et produit des monstres : la bête noire des nationalismes xénophobes resurgit dans toute l'Europe, et l'abstention s'annonce comme la grande gagnante des élections européennes.
Edmund Husserl le disait déjà dans l'Europe des années trente : « le plus grand danger pour l'Europe est la lassitude ». En 2019, la lassitude fait face à l'austérité et à un avenir obstrué. Nous ne nous y résignerons pas.
Il faut dire la vérité aux Français : depuis 2018, la France et les autres États européens ne sont plus liés par les dispositions du TSCG, ni règle d'or, ni majorité inversée, ni soumission des budgets à la Commission européenne, et cela même si les dogmatiques de l'austérité s'accrochent à ces politiques que les citoyens européens rejettent.
Le TSCG n'est pas un traité de droit européen, mais un outil de droit international, au même titre que le Mécanisme européen de stabilité. C'est un traité temporaire, dont l'article 16 fixe un délai de cinq ans pour assurer sa transposition en droit européen. La proposition de directive soumise en décembre 2018 par la Commission rappelle clairement ce caractère transitoire, tout comme le Conseil constitutionnel dans sa décision 2012-653 DC, relative au TSCG.
Si en vertu de l'article 55 de notre Constitution, les engagements internationaux ratifiés et approuvés sont applicables et supérieurs aux lois, la jurisprudence a souligné qu'ils devaient être régulièrement ratifiés et toujours en vigueur.
La caducité du TSCG est clairement établie. Au terme des cinq ans, la Commission des affaires économiques du Parlement s'est opposée à la proposition de directive de la Commission européenne transposant le TSCG en droit européen. Ce refus doit mettre un terme au projet de la Commission.
En droit international, les traités conclus pour une durée déterminée cessent d'être applicables dès qu'ils sont arrivés à expiration, sans qu'une dénonciation soit nécessaire.
On pourrait nous opposer qu'une loi organique ayant été votée en France, le droit interne suffirait à soumettre les budgets nationaux à la règle d'or.
Cependant, l'enjeu de la caducité du TSCG dépasse les seules frontières nationales et touche au coeur de la construction européenne. En outre, la transposition du TSCG en France s'est faite difficilement. II n'y a pas eu de réforme constitutionnelle et le déficit structurel de 0,5 % du PIB n'a pas été inscrit, stricto sensu, dans la loi organique. Enfin, l'avis du Conseil d'État relatif à la loi de programmation 2009-2011 renforce l'hypothèse de la caducité du Traité.
Ne manquons pas cette occasion de nous libérer d'un carcan qui étouffe notre économie - tandis que les actionnaires s'enrichissent au détriment des peuples et des nations.
J'ai rappelé ici même, en présence du ministre Bruno Le Maire, nos propositions pour la création d'un fonds de développement des services publics, pour la refondation des missions de la BCE au service d'un nouveau développement social, industriel et écologique.
Le vide juridique ouvert par la caducité du TSCG doit nous libérer des multiples instruments de contrainte budgétaire qui ont violé les souverainetés nationales. Déjà, Voltaire s'interrogeait : « La vieille Europe ; elle ne revivra jamais : la jeune Europe offre-t-elle plus de chances ? ». Donnons-nous la chance d'affronter les défis de notre époque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. Éric Bocquet . - Notre groupe a souhaité porter la question de la caducité du TSCG, car la France ne devrait plus être liée par ce traité, Pierre Laurent l'a démontré.
Ce traité, caduc juridiquement, et l'ensemble des règles européennes qui contraignent les politiques budgétaires, sont aussi dépassés économiquement, politiquement et socialement. Ils ont fait la preuve de leur inefficacité ainsi que de leur injustice.
Économiquement d'abord, les instruments actuels du contrôle budgétaire postulent l'inefficacité de la dépense publique, faisant primer la libre action des acteurs privés sur les marchés. Le Conseil d'analyse économique (CAE), dans une note de septembre 2018, a critiqué la notion de solde structurel, le jugeant non observable. L'Europe en paie aujourd'hui les conséquences. Ainsi, la part de l'industrie dans le PIB européen est passée sous les 20 % ; en Chine, elle est de 40 %.
Pire encore, les règles européennes d'encadrement des finances publiques, sont contraires aux maigres volontés d'investissement des gouvernements européens, à l'image du plan que le ministre allemand Altmaier a présenté la semaine passée. De handicap, ces règles se sont transformées en obstacle qui empêche les États membres de mener des stratégies ambitieuses pour leurs entreprises et bride la mise en place de politiques sociales efficaces.
L'inclusion, dans les règles du TSCG et les autres mécanismes européens, de toutes les dépenses des administrations publiques, sociales, militaires, et économiques, sans aucune pondération, empêche toute protection privilégiée des dépenses sociales, alors même qu'elles sont nécessaires pour maintenir la cohésion de nos sociétés.
Politiquement, enfin, les règles actuelles, en contraignant la souveraineté des parlements européens, favorisent la mise à distance des peuples de la construction européenne, et contribuent ainsi à la montée des forces les plus réactionnaires, de l'Espagne à la Hongrie, de l'Estonie à l'Italie.
Profitons de la situation actuelle pour planifier un autre chemin de développement, privilégiant la justice sociale et territoriale d'une part, l'efficacité économique d'autre part. Finissons-en avec la contractualisation pensée et appliquée uniquement pour respecter le solde structurel. Les dépenses de cohésion sociale devront toujours être prioritaires. Mettons fin à la croissance des dépenses militaires. Entre celles-ci et les dépenses hospitalières, notre choix est fait ! Privilégions la justice, également, pour les recettes de l'État : rétablissons l'ISF et l'imposition progressive sur le capital, créons 14 tranches d'impôt sur le revenu.
Refondons le soutien public à nos entreprises et nos fleurons industriels, créons un fonds d'investissement social et écologique. Libérée du TSCG, l'Europe pourrait se libérer de cette contrainte budgétaire anachronique imposée par la BCE, pour se ressaisir, et faire primer les logiques productives, économiques et sociales sur le libre-échange généralisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Jean-Yves Leconte . - La convergence budgétaire ne peut se faire sans convergence fiscale. Les initiateurs de l'euro ne l'ignoraient pas. Le pari de la transformation politique qui devait être induite par la dynamique de l'euro a en quelque sorte été perdu. Dès 1997, le pacte de stabilité et de croissance a lancé un pilotage automatique.
En 2008, la crise a mis, dans l'urgence, tout l'édifice en péril. Un premier pas, le plus douloureux, a été fait avec le six-pack, en novembre 2011, très contraignant, qui renforce les sanctions en cas de manquement aux règles budgétaires. D'où l'idée que l'Europe était un vecteur d'austérité. Puis, le mécanisme européen de stabilité a été créé.
Enfin, le TSCG, en mars 2012, est venu répondre aux exigences de la BCE pour une politique de défense de l'euro plus agressive. Ce n'est pas un acte communautaire, mais un traité conclu entre 25 États membres. La France ne s'y est pas résolue facilement ; le plan Juncker, dont elle bénéficie largement, l'y a aidée.
Le système d'après-crise a aussi été complété par l'Union bancaire - qui pèse désormais sur la compétitivité de nos établissements. Tout cela n'est pas sans conséquence sur l'image de l'Europe, mais ce n'est pas un problème de souveraineté nationale.
Certes, le déficit structurel, faute d'objectivité, ne veut pas dire grand-chose. Et après sept ans d'application de ces règles, nous devons constater que l'Union européenne s'est comportée exclusivement comme une puissance d'exportation, oubliant que sa force principale est son marché intérieur, le premier au monde. La Chine, l'Inde, les États-Unis, eux, ne s'y sont pas trompés, qui ont renforcé leur demande intérieure avec succès. C'est bien là que les choses se passent désormais, et plus guère en Europe, où notre politique de la concurrence est devenue caduque, faute de soutien au marché intérieur européen. Il s'ensuit une réduction générale du périmètre de nos politiques publiques d'éducation, d'énergie, de logement, qui est préoccupante pour la cohésion de nos sociétés.
Comment sortir du pilotage automatique que le pacte de stabilité et de croissance a introduit en 2011 ? Faut-il un budget de la zone euro ? Ce n'est pas la tendance, avec la baisse inexorable des ressources propres. Remplacerait-il le budget de l'Union européenne ? S'appuierait-il sur des transferts de compétences vers plus d'intégration européenne ? La ligne de crédits prévue pour le prochain budget européen, présentée par le Gouvernement comme un grand succès, n'est, quoi qu'il en soit, pas une réponse adéquate.
Le pacte de stabilité et de croissance doit en toute hypothèse être revu. Le seuil de 3 % n'a pas le même sens selon le niveau des taux d'intérêt - qui a évolué en vingt ans, passant de 5 % à près de 0 % aujourd'hui. Il y va de la capacité des États à emprunter sur le long terme pour développer des politiques efficaces en matière de transition énergétique, de logement, d'éducation, d'infrastructures, car l'argent est là, disponible et pas cher.
La faiblesse des taux justifierait aussi d'investir plus massivement, pour faire de l'Europe un modèle d'avenir, en matière de transition énergétique en particulier. Le manque d'investissement est encore plus dramatique si l'on observe ce qui se passe en Chine et aux États-Unis.
Le sujet est fondamental, à l'approche des élections européennes. Nous avons fait glisser le débat en Europe des critères de Copenhague vers ceux de Maastricht, et c'est ce qui mine l'Europe, alors qu'elle doit rester le continent de l'État de droit, de la démocratie. Si nous ne défendons pas ardemment les critères de Copenhague, nous n'aurons ni le développement économique, ni la démocratie !
À cette aune, la monnaie unique ne doit pas être considérée comme une contrainte. C'est aux citoyens de décider et non plus aux États, dans les couloirs de Bruxelles. Nous ne pouvons rester dans la situation actuelle, au risque de fragiliser davantage la situation économique et politique de notre continent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-Marc Gabouty . - Ce débat est bienvenu ; il ne se limite pas au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance : il faut remonter au moins au Traité de Maastricht en1992, au pacte de stabilité de 1997, voire à l'origine de la règle des 3 %, pendant le premier septennat de François Mitterrand.
Ce n'est donc pas l'Europe qui l'a imposée aux États, mais la France qui l'a introduite dans les traités, avec l'accord de l'Allemagne. Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance n'a fait que renforcer cette exigence de discipline budgétaire - avec l'objectif de moyen terme, le solde structurel et l'objectif de baisse de la dette publique d'un vingtième par an - même si elle a été peu respectée. La France, mauvaise élève, a un déficit supérieur à cet objectif de 0,5 % - même si des débats d'experts peuvent exister sur le rattachement à l'annualité budgétaire de la transformation du CICE.
La crise de 2008 a conduit de nombreux pays à creuser le déficit et donc à accroître leur endettement. Mais la situation s'est améliorée depuis : en 2018, seule l'Espagne conserve un déficit supérieur à 3 %, et 14 pays, dont la Grèce, affichent un budget en équilibre, voire en excédent. Depuis 2017, la France présente un déficit inférieur à 3 % du PIB et est enfin sortie de la procédure de déficits excessifs.
Mais la dette publique reste élevée - supérieure à 60 % - dans la moitié des États ; cinq d'entre eux ont une dette supérieure à 100 % et la moyenne de la zone euro était de 86 % en 2018.
La France, qui porte depuis longtemps un projet d'union économique et monétaire plus étroite, doit composer avec les réticences de ses voisins, notamment l'Allemagne.
Qu'apporterait la sortie des traités ? Le Royaume-Uni n'avait pas signé le pacte budgétaire. Son niveau de déficit et de dette publique n'a pourtant rien d'exemplaire, même s'ils se sont améliorés ces dernières années par rapport à la France. Comme les autres États, il doit se financer sur les marchés, au taux choisi par eux. Brexit ou pas, les Britanniques pratiquent une austérité qui ne plairait guère à nos collègues à l'initiative de ce débat...
La question de la convergence continue cependant de se poser. Une politique plus tournée vers la croissance, l'investissement, l'emploi et la transition énergétique serait souhaitable. C'est tout le sens des propositions du président de la République à nos partenaires européens. Le rôle des parlements nationaux doit également être défendu.
Si la règle des 3 % n'existait pas, nous devrions nous l'imposer à nous-mêmes. (Mme Éliane Assassi le conteste.) Ce qu'il faut, c'est sortir du surendettement qui nous prive de toute marge de manoeuvre, nous affaiblit en nous ôtant les moyens nécessaires à la modernisation de nos infrastructures et à la transition énergétique. L'absence de contrainte budgétaire n'est pas signe d'autonomie mais plutôt d'impuissance politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, LaREM et Les Indépendants)
M. Olivier Henno . - En cette journée de l'Europe, je remercie le groupe CRCE d'avoir inscrit à l'ordre du jour ce grand et beau projet européen ! Mais quel paradoxe de ne pas le célébrer, avec les 70 ans de paix qu'il nous a offert, mais de le critiquer ! Certes, c'est votre droit le plus strict...
Mme Éliane Assassi. - Oui !
M. Olivier Henno. - Pourquoi donc orienter ce débat sur les contraintes ? Faut-il y voir de la nostalgie ?
Mme Éliane Assassi. - Nous n'avons pas choisi la date de ce débat...
M. Olivier Henno. - Ce traité n'est pas caduc...
Mme Éliane Assassi. - Si !
M. Olivier Henno. - ... Le retard par rapport aux dispositions de son article 16 ne contredit pas le fait qu'il soit toujours en vigueur. Il mérite tout notre sérieux. Il place la discipline budgétaire en son coeur, mais aussi de croissance, grâce aux deux autres piliers indissociables que sont la coordination des politiques économiques des États membres et la gouvernance de la zone euro.
Les dispositions du traité sont encore nécessaires. Les objectifs pour chaque État membre permettent de limiter les risques de départ - la crise grecque a montré tout le danger que cela représentait.
Ce traité engage les États membres à débattre de leurs politiques budgétaires et à les coordonner. L'Union européenne ne pourra faire face aux États-Unis et à la Chine qu'en se coordonnant et en parlant d'une seule voix. C'est ce qu'ont permis les sommets de la zone euro. Les parlements nationaux ont ainsi été associés plus étroitement.
Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance est donc un texte qui enrichit le cadre de nos règles budgétaires. Il n'est certes pas parfait - il a d'ailleurs été modifié et appliqué de façon pragmatique.
Pour notre groupe, l'euro est une arme de souveraineté monétaire pour peser face aux États continents, les États-Unis, la Chine et peut-être d'autres bientôt. La politique de la BCE nous permet - aux particuliers, aux entreprises, aux États, aux collectivités territoriales - d'emprunter à des taux très bas. Cela nous donne des marges de manoeuvre importantes pour préparer l'avenir. Laisser croire qu'en nous libérant de ces règles nous pourrions nous financer en faisant tourner la planche à billets, comme on disait autrefois, sans conséquences économiques ou sociales, sans inflation et sans pertes d'emplois, sincèrement, c'est une blague !
Il faut aller plus loin vers la convergence budgétaire, fiscale, sociale, écologique, par le haut.
Dans mon bureau, il n'y a qu'un seul portrait d'homme politique, celui de Robert Schuman, l'auteur de la déclaration du 9 mai 1950. Oui, il est heureux que nous débattions en ce jour de nos convictions européennes : vive l'Europe ! (M. Jean-Marc Gabouty applaudit.)
Mme Colette Mélot . - En ce 9 mai, je rejoins M. Henno : il faut célébrer l'Europe ! Quant à la prétendue caducité du Traité...
Mme Éliane Assassi. - Elle est avérée !
Mme Colette Mélot. - Le Pacte de stabilité a été maintes fois complété - comme avec le Traité sur la stabilité, la coordination et la Gouvernance, qui se centre sur le solde structurel, progrès majeur.
Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance est un traité intergouvernemental. Il n'a pas été imposé par Bruxelles, puisque 25 États membres ont librement consenti aux obligations qu'ils ont contractées (Mme Éliane Assassi rit.) N'ayant pas été transcrit dans le droit de l'Union européenne, il serait caduc. Non, cette obligation n'était pas sanctionnée par la nullité et la commission compétente du Parlement européen a suspendu, et non pas annulé, l'examen de sa prolongation. (Mme Éliane Assassi proteste.) De toutes les manières, cela ne change pas grand-chose : les règles en ont été traduites dans le droit national, en France, par la loi organique du 26 novembre 2012.
Mais le véritable enjeu est ailleurs. Certains considèrent qu'il a privé les États d'autonomie budgétaire. Les chantres du « dépenser plus en gagnant moins » rêvent peut-être du destin de la Grèce - ce n'est pas le cas du groupe Les Indépendants. Cela enverrait le pays par le fond. L'économie et les avoirs des Français seraient menacés.
De quelle économie budgétaire pourrait-il être question, avec une dette de 100 % du PIB ? Ils dénonçaient « Mme Déficit » il y a 250 ans... Ils n'aiment pas plus aujourd'hui l'irresponsabilité budgétaire.
L'autonomie n'est pas la gabegie. Les règles et les sanctions visent à éviter des sanctions plus graves, celles de l'Histoire ! Lorsque le chat n'est pas là, les souris ne sont pas obligées de danser ; elles peuvent travailler à l'avenir. Notre liberté peut être celle de nous engager - nous l'avons fait et c'est tout à notre honneur.
Contre le dangereux miroir aux alouettes d'une politique du déficit, le groupe Les Indépendants continuera de promouvoir l'équilibre budgétaire. Il en va de l'avenir de la France et de l'Europe.
Mme Christine Lavarde . - Merci au groupe communiste de m'avoir fait rajeunir de quinze ans... (Sourires et exclamations) J'ai eu, à lire le titre de ce débat, l'impression de repasser un oral de concours ! (Sourires)
Mme Éliane Assassi. - Réussi ?
Mme Christine Lavarde. - Je répondrai donc en trois parties, après une brève introduction sur la notion de caducité.
En droit, un acte juridique, régulier et valable lors de sa création, est caduc lorsque des faits ou des circonstances l'empêchent d'être exécuté, soit par la disparition ultérieure d'une condition présente à l'origine, soit par la sanction d'une négligence ayant entraîné la non-réalisation d'une condition. C'est donc un acte extérieur à la volonté du législateur.
Il s'agit d'abord de vérifier le postulat du groupe communiste en se posant la question suivante : une condition a-t-elle disparu, ou une négligence a-t-elle entraîné la non-réalisation d'une condition ?
Aucune condition n'a disparu : l'Union européenne n'a pas disparu et nous utilisons toujours des euros. Certains ont conclu un peu rapidement à la caducité du traité à cause de son non-respect par certains pays : Italie, Portugal ou France. Avant même les annonces de décembre 2018 et d'avril 2019, c'était toujours le cas, malheureusement, comme l'a marqué le Haut conseil des finances publiques dans son avis sur le budget 2019.
Mais ce n'est pas parce que ni François Hollande ni Emmanuel Macron ne parviennent pas à respecter la discipline budgétaire que ce traité est devenu caduc !
Quant à l'article 16, selon lequel le Traité doit être transcrit dans le droit européen, la Commission européenne l'a réaffirmé à de nombreuses reprises.
Mais c'est loin d'être simple : la proposition de la Commission n'est pas consensuelle, selon le Conseil Européen.
MM. Mélenchon et Laurent considèrent que la non-réalisation de l'article 16 du Traité sur la stabilité, la coordination et la Gouvernance le rend caduc. Pas moi. Cela montre simplement les difficultés rencontrées par l'Union européenne en période de croissance atone. Mais si chaque pays était irresponsable, nous serions bien vite rattrapés par un principe de réalité, celle des marchés. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Laurence Cohen. - C'est déjà le cas !
Mme Christine Lavarde. - Pourtant, ne vous en déplaise, les règles du TSCG sont bien là pour protéger la zone euro et non pas la livrer aux marchés voire au FMI !
Les partis des extrêmes, de droite comme de gauche...
Mme Laurence Cohen. - C'est mal, ça ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Christine Lavarde. - ...tels des adolescents en quête de sens, parlent beaucoup de liberté, d'autonomie, de souplesse... (Protestations sur les bancs du groupe CRCE) Quelle liberté ont donc les pays asphyxiés par leur dette publique ou soumis à l'hyperinflation ? La Grèce n'a pas sombré ; on voit en revanche dans quel état est le Venezuela ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; protestations sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Éliane Assassi. - Recalée à l'oral !
M. Richard Yung . - N'étant pas juriste, je ne me prononcerai pas sur la caducité du traité. Au fond, la question qui se trouve en arrière-plan est : quelle attitude adopter vis-à-vis de l'Union économique et financière ? Sur ce point, nos attitudes divergent. Le pays nous donnera sa réponse lors des élections européennes.
M. Pierre Laurent. - Ce n'est pas la question !
M. Richard Yung. - La situation économique en 2019 est différente de celle de 2012, nous pouvons donc réfléchir à une modification éventuelle du TSCG en fonction de cette nouvelle scène économique.
Je ne crois pas que le TSCG ait privé les États de leur autonomie budgétaire. Le Conseil constitutionnel s'est d'ailleurs prononcé clairement sur ce point : le traité n'a pas procédé à des transferts de compétences en matière de politique économique ou budgétaire.
Ce traité ouvre-t-il la voie à l'austérité budgétaire ? Je ne le pense pas non plus. La maîtrise des dépenses publiques passe, non pas par des coupes brutales, mais par le ralentissement de leur croissance en volume. Nous ne sommes pas en période d'austérité budgétaire, chacun le constate. Les résultats en ont été plutôt positifs : 600 000 emplois créés en deux ans, investissements productifs à la hausse, déficit en dessous des fameux 3 % - il n'y a d'ailleurs pas de fétichisme des 3 % : c'est un objectif, le chemin est plus important.
En revanche, l'ensemble du dispositif est devenu si complexe que plus personne n'y comprend rien : TSCG, pacte de stabilité, six-pack, two-pack... Plus personne n'y comprend rien. La première chose à faire est de réécrire ces dispositions de façon claire. Leur mise en oeuvre a été sujette à erreur : le débat sur le calcul du solde structurel n'est pas clos.
L'économiste Jean Pisani-Ferry déplore que l'objectif d'un déficit structurel à 0 empêche les gouvernements de profiter des taux d'intérêt durablement bas pour financer les investissements économiquement rationnels et utiles aux générations futures. Une règle unique basée sur le taux de croissance des dépenses publiques en fonction du PIB a été proposée par des économistes allemands ainsi qu'un certain nombre d'économistes français, nous pourrions en discuter. Ces économistes ont également proposé que les États membres, en déficit par rapport à leur objectif, puissent émettre des obligations juniors.
Enfin, le vrai débat, c'est celui de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire. Nous avons proposé que cette union repose non seulement sur la surveillance des politiques budgétaires nationales mais aussi sur la solidarité. L'Allemagne a évolué de façon positive, elle accepte le principe de la création d'un budget pour la zone euro. Certains États, comme les États scandinaves, y sont cependant hostiles... Puissent les élections européennes clarifier les positions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ainsi que sur quelques bancs du groupe RDSE)
M. François Bonhomme . - Il y a plus de sept ans, le TSCG était signé par 25 des 28 États membres de l'Union européenne. Ils s'engageaient librement et de manière souveraine à respecter des règles de discipline budgétaire et non d'austérité, avec laquelle certains la confondent peut-être délibérément.
Ce traité astreint les États membres à financer leurs dépenses par leurs recettes pour limiter le recours à l'emprunt. Il est la contrepartie des interventions de la BCE pour éviter l'éclatement de la zone euro. Le TSCG prévoit encore la coordination et la convergence des politiques économiques. Réponse à la crise de la zone euro, il met l'accent sur la responsabilité. S'en extraire, c'est ouvrir la porte à des politiques budgétaires insoutenables, à une explosion bancaire, à une nouvelle crise économique et à l'explosion de la zone euro...
Ces règles ne tombent pas du ciel, elles ont une raison d'être en elles-mêmes. Quand bien même le TSCG serait caduc, les marchés viendraient nous rappeler douloureusement l'interdépendance des États européens. Un carcan ? Un instrument de servitude qui nous obligerait à une austérité permanente et généralisée ? Non, il a, de facto, assouplit le Pacte de stabilité, en introduisant la notion de solde structurel. Ne condamnant pas à l'austérité mais obligeant à l'équilibre, il n'empêche pas les politiques budgétaires expansionnistes.
À une certaine frange de la gauche, à laquelle il faut reconnaître la constance, fût-ce dans l'erreur, je rappellerai que les dérives budgétaires nationales engendrent des crises. Il nous incombe à tous de faire preuve de responsabilité et c'est à cette responsabilité que le TSCG appelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Je remercie tous les orateurs pour la qualité de ce débat : M. Leconte pour son rappel historique sur les engagements européens que la France a pris, Mme Lavarde pour ses arguments juridiques, M. Yung pour sa capacité à illustrer que nos politiques nationales budgétaires sont autonomes et souveraines.
Pour commencer, des réserves sur l'intitulé du débat... (Mme Éliane Assassi proteste.) Il laisse entendre que le TSCG aurait privé la France de son autonomie budgétaire. Or M. Laurent, dans une intervention de grande qualité, a démontré lui-même que ce n'était pas le cas. Il ne s'agissait pas, de renoncer à notre souveraineté budgétaire qui est pleinement exercée par le Parlement, mais bien de coordonner nos décisions au sein de la zone euro.
L'Union économique et monétaire nous protège des avanies que nous avons connues au début des années 1980 et encore en 1992 avec le franc, pourvu que l'on évite les comportements désordonnés ou non coopératifs. Grâce à la convergence des taux d'intérêt au sein de la zone euro, nous pouvons nous endetter à bas coût.
Le traité a aussi des vertus au plan national. Il a conduit à renforcer notre conseil des finances publiques et notre programmation pluriannuelle des finances publiques. Nous avons davantage de vision à moyen terme sur les comptes publics, cela participe pleinement du bon fonctionnement de notre démocratie car le Parlement peut se prononcer en connaissance de cause.
La logique du traité est la maîtrise de la dette publique en tenant compte de la situation économique : si nous devons fournir plus d'efforts quand la croissance est bonne, il est possible de relâcher la contrainte en cas de ralentissement économique marqué.
Aurions-nous mené une autre politique en l'absence de TSCG ? Au risque de décevoir les sénateurs qui ont demandé ce débat, ma réponse est non.
M. Pierre Laurent. - Donc, rien ne change, tout va bien...
Mme Esther Benbassa. - ... Madame la marquise !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - La politique que nous menons montre que nous pouvons nous adapter tout en réduisant notre endettement.
Une dette trop élevée est néfaste pour nos concitoyens : son remboursement pèse sur nos dépenses, elle entraîne une perte de souveraineté face aux marchés si nous perdons leur confiance - et, pour l'heure, nous l'avons ; elle fait peser un fardeau sur les générations futures.
Élu local, maire pendant dix ans, je sais comme vous que l'on peut, comme c'est la règle dans les collectivités territoriales, mener une action en gardant un budget équilibré.
La réduction des dépenses et de la dette, décidée par le Gouvernement, nous permet d'endiguer les risques ; cette stratégie est d'ailleurs partagée par nombre d'entre vous. Cet effort ne doit pas se faire au détriment de l'investissement public et de la qualité des services publics. C'est le sens du grand plan d'investissement et des annonces faites par le président de la République à l'issue du grand débat. Nous ambitionnons de réduire le poids de la dette publique de trois points de PIB durant le quinquennat et celui des prélèvements obligatoires de plus d'un point.
Nos réformes structurelles dans les domaines de l'éducation, de la formation, de l'emploi, de la fonction publique, sujet dont nous parlerons bientôt, vont dans ce sens car le Gouvernement veut s'attaquer aux maux à la racine plutôt que de traiter les symptômes.
Notre trajectoire de finances publiques, vous l'aurez compris, est d'abord dictée par les impératifs propres à notre économie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et UC)
La séance est suspendue à 11 h 50.
présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires.
Discussion générale
M. Alain Marc, auteur de la proposition de loi . - Nous avons tous le souci d'une bonne administration locale. Si la réforme de l'intercommunalité de 2013 est satisfaisante, des faiblesses demeurent en termes de représentation. Les conseillers municipaux ont ainsi perdu la faculté de remplacer les délégués au sein du conseil communautaire en cours de mandat. Cela peut provoquer des dysfonctionnements, notamment en cas de changement de majorité municipale ou lorsqu'un nouveau maire prend ses fonctions en cours de mandat et n'est pas représentant au conseil communautaire.
Dans les communes de 1 000 habitants et plus, une modification en cours de mandature de l'ordre du tableau municipal n'a pas pour effet de mettre fin au mandat des conseillers communautaires en exercice ; dans celle de moins de 1 000 habitants, les éventuels successeurs du maire ne figurent pas forcément au conseil communautaire. D'où la nécessité de revoir la loi sur la désignation des conseillers communautaires.
Pour ce qui est des communes de 1 000 habitants et plus, leur représentation au conseil communautaire serait assurée d'une part par le maire, d'autre part par des conseillers communautaires élus au suffrage universel direct selon le système de fléchage en vigueur. Si le maire n'est pas élu, il prendrait la place du dernier candidat élu.
En outre, le conseil municipal pourrait à tout moment procéder au remplacement d'un conseiller communautaire par un autre conseiller municipal du même sexe ayant figuré sur la même liste, sous réserve qu'au moins un colistier du conseiller à remplacer le demande - il faut éviter en effet toute pression de la majorité.
Afin de faciliter le remplacement en cours de mandature, il est également prévu d'augmenter le nombre des candidats sur ces listes de deux ou trois de plus que le nombre de sièges à pourvoir, selon les cas.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseillers communautaires continueraient à être désignés dans l'ordre du tableau du conseil municipal mais celui-ci pourrait à tout moment remplacer un conseiller communautaire par un autre de ses membres.
Enfin, l'article 6 procède à diverses coordinations dans le code électoral et le code général des collectivités territoriales.
Je me félicite que le rapporteur ait partagé les objectifs du texte, tout en l'affinant. La commission a ainsi approuvé le relèvement du nombre de candidats supplémentaires sur les listes dans les communes de plus de 1 000 habitants.
Autre modification, la suppression de l'incompatibilité entre le mandat de conseiller communautaire et l'exercice d'un emploi salarié d'une commune membre.
La commission a également prévu une conférence des maires facultative au sein des communautés de communes, des communautés d'agglomération et des communautés urbaines, convoquée dès lors que 30 % des maires des communes membres le demandent.
La commission a également prévu l'institution d'une conférence consultative des maires dans les intercommunalités dès lors que 30 % des maires des communes membres en feraient la demande. Elle a enfin renforcé les attributions consultatives de la conférence métropolitaine des maires de la métropole de Lyon, chère à M. Buffet.
Le successeur d'un maire démissionnaire ou décédé n'est pas forcément conseiller communautaire, ce qui donne lieu à des contradictions notoires. Afin de consolider la place des maires dans la gouvernance de l'intercommunalité, il est urgent de préciser la loi de 2013 par un texte qui se veut pragmatique. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)
M. Dany Wattebled, rapporteur de la commission des lois . - La proposition de loi que nous examinons porte la marque du Sénat. Inspirée de l'expérience du terrain et des élus locaux, elle est le fruit d'un travail d'évaluation précis qui fait partie intégrante de notre mission constitutionnelle. C'est un texte mesuré qui ne cherche pas à renverser la table mais à procéder à des ajustements indispensables.
Le bon fonctionnement des EPCI à fiscalité propre nécessite une parfaite coordination entre les conseils municipaux et conseils communautaires. Les maires et conseillers municipaux doivent être pleinement associés aux décisions intercommunales car l'intercommunalité est l'émanation des communes qui la composent. C'est une condition de la légitimité de l'action communautaire et un gage de bonne administration locale.
Pendant plus d'un siècle, les délégués des communes au sein des assemblées délibérantes des EPCI ont été désignés par leur conseil municipal. Depuis la loi du 17 mai 2013, il faut distinguer les syndicats de communes dont les membres sont élus par les conseillers municipaux et les EPCI à fiscalité propre où ce n'est plus le cas.
Dans les communes de plus de 1 000 habitants, les conseillers communautaires sont désormais élus au suffrage universel direct selon un système de fléchage. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseillers communautaires sont les membres du conseil municipal désignés dans l'ordre du tableau.
La réforme de 2013, grâce au Sénat, a opéré une juste conciliation entre le principe de l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct et la nécessité de maintenir un lien étroit entre les communes et les intercommunalités. Des faiblesses demeurent toutefois, notamment quand le maire ne siège pas au conseil communautaire.
Cette proposition de loi vise à résoudre ce type de difficultés.
La commission des lois a souscrit aux objectifs poursuivis mais estimé que certaines dispositions proposées se heurtaient à des problèmes de droit ou d'opportunité et méritaient d'être affinées.
Pour les communes de plus de 1 000 habitants, le texte initial prévoyait que le conseil municipal aurait pu à tout moment procéder au remplacement d'un conseiller communautaire par un autre conseiller municipal du même sexe ayant figuré sur la même liste, à condition qu'un de ses colistiers le demande. Il ne nous a pas paru souhaitable de faire ainsi coexister quatre catégories de représentants, les uns désignés ès qualités, les autres élus au suffrage universel direct ou indirect.
La commission a également considéré qu'il était juridiquement impossible de donner au conseil municipal la faculté de mettre fin, à tout moment et pour tout motif, au mandat d'un conseiller communautaire élu au suffrage universel direct. Sur ce point, elle a préféré s'en tenir au statu quo.
En revanche, elle a accepté l'allongement des listes de candidats, qui pourraient comporter entre deux et quatre candidats supplémentaires.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, la proposition de loi prévoyait que le conseil municipal puisse remplacer à tout moment un conseiller communautaire par un conseiller municipal de son choix. La commission des lois a préféré qu'en cas d'élection d'un nouveau maire, il soit procédé à une nouvelle désignation des conseillers communautaires de la commune dans l'ordre du tableau. Le nouveau maire pourra ainsi siéger au conseil communautaire s'il le souhaite.
La commission des lois a aussi souhaité qu'une conférence des maires soit instituée dans les EPCI à fiscalité propre dès lors que 30 % des maires en feraient la demande dans les six mois suivant le renouvellement des conseils. Cette instance, qui n'est obligatoire que dans les métropoles, a fait la preuve de son utilité.
La métropole de Lyon est un cas particulier puisqu'il ne s'agit pas d'un EPCI mais d'une collectivité territoriale à statut particulier. À compter de 2020, son conseil sera élu au suffrage universel direct ; les communes n'y seront donc plus représentées en tant que telles. Or elle exerce un grand nombre de compétences en lien et place des communes, ce qui exige une étroite collaboration. C'est pourquoi, sur proposition de M. Buffet, la commission a prévu que les actes les plus importants de la métropole seraient soumis pour avis à la conférence métropolitaine des maires.
Enfin, la commission a abrogé des dispositions obsolètes, dont l'article 54 de la loi Maptam et supprimé l'incompatibilité entre l'exercice d'un mandat de conseiller communautaire et celui d'un emploi salarié auprès d'une commune membre.
Je remercie Alain Marc d'avoir pris l'initiative de cette proposition de loi que je vous invite à adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, UC, LaREM et RDSE)
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales . - C'est la première fois que je prends la parole dans cet hémicycle depuis la fin du grand débat, lancé dans l'Eure à Bourgtheroulde. Des cahiers citoyens ont été ouverts dans 16 132 communes, la moitié des réunions ont été animées par des élus. Les maires ont joué un rôle déterminant dans cette consultation, contrairement à ce que disent certains... (M. François Grosdidier s'exclame.)
Pendant trois mois, nous avons rencontré plus de 5 000 élus et entendu leur message : plus de liberté, moins de contraintes, plus de confiance, refus de se voir imposer un modèle toujours plus uniforme.
Le président de la République a rappelé la légitimité des maires, qui découle de l'élection, et s'est engagé à leur donner un statut digne de ce nom. Nous y travaillons donc, en lien avec le Sénat.
M. François Bonhomme. - Nous sommes impatients !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Il a annoncé une nouvelle étape de la décentralisation avec pour principe la responsabilité, la lisibilité des compétences et la cohérence du financement. Qui paie décide, mais qui décide assume !
Nous pouvons déjà avancer sur le chantier des irritants de la loi NOTRe - que j'ai combattue comme maire et président de conseil départemental. Ces sujets doivent en effet être votés avant les élections municipales de 2020. Les élus de 2014 appartiennent à une génération convalescente : nous ne voulons pas reproduire ces erreurs mais donner plus de visibilité aux élus et simplifier leur quotidien. Ce texte y participe, et je salue le travail du rapporteur.
Mieux associer la commune et l'intercommunalité, c'est le gage du succès des EPCI. Ces derniers doivent être au service de la commune et non l'inverse. Le maire doit être associé et informé de toutes les décisions. Les EPCI sont légitimes mais leurs modes de gestion doivent être adaptés. La proposition de loi de Mme Gatel sur les communes nouvelles arrivera en juillet à l'Assemblée nationale.
M. Antoine Lefèvre. - Nous l'attendons !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Les choses avancent ! Je fais confiance aux élus locaux pour imaginer des solutions intelligentes au niveau du territoire. Respectons les choix locaux.
Les lois de 2010 et 2013 ont institué l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct dans les communes de plus de 1 000 habitants. Dans les autres, ils sont désignés dans l'ordre du tableau. Le Gouvernement n'entend pas revenir sur cette évolution démocratique, mais certains excès de la loi NOTRe méritent d'être corrigés. Président du département de l'Eure, j'avais dit aux trois sénateurs de ce département qu'il me semblait aberrant de voter la loi NOTRe, même sur la base d'un mauvais compromis en CMP, et je remercie encore MM. Maurey et Poniatowski d'avoir voté contre.
Mme Cécile Cukierman. - Ils ne sont pas les seuls !
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est la droite qui a permis son adoption !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - On a créé des EPCI XXL, peu respectueux des bassins de vie. Le gigantisme ne fait pas partie de l'identité territoriale française, avais-je dit alors, qu'il s'agisse des cantons, des intercommunalités, des régions... (M. André Reichardt approuve.) Des ajustements sont nécessaires.
M. Jean-Pierre Sueur. - Toujours !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Cette proposition de loi permet au maire d'une commune de moins de 1 000 habitants de siéger automatiquement au conseil communautaire. Avec les rebondissements de la vie politique locale, ce n'était pas toujours le cas.
Nous aurions pu élargir cette règle aux communes de plus de 1 000 habitants si cela n'avait pas posé un problème constitutionnel. L'augmentation de deux à quatre du nombre de conseillers communautaires remplaçants est gage de souplesse pour pourvoir aux démissions, j'y suis favorable.
Rien ne justifiait d'interdire à un conseiller communautaire d'exercer un emploi salarié dans l'une des communes membres.
L'article 9 instaure une conférence des maires si 30 % des maires le demandent. C'est une excellente initiative qui associera mieux les maires à la gouvernance des intercommunalités.
Toutefois, nous sommes attachés à ce que cela reste facultatif et souple : ne créons pas de contraintes supplémentaires !
Deux dispositions adoptées en commission constituent, sinon des points de blocage, du moins des points de vigilance. Ainsi du renforcement de la conférence des maires de la métropole de Lyon. Il aurait été préférable de mener une concertation approfondie avec les parties prenantes. Il paraît en outre difficile de modifier le fonctionnement d'une seule métropole...
M. Jean-Pierre Sueur. - Ce n'est pas la même chose.
Mme Annie Guillemot. - C'est la seule à avoir le statut de collectivité territoriale !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - De même, la suppression de l'article 54 de la loi Maptam qui prévoyait l'élection des conseils métropolitains au suffrage universel direct dès 2020 aurait mérité une concertation avec les métropoles et les associations d'élus.
Malgré ces réserves, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi qui répond aux attentes des élus locaux. Je souhaite que la navette permette d'atteindre le bon équilibre entre souplesse territoriale et respect des grands principes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Didier Marie . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Cette proposition de loi affichait de louables intentions en ajustant à la marge les modalités de désignation des conseillers communautaires pour renforcer le lien entre communes et EPCI. Mais certaines dispositions étaient discutables, voire contestables, remettant en question l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct.
La commission a dès lors vidé le texte de sa substance, supprimant notamment les articles 1er et 4 qui garantissaient la présence du maire au conseil communautaire - pourtant essentielle pour porter la voix du territoire. Le rapporteur n'a pas voulu que coexistent au sein du conseil communautaire des élus aux légitimités différentes.
Il a estimé à raison que le remplacement à tout moment d'un conseiller communautaire élu au suffrage universel direct par un autre membre du conseil municipal, au mépris de l'ordonnancement de la liste, portait atteinte au droit au suffrage. Nous étions opposés à cette mesure qui violait la règle selon laquelle un siège vacant est pourvu par le suivant de liste.
Si un conflit insurmontable apparaît entre la majorité municipale et les délégués au conseil communautaire, il existe une solution : la démission collective, et une nouvelle élection pour trancher le différend. On voit bien que cette disposition risque d'être utilisée pour contourner systématiquement le système du suivant de liste.
On peut s'interroger sur la pertinence du texte issu des travaux de la commission, vidé de sa substance.
Les dispositions additionnelles peuvent paraître intéressantes, mais sont sans cohérence. Quel lien ce texte a-t-il avec la métropole de Lyon ? D'où vient le seuil de 30 % pour réunir une conférence des maires ? Vous avez choisi ni le meilleur outil ni le meilleur moment pour introduire ces éléments. Notre vote dépendra du sort des amendements déposés sur ces points.
La loi Maptam et la loi NOTRe, votées par la majorité sénatoriale après accord en CMP, ont permis de grandes avancées. N'oublions pas qu'avant la loi NOTRe, la taille de certains EPCI les empêchait d'exercer leurs compétences stratégiques. Laissons ces textes produire tous leurs effets. (M. Pierre-Yves Collombat ironise.)
La remise en cause du fléchage déstabiliserait un édifice qui a besoin de repères.
Le fléchage permet aux électeurs de savoir qui siègera au sein de l'intercommunalité, qui a de plus en plus de compétences. Il respecte l'entité communale, mais l'absence de contrôle démocratique sur l'intercommunalité est effectivement problématique.
Si les lois NOTRe et Maptam doivent être révisées, faisons-le dans un grand texte général et de fond.
M. André Reichardt. - D'accord !
M. Didier Marie. - C'est préférable au mini-catalogue de propositions de loi éparses qui se succèdent au Sénat sur ces sujets, au risque d'accentuer la confusion, d'autant que peu d'entre elles ont des chances de prospérer.
Laissons les élus respirer et faisons confiance à leur intelligence collective.
Notre groupe n'a pas vu l'intérêt d'amender ce texte. Nous attendons le texte promis par M. le ministre, que nous ne manquerons pas d'amender et de corriger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Stéphane Artano . - Éloignée pour certains, faille démocratique pour d'autres, l'intercommunalité n'en reste pas moins un échelon incontournable. Si le fléchage a instauré un lien démocratique en 2013, il n'est pas suffisant pour la légitimer.
Le Sénat agit pour corriger les effets pervers des différentes lois de réforme territoriale, par exemple en assurant une plus juste représentation des petites communes au sein de l'EPCI.
Nous ne serions pas ici si le fonctionnement de l'intercommunalité était toujours harmonieux, si l'esprit de coopération n'avait été mis à mal par les regroupements forcés, par un agrandissement inconsidéré des périmètres et par la multiplication des transferts de compétences obligatoires.
Merci à M. Wattebled de nous proposer un texte pondéré. Le texte initial se heurtait au droit au suffrage et laissait place à l'arbitraire du maire. Ainsi le statu quo proposé pour les communes de plus de 1 000 habitants m'apparaît être une bonne solution.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, en revanche, nous faisons face à une crise de vocation des maires, nombreux à démissionner en cours de mandat face aux contraintes.
Beaucoup de leviers de décisions mais aussi de financements ont été transférés aux intercommunalités : il est important que le maire y siège. Si tous les conseils municipaux avaient un lien plus étroit avec l'intercommunalité, nous ne serions pas ici à discuter ce texte. Ce dernier permettra d'assurer une présence des maires. La conférence des maires convoquée sur la demande de 30 % des communes recueille notre accord de principe. Mon groupe proposera néanmoins un amendement.
Attaché au rôle du maire au sein des intercommunalités, le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, Les Indépendants et UC)
Mme Françoise Gatel . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Votre sagesse est digne de celle de notre Haute Assemblée, monsieur le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Cela donne envie d'y siéger ! (Sourires)
Mme Françoise Gatel. - Non, le Sénat n'est pas l'ennemi de l'intercommunalité.
M. Pierre-Yves Collombat. - Certes, non !
Mme Françoise Gatel. - Mais nous sommes attachés à une action territoriale dans la proximité et l'efficacité. Nous choisissons l'agilité, la coopération et la différenciation, là où d'autres ont, en d'autres temps, préféré corseter et uniformiser avec les crispations qui en ont résulté.
M. Pierre-Yves Collombat. - Comme en 2009 ?
Mme Françoise Gatel. - Laissons les collectivités territoriales souffler. Je crains les grands soirs qui débouchent trop souvent sur des petits matins difficiles.
Faire ensemble ce qu'on ne peut pas faire seul, c'est le principe de l'intercommunalité dont les compétences doivent rester imbriquées avec celles des communes. Il ne s'agit pas de déléguer sans contrôle. Pourtant, l'intercommunalité est trop souvent irritante, encore plus avec la décision du Conseil constitutionnel « Commune de Salbris », qui entrave la possibilité d'accords locaux. Les maires, désenchantés, ont le sentiment d'être la cible d'OPA sur leurs compétences, ce qui les démobilise. Or le président de la République et le Gouvernement ont découvert lors du grand débat le rôle central des élus de terrain.
Il faut mieux impliquer les maires dans l'EPCI, car ils restent comptables de l'action publique. Aussi me félicité-je de cette initiative du groupe Les Indépendants.
Le groupe UC est donc favorable à la possibilité, lorsqu'il y a un nouveau maire, de remplacer les conseillers communautaires pour les communes de moins de 1 000 habitants.
La vague de démissions de maires en cours de mandat a produit des situations ubuesques, faute de fléchage. Dans les communes de plus de 1 000 habitants, il faudra être vigilant sur la composition des listes et l'ordre du fléchage, pour prévenir les incidents de parcours.
La conférence des maires est une excellente proposition. Je m'interroge cependant sur la suppression de l'incompatibilité entre les fonctions de conseiller communautaire et un travail salarié au sein d'une commune membre : son impartialité risque d'être vite contestée, et la cohésion intercommunale fragilisée...
Reste que le groupe UC votera ce texte pragmatique, utile aux collectivités locales et facteur de liberté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Indépendants, RDSE et LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les métropoles sont avant tout des intercommunalités avec de très larges compétences, transférées à titre obligatoire par les communes membres. La principale différence avec les communautés urbaines réside dans la possibilité de se faire déléguer des compétences par le département, la région ou l'État.
Le 18 avril 2018, le Sénat a réaffirmé son opposition à la remise en cause, prévue par la loi Maptam, de la commune comme maillon central de la démocratie locale.
Le système du fléchage maintient un lien de proximité entre les citoyens, les élus locaux et leurs représentants au sein de l'échelon métropolitain. La construction des métropoles doit se faire au service de, et non contre les communes qui la composent, surtout quand elles en comptent plus de cent, comme la métropole du Grand Paris.
Les établissements publics territoriaux (EPT) du Grand Paris ne sont pas considérés comme des EPCI, ce qui interdit d'appliquer les articles du CGCT relatifs au remplacement des représentants des communes, à savoir l'article 5219-9-1 du CGCT et le B du 1° de l'article 5211-6-2 du même code.
Si l'on relit le IV de l'article 12 de la loi Maptam, adoptée le 24 janvier 2014, on pourrait considérer qu'il suffit d'appliquer ces articles pour procéder au remplacement d'élus démissionnaires. Mais, du seul fait de la répartition proportionnelle des sièges, cela mettrait en danger les équilibres politiques et la parité.
Si j'avais vu le problème à temps pour déposer un amendement dans les délais impartis, j'aurais apporté ma pierre à l'édifice. Je dois me contenter de soulever le problème, mais le cas d'espèce démontre le mal fonctionnement du millefeuille territorial en Île-de-France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jérôme Bignon applaudit également.)
M. Arnaud de Belenet . - Je constate une grande unanimité des orateurs unis en une ode aux collectivités et à l'intelligence territoriale et collective, une reconnaissance de besoin de liberté de nos territoires et de différenciation.
Cette proposition de loi participe d'une reconnaissance de ces besoins. Le ministre est allé dans le sens que nous souhaitions ; il aurait pu proposer une pause, le temps d'élaborer une approche collective. Ce texte est un premier jalon, qui ne préjuge en rien de cette approche.
Ce sont bien les communes qui perpétuent le lien démocratique entre citoyens et élus, lien qui tend à s'étioler sous l'effet d'une crise de confiance qui n'épargne pas l'action municipale. D'après un sondage cité par Éric Kerrouche dans son dernier ouvrage, un citoyen sur deux souhaite que son maire ne soit pas réélu. Seule une personne sur deux souhaite que son maire soit réélu en 2020, et trois quarts des jeunes ne savent pas qui est leur maire.
Aussi fallait-il consolider la présence des communes au sein des intercommunalités, ce qu'a fait le groupe Les Indépendants dans cette proposition de loi. Le groupe LaREM y est favorable, avec des ajustements, comme le renforcement de la place du maire dans l'intercommunalité. En majorité, les élus souhaitent le maintien du fléchage adapté aux élections de 2014.
La commission a voulu, qu'à la demande de 30 % des maires, la conférence des maires devienne obligatoire. Mais pas moins de 60 % des intercommunalités s'en sont déjà dotées. L'initiative locale n'attend pas la loi pour servir l'intérêt commun.
Le groupe LaREM votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants ; M. Dany Wattebled, rapporteur, applaudit également.)
M. Pierre-Yves Collombat . - Par construction, il existe des risques de conflits entre communes et intercommunalités. L'intercommunalité fonctionne sur la délégation des compétences à un organisme autonome, qui n'a pas pour vocation de donner satisfaction sur tous les points à chaque commune. Encore faut-il ne pas amplifier ces conflits, comme on l'a fait depuis 2010, en renforçant progressivement l'intercommunalité avec pour clair objectif de remplacer à terme la commune, vidée graduellement de ses compétences.
Le summum est atteint avec les métropoles appelées à couper tout lien avec les communes, puisque leur conseil sera élu séparément des conseils municipaux. Il en a résulté des risques accrus de coupure entre communes et intercommunalités, qui ont nourri plusieurs propositions de loi, dont celle-ci, pour les corriger.
Ce texte apporte une série de dispositions que je qualifierais de « lubrifiantes », dont la suppression de l'article 58 et la loi Maptam prévoyant une élection au suffrage universel direct des conseils communautaires.
La proposition de loi officialise quand elles existaient déjà, ou créent quand ce n'était pas le cas, des conférences communautaires des maires.
Un regret : que l'élan purificateur de la commission ne soit pas allé jusqu'à la désignation de délégués des communes de moins de 1 000 habitants selon l'ordre du tableau des suivants de liste.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - C'est le Conseil constitutionnel qui veut ça...
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est encore plus grave ! J'ai donc déposé un amendement en ce sens, dont il sera difficile d'expliquer le rejet aux élus ruraux.
Mon groupe votera ce texte des deux mains si d'aventure le Sénat poussait l'audace jusqu'à adopter cet amendement.
Mme Cécile Cukierman. - De l'audace, toujours de l'audace ! (Sourires)
M. Jérôme Bignon . - Je ne répéterai pas les propos de mes collègues du groupe Les Indépendants, auteur et rapporteur de la proposition de loi, conformément à l'heureux usage de notre assemblée ; il me suffira de rappeler notre attachement aux territoires et à leur cohésion. Ce texte illustre la bonne cohésion entre notre chambre et les élus locaux, colonne vertébrale de la République. L'État n'assume plus assez ses responsabilités territoriales. Ce sont les élus locaux qui se trouvent en première ligne pour répondre aux sollicitations de nos concitoyens.
Être sénateur, c'est rester au contact des collectivités territoriales, et notamment repérer les difficultés pouvant survenir entre conseils municipal et communautaire. Les communes de moins de 1 000 habitants représentent 72 % du total - aussi les dispositions qui les concernent sont-elles très importantes. Les communes de l'agglomération de Lyon tireront aussi bénéfice de ce texte pour remédier à certaines malfaçons législatives.
Ce texte prouve que le Sénat peut proposer des solutions pertinentes, même à une échelle modeste. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur celui de la commission ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
Mme Brigitte Lherbier . - Avec un peu moins de 36 000 communes, la France demeure une exception en Europe ; la commune y constitue la cellule de base de la démocratie. Le maire échappe au rejet des élus.
Pourtant, les réformes successives ont renforcé l'intégration des communautés d'agglomération, des communautés de communes et des conseils communautaires, au détriment des communes et départements - et donc de la proximité.
La synergie entre conseil municipal et conseil communautaire passe par une meilleure représentation des communes dans les EPCI, notamment à travers le maire.
Un projet de réforme régulièrement évoqué fait des EPCI des collectivités territoriales à part entière, dont le conseil serait élu lors d'une élection à part. Le conseil communautaire ne saurait devenir l'outil d'ambitions politiciennes ; une telle mesure mettrait le maire à la merci d'un conseil communautaire, sur lequel il n'aurait aucune prise, et en proie aux querelles politiciennes. Or les trottoirs d'une commune ne sont ni de droite ni de gauche, quand il faut les refaire...
L'essence d'un EPCI, c'est d'être un outil d'investissement au service des communes. Cette proposition de loi va dans ce sens, en donnant une large place aux maires, et en proposant des solutions de bon sens.
Le fléchage améliore la lisibilité démocratique, mais a également entraîné des difficultés imprévues, que ce texte corrige. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Antoine Lefèvre . - Avec Patricia Schillinger, je travaille au sein de la délégation aux collectivités territoriales sur la place des élus municipaux dans les intercommunalités. Sur le terrain, les élus municipaux se sentent noyés dans de vastes ensembles, et parfois décrochent, en ayant le sentiment, qu'ils ne sont pas assez associés au sein des intercommunalités.
Nous avons reçu 4 000 réponses à un questionnaire sur le sujet, signe de l'intérêt des élus. D'où un sentiment de dépossession. Les règles de la représentation au conseil communautaire sont souvent critiquées. C'est pourquoi cette proposition de loi va dans le bon sens. Comme le disait très justement le rapporteur de la commission des lois, la synergie entre conseil municipal et conseil communautaire conditionne la légitimité de l'action communautaire tout en étant un gage d'efficacité de l'action locale.
Le renforcement de la conférence des maires est conforme aux propositions que nous vous présenterons la semaine prochaine. Celles-ci, sans vouloir briser le suspense, (Sourires et exclamations) poursuivront deux objectifs principaux : nous allons recommander de mieux associer l'ensemble des conseillers communautaires, mais aussi les élus municipaux non communautaires aux décisions de l'EPCI.
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. - Tout de même !
M. Antoine Lefèvre. - La délégation aux collectivités territoriales a identifié les outils déployés dans les territoires au service de cet objectif.
Faire confiance à l'intelligence territoriale, voilà le message qui nous a été adressé. Tout ne relève pas du législatif et il revient au Sénat d'identifier les bonnes pratiques. L'élu municipal doit être replacé au coeur de la démocratie communale.
Les avis convergent au Sénat sur le sujet. ?uvrons pour que la synergie visée par ce texte devienne une réalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, LaREM et Les Indépendants ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. Sébastien Lecornu, ministre . - Nous ouvrons avec cette proposition de loi un nouveau cycle sur les suites du grand débat national pour les élus locaux. Toutes les interventions ont un point commun : l'objectif de concilier les deux principes qui se font concurrence, mais sont tous deux fondamentalement républicains, de liberté et d'égalité. C'est parfois compliqué : comment construire un cadre assez souple pour garantir la liberté locale, mais assez rigide pour assurer l'égalité ?
Libéral tocquevillien, je suis plutôt favorable aux libertés locales. Le grand débat a montré, néanmoins, que beaucoup étaient également très attachés à l?égalité de traitement entre leur territoire rural et les métropoles.
J'ai été maire et élu local ; j'ai pu constater la tendance des EPCI à singer les mairies ; or ils ne sont pas des collectivités territoriales.
Monsieur Collombat, votre intervention était très pertinente. Un mouvement, commencé sur le quinquennat Sarkozy et conforté sous le quinquennat suivant, partait du principe que « faire grand » voulait dire renforcer. Or c'est faux.
Ce qui faisait consensus, c'est plutôt l'intercommunalité de projets ; or elle s'est transformée en quelque chose de fédératif et d'intégrateur, mimant en quelque sorte les communes, sauf que le système démocratique qui les sous-tend n'est pas le même. Cela a posé des problèmes de scrutin, mais aussi de financement et, notamment, de péréquation entre communes. Celle-ci repose sur des critères de potentiel fiscal ; or c'est le découpage des intercommunalités qui le détermine très largement. C'est l'oeuf et la poule ! Nous devons nous interroger sur le goût que nous avons fondamentalement pour l'intercommunalité. Cessons de corriger la situation à la marge !
Monsieur Marie, le seuil de 30 % peut être débattu. L'irruption de la métropole de Lyon ne doit rien au Gouvernement... Comme pour la proposition de loi de Mme Gatel, le Gouvernement considère qu'il faut corriger dès qu'on le peut. J'ai accompagné la proposition de loi que vous présentez et elle sera présentée à l'Assemblée nationale en juillet. Elle pourra être mise en oeuvre pour mars 2020. Ne confondons pas intercommunalité et précipitation !
J'ai dit tout à l'heure qu'il faudrait adapter la loi NOTRe. Pour autant, tout ne relève pas de la loi. N'attendons pas que le véhicule législatif arrive pour trouver un consensus sur des mesures de bon sens.
Monsieur Marie, vous dites que nous devrions laisser les lois NOTRe et Maptam prendre leurs effets. Les élus ont déjà bien conscience des effets de la loi NOTRe (Sourires ; MM. François Bonhomme et Antoine Lefèvre le confirment.)
Cependant, vous avez raison : ne versons pas dans la démagogie ! Je n'ai jamais voulu du consensus de la CMP sur la loi NOTRe et en tant que grand électeur, j'aurais préféré que la Chambre Haute ne vote pas ce texte : deux sénateurs sur trois de l'Eure ne l'ont pas voté. Cessons les polémiques inutiles. (Murmures sur quelques bancs des groupes Les Républicains et SOCR)
Faut-il être moins-disant sur les services publics de l'eau et l'assainissement ? Quand j'étais secrétaire d'État, vos collègues souhaitaient au contraire davantage d'investissements dans ce domaine. On ne peut pas dire « blanc » le matin, « noir » le soir. Ce qu'il faut, c'est trouver le bon niveau d'action selon le principe de subsidiarité en partant de la proximité.
M. François Bonhomme. - Il s'agit d'un transfert obligatoire !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Soyons clairs : vous avez voté la loi NOTRe, je ne l'ai pas votée.
M. François Bonhomme. - Pour éviter la version de l'Assemblée nationale !
M. Pierre-Yves Collombat. - Vous n'étiez pas défavorable...
M. Sébastien Lecornu, ministre. - J'étais élu local. J'ai d'ailleurs toujours les deux pieds dans la glaise de l'Eure. Si j'avais été parlementaire, je ne l'aurais pas votée.
Monsieur Artano, merci d'avoir rappelé l'importance de l'intercommunalité, alors même que vous n'êtes pas concerné, puisque vous êtes élu de Saint-Pierre et Miquelon.
Heureusement que l'intercommunalité a fait son apparition pour porter le projet des maisons des services au public. La mutualisation n'aurait pas pu se faire autrement.
Madame Lavarde, l'organisation territoriale en Île-de-France est un sujet que nous devrons revoir, assurément, avec les élus concernés. L'État n'est pas seul en cause. Si les présidents d'intercommunalité, celui de la métropole notamment, pouvaient s'accorder sur un projet commun avec les présidents et présidentes des collectivités, tout serait plus facile... Ce qui compte, c'est de repartir des maires car la clef de la légitimité démocratique reste l'élection municipale. Il faut aussi partir des projets si nous souhaitons que le Grand Paris aboutisse.
Monsieur de Belenet, le mode de scrutin des EPCI ne doit pas forcément faire l'objet d'un « grand soir ». Les maires ne seraient pas enthousiastes à ce que nous réformions entre nous cet après-midi le cadre de l'élection de 2020.
Madame Lherbier, votre département, où s'expriment des positions différentes, est un département vitrine.
Enfin, monsieur Lefèvre, j'ai, tout comme vous, hâte d'entendre les douze propositions du Sénat. Peut-être pourrions-nous même en discuter avant que vous les publiiez ? Les élections auront lieu en 2020. Nous devons faire vite. (Mme Brigitte Lherbier applaudit.)
La discussion générale est close.
M. le président. - Un débat a été inscrit à l'ordre du jour à la suite de ce texte dans le cadre de l'espace réservé au groupe Les Indépendants. Je devrai lever la séance à 18 h 30 quoi qu'il en soit.
Rappel au Règlement
M. Jean-Pierre Sueur . - Rappel au Règlement sur le fondement des articles relatifs à l'examen des propositions de loi.
Monsieur le ministre, nous avons deux heures pour examiner ce texte, si nous voulons aborder ensuite, comme prévu, le mécénat territorial, sujet du débat suivant.
Monsieur le ministre, vous vous êtes exprimé pendant une demi-heure. Vous avez parlé de la « glaise » de l'Eure. Soyons pragmatiques ! Si nous n'avions pas voté la loi NOTRe, elle eût été votée par l'Assemblée nationale.
Dans mon département, il y a une métropole. Dans tous les départements où c'est le cas, les élus craignent que ces entités aspirent toutes les ressources au détriment du monde rural. Mais il ne faut pas non plus d'intercommunalités de 5 000 habitants, qui n'ont pas l'efficacité nécessaire. De nombreux élus se sont dotés d'intercommunalités d'une certaine taille, critique, pouvant comporter un service économique. Il ne faut pas vouloir aider le monde rural sans lui donner des moyens.
M. le président. - Acte est donné de votre rappel au Règlement.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER (Supprimé)
L'amendement n°3 rectifié n'est pas défendu.
L'article premier demeure supprimé.
ARTICLE 2 (Supprimé)
L'amendement n°7 rectifié n'est pas défendu. L'article 2 demeure supprimé.
ARTICLE 3
L'amendement n°1 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Collombat et Mme Cukierman.
I. - Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° L'article L. 273-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 273-11. - Le ou les délégués des communes au sein des conseils communautaires sont élus par le conseil municipal. » ;
II. - Alinéas 5 à 7
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
3° L'article L. 273-12 est abrogé.
M. Pierre-Yves Collombat. - Qui a pu avoir une idée tordue de désignation dans l'ordre du tableau ! On me dit que le panachage est viscéral et qu'il faut le maintenir. À quoi j'oppose que les petits assassinats entre amis ne sont pas l'idéal. Dans certains cas, il ne faut pas forcément être adjoint ou maire pour être délégué à l'intercommunalité. Pourquoi ne pas revenir à plus de simplicité ? J'attends avec impatience votre réponse, monsieur le ministre.
M. le président. - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mmes Sollogoub et Loisier, M. Lafon, Mme Vullien, MM. Prince et Canevet, Mmes Goy-Chavent, Vermeillet, Férat et Guidez, MM. Henno, Mizzon et Vanlerenberghe et Mme C. Fournier.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° L'article L. 273-11 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le conseil municipal peut s'opposer à la règle précédente par délibération dûment motivée et élire le représentant de son choix au conseil communautaire. » ;
Mme Nadia Sollogoub. - Mon amendement manque de précisions. Il concerne une défaillance temporaire du maire, cas dans lequel le suppléant du maire est choisi dans l'ordre du tableau.
M. le président. - Amendement n°17 rectifié, présenté par Mmes Sollogoub et Loisier, M. Lafon, Mme Vullien, MM. Prince et Canevet, Mmes Goy-Chavent, Vermeillet, Férat et Guidez, MM. Henno, Mizzon et Vanlerenberghe et Mme C. Fournier.
Après l'alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Le conseil municipal a la faculté de s'opposer aux règles de remplacement fixées aux I et II par délibération dûment motivée et d'élire le représentant de son choix. »
Mme Nadia Sollogoub. - Cet amendement, similaire à celui de M. Collombat, est défendu.
M. Dany Wattebled, rapporteur. - Les conseils communautaires des petites communes sont désignés dans l'ordre du tableau qui dépend du nombre de suffrages obtenus lors des élections. Revenir là-dessus fragiliserait le dispositif de 2013. Avis défavorable aux trois amendements.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Pour les communes de plus de 1 000 habitants, le problème serait constitutionnel, monsieur Collombat. Concernant les communes de moins de 1 000 habitants, je dois avouer que j'ai été pris d'un doute en voyant votre amendement... Mais bouleverser ces équilibres pourrait être dangereux.
L'amendement n°17 rectifié pourrait être une solution de compromis.
L'ordre du tableau a l'avantage de la lisibilité, car on connaît toujours le premier adjoint au maire. Je ne suis pas opposé à l'introduction d'une possibilité dérogatoire, cependant.
Retrait de l'amendement n°13 rectifié ; sagesse favorable aux amendements nos16 rectifié et 17 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. - Qui de la commune connaît l'ordre du tableau ? Le fléchage évitait de créer deux scrutins différents. À partir du moment où l'on conserve le scrutin majoritaire avec un panachage, pourquoi ne pas revenir à la solution selon laquelle le conseil municipal serait en charge de la désignation. Il suffit de revenir au système ancien.
M. Didier Marie. - Nous suivrons le rapporteur. Ce débat est une bonne illustration de la nécessité de laisser reposer les mesures de désignation nouvellement adoptées. Les élus s'y sont faits. Sachons laisser du temps au temps.
Mme Françoise Gatel. - Les amendements posent des questions résultant directement des difficultés rencontrées dans les territoires.
Monsieur Collombat, le système de fléchage a l'avantage de la clarté. Il garantit que l'intercommunalité est un espace de subsidiarité et de coopération.
La solution de dérogation proposée par Mme Sollogoub prend en compte la nécessité de s'adapter à certaines situations. On ne détricote pas, mais on trouve des solutions ponctuelles en conservant la cohérence du cadre.
M. Alain Marc. - Ne confondons pas, comme l'a fait observer M. Collombat, le nombre de suffrages obtenus dans les communes de moins de 1 000 habitants et l'ordre du tableau.
Nous avions obtenu le fléchage pour éviter l'élection du président de l'intercommunalité au suffrage direct, ce qui faisait disparaître la commune.
Pour régler un éventuel problème de défaillance temporaire du maire, il existe d'autres moyens, notamment avec le préfet. Je suivrai mes collègues.
M. Dany Wattebled, rapporteur. - Je confirme l'avis défavorable de la commission sur les amendements nos16 et 17 rectifiés. Leur constitutionnalité est douteuse : le législateur doit exercer sa compétence, il ne peut pas s'en remettre au choix des conseils municipaux.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°13 rectifié. Sagesse prudente sur les amendements nos16 et 17 rectifiés, même si je comprends l'avis défavorable de la commission.
L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos16 rectifié et 17 rectifié.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4 (Supprimé)
L'amendement n°2 rectifié n'est pas défendu.
L'article 4 demeure supprimé.
ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°18 rectifié, présenté par Mmes Sollogoub et Loisier, M. Lafon, Mme Vullien, MM. Prince et Canevet, Mmes Goy-Chavent, Vermeillet, Férat et Guidez, MM. Henno, Mizzon et Vanlerenberghe et Mme C. Fournier.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 273-10 du code électoral est ainsi rédigée : « Toutefois, lorsque la commune ne dispose que d'un ou deux sièges de conseiller communautaire, ce ou ces sièges sont pourvus par le ou les candidats supplémentaires mentionné au 1° du I de l'article L. 273-9. »
Mme Nadia Sollogoub. - La règle de la parité peut être contreproductive. Elle fait obstacle à des binômes de femmes et peut conduire à les écarter du conseil communautaire.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Wattebled, au nom de la commission.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Après le mot : « communautaire », la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 273-10 du même code est ainsi rédigée : « et que le conseiller à remplacer a été élu sur une liste de candidats aux sièges de conseiller communautaire ne comportant qu'un seul candidat supplémentaire en application du 1° du I de l'article L. 273-9, ce siège est pourvu par ledit conseiller supplémentaire. »
M. Dany Wattebled, rapporteur. - Amendement de coordination.
L'amendement n°18 rectifié est satisfait, en pratique, par le nombre de candidats supplémentaires sur les listes, prévu à l'article 5. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je comprends l'intention mais ne revenons pas sur la règle de la parité, ce serait mettre le doigt dans un engrenage dangereux. Rejet de l'amendement n°18 rectifié. Avis favorable à l'amendement n°20.
M. François-Noël Buffet, vice-président de la commission. - La commission des lois demande la priorité sur le vote de l'amendement n°20.
L'amendement n°20 est adopté.
L'amendement n°18 rectifié n'a plus d'objet.
L'article 5, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°19 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Brisson, Mmes Chain-Larché et Chauvin, MM. Panunzi et Mandelli, Mme Bruguière, M. Darnaud, Mmes Puissat et Noël, MM. Morisset, Meurant, Husson et Paccaud, Mmes Berthet, Gruny, Duranton et Deroche, MM. Duplomb, Laménie et D. Laurent, Mmes Thomas, Lamure et Garriaud-Maylam, MM. Rapin et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et L. Darcos, M. Pierre et Mmes Bories et Deseyne.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas d'impossibilité du conseiller communautaire suppléant à participer aux réunions de l'organe délibérant en cas d'absence du conseiller communautaire titulaire, un deuxième conseiller municipal peut être appelé à le remplacer avec voix délibérative selon des modalités définies par décret. »
Mme Jacky Deromedi. - M. Gremillet souhaiterait que puisse être désigné un second suppléant en cas d'empêchement temporaire du conseiller communautaire titulaire ainsi que de son suppléant.
M. Dany Wattebled, rapporteur. - Le législateur ne peut pas renvoyer au pouvoir réglementaire la définition des règles de suppléance. C'est le fonctionnement démocratique des assemblées locales qui est en jeu. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Avis défavorable. J'ajoute que le conseiller communautaire dispose non seulement d'un suppléant, contrairement au conseiller communautaire des communes de plus de 1 000 habitants, et dispose, comme les autres, de la faculté de confier un pouvoir à l'un de ses collègues titulaires. Prévoir trop de suppléants ne faciliterait pas la vie de ceux qui président les séances de conseil communautaire... Croyez-en quelqu'un qui a été dans ces fonctions.
L'amendement n°19 rectifié n'est pas adopté.
ARTICLE 7
L'amendement n°14 est retiré.
L'article 7 est adopté.
ARTICLE 8
Mme Annie Guillemot . - Je m'inquiète : on confond souvent l'ensemble des métropoles avec la métropole de Lyon.
Cet article 8 supprime l'article 54 de la loi Maptam qui prévoyait l'élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains. On sait que l'échéance avait été repoussée...
Monsieur le ministre, vous avez longuement parlé de la stabilité de la DGF, sans dire qu'elle baissera dans 19 000 communes, alors que le Gouvernement leur a confié de nouvelles tâches.
Sur les métropoles, on ne voit rien venir. Les conseillers municipaux à Lyon ne sont pas grands électeurs et nous sommes sénateurs de deux départements, ce qui n'est pas très constitutionnel... Des conseillers généraux, parce qu'ils sont devenus conseillers métropolitains de Lyon, se voient refuser leur retraite de conseiller général par l'Urssaf.
On ne peut pas abroger l'article 54 de la loi Maptam sans rien prévoir pour le remplacer.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Sur la DGF, il faut dire la vérité sinon nous ne ferons jamais société. Au groupe socialiste, je demande : fallait-il, ou non, voter l'amélioration de la péréquation pour les communes les plus fragiles ?
Vous ne pouvez pas jouer à Robin des bois sans dire dans quelle poche vous prenez l'argent. S'il y a péréquation, il y a forcément écrêtement sur la dotation forfaitaire. En revanche, nous pourrions avoir un beau débat sur la péréquation. Nous avons fait des choix, en particulier pour l'outre-mer.
Mme Annie Guillemot. - Vous prenez des décisions qui sont assumées par les collectivités ! Sur les cantines, ce sont les communes qui touchent la DSU qui paieront le plus cher.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Madame la sénatrice, c'est le gouvernement que vous souteniez qui a réduit drastiquement la DGF entre 2013 et 2017.
Revenons à un débat sérieux. Les élus locaux en ont assez des polémiques.
Mme Annie Guillemot. - Je demande plus de justice !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - L'abrogation de l'article 54 de la loi Maptam ne changera rien pour Lyon, pour lequel des dispositions spécifiques sont prévues.
Mme Annie Guillemot. - Comment élirez-vous les conseillers métropolitains ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Au Sénat, une proposition de loi a été déposée pour donner la qualité de grands électeurs aux élus de Lyon. Nous avons du travail à accomplir ensemble, nous pourrons le faire si nous disons la vérité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et UC)
M. Didier Marie . - Supprimer l'article 54 de la loi Maptam sans que le Gouvernement se soit prononcé sur le renouvellement des conseils métropolitains au suffrage universel n'est pas opportun. Le groupe socialiste ne votera pas cet article 8.
L'article 8 est adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°12 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Roux et Vall.
I. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
peut être
par le mot :
est
et les mots :
de ces personnes publiques
par les mots :
entre les communes et l'intercommunalité
II. - Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
III. - Alinéa 9
1° Après le mot :
propre
insérer les mots :
, à la demande de l'organe délibérant de l'établissement
2° Remplacer les mots :
de la moitié des maires
par les mots :
du tiers des maires des communes membres
IV. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les bureaux sont déjà composés de l'intégralité des maires sont dispensés de cette mesure.
« Les membres de cette instance ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à son fonctionnement ne peut être pris en charge par une personne publique. »
M. Stéphane Artano. - La rédaction que le Sénat avait adoptée sur la conférence des maires dans la proposition de loi visant à améliorer la représentative des conseils communautaires et à mieux associer les conseillers municipaux au fonctionnement de l'intercommunalité était meilleure.
La création de la conférence des maires doit être de droit, à partir du moment où les bureaux des EPCI ne comprennent pas l'intégralité des maires. Le délai de six mois suivant le renouvellement des conseils municipaux limite dans le temps leur création.
M. Dany Wattebled, rapporteur. - La conférence des maires ne doit pas être une coquille vide. Créons-la là où le besoin s'en fait sentir. Faut-il prévoir qu'elle se réunit au moins deux fois par an ? Avis défavorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Ne contrarions pas la seule représentation qui vaille, la représentation démocratique, qui tient compte de la démographie. Reste qu'apparaît un besoin de retour aux maires après que les communes les plus importantes ont absorbé les petites communes rurales.
Il y a deux seuils dans ce texte : 30 % ; six mois. Je fais confiance au Sénat pour déterminer les bons.
En revanche, on ne peut pas, d'un côté, rendre hommage à l'intelligence territoriale et professer sa confiance dans les territoires et, de l'autre côté, vouloir inscrire des règles aussi rigides.
Retrait, sinon rejet. Le texte, tel que la commission l'a rédigé, fluidifiera déjà grandement les rapports dans les intercommunalités.
Mme Nathalie Goulet. - Je rejoins le ministre. Ce serait d'ailleurs intéressant de savoir combien il existe de conférences des maires. À mon sens, il y en a partout où les intercommunalités ont été créées au forceps et où il a fallu redonner à chaque petite commune une place existentielle. Monsieur le ministre, avez-vous les chiffres ?
Oui, laissons de la souplesse. Nous passerons encore de longs mois, voire des années, à rustiner la loi NOTRe. Il faut faire simple, souple, intelligible. Je ne voterai pas cet amendement.
M. Didier Marie. - À titre personnel, je suis plutôt favorable aux conférences des maires obligatoires. Plus de 70 % des intercommunalités les ont mises en place. Là où cela n'a pas été fait, combien les refusent parce que les exécutifs n'aimeraient pas trop avoir les maires autour de la table ? Une conférence des maires ne coûte pas cher, elle donne une place aux petites communes ; c'est une instance de démocratie participative, entre la commune et l'intercommunalité. Pour le reste, il faut de la souplesse. Le groupe SOCR ne votera pas cet amendement.
L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°5 rectifié n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°6 rectifié.
L'article 9 est adopté.
ARTICLE 10
M. le président. - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. Devinaz, Mme Guillemot et M. Sueur.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la première phrase, après le mot : « métropolitaine », sont insérés les mots : « des communes » ;
M. Gilbert-Luc Devinaz. - La conférence métropolitaine, en 2020, sera la seule instance, consultative, où les communes seront représentées. Il faut les faire apparaître dans son intitulé. La métropole de Lyon concentre les compétences du département et de la communauté urbaine, l'impact est considérable sur l'économie.
M. le président. - Sous-amendement n°21 à l'amendement n° 8 rectifié de M. Devinaz, présenté par M. Wattebled, au nom de la commission.
Amendement n° 8
I. - Alinéa 3
Remplacer le mot :
communes
par le mot :
maires
II. - Compléter cet amendement par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Alinéas 4 et 8
Après le mot :
métropolitaine
insérer les mots :
des maires
... - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - À la première phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa de l'article L. 3633-3 du même code, après le mot : « métropolitaine », sont insérés les mots : « des maires ».
... - L'intitulé de la section 2 du chapitre III du titre III du livre VI de la troisième partie du même code est complété par les mots : « des maires ».
M. Dany Wattebled, rapporteur. - Nous préférerions une « conférence métropolitaine des maires ». Ce sous-amendement procède également à des coordinations.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Sagesse sur l'amendement n°8 rectifié, sous-amendé. Il m'est difficile, en tant que membre du Gouvernement d'émettre un avis définitif sur des questions qui n'ont pas fait l'objet de concertation.
M. François-Noël Buffet. - En tant que sénateur du Rhône, j'insiste sur l'importance du sous-amendement de la commission. Les maires qui ne sont pas élus au conseil de la métropole, et personne d'autre, doivent être consultés.
M. Alain Marc. - « Conférence métropolitaine des maires », cela me semble complètement approprié. Certains disaient que les dispositions sur Lyon dans ce texte étaient des cavaliers législatifs, cette discussion prouve le contraire.
Le sous-amendement n°21 est adopté.
L'amendement n°8 rectifié, ainsi sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par Mme Guillemot et MM. Devinaz et Sueur.
Après l'alinéa 7
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« ...° Le schéma métropolitain de solidarité (personnes âgées, personnes en situation de handicap, protection de l'enfance, santé publique et développement social) ;
« ...° Le projet de schéma métropolitain éducatif et culturel ;
« ...° Le programme métropolitain d'insertion pour l'emploi ;
« Par ailleurs, la conférence métropolitaine est saisie chaque année pour donner un avis sur l'exécution de la programmation pluriannuelle d'investissement.
Mme Annie Guillemot. - Je me félicite de la décision que le Conseil constitutionnel a prise ce matin sur la possibilité d'organiser un référendum sur la privatisation d'ADP.
M. le ministre, nous avons déposé des amendements sur la métropole de Lyon après que la commission des lois a ouvert ce sujet. Initialement, nous pensions qu'elle n'était pas concernée par ce texte. La métropole de Lyon a des compétences d'urbanisme et d'aménagement du territoire mais aussi des compétences sociales. Tout cela doit être discuté au sein de la conférence des maires.
M. Dany Wattebled, rapporteur. - Le schéma métropolitain de solidarité, le schéma métropolitain éducatif et culturel, le programme métropolitain d'insertion pour l'emploi n'ont pas de fondement légal, contrairement au PLU et au SCOT.
Pour contourner l'obligation de les soumettre à la conférence des maires, la métropole pourrait s'abstenir de les élaborer. Avis défavorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
Mme Annie Guillemot. - Difficile à entendre quand les compétences sociales représentent plus de la moitié du budget de la métropole de Lyon ! Il est tout de même de l'ordre de 4 à 5 milliards d'euros.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas. Un projet de loi encourage à faire travailler ensemble écoles et collèges. Or les premières sont du ressort de la commune ; les seconds, de la métropole. Nous avons déjà commencé à travailler à un schéma éducatif.
Le Sénat aura refusé à la conférence des maires la discussion des compétences sociales. Nous le ferons savoir, et chacun prendra ses responsabilités !
Mme Cécile Cukierman. - Le groupe CRCE votera cet amendement. La métropole de Lyon est le fruit d'un petit arrangement entre amis, entre deux barons locaux, qui fait fi des réalités démocratiques sur le territoire. Elle existe désormais, il faut des garde-fous.
Dès 2020, des maires de la métropole de Lyon pourraient ne pas siéger au conseil métropolitain, alors que leurs opposants les plus extrêmes à droite, y seront. Il faut consolider le pouvoir des maires. Il serait dommage de nier le suffrage qui s'exprimera en 2020.
M. François-Noël Buffet. - Il sera difficile de contrecarrer les effets de la création de la métropole en tant que collectivité territoriale élue au suffrage universel direct.
Ici, il s'agit que la conférence des maires puisse donner un avis sur les sujets intercommunaux. Les schémas que les auteurs de l'amendement voudraient y faire discuter n'ont pas de fondement légal. En revanche, la loi Maptam autorise la conférence des maires à se saisir des thématiques qu'elle souhaite à la majorité qualifiée. Et rien n'empêche le président de la métropole de lui présenter des schémas, de sa propre initiative.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
L'article 11 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Devinaz, Mme Guillemot et M. Sueur.
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3633-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la troisième phrase du premier alinéa, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
2° À la deuxième phrase du second alinéa, le mot : « an » est remplacé par le mot : « semestre ».
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Cet amendement renforce les conférences territoriales des maires. Elles existent, on ne crée pas d'échelon supplémentaire. En revanche, instances de concertation à l'échelle du bassin de vie, elles fonctionnent de manière très irrégulière.
M. Dany Wattebled, rapporteur. - Chaque conférence territoriale serait consultée sur tout projet métropolitain ? Cela paralyserait la métropole de Lyon et pourrait provoquer des annulations en série si cette formalité n'est pas remplie. La consultation se justifie quand le projet intéresse le territoire. Je rappelle qu'il existe, par ailleurs, une conférence métropolitaine des maires... Avis défavorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - On ne peut pas prôner les libertés locales tout en rigidifiant à ce point l'organisation du travail local. Bientôt, on ira jusqu'à dire si les instances doivent se réunir les semaines paires ou impaires...
En bon normand, je suis plutôt tocquevillien. Dans le débat entre liberté et égalité, et nous l'avons déjà eu sur les funérailles républicaines, je suis plutôt pour la liberté et la confiance dans les élus locaux. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Annie Guillemot. - Il faut prendre en compte les spécificités de la métropole de Lyon ! La non-représentation des maires au sein du conseil métropolitain a fait l'objet d'une pétition qui a déjà réuni 25 000 signatures. La commission des finances vient de publier un rapport éclairant sur les conséquences financières et fiscales de la création de la métropole de Lyon. Dans le chapitre consacré aux « questions institutionnelles encore en suspens », elle rappelle que : « Dans la mesure où, d'une part, il n'y aura plus de fléchage mais un scrutin par liste et où, d'autre part, dans certaines circonscriptions, le nombre d'élus est inférieur au nombre de communes, certaines d'entre elles ne seront plus représentées au sein du conseil métropolitain. » Exemple : le Val-de-Saône, qui regroupe 25 communes, n'aura que 10 sièges au conseil communautaire.
Maire pendant 18 ans, mais aussi conseillère générale et conseillère métropolitaine, je sais de quoi je parle. Nous relayons la parole des maires. Nous nous battons pour plus de démocratie, sur ce sujet comme sur la vente d'ADP et peut-être, plus tard, des barrages hydroélectriques.
Mme Françoise Gatel. - Le législateur, avec la métropole de Lyon, a produit une curiosité qui n'est pas complètement aboutie. Le sujet aujourd'hui, c'est l'acceptation de cet univers.
Il paraît difficile de fixer dans la loi la fréquence des réunions de telle ou telle instance. Cela relève du règlement intérieur, non de la loi, car la loi n'est jamais aussi parfaite que les hommes peuvent l'être quand ils le sont autant qu'ils doivent l'être. (Sourires)
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Cet amendement ne sort pas de mon chapeau, il est le produit d'échanges avec les maires. Le rejeter, c'est refuser une synergie entre les communes et la métropole de Lyon.
Mme Nathalie Goulet. - Ceux qui ont assisté aux merveilleux débats sur la création de la métropole de Lyon se souviennent que la méthode était assez stupéfiante et se rappellent quelles bonnes fées se sont penchées sur le berceau. Reste que mieux vaudrait, plutôt que des dispositions éparses, un texte consacré à Lyon à la faveur d'un changement de génération. (Sourires)
M. François Bonhomme. - C'est élégant...
Mme Nathalie Goulet. - C'est une évidence ! Lyon mérite un débat en profondeur.
M. François-Noël Buffet. - Les conférences territoriales des maires à Lyon sont une obligation légale résultant de la loi Maptam. Leur organisation relève, elle, de la métropole. Il est incontestable qu'elles fonctionnent de manière inégale. L'enjeu est, pour la métropole, de trouver un système plus opérationnel. Sincèrement, le sujet est interne.
Les territoires ne sont évidemment pas saisis de tous les sujets qui sont, par définition, métropolitains. Il existe, de surcroît, la conférence des maires et les commissions thématiques.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par MM. Raison, Milon, Darnaud, Longuet, Vaspart, Pierre, Priou et Bonne, Mme Ramond, MM. Vogel, Chasseing, Laménie et Perrin, Mme Chauvin, M. A. Marc, Mmes Berthet et M. Mercier, MM. Revet et Decool, Mme Noël, MM. D. Laurent, Bazin et Guerriau, Mmes Garriaud-Maylam et Imbert, M. Mayet, Mmes A.M. Bertrand, Lherbier et Bruguière, MM. Savin et Paccaud, Mme Lamure et MM. Babary et Le Gleut.
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 5211-39 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 5211-39-... ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-39-.... - Dans les trois mois suivant chaque renouvellement général des conseils municipaux, le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre établit une feuille de route pour la durée du mandat.
« Le projet de feuille de route est transmis pour avis à chacun des conseils municipaux des communes membres. Le conseil municipal de chaque commune dispose d'un délai de trois mois pour se prononcer. À défaut de délibération dans ce délai, son avis est réputé favorable.
« La feuille de route donne lieu à débat au sein de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dès sa première réunion suivant l'expiration du délai mentionné au premier alinéa.
« Chaque année, lors du débat d'orientation budgétaire ou, à défaut, lors du vote du budget, l'avancement de la feuille de route fait l'objet d'une communication du président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à son organe délibérant et d'une information écrite à chacun des conseils municipaux des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale. »
Mme Brigitte Lherbier. - Monsieur le ministre, je suis d'accord avec vous : faisons confiance à la démocratie locale. Mais pour cela il faut de la transparence. Cet amendement de M. Raison y contribuera en prévoyant une feuille de route pour les EPCI, un véritable programme de campagne, avec des points d'étape.
M. Dany Wattebled, rapporteur. - Je suis dubitatif. Les candidats exposent leur projet politique au cours de la campagne ; de plus, le président d'EPCI n'a pas forcément la visibilité nécessaire pour construire une feuille de route sur six ans. Avis défavorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Encore une fois, jusqu'où faut-il rigidifier ? Un nouveau président d'EPCI, qui ne s'exprime pas dans la presse sur ses intentions et ne partage pas sa vision politique avec les élus, ne peut pas y être obligé par la loi. Il n'y a pas de discours sur l'état de l'union à l'échelle locale. Plus les choses sont dites, mieux c'est, mais votre amendement revient à imposer une profession de foi politique à des EPCI qui ne sont pas des collectivités territoriales - je mets à part le cas lyonnais. La vie démocratique locale ne s'organise pas de la même manière à Lille et dans une intercommunalité rurale ! (Mme Nathalie Goulet approuve.) Avis défavorable.
Mme Brigitte Lherbier. - Je pense surtout engagements en matière de constructions. Si le budget est alourdi par des projets dispendieux, les citoyens sont en droit de le savoir dès le début de la mandature.
Mme Françoise Gatel. - Une intercommunalité a-t-elle une feuille de route ? La question est justifiée. Elle doit se construire sur un projet de territoire partagé, y compris dans une petite communauté de communes, avec tous les acteurs locaux - conseil de développement, acteurs associatifs, car les citoyens demandent à être associés. Je ne crois pas qu'une feuille de route technique suffira à nourrir l'esprit de coopération dans les intercommunalités et le caractère obligatoire me gêne. Je suivrai le rapporteur.
M. Alain Marc. - J'avais cosigné cet amendement car je sais M. Raison raisonnable, mais je me range à l'avis du rapporteur.
Si l'ensemble des conseillers municipaux n'est pas informé, la responsabilité en incombe aux conseillers communautaires. Surtout, que comprennent les citoyens à ce que fait la commune, l'intercommunalité ou le parc naturel régional, à ce qu'est le PETR ou la Gemapi ? Une simplification du millefeuille territorial éclaircirait le maquis administratif pour le plus grand profit de ceux pour qui nous travaillons, les Français.
M. Didier Marie. - Nous avons beaucoup fait référence à l'intelligence territoriale et collective des élus. Comment imaginer que les conseillers communautaires iraient signer un chèque en blanc au président d'un EPCI ? Cet amendement n'a pas lieu d'être.
M. François Bonhomme. - Des dispositions existent, comme le débat d'orientation budgétaire qui a lieu une fois par an et qui a un caractère pluriannuel. Le principe même de la feuille de route est sujet à caution : des évènements extérieurs peuvent intervenir durant la mandature, vote de la loi NOTRe ou baisse des dotations !
M. Arnaud de Belenet. - Si une telle proposition émanait du Gouvernement ou de la DGCL, nous hurlerions de concert en dénonçant le mépris à l'égard des élus locaux. (M. François-Noël Buffet le confirme.)
La majorité sénatoriale invoque volontiers l'intelligence des territoires. À la veille des débats qui nous attendent sur la différenciation, ce type d'amendement ne nous aidera pas à sortir par le haut ! Rallions-nous à l'avis du rapporteur.
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
L'amendement n°15 rectifié bis n'est pas adopté.
INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Guillemot et MM. Devinaz et Sueur.
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires et entre les conseils municipaux et le conseil de la métropole de Lyon
Mme Annie Guillemot. - L'intitulé de la proposition de loi ne prenait pas en compte la métropole de Lyon, qui n'est pas un EPCI mais une collectivité territoriale à part entière. Cet amendement y remédie.
M. Dany Wattebled, rapporteur. - Avis favorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°10 est adopté. L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
M. Didier Marie. - J'expliquais en propos liminaire que ce texte avait beaucoup dérivé, au point d'être devenu un catalogue de mesures éparses. La métropole de Lyon n'y avait pas forcément sa place. Le débat a suivi son cours, un consensus s'est dégagé. Nous nous abstiendrons, en attendant le projet de loi gouvernemental sur les améliorations à la loi NOTRe.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
La séance est suspendue quelques instants.
Débat sur le mécénat territorial au service des projets de proximité
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le mécénat territorial au service des projets de proximité.
Vu l'heure, j'invite les orateurs à être aussi concis que possible.
M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants . - Lundi 15 avril, quelques heures seulement après le déclenchement du grand incendie de Notre-Dame, la communauté internationale se mobilisait. En quelques jours, plus d'un milliard d'euros de dons étaient collectés, un projet de loi annoncé et un vaste plan de reconstruction mis en place.
Cet élan de générosité intervient dans un contexte de forte baisse des ressources publiques consacrées au patrimoine, dont l'entretien et la restauration reposent essentiellement sur les communes.
Nous ne pouvions imaginer que l'actualité mettrait ainsi le mécénat territorial sous les feux de la rampe. D'après Ernst and Yung et Régions de France, les sommes en jeu restent modestes mais le potentiel est important. La « Folle journée » de Nantes est soutenue par un réseau de mécènes qui a rassemblé 2,8 millions d'euros. La région Nouvelle Aquitaine a mis en place une plateforme de financement participatif pour soutenir des projets très divers. Les collectivités territoriales n'hésitent plus à lancer des campagnes de souscription pour acquérir une oeuvre, rénover un monument ou financer des initiatives citoyennes.
L'État, dont les concours ne cessent de baisser, n'a pas le monopole de l'intérêt général. En 2003, la si décriée loi Aillagon a offert une reconnaissance aux acteurs du mécénat, renforcée par la loi de 2007 qui l'a étendue aux monuments historiques privés et au spectacle vivant. Notre dispositif fiscal est parmi les plus avantageux.
En 2017, le mécénat représentait 3,5 milliards d'euros de dons. Le nombre d'entreprises mécènes et de fondations ne cesse de progresser. Pourtant, ce mouvement était bien moins naturel en France que dans la culture anglo-saxonne. Mais les mouvements sociaux que nous traversons témoignent d'un besoin d'horizontalité, de proximité, de participation aux projets locaux.
Le dispositif actuel n'est pas sans faille. En 2016, 24 entreprises ont réalisé 44 % de la dépense fiscale au titre du mécénat. L'adoption d'un plafond dans la dernière loi de finances doit encourager le mécénat des petites entreprises. Espérons-le, car le mécénat est un vecteur d'identité et de cohésion territoriale, un moyen de communication, une façon de retrouver un élan démocratique à travers une participation directe des citoyens et des entreprises.
Au premier rang des obstacles à sa montée en puissance, on trouve le manque d'expertise des collectivités locales, l'insécurité juridique et la méconnaissance du dispositif.
Le mécénat territorial est une réponse aux forces centrifuges qui distendent le lien local. Redonnons du sens à l'action locale, permettons à chacun de saisir sa place dans une société diluée, confuse, défiante, à travers cet élément de concorde que représentent le mécénat et la philanthropie.
Au nom de groupe Les Indépendants, je vous souhaite, monsieur le ministre, un débat constructif et riche. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, Les Républicains et UC)
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales . - Je salue l'initiative de ce débat sur le financement des projets d'intérêt général.
La rénovation de Notre-Dame ne peut résumer à elle seule l'action des collectivités en la matière.
J'ai accompagné le président de la République dans sa grande consultation des maires ; je les sais attachés à l'enracinement, à la proximité, loin de course aux grandes régions et au gigantisme que j'ai moi-même dénoncée comme élu local.
Le mécénat territorial n'a pas de définition juridique et relève à la fois du ministère de la Culture, du ministère de la Cohésion des territoires et de Bercy. Il s'agit de mobiliser les ressources humaines et financières, publiques et privées, au service de projets d'intérêt général.
Son développement s'explique avant tout par l'ampleur du chantier des rénovations à mener. Les ministères sont impliqués de longue date auprès des collectivités locales, qui sont propriétaires de la moitié des 44 000 immeubles historiques à rénover.
La DGF a connu une forte baisse sous le quinquennat précédent et la fiscalité locale a cru en parallèle. Depuis 2017, les dotations de l'État sont stables, mais les besoins de financement restent importants.
Le Gouvernement a engagé des actions fortes en faveur du mécénat territorial, d'abord via un soutien à l'investissement local, notamment à destination des territoires ruraux, à hauteur de 2 milliards d'euros. La DETR a augmenté de 400 millions d'euros par rapport à 2014 et dépasse le milliard. Nous avons pérennisé la DSIL qui atteindra 570 millions en 2019. Après trois années de baisse, l'investissement local est reparti à la hausse depuis 2017 ; en fin de cycle, la dynamique est bonne.
Le ministère de la Culture mobilise 300 millions d'euros par an pour la conservation des monuments historiques, un budget en hausse de 3 %, auquel il faut ajouter les 20 à 25 millions d'euros récoltés par le loto du patrimoine qui sera reconduit en 2019.
Enfin, les DRAC ont créé des pôles régionaux du mécénat, guichets de mise en contact des mécènes et des porteurs de projets.
Troisième action, portée cette fois par Bercy : un cadre fiscal stable et incitatif. La loi Aillagon de 2003 a prévu une déduction fiscale importante - 66 % pour les particuliers, 60 % pour les entreprises - qui fait du cadre français le plus avantageux d'Europe.
En 2017, les dons s'élevaient à 3,8 milliards d'euros, pour une dépense fiscale de 2,4 milliards, et émanaient de 68 390 entreprises et 5 millions de particuliers. Ce montant a augmenté de 380 % depuis 2004 ; la hausse devrait se poursuivre avec la modification du plafond qui vise à encourager le mécénat des PME.
Des réflexions sont en cours sur la base du rapport remis par la Cour des comptes en novembre, mais le Gouvernement ne tient pas à bouleverser un régime fiscal qui a fait ses preuves.
Reste à lever les freins au mécénat de compétence, à assouplir le cadre existant pour favoriser l'implication bénévole des citoyens, sur le modèle des journées citoyennes, à aller plus loin dans l'assistance technique ou l'exercice en commun de compétences entre collectivités - je communiquerai d'ici la fin du mois un guide des mutualisations ; à favoriser le mécénat de compétences de la part d'entreprises privées.
Je souhaite que les réflexions en cours se poursuivent avec pour but d'apporter plus de souplesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Artano . - L'incendie de Notre-Dame a démontré l'incroyable solidarité des Français et leur attachement au patrimoine, constitué de célèbres édifices mais aussi de tout un petit patrimoine local fait de petites chapelles, de fours à pains ou encore de phares. Or ce patrimoine est en danger.
Les partenariats entre collectivités territoriales et État sont intéressants, mais les collectivités territoriales ne peuvent pas abonder les fonds de dotation. C'est pénalisant, parce que ces fonds sont parfois modestes, et une part de la collecte va aux dépenses de fonctionnement. Autoriser les collectivités territoriales à les abonder permettrait de constituer une dotation d'amorçage ou d'absorber une part des coûts de fonctionnement par la mise à disposition de personnel ou de locaux.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Le mérite du fonds de dotation est de flécher des fonds privés vers un projet dont la maîtrise d'ouvrage est publique. Le conseil départemental ou le conseil régional peuvent déjà verser une subvention.
Votre question concerne essentiellement le volet fiscal. Des dérogations sont déjà possibles au cas par cas, à la main du ministère de l'Économie. Il n'est donc pas nécessaire de modifier le cadre législatif.
Mme Nathalie Goulet . - Alain Lambert, éminent sénateur de l'Orne, avait organisé, en partenariat avec la Fondation du patrimoine, un fonds abondé à la fois par de l'argent privé et par le département.
La fin de la réserve parlementaire nous a rendus créatifs. Dans l'Orne, nous avons ensuite mis en place, à mon initiative, un fonds de dotation pour le patrimoine. Là aussi, nous nous heurtons au problème de la technicité, de la complexité et les délais.
Pensez-vous que, dans un tel cadre, appelé à se multiplier, on pourrait alléger les démarches ? L'argent qui sert à payer des experts ne va pas aux projets !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Si vous parlez d'Alain Lambert, vous me prenez par les sentiments ! (Mme Nathalie Goulet s'en réjouit.)
L'ingénierie bâtimentaire est un enjeu majeur. D'autant que le patrimoine à restaurer peut ne pas être classé, mais générer tout de même l'affectio societatis.
La clause de compétence générale du département ayant disparu, il faudrait assouplir les choses. La proposition de loi Marseille sur les SEM y contribuera.
Aujourd'hui, une collectivité territoriale peut prêter du matériel à une autre par voie de convention. C'est plus délicat, voire risqué, pour du personnel. C'est une piste à creuser.
Sur les questions financières, ne déstabilisons pas des choses qui fonctionnent bien.
M. Jérôme Bignon . - La Somme compte plus de mille églises, auxquelles s'ajoute le petit patrimoine vernaculaire, souvent mal protégé, voire à l'abandon. Une réhabilitation est difficile et coûteuse, et les petites communes rurales ont d'autres priorités, bien compréhensibles.
C'est pourtant l'identité du village qui est en jeu : l'église, le monument aux morts, le lavoir, le puits, les mares sont les reliques d'un passé qui a du sens et font l'authenticité de la ruralité.
Assurer l'entretien de ce patrimoine, c'est aussi faire vivre l'artisanat local. C'est enfin favoriser le tourisme. C'est dire si la perte de la réserve parlementaire est durement vécue par les communes rurales.
M. Antoine Lefèvre. - On nous le dit tous les week-ends !
M. Jérôme Bignon. - Le mécénat territorial peut-il apporter une réponse ? Comment l'État peut-il accompagner ces très petites communes, où trouver l'ingénierie et les financements ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. - En effet, la fin de la réserve parlementaire a eu un impact sur l'entretien du petit patrimoine vernaculaire, sur des petites opérations comme la réparation d'un vitrail... Vos propos m'alertent et je vais contacter la préfète Muriel Nguyen pour éclaircir ce point car j'ai donné des instructions claires pour que la DETR et la DSIL se concentrent sur les petits investissements jadis éligibles à la réserve.
Pour les investissements plus importants, ce sont les DRAC, les départements, voire les régions qui sont concernés - ils n'ont jamais été financés par la réserve parlementaire.
Il faut mélanger les euros publics et privés. Nous avons des outils, comme les fondations, qui le permettent. Je suis à votre disposition pour évoquer des projets précis.
Mme Brigitte Lherbier . - Le regrettable incendie de Notre-Dame de Paris a montré l'importance du mécénat pour notre patrimoine et le rôle déterminant des particuliers et entreprises.
À Tourcoing, un partenariat solide s'est noué autour du musée des Beaux-Arts ; une grande exposition sur les Chrétiens d'Orient a rencontré un grand succès grâce aux entreprises locales qui l'avaient parrainée. C'est gagnant-gagnant pour les entreprises et les collectivités territoriales.
Le mécénat finance aussi des actions sociales, comme l'opération « Un livre, un enfant », qui distribue des livres aux écoliers de Tourcoing, notamment dans les quartiers difficiles. Comment soutenir cette dynamique, vitale pour revitaliser nos territoires ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Vous avez raison de revenir sur les beaux succès tourquennois, et ainsi de rendre hommage à Gérald Darmanin, élu maire en 2014...
Il faut garantir une stabilité dans les années qui viennent : pour qu'un mécène confie des fonds à une collectivité territoriale, il doit être assuré que l'environnement normatif et fiscal ne bougera pas. Le Gouvernement s'y est engagé.
Mme Éliane Assassi . - Merci au groupe Les Indépendants pour ce débat.
Pour les collectivités territoriales, victimes de la baisse des dotations, il s'agit de trouver de nouvelles sources de financements. Pour les entreprises, on peut voir le bon côté des choses : la participation à des objectifs d'intérêt général. Mais ne soyons pas naïfs : réduction fiscale et possibilité de choisir leur cause sont des opportunités en or ! Les seules gagnantes, ce sont elles, car l'État se prive de rentrées fiscales considérables.
Les collectivités territoriales auraient-elles recours au mécénat si l'État ne les y contraignait par ses plans d'austérité ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Les entreprises mécènes ont aussi une démarche citoyenne ! (Mme Éliane Assassi esquisse une moue dubitative.) Il s'agit souvent d'entreprises de proximité, notamment dans le domaine sportif.
M. Michel Savin. - Enfin, on évoque le sport !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Réunir tous les acteurs d'un territoire autour d'un projet fait société locale. Je le vois pour la Collégiale de Vernon ou à Giverny, dont je préside le musée des impressionnistes.
Le mécénat local est aussi une opportunité en investissement ; c'est de l'argent en plus. Le problème reste celui du fonctionnement, dont font partie les petits travaux du quotidien, la mise en sécurité, le personnel... C'est pourquoi il faut vous réjouir que le Gouvernement ne baisse plus la DGF !
Mme Jocelyne Guidez . - Les ressources des collectivités sont fragiles. À côté de Notre-Dame, combien de monuments, de sites historiques de valeur tombent en ruine ? Le mécénat est une solution, d'autant que la France a un cadre fiscal attractif.
Reste le problème de la mise à disposition. Les décideurs publics pourraient être mis en difficulté par la multiplication des cagnottes en ligne, surtout quand nous apprenons que certaines sont frauduleuses.
Pourquoi ne pas créer une plateforme publique unique, officielle, pour les répertorier ? Elle publierait des informations vérifiées, favoriserait la transparence et la traçabilité des dons, sans pour autant de mainmise de l'État. Quelles pistes envisagez-vous ?
M. Franck Riester, ministre de la culture . - Je viens de l'Assemblée nationale, où les députés viennent de voter, à la quasi-unanimité, la proposition de loi sénatoriale sur les droits voisins des éditeurs de presse.
M. Antoine Lefèvre. - Un modèle à suivre !
M. Franck Riester, ministre. - En ce 9 mai, fête de l'Europe, je me réjouis que la France soit le premier pays à transposer la directive sur les droits d'auteurs qu'elle a contribué à faire adopter. (Mme Jocelyne Guidez s'en réjouit.)
Il est regrettable, madame la sénatrice, que les Français redoutent d'être floués sur les plateformes dont vous avez parlé. Il faut bien évidemment veiller à les protéger de toute escroquerie.
La loi sur Notre-Dame garantira une réduction d'impôt de 75 % jusqu'à 1 000 euros pour les particuliers. Les régimes qui s'appliquent aux entreprises ne sont pas modifiés.
Nous avons rassemblé trois fondations et institutions dans un même portail pour assurer la transparence. Il ne faut pas pour autant généraliser ce principe, au risque de brider les porteurs de projets et les fondations.
M. Antoine Lefèvre . - Il y a trois ans, dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, notre rapporteur Jean-Pierre Leleux avait proposé que les entreprises et commerçants d'une commune ou d'une intercommunalité puissent soutenir une action culturelle et déduire en contrepartie une partie de ce don de leurs taxes locales. Les modalités auraient été calquées sur celles de la loi Aillagon et le dispositif aurait été facultatif pour les collectivités territoriales.
Mme Pellerin, favorable sur le principe, avait dit souhaiter une expertise préalable. A-t-elle été menée ?
M. Franck Riester, ministre. - Il faut réfléchir collectivement sur ces questions. Je suis ouvert à des évolutions du dispositif, comme nous le faisons pour Notre Dame. Je suis prêt à y travailler avec le sénateur Leleux.
Mme Corinne Féret . - Le Calvados est l'un des départements les plus riches en nombre de monuments historiques inscrits ou classés.
L'entretien des églises incombe aux communes depuis 1905. Bien sûr, les dons aux fidèles existent, comme les dotations du ministère de la Culture, les régions et les départements peuvent participer... mais cela reste insuffisant au regard des besoins.
Le mécénat territorial est une nouveauté pour bon nombre de communes rurales. Les TPE et PME ne sont pas toujours au courant des possibilités offertes par la loi Aillagon. Il faut encourager la professionnalisation des acteurs et l'échange de bonnes pratiques. Que proposez-vous pour renforcer l'attractivité du mécénat territorial en faveur du petit patrimoine de nos campagnes ?
M. Franck Riester, ministre. - Plusieurs mesures ont été mises en place ou renforcées, à l'instar du loto du patrimoine qui contribue aussi à la restauration du petit patrimoine vernaculaire de proximité, classé ou non. La loi de finances pour 2019 a relevé le plafond des dons pour encourager le mécénat des PME. En 2020, nous allons flécher autant de moyens que possible vers les petites communes dont les moyens sont limités, car ce patrimoine de proximité est précieux.
Mme Marta de Cidrac . - À travers les collectivités territoriales, le mécénat territorial agit dans des domaines très variés. Pas moins de 80 % des entreprises privilégient les projets locaux. Mais 85 % ne font pas appel au mécénat. Les marges de développement sont considérables, à condition d'encourager les acteurs à s'engager. Pour cela, il faut un dispositif clair et pérenne, qu'il faut mieux faire connaitre.
M. Franck Riester, ministre. - Votre question est pertinente ; peut-être faut-il un plan de communication spécifique, en effet. Le dispositif existant sera bien entendu maintenu.
M. François Bonhomme . - La Cour des comptes a récemment souligné la forte concentration du mécénat, qui profite surtout aux grandes entreprises : elles sont 24 à concentrer 44 % de la dépense fiscale liée au mécénat.
Une mission d'information de la commission de la culture du Sénat a estimé que les entreprises étaient désormais mûres pour financer des projets de proximité ; or l'activité des DRAC dans ce domaine est très variable. Beaucoup se contentent d'un rôle technique, laissant les collectivités territoriales s'organiser avec les moyens du bord.
Comment accompagner au mieux les collectivités territoriales en la matière ?
M. Franck Riester, ministre. - Le ministère de la Culture comporte une cellule dédiée au mécénat ; elle sera sollicitée pour appuyer davantage les collectivités territoriales.
La loi de finances pour 2019 a porté le plafond de dons pour les entreprises à 10 000 euros, ce qui permet à de petites entreprises de dépasser le plafond de 0,5 % du chiffre d'affaires. L'objectif est bien d'élargir le mécénat aux PME.
Mme Christine Lavarde . - Créé en 2016, le fonds de dotation de Clichy, dans les Hauts-de-Seine, a récolté plus de 1,5 million d'euros de dons d'une quarantaine d'entreprises. Il a pu multiplier les initiatives locales. C'est une réussite, mais il n'a pas été facile de le porter sur les fonts baptismaux ; il a fallu un conseil spécifique pour rédiger les statuts, prospecter, aller chercher les dons et les porteurs de projets...
Enfin, le maire étant président de la fondation, toutes ses activités seront mises en sommeil pendant la période de réserve précédant les élections municipales. Est-ce justifié ?
M. Franck Riester, ministre. - La période de réserve n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce. A priori, les règles habituelles s'appliquent.
M. Michel Savin . - Nos territoires ont besoin d'un tissu associatif dynamique grâce auquel, avec l'aide des bénévoles, ils créent et entretiennent le lien social. Le sport, dont on a peu parlé jusqu'à présent, est essentiel de ce point de vue. Il manque de ressources financières et humaines. Il a besoin de l'appui du monde de l'entreprise, de l'artisanat et du commerce.
Le mécénat est hélas souvent confondu avec le sponsoring. Il faut le faire connaître et le sécuriser pour éviter des redressements fiscaux. Peut-être faudrait-il créer des correspondants mécénat pour le sport comme il en existe dans les DRAC. Monsieur le ministre, quelles sont vos préconisations pour développer le mécénat en faveur du sport ?
M. Franck Riester, ministre. - Vous avez raison : le sport a besoin du mécénat. La ministre des sports, qui y est très attachée, vous fera part de ses idées.
Mme Colette Mélot . - Nos échanges ont montré que le mécénat territorial est amené à se développer mais que les collectivités territoriales sont loin de se l'être approprié. Le mécénat est pour l'instant un soutien public à l'investissement privé.
Le groupe Les Indépendants a déposé une proposition de loi pour diffuser plus largement les pratiques du mécénat auprès des collectivités territoriales mais aussi des entrepreneurs. Nous appelons de nos voeux une journée nationale de la philanthropie, sur le modèle américain, ou encore la création d'un label « Entreprise engagée » pour les entreprises qui consacrent au mécénat un montant égal à 5 pour 1 000 de leur chiffre d'affaires. Il s'agit de reconstruire la relation des citoyens à la chose publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et RDSE)
Prochaine séance, mardi 14 mai 2019 à 9 h 30.
La séance est levée à 18 h 40.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mardi 14 mai 2019
Séance publique
À 9 h 30 Présidence : M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
1. Questions orales
À 14 h 30 et le soir Présidence : M. Gérard Larcher, président M. Jean-Marc Gabouty, vice-président Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée) (texte de la commission, n°474, 2018-2019).
De 14 h 30 à 15 heures
Scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République, en remplacement de M. François Pillet et de Mme Catherine Troendlé. (Ce scrutin secret se déroulera, pendant la séance, en salle des Conférences.)