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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire
Stratégie nationale de l'autisme
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Projet de loi pour une école de confiance
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
Réforme de la taxe d'habitation
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Affectation des fonctionnaires ultramarins
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Modifications de l'ordre du jour
M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Mise au point au sujet d'un vote
M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État
Protection des drapeaux d'associations d'anciens combattants
Mme Françoise Férat, auteur de la proposition de loi
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure
Discussion de l'article unique
Mme Françoise Férat, auteur de la proposition de loi
Collectivité européenne d'Alsace (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois
Ordre du jour du mardi 9 avril 2019
SÉANCE
du jeudi 4 avril 2019
79e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Victorin Lurel, M. Michel Raison.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres mais aussi celui du temps de parole.
Sommet France-Océanie
M. Robert Laufoaulu . - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC) Cinquième d'une série initiée par Jacques Chirac en 2003, ce sommet permet de renforcer la présence française dans l'axe indo-pacifique, selon les termes du président de la République dans ses discours de Sidney et de Nouméa en mai 2018. Mais le sommet aura-t-il bien lieu cette année ? À quelle date ? Nous n'en savons rien, pas plus que sur la présence du président de la République, qui est indispensable, au moins d'un point de vue symbolique.
Le quatrième sommet s'est tenu à Paris avant la COP21. Le réchauffement climatique, qui pourrait faire disparaître un grand nombre d'États, en fut le thème principal. Le cinquième sommet pourrait être l'occasion de dresser un bilan de la COP21 et de mobiliser la communauté internationale sur la biodiversité et les aires marines protégées. Notre pays a un rôle à jouer en Océanie où le désir de France est patent. Il sera le seul pays européen présent après le Brexit, pour défendre les valeurs de la démocratie, de la paix et de la lutte contre les tentations hégémoniques. Le cinquième sommet permettra-t-il d'expliquer la stratégie indo-pacifique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Indépendants et RDSE)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - La France est un pays monde, d'où la stratégie indo-pacifique établie et assumée par le président de la République.
Un dialogue se tient déjà avec les chefs d'États et de gouvernements de la région.
Le cinquième sommet se tiendra soit dans les tout derniers mois de 2019 soit dans les tout premiers de 2020. Nous avons 1,5 million de Français dans la zone et avons noué des partenariats stratégiques, comme en Australie.
Des ministres, comme Frédérique Vidal, se sont rendus dans la zone.
Il faut travailler sur l'économie verte et bleue, sur la liberté de navigation, mais aussi sur les sujets stratégiques. Soyez assuré de la détermination du président de la République et du Gouvernement à porter une politique ambitieuse pour l'Indo-Pacifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Drame dans un Ehpad (I)
Mme Brigitte Micouleau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Madame la ministre des Solidarités et de la Santé, la Haute-Garonne et la ville de Lherm se sont réveillées lundi matin en état de choc, après le décès de cinq pensionnaires d'un Ehpad et l'hospitalisation d'une quinzaine d'autres. Je ne reviendrai pas sur les dysfonctionnements, qui relèvent de la justice.
Vous avez insisté sur la nécessité de comprendre les causes de cet événement, madame la ministre. Je les avais identifiées dans une question orale du 12 février dernier : le manque cruel d'effectifs, l'épuisement du personnel, l'absence de revalorisation des métiers du grand âge, le manque de moyens. L'humain n'est plus au coeur de notre mission d'accompagnement des personnes âgées, hélas.
Le rapport Libault sur le grand âge et l'autonomie fait des propositions. Quand seront-elles mises en oeuvre ? Avec quels financements ? Il y a urgence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Nous sommes tous sensibles à ce drame, survenu dans la nuit de dimanche à lundi. Je me suis rendue mardi dans votre département, madame la sénatrice, pour rencontrer les familles et le personnel, très choqué, très engagé auprès des familles. Une instruction est en cours ; nous en tirerons toutes les conséquences, quand les résultats seront connus, pour assurer une chaîne alimentaire de grande qualité.
Des recommandations ont été formulées par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2018 ; nous verrons si elles ont été bien suivies.
Vous soulevez plus largement le problème de la prise en charge du grand âge. Il y a effectivement urgence à agir. Nous réfléchissons aux conclusions du rapport Libault, qui m'a été rendu le 28 mars et contient 275 propositions. Déjà, un groupe de travail est constitué sur l'attractivité des métiers. Nous travaillons avec toutes les parties prenantes, afin de remettre au Parlement un projet de loi avant la fin de l'année. Je m'y suis engagée devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs au centre et à droite)
Mme Brigitte Micouleau. - Nous y serons attentifs. Nos aînés méritent mieux qu'un abandon de la solidarité nationale, et qu'un désengagement de l'État.
Crise sanitaire forestière
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Contrairement à ce qu'on pense, les forêts ne sont pas immuables, mais vulnérables et requièrent toute notre attention. Elles sont le fruit du travail des générations passées. Nous exploitons, mais nous ne plantons plus suffisamment - 80 millions d'arbres en France, contre 300 millions en Allemagne, 1 milliard en Pologne - d'où les crises d'approvisionnement en bois de chêne ou les importations de résineux.
Fragilisées par des déficits hydriques, nos forêts sont aussi attaquées par les parasites. Toute l'Europe est touchée. Les marchés sont engorgés et nos entreprises déstabilisées. La crise sanitaire concerne 30 % de la récolte annuelle de résineux dans les régions Bourgogne Franche-Comté et Grand Est. Les pertes économiques atteignent 71 millions d'euros dans ces deux régions. Et que dire de l'impact environnemental des incendies ou des coupes rases ?
Monsieur le ministre, nous attendons un plan transport longue distance, afin d'évacuer rapidement les bois scolytés, avant que ce parasite ne ruine toutes les parcelles, c'est-à-dire maintenant, et un accompagnement pour le reboisement adapté des milliers d'hectares rasés. Qu'avez-vous prévu, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Nous partageons votre analyse sur l'importance de la filière bois et forêt dans notre pays, que nous devons valoriser davantage. Concernant la dissémination des insectes lors du transport des bois scolytés, le risque reste faible. Cette menace crée néanmoins une inquiétude dans la filière. L'intensité des dommages infligés par les scolytes est largement tributaire des conditions climatiques.
Le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation a financé un état des lieux complet par télédétection sur les forêts des deux régions que vous avez citées, avec pour but d'accélérer la dynamique de récolte des bois attaqués, afin d'enrayer la propagation des scolytes.
Une prochaine mise à jour de la cartographie permettra de déterminer les zones d'épicéas à traiter et d'étudier les mesures complémentaires.
L'État sera aux côtés des forestiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Stratégie nationale de l'autisme
M. Bernard Buis . - Le 2 avril se tenait la Journée mondiale de l'autisme. On estime que 700 000 personnes, dont 100 000 enfants, vivent avec le spectre de l'autisme en France. Pendant longtemps, ce trouble a été mal diagnostiqué donc mal pris en charge. Nous connaissons tous des familles démunies face aux difficultés. Je vous livre le cas d'Eva, Asperger : longtemps mal diagnostiquée, elle a vécu, selon ses propres mots, des « relations sociales d'enfer ». Et après un parcours chaotique, elle a intégré fin 2018, grâce à sa prise en charge, une école de management, à Grenoble.
Il est temps de mieux prendre en charge les enfants autistes dans le cadre de la scolarité. C'est un des axes de la prochaine loi pour une école de la confiance. Un an après le lancement de la stratégie nationale pour l'autisme, pour les années 2018 à 2022, pouvez-vous nous éclairer sur les avancées en matière de scolarisation, mais aussi de diagnostic et d'intervention précoces ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Oui, un point d'étape est nécessaire, après les cinq engagements souscrits l'an dernier, pour un total de 344 millions d'euros, portés par une conviction, celle de mobiliser la science et la recherche, et un objectif : faciliter le parcours de vie des personnes avec autisme et leur famille.
Nous engageons une action résolue pour faciliter le repérage et le diagnostic précoce de l'autisme. Ce poste bénéficiera de 90 millions d'euros d'ici à 2022. J'ai échangé avec une maman : sa fille, mutique jusqu'à 2 ans, a pu être prise en charge et intégrer une école maternelle au bout d'un an. C'est tout l'enjeu de l'école inclusive sur lequel nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer, dès les petites classes : plus 180 classes en maternelle, 40 en élémentaire. Il faut aussi développer le diagnostic des adultes et les parcours inclusifs vers l'emploi et le logement. Mais les familles attendent davantage. Il faut agir. Nous avons une responsabilité collective à cet égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC ; Mme Fabienne Keller applaudit aussi.)
Décentralisation
M. Jean-Yves Roux . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) En juillet 2017, lors de la première conférence des territoires au Sénat, le président de la République a déclaré qu'il fallait « renforcer la déconcentration pour adapter les politiques de l'État aux territoires ». M. Darmanin, le 21 mars dernier, a dit vouloir, pour sa part, « mobiliser davantage de fonctionnaires au plus près du terrain ». Nous ne pouvons que l'appuyer : la dématérialisation n'est pas la seule solution. Il est temps que nos concitoyens, comme leurs représentants élus, puissent apprécier les effets concrets de la déconcentration.
En effet, que constatons-nous ? Sur le terrain, les fonds européens ne sont pas toujours consommés, l'ingénierie faisant défaut ; les cabinets de conseils privés sont souvent sollicités dans la quête tortueuse aux subventions pour éviter les contentieux, car les préfectures ne jouent plus leur rôle. Combien d'élus clament un besoin d'accompagnement ? Comment redonner du lustre à la présence de l'État dans les territoires ? Comment redonner du souffle à l'action locale ?
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - Vous avez raison, il faut plus de déconcentration. En effet, le numérique ne peut pas tout, il aggrave même les inégalités territoriales. Le Gouvernement, sous l'égide du Premier ministre, a lancé un plan ambitieux de renforcement des infrastructures et de développement des usages.
Je vous rejoins également sur le rôle d'accompagnement de l'État ; j'y suis aussi très attaché. Cela implique moins de normes, et l'appui par les services de l'État, des collectivités territoriales - ce sera le rôle de l'Agence de cohésion des territoires, notamment en matière d'ingénierie.
Le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères se bat depuis des mois pour éviter la sous-consommation des fonds européens, effectivement réelle et dommageable. Nous travaillons à mieux exploiter les potentialités. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
Projet de loi pour une école de confiance
Mme Céline Brulin . - La colère des Français grandit à mesure qu'ils découvrent votre projet de loi pour l'école. Les nombreuses actions organisées en ce moment même en témoignent.
Ce qui cristallise les mécontentements, la création des « établissements publics des savoirs fondamentaux », regroupement école-collège...
M. Martial Bourquin. - C'est n'importe quoi ! (Protestations sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Céline Brulin. - ... où les directeurs disparaîtraient derrière des chefs d'établissement et des adjoints surtout soucieux de développer des établissements « XXL » est inacceptable...
M. Martial Bourquin. - Oui ! C'est vraiment n'importe quoi ! (On renchérit sur quelques bancs du groupe SOCR, tandis que l'on proteste derechef sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme Céline Brulin. - Au prétexte d'un vague intérêt pédagogique, vous voulez rationaliser, mutualiser, avec des conséquences graves, car cela porterait le coup de grâce aux écoles rurales. Les fermetures de classes injustifiées ne suffisent-elles plus ? Faut-il encore que vous passiez à la vitesse supérieure ? Êtes-vous sourd pour ne pas entendre ? Renoncerez-vous à ces établissements publics des savoirs fondamentaux qui n'ont fait l'objet d'aucune concertation, ni avec la communauté éducative, ni avec les associations de maires, pourtant concernés au premier chef ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Mme Maryvonne Blondin. - Très bien !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Votre question me donne l'occasion de rassurer...
Mme Céline Brulin. - Ce n'est pas gagné ! (On en convient sur la plupart des bancs CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR, tandis qu'on invite à écouter le ministre sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - ... et de clarifier, car elle comporte beaucoup d'inexactitudes. Les chiffres viennent de tomber : pour le premier et second degré, 7,8 % du personnel en moyenne s'est mobilisé et 14,8 % pour le premier degré, soit dix points de moins que la grève du 25 mars dernier.
Les établissements sur lesquels vous m'interrogez ne constituent qu'un point de la loi qui contient par ailleurs des avancées sociales que vous réclamiez de longue date, telle l'instruction obligatoire dès 3 ans. Votre parti défendait également, au moins après-guerre, la liaison plus étroite entre école et collège, mais passons.
Nous cherchons surtout à créer une école où le collège et le lycée seront mieux liés. Les établissements publics des savoirs fondamentaux sont une option seulement.
Je m'étonne qu'on me reproche de jouer le jeu parlementaire. Nous avons pris des amendements à l'Assemblée nationale et en prendrons certainement ici aussi, nous améliorerons certainement ce texte.
Ce projet, loin de les affaiblir, a précisément pour but de renforcer les écoles rurales et le rôle des directeurs des écoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Céline Brulin. - Votre appel à la mobilisation sera entendu...
M. Martial Bourquin. - C'est sûr ! (Marques d'approbation sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR ; protestations sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Céline Brulin. - Nous verrons bien quel sera le fruit du travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Morts dans la rue
M. Yannick Vaugrenard . - Madame Buzyn, le 2 avril, un hommage a été rendu, à Paris, aux morts de la rue : 566 en 2018, 511 l'an passé. Ils avaient en moyenne 44 ans, mais certains étaient mineurs, dont cinq de moins de 5 ans. Ils sont morts dans des abris de fortune, parfois des lieux de soins ou dans des structures d'hébergement. Quelle réalité dans la France, pays des droits de l'Homme, ou « plutôt la France de la Déclaration des droits de l'Homme », comme le précisait avec raison M. Badinter. La responsabilité est collective. Le plus grand scandale serait qu'on s'habitue à ce scandale. Le plan d'extrême urgence est indispensable. Le Sénat peut avoir l'ambition d'être le porte-parole des sans voix. Je salue le travail remarquable des associations caritatives et humanitaires, qui évitent à notre pays un raz-de-marée de la misère.
Victor Hugo écrivait que « l'homme est fait non pas pour traîner des chaînes mais pour ouvrir des ailes ». Brisons les chaînes de l'indifférence au nom de ces 566 sans-abris qui nous ont quittés ! (Applaudissements nourris sur tous les bancs)
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - Je salue vos propos. La rue tue, en été comme en hiver - et parfois davantage l'été. La situation de notre pays est telle, il faut le constater, que des milliers de personnes dorment dans la rue (On se félicite à gauche que le ministre le reconnaisse.), y compris des femmes et des enfants. Nous agissons avec fermeté et détermination. Depuis mai 2017, nous avons ouvert plus de 15 000 places supplémentaires d'hébergement d'urgence - et mon ministère gère, en nombre de places, l'équivalent d'une ville comme Le Mans ou Brest. Grâce à notre action, quelque 70 000 personnes supplémentaires ont pu trouver un refuge. Mais cela ne suffit pas. Il faut sortir de la misère, notamment par la politique du logement.
Victor Hugo disait : « L'idée de Nation se dissout dans l'idée d'humanité ». Nous continuerons à agir avec force, humilité et détermination. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)
Réforme de la taxe d'habitation
M. Daniel Laurent . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) D'ici la fin du quinquennat, plus personne ne paiera la taxe d'habitation sans augmentation d'impôt, a martelé le président de la République. Depuis cette annonce, non concertée, les élus attendent vos propositions, le dégrèvement étant pour l'heure financé par du déficit et donc de la dette.
En octobre, on balançait son maire avec mépris ; ils sont aujourd'hui un rempart démocratique. Alors qu'ils votent leurs budgets et que les élections approchent, les élus ont besoin de lisibilité, de stabilité et de confiance pour mener leurs projets.
La fronde sociale des gilets jaunes a conduit le Gouvernement à débloquer 10 milliards d'euros pour des mesures d'urgence et on sait ce qu'il advint de la fiscalité écologique qui devait participer au financement des dégrèvements.
À l'Assemblée nationale, le ministre de l'Action et des Comptes publics a confirmé la suppression de la taxe d'habitation pour les résidences principales, mais quid des logements vacants et des bases locatives ? Il a annoncé que la taxe sera compensée à 100 % mais sans dire comment : par dégrèvement, remplacement, compensation ? C'est flou ; la réforme interviendrait « sans doute » dans la prochaine loi de finances... Quant au coût des dégrèvements, il devrait s'élever à 20 milliards d'euros dès l'an prochain.
Comment ferez-vous ? « On ne redressera pas notre pays sans les élus et les territoires », comme l'a dit le président Larcher. Ne l'oubliez pas !
Monsieur le ministre, comment allez-vous financer cette réforme dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Cette réforme a été annoncée par le candidat Macron, et nous la mettons en oeuvre. Nous rendons ainsi du pouvoir d'achat à de nombreux Français.
Nous supprimerons la taxe d'habitation d'ici à 2022 pour toute résidence principale - non les résidences secondaires -, suppression qui sera compensée intégralement aux collectivités territoriales, nous l'avons toujours dit.
Quant au calendrier de la réforme, la concertation sera rouverte prochainement avec les élus et les parlementaires - les positions sont pour le moins diverses sur les voies de lé réforme. L'idéal semblait un projet de loi de finances rectificative avant l'été. Il paraît plus raisonnable de viser la loi de finances pour 2020. Nous veillerons à donner à toutes les collectivités territoriales des ressources justes, et pérennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Sophie Primas. - Chiche !
Affectation des fonctionnaires ultramarins
Mme Nassimah Dindar . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) En 2018, j'alertais par courrier le ministre de l'Intérieur au sujet de la prise en compte des centres d'intérêt matériels et moraux (CIMM) dans l'application des règles de mutation dans la police nationale.
Le Conseil d'État a été plus prompt à m'apporter une réponse. Dans un arrêt du 18 mars dernier, il a donné raison à un fonctionnaire contestant la circulaire relative aux mutations estimant que les CIMM devaient être pris en compte.
Beaucoup de fonctionnaires ultramarins de la police nationale, de l'administration pénitentiaire comme de l'Éducation nationale, considèrent ainsi que leur demande de mutation a été injustement refusée. Prendrez-vous en compte leurs demandes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Les fonctionnaires d'origine ultramarine bénéficient d'une priorité dès lors qu'ils justifient d'un CIMM. Cette disposition n'est de niveau législatif que depuis la loi Égalité réelle outre-mer du 28 février 2017 et s'applique à tous les fonctionnaires ultramarins, dans tous les secteurs.
Une évaluation du dispositif a été réalisée en 2018 : 11 % du volume total des demandes de mutation font valoir un CIMM ; 25 % des mutations en outre-mer ont été réalisées en respect de cette priorité légale et 75 %, soit pas moins de 734 dossiers sur 971, ont été acceptées à ce titre.
Dans son arrêt du 18 mars dernier, le Conseil d'État confirme que la prise en compte des CIMM est d'application immédiate et qu'elle vaut pour tous les fonctionnaires d'origine ultramarine.
Nous veillerons à ce que l'application de cette disposition soit parfaitement respectée. Nous travaillons aussi à adapter les politiques de recrutement aux besoins des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Nassimah Dindar. - La Loi Égalité réelle outre-mer date de 2017. Les fonctionnaires qui ont exercé un certain nombre d'années sur le territoire national souhaitent rester dans les territoires d'outre-mer. Entendez-les tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)
Drame dans un Ehpad (II)
M. Guillaume Arnell . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Madame Buzyn, je regrette de devoir aborder à mon tour le sujet de la sécurité sanitaire dans les Ehpad, mais le drame qui vient de se dérouler à l'établissement de la Chêneraie, près de Toulouse, ne peut nous laisser insensibles. Vous êtes à la tête d'un grand ministère, et parmi vos nombreuses responsabilités, figure la protection des publics vulnérables : vous vous acquittez de cette mission avec courage et conviction, mais nous sommes inquiets. Où en sont les investigations ? Il semblerait que les pensionnaires soient décédés par étouffement consécutif aux vomissements. Qu'allez-vous faire pour garantir la sécurité sanitaire des personnes en Ehpad ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Il faut tirer les leçons de ce drame. Nous proposerons, plus largement, de traduire en loi, fin 2019, un plan en faveur du grand âge.
Je ne puis à ce jour évoquer l'instruction en cours. La Haute Autorité de santé a déjà publié des recommandations pour la sécurité alimentaire.
Les cuisines de l'Ehpad où s'est déroulé le drame avaient été contrôlées le 19 février dernier sans qu'aucun dysfonctionnement ne soit constaté - ce qui ne veut pas dire, bien entendu, qu'il n'y en ait pas eu le jour du drame.
Il faut travailler sur la prise en charge des personnes âgées, notamment sur la formation du personnel et sur la bientraitance. Nous devons rassurer les familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Guillaume Arnell. - Le risque zéro n'existe pas, mais il faut éviter de tels drames.
Déserts médicaux
M. Jean-Luc Fichet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La France réalise des efforts importants pour assurer une formation d'excellence en matière médicale, qui est publique, donc gratuite. Le coût de ce cursus avoisine 150 000 euros par étudiant. L'État et les collectivités investissent ensuite massivement pour inciter les médecins à s'installer dans les territoires qui en ont le plus besoin. Cependant, je n'ai jamais obtenu de réponse à mes demandes de précisions sur les dispositifs d'aide à l'installation des médecins.
Comment expliquer aux Français et aux élus locaux que nous n'arrivions pas à doter tous les territoires de suffisamment de médecins, malgré les moyens publics investis ?
Comment comprendre que le service de cardiologie de l'hôpital public de Brest ait fermé alors que la clinique voisine voit ses consultations en cardiologie prospérer ? Allez-vous faire la lumière sur le coût de la lutte contre les déserts médicaux et passerez-vous enfin à des mesures plus coercitives, ainsi que le déconventionnement des médecins s'installant en zone dense ? (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Les incitations financières à l'installation, proposées lors des quinquennats précédents, peuvent avoir des effets d'aubaine - c'est pourquoi j'en ai demandé une évaluation précise. L'aide financière à l'installation n'est pas ma politique, qu'incarne le plan Santé 2022 où nous visons plutôt à donner envie aux médecins de s'installer, en favorisant l'exercice pluri-professionnel, la délégation de tâches entre professionnels de santé, la récupération de temps médical grâce à l'intervention d'assistants médicaux, les consultations itinérantes - et où nous redonnons de la place aux médecins généralistes dans les hôpitaux de proximité.
La coercition est réclamée par certains d'entre vous. Mais la démographie médicale est à ce point déprimée que la coercition conduirait à une médecine à deux vitesses. Privilégions les incitations pour que les médecins diversifient leurs activités. Du reste, il n'existe plus de zones sur-denses en France. Enfin, la coercition n'a jamais fonctionné dans d'autres pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)
M. Jean-Luc Fichet. - Les mesures que vous prenez existent depuis très longtemps, et les déserts médicaux s'étendent !
Le cursus universitaire devrait faire une place aux stages chez les médecins libéraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Avenir des missions locales
Mme Marta de Cidrac . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les missions locales font partie du service de l'emploi pour les jeunes de 16 à 25 ans. Logique de bassin, fusion, baisse des financements sans concertation avec le réseau local, les missions locales souffrent alors qu'elles ont mobilisé plus d'un million de situations professionnelles au profit des jeunes, dont 544 000 contrats de travail, 40 000 contrats en alternance et 16 000 retours en formation.
Les missions locales doivent leur réussite à une expertise du territoire et à son contexte économique. Faute de lisibilité sur leur avenir, elles sont inquiètes. Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Consoliderez-vous ces structures - et comment ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Mme Pénicaud l'a répété. Il n'est pas question de fusionner les missions locales avec Pôle Emploi. Cependant un chantier important porte sur les systèmes d'information pour rapprocher les deux structures. Les missions locales sont financées à moitié par l'État, à moitié par les collectivités. Nous souhaitons qu'une partie de la subvention soit liée aux résultats.
Les missions locales doivent davantage orienter les jeunes. Au Havre notamment, (M. André Gattolin applaudit.) un travail important est mené en ce sens. Je salue le travail de Mme Canayer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Une meilleure synergie, voilà ce que nous voulons pour les missions locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Marta de Cidrac. - Merci pour votre tentative de réponse qui est restée... théorique ! Venez donc dans les territoires voir ce que sont les missions locales, à savoir de petites structures fragiles. Soutenez-les ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
General Electric
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Depuis 140 ans, Belfort forge une belle aventure industrielle, avec les centrales nucléaires et le TGV. Mais le site de General Electric est en danger. Lors du rachat de la branche énergie d'Alstom, General Electric, avec le soutien d'Emmanuel Macron, alors ministre, s'était engagé à créer 1 000 emplois. Depuis, plus de 200 postes ont été supprimés et 1 000 seraient menacés, après, probablement, les élections européennes. Pourtant, les possibilités de diversification existent : turbines EDF, moteur d'avions, Institut national de stockage d'hydrogène...
Que ferez-vous pour redresser le territoire de Belfort ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - General Electric/Alstom a toute l'attention du Gouvernement. Un comité de suivi des engagements pris par General Electric s'est réuni le 7 février. Entre 2015 et 2018, 1 milliard d'euros a été investi et 1 000 personnes devaient être recrutées. Si General Electric n'a pas réussi à tenir ses engagements, avec seulement 25 emplois en plus au 31 décembre 2018, c'est qu'il y avait eu un pic haut de 425 emplois en 2017. L'entreprise suit son modèle économique. Un fonds, abondé par General Electric à hauteur de 50 millions d'euros, servira au financement des projets industriels que vous évoquez. Le Gouvernement est prêt à accompagner General Electric dans le développement de nouvelles activités fondées sur des énergies non fossiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. le président. - Les prochaines questions d'actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 11 avril 2019.
La séance est suspendue à 16 h 5.
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
La séance reprend à 16 h 20.
Modifications de l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé le retrait de l'ordre du jour du mardi 9 avril de l'examen en nouvelle lecture de la proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires et de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires.
Il a également demandé le retrait de l'ordre du jour du mercredi 10 avril de la suite de l'examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.
Actionnariat des SPL et SEM
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à sécuriser l'actionnariat des sociétés publiques locales et des sociétés d'économie mixte, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Les établissements publics locaux (EPL) jouent un rôle particulièrement actif dans l'économie locale. Au nombre de 1 300, ils emploient 70 000 salariés et réalisent un chiffre d'affaires de 14 milliards d'euros.
Conjuguant cadre administratif et efficacité économique, les sociétés d'économie mixte (SEM), les SEM à opération unique (SEMOP) ou encore les sociétés publiques locales (SPL) sont utiles pour mener à bien des opérations qu'une collectivité ne saurait mener seule. Cette souplesse juridique accélère la prise de décision.
Mutualisation, coopération, innovation et maîtrise des budgets font partie du logiciel des élus locaux. Les EPL sont une boîte à outil facilitant des politiques publiques locales notamment en matière d'urbanisme.
La SPL, créée par la loi Raoul de 2010, permet la co-production entre plusieurs niveaux et organise la maîtrise d'ouvrage publique, renforçant la capacité d'action des collectivités. La France était à l'époque le seul pays européen n'ayant pas un tel instrument.
Mais dans son arrêt du 14 novembre 2018, le Conseil d'État interprète de manière très restrictive le lien de compatibilité entre les compétences des collectivités actionnaires d'une SPL et l'objet social de celle-ci. Cet arrêt remet en cause la possibilité pour des collectivités de niveaux différents d'être actionnaires de la même SPL - ce qui en fait pourtant la pertinence !
D'où cette proposition de loi, qui sécurise le dispositif - et je remercie M. Antoine Lefèvre, Mme Sylvie Robert et M. Julien Bargeton de s'y être associés.
La loi était insuffisamment précise, et il fallait clarifier l'intention du législateur. Nombre de maires et dirigeants d'EPL ont déjà reçu des préfectures une circulaire les incitant à mettre en conformité leur actionnariat ; 200 à 300 structures seraient dans le viseur.
Je ne voudrais pas que la ville de Vernon doive se retirer de la SPL Campus de l'Espace, la ville du Havre de la SPL Havre Tourisme, la ville de Pau des SPL Palais Beaumont ou Halles et République, la ville de Tourcoing de la SEM Ville Renouvelée ! (On apprécie le choix des exemples sur de nombreux bancs.)
Certains projets d'aménagement sont susceptibles d'être gelés. Ce n'est pas une vue de l'esprit mais un vrai risque, dommageable pour notre économie.
Quid des parkings et de la gestion de l'eau et des déchets en Seine-Saint-Denis, qui accueillera les JO en 2024 ?
Les associations d'élus locaux relayent ces inquiétudes, car les élus sont attachés à leur liberté d'action, à un moment où la notion même de décentralisation est quelque peu malmenée.
N'oublions pas que les EPL sont un prolongement de l'action publique locale ; ils seront de plus en plus sollicités avec la mise en oeuvre de la loi ELAN.
Le travail en commission a permis de préciser certains points, et j'en remercie le rapporteur, Loïc Hervé, et le président Bas. J'ai voulu un texte court.
Je sais que les services de l'État auraient aimé en profiter pour encadrer les EPL. C'est assez cocasse, au moment où le président de la République s'évertue à renouer le fil du dialogue avec les élus locaux...
J'espère que cette proposition de loi trouvera un écho favorable à l'Assemblée nationale. Le législateur est ici dans son rôle pour rétablir une forme de sérénité chez les acteurs locaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Antoine Lefèvre et Mme Sylvie Robert applaudissent également.)
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Nous savons l'importance des EPL et de l'économie mixte dans nos territoires. Ces sociétés de droit privé, au capital totalement ou partiellement public, conduisent nombre de projets, concernant aussi bien l'aménagement, l'immobilier que les services publics locaux.
Sociétés publiques locales (SPL), sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA), sociétés d'économie mixte locales (SEML) sont une clé du dynamisme de nos territoires. Il en existe 1 300 en activité, dont plus de 900 SEML et plus de 350 SPL et SPLA. Elles représentent 65 000 emplois, 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires et fournissent un logement à 1,4 million de personnes.
Or, dans son arrêt du 14 novembre 2018, le Conseil d'État a imposé de manière prétorienne que chaque collectivité actionnaire détienne l'ensemble des compétences sur lesquelles porte l'objet social de la société. D'un trait de plume, il a plongé dans l'incertitude la majorité des EPL existantes et bloqué les projets de création. SPLA et SEML seront également concernées. En l'état, cette jurisprudence sonne le glas des EPL multicouches et de la coopération inter-collectivités.
Plus grave, une SPL ne peut agir que pour le compte des collectivités ou groupements qui en sont actionnaires. Réduire le nombre de collectivités autorisées à participer au capital limite donc le nombre de clients de la SPL !
Les territoires attendent une réponse rapide du législateur pour contrer cette jurisprudence ; nos auditions l'ont démontré.
C'est l'objet de cette proposition de loi : peut être actionnaire d'une SPL ou d'une SEML toute collectivité ou groupement ayant compétence pour au moins une activité comprise dans l'objet de cette société.
Les amendements adoptés en commission visent à clarifier la rédaction et à en étendre le champ. Je n'ai retenu que les dispositions strictement nécessaires à la mise en échec de la jurisprudence du Conseil d'État. J'ai également souhaité lever toute ambiguïté sur le rôle des EPL, qui sont des prestataires et non des EPCI. Elles n'exercent aucune compétence en lieu et place des collectivités actionnaires.
J'ai souhaité que la proposition de loi s'applique aux SPLA et aux SPLA d'intérêt national, afin d'assurer l'homogénéité du droit applicable.
Un amendement valide l'actionnariat des EPL existantes qui ne respectent pas le nouveau critère fixé par le Conseil d'État ; nous y reviendrons. Enfin, un amendement de séance prévoit les modalités d'application outre-mer.
Nos territoires attendent une réponse rapide. Ne laissons pas à la jurisprudence le soin de préciser les choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur le banc de la commission)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Veuillez excuser l'absence de Mme Gourault qui accompagne le président de la République en Corse.
Le Gouvernement considère cette initiative législative bienvenue. La jurisprudence du Conseil d'État risque en effet de déstabiliser un secteur économique essentiel pour nos territoires.
Selon la fédération des EPL, 1 300 EPL emploient 70 000 salariés et pèsent 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Elles contribuent au développement territorial, à l'investissement local, à l'émergence de politiques innovantes dans des domaines tels que le tourisme, la culture, les loisirs, mais aussi l'aménagement. Dans les secteurs comme l'habitat, la mobilité, les réseaux ou les services à la personne, ces structures se multiplient également. La pluriactivité des EPL est désormais majoritaire, d'où la nécessité de revoir les règles.
Le Conseil d'État rappelle celle, antérieure à la loi NOTRe, selon laquelle une collectivité territoriale ne peut faire via une EPL ce qu'elle n'a pas le droit de faire elle-même.
Mais son interprétation de la loi est si stricte que 40 % des EPL ne rempliraient pas les conditions posées par la jurisprudence.
Cette proposition de loi y remédie opportunément mais le Gouvernement craint que l'assouplissement proposé par votre commission des lois ne soit excessif. Une collectivité territoriale pourrait en effet prendre une participation élevée dans le capital d'une EPL quand bien même les activités de cette dernière ne correspondraient que très marginalement à des compétences exercées par la collectivité. Votre rédaction ne fait pas obstacle à ce qu'une partie de l'activité de l'EPL ne relève d'aucune compétence des collectivités actionnaires.
Nous craignons que ce choix ne conduise à régulariser des EPL déjà non conformes à la loi avant la décision du Conseil d'État et n'encourage le recours à des EPL à objets sociaux multiples. Le risque de contournement est réel.
D'où les amendements du Gouvernement qui resserrent les conditions de prise de participation au capital. Votre commission les a déjà repoussés la semaine dernière au motif que la notion de « part significative » de l'activité n'était pas suffisamment claire. Je les défendrai à nouveau, en espérant vous convaincre.
Nous devons également nous pencher sur la régulation du secteur des EPL. En 2017, un référé de la Cour des Comptes ainsi qu'une revue de dépenses des inspections générales se sont montrés très critiques et plaidé pour un renforcement du contrôle, de la transparence et de l'évaluation des EPL. Une nouvelle étude de la Cour des comptes, demandée par le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, est attendue prochainement. Le législateur aura donc à se saisir de ce débat.
En conclusion, je remercie les auteurs de ce texte et vous assure de l'ouverture d'esprit du Gouvernement. Je ne doute pas que la navette nous permettra d'atteindre un point d'équilibre.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Dominique Théophile. - Lors du scrutin solennel n°73 sur la loi d'orientation des mobilités, je souhaitais voter pour.
M. le président. - Acte vous en est donné.
Actionnariat des SPL et SEM
Discussion générale (Suite)
M. Jacques Bigot . - Cette proposition de loi est à resituer dans un contexte plus politique. L'administration centrale, toujours méfiante à l'égard des collectivités territoriales, n'a jamais compris l'intérêt des SEM et SPL. Pourtant, si 350 SPL ont été créées depuis 2010, c'est bien qu'elles répondent à un besoin !
Si nous en sommes là, c'est parce qu'un préfet a saisi la justice administrative - et les préfets, on le sait, sont aux ordres. Il faut nous laisser cette liberté de recourir, pour la gestion des services publics locaux, aussi bien au secteur privé qu'à la gestion entièrement publique ou aux SEM. J'espère que ce n'est pas parce que l'administration centrale pratique le pantouflage dans les grandes entreprises publiques qu'elle veut retirer les délégations de service public aux sociétés gérées par les collectivités...
Il y a sans doute des améliorations à apporter, mais les élus sont attentifs au respect des textes. Et je ne m'explique pas que le ministre, élu local lui-même, dépose des amendements qui bloqueront les SPL sur le terrain. Lorsque le président de la République - que vous avez rejoint avec enthousiasme - reconnaît que les élus locaux ont un intérêt, il serait bon, monsieur le ministre, que vous sachiez vous défaire de votre administration et vous rappeler d'où vous venez ! Nous avons besoin, pour gérer un établissement culturel par exemple, de ces sociétés de droit privé, détenues et gérées par des élus locaux.
Évitons ces amendements qui laisseront libre cours aux préfets pour multiplier les recours. Voulez-vous engorger les tribunaux administratifs ?
Monsieur le ministre, pensez à l'économie locale, à nos concitoyens, à vos origines ! Ne soutenez pas ces amendements ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE ; M. le ministre sourit.)
Mme Maryse Carrère . - À l'heure où l'on demande toujours plus d'économie et d'innovation aux collectivités territoriales, les EPL sont un outil incontournable. Je salue le bon sens du Sénat qui a su adapter le cadre trop étroit des SEM en 2010 ; la proposition de loi créant les SPL avait été adoptée à l'unanimité des deux chambres.
Le travail en commission des lois a éclairé ce texte dont le seul objectif est de contourner l'arrêt du Conseil d'État du 14 novembre 2018. Cet arrêt assimile les EPL aux EPCI en demandant que toutes les collectivités actionnaires disposent de l'ensemble des compétences de la SPL. Il en résulte une grande insécurité juridique pour les SPL existantes et un risque d'émiettement de l'action locale en raison de la menace sur les SPL en cours de création.
Avec la fin des efforts de mutualisation, les effets économiques seraient également néfastes, d'autant qu'en réduisant le nombre de collectivités autorisées à participer au capital de la SPL, on réduit de facto le nombre de ses clients et son chiffre d'affaires.
Et que dire du coût politique, si l'on freine les projets locaux et le dynamisme de nos territoires ? Les EPL sont le fer de lance de l'investissement et de l'innovation dans les territoires et participent à leur revitalisation. Elles autorisent une souplesse d'action appréciable tout en préservant la maîtrise et la transparence.
Les conseils départementaux seraient écartés d'un grand nombre d'outils locaux indispensables à la vie de leur territoire. Dans les Hautes-Pyrénées, les EPL servent à pallier la frilosité de l'initiative privée dans des domaines comme le thermalisme ou les sports d'hiver. Ainsi, la SEM N'Py, qui regroupe huit stations, a permis de rationaliser les coûts de fonctionnement.
La décision du Conseil d'État est un non-sens unique en Europe. Puisque gouverner c'est prévoir, je me réjouis que ce texte soit étendu à l'ensemble des EPL, SEM et SPLA, qui se trouvaient menacées par la jurisprudence.
Le groupe RDSE sera unanime à voter ce texte capital pour le dynamisme de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)
M. Alain Fouché . - Ce dossier me tient à coeur, aussi ai-je co-signé cette excellente proposition de loi qui corrige la lecture rigoriste que le Conseil d'État fait de l'article L1531 du code général des collectivités territoriales.
Le Conseil d'État a estimé n'avoir pas de base légale pour autoriser une collectivité à voter sur des sujets échappant à sa compétence. Cette jurisprudence, qui limite dangereusement la liberté d'action des collectivités et de leurs groupements, impose l'intervention du législateur.
En 2017, on comptait 318 SPL dont 47 % auraient un objet social excédant le champ des compétences partagées par leurs actionnaires ; idem pour 36% des SEM.
Le risque est aussi économique puisque les SPL ne peuvent exercer leur activité qu'au profit des collectivités ou groupements qui en sont actionnaires : cette jurisprudence restreindra donc leurs clients potentiels.
M. Pierre-Yves Collombat. - Évidemment !
M. Alain Fouché. - Les EPL représentent 65 000 emplois et 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Elles contribuent à la cohésion et au développement des territoires en matière d'innovation économique, de logement social, d'énergies renouvelables, de mobilité, d'attractivité touristique ou de revitalisation des coeurs de ville.
Donnons au Conseil d'État la base légale lui permettant de revenir sur sa jurisprudence. Les Indépendants voteront ce texte. (Applaudissements sur le banc de la commission)
M. Antoine Lefèvre . - Je salue la convergence de vues que suscite cette proposition de loi, cosignée par des membres de six des sept groupes du Sénat. Nombre de parlementaires ont été maire ou président de collectivité ; d'expérience, ils savent combien il est nécessaire de moderniser régulièrement le statut des SEM.
Merci au rapporteur qui a sécurisé encore davantage cet acteur incontournable de l'action publique locale.
J'invite à la prudence quant aux amendements. Veillons à ne pas ajouter à l'instabilité en élargissant le périmètre ou en inscrivant des définitions juridiques peu claires.
Le Conseil constitutionnel s'efforce vaille que vaille de faire respecter la liberté des collectivités locales dans la mise en oeuvre de leurs projets. Les bouleversements des derniers redécoupages et regroupements ont chamboulé le paysage de la France. Le développement des EPL a été étalé dans le temps, sous l'impulsion des élus, depuis les décrets-lois de Poincaré en 1926. Elles sont désormais 1 300.
Créées par les élus pour leurs territoires, les EPL doivent être encadrées juridiquement. L'arrêt du Conseil d'État était attendu, mais son interprétation stricte est un mauvais coup porté aux SPL existantes ou en cours de création.
Il convient de combler le vide juridique et de sécuriser les SEM et les SPL si indispensables à nos territoires en permettant à des collectivités de différents niveaux d'en être actionnaires. Les associations d'élus regroupées en Territoires Unis l'ont dit dans leur contribution au grand débat : il faut renforcer le rôle des collectivités dans les politiques publiques assurant la cohésion sociale et territoriale de la Nation.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Antoine Lefèvre. - Il est fait expressément référence aux SEM et EPL, qui ont une expertise particulière sur le dossier Action Coeur de Ville.
Les EPL interviennent dans une quarantaine de domaines, il convient de sécuriser leur activité. Je vous invite donc à adopter ce texte.
M. Arnaud de Belenet . - Il arrive que le Conseil d'État prenne une décision incitative. (M. Pierre-Yves Collombat s'amuse.)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - C'est rare, mais cela arrive.
M. Arnaud de Belenet. - C'est le cas de son arrêt du 14 novembre dernier. Les précédents orateurs ont dit combien l'émotion et l'inquiétude étaient fortes dans leur territoire. Je félicite donc Hervé Marseille pour sa diligence !
La décision du Conseil d'État procède à une clarification. Pour certains, dont le tribunal administratif de Clermont-Ferrand en 2014, les SPL n'étaient que de « simples outils d'intervention économique mis à la disposition des collectivités publiques ». Le Conseil d'État les conçoit au contraire comme le prolongement organique de leurs actionnaires. Il fallait donc l'arbitrage du législateur. Ce n'est pas une question de défiance.
La commission des lois a apporté des clarifications rédactionnelles et étendu le champ d'application du texte aux SPLA. Soit. Le seul désaccord, marginal, porte sur le niveau de précision du lien entre les compétences de l'actionnaire et celles de la SPL.
L'enjeu est celui de la marge de manoeuvre laissée au juge. Le Gouvernement estime que le texte de la commission est trop imprécis et propose une nouvelle rédaction des articles premier et 2.
Sans revenir sur la rédaction de la commission, j'avais proposé de préciser le lien direct entre l'objet des SPL et l'exercice des compétences des collectivités afin de clarifier leur périmètre d'action.
Une marge de progression se dessine. Je ne doute pas que le Sénat saura s'en saisir pour apporter toutes les précisions nécessaires. Veillons à ce que la loi ait une vertu prophylactique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants)
M. Pierre-Yves Collombat . - Je ne rappellerai pas l'importance des SPL dans la vie de nos collectivités. On ne peut que soutenir le texte de la commission qui rétablit la portée de la loi initiale sur les SPL, soigneusement obscurcie et limitée par la jurisprudence administrative.
Le rapport du Conseil d'État de 2002 sur les collectivités publiques considère en effet que « la promotion du service public commence par la reconnaissance du cadre d'ensemble de libre concurrence dans lequel il est appelé à intervenir ». Tout est dit : la SPL étant une entorse à la concurrence, il convient donc de limiter la portée de cette aberration. Ce qu'a fait la jurisprudence administrative qui, si elle ne fait bien sûr pas de politique, en a quand même une !
Les amendements du Gouvernement suffisent à lever les doutes qui subsisteraient. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
M. Vincent Capo-Canellas . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Cette proposition de loi, ce qui n'est pas le cas de toutes, n'est ni un texte d'affichage ni un texte d'appel ; elle porte une véritable ambition : régler un problème juridique précis en rendant la parole au législateur après que différentes juridictions ont jeté le trouble sur un sujet qui touche à la capacité d'action des collectivités territoriales : l'actionnariat dans les SPL et les SEM.
À l'heure du grand débat, d'une forte demande de proximité, ce texte préserve la possibilité, pour les collectivités, d'utiliser et de développer des outils. Le rapporteur Loïc Hervé a rappelé les effets dévastateurs de la décision du Conseil d'État sur la viabilité économique d'un grand nombre d'EPL. L'effet serait tout aussi dévastateur pour les collectivités territoriales. Le président Marseille a cité l'exemple des Jeux olympiques en Île-de-France : les collectivités, face à des grandes structures comme la Solideo ou le COJO, ont besoin de se regrouper en SPL pour se faire entendre.
Monsieur le ministre, vous vous êtes dit ouvert à la discussion, ce que contredisait la fin de vos propos. À voir vos amendements, vous semblez pourtant partir en quête de solutions qui n'en sont pas. La formulation que vous proposez aujourd'hui encourt les mêmes critiques que celle que vous avez présentée en commission. Une « part significative et régulière » ; la formule, imprécise, nourrira une jurisprudence abondante.
Je remercie le rapporteur et la commission pour la qualité du travail accompli. Le texte est simple et sans équivoque. Gardons-lui sa pureté.
Le groupe UC soutiendra naturellement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants)
Mme Sylvie Robert . - Cette proposition de loi, technique au premier abord, est en réalité très politique. Essentielle pour nos territoires, elle clarifie le paysage des EPL. Fidèle à la lettre de la loi de 2010, elle tient compte de l'évolution, en France comme en Europe, de ces outils au service de la décentralisation.
Le tarissement des dotations de l'État combiné à la règle d'or oblige les collectivités à innover, à trouver de nouveaux outils, au premier rang desquels figurent les EPL.
Ces EPL illustrent une conception moderne de l'action publique fondée. À l'échelle d'un territoire, elles créent les synergies nécessaires entre acteurs publics ou entre acteurs publics et privés en vue d'accomplir une mission d'intérêt général.
Les EPL peuvent accompagner l'approfondissement de la décentralisation que beaucoup appellent de leurs voeux. En 2018, leur nombre a crû de 4 % et leurs activités se sont diversifiées, notamment dans les domaines de la culture et du tourisme.
Enfin, les EPL participent au développement équilibré de nos territoires. Elles sont présentes partout, y compris en outre-mer.
Voilà les raisons pour lesquelles j'ai cosigné cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) « Le Conseil d'État a encore frappé avec un manque total de nuance ». C'est en ces termes qu'Éric Landot, avocat à la cour, a commenté l'arrêt du 14 novembre 2018.
Les SPL ont été créées en 2010 pour donner aux collectivités territoriales la souplesse des entreprises privées tout en garantissant un contrôle complet par les actionnaires publics. Appréciées pour leur souplesse, elles oeuvrent dans des domaines aussi différents que l'aménagement des centres-villes, l'assainissement ou encore le développement numérique.
Quinze jours après la publication de l'arrêt, le préfet des Hauts-de-Seine nous a adressé un courrier inquiétant, nous invitant à procéder sans tarder aux cessions d'actions qui s'imposent au sein des SEM et des SPL en application de la jurisprudence du Conseil d'État.
Mais comment remplacer ces actionnaires ? Les SPL ne peuvent compter ni sur l'actionnariat public national ni sur l'actionnariat privé. Elles ne peuvent exister en l'absence de deux actionnaires publics locaux. Une identité de compétence ? Mais les compétences des collectivités ont été spécialisées par les lois Maptam et NOTRe. L'arrêt du Conseil d'État met fin à la collaboration verticale, entre commune et département par exemple.
Au-delà, qui peut imaginer qu'une commune ayant acquis sur ses fonds propres un terrain en friche devienne un actionnaire très minoritaire de la SPL qui l'aménage ? C'est l'ex-administratrice de la SPL Val de Seine aménagement, qui porte le projet emblématique de l'Île Seguin, qui s'exprime.
Le Gouvernement s'est montré frileux lors du congrès des EPL à Rennes en décembre. La décision du Conseil d'État risque fort de faire jurisprudence. Il conviendrait aussi, dans un futur proche, de modifier l'article L. 327-2 du code de l'urbanisme. De manière plus générale, la réflexion doit s'engager sur la façon dont la France pourrait appliquer avec plus de souplesse les règles du in house comme le permet la réglementation européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
Le deuxième alinéa de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Aucune collectivité territoriale ou aucun groupement de collectivités territoriales ne peut participer au capital d'une société publique locale s'il ne détient pas au moins une compétence sur laquelle porte l'objet social de la société et à laquelle celle-ci consacre une part significative et régulière de son activité. Lorsque l'objet de la société inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. Chaque activité doit relever de la compétence d'au moins une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales actionnaire. »
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Au risque de me répéter, la rédaction de la commission des lois, trop large, porte le risque d'un contournement de la réglementation. Il doit y avoir un lien entre les compétences des collectivités territoriales et l'actionnariat des SPL.
La notion de « part significative » a fait l'objet d'un débat mais elle demeure la meilleure solution. Elle est plus souple que l'inscription d'un seuil chiffré dans la loi.
Je forme le voeu que, grâce à la navette parlementaire, nous puissions aboutir à une régulation claire des EPL.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - La commission des lois a réécrit l'article premier pour lever toute ambiguïté. La rédaction du Gouvernement soulève des difficultés. Qu'est-ce qu'une « part d'activité » ? Que signifie « significative » ? À partir de quand une activité est-elle « régulière » ? Comment la mesurer ? Bref, les préfets disposeront d'un droit de vie ou de mort sur les projets ; ils pourront brandir la menace d'un contentieux. De cette rédaction découlerait une insécurité juridique manifeste. Avis défavorable.
M. Jacques Bigot. - Je me demande s'il ne faudrait pas mieux expliquer la réalité à votre administration. J'ai créé une SPL en matière culturelle, pour programmer et organiser des spectacles, puis je lui ai confié la gestion de mon école de musique et de danse. Des communes voisines, qui n'ont pas fait ce choix, souhaitent donner une délégation de service public à notre structure. Le pourront-elles encore avec votre rédaction imprécise ? Le risque de contentieux est important. Si vous vouliez mettre les préfets en ordre de bataille contre les élus, vous ne vous y prendriez pas autrement. Vous retrouverez les maires dans la rue ; peut-être ne porteront-ils pas un gilet jaune.
M. Pierre-Yves Collombat. - Monsieur le ministre, ne vous cachez pas derrière votre petit doigt. La vérité, c'est que vous ne voulez pas des SPL parce qu'elles sont une entorse au droit de la concurrence ! Tout le reste, ce sont des arguties juridiques. Regardez comment, depuis dix, quinze ans, la jurisprudence du Conseil d'État a évolué sur la définition de l'intérêt général, du service public. Défendez votre politique, c'est votre droit, mais ne vous cachez pas derrière votre petit doigt !
M. Arnaud de Belenet. - Ne faisons pas de la politique là où il n'y en a pas.
MM. Pierre-Yves Collombat et Jacques Bigot. - Ah...
M. Arnaud de Belenet. - La rédaction de la commission des lois est judicieuse mais elle comporte une imprécision juridique qu'il faut corriger.
M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi. - Pourquoi ai-je voulu un texte court ? Parce qu'il faut agir vite. Si l'on multiplie les amendements, l'on ouvrira une discussion sans fin. Le Gouvernement en propose, il a donc des intentions. Dans ce cas, pourquoi n'a-t-il pas entamé une concertation avec les élus et la fédération des EPL. Les EPL ne sont pas hors sol, elles sont le prolongement de l'action territoriale. Je souhaite que cet amendement et les suivants ne soient pas adoptés.
Mme Christine Lavarde. - Il y a effectivement urgence à légiférer, une épée de Damoclès pèse au-dessus de très nombreuses opérations. Ensuite, alors, pourront s'ouvrir des concertations.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Il n'y a pas d'ambiguïtés dans la rédaction de la commission des lois. Subsiste dans le code général des collectivités territoriales le fait que les entreprises publiques locales sont créés dans le cadre des compétences qui leur sont reconnus par la loi.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Monsieur Bigot, la culture étant une compétence partagée, vos craintes ne sont pas fondées.
Monsieur Marseille, madame Lavarde, la concertation que vous appelez de vos voeux sera ouverte.
Monsieur Hervé, votre lecture est juste mais ne vaut que pour la création de la SPL. Un problème demeure en cas d'extension de son champ de compétences.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche.
Seconde phrase
Apre?s le mot :
concourt
inse?rer le mot :
directement
M. Arnaud de Belenet. - Voici une tentative de compromis ou un amendement de repli. Comme les suivants, mon amendement précise que le lien entre une compétence de la collectivité territoriale actionnaire et l'objet de la SPL doit être direct.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je salue les efforts de l'auteur pour trouver un compromis. Mais le diable se cache dans les adverbes : le juge administratif pourrait y trouver matière à interprétation. Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Le Gouvernement préfère son amendement mais la précision est utile. Avis favorable.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°8, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l'article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « ; lorsque l'objet de sociétés d'économie mixte locales inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires » sont supprimés ;
2° Après cette même première phrase, sont insérées trois phrases ainsi rédigées : « Aucune collectivité territoriale ou aucun groupement de collectivités territoriales ne peut participer au capital d'une société d'économie mixte locale s'il ne détient pas au moins une compétence sur laquelle porte l'objet social de la société et à laquelle celle-ci consacre une part significative et régulière de son activité. Lorsque l'objet de la société inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. Chaque activité doit relever de la compétence d'au moins une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales actionnaire. »
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - C'est le même, pour les SEML.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis défavorable.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche.
Alinéa 2
Apre?s le mot :
concourt
inse?rer le mot :
directement
M. Arnaud de Belenet. - Défendu.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis favorable.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°9, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
Le troisième alinéa de l'article L. 327-1 du code de l'urbanisme est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Aucune collectivité territoriale ou aucun groupement de collectivités territoriales ne peut participer au capital d'une société publique locale d'aménagement ou d'une société publique locale d'aménagement d'intérêt national s'il ne détient pas au moins une compétence sur laquelle porte l'objet social de la société et à laquelle celle-ci consacre une part significative et régulière de son activité. Lorsque l'objet de la société inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. Chaque activité doit relever de la compétence d'au moins un actionnaire. »
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis défavorable.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche.
Après le mot :
concourt
insérer le mot :
directement
M. Arnaud de Belenet. - Défendu.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis favorable.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°10, présenté par le Gouvernement.
Supprimer cet article.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Cet article précise que cette loi s'applique aux sociétés constituées antérieurement à sa publication. Est-ce utile quand cette loi s'appliquera à toutes les sociétés à compter de sa publication ?
De plus, le Conseil constitutionnel contrôle de manière stricte les validations législatives : la validation doit être justifiée par un motif impérieux d'intérêt général, elle doit respecter les décisions de justice ayant force de chose jugée, elle doit respecter le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions, l'acte validé ne doit méconnaître aucune règle ou principe de valeur constitutionnelle - sauf à ce que le but d'intérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle - et la portée de la validation doit être strictement définie.
En l'espèce, il n'est pas démontré que ces cinq conditions sont réunies.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Ces sociétés sont avant tout des contrats. En l'occurrence, il faut prévoir explicitement que le texte s'applique aux SPL existantes qui réalisent 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires, emploient 65 000 personnes et en logent 1,4 million. Garantir leur viabilité est un motif impérieux d'intérêt général... Avis défavorable.
M. Jacques Bigot. - Monsieur le ministre, votre amendement prouve que vous n'avez pas la volonté de défendre les SPL, c'est son seul mérite.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au titre VI du livre VIII de la première partie de la partie législative du code général des collectivités territoriales, les mentions à l'article L. 1522-1 du même code font référence à cet article dans sa rédaction issue de la présente loi.
II. - À l'article 8-1 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, la mention à l'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales fait référence à cet article dans sa rédaction issue de la présente loi.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Les entreprises publiques locales d'outre-mer doivent bénéficier des clarifications apportées par ce texte. Seules la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie semblent nécessiter des dispositions spécifiques.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis favorable.
L'amendement n°11 est adopté et devient un article additionnel.
Explications de vote
M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi . - Avant que nous votions, je veux adresser une mise en garde. Certains semblent penser qu'on peut voter d'abord, organiser une concertation ensuite. Beaucoup de fronts sont ouverts avec les élus locaux. L'implication du président de la République semble certes cicatriser les maux mais, si nous continuons ainsi, les choses ne se passeront pas bien. D'autres amendements, que nous n'avons pas examinés, mettaient en cause la probité des élus !
Rien n'est parfait, certes, et j'espère que nous pourrons poursuivre le dialogue mais attention à ne pas vouloir passer en force.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - Je remercie à nouveau le président Marseille. Je m'engage, au nom de Jacqueline Gourault, à ce que les acteurs des SPL soient reçus avant l'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale. Jamais vous ne nous verrez défendre des amendements mettant en cause la probité des élus car nous en sommes et nous leur faisons confiance.
La proposition de loi est adoptée.
La séance, suspendue à 17 h 55, reprend à 18 h 5.
Protection des drapeaux d'associations d'anciens combattants
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative à l'interdiction de la vente des drapeaux des associations d'anciens combattants et à leur protection, présentée par Mme Françoise Férat et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
Mme Françoise Férat, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et LaREM) Nous avons terminé l'année 2018 par des célébrations en l'honneur des soldats morts pour la France lors de la Première Guerre mondiale et le président de la République a effectué une itinérance mémorielle.
Mon département de la Marne était au coeur des commémorations depuis quatre ans. Les écoles, associations culturelles, associations d'anciens combattants se sont mobilisées, de même que les médias pour rendre compte de ces cérémonies.
Hymnes entonnés par les enfants, reconstitutions historiques, défilés patriotiques guidés par la fanfare et porte-drapeaux. Une cérémonie commémorative serait moins forte sans les trois couleurs hissées aux bras des anciens combattants et des bénévoles animés par le devoir de mémoire. Chaque drapeau reflète une part de notre Histoire : 14-18, 39-45, Algérie, Indochine, Mali... La liste est hélas sans fin.
Ce texte, c'est aussi la fierté d'appartenir à la même patrie. Le 20 novembre 1917, Clemenceau disait à la Chambre que le monde combattant avait des droits sur nous. Or les anciens combattants disparaissent et les associations et drapeaux avec eux. Certains drapeaux se retrouvent dans des brocantes ou sur des sites de vente sur Internet. Un drapeau tricolore est un objet commun que l'on peut acheter n'importe où, et tant mieux pour le patriotisme. Mais ce n'est pas le cas pour les drapeaux d'anciens combattants qui ont aussi une valeur symbolique de respect pour nos aînés, une empreinte historique et sentimentale forte.
Ce texte retranscrit les inquiétudes des associations d'anciens combattants. La rapporteure Élisabeth Doineau a pris en compte mes intentions et je salue la qualité de son écoute et de son travail. Les membres de la commission des affaires sociales ont adopté à l'unanimité les modifications qu'elle a proposées.
Un tel drapeau ne peut être un vulgaire souvenir, car il porte une partie de la mémoire nationale. Il sera désormais présumé appartenir à son association, la prescription acquisitive ne pourrait donc plus jouer.
En cas de dissolution d'une association, sauf dispositions particulières dans ses statuts, drapeaux et archives seront transférés à sa commune de domiciliation. Laquelle pourra les verser à un établissement scolaire, à un musée ou à toute autre structure jugée pertinente pour entretenir la mémoire. Elles sont d'ailleurs potentiellement nombreuses : en 2017-2018, plus de 300 projets scolaires ont reçu le label Centenaire pour faire vivre la mémoire de la Grande Guerre.
Le texte laisse ainsi toute liberté aux élus, c'est bien naturel au Sénat. Les organismes représentatifs que j'ai sollicités se trouvaient démunis face aux risques juridiques. Ce travail que j'ai commencé en 2017 est source d'inspiration. J'ai été heureuse d'apprendre qu'un groupe de travail se réunit dorénavant au ministère pour traiter des questions relatives aux objets militaires et de guerre dans leur ensemble ; il est vrai que les reventes ou tentatives de revente de plaques funéraires de combattants se sont multipliées ces dernières semaines. Beaucoup reste à faire mais commençons par les drapeaux.
Les drapeaux, si fièrement portés par nos grands-parents, témoignent du prix payé pour la liberté. Votons ce texte pour rendre hommage à nos anciens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales . - La proposition de loi déposée par Françoise Férat vise à protéger les drapeaux des associations d'anciens combattants, notamment en en interdisant le commerce. Cosigné par un grand nombre de collègues de différents groupes, ce texte illustre le consensus qui règne au Sénat sur la question de la mémoire, en particulier de la mémoire combattante.
Alors que la première génération du feu, celle de la Première Guerre mondiale, a disparu et que s'éteignent progressivement les anciens combattants de la deuxième et même de la troisième génération, qui ont combattu durant la Seconde Guerre mondiale, en Indochine et en Afrique du Nord, la question de la transmission de la mémoire aux jeunes générations apparaît plus que jamais d'actualité.
Chacun ici le sait pour le vivre sur son territoire, les associations d'anciens combattants jouent un rôle essentiel dans la politique mémorielle, en assurant les commémorations patriotiques qui rythment la vie de nos communes.
Compte tenu de l'âge de leurs membres, ces associations ont malheureusement tendance à disparaître. Il arrive que leurs drapeaux soient oubliés, délaissés dans une cave ou un grenier ; ou qu'ils soient mis en vente, sur Internet, dans un vide-grenier ou une brocante, ce qui peut choquer.
Le drapeau tricolore, que l'article 2 de la Constitution établit comme emblème national, fait, depuis une date relativement récente, l'objet d'une protection juridique. L'outrage au drapeau constitue ainsi, selon les circonstances, une contravention ou un délit, dont la punition peut aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement. Toutefois, cette protection concerne le symbole que le drapeau représente et non l'objet lui-même, qui est, en droit, un bien matériel privé.
Les drapeaux appartenant ou ayant appartenu à des associations d'anciens combattants ne font pas exception, malgré leur dimension patriotique et symbolique. Au demeurant, ils sont librement acquis dans le commerce par ces associations. Les acheteurs de ces drapeaux ne sont pas nécessairement mal intentionnés, ce sont souvent des collectionneurs passionnés d'histoire qui traitent ces objets avec respect.
Aux yeux de certains de nos compatriotes, assimiler les drapeaux d'associations d'anciens combattants à des antiquités ordinaires conduit à nier leur dimension symbolique. Alors que le souvenir des grands conflits du passé s'estompe, le commerce de ces drapeaux est mal vécu par les anciens combattants, qui y voient un manque de considération de la société pour les services qu'ils ont rendus à la Nation et qui craignent que le souvenir qu'ils entretiennent au moyen de ces drapeaux ne tombe dans l'oubli.
La commission a aménagé le régime de la prescription acquisitive, qui ne serait plus applicable à ces drapeaux, présumés appartenir à son association.
Je sais, madame la ministre, que vous avez créé un groupe de travail sur le sujet.
Cette proposition de loi a été pour le Gouvernement l'occasion d'annoncer une avancée attendue depuis longtemps par le monde combattant.
J'espère que nous obtiendrons cet après-midi, le même consensus qu'en commission des affaires sociales. (Applaudissements)
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées . - Bleu, blanc, rouge : ces trois couleurs nous parlent de notre Histoire et nous disent une part de notre héritage. Nous y sommes profondément attachés. Aux portes de nos mairies et bâtiments officiels, au balcon de certains particuliers, dans la liesse comme dans les heures de drame, elles sont le symbole de notre ralliement.
« Le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom et la gloire de la patrie », disait Lamartine, en 1848. La situation n'a pas changé.
Sous ces couleurs, des soldats sont morts pour la France, en Indochine, en Algérie, ou encore aujourd'hui au Levant ou au Sahel. Je salue la mémoire du médecin Capitaine Marc Laycuras décédé ce mardi, mort pour la France dans l'opération Barkhane.
Notre attachement au drapeau tricolore porte l'estime que nous accordons aux femmes et aux hommes qui le défendent.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je loue votre initiative pour protéger les drapeaux des associations des anciens combattants, votre intérêt pour le monde combattant et votre souci de préserver notre mémoire.
Les porte-drapeaux portent symboliquement la Nation. Ils sont de toutes les générations. En novembre dernier, dans les Ardennes, j'ai remis une médaille à un jeune écolier qui tenait son rang parmi les porte-drapeaux.
Oui, le nombre des anciens combattants diminue. La disparition des soldats des deuxième et troisième générations du feu accentuera la disparition des associations d'anciens combattants. D'où la nécessité de préserver leur mémoire.
Cependant, soyons francs : certaines réponses proposées par la proposition de loi sont superfétatoires au regard des lois et règlements en vigueur. Le cas envisagé dans le premier alinéa concernant les biens des associations ne devrait pas se produire, car il est prévu que l'assemblée générale statue sur ce point et si ce n'est pas le cas le décret de 1901 prévoit la nomination d'un curateur chargé de convoquer l'assemblée générale.
Si un bien est retrouvé dans les mains d'une personne n'appartenant pas à l'association, celle-ci peut le revendiquer dans un délai de trois ans.
Quant à l'article 3, veillons à ne pas franchir la mince frontière qui nous sépare de la violation des droits de propriété privée.
Les associations réfléchissent actuellement, au sein d'un groupe de travail, sur les moyens de protéger leur patrimoine. Elles nous ont confirmé qu'elles ne souhaitaient pas ce dispositif trop contraignant.
Des mesures internes, efficaces et satisfaisantes, existent déjà comme le retour de drapeaux de section aux associations nationales qui est une pratique louable. En outre, on confie déjà des drapeaux d'anciens combattants aux établissements scolaires. Je salue, à cet égard, l'action remarquable du souvenir français. Enfin, ces drapeaux associatifs ne sont pas des biens publics, contrairement aux drapeaux des unités combattantes, ce qui ne signifie pas qu'ils n'aient pas de valeur. Il n'est pas du rôle de l'Office National des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) d'en tenir l'inventaire.
De nombreuses communes entretiennent déjà, avec engagement et patriotisme, les drapeaux qui leur sont confiés et nous ne pouvons que les saluer. Mais toutes n'ont pas les moyens de le faire, en particulier les petites communes.
Parce que la pérennité du monde combattant est un sujet majeur, le groupe de travail des associations d'anciens combattants est pleinement mobilisé. L'étendue de la réflexion dépasse les drapeaux et concerne aussi d'autres biens. Les conclusions devraient être rendues cet été. Je vous les partagerai.
Si l'intention de cette proposition de loi n'est rien moins que louable, le droit en vigueur rend le texte superfétatoire et le Gouvernement ne peut lui donner un avis favorable. Je m'en remets à la sagesse de votre assemblée en vous remerciant sincèrement pour votre attachement aux anciens combattants et à la préservation active de la mémoire de notre pays. (Applaudissements)
Mme Nathalie Delattre . - Faut-il rappeler que les associations d'anciens combattants sont un vecteur essentiel de la transmission de la mémoire combattante qui nous est chère ? Nous connaissons leur vitalité, leur caractère indispensable. Que ce soit lors des cérémonies ou de leurs assemblées générales, elles honorent toujours la mémoire des combattants.
Le dernier Poilu nous a quittés en 2018. Entre 2013 et 2023, les anciens combattants auront perdu plus du tiers de leurs effectifs.
Cette proposition de loi vise la protection des drapeaux. La dissolution d'une association affecte parfois, comme la fusion de deux sections, le sort de ses étendards. La dimension symbolique de ces drapeaux mérite une attention particulière et je salue l'initiative de Françoise Férat.
Il est choquant de retrouver un drapeau d'anciens combattants dans une brocante ou sur un site de vente en ligne. Leur fin mercantile est mal vécue au regard des sacrifices consentis.
Le texte initial prévoyait un dispositif unique pour flécher la restitution des drapeaux d'anciens combattants et interdire leur vente. La commission a proposé une exception à l'acquisition prescriptive.
Je proposerai un amendement qui mentionnera les musées comme destinataires complémentaires de ces drapeaux.
« Les souvenirs sont nos forces. Quand la nuit tente de revenir il faut allumer les grandes dates comme nous allumons la bougie » écrivait Victor Hugo en 1848. J'ajouterai qu'il faut sortir les drapeaux. Ils sont le rappel des valeurs de fraternité et de solidarité dont a besoin notre société.
Nous devons nous employer à rendre la mémoire combattante vivante, pour qu'elle ne soit pas seulement gravée au front de nos monuments et que les jeunes y restent sensibles. Avec la fin du service militaire, un rapport au temps plus immédiat et l'émergence d'autres mémoires, il est en effet plus difficile de les intéresser à la mémoire combattante.
J'ai une pensée affectueuse pour Gianni, 7 ans, à qui j'ai récemment eu l'occasion d'offrir un drapeau. (Applaudissements)
M. Jean-Louis Lagourgue . - « Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent « Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps « Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant « Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir « Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant. »
Les vers d'Aragon célèbrent la mémoire des partisans du groupe Manouchian, principale force d'opposition aux Allemands en région parisienne entre février et novembre 1943, dont 23 partisans furent fusillés le 21 janvier 1944 au Mont-Valérien. Les 35 000 monuments aux morts et ces quelques strophes restent la mémoire de ces morts pour la patrie.
Cette proposition de loi protège les drapeaux d'anciens combattants en présumant que les associations en sont propriétaires, et prévoit que la commune puisse remettre ces drapeaux à un établissement scolaire ou à une institution capable de perpétuer le devoir de mémoire.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, plus de 10 000 associations d'anciens combattants étaient actives, chacune avec ses symboles. Guerres mondiales, guerre du Golfe, ou d'Afghanistan, elles regroupent tous ces anciens combattants pour entretenir le devoir de mémoire que Simone Veil proposait de remplacer par un devoir d'Histoire.
La patrie ne s'apprend pas par coeur, elle s'apprend par le coeur disait Lavisse.
Qui se souvient de Jeannette Guyot parachutée à 20 ans en bord de Loire pour repérer des lieux possibles du débarquement, qui a ouvert à Paris une antenne de radio clandestine à deux pas d'un bureau de la Gestapo ? Seul un journal britannique a annoncé sa mort le 10 avril 2016. La presse française n'en n'a pas dit un mot...
En honorant la mémoire des héros de la Nation, la commémoration tisse un lien entre les générations. À l'heure où les symboles de la mère patrie sont pris d'assaut par les casseurs bêlants, à l'heure où le poison rampant de l'extrémisme se répand dans l'Europe fragilisée et où le communautarisme divise la France en son coeur, il nous faut veiller à replacer les symboles de la République au centre de nos villes et dans nos villages.
Les drapeaux des anciens combattants sont des symboles dont nous avons la responsabilité. Il en va de notre héritage et de notre destin, tant il est vrai, comme écrivait René Char dans les Feuillets d'Hypnos, que « Notre héritage n'est précédé d'aucun testament ». (Applaudissements)
M. François Bonhomme . - J'adresse une pensée attristée à la famille de Marc Laycuras, médecin militaire, décédé mardi. Nous avons aussi une pensée pour ses frères d'armes engagés dans un combat difficile contre le terrorisme islamiste.
Les associations d'anciens combattants participent à la transmission de la mémoire et des valeurs de notre pays. Je remercie Françoise Férat et Élisabeth Doineau pour leur travail. En tant que représentants des territoires, nous ne pouvons qu'être attachés aux drapeaux d'anciens combattants qui portent une valeur symbolique forte en tant qu'emblèmes de la Nation et signes de notre héritage patriotique.
Beaucoup d'associations d'anciens combattants doivent se dissoudre du fait de la disparition de leurs membres. Le temps emporte tout et les drapeaux se retrouvent à la vente, offense à la mémoire de ceux qui les ont portés.
Il revient au législateur d'organiser la conservation des drapeaux d'anciens combattants sans entraver le droit de propriété. L'interdiction simple à un propriétaire légitime de vendre un drapeau irait contre ce droit.
La proposition de notre rapporteur va dans le bon sens, qui permettra aux associations de se faire restituer leur drapeau.
Sur la possibilité pour la commune de confier les drapeaux à un établissement scolaire, on ne peut que l'approuver.
Dans son discours de 1882 à la Sorbonne, Ernest Renan disait que la Nation est une âme, qu'elle se perpétue dans le désir d'être ensemble, qu'elle est un plébiscite de tous les jours - la formule est connue. Il ajoutait aussi que ce principe spirituel trouve sa force et sa légitimité dans le passé, dans la volonté de faire vivre l'héritage qu'on a reçu indivis, constitué par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore.
Cette proposition de loi s'inscrit dans cette ligne, c'est une raison supplémentaire que nous la votions. (Applaudissements)
Mme Patricia Schillinger . - La proposition de loi de Françoise Férat vise à protéger les drapeaux des anciens combattants en interdisant leur vente au profit d'un transfert à la commune en cas de dissolution de l'association. Si un porte-drapeau décède, il doit être transmis à l'association.
Le texte crée encore une présomption de propriété du drapeau à l'association. Dès lors, un drapeau entre les mains d'un particulier lui serait restitué. Il s'agit de protéger notre patrimoine mémoriel. Les sanctions prévues par le texte initial existaient déjà dans le droit en vigueur, en application du code civil.
Nous reconnaissons tous que ces drapeaux représentent un symbole fort de notre histoire. La proposition de loi est de bon sens lorsqu'elle encourage les communes à confier ces drapeaux à des établissements scolaires.
Le groupe LaREM votera ce texte. (Applaudissements)
Mme Laurence Cohen . - Je remercie Élisabeth Doineau pour la qualité de son travail et Françoise Férat à l'origine de cette proposition de loi.
J'ai moi-même été interpellée par les associations d'anciens combattants, qui s'inquiètent du devenir de leurs emblèmes. Les anciens combattants disparaissent en effet progressivement...
Les ventes de drapeaux d'associations d'anciens combattants dans les brocantes ou sur Internet mettent en péril notre patrimoine mémoriel. Il faut mettre un terme à la marchandisation des drapeaux. L'interdiction de les vendre aurait pu être maintenue au nom de l'exception culturelle, le patrimoine mémoriel pouvant être considéré comme faisant partie du patrimoine culturel. Malgré tout, les associations pourront être autorisées à récupérer les drapeaux indûment vendus. À défaut, c'est une bonne chose pour la défense de notre mémoire.
Hélas, le Gouvernement a diminué de 2,79 millions d'euros les crédits alloués à la politique de mémoire en 2019, soit une baisse de 20 %.
Il faudrait aussi cesser de réduire les subventions aux associations d'anciens combattants, comme le Gouvernement l'a fait en supprimant la subvention d'action sociale de 70 000 euros de l'Association républicaine des anciens combattants (ARAC).
Le libéralisme économique que promeut le président de la République est contraire à la préservation du patrimoine mémoriel, pourtant essentiel à la cohésion de notre société - mieux vaudrait promouvoir la paix, lutter contre la guerre et pour l'amitié entre les peuples.
Le groupe CRCE votera pour ce texte. (Applaudissements)
Mme Corinne Féret . - Je suis née dans un territoire - le Calvados - à l'histoire riche qui a connu des moments glorieux et d'autres douloureux, dans lesquels le rôle des anciens combattants n'est plus à démontrer. Ils jouent un rôle essentiel pour faire vivre la mémoire combattante auprès des jeunes générations. Hélas, ils disparaissent progressivement et, avec eux, leurs drapeaux sont vendus ou oubliés dans un grenier.
Ce texte protège ces emblèmes, il est nécessaire. Je me souviens de mon émotion en juillet 2015 lorsque le drapeau de la libération de Caen s'est remis à flotter. Il avait disparu pendant soixante ans. La proposition de loi crée une présomption de propriété au bénéfice des associations et permet aux communes de confier les drapeaux à des établissements scolaires. Ces mesures sont favorables à la politique mémorielle.
Je remercie les anciens combattants du Calvados que j'ai auditionnés dans le cadre de la proposition de loi.
J'aimerais vous signaler un problème, madame la ministre. Le 6 juin prochain, nous fêterons les 75 ans du département, mais le lieu de la cérémonie n'est toujours pas connu.
Les associations d'anciens combattants et la population le vivent mal... Il est temps de trouver une solution, d'autant que ce sera sûrement la dernière commémoration de cette ampleur à laquelle participeront des survivants.
Le groupe socialiste votera la proposition de loi. (Applaudissements)
Mme Jocelyne Guidez . - Je salue l'initiative de Françoise Férat. Des drapeaux sont vendus sur Internet, c'est un fait. Mais ils ont une signification symbolique !
Le symbole est ici en jeu : ces drapeaux sont un héritage à préserver.
L'an passé, nous commémorions le centenaire de la Première Guerre mondiale. Beaucoup de soldats ont donné leur vie pour la liberté de la France. C'est leur courage qui rayonne à travers ces drapeaux. Dans le contexte actuel, où les symboles de la France sont pris à partie, où les véhicules de police sont brûlés et les monuments historiques dégradés, il est urgent de revenir aux fondamentaux et de se rappeler l'importance du travail de mémoire.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notre pays comptait 10 000 associations d'anciens combattants. Des porte-drapeaux, sentinelles de la mémoire, continuent à se mobiliser. Je les remercie.
Notez qu'ils ne sont pas tous âgés : des jeunes reprennent le flambeau avec fierté. Mais il est regrettable que des drapeaux disparaissent : ce ne sont pas des biens sans valeur, mais les symboles de la Patrie. L'Histoire ne se monnaie pas, et le législateur doit y veiller. Tel est l'objet de la proposition de loi. Elle n'oublie pas non plus les communes, ni les établissements scolaires pour assurer la conservation de ses emblèmes. Le groupe UC la votera. (Applaudissements sur tous les bancs)
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État . - Je laisse le Sénat décider en sagesse sur cette proposition de loi.
Madame Cohen, je n'ai pas de connaissance de subvention demandée par l'ARAC, et en particulier pas de subventions d'action sociale, qui sont gérées par l'ONAC, et qui n'ont pas diminué. Certes, le budget de la mémoire recule en 2019, mais 2018 était une année de commémoration particulière.
Madame Féret, l'organisation des 75 ans de la Libération a commencé. Je me suis rendue en Corse, premier territoire libéré ; j'ai présidé une cérémonie au Mont-Valérien le 21 février pour honorer la mémoire des partisans ; j'étais enfin avec le président de la République aux Glières pour rendre hommage à la Résistance. Nous aurons aussi des temps forts pour le débarquement de Provence, la libération de Paris puis celle de Strasbourg, sans oublier la Normandie, n'ayez crainte.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure . - Je remercie la ministre pour son investissement sur le terrain.
Nous sommes unis derrière nos drapeaux, derrière le devoir de mémoire que nous devons à ceux qui ont tout donné. Pour eux, nous ne donnerons jamais assez !
La commission des affaires sociales a donc introduit une exception à l'atteinte au droit de propriété pour les drapeaux d'anciens combattants, compte tenu du caractère symbolique de ces biens. Elle a fait de même pour le principe de prescription acquisitive. La vente de ces drapeaux sur Internet ou dans des brocantes est intolérable. Nous manifestons notre attachement à ces emblèmes, raison pour laquelle nous avons nuancé ce texte pour en assurer l'efficacité.
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ... - Nonobstant toute disposition contraire, prise par la commune, et dans l'hypothèse où un établissement muséal se trouve à recueillir des objets pouvant être exposés dans le respect et en convention avec la collectivité territoriale éventuellement responsable de la tutelle de sa gestion, les drapeaux d'associations dissoutes peuvent être conservés par l'établissement muséal en question, pour servir le devoir de mémoire qui leur est imparti. Dans cette éventualité, il appartient à la structure en possession des drapeaux, de les conserver selon la réglementation concernant la conservation des emblèmes. »
Mme Nathalie Delattre. - Je l'ai défendu dans la discussion générale : il s'agit de donner aux musées qui souhaiteraient s'investir dans le devoir de mémoire la possibilité de conserver et d'exposer ces étendards.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Le texte de la commission permet à la commune de remettre le drapeau à une école ; rien ne fait obstacle à ce qu'il soit remis à un musée ou un lieu mémoriel identifié. Votre amendement n'apporte pas de précision car il ne se limite pas aux drapeaux. En outre, il fait référence à la réglementation sur la conservation des emblèmes, or ces drapeaux ne sont régis par aucune réglementation. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. - Même avis.
Mme Nathalie Delattre. - J'entends l'explication de la rapporteure et retire mon amendement.
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
Explications de vote
Mme Françoise Férat, auteur de la proposition de loi . - Je remercie mes collègues pour leur soutien et la rapporteure pour la qualité de son travail. Je ne doute pas, madame la ministre, que toutes les précautions sont prises. Ce n'est pas une mais deux associations d'anciens combattants qui m'ont alertée sur le problème de la vente de drapeaux, notamment sur Internet. C'est un phénomène nouveau, qui me touche au coeur. Je ne vous cache pas qu'avant de m'embarquer dans cette bataille, j'ai recueilli les avis de l'administration et des associations, au plus haut niveau.
Je me félicite de la mise en place d'un groupe de travail et souhaite qu'il intègre le sujet de la revente en ligne dans sa réflexion.
L'adoption de ce texte sera un signal fort à destination de tous les anciens combattants. Merci à tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Marc Laménie . - Émotion, respect, mémoire, reconnaissance : ce texte nous touche. En tant que rapporteur budgétaire de la mission « Anciens combattants », je remercie Françoise Férat, Élisabeth Doineau et tous nos collègues qui se sont exprimés.
Il est indispensable de protéger les drapeaux des associations d'anciens combattants, composées de bénévoles et qui ont parfois des problèmes de recrutement... Je salue aussi la ministre qui s'est rendue dans mon département des Ardennes lors des célébrations du centenaire qui ont été l'occasion d'un engagement partagé, toutes générations confondues, dans le cadre du devoir de mémoire.
François Bonhomme l'a dit, les drapeaux sont des témoignages matériels précieux, symboliquement forts, du sacrifice de nos concitoyens. J'espère que ce texte sera voté dans les mêmes termes par nos collègues députés.
L'article unique constituant la proposition de loi est adopté.
M. le président. - En accord avec la commission et le Gouvernement, nous reprendrons nos travaux ce soir à 21 h 30, et non 21 h 45.
La séance est suspendue à 19 h 25.
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.
Collectivité européenne d'Alsace (Procédure accélérée - Suite)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace, en procédure accélérée.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 3 (Suite)
Mme la présidente. - Amendement n°66 rectifié, présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
I. - Alinéas 1 et 5, première phrase
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
II. - Alinéas 2, 3, deuxième phrase, et 4
Remplacer les mots :
au département
par les mots :
à la Collectivité européenne
III. - Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
Le département
par les mots :
La Collectivité européenne
M. René Danesi. - Cet amendement, qui concerne le nom de la nouvelle collectivité, est de coordination avec l'amendement n°62 rectifié qui a été adopté à l'article premier. Hier, le président de séance aurait considéré qu'il était, par cohérence, adopté.
Mme la présidente. - En effet. Néanmoins, le Gouvernement propose un sous-amendement qu'il faut examiner.
Amendement identique n°117, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Mme Patricia Schillinger. - Défendu.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°151 rectifié à l'amendement n°66 rectifié de M. Danesi, présenté par le Gouvernement.
Amendement n° 66 rectifié
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
Alinéas 1 et 5, première phrase
par les mots :
Alinéa 1
II. - Après l'alinéa 10
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Alinéas 5 et 6
Rédiger ainsi ces alinéas :
Par dérogation aux articles L. 121-1 et L. 131-1 du code de la voirie routière, les autoroutes non concédées dénommées A4, A35, A351, A352 et A36 conservent leur appellation et leur statut autoroutier tel que défini par les dispositions générales prévues pour les autoroutes, aux articles L. 122-1, L. 122-2 et L. 122-3 du même code, à l'exclusion de toutes les autres dispositions de ce même code relatives aux autoroutes, notamment les articles L. 122-4, L. 122-4-1 et L. 122-4-2.
Lorsque le maintien de leur statut autoroutier ne se justifie plus, le déclassement de ces voies par la Collectivité européenne d'Alsace s'opère dans les conditions prévues à l'article L. 131-4 du code de la voirie routière.
III. - Compléter cet alinéa par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Alinéa 7, seconde phrase
1° Remplacer les mots :
doivent avoir été
par le mot :
sont
2° Après le mot :
déclassées
insérer les mots :
par la Collectivité européenne d'Alsace,
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. - Veuillez excuser Mme Gourault, qui est ce soir en Corse avec le président de la République.
Ce sous-amendement maintient les pouvoirs de police de la circulation du préfet sur les autoroutes non concédées, compte tenu de leurs caractéristiques techniques, de leur vocation structurante et des enjeux de sécurité.
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois. - Merci au Gouvernement de reconnaître les apports de la commission. Le transfert des routes nationales et des autoroutes non concédées est l'un des points forts de ce texte.
En revanche, il convient d'aller au bout de la logique en confiant la police de ces routes au président de la Collectivité européenne d'Alsace. Avis défavorable.
Le sous-amendement n°151 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos66 rectifié et 117, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°98 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet et Sido, Mmes Joissains, Morhet-Richaud, Lassarade et Deromedi, M. Paccaud, Mmes Gruny et Micouleau, MM. Laménie et Pierre, Mmes Lanfranchi Dorgal et Guillotin, M. Charon, Mmes Noël et Férat et MM. Menonville et Longuet.
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve de l'achèvement par l'État des travaux engagés sur les portions de route inachevées
M. Marc Laménie. - Défendu.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Retrait ? Les dépenses engagées par l'État seront payées, c'est la règle. L'article 6 prévoit expressément l'achèvement de toutes les opérations inscrites au CPER.
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°98 rectifié bis est retiré.
Les amendements nos49 et 33 ne sont pas défendus.
L'article 3, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme la présidente. - Amendement n°146 rectifié ter, présenté par MM. Jacquin, Todeschini et Grosdidier.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le titre II du code de la voirie routière est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre ...
« Redevance kilométrique poids lourds
« Art. L. 124-1. - Les véhicules qui empruntent le réseau routier national non concédé et des voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic, et dont le poids total autorisé en charge est supérieur ou égal à 3,5 tonnes, sont soumis, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, à une redevance pour service rendu, appelée redevance kilométrique poids lourds. Le montant de la taxe est progressif en fonction du nombre total de kilomètres parcourus entre le point de départ et le remisage du véhicule.
« Art. L. 124-2. - La redevance mentionnée à l'article L. 124-1 est due par le propriétaire du véhicule. Toutefois, lorsque le véhicule fait l'objet d'un contrat de crédit-bail, d'un contrat de location ou de tout autre type de contrat de mise à disposition de l'usage de véhicule, la redevance due par l'utilisateur désigné dans ce contrat. Le bailleur demeure solidairement responsable du paiement de la redevance ainsi que, le cas échéant, de la majoration de retard applicable.
« Art. L. 124-3. - Le réseau soumis à la redevance prévue à l'article L. 124-1 est constitué d'axes du réseau routier national défini à l'article L. 121-1, dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'État. Cette liste ne comprend pas les sections d'autoroutes et routes du réseau routier national soumises à péages.
« Art. L. 124-4. - Le montant de la redevance est proportionné à la distance d'utilisation du réseau routier défini à l'article L. 124-3. Son montant est modulé en fonction des caractéristiques des véhicules, en particulier des dommages causés aux infrastructures. »
II. - Le paiement de la redevance mentionnée à l'article L. 124-1 du code de la voirie routière ouvre droit à une bonification du remboursement des taxes sur les carburants prévue par l'article 265 septies du code des douanes selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.
III. - Les articles 284 à 284 sexies bis du code des douanes sont abrogés.
IV. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à la taxe prévue par l'article 235 ter ZD du code général des impôts.
M. Olivier Jacquin. - Cet amendement instaure une redevance kilométrique dans le sillon rhénan mais aussi dans le sillon lorrain car nous craignons un déport du trafic des poids lourds.
M. André Reichardt. - Bien sûr !
M. Olivier Jacquin. - Important, nous ciblons les poids lourds qui traversent notre pays sans payer de taxe sur le gasoil, ceux qui s'approvisionnent au Luxembourg pour rouler jusqu'en Espagne car les poids lourds français, eux, seraient exonérés de taxe à l'essieu et bénéficieraient d'une compensation supplémentaire de TICPE à due concurrence.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. Nous comprenons l'intention mais l'amendement rétablit l'écotaxe poids lourd dans une version proche de celle qui a été supprimée en 2016.
Elle s'appliquerait sur tout le territoire français mais seulement sur la voirie nationale non concédée et sur les voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic du fait de l'instauration d'une écotaxe sur la voirie nationale ; donc, pas en Alsace où l'intégralité de la voirie nationale doit être transférée au département. Un amendement sur le même sujet sera présenté bientôt, il est meilleur.
M. Julien Denormandie, ministre. - Avis défavorable. Une ordonnance doit fixer les modalités de régulation de trafic routier par la Collectivité européenne d'Alsace. De plus, la taxe s'appliquerait à tout le territoire.
M. François Grosdidier. - Nous subissons les effets de l'abandon de l'écotaxe poids lourd, qui a dévié tout le trafic nord-sud des poids lourds européens sur les sillons rhénan et lorrain. On ne peut pas traiter l'Alsace sans la Lorraine ! Ce serait, comme le sapeur Camember, boucher un trou en en creusant un peu plus loin.
L'Europe n'empêche pas d'apporter une solution. Il faut en trouver une pour tous et les Alsaciens partagent cette analyse. Réglons le problème une bonne fois pour toutes.
M. André Reichardt. - Je ne puis voter cet amendement bien que j'en partage l'objectif. À telle enseigne que j'ai déposé un amendement sur le même sujet.
M. Olivier Jacquin. - J'avais déposé cet amendement au projet de loi d'orientation des mobilités, on m'a répondu que ce n'était pas le bon véhicule législatif et qu'il relevait d'une loi de finances. La redevance que je propose n'est pas identique à celle qui avait été envisagée, il s'agit d'une redevance proportionnée à la distance d'utilisation du réseau et je prévois, pour les poids lourds français, un remboursement supplémentaire de TICPE en contrepartie. M. le ministre me renvoie à l'ordonnance, encore faudrait-il qu'elle intègre le sillon lorrain. Néanmoins, attentif aux propositions de M. Reichardt, je retire mon amendement.
L'amendement n°146 rectifié ter est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°93 rectifié bis, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller et MM. Kennel, Kern et Reichardt.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sur les axes situés sur le territoire de la Collectivité européenne d'Alsace, et pour permettre la régulation du trafic routier de marchandises, cette dernière est autorisée à instaurer des contributions spécifiques qui seront supportées par les usagers concernés.
Il en va de même de tous les gestionnaires de voirie concernés.
Les modalités d'application du présent paragraphe sont fixées dans les conditions définies au 1° de l'article 0 de la présente loi.
M. Claude Kern. - Ce texte transfère à la Collectivité européenne d'Alsace le réseau routier national en Alsace, dont des autoroutes non concédées.
À terme, l'eurométropole de Strasbourg pourra également bénéficier, à sa demande, du transfert des portions de voies précitées situées sur son territoire pour réguler le trafic de transit à l'échelle transfrontalière. Le report de circulation du trafic routier de marchandises vers le réseau routier alsacien est directement lié à l'instauration en Allemagne de la LKW-MAUT.
Plutôt que de passer par les ordonnances, inscrivons le principe d'une régulation dans la loi.
Mme la présidente. - Amendement n°107 rectifié ter, présenté par MM. Reichardt, Brisson et Daubresse, Mme N. Goulet, MM. Danesi et Kern, Mmes Billon et Troendlé et MM. Milon, Laménie, Charon et Kennel.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À titre expérimental et pendant une durée maximale de cinq ans, le département d'Alsace a la faculté d'instaurer, par une délibération prise dans les conditions prévues au I de l'article 1639 A bis du code général des impôts, une taxe pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui empruntent les voies de circulation, ou des portions de voie de circulation, situées sur son territoire. Cette taxe peut être forfaitaire annuelle ou proportionnelle au kilométrage parcouru par les véhicules sur les voies ou portions de voie concernées. Le département d'Alsace peut choisir la technologie et le prestataire chargé du recouvrement de la taxe.
II. - 1. L'assiette de la taxe due est constituée par la longueur des sections de tarification empruntées par le véhicule, exprimée en kilomètres, après arrondissement à la centaine de mètres la plus proche.
2. Pour chaque section de tarification, le taux kilométrique de la taxe est fonction de la catégorie du véhicule.
Le taux kilométrique est modulé en fonction de la classe d'émission EURO du véhicule, au sens de l'annexe 0 de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures, et, le cas échéant, en fonction du niveau de congestion de la section de tarification.
Un décret précise les conditions dans lesquelles le niveau de congestion de la section de tarification est pris en compte.
En cas de défaut de justification par le redevable de la classe d'émission EURO du véhicule, le taux kilométrique est déterminé en retenant la classe à laquelle correspond le taux kilométrique le plus élevé.
3. Le taux de la taxe est compris entre 0, 015 € et 0, 2 € par kilomètre.
4. Pour chaque section de tarification empruntée, le montant de la taxe est égal au produit de la longueur de la section par le taux kilométrique déterminé conformément aux 2 et 3.
5. Le produit de cette taxe est une recette de la section d'investissement du budget du département d'Alsace.
III. - Les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre peuvent, par une délibération prise dans les conditions prévues au I de l'article 1639 A bis du code général des impôts, exonérer de cotisation foncière les entreprises assujetties à la taxe prévue au I du présent article à hauteur du montant de la taxe versée.
Pour bénéficier de l'exonération, les contribuables doivent en faire la demande dans les délais prévus à l'article 1477 du même code. Cette demande doit être adressée, pour chaque établissement exonéré, au service des impôts dont relève l'établissement. Les contribuables déclarent, chaque année, dans les conditions prévues au même article 1477, les éléments entrant dans le champ d'application de l'exonération.
Lorsqu'un établissement remplit les conditions requises pour bénéficier de l'une des exonérations prévues aux articles 1464 B, 1464 D, 1465, 1465 A, 1465 B, 1466 A, 1466 B et 1466 C dudit code et celles du présent article, le contribuable doit préciser le régime sous lequel il entend se placer. Ce choix, qui est irrévocable, doit être exercé dans le délai prévu pour le dépôt, selon le cas, de la déclaration annuelle ou de la déclaration provisoire de la cotisation foncière des entreprises visées à l'article 1477 du même code.
IV. - Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. Ce décret détermine notamment, pour l'application du premier alinéa du 2 du II, les catégories de véhicules en fonction du nombre d'essieux des véhicules.
V. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par un prélèvement sur le produit brut de la taxe.
VI. - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par un prélèvement sur le produit brut de la taxe.
M. André Reichardt. - L'Allemagne a instauré un système de péage très performant sur son autoroute A5 - et c'est l'Alsace qui pâtit du déport de trafic de poids lourds. Depuis plusieurs années les parlementaires alsaciens tentent d'obtenir une taxe similaire mais cela n'a jamais été accepté pour des considérations d'ordre jacobines.
L'habilitation que vous proposez, a estimé le Conseil d'État, est bien trop vague.
Cet amendement inscrit donc dans le dur de la loi, à titre expérimental, une taxe, forfaitaire et en kilométrage parcouru, pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes.
Elle est compensée, pour les transporteurs français, dont nous avons entendu les inquiétudes, par un dégrèvement sur la cotisation foncière.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°161 à l'amendement n°107 rectifié de M. Reichardt, présenté par MM. Todeschini, J. Bigot et Mizzon.
Amendement n° 107
I. - Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
le département d'Alsace a
par les mots :
les départements d'Alsace, de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges ont
II. - Alinéa 3, dernière phrase
Remplacer les mots :
Le département d'Alsace peut
par les mots :
Les départements d'Alsace, de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges peuvent
III. - Alinéa 11
Remplacer les mots :
du département d'Alsace
par les mots :
des départements d'Alsace, de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges
M. Jacques Bigot. - Cet amendement, bienvenu, est le moyen de garantir que ce qui est promis sera fait. Sinon, le département n'y aura gagné qu'une charge supplémentaire. Mais il faut aussi répondre à nos concitoyens de Lorraine. Si la vallée du Rhin se débarrasse des poids lourds, ils se déporteront sur le sillon lorrain.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Retrait de l'amendement n°93 rectifié bis au profit de l'amendement n°107 rectifié ter dont la rédaction devra être parfaite - certaines de ses dispositions pourraient ne pas être conformes à la directive Eurovignette révisée. La commission est également favorable au sous-amendement n°161.
M. Julien Denormandie, ministre. - Avis défavorable aux deux amendements et au sous-amendement.
M. Jacques Bigot. - Merci beaucoup !
M. Julien Denormandie, ministre. - Il faut analyser toutes les options sur la table, c'est l'objet de l'ordonnance. Quant au périmètre géographique du texte, il doit être celui de la déclaration commune du 29 octobre.
M. Claude Kern. - Je préfère la loi aux promesses. L'amendement n°107 rectifié ter est une sécurité, je m'y rallie.
L'amendement n°93 rectifié bis est retiré.
M. Jean-Marie Bockel. - Le sous-amendement n°161 présente un intérêt certain pour les départements limitrophes de l'Alsace. Le risque de report du trafic est réel. On aurait pu étendre le périmètre au Grand Est mais c'est un premier pas. Voter ce sous-amendement est une façon de montrer que nous sommes dans la recherche d'une complémentarité gagnant-gagnant.
M. François Grosdidier. - M. Richert, président de la région Grand Est et de l'Association des régions de France, avait demandé la régionalisation de l'écotaxe poids lourds. Si cela avait été accepté, le problème serait réglé. On ne peut pas traiter l'Alsace sans la Lorraine.
Lors de l'examen de la loi Mobilités, la ministre nous avait renvoyés à ce texte. La croissance du trafic sur l'A31 sera exponentielle. Les nouvelles routes de la soie arrivent au port de Rotterdam, les marchandises descendent par le fer à Bettembourg où se construit une énorme plateforme multimodale et ensuite par l'A31. Les services de l'État le savent parfaitement, ils ne font rien. On ne peut pas régler le problème sur un segment du territoire en ignorant les autres. D'autant plus que le Gouvernement vient de renoncer à porter au niveau européen le projet de liaison fluviale Moselle-Saône à grand gabarit pour relier la mer du Nord à la Méditerranée. Ce n'est pas ainsi qu'on engagera notre pays et l'Europe dans la transition énergétique !
M. Olivier Jacquin. - J'apprécie la solidarité de l'Alsace et de la Lorraine sur cette question.
Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu. L'ordonnance prévoira-t-elle un dispositif symétrique pour l'A31 ? Mieux vaut écrire cela dans la loi.
Mme Laurence Cohen. - Le problème du trafic poids lourds se pose partout. L'écotaxe a été lancée par Nicolas Sarkozy et tentée par François Hollande - ce fut un fiasco. Qui ne souffre pas du trafic des poids lourds ? Je suis du Val-de-Marne, croyez-vous qu'il n'y ait pas de camions à Rungis ? Le fret ferroviaire dépérit, par volonté politique. Nous voterons l'amendement et le sous-amendement mais le problème doit être abordé beaucoup plus globalement.
M. André Reichardt. - Je remercie chaleureusement la rapporteure pour son avis favorable et la commission des lois pour son écoute attentive. Ce sous-amendement est bienvenu. J'entends les inquiétudes des Lorrains. Monsieur le ministre, chat échaudé craint l'eau froide. La taxe sur les poids lourds en Alsace, votée il y a vingt ans malgré l'avis du Gouvernement, n'a jamais trouvé sa concrétisation ; on alléguait toujours des raisons juridiques, techniques et que sais-je encore. La promesse d'une ordonnance ne nous rassure pas, non plus que le projet d'Eurovignette dont on ne sait pas quand il verra le jour. Mieux vaut inscrire les dispositions dans la loi. Les départements concernés, et non la seule Alsace, attendent. Madame Cohen, certes toute la France est concernée, mais en Alsace l'autoroute n'est séparée que de dix kilomètres d'une autoroute allemande, l'A5. Les poids lourds s'y déportent. C'est une catastrophe écologique.
Mme Patricia Schillinger. - Les Alsaciens sont inquiets. Nous voterons cet amendement d'appel. Mais que se passera-t-il à l'Assemblée nationale ? Les débats y seront sans doute plus virulents. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous garantir qu'une mission ministérielle fera une étude pendant au moins six mois pour évaluer les besoins de la nouvelle collectivité ?
M. Jean-Marie Mizzon. - L'amateurisme du Gouvernement me surprend. Il a cru régler à l'échelon d'un département toute la problématique du trafic Nord-Sud. L'Alsace n'est pas au milieu de rien, elle a des voisins : sur la rive droite du Rhin, il y a une taxe ; sur la rive gauche, pas de taxe. Il n'était pas difficile d'imaginer que le trafic se déporterait. Le transfert de la gestion des routes et des autoroutes à la collectivité nouvellement créée est une solution trop simpliste pour résoudre le problème. Je voterai l'amendement et le sous-amendement.
M. Guy-Dominique Kennel. - Je me réjouis du climat apaisé de notre débat, ce soir. Cela s'explique sans doute par l'absence de certains... (Sourires) Je me réjouis aussi que ces amendements montrent clairement que l'Alsace ne souhaite pas se singulariser. Hier soir, j'ai défendu un amendement pour ouvrir les possibilités offertes à la Collectivité européenne d'Alsace à d'autres départements.
Ce soir, nous démontrons à travers cet amendement et ce sous-amendement, que nous pouvons faire autrement que d'attendre d'hypothétiques ordonnances. Inscrivons dans le texte ce qu'il est possible d'y inscrire et espérons que nos collègues députés auront la sagesse, pour une fois, de soutenir nos propositions.
M. Marc Laménie. - Je respecte tous les modes de transport avec une préférence pour le ferroviaire et la voie d'eau. Comment ne pas s'apercevoir que le transport par poids lourds gagne en proportion, que ce soit en Alsace ou en Lorraine, mais aussi, comme mes collègues CRCE l'on dit, dans toutes les régions ? Je voterai cet amendement et le sous-amendement.
M. René Danesi. - Je voterai l'amendement de M. Reichardt car il résulte de deux expériences, l'une heureuse, l'autre malheureuse. Il prévoit l'expérimentation de la taxe sur les poids lourds de 3,5 tonnes pour une durée de cinq ans. En 1995, l'Alsace a accepté d'expérimenter le transport ferroviaire régional des voyageurs. Au bout des cinq ans, l'expérience a été transformée en réalité dans toute la France. C'était l'expérience heureuse.
L'Alsace avait aussi eu l'initiative, grâce à notre ancien collègue député Yves Bur, d'une écotaxe qui n'a malheureusement jamais vu le jour - André Reichardt l'a rappelé. Si l'expérimentation avait eu lieu en Alsace, l'écotaxe n'aurait pas été supprimée, j'en suis convaincu.
M. Julien Denormandie, ministre. - Je remercie les orateurs pour la qualité du débat. Deux sujets nous occupent : la lutte contre l'augmentation du trafic de poids lourd et ses conséquences sur la santé publique et l'aménagement du territoire et les modalités que la nouvelle collectivité pourra utiliser pour lutter contre l'augmentation du trafic de poids lourds. Sur le second, ce texte prévoit une ordonnance. Oui, madame Schillinger, la réflexion doit intervenir au niveau local et national. Tenons-nous en au périmètre du texte, qui a été défini par la déclaration commune du 29 octobre
Le sous-amendement n°161 est adopté.
L'amendement n°107 rectifié ter, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 4
L'amendement n°17 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°143, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Pierre Ouzoulias. - L'article 4 témoigne d'une certaine précipitation. Il aurait fallu consulter les deux comités techniques départementaux. Ne mettons pas la charrue avant les boeufs !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. On ne peut pas créer une nouvelle collectivité sans transférer le personnel.
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis.
L'amendement n°143 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Les amendements identiques nos67 rectifié et 118 sont considérés comme adoptés, par cohérence avec l'amendement n°62 rectifié qui a été adopté à l'article premier.
Les amendements identiques nos67 rectifié et 118, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°109, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche.
Alinéa 1, dernière phrase
Remplacer les mots :
non titulaires
par le mot :
contractuels
Mme Patricia Schillinger. - L'article 2 du décret du 29 décembre 2015 a remplacé la notion d'agents non titulaires par celle d'agents contractuels.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable. L'amendement correspond à l'évolution sémantique en cours.
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis.
L'amendement n°109 est adopté.
Les amendements nos50 et 34 ne sont pas défendus.
L'article 4, modifié, est adopté.
ARTICLE 5
L'amendement n°18 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Les amendements identiques nos68 rectifié et 119 sont considérés comme adoptés, par cohérence avec l'amendement n°62 rectifié qui a été adopté à l'article premier.
Les amendements identiques nos68 rectifié et 119, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
Les amendements nos51 et 35 ne sont pas défendus.
L'article 5, modifié, est adopté.
ARTICLE 6
L'amendement n°19 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°69 rectifié, présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
II. - Alinéas 7, deuxième et dernière phrases, 8, première phrase, et 11, première phrase
Remplacer les mots :
au département
par les mots :
à la Collectivité européenne
III. - Alinéa 13, seconde phrase
1° Remplacer les mots :
le département
par les mots :
la Collectivité européenne
2° Remplacer le mot :
subrogé
par le mot :
subrogée
M. Claude Kern. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°120, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Mme Patricia Schillinger. - Défendu.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°152 rectifié à l'amendement n° 69 rectifié de M. Danesi, présenté par le Gouvernement.
Amendement n° 69 rectifié
A - Après l'alinéa 5
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Alinéa 3, première phrase
Supprimer la référence :
1° du
B - Alinéa 6
Supprimer les mots :
, et 11, première phrase
C - Alinéas 11 à 19
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
II. - Alinéas 11 à 14
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
IV. - À l'exception des aménagements de sécurité dont les financements sont transférés dans les conditions prévues à l'article 3 de la présente loi et aux I, II et III du présent article, l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements continuent d'assurer le financement des opérations routières inscrites au volet routier du contrat de plan État-Région Alsace signé le 26 avril 2015 et modifié par l'avenant aux contrats de plans État-Région (CPER) 2015-2020 Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine signé le 2 décembre 2016, jusqu'au 31 décembre 2020. La maîtrise d'ouvrage des travaux prévus dans ces contrats et non réalisés à cette date est transférée à la Collectivité européenne d'Alsace au 1er janvier 2021. Toutefois, ils continuent d'être financés jusqu'à l'achèvement de ces opérations dans les mêmes conditions, dans la limite des enveloppes financières globales fixées pour les volets routiers des contrats.
M. Julien Denormandie, ministre. - Dans la rédaction de la commission des lois, la base de calcul de la compensation financière due par l'État inclut les dépenses d'investissement réalisées en exécution du CPER. Or les CPER ne peuvent être considérées comme des dépenses récurrentes, ce sont des dépenses exceptionnelles. Les contrats, évidemment, seront honorés.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. La rédaction du texte de la commission est équilibrée. Nous incluons dans la base de calcul toutes les dépenses d'investissement qui relèvent de l'exercice ordinaire de ses responsabilités par l'État en tant que propriétaire de routes - les aménagements de sécurité stricto sensu mais aussi ceux qui visent à améliorer la fluidité du trafic, à prévenir les dommages à l'environnement ou encore la réhabilitation d'ouvrages menaçant ruine. En revanche, nous en avons exclu les dépenses liées à des investissements exceptionnels, c'est-à-dire la construction de voies nouvelles ou l'élargissement de voies existantes.
M. Guy-Dominique Kennel. - Je voterai contre ce sous-amendement. Monsieur le ministre, votre position me surprend. Vous considérez qu'il ne faut pas intégrer le CPER mais l'État demande, quand il y a des transferts entre collectivités, d'intégrer les montants prévus au niveau du CPER.
M. Julien Denormandie, ministre. - Ce n'est pas du tout l'usage ! Peut-être pourriez-vous soumettre, monsieur le sénateur, le cas que vous avez eu à connaître à l'administration pour que l'on y travaille.
Le sous-amendement n°152 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos69 rectifié et 120, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°153, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
compétences
Supprimer la fin de cette phrase.
II. - Alinéa 4
Après le mot :
compétences
Supprimer la fin de cet alinéa.
M. Julien Denormandie, ministre. - Votre commission des lois a, si j'ose dire, introduit une clause de meilleure fortune : calculer le droit à compensation en fonction d'une année de référence fixée à 2018. Ce ne serait pas forcément avantageux. Mieux vaut revenir au mécanisme initial, qui était celui de la loi Maptam.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - La commission a souhaité sécuriser la mise en oeuvre des nouvelles compétences de la Collectivité européenne d'Alsace. La loi Maptam s'appliquait à un moment T, le dispositif est ici différé. Avis défavorable.
M. Guy-Dominique Kennel. - Il faut fixer une année de référence, sinon le Gouvernement aura toute latitude pour mettre la ligne à zéro durant les années qui nous séparent de 2021. Nous nous souvenons de la manière dont a été compensé le passage du RMI au RSA.
M. André Reichardt. - Monsieur le ministre, vous charriez ! Je ne peux pas le dire autrement. D'après l'alinéa 4 de l'article 72-2 de la Constitution, le Gouvernement doit compenser les transferts de charges à une collectivité par des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert. La commission des lois a bien fait d'introduire cette garantie supplémentaire. Entre gens de bonne foi, nous devrions nous entendre.
M. Julien Denormandie, ministre. - Je ne charrie pas, pour reprendre vos termes. La difficulté résulte de ce que le transfert aura lieu en 2021. Évitons les procès d'intention. D'une année à l'autre, la variation peut être de 14 à 10 en passant par 17 qu'il s'agisse de dépenses d'investissement ou de fonctionnement. À voir les chiffres, je crois comprendre pourquoi vous avez choisi l'année 2018 : c'est de bonne guerre (Sourires). La pratique est de procéder au nivellement sur plusieurs années.
L'amendement n°153 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°92 rectifié, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller, MM. Kennel, Kern et Reichardt et Mme Schillinger.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Les opérations routières réalisées par la Collectivité européenne d'Alsace à compter du 1er janvier 2021 sur le réseau routier transféré en application de l'article 3 de la présente loi demeurent éligibles au financement des futurs contrats de plan État-Région. Leur inscription éventuelle dans ces contrats s'opère dans les conditions de droit commun, en fonction de l'intérêt des opérations en cause pour le territoire et sous réserve d'une convention dédiée conclue avec les autres partenaires.
M. André Reichardt. - Cet amendement inscrit dans la loi le principe d'éligibilité au financement des contrats de plan État-Région des futures opérations routières menées par la Collectivité européenne d'Alsace sur le réseau routier national transféré à compter du 1er janvier 2021, eu égard à leur caractère structurant et leur rôle de desserte à l'échelle routière européenne.
C'est la relève de l'équité au niveau national : l'État doit poursuivre son engagement pour l'aménagement des itinéraires structurants de manière homogène sur l'ensemble du territoire.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable. Rien n'empêche l'État de subventionner les opérations dont le maître d'ouvrage est un département. Mais cet amendement est de nature à rassurer.
M. Julien Denormandie, ministre. - Certes, mais il n'est pas utile, vous le dites. Je comprends votre position, mais avis défavorable - tant je sais que le Sénat n'est jamais disposé à prendre des mesures législatives inutiles...
L'amendement n°92 rectifié est adopté.
Les amendements nos52 et 36 ne sont pas défendus.
L'article 6, modifié, est adopté.
ARTICLE 7
L'amendement n°22 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°70 rectifié, présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
I. - Alinéas 1, 4, première phrase, 5, 7 et 9
Remplacer les mots :
Le département
par les mots :
la Collectivité européenne
II. - Alinéas 4, deuxième phrase, 6
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
III. - Alinéas 5 et 7
Remplacer le mot :
substitué
par le mot :
substituée
IV. - Alinéa 8
Remplacer les mots :
au département
par les mots :
à la Collectivité européenne
M. René Danesi. - Défendu.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°110 rectifié à l'amendement n°70 rectifié de M. Danesi, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Amendement n° 70
I. - Alinéa 1
Supprimer les mots :
4, première phrase,
II. - Après l'alinéa 5
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
III. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
Alinéas 4, deuxième phrase, 6
par les mots :
Alinéa 6
Mme Patricia Schillinger. - La commission a introduit un délai d'harmonisation des réglementations départementales en vigueur, après la création de la Collectivité Européenne d'Alsace.
Cette mesure transitoire prévoit que les actes et délibérations demeurent applicables, dans le champ d'application qui était le leur avant la fusion, jusqu'à leur remplacement, pour ceux qui ont un caractère réglementaire, par de nouveaux actes et délibérations applicables sur le territoire de la Collectivité européenne d'Alsace. Ce remplacement devrait intervenir au plus tard le 1er janvier 2027.
Pendant six ans, certaines normes adoptées par les anciens départements demeureraient donc en vigueur jusqu'à leur remplacement.
Nous sommes dubitatifs. Cette dérogation vise-t-elle à garantir la continuité du service public et de l'exercice des compétences départementales ?
Quoi qu'il en soit, ce délai d'harmonisation est une source d'insécurité juridique. Les législations non harmonisées cesseront-elles de produire leurs effets au 1er janvier 2027? Ensuite, ce délai allant au-delà du raisonnable, déroge au principe d'égalité, qui doit présider à tout regroupement interdépartemental.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable au sous-amendement n°110 rectifié. La création d'une collectivité nouvelle est facteur d'instabilité. C'est pourquoi la commission a souhaité lui laisser le temps de s'organiser par un délai de six ans.
M. Julien Denormandie, ministre. - C'est la loi NOTRe qui a introduit ces délais, mais sagesse, au vu des difficultés évoquées par la sénatrice.
L'amendement n°110 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°70 rectifié est adopté.
Les amendements nos53 et 37 ne sont pas défendus.
L'article 7, modifié, est adopté.
ARTICLE 8
L'amendement n°23 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Les amendements identiques nos71 rectifié et 122 sont considérés comme adoptés, par cohérence avec l'amendement n°62 rectifié adopté à l'article premier.
Les amendements identiques nos71 rectifié et 122, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°111, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
Mme Patricia Schillinger. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°158, présenté par le Gouvernement.
A. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. - Les conseillers départementaux de la Collectivité européenne d'Alsace sont élus, à compter du prochain renouvellement général, dans chacun des cantons des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
B. - Alinéa 14
Remplacer les mots :
la commune siège du bureau centralisateur du canton dans lequel ils ont été élus est située
par les mots :
le canton dans lequel ils ont été élus est situé
C. - Alinéas 15 et 16
Supprimer ces alinéas.
M. Julien Denormandie, ministre. - La commission des lois a supprimé l'habilitation à prendre par ordonnance des mesures pour adapter « les règles relatives à la composition du collège électoral concourant à l'élection des sénateurs du Bas-Rhin et du Haut-Rhin », prévue à l'article 9 du texte initial. La commission a préféré inscrire directement ces mesures dans le texte du projet de loi, à l'article 8.
Le Gouvernement envisageait de prendre des dispositions semblables par ordonnance. Il est globalement favorable aux mesures proposées par la commission, sous réserve d'adaptations, proposées dans le présent amendement, pour éviter trois difficultés.
La première est la création de cantons à cheval sur les deux circonscriptions administratives, puisque le texte de la commission laisse cette possibilité ouverte. La rédaction du projet de loi validée par le Conseil d'État l'empêchait, non par principe, mais parce que les circonscriptions législatives doivent respecter les limites départementales et qu'elles sont construites par agrégation de cantons. Avec des cantons « à cheval », des électeurs du Haut-Rhin habitant dans un canton rattaché au Bas-Rhin seraient appelés à élire un député du Bas-Rhin, ce qui poserait un problème de représentativité.
À l'argument d'un risque de divergence démographique entre les cantons des deux circonscriptions, nous répondons qu'il sera toujours possible pour le pouvoir réglementaire d'adapter le périmètre des cantons aux évolutions démographiques sans créer de cantons à cheval.
Deuxième difficulté : fixer le nombre de cantons dans la loi. Cela rendrait impossibles les adaptations par voie réglementaire.
Troisième difficulté : déterminer le nombre de candidats au conseil régional attribués à la nouvelle section correspondant à la Collectivité européenne d'Alsace. Les alinéas 15 et 16 fixeront leur nombre à 60. Il convient en effet que ce nombre soit calculé en fonction des populations actuelles des différentes sections de la région Grand Est, afin de respecter les équilibres démographiques actuels. Les changements à apporter au code électoral pourront l'être par voie d'ordonnance.
L'amendement n°131 rectifié n'est pas défendu.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°111. Sagesse sur l'amendement n°158 ; dès lors que le Gouvernement accepte que soient définies dans la loi les règles relatives à l'élection des sénateurs, nous travaillerons sur les difficultés mentionnées par le ministre, même si des adaptations sont possibles par décret.
M. Julien Denormandie, ministre. - Retrait de l'amendement n°111 au profit de l'amendement n°158.
L'amendement n°111 est retiré.
M. André Reichardt. - Il est écrit dans la déclaration de Matignon que « les conseillers de la Collectivité européenne d'Alsace seront élus en binôme dans les 40 cantons » du périmètre alsacien. Il faut retrouver cette disposition à l'identique dans la loi - ou bien le Gouvernement y aurait-il renoncé ?
Il est piquant de voir le Gouvernement se référer par deux fois à l'avis du Conseil d'État dans l'objet de son amendement. Vous utilisez le Conseil d'État quand vous en avez besoin, ignorant superbement son avis, par exemple, sur la dénomination de la collectivité ou son caractère de département.
M. Jacques Bigot. - Chers collègues, je vous conseille de voter l'amendement du Gouvernement. Ne donnons pas, par une rédaction incertaine, un argument au Gouvernement pour faire de cette collectivité européenne un seul département du point de vue administratif.
La commission des lois a estimé qu'il vaudrait mieux appeler la Collectivité européenne d'Alsace un département, mais nous n'avons pas insisté en séance sur ce point.
Mme le rapporteur nous a appelés à la sagesse. Sagesse vaut prudence. Allez savoir ce qui se passera en 2021...
M. Jean-Marie Bockel. - Dans les discussions préalables, nous avons souhaité conserver les circonscriptions départementales, sénatoriales et autres. Il serait souhaitable que cette disposition soit crantée. Je ne vois pas d'inconvénient à l'amendement du Gouvernement.
M. Julien Denormandie, ministre. - La déclaration commune indique en effet que les conseillers seront élus sur la base des 40 cantons d'Alsace existants. Or le code général des collectivités territoriales, en son article L3113-2, renvoie au pouvoir réglementaire les modifications de périmètre de cantons. Cela nous donne une plus grande facilité d'adaptation.
L'amendement n°158 est adopté.
Les amendements nos54 et 38 ne sont pas défendus.
L'article 8, modifié, est adopté.
ARTICLE 9
L'amendement n°24 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°144, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Laurence Cohen. - Notre groupe n'est pas favorable aux ordonnances, tout particulièrement dans un texte fourni, complexe et large comme celui-ci. Les relations entre le département et l'État, les modifications du droit électoral doivent relever de la loi directement.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. Pour la mise en oeuvre de la Collectivité européenne d'Alsace, des impératifs pratiques imposent le recours aux ordonnances dont nous avons au demeurant circonscrit le contenu.
M. Julien Denormandie, ministre. - Même avis.
L'amendement n°144 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Les amendements identiques nos72 rectifié et 123 sont considérés comme adoptés, par cohérence avec l'amendement n°62 rectifié qui a été adopté à l'article premier.
Les amendements identiques nos72 rectifié et 123, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
Les amendements nos55 et 39 ne sont pas défendus.
L'article 9, modifié, est adopté.
ARTICLE 10
L'amendement n°25 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°58, présenté par M. Grosdidier.
Supprimer cet article.
M. François Grosdidier. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°145, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. - Défendu.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Julien Denormandie, ministre. - Avis défavorable.
Les amendements identiques nos58 et 145 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°138, présenté par MM. Todeschini, Mizzon et Jacquin.
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
M. Olivier Jacquin. - Cet amendement prend tout son sens après l'adoption des amendements nos107 rectifié ter et 161 instaurant une écotaxe pour les territoires de l'Alsace et de la Lorraine. Je n'ai plus de réserves.
Mme la présidente. - Amendement n°95 rectifié, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller, MM. Kennel et Kern et Mme Schillinger.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Précisant les modalités de mise en oeuvre des contributions spécifiques créées à l'article 3 ... de la présente loi pour permettre de maîtriser le trafic routier de marchandises sur les axes situés sur le territoire de la Collectivité européenne d'Alsace ;
M. Claude Kern. - Ces ordonnances doivent se limiter aux modalités de mise en place de la régulation.
Mme la présidente. - Amendement n°155, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
situés sur le territoire
par le mot :
relevant
M. Julien Denormandie, ministre. - Cet amendement revient au texte initial.
Le Gouvernement souhaite en effet limiter la possibilité d'instaurer une contribution spécifique pour réguler le trafic routier de marchandises aux seuls axes relevant de la Collectivité européenne d'Alsace.
Mme la présidente. - Amendement n°134, présenté par MM. Todeschini, Mizzon et Jacquin.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
du département d'Alsace
par les mots :
des départements d'Alsace, de la Moselle, de la Meurthe et Moselle, de la Meuse et des Vosges
M. Olivier Jacquin. - Défendu.
Mme la présidente. - Les amendements identiques nos73 rectifié bis et 124 rectifié sont considérés comme adoptés, par cohérence avec l'amendement n°62 rectifié qui a été adopté à l'article premier.
Les amendements identiques nos73 rectifié bis et 124 rectifié, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°138.
Avis défavorable aux amendements nos95 rectifié, 155, et 134.
M. Julien Denormandie, ministre. - Avis défavorable aux amendements nos55 rectifié, 155, et 134.
M. Jacques Bigot. - Nous allons rencontrer les problèmes des routes relevant de la Collectivité européenne d'Alsace transférées à l'Eurométropole - sur l'A355, par exemple, l'État s'est engagé à indemniser Vinci dans le cas où le trafic de poids lourds n'emprunterait pas cette voie à péage, ce qui suppose cependant d'aménager la traversée de Strasbourg par un boulevard urbain... L'amendement n°138 propose une solution. Admettez, Monsieur le ministre, que les services de l'État n'ont pas le monopole de l'intelligence.
Quoi qu'il en soit, l'adoption de l'amendement n°107 rectifié ter de M. Reichardt règlera le problème.
M. Jean-Marie Mizzon. - Je soutiens l'amendement n°138 qui exprime une solidarité. Comment soutenir une région qui a de l'ambition pour elle-même et ne pas soutenir la voisine qui veut éviter le pire ? Le compromis trouvé est bon.
L'amendement n°138 est adopté.
Les amendements nos95 rectifié, 155 et 134 n'ont plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°156, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Précisant et complétant les dispositions relatives au transfert des routes nationales non concédées mentionnées à l'article 3 de la présente loi, notamment les prescriptions techniques et les règles de police de la circulation applicables au réseau routier transféré ;
M. Julien Denormandie, ministre. - Cet amendement rétablit le 2° de cet article, paragraphe supprimé par la commission des lois.
Les règles de circulation comportent de nombreuses exceptions en fonction de voies. Il faut harmoniser ces règles après avoir examiné les conséquences de leur transfert ou de leur maintien sous telle ou telle autorité. D'où la nécessité d'une ordonnance.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. Le problème de la police des autoroutes a été réglé par ce texte. Il est logique que le président du conseil départemental ait la compétence. D'autant que la commission a introduit des dispositions complémentaires.
M. Jacques Bigot. - Le Gouvernement vient de nous démontrer qu'il n'a rien compris. On a vu le résultat des 80 km/h imposés partout - vous avez vu le résultat, mais vous n'avez rien voulu savoir. Là encore, c'est l'État qui commande, sans doute, puisqu'il est plus intelligent. La déclaration de Matignon est un leurre et l'État n'est pas décentralisateur. Le Grand Est ne cède rien en matière de compétences, et l'État ne cède les routes que parce qu'il paye pour les entretenir. Nous verrons comment le texte nous reviendra, avec ce que vous avez obtenu des marcheurs à l'Assemblée nationale. (Sourires)
M. Julien Denormandie, ministre. - Je voudrais revenir sur vos propos.
M. Jean-Marie Bockel. - Excessifs !
M. Jacques Bigot. - Mais tellement vrais !
M. Julien Denormandie, ministre. - C'est la sagesse sénatoriale... La responsabilité de police varie selon le type de route ou d'ouvrage. Pour faire le travail dans la dentelle, mieux vaut passer par les ordonnances.
Sur les 80 km/h, le président de la République et le Premier ministre ont été clairs. Je suis ingénieur agronome, je sais que ce terrain compte beaucoup...
M. André Reichardt. - Je voterai contre le rétablissement de cet alinéa car, à l'article 3, nous avons voté le transfert de police au président de la Collectivité européenne d'Alsace. Restons cohérents. Le transfert a été souhaité par les présidents de département pour réguler le transit des poids lourds et pour ne pas rester les bras ballants devant d'éventuels usagers abusifs de ce réseau routier et autoroutier.
L'amendement n°156 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Les amendements identiques nos162 et 163 sont considérés comme adoptés, par cohérence avec l'amendement n°62 rectifié qui a été adopté à l'article premier.
Les amendements identiques nos162 et 163, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
Les amendements identiques nos26 et 27 ne sont pas défendus, non plus que les amendements nos56 et 40.
L'article 10, modifié, est adopté.
ARTICLE 11
L'amendement n°28 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Les amendements identiques nos74 rectifié et 125 sont considérés comme adoptés, par cohérence avec l'amendement n°62 rectifié qui a été adopté à l'article premier.
Les amendements identiques nos74 rectifié et 125, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
Les amendements nos57 et 41 ne sont pas défendus.
L'article 11, modifié, est adopté.
INTITULÉ DU PROJET DE LOI
Mme la présidente. - Les amendements identiques nos64 rectifié et 115 sont considérés comme adoptés, par cohérence avec l'amendement n°62 rectifié qui a été adopté à l'article premier.
Les amendements identiques nos64 rectifié et 115, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.
Explications de vote
M. Claude Kern . - Je suis satisfait des débats constructifs de ce soir, différents des deux autres soirs.
Je suis satisfait du compromis trouvé et de la solidarité qui s'est manifestée entre l'Alsace et ses voisins.
Je suis satisfait que la Collectivité européenne d'Alsace soit un département « plus ». Je remercie Mme Canayer pour son excellent travail. Je remercie M. Bas, président de la commission des lois, pour ses interventions pertinentes.
Une petite déception subsiste : la Collectivité européenne d'Alsace n'a pas obtenu le statut de collectivité à statut particulier.
Monsieur le ministre, il est urgent de procéder à une évaluation, une révision en profondeur, voire une remise en cause de la loi NOTRe : nous comptons sur vous ! Je voterai ce projet de loi.
M. Jean-Marie Bockel . - Je me félicite que ce débat qui s'annonçait houleux aboutisse à une solution constructive. Mieux vaut cela plutôt que des non-dits créant des frustrations. Le compromis de Matignon n'est pas un leurre. Il a permis de cranter le débat.
Nous pouvons nous honorer d'avoir eu un vrai débat au Sénat. Les désaccords entre nous étaient forts et l'appréhension que nous nourrissions a eu son utilité.
Nous avons aussi débattu avec le Gouvernement de manière constructive, malgré les tensions. Nous verrons ce qu'il adviendra à l'Assemblée nationale. Espérons que la créativité du Sénat serve à faire surgir un bel accord.
M. André Reichardt . - Je remercie chaleureusement la rapporteure Canayer qui a su faire preuve d'une qualité d'écoute impressionnante. Je remercie aussi Philippe Bas pour le précieux travail d'analyse de la commission des lois et ses apports, car dans sa version initiale, ce texte était d'un apport minimaliste.
Cependant, pour moi, le compte n'y est pas et les attentes des Alsaciens, attestées par les trois sondages que j'ai mentionnés plusieurs fois, sont loin d'être comblées. L'Alsace seule est un territoire à part entière, avec un espace défini, une identité forte et des projets européens. Peut-être suis-je trop impatient ? Je ne crois pas, comme on nous l'a dit, que ce texte soit une première étape. Les Bretons n'ont jamais perdu leur région. Pourquoi les Alsaciens devraient attendre plus longtemps qu'eux ?
Je ne crois pas du tout qu'une future révision constitutionnelle introduise le droit à la différenciation : les esprits en sont trop éloignés. J'en veux pour preuve le vote d'un amendement permettant à tous les départements de métropole et d'outre-mer de se saisir des compétences obtenues par la Collectivité européenne d'Alsace. Pour le Gouvernement, ce texte est bien un aboutissement, signifiant que le débat est clos. Il ne l'est pas pour moi.
Si on avait voulu nous donner plus, on l'aurait fait dès ce soir. Je ne voterai pas ce texte.
M. François Grosdidier . - Je salue le travail de la rapporteure dont la mission était délicate. J'étais tellement opposé à ce texte que j'ai souhaité soulever l'exception d'irrecevabilité, une première pour moi en vingt-cinq ans de vie parlementaire.
Comment accepter que l'État n'apporte de réponses qu'à une fraction du territoire métropolitain alors que les questions se posent dans toute la France ? Il faut plus de décentralisation et de reconnaissance pour les territoires.
Tous les territoires ont une identité, la carte des grandes régions a bafoué toutes ces identités. Les territoires ont besoin de reconnaissance, la France a besoin d'un nouvel élan de décentralisation - mais l'État refuse de lâcher prise, il est en faillite sur ses compétences relevant de la souveraineté mais continue à vouloir imposer même la mise en oeuvre des compétences décentralisées. Les doublons qui subsistent sont entre l'État et les collectivités.
Mme la présidente. - Il faut conclure.
M. François Grosdidier. - On a fait un pas. L'Alsace obtient en partie satisfaction. On a montré que ses voisins le souhaitaient aussi.
Mme la présidente. - Il faut vraiment conclure.
M. François Grosdidier. - Je voterai ce texte qui, sans nos amendements, serait resté anticonstitutionnel.
M. Guy-Dominique Kennel . - Je regrette que cette discussion ait eu lieu durant trois soirées consécutives. Un autre créneau aurait permis au débat d'avoir la place qu'il mérite. (On en convient sur de nombreux bancs.)
Je remercie le président de la commission des lois dont la sagesse est reconnue par tous. Je le remercie d'avoir désigné Agnès Canayer comme rapporteur, à qui j'ai exprimé mon admiration pour le travail important qu'elle a fourni, et son écoute.
Je suis fier d'appartenir à cette maison quand j'entends les discussions que nous avons eues pour améliorer un texte qui était initialement une coquille vide. Le Sénat a su lui donner une charpente, une colonne vertébrale et du contenu. Pour moi, ce n'est qu'un début.
J'espère que le texte qui sort de notre assemblée prospérera à l'Assemblée nationale et que les députés ne le dénatureront pas. Je souhaite qu'il soit adopté en CMP.
Même si je ne suis pas complètement satisfait, nous avons réussi à ouvrir une voie vers d'autres territoires. Ce texte est une nouvelle étape et je le voterai.
M. Jacques Bigot . - Monsieur le ministre, rassurez Mme Gourault. Ce n'était pas de sa faute si les débats n'étaient pas aussi apaisés les soirs précédents.
Mme Gourault a cherché une solution de compromis, avec des oppositions au sein d'un même groupe politique, et des difficultés issues de la loi NOTRe. La fusion des départements est sans doute une bonne chose. Elle va dans le même sens que notre proposition de pôle métropolitain entre Strasbourg et Mulhouse. Bien sûr, la solution trouvée est, pour reprendre l'image utilisée par le président de la commission des lois, comme le pâté d'alouette - où il y a beaucoup de viande de cheval et quelques morceaux d'alouette...
Le Gouvernement doit progresser dans la décentralisation. C'est indispensable pour la France. Au nom de mon groupe, je m'abstiendrai car rien dans ce texte ne justifie de pavoiser.
Mme la présidente. - Il faut conclure.
M. Jacques Bigot. - Il ne faut pas faire croire aux Alsaciens qu'ils ont obtenu une collectivité à statut particulier. (M. Olivier Jacquin applaudit.)
M. Marc Laménie . - Je ne représente ni le Haut-Rhin ni le Bas-Rhin ni la Moselle, mais depuis les Ardennes, je me suis associé au travail que nous avons mené sur ce texte. Les sujets de gouvernance étaient sensibles et nos collègues y ont mis de la passion. Mon département ne compte que 450 communes et 280 000 habitants ; la loi NOTRe y a beaucoup complexifié la situation. Respectons l'expression de la démocratie locale.
Il faut renforcer la confiance entre l'État et les collectivités locales. Il faut aussi que les grandes régions, les intercommunalités et l'échelon de proximité que sont nos communes trouvent leur articulation. Je voterai ce texte.
Mme Françoise Gatel . - Je salue le travail de dentelle effectué par notre rapporteur et par le président de la commission des lois. L'exercice, salutaire, nous a montré la complexité des débats que nous aurons sur la différenciation, la ligne de crête qu'il nous faudra trouver entre la République une et indivisible et l'adaptation aux territoires.
Entre la Bretagne et l'Alsace, il y a la France. Cependant, je suis satisfaite que les Alsaciens aient obtenu ce qu'ils souhaitaient sans faire l'économie de la solidarité avec les autres départements de la région Grand Est.
Monsieur Reichardt, il est inexact de dire que la Bretagne a retrouvé sa région avec la nouvelle carte : la grande région comporte cinq départements ! Mais n'ouvrons pas ce débat... (Sourires)
M. François Grosdidier. - Dommage !
M. René Danesi . - Merci aux membres de la commission des lois, au président Bas et à Mme Canayer. Notre débat a été riche, dense et passionné. Il a beaucoup amélioré le texte initial en allant aussi loin que possible dans le cadre constitutionnel actuel.
Le Gouvernement a tenté de faire revenir le Sénat sur l'accord de Matignon. Je lui saurais gré de ne pas faire marcher sa majorité au son du canon pour dézinguer ce texte.
Au contraire, les Alsaciens considèrent que ce projet de loi, même amélioré par le Sénat, ne va pas assez loin, et attendent que la révision constitutionnelle soit l'occasion de faire un deuxième pas pour retrouver une identité administrative complète. Merci d'avoir rétabli une dénomination qui le laisse espérer.
M. Jean-Marie Mizzon . - Je m'associe aux remerciements adressés aux rapporteur et président de la commission des lois.
Après avoir évoqué cette semaine les routes de la soie et celles du vin, nous nous sommes engagés ce soir sur la route de la concorde. Je sais gré aux Alsaciens d'avoir compris la situation des territoires voisins : on ne construit pas son bonheur sur le malheur des autres ! La belle solidarité qui s'est exprimée nous a mis sur la voie d'un accord quasi-unanime.
En revanche, comme Mme Gatel, je regrette que le Gouvernement n'ait pas privilégié une discussion globale sur le droit à la différenciation à l'occasion de la révision constitutionnelle.
Je voterai néanmoins ce texte très positif. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
Le projet de loi, modifié, est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois . - Merci à mes collègues alsaciens de m'avoir fait découvrir les multiples facettes de la nouvelle Collectivité européenne d'Alsace, merci à tous mes collègues pour la qualité de nos débats, parfois vifs et enflammés, qui ont démontré l'engagement des sénateurs pour leur territoire : ils puisent dans leurs racines la vigueur de leurs convictions.
Nous avons recherché une ligne de crête, un compromis.
Merci au ministre et à Mme Gourault de leur écoute. Ce texte affermit les compétences de l'Alsace, dont la spécificité est reconnue, sans porter atteinte aux compétences des autres départements de la région Grand Est. Ceux-ci pourront prendre certaines des compétences reconnues à l'Alsace.
La qualité des débats sur ce texte présage de celle des débats que nous aurons sur la différenciation, acte III de la décentralisation, dans les mois à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - C'est manifestement une chance de n'avoir assisté qu'à cette troisième soirée... (Sourires) Au moins deux Normands parlaient d'Alsace ce soir !
L'adoption de ce texte marque l'aboutissement de l'intense travail conduit par Jacqueline Gourault, à laquelle je rends hommage.
Ces débats, vous l'avez dit, défrichent la question de la différenciation, de la déconcentration, de la décentralisation. Le Sénat, chambre des territoires, rappelle que plus on est près du terrain, mieux cela marche. Pour le ministre du logement que je suis, la France se divise en six zones ; pourtant, les politiques publiques les plus pertinentes sont celles qui partent du territoire. (Mme Françoise Gatel approuve.) C'est le sens de notre action, par exemple avec le programme Action Coeur de ville. Comptez sur nous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains)
Prochaine séance, mardi 9 avril 2019, à 9 h 30.
La séance est levée à 23 h 45.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mardi 9 avril 2019
Séance publique
À 9 h 30
Présidence : M. David Assouline, vice-président
1. Trente-six questions orales
À 14 h 30
Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président
2. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (n°382, 2018-2019)