Collectivité européenne d'Alsace (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace, en procédure accélérée.
Discussion générale
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Ce projet de loi revêt une importance particulière au vu de l'action que le Gouvernement souhaite mener à l'égard des territoires. Il s'agit, dans l'esprit du droit à la différenciation consacré par le projet de révision constitutionnelle, d'apporter des réponses institutionnelles aux besoins spécifiques des territoires. Sans provoquer un big bang des compétences, il s'agit d'ajuster ce qui peut l'être.
Ce projet vient répondre à une attente des départements alsaciens. Il est le fruit d'un processus de co-élaboration avec les parties prenantes. Il s'agit, en somme, de faire du cousu main qui s'appuie sur une initiative locale.
Depuis l'échec du référendum de 2013 qui visait à créer une collectivité territoriale unique regroupant le conseil régional d'Alsace ainsi que les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, et depuis la création de la région Grand Est, l'Alsace n'a cessé de revendiquer une évolution institutionnelle permettant de donner corps au « désir d'Alsace ».
Mme Catherine Troendlé. - Absolument.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le préfet de région Marx, chargé de mener la concertation, a proposé un rapprochement des deux départements dans un nouveau département, lequel se verrait confier, dans le cadre du droit à la différenciation, des compétences complémentaires essentielles au vu de son caractère transfrontalier.
Je me suis rendue à de nombreuses reprises sur le terrain et ai travaillé en lien étroit avec Élisabeth Borne et Jean-Michel Blanquer.
Une déclaration commune a été conclue le 29 octobre et signée par le Premier ministre et les exécutifs des collectivités territoriales. Elle trouve à présent sa traduction dans ce projet de loi.
Première étape de la Collectivité européenne d'Alsace : le regroupement des conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin en un seul, par le décret du 27 février, après délibération favorable des deux conseils départementaux le 4 février.
Deuxième étape : le transfert de compétences particulières en matière de coopération transfrontalière, de bilinguisme, de tourisme et de transports.
Troisième point : le développement des politiques culturelles, économiques et sportives, qui font l'objet d'un travail approfondi et donneront lieu à des actes réglementaires.
Les articles premier, 2 et 3 de ce projet de loi sont relatifs aux compétences, les articles 4 et 5 au personnel, l'article 6 aux modalités de compensation des transferts, les articles 7 et 8 aux dispositions transitoires, les articles 9 et 10 aux ordonnances nécessaires pour garantir le bon fonctionnement de la Collectivité européenne d'Alsace et régir le transfert des routes.
Au 1er janvier 2021, la Collectivité européenne d'Alsace exercera le socle classique des compétences départementales auxquelles s'ajouteront des compétences en matière transfrontalière, selon un principe de chef de filât de la collectivité sur son territoire. Elle établira un schéma alsacien de coopération transfrontalière et pourra décliner un volet opérationnel sur les projets structurants en matière de santé, mobilité, de formation professionnelle. Elle pourra ainsi se voir déléguer, par l'État, la région ou des EPCI des compétences pour leur mise en oeuvre. Le système de délégation ad hoc est valable pour toutes les collectivités concernées.
Des compétences sont spécifiques au bilinguisme, les Alsaciens ayant beaucoup insisté sur le facteur de mobilité professionnelle que constitue la langue allemande.
Mme Catherine Troendlé. - Oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avec Jean-Michel Blanquer, nous avons particulièrement travaillé pour développer l'enseignement de l'allemand en complémentarité des enseignements nationaux. La Collectivité européenne d'Alsace pourra créer un vivier d'enseignants afin d'aider l'Éducation nationale à accélérer les recrutements. Nous sommes engagés à obtenir des progrès à la hauteur des besoins.
En matière touristique, la Collectivité européenne d'Alsace animera et coordonnera l'action des collectivités, en cohérence avec le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs.
Le projet de loi acte le transfert des routes nationales et autoroutes non concédées situées en Alsace, sur lesquelles la Collectivité européenne d'Alsace pourra lever des ressources spécifiques contribuant à maitriser le trafic routier de marchandises. Il s'agit de régler un problème qui préoccupe les Alsaciens depuis longtemps.
Mme Catherine Troendlé. - Absolument !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Par ailleurs, la Collectivité européenne d'Alsace pourra transférer des portions de voies à l'eurométropole de Strasbourg. Là encore, le Gouvernement a cherché à faire du sur-mesure pour l'Alsace, comme il souhaite le faire sur l'ensemble du territoire, dans la logique de différenciation.
Ce projet de loi est un point d'équilibre, concret et pragmatique, élaboré avec les principaux intéressés. Je souhaite rester dans une fidélité constante au processus politique qui a abouti à la déclaration commune du 29 octobre 2018. Nous avons évité les écueils et sommes arrivés à un projet cohérent qui répond au désir d'Alsace. Continuons sur cette voie. (MM. René Danesi, Guy-Dominique Kennel et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'histoire mouvementée de l'Alsace, son identité, ses particularités géographiques et son bilinguisme ont fortifié l'affectio societatis qui justifie la reconnaissance du « désir d'Alsace ». Cette spécificité a été exacerbée par le redécoupage des régions en 2015 qui a dissout l'Alsace dans la région Grand Est - contre l'avis du Sénat. (M. André Reichardt renchérit.)
Tout s'accélère en janvier 2018 avec la mission confiée au préfet Marx, qui préconise, le 15 juin, la fusion des deux départements auxquels seraient confiées des compétences nouvelles.
Le 29 octobre est signée une déclaration à Matignon, fruit d'une intense négociation entre le Gouvernement et les présidents des départements alsaciens et de la région Grand Est. Cet accord, ciselé à la virgule près, prévoit la création au 1er janvier 2021 de la Collectivité européenne d'Alsace qui bénéficiera, outre les compétences départementales, de prérogatives particulières, qui restent à vrai dire cosmétiques. (M. André Reichardt approuve.)
Le 4 février, les deux départements délibèrent pour demander leur fusion, à une très large majorité dans le Bas-Rhin et à l'unanimité dans le Haut-Rhin.
Créée par le décret du 27 février, cette nouvelle Collectivité d'Alsace est un département « plus », mais pas plus que cela. Son nom pouvait prêter à confusion, c'est pourquoi la commission des lois au Sénat a préféré l'appellation plus rigoureuse de département d'Alsace.
Mme Catherine Troendlé. - À tort !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Ce problème sémantique ne doit pas cacher l'enjeu du débat, à savoir les nouvelles compétences données à la collectivité.
Comme tout compromis, ce texte suscite de vives insatisfactions, tant de la part de ceux qui souhaitent une collectivité à statut particulier que de ceux qui réclament les mêmes avantages que l'Alsace
S'il ne résout pas les difficultés nées du redécoupage des régions et de la loi NOTRe, il est attendu par de nombreux élus alsaciens car il donne du contenu à l'entité Alsace. Reste qu'il ne peut être déconnecté de l'acte III de la décentralisation ni du droit à la différenciation qui a vocation à s'appliquer à tous les départements.
La nouvelle « Alsace » doit être considérée comme une expérimentation dans cette perspective, sur laquelle travaille une mission présidée par M. Darnaud. (Marques d'approbation sur les bancs du groupe Les Républicains)
En conséquence, je vous propose d'accepter le compromis négocié par les élus alsaciens et le Gouvernement et largement amélioré par le Sénat. Nous sécurisons notamment dans la loi les dispositions électorales prévues dans les ordonnances.
Le transfert de la compétence coopération transfrontalière est essentiel pour répondre aux spécificités alsaciennes. La commission des lois a souhaité donner à la collectivité des moyens de l'exercer dans le cadre d'un schéma de coopération transfrontalière, et a autorisé les EPCI à déléguer tout ou partie de leurs compétences à la Collectivité européenne d'Alsace.
Le développement du bilinguisme est un autre point essentiel. La collectivité d'Alsace pourra recruter un vivier d'enseignants germanophones et organiser un enseignement complémentaire sur le temps périscolaire, dans les établissements.
Afin d'amplifier ces dispositions pragmatiques, la commission des lois a souhaité inscrire dans la loi le principe de chef de filât. Elle a introduit un article autorisant la création de chaînes de télévision régionales.
Avec plus de 20 millions de visiteurs par an, le tourisme constitue en Alsace un secteur économique majeur. Conformément à la déclaration commune de Matignon, le Sénat a densifié la compétence du département d'Alsace en matière de promotion de l'attractivité de son territoire et prévu la création d'un Conseil de développement.
Le transfert d'autoroutes au département - seule véritable innovation - est justifiée par la nécessité de réguler le trafic de marchandises, déporté des routes allemandes sur les routes alsaciennes. Il faut toutefois accompagner ce transfert de moyens pour permettre à la nouvelle collectivité d'endiguer la circulation des camions : créer une nouvelle catégorie d'autoroutes départementales ; sécuriser le transfert du personnel affecté aux voiries pour éviter les problèmes rencontrés en 2004 ; compenser le transfert de charges par des ressources équivalentes, conformément à l'article 72-2 de la Constitution. C'est le sens de l'article 6 qui prévoit une compensation de charges à hauteur de la moyenne des cinq années précédentes pour les investissements, de trois années pour le fonctionnement. Le Sénat a ajouté que cette compensation ne pourra être inférieure aux montants de 2018.
M. André Reichardt. - Très bien.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - La création d'une écotaxe reste bien vague et soulève de nombreuses questions. La commission des lois ne l'a pas supprimée mais sera vigilante sur sa mise en oeuvre ainsi que sur la continuité des engagements de l'État sur l'A355.
Ce texte autorise l'Alsace à expérimenter de nouvelles compétences pour renforcer l'attractivité économique de son territoire. Reprenant les dispositions adoptées en juin dans la proposition de loi sur l'équilibre territorial et la vitalité démocratique, nous avons souhaité que le département d'Alsace puisse octroyer des aides aux entreprises, sur délégation de la région.
Enfin, la commission a réintroduit dans le corps du texte plusieurs dispositions électorales prévues par ordonnance.
En adoptant ce texte, le Sénat remplit parfaitement son rôle de Chambre des territoires. Entendant le « désir d'Alsace », il a amplifié les compétences du nouveau département. Il a aussi entendu la volonté légitime des autres départements de voir leur spécificité reconnue au nom de la différenciation. L'expérience alsacienne devra nourrir le débat sur l'acte III de la décentralisation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains ; M. Claude Kern et Mme Élisabeth Doineau applaudissent également.)
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Grosdidier.
En l'application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace (n° 413, 2018-2019).
M. François Grosdidier . - Ce projet de loi est une mauvaise réponse à de bonnes questions. Une réponse qui n'est pas constitutionnelle ! La question est celle du désir d'Alsace. Cependant, le sentiment est partagé par tant de Français dont l'identité territoriale a été rayée de la carte par la création de nouvelles régions, découpées sur un coin de table, sous François Hollande.
M. André Reichardt. - Tout à fait !
M. François Grosdidier. - La question, c'est celle du besoin de décentralisation, de subsidiarité, de circuits courts dans les décisions publiques. Les Alsaciens vont vite se sentir bernés...
Le régime institutionnel français, dans les faits, est une forme de césarisme technocratique - même si cette tendance n'est pas la vôtre, madame la ministre, qui représentez une tradition centriste, parlementaire et décentralisatrice.
Le mouvement des gilets jaunes a révélé cette crise de la démocratie représentative. Une démocratie parlementaire entravée, l'Assemblée nationale étant transformée en chambre d'enregistrement et le rôle du Sénat contesté par l'exécutif, une démocratie locale corsetée et étouffée, une démocratie sociale bloquée. De tous les territoires montent un désir de reconnaissance, une soif de liberté et de décentralisation.
Il est vrai que les Alsaciens, qui ont une identité culturelle forte, le disent plus fort que les autres. On le sait depuis 1918, Paris a toujours davantage entendu les revendications bruyantes des Alsaciens que les pâles suppliques des Mosellans. (Exclamations ; Mme Catherine Troendlé s'étonne.)
M. Bruno Sido. - Ce n'est pas normal !
M. François Grosdidier. - Ces justes revendications portées par les Alsaciens sont partagées par tous les Français. Le Gouvernement ne peut satisfaire ceux qui parlent plus fort en frustrant les autres ; cette inégalité de droit serait anticonstitutionnelle.
La loi permet déjà de fusionner Bas-Rhin et Haut-Rhin en un seul département. Le discours du Gouvernement est un enfumage. Il appelle « collectivité européenne » ce qui n'est qu'un département, comme l'a rappelé le Conseil d'État.
Il fait croire que subsistent deux départements ? À l'heure des regroupements, Colmar ne restera pas longtemps une préfecture...
Mme Catherine Troendlé. - C'est ce qu'on verra !
M. François Grosdidier. - Nos collègues alsaciens ne s'y trompent pas et demandent que l'Alsace soit érigée en collectivité à statut particulier - ce qui est constitutionnellement impossible. Les collectivités à statut particulier existent en France métropolitaine sur critère démographique ou physique, pas sur critère culturel. Bretons et Basques seraient tout aussi fondés à le demander !
Mme Catherine Troendlé. - Parfaitement !
M. François Grosdidier. - Il faut plus de liberté pour tout le monde et pas seulement pour les Alsaciens.
Impossible, constitutionnellement, de donner des prérogatives au seul département d'Alsace ; cela créerait une rupture de l'égalité des droits entre départements. (Mme Catherine Troendlé le conteste.)
L'Alsace et la Moselle sont dans la même situation culturelle, linguistique, juridique et géographique. Plus de 100 000 Mosellans franchissent tous les jours la frontière pour aller travailler au Luxembourg ou en Allemagne.
Ce texte permettrait à l'Alsace de mettre en place l'écotaxe que le Gouvernement n'a pas souhaité inscrire dans le projet de loi Mobilités adopté cet après-midi même. En permettant l'écotaxe en Alsace et pas en Lorraine, le Gouvernement favorisera le déport du trafic Nord-Sud de l'A35 vers l'A31 au détriment des Lorrains.
M. Jean-Marc Todeschini. - Eh oui !
M. François Grosdidier. - Même sans ce déport, les investissements sur les plateformes multimodales à Bettembourg au Luxembourg vont aggraver la situation. Les nouvelles routes de la soie arrivent à Rotterdam et se prolongent à Bettembourg ; de là, les camions empruntent l'A31 !
La violation du principe républicain d'égalité va entraîner des désordres considérables sur le terrain. Tous les territoires de la République française souhaitent plus de libertés mais sans rupture d'égalité ; je le dis fraternellement à mes collègues alsaciens. Il nous faut un texte de portée générale, pas ce projet de loi générateur d'inégalité et anticonstitutionnel. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)
Mme Jacky Deromedi . - Selon François Grosdidier, le texte accorderait à l'Alsace des compétences spécifiques de manière injustifiée, inopérante et inconstitutionnelle. Cette interprétation de la Constitution est restrictive ; en nous dessaisissant, nous risquerions de passer à côté d'un texte intéressant de près les collectivités territoriales. L'Alsace ne serait pas le premier territoire à se voir doter de compétences dérogatoires au droit commun. Il n'est qu'à voir la Corse, Paris ou Lyon, sans parler de l'outre-mer.
L'article 34 de la Constitution confie au législateur le soin de déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales. Mais l'article 72 n'exclut pas l'ajustement de certaines compétences des collectivités de droit commun, dont les départements. De plus, dans une décision de 1991, le Conseil constitutionnel a estimé que le principe d'égalité ne s'opposait pas au règlement différent de situations différentes au nom de l'intérêt général.
Mme Catherine Troendlé. - Absolument !
Mme Jacky Deromedi. - Certes, le choix du Gouvernement pour l'Alsace n'est peut-être pas le plus intuitif, mais le Conseil d'État n'y a cependant vu aucun risque d'inconstitutionnalité. L'absence d'une réforme globale des collectivités n'interdit en rien une loi d'une portée plus limitée. Refuser d'examiner ce texte ne serait pas une réponse mesurée.
Le transfert des compétences relatives au transport ne constitue pas une entorse à l'unité et l'indivisibilité de la République. Compte tenu de la situation particulière du corridor rhénan, le sujet mérite d'être débattu.
Adopter cette motion écarterait le Sénat de l'élaboration d'un texte important pour l'Alsace et pour les collectivités territoriales en général. Le décret instituant la collectivité d'Alsace ayant été adopté, nous ne pouvons l'ignorer par principe.
M. Jean-Marc Todeschini. - Et pourquoi ?
Mme Jacky Deromedi. - Prenons le temps d'y travailler et de faire entendre la voix du Sénat, au service de l'Alsace et de toutes nos collectivités. Je vous invite à rejeter cette motion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. Le Sénat remplit sa mission de chambre des territoires en adoptant un texte mesuré.
L'Alsace est un département « plus », mais pas plus. La Constitution n'interdit pas au législateur de conférer des compétences particulières à une collectivité territoriale, à condition que cela soit justifié par une différence de situation ou un motif d'intérêt général. Le Conseil d'État a reconnu les particularités de l'Alsace ; en outre, les compétences transférées restent très limitées.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - La constitutionnalité de l'octroi de compétences supplémentaires à la Collectivité européenne d'Alsace est un point de droit sur lequel le Gouvernement a pris soin de saisir le Conseil d'État. Dans son avis du 7 décembre 2017, celui-ci a considéré que certaines différences dans la répartition des compétences étaient possibles dès lors qu'elles restaient limitées et conformes au principe d'égalité tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel. Celui-ci a jugé dans sa décision du 6 mai 1991 sur la loi instaurant la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) qu'il ne s'opposait pas à ce que le législateur traite différemment des situations différentes, pourvu que la différence de traitement soit en rapport avec l'objet de la loi. C'est le cas de l'Alsace !
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a parfaitement reconnu ce principe sur la question des routes. Il a reconnu la situation particulière des deux départements en matière linguistique. Rien d'inconstitutionnel dans le transfert des compétences à l'Alsace.
Vous indiquez que certaines dispositions du projet de loi ne seraient pas normatives. Il apparaît au Gouvernement que le législateur reconnaît les spécificités alsaciennes. Quant à étendre les bénéfices de compétences similaires à d'autres départements frontaliers ou fortement marqués culturellement, le Gouvernement considère que l'exercice de compétences supplémentaires doit être accordé à la demande des collectivités territoriales concernées. Je suis à votre disposition.
La révision constitutionnelle offrira des possibilités de différenciation plus larges. Par conséquent, le Gouvernement souhaite le rejet de votre motion.
Mme Laurence Harribey. - Entre Jacky et Didier, mon coeur balance... (Sourires) C'est une affaire territoriale qui divise profondément des membres d'un même groupe. Ayons, dans ce cas, recours à la raison ! (Exclamations sur divers bancs) Cette motion pose un problème juridique : on peut certes pointer des affirmations incantatoires dans le texte, mais justement elles sont sans prise juridique et donc non exorbitantes. Il n'y a pas de problème d'irrecevabilité. Le groupe SOCR votera donc contre cette motion.
M. André Reichardt. - Je m'exprime ici sur les trois motions.
Monsieur Grosdidier, je comprends votre initiative - j'ai même envisagé quelque chose d'analogue - tant ce texte est loin des attentes des Alsaciens. Ils n'ont pas demandé une collectivité européenne d'Alsace. Dans leur grande majorité, les Alsaciens veulent un retour à leur organisation antérieure. Mais il est préférable de travailler à l'enrichissement de ce texte pour répondre à ce désir d'Alsace. C'est un acte de foi dans nos débats !
Le travail du rapporteur, de la commission des lois, peut encore être prolongé pour enrichir ce texte, sans léser nos amis Lorrains ou Champardennais.
J'aurais certes préféré une remise à plat de la loi NOTRe ; en attendant, faisons de cet examen un laboratoire des travaux à venir.
M. Jean-Marie Mizzon. - J'ai beaucoup de sympathie pour les Alsaciens - et singulièrement pour les sénateurs alsaciens... (Sourires) Mais il arrive que je ne les rejoigne pas. Quelqu'un disait : l'amoureux qui espère est plus heureux que celui qui a obtenu. (Mouvements divers) Nous reviendrons sur le terrain juridique...
M. Jean-François Husson. - C'est sûr !
M. Jean-Marie Mizzon. - ... mais soyez patients !
J'attire votre attention sur les dégâts collatéraux. Les gens sont las des réformes territoriales qui se sont succédé. En bon français : arrêtez de nous embêter ! (Applaudissements sur divers bancs au centre et à droite)
Les poids lourds qui empruntent la rive gauche du Rhin pour éviter la taxe imposée sur la rive droite se reporteront, demain, sur le sillon lorrain.
Le fond doit toujours l'emporter sur la forme. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UC et RDSE ; Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Question préalable
M. le président. - Motion n°159, présentée par M. Masson.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace (n° 413, 2018-2019).
M. Jean Louis Masson . - Je soutiens à 100 % les aspirations des Alsaciens à retrouver leur région. Nos divisions sont la faute du Gouvernement !
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est vrai ! (On renchérit sur divers bancs.)
M. Jean Louis Masson. - Le Gouvernement dit qu'il répond à leurs attentes ; je regrette que Mme le rapporteur lui emboîte le pas, comme si tout allait bien : c'est un mensonge ! À 80 %, d'après les sondages, les Alsaciens estiment que la région Grand Est, c'est la chienlit. Les deux tiers veulent retrouver leur région.
Madame la ministre, vous répondez n'importe quoi. (On se récrie sur plusieurs bancs.) Mais si, vous répondez à côté de la plaque ! Il y a deux solutions : soit supprimer tout de suite la région Grand Est, soit soumettre la question à un référendum entre votre petit bricolage et le retour à une région Alsace...
M. Bruno Sido. - Très bien !
M. Jean Louis Masson. - Comme vous savez que vous brusquez les Alsaciens, vous n'en voulez pas ! J'ai décidé de m'investir sur ce dossier. Le Gouvernement Valls a lancé la course au gigantisme en créant des entités régionales démesurément étendues au mépris de l'article L4122-1 du code général des collectivités territoriales selon lequel les habitants sont consultés sur le redécoupage de leurs régions.
Mme Nathalie Goulet et M. Claude Kern. - Très juste !
M. Jean Louis Masson. - Cela repose sur l'idée fausse que les regroupements engendreront des économies d'échelle ; un rapport de la Cour des comptes a montré qu'il n'en était rien, et que la fusion avait même créé des surcoûts !
M. Bruno Sido. - C'est vrai !
M. Jean Louis Masson. - Le cas de l'ancienne région Alsace est le plus emblématique : on a étouffé l'idée séculaire d'une région pour créer une entité démesurée, deux fois plus grande que la Belgique, pourtant divisée en trois, la Wallonie, la Flandre et Bruxelles... Il faut 3 h 34 pour rallier Troyes à Strasbourg en voiture, 4 heures en train, contre 1 h 58 de Troyes à Paris en voiture et 1 h 23 en train ! Le journal Les Dernières Nouvelles d'Alsace a même révélé le 18 juillet 2018 que les frais de déplacement de la région Grand Est avaient bondi de 51 % en 2017 par rapport au total des trois anciennes entités...
M. Bruno Sido. - Et voilà !
M. Jean Louis Masson. - Comme en Corse, la population alsacienne est très attachée à son territoire, son identité, ses spécificités linguistiques et religieuses. Selon un sondage de l'IFOP, 66 % des Alsaciens veulent une région Alsace de plein exercice : deux sondages menés par BVA et un autre institut, jusqu'en février 2019, l'ont attesté. Il n'y a aucune ambiguïté.
Mais le microcosme politique est plus divisé : les calculs politiciens sont à l'oeuvre, l'intérêt personnel l'emportant sur l'intérêt général.
Trois courants sont hostiles : les élus socialistes qui ne veulent pas désavouer le Gouvernement Valls, les sénateurs LaREM et Modem s'alignent sur le Gouvernement, enfin les élus Les Républicains sont divisés, car la région est présidée par l'un des leurs ! Jean Rottner, après avoir lancé une pétition pour le maintien d'une région Alsace de plein exercice, a tourné, une fois à la tête de la région Grand Est... (Exclamations)
Le président de la République est pénétré de l'idée, très répandue dans les milieux parisiens, que plus une région est étendue, mieux elle est gérée.
Le Gouvernement craint, lui, d'ouvrir la boîte de Pandore des revendications territoriales. Il propose une pompeuse appellation de collectivité européenne d'Alsace, à laquelle l'État et la région Grand Est délégueraient quelques compétences marginales. C'est un leurre, pour masquer la réalité : celle d'un département de droit commun ! Avec le logo de l'Alsace sur les plaques minéralogiques, les Alsaciens voient loin ! (Mme Catherine Troendlé proteste.)
L'Alsace resterait en fait inféodée au Grand Est ; les territoires des deux autres anciennes régions resteraient englués dans le Grand Est, trop grand pour permettre la moindre gestion de proximité. Seuls le Gouvernement et quelques profiteurs sont satisfaits.
M. le président. - Veuillez conclure...
Mme Catherine Troendlé. - C'est fini ! (On renchérit sur plusieurs bancs de part et d'autre de l'hémicycle.)
M. Jean Louis Masson. - Seule vraie solution, une région Alsace de plein exercice, pour une gestion de proximité au plus près des réalités du terrain.
Mme Catherine Di Folco. - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) D'après cette motion, ce texte ignore la volonté des Alsaciens. Certes, les changements de la carte des régions ont causé des frustrations. Pour autant, le Sénat n'ignore pas le désir d'Alsace des élus et des citoyens alsaciens.
Le projet de loi entame l'aménagement d'un ensemble alsacien pour commencer à y répondre. Refuser de discuter ce début de réponse, c'est ne pas répondre à des questions immédiates et concrètes.
De plus, le décret de mise en place de la nouvelle collectivité territoriale a déjà été pris. Le Sénat ne peut laisser la main à l'Assemblée nationale (Mme Catherine Troendlé approuve.) alors que l'article 24 de la Constitution lui assigne la représentation des collectivités territoriales de la République.
La question de l'Alsace ne cessera pas de se poser, même si le Sénat refuse de discuter ce texte. C'est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - La commission n'a pu examiner formellement cette motion, mais s'est prononcée sur la question préalable de M. Grosdidier, retirée depuis.
Monsieur Masson, si vous aviez écouté ce que j'ai dit en discussion générale, vous auriez entendu que nous sommes moyennement enthousiastes. Puis, on peut rester courtois, rien ne vous oblige à vous enfermer dans une attitude belliqueuse.
Même d'ambition limitée, ce texte ne saurait être rejeté en bloc, surtout amélioré par la commission.
Mme Catherine Troendlé et M. Bruno Sido. - Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Gouvernement est contre.
Mme Véronique Guillotin. - Attachée à la discussion, le groupe RDSE votera contre cette motion.
Il est faux de dire que la région Grand Est n'a pas dégagé d'économies de fonctionnement. Au contraire, elles s'élèvent à 10 millions d'euros par an depuis sa création, 100 millions d'euros en tout en incluant les investissements, notamment dans les transports.
Le groupe qui a fait scission, ce sont cinq membres sur la centaine qui composent le conseil régional. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. le président. - Je rappelle qu'il n'y a qu'une seule explication de vote par groupe... (M. Daniel Gremillet, qui avait demandé la parole au nom du groupe Les Républicains, indique qu'il la cède à M. René Danesi)
M. René Danesi. - Merci. Ce que dit la motion de la volonté des Alsaciens est vrai, mais la politique, c'est l'art du possible.
Le Gouvernement n'a pas voulu pour l'Alsace le même statut que pour la Corse, Paris et Lyon. Il a eu tort. Cela aurait eu le mérite de la clarté et de la simplicité. Mais les deux conseils départementaux d'Alsace ont choisi le pragmatisme, et je propose de les suivre. Le texte marque une avancée, malgré tout, par rapport à la situation actuelle. Votons contre cette motion.
La motion n°159 n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
M. Alain Marc . - Après l'échec du référendum en 2013 et l'entrée en vigueur de la nouvelle collectivité territoriale régionale en 2016, les élus alsaciens ont voulu redonner à leur territoire une identité forte, historique, linguistique et culturelle.
Le Gouvernement a décidé, à la demande des élus locaux, par un décret du 27 février 2019, de fusionner les deux départements, à partir du 1er janvier 2021, en une « collectivité européenne d'Alsace ». Le projet de loi en tire les conséquences techniques, sur l'action frontalière, la promotion des langues régionales, le tourisme, la voirie, etc. Mais les apports sont modestes en réalité. Aussi me réjouis-je que la commission des lois ait enrichi le projet de loi, en consolidant les compétences de la nouvelle collectivité et en lui donnant les moyens de les exercer.
Le nom de département d'Alsace est juridiquement plus exact. En déléguant aux EPCI à fiscalité propre les compétences relatives au schéma, la commission a fait preuve de souplesse et de réalisme. Elle a en outre renforcé d'autres compétences, notamment sur les langues régionales.
Les politiques de développement économique ont été assouplies sur une base conventionnelle. De même, la commission a renforcé la clause de sauvegarde sur les emplois transférés par l'État. En outre, elle a souhaité garantir au nouveau département alsacien la compensation intégrale des charges nouvelles qui lui incomberont en raison du transfert de la voirie nationale non concédée, conformément à l'article 72-2 de la Constitution.
Enfin, le Conseil de développement auprès du département accompagnerait la mise en oeuvre des transferts de compétences.
Toujours très attentif au besoin de proximité qui s'exprime en Alsace et sur l'ensemble du territoire, le groupe Les Indépendants votera ce texte enrichi par la commission des lois.
Mme Patricia Schillinger . - Il est demandé au Sénat d'accompagner les Alsaciens et leurs élus qui portent leur désir d'Alsace plus fermement encore depuis la fusion des régions et qui partagent un projet de collectivité répondant aux demandes des habitants.
La Collectivité européenne d'Alsace est un leurre ou une tromperie pour certains, un risque de désintégration de la Nation pour d'autres. Mais l'opposition entre universalisme et particularisme est stérile. L'Alsace veut écrire une nouvelle page de son histoire. Pierre Pflimlin disait : « Je suis Européen parce que je suis Alsacien. »
La Collectivité européenne d'Alsace s'inscrit dans la continuité des engagements pris par le président de la République à savoir accompagner les initiatives au niveau local sans pour autant provoquer un big bang des compétences. Ce projet est le fruit d'un long travail des élus locaux. Je rends hommage à Brigitte Klinkert et Frédéric Bierry, qui ont consacré tant d'heures et tant de kilomètres à des centaines de rencontres avec les habitants. Je remercie également Jean-Luc Marx, le préfet de la région Grand Est, missionné dès janvier 2018. Madame la ministre, vous vous êtes rendue à de nombreuses reprises sur le terrain, en lien étroit avec Élisabeth Borne et Jean-Michel Blanquer.
Les élus et le Gouvernement ont su écouter le désir d'Alsace pour élaborer un projet cousu main avec cette collectivité européenne d'Alsace au socle de compétences enrichi.
Ce projet a fait l'objet d'une déclaration commune en octobre dernier que ce projet de loi traduit juridiquement.
Je salue les avancées rendues possibles par la commission. À titre personnel, je souhaite que les amendements alsaciens soient adoptés, afin que la Collectivité européenne d'Alsace soit la promesse heureuse d'un avenir serein.
Mais pourquoi débaptiser à Paris ce qui a été nommé en Alsace ? Au nom de quoi balayer d'un revers de main le fruit d'un accord patiemment construit ? Le Conseil d'État a relevé un risque de méprise mais le Gouvernement et les élus ont tranché. Imposer aux Alsaciens, en fin de parcours, un nom qu'ils n'ont pas choisi serait une marque de mépris qui affecterait longtemps l'image de notre assemblée...
M. Jean-Marc Todeschini. - On tremble !
Mme Patricia Schillinger. - Puisse le Sénat devenir la cigogne qui livrera un nouveau-né à la maison ! (Sourires) Comme le dit le proverbe alsacien, « quand les cigognes sont là, le monde est en bon état ». (Même mouvement) Pour une Alsace sereine, plutôt qu'une Alsace libre ! (M. François Patriat applaudit.)
M. Pierre-Yves Collombat . - Pardonnez-moi, je ne suis pas une cigogne... (Sourires) Au nom du droit à la différence territoriale, ce bricolage législatif, ni fait ni à faire, est une nouvelle étape de l'organisation du démembrement de la République une et indivisible qui porte le nom de France. Une entreprise ancienne, dont la loi NOTRe a marqué un temps fort. En l'espèce, une différenciation, assortie, comme d'habitude, du désengagement de l'État : transfert des routes qui n'en ont pas encore fait l'objet, des autoroutes, de l'enseignement des langues et des classes bilingues, on peut craindre la suite... que serait un nouvel acte de décentralisation dont voici le prélude !
Revenir par la loi sur les décisions référendaires qui déplaisent devient une fâcheuse manie...
Deuxième curiosité : la Collectivité européenne d'Alsace cohabitera avec les services de l'État.
Troisième étonnement : que changera la nouvelle organisation territoriale, de même que la désignation d'un chef de file ? La vraie solution serait de revenir à notre tradition administrative qui a su concilier petites nations locales et grande nation, en revenant sur la répartition bureaucratique des compétences entre région et département, la suppression de la compétence générale des départements, bref, en revenant sur les boursouflures récentes qui ont compliqué la gestion locale.
Le jacobinisme français est une combinaison de centralisme et de liberté locale : voyez notre commune, disposant d'une autonomie bien supérieure à ses homologues anglaise, allemande ou américaine ! Comme l'a montré Pierre Grémion, dans le système administratif classique, le préfet n'est pas que la courroie de transmission, c'est aussi le porte-parole des territoires et des élus auprès de l'Union européenne, qui disposerait initialement de moyens financiers et d'ingénierie. Les lois de décentralisation de 1982 et 1983 ont trouvé un équilibre, que les réformes Sarkozy, Hollande et Macron n'ont fait que détricoter.
Selon Jérôme Fourquet, la France serait devenue un archipel d'îles et d'îlots sans lien entre eux, une nation multiple et divisée, autre chose qu'une Nation.
N'entendant pas participer à cette entreprise de destruction, le groupe CRCE ne votera pas ce texte qui révèle bien les intentions de ses auteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Laurence Harribey . - Le texte procède logiquement du décret du 27 février 2019 et tente, par des formulations alambiquées, de résoudre la question du statut institutionnel alsacien, qui ne satisfait apparemment personne.
Non Alsacienne, je retiendrai trois éléments : l'échec du référendum de 2013, le traumatisme de la création de la région Grand Est, et enfin ce projet de loi, qui fait suite à la déclaration dite de Matignon d'octobre 2018.
Ce texte a donc un volet classique, juridique, et un volet plus politique, qui tente de donner corps à une nouvelle collectivité appuyée sur un socle de compétences départementales et enrichie de compétences, mais sans fondement juridique clair. La commission a clarifié les choses en renommant, à notre initiative, la Collectivité européenne d'Alsace « département d'Alsace ».
Celui-ci serait chef de file pour la coopération transfrontalière. Or celle-ci ne concerne pas que l'Alsace. En l'état, c'est insuffisamment précis. L'article 13 du traité d'Aix-la-Chapelle - certes non encore ratifié - insiste sur la nécessité d'adapter la législation pour surmonter les obstacles à la réalisation de projets transfrontaliers.
Bref, nous regrettons que ce projet de loi ait été vu comme l'occasion de doter l'Alsace d'un nouveau statut et saluons sa nouvelle appellation. En fonction des avancées obtenues en séance, le groupe socialiste affinera sa position définitive sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Josiane Costes . - Nous sommes avant tout des Républicains : la loi doit être appliquée en toute circonstance. Législateurs, nous devons en outre examiner ce texte au regard du respect du principe d'égalité.
Nous ne sommes pas opposés par principe à la fusion des deux départements, si elle est accompagnée de garde-fous, mais nous nous interrogeons sur l'opportunité de légiférer dès maintenant sur le cas alsacien, alors que la révision constitutionnelle en cours de navette prévoit un droit à la différenciation des collectivités, que le régionalisme progresse et que le Conseil d'État a émis des réserves.
Certains arguments nous semblent également caducs. Dialoguer d'égal à égal avec les Länder allemands ? C'est le but du Grand Est ! Et la Moselle est tout autant concernée. Le bilinguisme concerne aussi toutes les régions frontalières.
Pourquoi ce périmètre pour le numérique, la culture et les transports ? La Moselle en serait exclue. C'est l'opposé de la vision d'une République une et indivisible, qui doit être ouverte à 360 degrés.
Quant au sujet des poids lourds qui traversent notre territoire, c'était l'objet de la loi d'orientation des mobilités, question d'ailleurs renvoyée aux conclusions du grand débat.
Pour le groupe RDSE, la vraie question de ce projet de loi est celle du droit à la différenciation. La création d'une nouvelle collectivité d'Alsace est une première étape vers un nouvel acte de décentralisation, très attendu par les élus locaux, et auquel nous sommes très favorables. Nous espérons toutefois que cela ne prélude pas à la sortie de l'Alsace de la grande région. La décentralisation sera au coeur de la révision constitutionnelle.
Compte tenu de ces réserves, le groupe RDSE attendra les débats pour se prononcer. (Mme Mireille Jouve applaudit.)
La séance est suspendue à 20 heures.
présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.