Conseil européen des 21 et 22 mars 2019
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 21 et 22 mars 2019.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Je suis très heureuse d'être avec vous de retour de Berlin après ma prise de fonctions ; très heureuse aussi de vous rencontrer dans ce nouveau format de débat postérieur au Conseil européen.
Ce Conseil européen des 21 et 22 mars a donné lieu à d'importantes décisions.
Mme May a demandé le report de la sortie du Royaume-Uni jusqu'au 30 juin. Sous l'impulsion du président de la République, deux délais ont été mis en place : jusqu'au 22 mai, en cas de vote favorable à l'accord de la Chambre des communes avant le 29 mars ; jusqu'au 12 avril dans le cas contraire, puisque c'est la date limite pour que Londres décide d'organiser des élections européennes.
Or, le 29 mars, il a manqué 58 voix à Mme May. Il lui en manquait certes 149 le 12 mars et 230 le 16 janvier, mais nous savons bien que 58 voix, cela reste considérable... Où en sommes-nous aujourd'hui ? Trois scénarios se dessinent.
Le premier peut être qualifié d'optimiste. Si Mme May l'emporte sur le plan tactique, c'est-à-dire si les conservateurs favorables au Brexit prennent conscience des risques, un vote favorable interviendra avant le 12 avril. C'est peu probable, mais pas impossible.
Cela reposerait sur un vote pour une union douanière qui rendrait possible un ralliement à l'accord de retrait initial.
Deuxième scénario : pas de vote positif sur l'accord de retrait, et Mme May refuse, lors du sommet européen du 10 avril, d'engager le Royaume-Uni dans de nouvelles élections européennes. Si le Royaume-Uni restait État membre dans ces conditions et que rien n'était fait, les actes que prendrait le Parlement européen seraient entachés de nullité. Nous sommes alors dans le no deal ; le Royaume Uni sort de l'Union sans accord et on appliquerait alors les sept ordonnances préparées sur la base de la loi d'habilitation que vous avez votée. Tout est prêt pour cela, notamment la mise en place des contrôles douaniers.
Le troisième scénario est plus complexe, plus mouvant ! Mme May demande une extension longue et organise des élections européennes. Cette hypothèse - qui serait mal comprise des Britanniques - doit être très encadrée, afin que le Royaume Uni ne soit pas tout à fait traité comme les autres États membres : Londres ne saurait en effet influer sur le choix de la future Commission, peser sur les décisions les plus substantielles, comme le cadre financier pluriannuel.
Nous sommes donc dans une période incertaine. L'Union européenne doit rester unie et déterminée et surtout refuser toute renégociation de l'accord de retrait et toute extension longue sans solution durable et crédible.
Ce débat ne doit pas nous faire perdre de vue l'objectif central d'une relance européenne. Le sommet des 21 et 22 mars a permis à la France de défendre plusieurs initiatives lancées par le président de la République dans sa tribune pour une renaissance européenne.
Un débat s'est ouvert sur une politique européenne ; le Conseil européen a demandé à la Commission européenne une vision stratégique de long terme incluant le soutien aux nouvelles technologies, et le passage en revue des politiques européennes qui contribuent au développement de l'industrie, notamment la politique de la concurrence - filtrage des investissements , défense du multilatéralisme commercial.
Deuxième sujet abordé lors de ce Conseil européen : la stratégie climatique de long terme et l'objectif de neutralité carbone en 2050, que la France souhaite voir adopté par l'assemblée générale de l'ONU.
C'est un objectif inclus dans notre programmation pluriannuelle de l'énergie.
Troisième initiative française : une banque européenne du climat.
Troisième sujet abordé au Conseil, la lutte contre la désinformation, enjeu essentiel de notre liberté démocratique. Le président de la République a demandé le déploiement d'experts en cas de cyberattaque lors d'élections.
Nous oeuvrons aussi à la convergence économique et sociale au sein de l'Union, pour nous doter d'un bouclier social européen à travers, notamment, la création d'une Autorité européenne du travail. Nous reviendrons sur ces sujets lors du sommet informel de Sibiu le 9 mai, puis, en juin, lors de l'adoption du programme stratégique 2019-2024.
La France souhaite s'appuyer, dans ce travail, sur les consultations menées dans notre pays, mais aussi sur les attentes et préoccupations exprimées par nos concitoyens, à travers le grand débat national, mais aussi par les consultations citoyennes, qui se sont tenues en Europe au second semestre 2018, pour établir la feuille de route stratégique 2019-2024.
Dernier point : le Conseil européen a échangé sur ses relations avec la Chine, pour préparer le sommet UE-Chine du 9 avril. La Chine est à la fois un partenaire et un concurrent. L'Union européenne et les Vingt-Sept doivent défendre fermement leurs intérêts économiques et stratégiques et exiger de la réciprocité dans l'accès aux marchés. « Le temps de la naïveté de l'Union envers la Chine est révolu », a dit le président de la République. C'est dans cet esprit qu'il a organisé une rencontre avec le président Xi Jinping, la chancelière Merkel et le président Juncker. La signature par le vice-Premier ministre italien d'un accord de participation aux projets des routes de la soie souligne à quel point il est indispensable de renforcer encore la coopération européenne dans ce domaine avant le Sommet « 16 + 1 » du 12 avril en Croatie. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; on applaudit aussi sur les bancs du groupe Les Indépendants, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RDSE, UC et les Républicains)
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Permettez-moi, madame la ministre, de vous adresser nos voeux de bonne chance et réussite dans vos nouvelles fonctions. Je vous souhaite d'avoir une vision claire du projet européen, qui nous importe tant.
L'Union européenne, hélas, se fragmente. Elle recentre une grande partie de son attention sur le Brexit alors que des défis immenses l'attendent, si elle veut préserver son modèle économique et social, ses valeurs et sa capacité à compter dans la compétition internationale.
Pour la troisième fois consécutive, le Parlement britannique a rejeté l'accord de sortie. L'Union européenne a souhaité que le Royaume-Uni reste maître de son destin, mais nous subirons tous les conséquences de ses choix. Entre 2016 et 2018, les décisions britanniques ont déjà fait perdre 6 milliards d'euros aux exportateurs français.
Outre ses effets économiques, le Brexit est une aberration géostratégique. Le Royaume-Uni doit pouvoir conserver son rôle essentiel dans l'architecture de sécurité et de défense européennes.
L'unité européenne est également mise à mal par l'accord bilatéral que l'Italie a signé avec Pékin, alors que la Chine place ses pions aux endroits stratégiques de la planète, investissant à Trieste ou installant ses soldats à Djibouti, où j'étais il y a quinze jours avec le président de la République, et où nous peinons à maintenir 1 400 soldats. Elle investit massivement dans les infrastructures, en échange d'endettement, donc de dépendance. Elle multiplie cette stratégie à l'envi, invoquant le multilatéralisme, comme l'a fait le président Xi Jinping au Sénat, mais pratiquant systématiquement des relations bilatérales déséquilibrées.
Autre priorité, l'Europe et les nations qui la composent doivent assumer collectivement le rôle de deuxième puissance économique mondiale. Nous devons aider nos entreprises à se projeter au niveau international. L'échec de la fusion entre Alstom et Siemens doit nous servir de leçon pour changer les règles.
L'Union européenne ne pourra surmonter son décrochage, qu'en regroupant ses forces et en mettant un terme aux divisions. L'Union européenne est à un tournant de l'histoire. C'est dire l'importance de la tâche qui attend l'Union européenne et les États membres après l'élection au prochain Parlement européen. (Applaudissements depuis certains bancs du groupe SOCR jusqu'à la droite)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - Je vous salue particulièrement, madame la ministre. Le dernier Conseil européen a été quelque peu mouvementé en raison du Brexit et des échéances électorales qui ralentissent certains dossiers.
Le Conseil a approuvé les recommandations sur la politique économique de la zone euro faites dans le cadre du semestre européen. Le ralentissement observé en 2018 se poursuit en 2019, avec une croissance attendue de 1,3 %. Le Gouvernement devrait communiquer sous quinzaine son programme de stabilité et son programme national de réformes qui seront débattus en séance. Or la taxe d'habitation, entre autres, n'est toujours pas financée ; la commission des finances sera particulièrement vigilante sur les prévisions budgétaires pour 2019.
Le Conseil européen a invité la Commission à présenter un plan d'action d'ici 2020 et envisagé le passage à la majorité qualifiée en matière fiscale. Or il faudrait pour cela l'unanimité...
Certaines mesures, telle la taxation du numérique, semblent hélas enterrées. Les États membres questionnent à présent les fondements du droit européen de la concurrence. Voyez la fusion ratée entre Alstom et Siemens. L'unité des États membres a cependant été mise à l'épreuve par l'adhésion de l'Italie aux nouvelles routes de la soie ouvertes par la Chine.
L'interminable feuilleton du Brexit a encore pris une large place dans les discussions ; il pourrait, si le Royaume-Uni ne s'acquittait pas de son engagement de 50 milliards d'euros pour financer le divorce, raviver les tensions financières entre les États membres.
Alors que la participation de la France s'établit déjà à plus de 20 milliards d'euros, comment compenserait-on le retrait du Royaume-Uni ? Quel regard le Gouvernement porte-t-il sur un Brexit sans accord, de plus en plus probable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOCR, RDSE, UC)
M. André Reichardt, vice-président de la commission des affaires européennes . - Je vous souhaite à mon tour, au nom du président Bizet, qui m'a confié l'honneur d'introduire ce débat, le plus grand succès dans vos nouvelles fonctions.
Ce Conseil européen a consacré plus de temps que prévu au Brexit, mais la stratégie face à la Chine et la politique économique de l'Union européenne n'ont pas été pour autant éludées.
Le séquençage retenu protège le Royaume-Uni des risques juridiques inhérents à sa sortie. Aux Britanniques de se positionner avant le 12 avril. Au-delà, se posera le problème des élections européennes. Le dispositif - d'inspiration française dit-on - apparaît bien conçu pour une situation bien confuse.
Deuxième motif de satisfaction : le front uni affiché face à la Chine. Les Vingt-Huit semblent prendre progressivement conscience que la Chine est à la fois partenaire politique, concurrent économique et rival systémique. Le président de la République a tenu à conforter l'image d'une Europe unie, invitant Mme Merkel et M. Juncker à Paris. La signature du mémorandum italien et les positions de l'Europe centrale nous obligent toutefois à la vigilance. Le prochain sommet en format « 16 + 1 », entre la Chine et les pays d'Europe centrale et orientale, devra se conformer aux décisions issues du sommet UE-Chine qui se tiendra juste avant. Il y a là un progrès, mais la vigilance reste de mise. Et l'arrivée des réseaux 5G sera un prochain test.
Le Conseil européen a enfin misé sur l'union économique et monétaire, le marché unique, la politique industrielle, la politique numérique et la politique commerciale comme leviers de puissance. C'est notre principal motif de satisfaction à l'égard d'un Conseil européen qui n'aura pas été que celui du Brexit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)
M. Philippe Bonnecarrère . - Mes félicitations, d'abord, madame la ministre.
Difficile d'échapper au Brexit. Sommes-nous prêts à un no deal ? Je serai plus prudent que la ministre. Les cinq ordonnances ne suffiront peut-être pas : nous ne serons prêts que si le Royaume-Uni l'est aussi. Et nombre de nos entreprises ont perdu les savoir-faire liés à la gestion des frontières douanières.
Le modèle parlementaire britannique, si longtemps admiré, souffre, à l'évidence. Les commentaires sévères abondent. Je ne les partage pas. Partout en Europe, pas uniquement au Royaume-Uni, il est devenu difficile de passer des accords et de faire des compromis. Voyez nos propres difficultés à répondre à la crise des gilets jaunes par des arbitrages acceptés par l'ensemble de notre archipel social. L'idée que le passage par le peuple s'impose pour contourner les représentants impuissants est ravageuse. Notre modèle historique de prise de décision est attaqué. Les difficultés britanniques révèlent les nôtres et réciproquement.
Mais le Brexit vampirise aussi la réflexion, l'énergie et l'action de l'Union européenne. Il y a tant de sujets passionnants à traiter, à construire ! J'ai apprécié votre souci, madame la ministre, d'élargir le spectre aux questions climatiques et de lutte contre la désinformation. Je remercie également nos orateurs des commissions pour le souffle qu'ils ont donné à notre débat en l'élargissant à la défense, aux perspectives financières, au numérique, à la Chine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur plusieurs bancs depuis ceux du groupe SOCR jusqu'à la droite)
Mme Colette Mélot . - Tel un feuilleton sans fin, les rebondissements du Brexit se suivent. Les Vingt-Sept ont proposé la date du 12 avril en cas de no deal, plus cohérente juridiquement, et celle du 22 mai en cas d'adoption de l'accord.
Je commence à douter du comportement des élus britanniques, qui mettent en danger leurs concitoyens, leurs entreprises, leurs partenaires historiques. À quelques semaines d'une échéance électorale essentielle pour l'Europe, c'est inacceptable. Les Vingt-Sept doivent rester unis et garder la main sur le calendrier, pour ne pas compromettre l'installation du futur Parlement européen qui aura en effet beaucoup à faire. Le Royaume-Uni est à présent placé devant ses responsabilités.
Deuxième point abordé par le Conseil : les relations de l'Union européenne avec la Chine - sur lequel j'avais alerté la ministre Loiseau avant le Conseil européen. La concurrence déloyale de la Chine est un sujet essentiel.
Le président Xi Jinping a été accueilli par un front commun formé par la France, l'Allemagne et l'Union européenne. Le 9 avril prochain, lors du sommet Union européenne-Chine, il faudra faire passer un même message de fermeté.
Troisième point : la résilience économique de l'Europe.
Je salue les conclusions du Conseil visant à mettre en place une véritable politique industrielle. Je serai attentive aux mesures concrètes destinées à la mettre en oeuvre. Des pistes ont déjà été proposées par un groupe interne à la Commission, dont il faudra s'inspirer. Une révision de la politique de concurrence s'impose pour trouver un nouvel équilibre entre ouverture et protection du marché européen, et que ne se reproduise pas l'affaire Alstom-Siemens.
Puissent les décisions avoir des effets concrets. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe RDSE ; M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, applaudit également.)
M. Claude Haut . - Le groupe LaREM vous adresse à son tour ses voeux de réussite, madame la ministre.
Le débat nous donne l'opportunité de nous exprimer sur le Conseil européen, ainsi que sur le feuilleton du Brexit.
Le Brexit a largement occupé les discussions et des conclusions ont été adoptées pour trouver un accord clair. L'accord de retrait ordonné n'est pas renégociable. L'incertitude est montée d'un cran avec le vote à la Chambre britannique ; le Parlement britannique n'est pas non plus parvenu à se mettre d'accord sur les huit options alternatives de retrait proposées par des parlementaires.
Notre débat est donc, de fait, devenu un débat préalable au Conseil européen du 10 avril réuni en urgence par Donald Tusk pour anticiper la date fatidique du 12 avril. La piste d'un no deal est plus que jamais possible. Dans une communication du 25 mars, la Commission européenne a indiqué avoir finalisé ses préparatifs d'un Brexit sans accord. Le Gouvernement français s'y est préparé avec un texte présenté du Conseil des ministres le 27 mars dernier et la publication de trois décrets et d'un arrêté. Madame la ministre, comment jugez-vous le niveau de préparation de nos entreprises à un no deal ?
Une extension longue ne peut être envisagée qu'en cas de plan alternatif crédible voté par les députés britanniques. Mais comment croire qu'il est encore possible ? Le Parlement britannique nous dit non à un no deal, non à une union douanière, non à un deuxième référendum. Le bateau semble naviguer sans capitaine à son bord. Madame la ministre, quelle position adoptera la France lors de ce sommet extraordinaire du 10 avril ?
Quant à la préparation du sommet bilatéral Chine-Europe, elle représente un défi colossal. Alors que jusqu'ici l'Europe s'est surtout distinguée par un manque de ténacité et d'unité, le dialogue entre les deux parties est incontournable pour la définition des équilibres mondiaux - comme notre président de la République l'a rappelé le 26 mars dans une conférence de presse conjointe avec Xi Jinping et Angela Merkel. La coopération doit respecter les intérêts européens. Nous devons renforcer la cohésion entre États européens, car l'initiative italienne ne peut faire naître que de l'inquiétude. La prise de conscience s'opère, c'est une bonne chose. La Commission préconise avec justesse plus de réalisme, plus de transparence et moins de distorsion concernant les aides d'État. Quant au Parlement européen, inquiet des menaces pour la sécurité liée à la présence technologique croissante de la Chine dans l'Union européenne, il exhorte les États européens à se coordonner.
Comment la France accueille-t-elle la proposition de la Commission européenne sur une approche concertée concernant les réseaux 5G ? Comment le Gouvernement opérera-t-il l'évaluation demandée par la Commission européenne à chaque État, sur les risques liés aux infrastructures des réseaux 5G ?
N'ayons pas peur d'affirmer nos valeurs européennes de démocratie, de liberté et de paix, tout en défendant nos intérêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Yvon Collin applaudit également.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Très bien !
M. Pierre Ouzoulias . - Quelle que soit l'issue des négociations en cours, quelles que soient les conditions de la décision britannique, le moment est historique. Il serait trop simple d'expliquer le repli britannique par l'isolationnisme atavique d'une nation insulaire, ou, comme je l'ai entendu dans cette enceinte, par l'irrationalité d'un peuple et de sa classe politique offrant à une Europe sage et raisonnable le spectacle du « suicide d'une nation ».
Je suis consterné par ceux qui souhaitent que le Brexit punisse les Britanniques au point de dissuader tout autre peuple de suivre ce qui serait le mauvais chemin - et qui, ce faisant, oppose aux Britanniques cette fameuse formule d'une de leurs fameuses dirigeantes : « Il n'y a pas d'alternative ».
M. Jean-Claude Juncker a de son côté déclaré : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens »... Ici se dissimule cette idée pernicieuse que le problème de la démocratie, ce serait le peuple - et que tout serait plus simple si la politique était l'affaire des seuls spécialistes. Aux passions barbares et irrationnelles des multitudes incapables d'apprécier la justesse des moyens destinés à leur prospérité, il faudrait substituer le gouvernement des experts détenteurs de la seule vérité et agissant pour le bien de l'humanité selon des règles économiques inspirées du seul bon sens.
Or, qu'elle déplaise n'y change rien, la rationalité d'un peuple repose sur l'appréciation de ses conditions de vie et sur l'espoir d'offrir à ses enfants un monde meilleur. Tel était au moins le sens du projet européen de 1957, qui, dans les traités de Rome, fixait aux États membres l'objectif d'améliorer les conditions de vie et d'emploi de leurs peuples et de réduire les écarts de développement.
Les États de 1957 forment un ensemble homogène au sortir de la guerre. L'élargissement de l'Europe a été accompagné dans sa première étape avec l'adhésion de l'Espagne, du Portugal, de la Grèce et de l'Irlande par des aides structurelles fortes. Or, ces politiques d'accompagnement ont disparu lors de l'intégration des pays de l'Est, alors qu'elles étaient encore plus nécessaires. Dans le nouvel ensemble très hétérogène ainsi formé, les disparités économiques et sociales ont entretenu des processus de mise en concurrence des individus, des entreprises et des territoires qui ont, in fine, considérablement accru ces inégalités.
Les mécanismes économiques déstabilisateurs inhérents à la mondialisation ont eu pour conséquence un déclassement social des populations au sein des États européens. C'est ainsi que s'explique le vote britannique : la rationalité du peuple britannique s'est exprimée pour condamner une dégradation de ses conditions d'existence qu'elle attribue à l'Europe parce qu'elle a bien perçu que sa logique économique obéissait aux mêmes dogmes que celle que leur avaient imposée les gouvernements de Margaret Thatcher.
Le président de la République l'a déclaré le 6 novembre 2018 : « Il faut entendre les peurs des peuples face à une Europe ultralibérale qui ne permet plus aux classes moyennes de bien vivre ». (M. André Gattolin approuve.) Les engagements dans les traités de Rome n'ont pas été tenus et les populations souhaitent que l'Europe, refondée sur son projet initial, organise notre espace commun sur d'autres règles que celles que tentent de nous imposer les États qui nous livrent une guerre commerciale totale.
Nous ne pourrons poursuivre ce projet européen sans les peuples. Les habitants de Stoke-on-Trent ont voté à plus de 60 % contre l'Europe. Leurs raisons sont multiples, mais tous partagent le même désespoir devant la fermeture des dernières industries et le déclin inexorable de leur territoire. Il est grand temps d'entendre leur souffrance si nous voulons continuer à espérer dans l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Simon Sutour . - Madame la ministre, je vous félicite à mon tour pour votre nomination.
Le dernier Conseil européen a été marqué par les votes de la Chambre des Communes qui ont refusé l'accord européen ainsi que toute alternative. Quelle tristesse ! Les conséquences d'un Brexit, qu'il soit dur ou non, ne seront bonnes pour personne.
Le Conseil européen a aussi abordé d'autres points, comme la mise en place d'une politique industrielle européenne ou la lutte contre les changements climatiques. On ne peut que se féliciter de ce volontarisme.
L'Europe doit protéger les États contre la concurrence déloyale de la Chine et des États-Unis. Le prochain Conseil européen des 20 et 21 juin s'y emploiera. Il sera l'occasion d'entrer dans le concret avec les perspectives budgétaires 2021-2027.
Un nouveau Parlement européen aura été élu et il sera temps de reparler de la PAC. L'ancienne ministre parlait d'une diminution de 15 % alors que le ministre de l'agriculture évoque plutôt 5 %. Qu'en est-il ?
Aux côtés de la PAC, il ne faut pas oublier la très importante politique de cohésion, qui réduit les écarts de richesse entre les États européens. Le flou le plus total règne sur le cadre financier pluriannuel. Or quand il y a un flou, il y a un loup... et qu'un mauvais coup se prépare.
Mme Loiseau, désormais candidate aux élections européennes, vient de déclarer qu'elle ne souhaitait pas que l'argent de l'Europe serve à construire des autoroutes en Slovaquie... C'est désobligeant pour ce pays et inquiétant pour le nôtre. Il est absurde d'opposer ainsi solidarité et compétitivité. L'aide apportée par l'Europe pour le développement des infrastructures n'a pas été une si mauvaise chose : il n'est qu'à voir le développement qu'ont connu l'Espagne, la Grèce et le Portugal. Dans mon département, le désenclavement d'Alès par une 2x2 voies a relancé l'industrie locale.
Depuis vingt ans, les dirigeants européens n'ont eu de cesse de transformer la politique de solidarité en politique de compétitivité. L'idée serait de créer une enveloppe unique pour le fonds de soutien avec trois pistes de financement : l'utilisation des 25 milliards d'euros du fonds de soutien aux réformes structurelles, le refléchage des fonds prévus pour les Vingt-Sept en prêt garanti par le budget européen. Paris a obtenu que la gouvernance de cet instrument soit financée par un accord intergouvernemental. Si la proposition de la Commission européenne est approuvée, cela valide un principe de porosité des fonds vers l'aide structurelle. Si l'on conjugue la conditionnalité du versement des fonds à la création d'un fonds dédié, les aides telles que nous les connaissons dans nos territoires disparaîtront purement et simplement, c'est un danger bien réel. Le groupe qui rassemble les partis socialistes au Parlement européen propose au contraire de développer les politiques de cohésion.
Le refus par le Parlement d'un principe de macro-conditionnalité doit être pris en compte car il n'est pas acceptable que la Commission européenne puisse intervenir au niveau des régions en cas de non-respect de leurs obligations budgétaires par les États. Valider ce lien ira à l'encontre du développement de nos territoires.
Conditionner les aides, c'est faire payer aux citoyens les turpitudes de leurs dirigeants. La politique de cohésion est menacée et l'on n'en parle pas. Le groupe socialiste se battra pour le maintien des fonds de cohésion. Quelle est la position du Gouvernement sur ce point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Franck Menonville . - Madame la ministre, je vous souhaite une pleine réussite dans vos nouvelles fonctions.
Le terme du 29 mars est échu et le Royaume-Uni n'est toujours pas sorti de l'Union européenne. Malgré la détermination de Theresa May, le Parlement britannique n'a pas voté l'accord. La Premier ministre a changé la donne en mettant sa démission dans la balance, mais le flou subsiste.
Les Vingt-Sept doivent préserver les élections européennes et plaider pour une alternative claire. Les Britanniques doivent clarifier leur position, soit dans des élections anticipées, soit par un nouveau référendum.
Même si les États membres se préparent au pire des scénarios, sommes-nous certains d'avoir cerné toutes les difficultés posées par la fin d'une relation qui dure depuis 1973 ?
Madame la ministre, votre prédécesseur avait, le 14 mars, donné quelques informations au Sénat de la circulation des marchandises et des personnes. Avez-vous de nouveaux éléments sur les moyens de contrôle aux frontières ?
Au-delà de l'économie, la sortie du Royaume-Uni est une affaire politique qui laissera des traces. Nous sommes en train de perdre l'une des plus anciennes démocraties parlementaires avec laquelle nous partageons nombre de valeurs. Je m'interroge quant à la future place du Royaume-Uni dans la politique européenne de défense.
Sans accord, qu'adviendra-t-il du cadre des relations Union européenne/Royaume-Uni ? La contribution européenne reste fondamentale même si perfectible. L'Europe s'est construite sur une idée de paix partagée. Comme l'a rappelé un eurodéputé britannique, le Brexit représente un avertissement pour les peuples d'Europe. Nous ne devons jamais prendre pour acquis la paix et la prospérité. Nous avons eu des réussites sur la politique de migrations. Mais les atermoiements ont ouvert une brèche pour les populistes.
Quant à la taxation des GAFA, l'Europe doit montrer un visage uni. C'est une question d'équité fiscale. Soyons vigilants sur la régulation de l'économie en ligne et sur la désinformation. Concernant le dossier Huawei, Bruxelles souhaite une démarche coordonnée sur l'évaluation des réseaux 5G.
Est-ce que cela suffira, alors que les États-Unis nous mettent en garde ?
PAC, enjeux de défense et de sécurité, politique industrielle : ces enjeux exigent une réflexion suivie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Jean Louis Masson . - J'ai déjà dit à cette tribune que sur le Brexit, les torts sont partagés. Certes la Chambre des communes a des allures de foire d'empoigne, mais des responsables européens, en particulier Michel Barnier, ont mis de l'huile sur le feu en menaçant de créer une frontière intérieure au Royaume-Uni.
L'affaire du « backstop » est un scandale absolu ! C'est se moquer des Nord-Irlandais, car tout le monde sait qu'ils souhaitent rester associés à la Grande-Bretagne... L'attitude des dirigeants européens a été machiavélique dans cette affaire - et c'est ce qui explique que nous en soyons là.
Madame la ministre, j'ai demandé à Mme Loiseau comment seraient répartis les sièges au Parlement européen après le départ des Britanniques - elle m'a répondu une chose et son contraire, en bref, n'importe quoi. (Exclamations à droite et au centre)
J'aimerais que l'on ne m'interrompe pas, au vu du temps qui m'est imparti !
M. le président. - Il est échu...
M. Jean Louis Masson. - C'est scandaleux ! Ceux qui nous donnent des leçons aujourd'hui, sont bien mal placés pour le faire !
M. Pascal Allizard . - La Chine est désormais un acteur économique et politique global après une montée en puissance à bas bruit. Même l'hyperpuissance américaine a du mal à y résister. Les nouvelles routes de la soie, ce projet tentaculaire, mobilisent des milliards de dollars d'investissements sur plusieurs décennies, avec des conséquences géopolitiques majeures. Elles s'accompagnent d'une montée en puissance militaire pour sécuriser ses ressortissants. La Chine tisse ainsi un vaste réseau à travers le monde. Qui se souciait, en son temps, de la prise de contrôle du port du Pirée ? (M. Simon Sutour le confirme.)
Désormais la Chine tourne ses appétits vers Trieste. Forums Chine-Pays d'Europe centrale et orientale (PECO), dialogue de haut niveau... Les PECO s'en remettent désormais aux États-Unis et à l'OTAN pour leur sécurité, à la Chine pour leur prospérité... Quel échec pour l'Europe !
Soyons lucides et solidaires. L'Union européenne est le premier partenaire commercial de la Chine. Mais il y a des rééquilibrages à opérer : quelle stratégie globale pour les exportateurs européens par continent ? La France se donne-t-elle vraiment les moyens d'agir ? Attention à la cession d'infrastructures stratégiques, potentiellement déstabilisatrice. Attention aussi aux transferts de technologie forcés.
L'Union européenne ne saurait non plus se faire instrumentaliser par Washington dans sa guerre commerciale avec Pékin. Serons-nous acteurs ou spectateurs de cet affrontement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Fournier . - Le Royaume-Uni devait sortir de l'Union européenne le 29 mars. Jusqu'à quand en restera-t-il membre ? Madame la ministre, je vous alerte sur l'impact social et humain de cette absence de décision.
Mon département, le Pas-de-Calais, sera une victime toute désignée d'un Brexit dur.
Les exportations françaises vers le Royaume-Uni représentent 31 milliards d'euros - soit 7 % de nos exportations totales ; 30 % de la pêche française se fait dans les eaux territoriales britanniques, 42 % des produits alimentaires importés par les Britanniques viennent de l'Union européenne ; ces chiffres sont impressionnants.
Malgré les mesures de préparation, les filières les plus touchées par un no deal sont inquiètes. Le maintien régulé des flux, la pérennité des voies commerciales sont cruciaux.
Depuis le 4 mars, les agents des douanes françaises se sont mis en grève en guise d'alerte.
Les Britanniques, importateurs, doivent contrôler les flux entrants. Le Calaisis, et plus largement, la côte d'Opale est menacée d'engorgement rapide de par sa position d'entonnoir. Sans décision forte de l'État, l'impact en termes d'image et d'écologie de longues files de camions sera désastreux.
Les entreprises, elles, sont dans l'incertitude, ce qui nuit à l'investissement.
Madame la ministre, avez-vous à coeur de défendre nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains et RDSE)
M. Christophe Priou . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Madame la ministre, félicitations et bienvenue devant notre assemblée.
Les intérêts stratégiques de l'Union européenne à protéger, notamment dans le domaine maritime, sont énormes. Pourrions-nous avoir une stratégie maritime européenne intégrée, tenant compte du fait que les océans sont le vecteur de la mondialisation ?
Or, ce volet est insuffisamment pris en compte. La Chine se positionne dans plusieurs ports européens. L'Italie est le premier pays du G7 à intégrer, par un accord du 23 mars, le projet chinois de nouvelles routes de la soie. Gênes et Trieste deviennent des points d'entrée.
Il faut de l'ambition et un calendrier précis pour y faire face.
Le 21 mars, une agence britannique s'associait à une homologue chinoise pour la recherche sur l'éolien en mer - alors que les Britanniques sont déjà au premier rang mondial. Que n'avançons-nous pas sur le sujet ? La Compagnie maritime d'affrètement -Compagnie générale maritime (CMA-CGM) a commencé à explorer les alternatives au fioul lourd en testant les bio-carburants - l'échouage récent qui souille le littoral atlantique et bientôt l'Espagne nous en dit l'urgence.
Mais il faut aussi penser un espace européen de sécurité maritime. Les échanges de données doivent notamment être développés. Dans son avis au Roi en 1629, Richelieu écrit : « La première chose qu'il faut faire est de se rendre puissant sur la mer, qui donne entrée à tous les États du monde ».
Chers collègues, le XXIe siècle sera maritime. La tâche est immense. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Édouard Courtial . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) « L'Europe, quel numéro de téléphone ? » Plus de 40 ans après avoir été prononcée, cette phrase de Kissinger est plus que jamais d'actualité.
L'Europe n'a pas de front commun face aux ambitions chinoises ; dès lors, comment blâmer l'Italie ? Nos divisions et contradictions créent des opportunités nuisibles à long terme.
L'initiative du président de la République de recevoir Xi Jinping avec Angela Merkel et Jean-Claude Juncker va dans le bon sens mais ne suffit pas. Nous devons nous doter d'objectifs stratégiques communs alors que les investissements chinois dessinent un nouvel ordre mondial.
Les routes de la soie concernent plus de 70 % de la population mondiale, 75 % des ressources énergétiques, 55 % du PIB mondial. Les financements totaux pourraient dépasser le trillion annuel.
D'où la nécessité d'un partenariat commercial fondé sur la réciprocité des ouvertures de marché et des transferts technologiques contrôlés.
Comme le dit si bien Sun Tzu, « celui qui n'a pas d'objectifs ne risque pas de les atteindre » ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État . - Merci de votre accueil démocratique, républicain et chaleureux. Soyez rassuré, monsieur Courtial : le président de la République et moi-même avons des objectifs !
Monsieur Cambon, le fonds de défense sera doté de 4 milliards d'euros pour la recherche et 9 milliards d'euros pour les équipements, sur la période 2021-2027.
Monsieur de Montgolfier, il y a quand même eu des progrès en matière fiscale, notamment avec le projet BEPS, la liste des pays non coopératifs mais aussi sur la TVA, avec la directive sur les droits voisins. Le président de la République soutient la proposition de la Commission européenne d'une décision à la majorité qualifiée sur les sujets fiscaux. Nous travaillons à convaincre nos partenaires.
Sur le numérique, 23 des États européens sont sur la même ligne que la France. Si un accord à l'OCDE est trouvé, il remplacera la taxe temporaire votée par la France - il y aura un amendement dans ce sens au projet de loi présenté par Bruno Le Maire.
Monsieur Reichardt, la France a eu des initiatives heureuses en associant l'Europe au sommet franco-chinois.
Monsieur Bonnecarrère, j'ai rencontré ce matin mon homologue allemand Mickael Roth. Nous avons défini une liste de domaines où nous souhaitons que l'Europe avance.
Mme Mélot, sur les plateformes en ligne, nous allons prochainement déposer un projet de loi contre la haine en ligne.
M. Haut, l'approche concertée de la Commission européenne sur la protection des réseaux 5G est à saluer, mais il faut la mettre en oeuvre. La 5G doit être déployée selon des critères définis par une proposition de loi du Sénat, qu'il nous appartiendra de porter au niveau européen.
Monsieur Ouzoulias, il n'a jamais été question de pénaliser les Britanniques.
M. Pierre Ouzoulias. - Je l'ai lu !
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. - Le plan stratégique 2019-2024 s'appuiera sur des consultations européennes ; c'est un progrès démocratique. Je débats avec vous sur les sujets européens aujourd'hui ; c'est une dynamique à entretenir.
Monsieur Sutour, les propositions initiales de la Commission diffèrent selon que l'on parle en valeur ou en volume... La France a une position claire : la stabilité des fonds PAC en valeur, ce qui est légitime au sein d'un budget en expansion.
Bien sûr, nous voulons conserver une politique de cohésion ambitieuse, mais il faudra faire des arbitrages budgétaires. Nous nous réjouissons que les régions en transition soient plus largement définies. Derrière la conditionnalité, il y a le respect de l'État de droit et des valeurs démocratiques. Le président de la République souhaite y ajouter des critères sociaux.
M. Simon Sutour. - Les citoyens de ces pays, qui n'ont pas forcément voté pour leurs dirigeants, en pâtiront !
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. - La conditionnalité n'est pas faite pour pénaliser ces citoyens mais une règle sans sanction n'a aucune valeur... Avec mon homologue allemand, nous insisterons sur le respect des valeurs européennes et de l'État de droit.
Monsieur Menonville, notre partenariat stratégique avec le Royaume-Uni doit être préservé, notamment sur la sécurité et la défense. Les accords du Touquet, entre autres, sont essentiels. Nous pouvons encore faire beaucoup dans un cadre bilatéral, en matière de renseignement notamment. Jean-Yves Le Drian y travaille.
À M. Masson, qui a quitté l'hémicycle, je dirai que le travail de Michel Barnier est à saluer, au contraire. (MM. Jean Bizet, Simon Sutour et André Gattolin applaudissent.) L'acte européen est clair sur les conséquences électorales : si le Royaume-Uni quitte l'Union européenne, le nombre de sièges sera redistribué à la proportionnelle ; s'il reste, ce sera le statu quo.
MM. Courtial, Priou et Allizard ont évoqué le contrôle des investissements chinois. Le filtrage des investissements lorsque des intérêts stratégiques sont en jeu est un bon début ; c'est une restriction importante, dans un système fondé sur la liberté. Il nous faudra avoir une vision collective sur les points d'entrée, sur la politique maritime et de rayonnement.
Madame Fournier, pour avoir passé une partie de mon enfance dans le Calais d'avant le tunnel sous la Manche, je mesure bien le risque d'engorgement. Calais voit passer 60 % des flux de marchandises rentrant dans la zone euro. Les agents des douanes sont préparés et tout le Gouvernement, de même que Rodolphe Gintz, directeur des douanes, est mobilisé. Notre ambassade au Royaume-Uni déploie également des efforts considérables pour informer et accompagner nos concitoyens résidant au Royaume-Uni et nos entreprises et assurer le suivi d'un éventuel accord diplomatique...
Merci de cet échange. Je reste à votre disposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur le banc de la commission ; M. Éric Jeansannetas applaudit également.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Merci à tous pour vos contributions. J'insisterai sur deux points.
Le Conseil européen a d'abord invité la Commission à élaborer une stratégie industrielle à long terme et à mieux faire appliquer les règles au marché unique. Il demande que l'accent soit mis sur l'économie de services, l'union des marchés de capitaux et de l'énergie, sur une fiscalité juste et efficace. Conforter la puissance économique européenne passe par l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, une politique numérique tournée vers l'avenir et une politique commerciale ambitieuse.
Les conclusions du Conseil ont été complétées pour préciser que le cadre réglementaire de l'Union européenne serait adapté aux évolutions technologiques. Le Conseil appelle la Commission à mieux encadrer les aides d'État, dans un sens propice à l'innovation.
Les règles européennes de concurrence semblent en effet décalées. Le refus opposé par la Commission à la fusion Alstom-Siemens a ranimé le débat. Dans leur manifeste conjoint de février dernier, les ministres français et allemand de l'économie suggèrent un pouvoir d'évocation du Conseil. La commission des affaires européennes du Sénat a confié au groupe de travail sur la stratégie industrielle qu'elle a créé avec la commission des affaires économiques une réflexion sur ces questions.
Sur le dossier Huawei, l'approche européenne semble satisfaisante, mais je crains qu'en matière de souveraineté numérique, les portes dérobées ne soient pas toutes sécurisées.
Le Conseil européen de mai devra reprendre la discussion sur le changement climatique, la lutte contre la désinformation et le Brexit.
Souhaitons qu'il trouve une issue clarifiant l'avenir, consolidant le fonctionnement de l'Union et lui permettant de s'atteler à sa nécessaire refondation.
Je vous souhaite à mon tour le meilleur, madame la ministre. J'ai hâte que nous parlions du jour d'après - après le Brexit... Le Royaume-Uni restera à quelques miles des côtes normandes : il faudra des accords bilatéraux pour régir nos rapports.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean Bizet, président de la commission. - Nous souhaitons retricoter les mailles du filet franco-allemand, qui repose sur la confiance mutuelle. (Applaudissements)
La séance est suspendue quelques instants.