Orientation des mobilités (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, modifié par lettre rectificative, d'orientation des mobilités.
Explications de vote
M. Jean Louis Masson . - Ce texte présente des aspects positifs mais aussi d'autres qui sont très négatifs.
Nous avons beaucoup parlé de problèmes d'environnement en lien avec les mobilités mais seulement des petits. Rien sur les cargos au fuel lourd, rien sur le transport aérien alors qu'il représente 25 % de pollution de plus ces dix dernières années ! Pire, quand il existe des taxes sur les carburants, le kérosène n'est même pas assujetti à la TVA ! Qu'on ne dise pas que l'on veut réduire la pollution si l'on n'agit pas à ce niveau-là.
Même chose sur les poids lourds, ils polluent 100 fois plus que la voiture diesel ! Et personne n'a le courage de rétablir l'écotaxe votée à la quasi-unanimité sous la présidence Sarkozy. Cette loi de progrès a été complètement zappée, au prétexte qu'il y avait les agités des bonnets rouges (Rires ironiques sur les bancs du groupe Les Républicains) et que le Gouvernement avait changé ; et puis, l'ancienne majorité a fait de la surenchère et à tout cela s'est ajoutée, on n'avait vraiment pas besoin de ça, Ségolène Royal (Rires ironiques sur les bancs du groupe SOCR). Depuis, aucun gouvernement n'a même été prêt à laisser les régions l'expérimenter.
Les poids lourds qui circulent en Allemagne du Nord au Sud paient bien une écotaxe, la LKW-MAUT ; rien chez nous quand ils traversent l'Alsace et la Lorraine, pas même les taxes sur les carburants puisqu'ils se ravitaillent au Luxembourg pour faire d'une traite la route jusqu'en Espagne. (Applaudissements sur les bancs des non-inscrits)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Un Français sur quatre a été contraint de refuser un emploi ou une formation, par manque de solution de mobilité. La mobilité est à la croisée de nombreuses thématiques : perspectives d'emploi, innovations numériques, protection de l'environnement, respect des données personnelles. Trente-six ans après la dernière grande loi sur les transports, il était grand temps de revenir sur les grandes transformations affectant ce secteur.
Près de 4 Français sur 10 estiment n'avoir aucune alternative à la voiture. Le manque de solutions de mobilité est vécu comme une source d'inégalités entre individus et entre territoires, il crée un sentiment d'assignation à résidence. Le groupe UC partage pleinement les objectifs de ce projet de loi : il fallait penser un système de mobilité qui ne soit plus un frein à l'autonomie et à l'emploi.
Le groupe UC se réjouit que ce texte ait été examiné en première lecture au Sénat qui l'a amélioré pour que soit mieux prise en compte la ruralité. À une approche classique par mode de transport, le Sénat a substitué une approche multimodale par territoire. Désormais, l'ensemble des territoires disposera d'une autorité organisatrice de la mobilité (AOM), contre 20 % auparavant. Même satisfaction sur la prise en compte de la densité de population pour la péréquation verticale ; l'ouverture du transport scolaire, en milieu rural, ou à des personnes âgées, isolées ou fragiles à l'initiative de Mme Vullien ou encore la possibilité de décaler les horaires d'entrée et de sortie des établissements scolaires pour optimiser le transport scolaire.
Deuxième sujet sur lequel le Sénat a renforcé le texte, la transition énergétique. Les transports représentent 33 % de la consommation énergétique en France en 2015 et 39 % des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons ajouté aux objectifs de la programmation des infrastructures la lutte contre le changement climatique et la pollution atmosphérique et inscrit l'objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre dans les objectifs de la programmation des investissements dans les transports. Le soutien à la filière hydrogène, la possibilité donnée aux collectivités d'appliquer la taxe de séjour aux navires de croisière les plus polluants, ou encore, la possibilité laissée aux communes de créer des voies et des stationnements réservés aux véhicules en fonction de leurs émissions de polluants sont des mesures pragmatiques.
Enfin, nous avons voulu garantir les financements. Dès 2020, 500 millions d'euros manqueront à la programmation pluriannuelle des infrastructures de transport. Je salue le travail exemplaire de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable qui a sanctuarisé les ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).
Nous regrettons cependant que certaines dispositions de l'avant-projet de loi n'aient pas été retenues, dont l'expérimentation du micro-péage urbain. Le droit à la différenciation n'est certes pas l'objet de ce texte mais cette question, alors que l'on examine ce soir le texte sur la Collectivité européenne d'Alsace, est, pour le groupe UC, un corollaire qui permettrait un nouvel approfondissement de la décentralisation.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Jean-François Longeot. - Le Sénat a donc été force de proposition sur ce texte mais aussi artisan d'un compromis équilibré. En donnant aux présidents de département et préfets la main sur la limite des 80 km/h, nous sortons par le haut d'un débat manichéen que nous aurions pu éviter. Merci à M. Raison !
Le groupe UC votera ce texte en première lecture en attendant des clarifications sur son financement en seconde lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe RDSE)
M. Jérôme Bignon . - Ce texte est attendu par les Français et les collectivités. Depuis trop longtemps, certains de nos territoires vivent mal leur isolement. La mobilité, et la sémantique compte, est la condition de la liberté et de l'égalité ; elle doit être durable, effective pour tous nos concitoyens.
Nous nous réjouissons que ce texte ait d'abord été examiné au Sénat. Notre assemblée l'a amélioré mais il reste des incertitudes. L'affectation d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à l'Aftif est utile mais 500 millions d'euros par an resteront à trouver. Nous comprenons la contrainte budgétaire mais ne pas investir aujourd'hui, c'est s'exposer à payer plus demain. Les infrastructures ont besoin de moyens, nous devons être vigilants sans tomber dans le concours Lépine de la nouvelle taxe.
Nos collectivités peuvent faire plus, elles le font déjà, elles ont néanmoins besoin de moyens de flexibilité. L'adaptation de la compétence mobilité s'imposait. Paris n'est pas la Corrèze et la baie de Somme n'est pas la région lyonnaise.
Nous avons également amélioré le texte sur son volet écologique en promouvant les moyens de transport propres grâce à la possibilité de cumuler forfait mobilité durable et abonnement aux transports collectifs. Dommage, toutefois, que la prise en charge du premier par l'employeur n'ait pas été rendue obligatoire. La lutte contre le dérèglement climatique doit être une priorité. Le vélo reste trop peu utilisé dans notre pays. Qui aurait pensé il y a vingt ans, dans cet hémicycle, que nous légiférerions sur le vélo ? Être moderne et ouvert, c'est savoir se saisir de sujets contemporains.
L'intermodalité est évidemment un des piliers de ce texte. L'ouverture des données est cruciale en la matière et nous regrettons la frilosité de certains sur ce point.
Ce texte fait confiance aux territoires, c'est à l'échelle locale que l'on est le plus à même d'organiser les mobilités. Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait autorisé les régions à se saisir de la gestion des lignes fines - et je pense, bien sûr, aux dessertes d'Abbeville et du Tréport.
Ce texte devra être repris et complété, en particulier sur les aspects financiers. En dépit de ses imperfections, il contient de nombreuses dispositions prometteuses : plus de flexibilité, plus d'intermodalité, plus de confiance dans les collectivités territoriales et plus d'écologie. Le groupe Les Indépendants le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; MM. Patrick Menonville et Frédéric Marchand applaudissent également.)
M. Patrick Chaize . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Au risque de manquer d'audace, mon propos résumera la position du groupe Les Républicains. Pour rester dans le style académique, je commencerai par féliciter le rapporteur Mandelli (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) en y associant Gérard Cornu, qui a rapporté la loi pour un nouveau pacte ferroviaire et Louis Nègre, qui n'a pu nous faire profiter de son expérience à cause de la loi sur le cumul des mandats. Je salue également Mme Françoise Gatel et M. Benoît Huré. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Les louanges que j'adresse au rapporteur ne sont pas un exercice imposé car tout était réuni pour que ce texte se transforme en chemin de croix : peu de temps de préparation, une évolution dans la dernière ligne droite, une situation politique particulière avec la crise des gilets jaunes, un sujet sensible au Sénat puisqu'il touche aux collectivités.
Le risque était de faire de ce projet de loi un cahier de doléances législatif, composé de 348 remontrances. Nos collègues de l'Ardèche ont obtenu un traitement particulier, qui s'explique par la situation de leur territoire. Autre exception, la ligne Lyon-Turin mais c'est pour honorer les engagements internationaux que la France a pris depuis 1991.
Nous nous félicitons de l'affectation intégrale de la hausse de TICPE au financement des infrastructures de transport ainsi que de la consécration du deuxième scénario du Conseil d'orientation des infrastructures. Madame la ministre, vous avez pris l'engagement de ne pas transférer de compétences sans ressources adaptées mais les moyens manquent toujours à ceux qui mettront en oeuvre la compétence mobilité.
Toujours en ce qui concerne le transfert aux EPCI de la compétence mobilité, le transfert pourra se faire jusqu'au 1er juillet 2021, et non plus au 1er janvier 2021.
Un mot sur la régulation des opérateurs de free floating, elle était inéluctable. Notre rapporteur a apporté une réponse équilibrée qui ne fera obstacle ni au développement des mobilités douces ni à l'exercice des prérogatives communales et intercommunales.
Sur l'amendement de MM. Raison, Fichet et Mme Vullien sur les 80 km/h, certains parlent de populisme et de démagogie ; c'est toujours le cas lorsqu'on traite d'un problème qui ne concerne pas les zones urbaines.
Le Sénat n'a pas voulu de l'ovni législatif que représentait la charte facultative pour les plateformes de mise en relation. Quelle aurait été sa force alors que la jurisprudence est en pleine effervescence ?
Dernier écueil que le Sénat a su éviter : la boulimie fiscale. Que de nouvelles taxes ont été proposées ces derniers jours !
Sur le Lyon-Turin, madame la ministre, vous vous êtes engagée à ce que la France se joigne à la demande de l'Italie pour solliciter le financement à hauteur de 50 % de la part de l'Union européenne. C'est un enjeu de report modal, comme le souligne l'amendement de notre collègue Bruno Gilles sur la traversée de Lyon et le port de Marseille. Plus de 3 millions de poids lourds passent par les vallées alpines.
Enfin, madame la ministre, je vous renouvelle ma demande de rencontre sur la question du contournement ferroviaire de Lyon qui inquiète les élus de l'Ain. Le tracé actuel ne peut être accepté en l'état, on ne peut transférer les contraintes des uns vers les autres.
Malgré toutes ces incertitudes, le groupe Les Républicains votera ce texte amendé. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et LaREM)
M. Frédéric Marchand . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Un homme est fait pour être mobile, tout le malheur vient de l'immobilité, disait Jacques Brel. Ces deux dernières semaines, notre assemblée n'a jamais cédé à la tentation de l'ornithorynque. Nous avons argumenté sans relâche, dans un climat serein, pour donner corps à cette belle loi d'orientation des mobilités.
Nous devons beaucoup à ceux qui étaient aux commandes pour prendre une métaphore, aux commandes de véhicules propulsés par une énergie renouvelable propre bien évidemment. À vous, madame la ministre, d'abord, qui avez réussi les Assises de la Mobilité et su écouter les sénateurs. Au rapporteur qui a su associer tous ceux qui le souhaitaient au débat ; humanité et fermeté, telles ont été ses qualités. Au président Maurey, dont chacun connaît l'appétence pour le sujet des mobilités.
Le Sénat, une fois de plus, a fait oeuvre utile. Il y a eu la réforme de la SNCF, il y aura la LOM. Il a su s'emparer d'un sujet essentiel, dans l'intérêt des territoires et de nos concitoyens. La copie que nous livrons à l'Assemblée nationale doit permettre d'aborder la problématique sous tous les angles. Nos collègues députés, et je salue la présence du député Jean-Marc Zulesi dans nos tribunes, pourront aller plus loin grâce à nos propositions sur le rôle à donner aux AOM pour répondre aux attentes de mobilités du quotidien, sur les mobilités des personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite, sur les outre-mer, sur l'ouverture des données, sur les mobilités partagées, sur le réseau des recharges électriques ou encore sur la création du forfait mobilités durables.
Sur le sujet du free floating, notre assemblée a malheureusement cédé à l'émotion au détriment de la concertation avec les acteurs. Elle n'a pas souhaité fixer dans le marbre l'interdiction de la vente des véhicules à essence et diesel à horizon 2040, la neutralité carbone et la baisse de 50 % des émissions du transport aérien à horizon 2050. Je le regrette, le sujet dépasse les considérations partisanes.
Je me félicite que la notion de mobilité inclusive se soit substituée à celle de mobilité solidaire. En 2019, une personne sur quatre a refusé un travail ou une formation, faute de pouvoir se déplacer.
La pratique du vélo est encouragée, le Sénat a su faire preuve d'audace dans ce domaine. Sa vélo-compatibilité sera complète, monsieur le président Larcher, quand une flotte de vélos électriques sera mise à disposition des sénateurs et de leurs collaborateurs.
La boîte à outils qu'est ce projet de loi sera efficace si les AOM disposent de moyens, et nous avons entendu les engagements de la ministre ; elle sera efficace s'il est procédé à des expérimentations avant toute modélisation ; elle sera efficace si l'Assemblée nationale et le Sénat continuent à tout mettre en oeuvre pour privilégier les mobilités du quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. Loïc Hervé, Jean-Marc Gabouty et Yvon Collin applaudissent également.)
Mme Éliane Assassi . - Le débat d'idées est la marque du Sénat. Une fois encore, nous avons prouvé l'utilité de la Haute Assemblée...
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
Mme Éliane Assassi. - ... en ces temps où le Gouvernement affiche un certain mépris, mêlé de rancoeur, à l'égard de notre institution. Multiplication des ordonnances, modification de projets de loi par lettre rectificative, introduction par amendement de dispositifs fondamentaux pour s'exonérer d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État, ces méthodes, nous les avons dénoncées en déposant une motion. Nous maintenons que le Gouvernement aurait dû attendre la fin du grand débat pour nous soumettre un texte. L'égalité d'accès aux services publics, la justice fiscale, le coût des transports et une transition écologique qui ne rime pas avec déclassement social, aucune de ces questions essentielles n'est traitée dans ce projet de loi.
Pas de recettes nouvelles non plus pour les infrastructures de transport, c'est le statu quo ; vous avez refusé notre proposition d'écotaxe et de rénovation du versement transport. Quand la fiscalité écologique qui rapporte plus de 30 milliards d'euros cessera-t-elle d'être un alibi pour alimenter le budget de l'État ?
Pour autant, il y a eu des avancées. Certaines de nos propositions ont été reprises sur la relance des TET et des trains de nuit, sur le fret ferroviaire qui ne doit être considéré sous le seul prisme des autoroutes ferroviaires, sur l'utilisation des données personnelles afin qu'elles ne soient pas captées par les GAFA, sur la place du vélo ou encore sur la suppression de la charte facultative pour les plateformes numériques.
Madame la ministre, votre vision va à l'encontre de la nôtre qui privilégie un transport en réseau sur notre territoire, avec un service effectué par des agents publics. Le covoiturage, le vélo, la trottinette électrique ne font pas la maille ; ils ne s'inscrivent qu'en complément de modes de transports structurants, dont le ferroviaire.
Madame la ministre, vous ne pouvez pas faire passer le désengagement de l'État pour le monde du futur car c'est bien de cela dont il est question. Le couple intercommunalité et région signe le dépérissement du trio État, département et commune. De même, la fermeture des lignes capillaires et des gares conduit à la rétraction du réseau, comme nous l'avions prédit, ...
M. Martial Bourquin. - Très juste !
Mme Éliane Assassi. - ...alors que la SNCF prospecte déjà en Espagne. Quel intérêt y a-t-il à la mettre en concurrence avec la RATP ? Quel gâchis de temps et d'argent ? Il faudrait, osons le mot, un monopole public. Les élections européennes approchent, c'est l'occasion de mettre fin à ce dogme de la libéralisation à tous crins dans l'intérêt de nos concitoyens.
Quant à votre sac à dos social, ce n'est qu'un parachute percé ! (Moues sur les bancs du groupe Les Républicains) La concurrence n'a d'autre fonction que d'apporter de nouveaux profits aux acteurs privés en mal de dividendes.
Ce modèle détruit ce qui nous est commun, ce qui fonde la République. Quand nos concitoyens n'ont pas tous les mêmes droits, et ce sera le cas avec un service public à géométrie variable, le pacte républicain est rompu. Ajoutez à cela la provocation sur le droit de grève et notre rejet total du Charles-de-Gaulle Express, vous comprendrez les raisons pour lesquelles nous voterons contre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Nelly Tocqueville et M. Martial Bourquin applaudissent également.)
M. Michel Dagbert . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Après le discours que le président de la République a prononcé à Rennes en juillet 2017, nous pouvions comprendre la pause sur les grands chantiers d'infrastructures. Les gouvernements successifs avaient travaillé à réaliser la France de la grande vitesse, ce que nous n'avons pas à regretter car nous y avons gagné en temps de trajet et mis en valeur un savoir-faire qui s'exporte. Cependant, durant la même période, l'ensemble du réseau a pâti d'un sous-investissement. La crise de 2008 a eu un impact sur les allocations aux collectivités territoriales et l'entretien des routes.
Nous espérions une grande loi-cadre qui prenne en compte toutes les mobilités, sans exception. Le ferroviaire, avec la loi de l'an dernier, le vélo avec le plan Vélo et l'aérien en ont été exclus. Votre texte, soumis à l'épreuve de Bercy et de Matignon, laisse pendante la question du financement. Pourquoi avoir refusé le principe d'un grand emprunt ? La question de la contribution financière des poids lourds étrangers qui empruntent nos routes aurait aussi mérité d'être traitée.
M. Albéric de Montgolfier. - Merci Mme Royal !
M. Michel Dagbert. - Espérons que l'euro-vignette sera bientôt mise en place.
Nous regrettons le passage à 72 heures du délai de préavis de grève dans les transports publics. Cela relève plus du dogme que de la réalité vécue : les usagers disent être davantage affectés par les pannes et les retards. Dans ces conditions, difficile de ne pas y voir une atteinte portée au droit de grève.
L'amendement voté à l'article 2, n'a d'autre objectif que de réduire la participation des employeurs de 50 % sous couvert de favoriser le télétravail ; il privera de recette l'AOM.
À mon tour de féliciter le président et le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je vous remercie également, madame la ministre, pour votre sens de l'écoute.
Nous avons obtenu des avancées : pérennisation dans la loi du conseil d'orientation des infrastructures, sanctuarisation des ressources de l'Afitf, nouveaux moyens de financement pour les collectivités, mécanisme de solidarité pour les territoires ruraux les plus en difficulté, fléchage de 0,3 % pour les AOM qui n'organisent pas de transports de manière régulière. J'approuve également la suppression de la charte facultative que j'avais qualifiée de disposition « Canada dry ».
Autre motif de satisfaction, la reconnaissance de la nécessité de développer le transport fluvial. L'inscription dans la loi du Canal Seine Nord ne lève pas les incertitudes quant à son financement. Avec le Lyon-Turin, il constitue un dossier faisant l'objet d'engagements internationaux.
Malgré l'esprit d'ouverture et la qualité du travail du rapporteur et l'implication forte de mes collègues, le dogmatisme de la majorité sénatoriale conduira le groupe socialiste et républicain à s'abstenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; exclamations sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Présenté comme le projet de loi le plus ambitieux depuis la loi de 1982, ce texte n'est pourtant pas une révolution. Néanmoins, nous sommes nombreux à saluer son orientation stratégique qui met l'accent sur les mobilités du quotidien. Un double enjeu se dessine : désenclaver le territoire en luttant contre la pollution des transports.
Le nombre de morts sur les routes a augmenté de manière inquiétant depuis le début de l'année. Cela nous rappelle que toute politique de prévention doit s'accompagner d'une politique de répression efficace. Début mars, 75 % des radars étaient encore endommagés. Il faut engager des réparations et des mesures de protection ou de remplacement au plus vite. Ce sont les capacités d'investissement de la France en matière de transport qui sont en jeu. L'instabilité des amendes radars constitue un manque à gagner pour l'Afitf. Si le cap est fixé, il reste à le financer. D'où le choix que nous avons fait de sanctuariser dans la loi les ressources de l'Afitf.
Le Sénat a aussi renforcé les moyens des collectivités pour qu'elles puissent investir leur mission d'autorité organisatrice de mobilité. Votre objectif est de couvrir 100 % du territoire en AOM, madame la ministre ; nous en prenons acte.
Une fracture croissante divise la France des métropoles et celle des territoires, affectée par des décennies de sous-investissements. La décentralisation renforcée prend forme peu à peu ; notre collègue Dantec l'a rappelé, elle doit aller de pair avec une péréquation renforcée et une solidarité nationale assumée.
La voiture reste le mode de déplacement domicile-travail privilégié par plus de 70 % des actifs. Nous devons donc renforcer le maillage territorial des lignes ferroviaires. Les petites lignes qui structurent l'espace seront un maillon essentiel de la mobilité de demain, elles doivent être préservées. Nous saluons l'adoption d'un amendement, porté notamment par notre groupe, qui autorise la gestion de certaines lignes par les régions qui en feront la demande ainsi que de la possibilité de concomitance des travaux de modernisation et de régénération sur les lignes d'équilibre du territoire.
En revanche, nous aurions voulu des engagements plus forts sur la vente de véhicules thermiques - ils représentent encore 94 % du parc actuel. Malgré une délivrance soumise au bon vouloir de l'employeur, le forfait mobilités durables est un signal positif à destination des moyens en faveur du respect modal. Autres signaux positifs : l'inscription de la diminution des émissions de gaz à effets de serre parmi les objectifs poursuivis par la stratégie et la programmation des investissements de l'État dans les transports, le rehaussement des obligations de part minimale de véhicules à faibles émissions dans les flottes d'entreprises ainsi que les mesures visant à réduire la pollution des navires. Sur la proposition du RDSE, le Sénat a également étendu à tous les territoires la possibilité de créer des zones à faibles émissions. Il le fallait pour des raisons de santé publique, comme il fallait encourager la pratique du vélo.
Au total, 23 amendements du groupe RDSE ont été adoptés. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM)
Scrutin public solennel
M. le président. - Nous allons procéder, dans les conditions prévues à l'article 56 du Règlement, au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi d'orientation des mobilités.
Je remercie nos collègues MM. Yves Daudigny, Guy-Dominique Kennel et Mme Patricia Schillinger, secrétaires du Sénat, qui superviseront ce scrutin.
Une seule délégation de vote par sénateur est admise.
La séance, suspendue à 15 h 30, reprend à 16 heures.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°73 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 266 |
Pour l'adoption | 248 |
Contre | 18 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC, RDSE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. le président. - Je salue la qualité du travail des rapporteurs, du président de la commission et de l'ensemble des participants à nos débats.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Ce texte est essentiel pour résorber les fractures territoriales et sociales qui minent notre pays, et les difficultés exprimées par nos concitoyens dans le cadre du grand débat, grâce à ses réponses concrètes aux besoins de mobilité du quotidien. Il respecte les grands équilibres que j'ai défendus.
Je me félicite du consensus sur le principe structurant qu'est la couverture complète du territoire par des AOM, afin que, demain, plus aucun Français ne soit laissé sans solution ; de l'intérêt du Sénat pour les mobilités actives, telles que le vélo, mais aussi, plus généralement, pour la transition écologique ; de la priorité qu'il a donnée aux transports du quotidien dans la programmation.
Les questions du financement, du free floating, de la billettique seront à approfondir à l'Assemblée nationale. Pour le reste, je me félicite à nouveau de la richesse de nos débats et salue la mobilisation de votre assemblée sur ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOCR et des bancs du groupe LaREM à ceux du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 5.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
La séance reprend à 16 h 15.