Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. La séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau, j'appelle chacun au respect des uns et des autres, ainsi que de son temps de parole.

Interdiction des pesticides

M. Guillaume Gontard .  - Vendredi dernier, les secrétaires d'État, M. Attal et Mme Poirson, manifestaient avec les lycéens pour le climat. Je me félicite que la France soit à la pointe du combat. Il n'en est pas de même pour Bercy, qui a soutenu, dans la nuit de vendredi à samedi, juste avant la semaine sans pesticide, un amendement de la majorité au projet de loi Pacte, adopté à l'Assemblée nationale, repoussant de trois ans, à 2025, l'interdiction de production en France des pesticides interdits d'usage dans l'Union européenne.

Certes, le Sénat avait purement et simplement supprimé l'interdiction... mais le Gouvernement s'était alors opposé à ces amendements rétrogrades !

Bref, la France continuera à produire pendant six ans des substances tellement nocives pour la santé humaine et celle de nos sols que l'Union européenne les a interdites, elle qui tergiverse toujours sur le glyphosate, reconnu pour la deuxième fois comme cancérigène par la justice américaine... Or le président de la République est revenu sur sa promesse de sortir du glyphosate en trois ans, alors que le ministre de l'agriculture reconnaissait sa dangerosité. Conséquence : la politique du Gouvernement est illisible !

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin proposer une politique ambitieuse de sortie des pesticides ou la confier à la FNSEA et aux industriels, comme le laisse penser le contrat de dupes signé par le Gouvernement, dit « contrat de solution » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Notre ambition est forte, et nous voulons baisser l'utilisation des produits phytosanitaires de 50 % d'ici à 2025, nous avons séparé la vente du conseil, à compter de cette année, et augmenté la redevance pour les pollutions diffuses, également à partir du 1er janvier 2019 pour le glyphosate.

Vous le savez, la France a poussé l'Union européenne dans ce domaine. Nous avons pris l'engagement de sortir du glyphosate en trois ans, mais aussi d'accompagner toutes les filières pour ce faire, en lien avec la FNSEA, l'APCA et la recherche agronomique. Tel est le sens du contrat de solution.

L'amendement adopté à l'Assemblée nationale a décalé de trois ans cette interdiction. Nous sommes les seuls à avoir décidé de cette interdiction en Europe, et nous portons de manière offensive cette position à Bruxelles.

Nous accompagnons les agriculteurs. C'est un volet de sortie mais aussi de transformation. (M. Éric Bocquet commence à applaudir la secrétaire d'État puis se reprend aussitôt, ce qui suscite des rires et des applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président. - Quelle gloire ! (Sourires)

Violences sur les Champs-Élysées

M. Jean-Marc Todeschini .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Depuis le début de la crise sociale, le Gouvernement a géré dans l'improvisation absolue. (« C'est vrai ! » à droite) Tout le monde a en tête les déclarations du président de la République du 10 décembre, en contradiction avec celles des ministres et du Premier ministre quelques jours auparavant. Cette salve d'improvisations et de contradictions successives a perduré jusqu'à l'annonce de la mobilisation de l'armée samedi prochain. (Exclamations à droite)

Le groupe socialiste et républicain a fait, dès le 3 décembre, des propositions pour sortir de la crise, passant par une écoute et un dialogue sincère avec les Français et les élus nationaux et locaux. Enfermés dans vos certitudes, vous n'avez toujours pas trouvé de chemin de sortie de la crise au bout de quatre mois et avez choisi la stratégie du pourrissement, en laissant aux casseurs un terrain propice à leur violence. Vous êtes les seuls responsables de cette situation. En décidant d'appeler les militaires à la rescousse, vous prenez une très grande responsabilité.

Quelles consignes leur avez-vous données ? Vont-ils faire l'usage de leurs armes ? Quelle distinction feront-ils entre délinquants et ennemis ?

Prélever des militaires de l'opération Sentinelle, pour le maintien de l'ordre, c'est affaiblir la sécurité des Français, dans les gares ou sur les marchés et autres espaces publics où ils sont habituellement déployés, c'est déstabiliser une institution dédiée à la lutte contre le terrorisme et risquer de vives polémiques en cas de blessés par balles, voire pire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; MM. Sébastien Meurant et Jean-Claude Luche applaudissent également.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - (Mouvements et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Je vous rassure tout de suite. Comme je l'ai dit ce matin à la préfecture de police, il n'est pas question de mobiliser les militaires pour maintenir l'ordre public. Vous savez qu'ils sont de très grande qualité, mais ni formés, ni équipés pour cela. Samedi prochain, comme depuis 2015, et comme depuis le début du mouvement des gilets jaunes, les militaires seront là pour épauler les forces de sécurité. Ils se substitueront à elles pour la garde de bâtiments qui ne sont pas exposés.

Je regrette la polémique lancée après les propos du porte-parole (Marques d'ironie à gauche et à droite) qui n'a fait que rappeler une réalité qui n'avait rien de nouveau. Il y a eu un emballement qui peut cesser immédiatement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE ; exclamations à droite)

Demande de libération de Nasrin Sotoudeh

M. Emmanuel Capus .  - Condamnée à 148 coups de fouet et 33 ans de prison : pas pour avoir tabassé un policier sur les Champs-Élysées, n'en déplaise aux révolutionnaires de plateaux de télévision qui répètent à l'envi, avec des trémolos dans la voix, que la France serait une dictature... Non, ces 148 coups de fouets et 33 ans de prison sont la condamnation de Nasrin Sotoudeh, lauréate du prix Sakharov, avocate iranienne. Son crime ? Avoir défendu ses clientes, des femmes qui portent leur voile en public ! Pire, avoir contesté publiquement le port obligatoire du voile !

La France doit défendre, où qu'ils se trouvent, toutes celles et tous ceux qui se battent pour les valeurs universelles, qui fondent notre République, au premier plan desquelles la liberté religieuse, l'égalité entre femmes et hommes, les droits de la défense.

Nasrin Sotoudeh a renoncé à faire appel, car elle croit sa cause perdue. Pourtant partout dans le monde, des pétitions réclament sa liberté.

Monsieur le ministre, croyez-vous aussi sa cause perdue ? Que fera la France pour obtenir sa libération inconditionnelle et immédiate ? (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La condamnation de Nasrin Sotoudeh suscite l'indignation partout dans le monde, et le Gouvernement la partage. C'est une avocate, qui défend les femmes, et un symbole de la liberté. Mme Nasrin Sotoudeh avait reçu le prix Sakharov, décerné en 2012 par le Parlement européen. C'est pourquoi le président de la République a appelé à sa libération à l'occasion de la remise du premier prix Simone Veil et propose de la nommer symboliquement membre du Comité consultatif pour l'égalité entre les femmes et les hommes du G7.

Je répèterai cela dès la semaine prochaine à New York, à la tribune du Conseil de sécurité des Nations unies, que la France préside en ce moment. Nous avons fait des efforts considérables pour préserver l'accord nucléaire de Vienne, en dépit du retrait américain, parce que nous honorons notre signature. L'Iran doit aussi respecter ses engagements et en particulier ceux du pacte international relatif aux droits civils et politiques de l'ONU. Notre soutien à l'accord de Vienne sur le nucléaire ne vaut pas blanc-seing pour la politique iranienne et certainement pas en matière de droits de l'homme. La France fera tout pour obtenir la libération de Mme Sotoudeh. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

Sécurité à Paris

M. Philippe Dominati .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le limogeage, justifié, du préfet de police, est un événement sans précédent sous la Ve République. Le Sénat n'a pas manqué d'alerter le Gouvernement : rapport de M. Grosdidier, loi anticasseurs du président Retailleau, rejet, à deux reprises, du budget de l'Intérieur. En commission des finances, j'ai moi-même demandé un rapport sur le renseignement intérieur et sur la préfecture de police.

Malgré cela, quatre mois après le saccage de l'Arc de Triomphe, les Champs-Élysées sont en ruine. La France prône la paix partout dans le monde, intervient en Syrie ou en Irak, mais n'assure pas l'ordre sur son propre territoire, en plein coeur de sa capitale. Dans quel délai vous engagez-vous, monsieur le ministre, à rétablir l'ordre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - (Quelques huées sur les bancs du groupe Les Républicains, où l'on désigne le ministre de l'Intérieur, assis au banc du Gouvernement) Outre le limogeage du préfet de police, vous évoquez quatre mois de tensions extrêmes, et avez raison de rappeler les évènements dramatiques du 1er décembre 2018, qui nous ont conduits à réviser la doctrine de l'ordre public, pour plus de mobilité des forces de l'ordre et pour déconcentrer la prise de décision.

Vous ne pouvez pas dire que, samedi après samedi, le désordre perdure. Nous avons évité des blessés et des morts. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains) C'est un curseur important en matière de maintien de l'ordre !

Certes, samedi dernier, cette doctrine réactive n'a pas été mise en oeuvre. Il y a eu un vrai dysfonctionnement, alors même que nous avions donné, avec Christophe Castaner, des instructions extrêmement précises.

Comme le Premier ministre l'a dit, tout attroupement sera dispersé et des arrêtés d'interdiction des maires seront pris, avec les maires concernés.

A Paris, il y a eu d'autres débordements, sous d'autres quinquennats, notamment entre 2007 et 2012. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. François Grosdidier.  - Oui, sous Hollande !

M. Philippe Dominati.  - Monsieur Nunez, le fait que vous répondiez entraîne la sympathie de cet hémicycle : nous avons tous compris que vous étiez le prochain fusible ! Ma question s'adressait au ministre de l'Intérieur, ancien chef d'un parti représenté par 14 parlementaires dans 18 circonscriptions parisiennes. Pourtant, le Gouvernement paraît sourd aux appels des Parisiens, face à l'explosion de la violence, de la délinquance, de l'antisémitisme, qui entrave l'économie, le tourisme, à Paris et alentour.

Nous sommes victimes de la double peine : inconsidération du Gouvernement, incompétence de la maire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC ; exclamations et protestations sur les bancs du groupe SOCR)

Grève du zèle des douaniers

Mme Catherine Fournier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je souhaitais adresser ma question à Gérald Darmanin.

Plusieurs voix à droite.  - Il n'est pas là !

Mme Catherine Fournier.  - L'approche du Brexit a donné lieu à un mouvement des douaniers depuis le 4 mars, causant des perturbations importantes gare du Nord, et bloquant complètement Calais, à nouveau pris en otages , une fois de plus, une fois de trop : camions arrêtés parfois 9 heures durant sur la bande d'arrêt d'urgence, sans information, sans sanitaires, sorties d'autoroutes fermées et non signalées, artisans sans travail, commerces désertés, transporteurs locaux excédés.

C'est une perturbation de trop qui sème la colère. La crise des gilets jaunes a montré que laisser pourrir la situation, c'est augmenter le mécontentement. L'activité de Calais est suspendue aux négociations entre douaniers et Gouvernement. Que ferez-vous pour mettre fin à ce mouvement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Ce mouvement a des conséquences économiques graves, c'est vrai. Nous avons répondu aux douaniers dans le cadre de la préparation du Brexit et dès avant ce mouvement avec la programmation de la création de plusieurs centaines de postes en 2019.

Les douaniers et leurs organisations syndicales représentatives ont été reçus à plusieurs reprises par le directeur général des douanes et par le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin. Nous avons proposé, à compter du 1er juillet, une revalorisation de 50 euros nets pour les 17 000 douaniers, soit 14 millions d'euros. Nous avons proposé des mesures sur les conditions de travail.

Il est impératif que le trafic reprenne. Gérald Darmanin a annoncé des sanctions. Ces perturbations n'ont rien à voir avec la réalité post Brexit, car elles frappent les sorties alors que ce sont les entrées qu'il faudra contrôler. Nous comptons sur les douaniers et aussi sur l'engagement de tous pour faire cesser ces perturbations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Catherine Fournier.  - Le Brexit est un prétexte.

Polémique sur l'IVG

M. Bernard Buis .  - Le 8 mars, nous célébrions unanimement la Journée internationale des droits des femmes. Nous avons salué la mémoire de Simone Veil et son combat courageux, à contre-courant de sa famille politique de l'époque...

Mme Sophie Primas.  - Pas toute ! (Marques d'approbation sur les bancs du groupe les Républicains)

M. Bernard Buis.  - ... afin que les femmes puissent disposer de leur corps et choisir de donner la vie ou pas.

Ce droit est en danger, et pas seulement aux États-Unis où des militants s'enchaînent aux grilles des hôpitaux. Il l'est aussi en France, où le Syndicat national des gynécologues-obstétriciens, par la voix de son président, menace de faire la grève des IVG. Comment est-ce possible ? Quelle est leur déontologie pour oser proférer une telle menace ? Le président de ce syndicat a même déclaré publiquement qu'il considérait l'avortement comme un crime, avant de prétendre avoir exprimé à cette occasion une opinion personnelle.

Madame la ministre, serez-vous la garante de ce droit fondamental des femmes, le droit à l'IVG, le droit de choisir d'avoir ou non un enfant. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et SOCR ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Buzyn, retenue à l'Assemblée nationale par la discussion du projet de loi Santé. Le communiqué de ce syndicat est scandaleux. Le refus spécifique de procéder à l'IVG est un acte militant et signifiant, indigne d'un syndicat médical qui entend représenter une profession. Ces menaces vont à l'encontre du droit fondamental à l'IVG. Les gynécologues-obstétriciens devraient pourtant accompagner les femmes au plus près de leurs souffrances, dans l'épreuve douloureuse qu'est un IVG. La prise en otage des femmes n'est pas un moyen d'action ni de médiation, et si médiation il y a eu, elle n'est pas à l'honneur de ce syndicat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes RDSE et SOCR)

Inégalités d'accès aux services publics

M. Éric Gold .  - Dans son rapport annuel, le Défenseur des droits met en garde l'État contre le risque de rupture entre les usagers et les services publics. La dématérialisation des procédures administratives soulève en effet des difficultés techniques et opérationnelles - je pense aux titres de transport sécurisés. Elle nécessite une large couverture internet, un bon équipement des ménages, une maîtrise de l'outil informatique. Or les zones blanches persistent, et 13 millions de Français ont des difficultés avec le numérique.

Le numérique est un facilitateur, mais il faut plus d'accompagnement, d'inclusion numérique. La fracture territoriale se creuse, entre la France des métropoles et la France des territoires qui cumulent les difficultés : déserts médicaux, fermeture des commerces, disparition des services publics nourrissent le sentiment d'abandon et sont un terreau fertile pour les extrêmes.

Que comptez-vous faire pour reconnecter les territoires et rendre effective la promesse républicaine d'accès aux droits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Je partage votre diagnostic. Si la dématérialisation de certains services est indispensable, nous devons être attentifs aux 13 millions de personnes qui rencontrent des difficultés dans l'usage du numérique.

Nous renforçons la présence du numérique sur le territoire avec un engagement de 3 milliards d'euros du Gouvernement, aidé en cela par les collectivités qui agissent pour développer le très haut débit d'ici 2022. Grâce à l'accord historique conclu par Julien Denormandie, nous progressons aussi sur le réseau mobile.

Nous mettons en place des mesures d'inclusion numérique, avec un guichet de cohésion numérique des territoires, une aide de 150 euros pour l'achat d'équipement, un pass numérique pour les personnes qui ont besoin d'être formées, un accompagnement humain dans les 1 400 maisons de services au public, des médiateurs numériques dans les préfectures et sous-préfectures.

Déclarations du Gouvernement sur les retraites

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.) Ma question s'adressait au Premier ministre. Depuis quelques jours, le sujet des retraites donne lieu à une véritable cacophonie gouvernementale.

Alors qu'il avait toujours été établi que le recul de l'âge de départ n'était pas à l'ordre du jour de la concertation, voici que la ministre des solidarités déclare que le sujet n'est pas tabou, au grand dam, à juste titre, du Haut-Commissaire aux retraites. Mme Buzyn ayant rétropédalé, voici que le porte-parole du Gouvernement affirme que le recul de l'âge du départ à la retraite fait bien partie de la concertation.

Cacophonie, ou jeu de rôles savamment orchestré ? Le Premier ministre a dit que l'âge ne bougerait pas mais qu'il fallait s'interroger sur l'allongement de la durée du travail, propos repris ce matin par M. Delevoye. Y a-t-il au sein du Gouvernement une volonté claire et partagée de maintenir ce droit, à nos yeux non négociable, assorti d'un niveau de pension suffisant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur certains bancs du groupe CRCE)

M. le président.  - À l'initiative de notre commission des affaires sociales, un débat entre les partenaires sociaux et le Haut-Commissaire se tient en ce moment même au Sénat, salle Clemenceau.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Le Premier ministre disait hier devant l'Assemblée nationale... (Le brouhaha sur les bancs du groupe SOCR et les claquements de pupitres couvrent la voix du ministre, contraint de s'interrompre.)

M. Rachid Temal.  - Où est Édouard Philippe ? (On renchérit à gauche.)

M. Patrick Kanner.  - Un peu de respect pour la Haute Assemblée !

M. le président.  - Laissez répondre le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre.  - Le Premier ministre a annoncé une réforme des retraites plus lisible, plus juste et plus solidaire. Le mandat de Jean-Paul Delevoye n'a pas changé : il ne porte pas sur la question paramétrique de l'âge de la retraite. (L'agitation se poursuit sur les bancs du groupe SOCR.)

En même temps, l'allongement de l'espérance de vie est une réalité qu'il faut regarder en face. Avec cinq millions de plus de 85 ans en 2050, le vieillissement de la population est un défi majeur pour notre protection sociale, notre système de santé et la prise en charge de la dépendance. Réduire le reste à charge pour les familles, améliorer les conditions de travail dans les Ehpad, suppose des moyens financiers considérables, or nous n'augmenterons pas les impôts. La question est ouverte dans le cadre du grand débat, ne la tranchons pas avant de l'avoir posée ! (Protestations sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Monique Lubin.  - Les choses sont claires : nous sommes toujours dans la confusion. Vous ne pouvez pas faire payer la dépendance par des gens qui ont commencé jeunes et exercent des métiers pénibles. (Applaudissements à gauche)

Maintien de l'ordre lors des manifestations

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Ma question s'adressait au Premier ministre.

Nombreuses voix sur les bancs du groupe SOCR.  - Il est où ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Les scènes de violences et de pillages observées samedi dernier sont-elles dues à une défaillance ? Un manque d'anticipation ? Un certain amateurisme ?

Les Français ne veulent plus des discours, ils veulent des actes ! Nous ne sommes plus dans le cadre du maintien de l'ordre classique. Au lendemain de la dégradation de l'Arc de Triomphe, le 1er décembre, nous attendions des actes forts. Or ne rien faire de plus, c'est laisser faire.

Ce ne sont pas vos incantations qui calmeront le pays, encore moins le recours à l'armée. Dans le domaine régalien, votre « en même temps » est un échec. La seule réponse, celle que le Sénat vous propose depuis juin, c'est la fermeté !

Pouvez-vous dire à combien se chiffrent les dégâts ? Qui paiera : les Français, via les primes d'assurance, ou les casseurs ?

Enfin, monsieur le Premier ministre...

Nombreuses voix sur les bancs du groupe SOCR.  - Il est où ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - ... Le ministre de l'Intérieur, discrédité, peut-il encore assumer sa mission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - (Exclamations à gauche) Je suis...

M. Rachid Temal.  - Le fusible !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - ... heureux de constater que vous reconnaissez que ces mouvements sont d'une violence inédite et dépassent le simple maintien de l'ordre. Votre analyse rejoint enfin la nôtre, tant mieux. (Protestations à droite) Dès le 1er décembre, nous avons fait évoluer la doctrine d'intervention des forces de l'ordre. Les organisations syndicales nous ont remercié (Exclamations) de la latitude que nous leur laissions dans les interpellations.

M. Rachid Temal.  - Quel succès !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État.  - Mille huit cents personnes jugées, 40 % de peines de prison ferme. Comment oser dire que nous n'avons rien fait ? Samedi dernier, il y a eu des dysfonctionnements, nos instructions n'ont pas été appliquées. C'est très grave. Nous continuons à assurer l'ordre républicain, à protéger la République.

Que feriez-vous à notre place ? Qu'avez-vous fait entre 2007 et 2012 ? (Vives protestations à droite)

Nous avons pris des mesures législatives et opérationnelles. Dès samedi, tous les attroupements seront immédiatement dispersés. (Exclamations à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)

Souffrance des familles de policiers et de gendarmes

Mme Évelyne Perrot .  - Ma question s'adresse au ministre de l'Intérieur. (« Ah ! » sur divers bancs)

À l'heure où les Français sont indignés de voir leur pays exsangue, les familles des forces de l'ordre sont les victimes collatérales de cette crise. Depuis le début de l'année, on dénombre 24 suicides dont 19 au sein de la police nationale.

Depuis des mois, les forces de l'ordre tentent de maintenir l'ordre dans des manifestations toujours plus violentes. Leurs familles subissent une telle agressivité sur les réseaux sociaux qu'elles demandent à leurs enfants de taire la profession de leur parent. Dans les cours d'école se rejouent les scènes vues sur les écrans... Comment dès lors expliquer à un enfant qu'il n'a pas à avoir honte d'être fils ou fille de policier ?

L'association « Femmes des forces de l'ordre en colère » de ma région n'a toujours pas été reçue par le ministère de l'Intérieur, malgré la promesse du président de la République, en 2017...

Monsieur le ministre, comment comptez-vous protéger ces familles ? Allez-vous recevoir et écouter ces femmes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains ; Mme Maryvonne Blondin applaudit également.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - (« Ah ! » sur divers bancs) C'est la deuxième question à laquelle je réponds, après les trois heures passées hier devant la commission des lois à parler d'ordre public.

Le métier de policier et de gendarme est difficile, la pression très forte. À chaque rencontre avec les organisations syndicales, les partenaires sociaux, les États-majors, j'aborde systématiquement la question de la prévention du suicide. Les forces de sécurité subissent une violence quotidienne, une mise en cause permanente.

Nous mettons systématiquement en place un accompagnement psychologique, médical et social des proches ; à cet égard, la gendarmerie nationale est un exemple. Nous mobilisons des moyens financiers pour sécuriser le quotidien des gendarmes.

Protéger nos forces de l'ordre, c'est aussi renforcer l'anonymat, notamment lors de procédures judiciaires. J'ai signé le 12 février un arrêté qui étend la liste des services dont les agents ne peuvent voir leur identité dévoilée dans les médias.

Je ne connais pas l'association locale que vous citez, mais à 17 heures, je reçois, avec Laurent Nunez, toutes les organisations syndicales. Avec l'accord de décembre, les conditions de travail des gardiens de la paix ont été grandement améliorées. C'était nécessaire et juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Évelyne Perrot.  - Vous envisagez un plan de recrutement dans la police ? Changez-en l'image et redonnez à ces femmes et ces hommes engagés respect et dignité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Marée noire du Grande America

M. Arnaud de Belenet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) J'aurais aimé poser ma question au Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe SOCR) mais je me réjouis d'entendre son nom scandé sur les bancs socialistes !

En manifestant pour le climat, la jeunesse nous donnait une leçon de clairvoyance et de sagesse. Au même moment, l'incendie se déclarait à bord du Grande America, qui transportait 2 200 tonnes de fioul ainsi que des matières dangereuses.

Quelles mesures ont été prises pour protéger nos côtes et nos eaux de cette pollution ?

Avec l'adoption des paquets Erika 1, 2 et 3 et la mise en place de l'Agence européenne, l'Union européenne a accru la sécurité maritime. Le Grande America a été contrôlé en 2010 en France avec 35 défauts techniques, qui n'étaient plus que trois en octobre 2018 à Hambourg.

L'Europe nous a protégés, mais une partie du chemin reste à faire. Cette affaire montre que nous avons besoin d'Europe. Comment la France plaidera-t-elle pour renforcer la sécurité maritime à l'échelle européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et Les Indépendants)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Grande America, navire italien qui reliait Hambourg à Casablanca, a fait naufrage et repose à 4 500 mètres de profondeur à 32 kilomètres de nos côtes.

François de Rugy s'est rendu sur place dès jeudi pour suivre les opérations et saluer le sauvetage de 27 personnes à bord.

En 22 ans sous pavillon italien, le Grande America a fait l'objet de 35 contrôles, dont un à Dunkerque en 2010, le dernier ayant été réalisé en 2018 à Hambourg. Il a toujours reçu l'autorisation de naviguer.

Nous cherchons à contenir la catastrophe avec huit navires sur zone, sept conteneurs ; des navires ont été affrétés sous l'égide de l'Agence européenne de sécurité maritime, un autre est espagnol. Le système satellitaire européen CleanSeaNet permet de suivre l'évolution de la nappe d'hydrocarbure. L'armateur a été mis en demeure, une enquête administrative, judiciaire et technique est en cours pour faire la lumière. Nous ferons des propositions au niveau européen pour renforcer la sécurité et la réglementation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Francophonie

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) À mon tour de déplorer l'absence du Premier ministre... (« Où est-il ? » sur les bancs du groupe SOCR ; on renchérit sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Il y a un an, sous la coupole de l'Institut, le président de la République prononçait un discours sur la francophonie et fixait un cap : apprendre, échanger et créer en français. Il a souhaité que la France réaffirme, à travers son aide publique au développement, son engagement fort pour l'éducation.

Il a également annoncé des mesures concrètes : un volontariat international pour le français, le doublement des missions du service civique dans ce domaine, un nouvel élan pour nos lycées français avec un doublement des inscrits d'ici à 2025, l'implantation à l'étranger de nos établissements du supérieur, regroupés en campus.

Il a également fixé de nouvelles missions aux acteurs de l'audiovisuel francophone.

Pourtant, un an après, le volontariat international n'existe toujours pas, les budgets des Alliances françaises et des lycées sont en baisse, l'audiovisuel francophone est en plein doute. Que fait le Gouvernement pour traduire les engagements annoncés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC et sur plusieurs bancs du groupe SOCR ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je suis heureux de saluer le vice-président délégué de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, laquelle a fêté ses cinquante ans en 2017. Les parlements ont été pionniers dans ce domaine, ne l'oublions pas. (M. Roger Karoutchi le confirme.)

Un an après le discours fondateur du président de la République, les initiatives et les actions foisonnent.

Notre soutien au système éducatif des pays en développement de la francophonie est passé de 97 millions d'euros en 2017 à 208 millions d'euros en 2018 et atteindra bientôt 300 millions.

Des actions sont menées en synergie avec l'Organisation internationale de la francophonie, dont le président de la République a rencontré hier la nouvelle secrétaire générale. Elles sont déclinées au sein des institutions européennes, pour que le français soit mieux enseigné aux fonctionnaires internationaux.

Sur le volontariat international - une idée de Mme Garriaud-Maylam - nous passons de l'expérimentation à l'industrialisation.

Avec Frédérique Vidal, nous avons posé hier la première pierre de la Maison des étudiants de la francophonie à la Cité internationale : elle accueillera 150 étudiants francophones en 2020.

Les campus franco-sénégalais et franco-tunisien avancent aussi.

Ce sujet rassemble largement, et j'ai une pensée pour Jacques Legendre et Michèle André, qui ont porté haut cette flamme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Philippe Mouiller.  - J'entends, mais ne peux que témoigner du décalage entre le discours et les réalisations. (Mme Claudine Lepage le confirme.) Le discours, même sous la Coupole, pourrait être plus modeste, mais suivi d'actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean-Yves Leconte et Mmes Claudine Lepage et Maryvonne Blondin applaudissent également)

Marche pour le climat

M. Jean-François Husson .  - Samedi, dans le calme et la bonne humeur, 400 000 Français ont manifesté pour demander que l'on revoie à la hausse l'ambition française pour l'écologie, au lendemain de la grève des jeunes qui fustigeait l'inaction du Gouvernement. Cela vous a laissé sans voix ni réaction, quand Nicolas Hulot, lui, claquait la porte pour dénoncer l'immobilisme.

Les Français nous exhortent à agir. Quelle est l'ambition du Gouvernement en faveur du climat et pour une écologie positive et non punitive ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Ces mobilisations sont salutaires et importantes. Nous avons besoin d'une prise de conscience, d'une volonté commune d'agir pour la transition écologique et solidaire.

Le président de la République a récemment débattu avec des jeunes à Gréoux-les-Bains ; demain, avec François de Rugy, Jean-Michel Blanquer, Brune Poirson et Gabriel Attal, nous rencontrerons des lycéens.

Il ne faut pas opposer les uns aux autres mais agir ensemble pour la transition écologique. Le ministère est à la tâche, tous les jours, déterminé. La programmation pluriannuelle de l'énergie a été présentée. Deux réacteurs nucléaires fermeront à Fessenheim en 2020, les quatre centrales à charbon de métropole en 2022. Nous accompagnons les collectivités territoriales, nous créons un onzième parc naturel, un office français de la biodiversité, nous tenons des Assistes de l'eau et avons présenté une feuille de route sur l'économie circulaire.

Comme l'a dit le président de la République, il faut aller plus vite, plus loin, plus fort. Le grand débat sera l'occasion de proposer une feuille de route complémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-François Husson.  - Réponse convenue. Le Gouvernement reste « petits bras ». En plein réchauffement climatique, ne gelons pas l'ambition ! Programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE) maintes fois repoussées, trajectoire carbone incertaine, développement des énergies renouvelables balbutiant, fiscalité verte mise sous le tapis à cause des gilets jaunes...

Traiter les conséquences de la pollution de l'air coûte 100 milliards d'euros par an, notre facture énergétique pèse pour les deux tiers de notre déficit commercial...

Faites confiance aux collectivités territoriales. Faites donc une loi Pacte 2, une loi « plan d'action pour le climat et la transition écologique ».

Sinon Jupiter risque de devenir Éole, dieu du vent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 25.