Prise en charge des cancers pédiatriques
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli.
Discussion générale
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - Cette proposition de loi a été adoptée fin novembre par l'Assemblée nationale. Je suis d'autant plus heureux de vous la présenter que j'ai suivi son examen comme député. C'est avec une émotion sincère que je me présente devant vous.
Les cancers des enfants ne peuvent que susciter l'émotion. Ils nourrissent un sentiment d'injustice face à la maladie qui frappe aveuglément ; mais ils suscitent aussi un sentiment d'urgence, celle de traiter, d'en sortir, de développer de nouveaux traitements, d'accéder aux médicaments et aux essais cliniques, et de trouver, pour guérir.
Je vous remercie de votre engagement à approuver conforme cette proposition de loi pour rendre son entrée en vigueur rapide. La commission des affaires sociales a ainsi adopté le texte à l'identique.
Je répondrai cependant à certaines de vos réserves. Sur le conseil d'administration de l'Institut national du cancer (INCa) d'abord. Que les parlementaires y siègent est bon, mais à quatre ils le déstabiliseraient : deux parlementaires, c'est donc plus sage.
Nous avons entendu la crainte des familles que les enfants ne puissent participer aux essais cliniques : l'article 2 précise que des recherches pédiatriques peuvent être réalisées, tout en garantissant un haut niveau de sécurité et d'éthique.
Sur la question de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP), nous essayons de trouver des solutions et je suis convaincu que ce texte marquera une avancée significative pour les enfants malades et leur famille.
Mais vous avez raison, cela ne nous empêchera pas de nous interroger sur l'articulation entre différentes prestations.
Nous réfléchissons ainsi à une meilleure attribution de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) enfant, avec une gamme d'aides plus large. Le débat reste ouvert avec les départements. Nous trouverons ensemble une solution lisible et efficace.
Merci, madame la rapporteure, de n'avoir pas modifié l'article 5 sur le droit à l'oubli, pour lequel Mme Buzyn, alors présidente de l'INCa, s'était battue. (M. Antoine Lefèvre approuve.) Nous avons réaffirmé notre attachement à la convention « S'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » (Aeras) à laquelle la ministre de la Santé a beaucoup contribué - et qui continue à faire ses preuves.
Merci, au nom du Gouvernement, de permettre l'adoption définitive de ce texte. Nous serons vigilants, collectivement, à ce que le combat continue. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC, Les Indépendants et Les Républicains)
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Vendredi dernier était la Journée nationale contre le cancer pédiatrique ; et le samedi, se tenait au Sénat le colloque FAST de l'association Imagine For Margo, consacré à la recherche en oncologie pédiatrique.
Le Parlement est pleinement engagé sur ce sujet, nous soutenons la demande de déclarer la lutte contre les cancers pédiatriques grande cause nationale. Nous comptons à présent sur le Gouvernement et sur les industriels.
Ce texte a le mérite de proposer une stratégie globale dans notre politique de lutte contre les cancers de l'enfant, de la relance de la recherche en oncologie pédiatrique à l'accompagnement social des parents, en passant par la prise en charge de la douleur et le droit à l'oubli des jeunes traités pour un cancer dans leur adolescence.
La commission a salué la démarche - tout en regrettant les insuffisances. Les avancées sont au nombre de deux : la prise en compte de la recherche sur le cancer de l'enfant dans la stratégie de l'INCa, l'horizon temporel de cette recherche a été allongé ; et l'assouplissement du congé de présence parentale et de l'allocation afférente.
La commission déplore néanmoins des occasions manquées : l'article 2 posait la question de l'accès des mineurs aux essais cliniques de phase précoce, préoccupation importante des parents. Les industriels mettent en avant le principe d'interdiction générale d'inclusion des mineurs dans les essais cliniques si ces essais peuvent être menés avec une efficacité comparable chez les adultes, et font valoir la dérogation du règlement pédiatrique européen de 2006 qui les dispense de plans d'investigation pédiatrique lorsque l'indication n'existe que chez les adultes. Or les nouvelles thérapies ciblent des voies d'activation de tumeurs qui se retrouvent chez l'adulte comme chez l'enfant.
La rédaction de l'article 2 ne change guère le droit : remplacer « ne peuvent que si » par « peuvent seulement si », l'effet n'est que lexical - et nous n'y voyons qu'une volonté d'affichage.
Sur le droit à l'oubli, l'Assemblée nationale a respecté la convention Aeras, mais n'a guère astreint la négociation à une obligation de résultat, c'est regrettable. Nous serons particulièrement vigilants sur cette négociation.
Notre commission est réservée sur l'article premier bis, qui placera des parlementaires en position de juges et parties de l'INCa : ils participeront à l'instance décisionnelle avec d'importants pouvoirs d'agrément et d'attribution de financements, ils seront donc liés organiquement à la gestion de l'INCa ; cependant, ils contrôleront l'activité de l'Institut, en particulier lors de l'examen du projet de loi de finances. Il faudra, à l'avenir, mettre un terme à ce type de confusion.
Sur la prise en charge de la douleur, les leviers d'actions appartiennent aux industriels et au Gouvernement. Les alternatives au paracétamol et à la morphine font encore défaut. Le Gouvernement doit donner aux centres de cancérologie pédiatrique les moyens de développer en interne une véritable coordination de la prise en charge de la douleur afin de prévenir ou d'alléger sa chronicité et d'assurer la continuité de la prise en charge avec la médecine de ville. Les soins de support, en particulier l'accompagnement psychologique, doivent trouver toute leur place dans les parcours de soins des patients. Les traitements ont en effet des conséquences lourdes. Il s'agit notamment de mieux traiter les séquelles à l'âge adulte : insuffisances cardiaques et rénales, complications thyroïdiennes, mais aussi, souvent, troubles psychologiques.
Le texte n'est pas parfait, mais chaque petit pas est précieux et les avancées doivent se matérialiser le plus rapidement possible. La commission l'a donc adopté sans modifications et appelle le Sénat à faire de même. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe CRCE)
Mme Laurence Rossignol . - Le groupe socialiste votera cette proposition de loi, malgré les reculs sérieux par rapport au texte initial. Une remarque toutefois : l'alternative entre voter conforme ou faire prendre du retard n'est pas convenable ; le Sénat a vocation à apporter sa touche en cours de procédure législative. Or ce texte a été quelque peu amputé de ses ambitions par l'Assemblée nationale !
M. Antoine Lefèvre. - C'est vrai !
Mme Laurence Rossignol. - ... sans doute à l'instigation du Gouvernement !
M. Antoine Lefèvre. - Sûrement !
Mme Laurence Rossignol. - Ainsi, nous ne sommes guère convaincus par l'article 2, d'affichage, puisqu'il n'améliore pas l'ouverture des essais cliniques aux enfants et adolescents. Ceux-ci ne sont pas des adultes miniatures, mais des individus à part entière, nécessitant une prise en charge à part entière.
Sur le droit à l'oubli, davantage de volontarisme aurait été bienvenu. Que les malades guéris n'aient plus à se justifier cinq ans après leur rémission, c'était une promesse de campagne du président de la République - formulée en mars 2017. Nous devons, deux ans plus tard, nous contenter d'une négociation dans la convention nationale relative à l'accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé - nous n'avons rien contre les négociations, bien au contraire, mais en matière de droits individuels, nous préférons la loi plutôt que la négociation sociale.
Nous nous réjouissons de la prise en compte de la durée totale de l'AJPP dans le calcul de l'ancienneté, c'est une avancée importante pour les accompagnants. La carrière ne doit pas pâtir de telles situations - même si, dans ces circonstances, la notion de carrière peut paraître dérisoire. C'est une notion de justice : il faut, autant que possible, maintenir les revenus des accompagnants. D'autres avancées importantes sont attendues, en particulier pour l'hébergement, qui entraîne des frais importants.
Il faut cependant aller plus loin pour faire à l'avenir non plus des petites avancées, mais de grands pas.
Le plan Cancer doit prendre davantage en compte les maladies rares et la recherche en cancérologie pédiatrique, car l'article 2 de ce texte ne va probablement rien changer.
Ces observations faites, le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Les chiffres sont connus, mais il est parfois bon de les marteler : 500 enfants meurent chaque année du cancer - c'est la deuxième cause de mortalité des moins de 15 ans -, la recherche reste insuffisante et l'accompagnement, largement perfectible.
La stratégie décennale de lutte contre le cancer permettra de fixer un seuil d'investissement public minimal pour la recherche pédiatrique : c'est un grand pas qui justifie à lui seul le vote de cette proposition de loi. Les plans Cancer ont en effet porté de 50 % à 80 % le taux de guérison des cancers pédiatriques depuis 2003. Bref, l'investissement public paie.
Depuis le projet de loi de finances pour 2019, un budget propre de 5 millions d'euros a été attribué à la recherche oncopédiatrique ; les associations en espéraient 20... Cette ambition peut paraître insuffisante : mais face au cancer d'un enfant, rien ne peut sembler à la hauteur.
La volonté d'améliorer la recherche va dans le bon sens, de même que l'accompagnement des enfants malades.
L'article 3 adapte le congé et les allocations de présence familiale à la pathologie, à son évolution et à sa durée, pour faire face, par exemple, à une rechute.
Sur le droit à l'oubli, traité dans les articles 5 et 5 bis, la négociation est encouragée, c'est une bonne chose, au-delà de la sphère pédiatrique. Le droit à l'oubli représente une véritable bouffée d'oxygène pour les anciens malades. Puisse la convention se concrétiser.
La participation aux essais cliniques est essentielle pour faire avancer la recherche dans le domaine des traitements, pour les rendre plus performants et moins toxiques. Deux freins sont identifiés : les restrictions par le droit, et le nombre relativement faible de jeunes - 2 500 cas par an - concernés, ce qui rend les industriels frileux. Or la soixantaine de cancers pédiatriques exige des stratégies thérapeutiques ciblées : nous ne pouvons nous satisfaire de l'adaptation des traitements prévus pour les adultes, les conséquences peuvent être lourdes à long terme.
L'article 2 ne change pas le droit en vigueur, hélas. Il se contente de montrer la voie à suivre.
L'investissement financier de l'État à hauteur de 5 millions d'euros est un premier pas.
Sur l'extension de cinq ans à huit ans des appels à projets de l'INCa par amendement du Gouvernement, devenu article 2 bis, pour tenir compte du temps plus long de l'inclusion de la recherche clinique sur l'enfant, je fais confiance à la ministre - à l'experte plutôt...
Le groupe RDSE n'est pas favorable aux rapports mais la question de la prise en charge de la douleur doit être tranchée, même si cela ne relève pas du domaine de la loi. Cela fait trop longtemps que le sujet revient sur la table, sans que sa prise en charge ne soit encore optimale, ni chez l'enfant ni chez l'adulte. Et de grandes disparités territoriales persistent.
Le groupe RDSE votera conforme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Daniel Chasseing . - Je remercie l'auteure de la proposition de loi, Mme Nathalie Elimas, et la rapporteure du Sénat.
Près de 2 500 enfants et adolescents se voient diagnostiquer un cancer chaque année en France, soit une augmentation de 13 % entre les années 1980 et 2000. Ce sont surtout des leucémies chez l'enfant mais aussi des lymphomes et des cancers du système nerveux central.
La médecine a fait des progrès importants dans le traitement des cancers. À l'époque où la majorité d'entre nous était encore enfant, seulement une personne malade sur cinq en guérissait. Après trois plans Cancer successifs, quatre enfants sur cinq en guérissent. Mais 500 enfants et adolescent en meurent chaque année. C'est la première cause de décès par maladie chez l'enfant. Ces cancers ne reçoivent pas de traitement spécifique ; on se contente souvent d'adapter les doses utilisées pour les adultes. D'où l'importance cruciale de la recherche en oncologie pédiatrique.
La réécriture de l'article 2 par l'Assemblée nationale devait permettre d'éviter des pertes de chance de participer à des essais cliniques, même si cette réécriture ne fait pas évoluer le droit.
Autre disposition importante, l'adaptation de l'allocation journalière de présence parentale à la durée réelle de la maladie améliorera le quotidien des familles et l'accompagnement de l'enfant.
L'extension du droit à l'oubli, par l'article 5, est également un progrès jusqu'à 21 ans et non plus 19 ans, même si attendre cinq ans après la guérison pour en bénéficier est encore trop long - peut-être parviendra-t-on un jour à diminuer encore ce délai, qui est aujourd'hui de dix ans...
Comment prévenir ces cancers ? Seulement 5 % à 10 % sont d'origine génétique, le reste est incertain. Toutefois, l'exposition aux risques est plus importante au cours de la vie foetale et de la petite enfance. C'est là qu'il faut agir. Le groupe Les Indépendants a déposé en commission un amendement d'appel pour la prise en compte de la dimension préventive dans les missions de l'INCa.
Ce texte, qui poursuit l'objectif ambitieux d'une prise en charge globale, doit être voté conforme pour une application rapide. Vous avez notre soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, UC, Les Républicains et LaREM)
M. Alain Milon . - (Applaudissements à droite et au centre) Rien ne prépare les familles à affronter un cancer qui touche un enfant, 2 500 chaque année, et 500 familles sont endeuillées. Le cancer reste la première cause de décès par maladie chez les enfants de plus d'un an.
Le colloque « Pour accélérer le développement de traitements spécifiques pour les enfants atteints de cancer » s'est tenu samedi dernier au Sénat sous le patronage de Catherine Deroche, à l'initiative de l'association Imagine for Margo.
Les cancers de l'enfant ne sont pas similaires à ceux de l'adulte. Ils méritent donc un traitement spécifique. Ils sont plus rares et moins nombreux. Un tiers des cancers pédiatriques n'existent pas chez les adultes et, inversement, plus de 80 % des cancers de l'adulte ne se retrouvent pas en pédiatrie. Depuis 2007, les laboratoires pharmaceutiques doivent développer une forme pédiatrique pour tout médicament, c'est la réglementation européenne ; cependant, l'oncologie représente seulement 5 % du plan d'investigation pédiatrique approuvé. Depuis 2010, des centres labellisés de phase précoce sont créés, pour accélérer les innovations pour les enfants en échec thérapeutique - sur seize centres labellisés, six ont une activité de phase précoce en cancérologie pédiatrique. La France participe à 13 % des essais pédiatriques et à 19 % des essais oncopédiatriques internationaux. Notre recherche portée par l'Institut Gustave Roussy est active et de qualité.
Mais des freins demeurent. D'abord, les contraintes d'âge pour l'inclusion des mineurs dans les essais cliniques. Le centre Siredo de l'Institut Curie a également souligné que, si les projets multicentriques internationaux sont élaborés par des comités d'investigateurs experts et évalués par des experts extérieurs, persiste le problème de l'accès aux nouveaux médicaments hors essai, parfois non accessibles aux adolescents, y compris en autorisation temporaire d'utilisation.
L'article 2 est une amélioration juridique mais relève davantage de l'affichage que de la recherche d'efficacité. Autre enjeu, augmenter le nombre de centres où sont menés les essais, pour rapprocher la recherche des patients.
La participation des parlementaires au conseil d'administration de l'INCa est inappropriée car elle les place en situation de juge et partie - ils votent le budget et contrôlent la gestion de l'organisme.
Enfin, la demande de rapport dans le texte est superfétatoire.
Les modifications demandées par notre commission sont pertinentes, ce texte aurait pu être amélioré ; mais dans l'intérêt des malades, nous voterons cette proposition de loi conforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Stéphane Artano applaudit également.)
M. Martin Lévrier . - En 2017, le portrait de Noé, décédé d'un cancer à 10 ans, était placardé sur la tour Montparnasse, avec cette légende : « Un cancer à 7 ans ? Sérieux ? »
La moitié des 2 500 cancers pédiatriques annuels sont diagnostiqués avant 5 ans, un sur cinq sera fatal. Ses causes restent mal connues. Il convient donc de coordonner la recherche, améliorer la prise en charge des aidants, former le personnel soignant.
Les dispositions de cette proposition de loi, je le crois, font consensus, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Je remercie Mme Buzyn de s'être engagée devant l'Assemblée nationale en faveur du droit à l'oubli, permettant de le fixer par voie réglementaire s'il n'entrait pas en vigueur dans les six mois.
Certes, ce texte aurait pu être amélioré ; mais les vies des enfants n'attendent pas. Le groupe LaREM le votera donc tel quel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Laurence Cohen . - Le seul amendement déposé par le groupe CRCE a été frappé par l'article 40 de la Constitution. Il créait une contribution sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques pour financer l'INCa, et notamment la recherche sur les cancers pédiatriques. Pour justifier l'irrecevabilité, la commission des finances nous a précisé que notre amendement créait une charge, puisqu'augmenter les moyens de l'INCa augmenterait ipso facto les dépenses de l'Institut... Cela n'a ni queue ni tête. C'est une façon de nous empêcher de sortir des rails de la politique gouvernementale. On nous intime l'ordre, en quelque sorte, de voter conforme. (Mme Laurence Rossignol approuve.) C'est une censure déguisée qui nous renforce dans notre volonté de lutter pour une VIe République, avec plus de démocratie directe et indirecte. Je lance une alerte solennelle : vous renforcez ainsi, en remettant en cause le droit fondamental de déposer et voter des amendements, les partisans d'une suppression du Sénat.
Pour revenir au texte, la spécificité du cancer pédiatrique justifie un véritable budget sanctuarisé. Le Gouvernement s'engage à verser 5 millions d'euros en plus à l'INCa dans la loi de finances 2019, mais c'est insuffisant - d'où notre amendement.
Le texte coordonne la recherche en cancérologie autour de cet objectif, notamment en facilitant la participation des mineurs aux essais cliniques, sous l'égide et le contrôle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Nous sommes sceptiques car cette agence n'en a guère les moyens.
La proposition de loi assouplit aussi le plafond de l'allocation journalière de présence parentale, ce qui est bienvenu et demandé par les associations de parents.
Cependant nous regrettons que rien ne soit prévu pour financer des études sur les facteurs environnementaux de ces cancers.
Malgré ces réserves, le groupe CRCE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Élisabeth Doineau . - (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants) « Go, Fight, Win ! » : ces mots laissés par Margaux dans son journal intime peu avant sa mort d'une tumeur au cerveau sont devenus le slogan de l'association Imagine For Margo, créée par ses parents, qui a collecté 7 millions d'euros et qui organise chaque année le colloque FAST, que le Sénat a récemment accueilli.
Je songe aussi à Léa Moukanas qui, à 16 ans, a fondé l'association Aïda, après la mort de sa grand-mère - la jeune femme lançait un appel aux jeunes, à s'engager pour les enfants malades. Ces associations naissent, le plus souvent, en réaction à la perte d'un être cher. Et ces témoignages nous marquent indéniablement. L'association Gravir, quant à elle, a obtenu que la lutte contre les cancers d'enfants et d'adolescents soit proclamée grande cause nationale pour 2019.
La proposition de loi que nous discutons fait écho à ces initiatives citoyennes. Contrairement à ce que pense souvent l'opinion, on avance ! La procédure accélérée dite « Fast Track » à l'ANSM, les 5 millions d'euros injectés dans l'INCa sont des avancées importantes.
Il faut un travail à l'échelle européenne, en mettant l'accent, après les progrès de la recherche clinique, sur la recherche fondamentale. Le traitement de la douleur pédiatrique est trop négligé. Il faudrait prévoir une formation initiale et continue des praticiens sur le sujet. De même pour le suivi psychologique avant, pendant et après.
Le groupe UC souscrit pleinement aux propositions de Mme Elimas, malheureusement partiellement escamotées par l'Assemblée nationale.
L'article premier bis place à mauvais escient des parlementaires au conseil d'administration de l'INCa, les rendant ainsi à la fois juges et parties. L'article 2 manque d'ambition.
La ministre Buzyn a fait de la formation à la douleur pédiatrique une priorité pour 2019 ; dès lors, la suppression de l'article 4 se justifie.
La proposition de loi a le mérite, grâce aux articles 3 et 5, de dépasser le champ médical pour envisager une prise en charge globale. La question de l'après-maladie a ainsi été intégrée dans le texte à travers le droit à l'oubli, qui sera une réalité à partir de cinq ans après la fin du traitement.
Politiques, professionnels de santé, chercheurs, parents : go, fight and win together ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Jean-François Rapin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) « Un cancer a 7 ans ; sérieux ? » Tous ceux qui connaissent ce slogan comprennent mon désespoir devant cette situation dramatique, à laquelle j'ai été confronté professionnellement ; mon désespoir de ne pas agir assez vite, mieux, et avec des moyens proportionnels à la détresse qu'occasionne cette maladie.
Malgré de grands progrès, le cancer pédiatrique est la première cause de maladie chez les enfants, il touche 1 700 d'entre eux par an. Je salue donc l'initiative du député Bernard Perrut d'en faire une grande cause nationale pour 2019. Le 4 février dernier, Agnès Buzyn annonçait 5 millions d'euros supplémentaires pour la recherche en oncopédiatrie.
Dès 2016, avec des collègues parlementaires et des députés européens, dont Catherine Deroche et Alain Milon, nous invitions chaque parlementaire à faire un don de 1 000 euros pour intégrer un plus grand échantillon d'enfants aux recherches. Le résultat fut mitigé mais le but a été atteint : mettre le sujet sur la table.
Les plans Cancer restent insuffisants. Monsieur le ministre, ne le prenez pas pour vous : dans ce domaine, on n'en fera jamais assez.
Cette proposition de loi va dans le bon sens. Le renouvellement de l'AJPP au-delà de 310 jours, à l'article 3, améliorera la situation des familles mais aussi des foyers qui accueillent des enfants atteints d'autres pathologies ou de handicaps. L'article 5 initial reprenait, me semble-t-il, une promesse de campagne d'Emmanuel Macron : étendre le droit à l'oubli étendu aux jeunes âgés de 18 ans à 21 ans, dès cinq ans après leur rémission. Le Gouvernement préfère finalement que cela soit acté dans la convention Aeras, qui sera renégociée. Le groupe Les Républicains est favorable à cette nouvelle rédaction.
Comme d'autres, je regrette que l'on contraigne le Sénat à voter conforme. Notre assemblée, si souvent décriée, joue un rôle essentiel dans le débat démocratique. D'autres améliorations étaient possibles ; entre autres, améliorer la pédagogie et l'accompagnement des familles lorsque le diagnostic est posé. Nous pourrons y revenir lors de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé.
Dans cette attente, le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants ; M. Stéphane Artano applaudit également.)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Elle se prénommait Eva ; c'était une petite fille de 7 ans et demi, intelligente, pétillante et sportive. Rien ne laissait présager qu'elle serait emportée, comme 500 autres enfants chaque année, par le cancer.
Mais que représentent ces 500 enfants face aux 150 000 adultes qui meurent du cancer chaque année ? Une sorte de maladie rare ; rare parce que la prévalence est d'un cas pour 400 enfants ; rare également parce que les cancers pédiatriques sont très différents de ceux de l'adulte : ils surviennent très tôt et se développent sur une période relativement courte. Résultat, les traitements ne sont souvent pas adaptés et les anciens malades risquent un décès prématuré.
Alors, oui, il est urgent d'ouvrir de nouvelles perspectives pour le traitement des cancers de l'enfant, de faire souffler un vent d'espoir.
Je pense aussi à Guillaume. Malgré trois visites aux urgences, personne ne pose un diagnostic sur ses douleurs au genou, sa petite fièvre et sa perte d'appétit. Finalement, un cancer osseux du fémur est diagnostiqué par une rhumatopédiatre. Trop tard. Guillaume a laissé à la recherche le profil moléculaire de sa tumeur, particulièrement agressive, et ses cellules souches. Ses parents rêvent qu'il a laissé les clés pour sauver d'autres enfants.
Encore faut-il soutenir la recherche. Dans la loi de finances pour 2019, 5 millions d'euros supplémentaires sont dédiés au cancer pédiatrique. En faisant de l'INCa le pivot d'une stratégie globale de recherche, ce texte permet enfin d'envisager des financements adéquats pour développer des thérapies spécifiques.
L'amélioration de l'AJPP est à souligner mais je veux aussi souligner l'importance d'un droit à l'oubli effectif. L'épreuve de la maladie est suffisamment lourde pour ne pas y ajouter celle d'avoir à quémander un prêt après la guérison. Je l'ai vécue à 30 ans : après un cancer très lourd, alors que je voulais mordre la vie à pleines dents, banquiers et assureurs m'ont expliqué que je resterai une « personne à risque toute ma vie ». Si une loi répare désormais cette injustice, il n'est pas rare que d'anciens malades peinent à obtenir un prêt. L'article 5 est nécessaire.
Ce texte était perfectible, et le Sénat aurait pu l'améliorer, mais je le voterai en demandant, avec de nombreuses associations, que le cancer pédiatrique devienne grande cause nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et LaREM)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . - Merci pour vos interventions. Cette proposition de loi s'intégrera dans une stratégie globale. Les plans Cancer successifs ont amélioré le traitement des malades et l'accompagnement de leurs familles, nous avons accordé 5 millions d'euros supplémentaires à cette cause dans la loi de finances pour 2019 mais nous sommes déterminés à aller plus loin.
La lutte contre le cancer pédiatrique est une priorité du Gouvernement, et je vous remercie de ce vote conforme que j'espère unanime. (Applaudissements sur les bancs de la commission)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales . - Une précision après l'intervention de Mme Doineau : des sénateurs, et non le Sénat, parrainent des colloques qui se déroulent au sein du Palais du Luxembourg. (Sourires entendus)
Monsieur le ministre, nous voterons conforme à la demande de l'Assemblée nationale et souhaitons que la réciproque soit vraie... (Applaudissements sur tous les bancs)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président. - Aucun amendement n'a été déposé, je vais donc mettre les articles aux voix.
Mme Laurence Cohen. - Nous nous abstiendrons sur l'article 2 et voterons les autres articles ainsi que la proposition de loi.
Mme Laurence Rossignol. - Moi de même.
Les articles premier, premier bis, 2, 2 bis et 3 sont successivement adoptés.
L'article 4 demeure supprimé.
Les articles 4 bis, 5, 5 bis et 5 ter sont successivement adoptés.
L'article 6 demeure supprimé.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure . - Je salue ce vote conforme. Nous avançons à petits pas, je finirai par m'y habituer...
Les parents de ces enfants, dont nous avons parlé avec tant d'émotion, sont des aidants. Les aidants, le sujet de ma proposition de loi... Personne ne demande d'avoir un enfant atteint de grave maladie ou de handicap. La balle est dans votre camp, monsieur le ministre ; nous espérons des avancées. (Applaudissements sur tous les bancs)
La séance, suspendue à 15 h 45, reprend à 15 h 55.