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Table des matières
Organismes extraparlementaires (Nomination)
Permis à points et limitation de vitesse à 80 km/h
Mme Sylvie Goy-Chavent, auteur de la proposition de loi
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur de la commission des lois
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État
ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article unique
Santé visuelle des personnes âgées en perte d'autonomie
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales
Ordre du jour du jeudi 24 janvier 2019
SÉANCE
du mercredi 23 janvier 2019
51e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente
Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, M. Victorin Lurel.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Organismes extraparlementaires (Nomination)
Mme la présidente. - Conformément aux dispositions de l'article L. 567-1 du code électoral, la commission des lois a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable, par 28 voix pour et 3 voix contre, à la nomination par le président du Sénat de M. Michel Sappin aux fonctions de membre de la commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution.
Permis à points et limitation de vitesse à 80 km/h
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l'aménagement du permis à points dans la perspective de l'abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire, présentée par Mme Sylvie Goy-Chavent et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
Mme Sylvie Goy-Chavent, auteur de la proposition de loi . - Cette proposition de loi sur la politique de sécurité routière et le permis à points entame son parcours parlementaire grâce au groupe centriste, sans lequel elle n'aurait jamais été soumise au vote. Le Gouvernement, tout comme la commission des lois, y sont hélas défavorables. Pourtant, près de 110 sénateurs ont cosigné le texte.
Depuis son annonce, le 9 janvier 2018, dans le cadre d'un grand plan de sécurité routière, le passage de 90 à 80 km/h sur les routes secondaires, sans aucune concertation préalable, ni consultation des associations d'automobilistes ni des conseils départementaux, pourtant gestionnaires des routes, ni des parlementaires, cristallise les protestations. La mesure a pourtant été imposée aux Français le 1er juillet 2018. II n'est pourtant pas du tout certain qu'Emmanuel Macron ait été élu à la présidence de la République pour cela...n'en paie-t-il pas aujourd'hui le prix ?
Maire d'une commune rurale pendant plus de vingt ans, j'ai très vite compris que cette mesure était une erreur. J'ai tenté d'alerter le président de la République et le Gouvernement.
Sur tous les bancs, de nombreux sénateurs et sénatrices ont soutenu mon initiative de déposer une proposition de loi.
Le permis à points est pédagogique. Je suis la première à déplorer la mortalité routière, devenue un fléau ; malgré quelques progrès, des milliers de vies, de familles sont encore brisées chaque année.
Il n'est pas question de remettre en cause le permis à points ni d'encourager les comportements routiers dangereux. J'espère sincèrement que la baisse à 80 km/h a réduit le nombre de morts.
M. Jean-Pierre Corbisez. - C'est faux !
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Mais pourquoi 80 km/h ? À 50 km/h, la baisse de la mortalité serait plus grande encore, mais à quel prix ? Tout est une question d'équilibre. On ne fait pas de politique avec des chiffres, mais avec le coeur.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - On ne fait pas de politique avec la sécurité routière !
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Les cadres de La République en Marche sont « trop intelligents pour nous », mais dépourvus de tout sens du terrain.
J'appelle le Gouvernement à penser aux dizaines de millions de Français qui habitent en zone rurale ou périurbaine, où il n'y a pas d'alternative à la voiture. Sans permis de conduire, c'est la mort sociale : pas d'emploi, ni de conduite des enfants à la crèche, à l'école... Cette France laborieuse, qui se lève tôt pour travailler, périphérique, se sent abandonnée.
Que dire à ceux qui perdent des points pour 1 km/h d'excès ? Que doivent-ils faire pour qu'on les écoute enfin ? Ils en ont assez de se sentir lésés. Tous n'ont pas les moyens de payer des stages de récupération de points. C'est un sentiment d'injustice qui prédomine.
Il aurait fallu améliorer le réseau. Le mauvais état des infrastructures routières n'est-il pas en cause dans un accident sur deux ? Quelque 5 % à 10 % des permis sont faux - quand le conducteur a un permis. Mais aucun ministre en tribune ou sur les plateaux de télévision pour évoquer ce sujet...
Le permis à points a été instauré le 10 juillet 1989. Deux siècles plus tôt, le peuple de Paris incendiait les barrières d'octroi pour abolir les impôts et reprendre son destin en main.
M. Arnaud de Belenet. - ... et faire marcher la guillotine...
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Je cherche ici à démontrer la nécessité de répondre à la colère qui gronde dans notre pays. Je ne cherche pas à la récupérer, (M. Arnaud de Belenet en doute.) ni à minimiser l'intérêt pédagogique du permis à points. Voter cette proposition de loi enverrait un bon signal à nos compatriotes, en abaissant le délai de récupération des points de six à trois mois. Faisons preuve de raison et de sagesse ; pour les Français, votons ce texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Indépendants et RDSE)
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur de la commission des lois . - Cette proposition de loi s'inscrit dans le contexte d'incompréhension de nos compatriotes vis-à-vis de l'abaissement de la limite de vitesse de 90 à 80 km/h sur les routes secondaires. La proposition de loi propose une contrepartie, en abaissant le délai de récupération de points de six à trois mois. Il s'agit d'éviter de pénaliser de façon démesurée les automobilistes.
Quatre infractions sont sanctionnées du retrait d'un seul point : les petits excès de vitesse, l'absence de gants homologués pour un motocycliste, le chevauchement de ligne continue et de bande d'arrêt d'urgence sur l'autoroute.
En 2017, sur les quelque 15 millions de points de permis de conduire qui ont été retirés, près de 9 millions l'ont été pour des infractions « légères », punies du retrait d'un seul point. L'impact de la proposition de loi serait donc loin d'être mineur.
L'efficacité des mesures de sécurité routière repose en partie sur leur compréhension par la population et leur degré d'acceptabilité. Une mesure qui n'est pas acceptée ne sera que peu respectée. C'est d'ailleurs la position que nous avions tenue, avec Michel Raison et Michèle Vullien, dans notre rapport d'information sur le passage aux 80 km/h.
Récemment, le Gouvernement a confié une étude au président du Conseil national de la sécurité routière, M. Yves Goasdoué, sur les comportements routiers. Il m'a dit pouvoir remettre prochainement ses conclusions. Le sursis au retrait de points pourrait être envisagé.
La proposition de loi n'est ni aboutie ni suffisante. En effet, la réduction du délai de récupération pourrait envoyer un signal négatif, encourageant les comportements à risque. Six mois est déjà une durée courte. Actuellement, les personnes qui commettent une petite infraction ne sont informées qu'au bout de deux mois. Avec la proposition de loi, elles pourraient les récupérer quasiment dans le même temps.
Ensuite, l'utilité de ce texte est douteuse. Les délais actuels ne sont pas disproportionnés. En 2017, les trois quarts des points retirés ont été récupérés automatiquement au bout de six mois. En outre, rares sont ceux qui perdent leur permis point par point : seulement 121 personnes sur 61 714 invalidations. C'est l'infraction lourde qui le fait perdre. Réduire à trois mois la durée de récupération de points n'aurait donc que très peu d'impact sur les invalidations de permis de conduire.
La proposition de loi pose un débat essentiel, que nous nous devons, en tant que législateur, de conduire. Mais la commission des lois a estimé qu'elle n'apportait pas de solution viable. La sécurité routière ne doit pas être prise à la légère, alors que plus de 3 500 personnes perdent encore la vie chaque année sur la route. Conditionnons toute évolution législative du permis à points à la conduite d'une étude d'impact approfondie, afin de garantir l'efficacité des mesures proposées et d'éviter tout effet de bord. Le président de la République a fait preuve la semaine dernière d'une certaine ouverture à l'égard de la réforme des 80 km/h. Restons fidèles à la position du Sénat et encourageons les consultations en région.
Je vous invite donc, tout en reconnaissant l'intérêt du débat ainsi soulevé, à ne pas adopter cette proposition de loi. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Républicains et SOCR)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Cette proposition de loi aménage le retrait de points en fonction de la gravité des infractions commises. Je rappelle que le mouvement continu de baisse de la mortalité routière a marqué le pas entre 2014 et 2017. Son niveau reste trop élevé, insupportable pour l'ensemble de la société française ; or la majorité de la mortalité enregistrée survient sur le réseau secondaire.
Le Comité interministériel de la sécurité routière de 2018 a décidé de baisser la vitesse à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles hors agglomération. Cet abaissement est entré en vigueur le 1er juillet dernier. L'une des mesures de lutte est l'abaissement de la limite à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles sans séparateur. L'analyse du bilan de cette mesure devrait être communiquée par le Gouvernement de façon imminente. Les premiers éléments montrent que la mesure est positive.
La dégradation massive des radars depuis mi-novembre aura, je le précise, un effet négatif. La sanction de retrait de point est proportionnée. Elle est de deux points entre 20 et 30 km/h, trois points entre 30 et 40 km/h et ainsi de suite jusqu'à six points pour un dépassement de plus de 50 km/h et une contravention de cinquième classe. En cas de récidive, le conducteur commet un délit de grand excès de vitesse.
La proposition de loi met en avant la différence de traitement selon le milieu, en agglomération ou hors agglomération. Je rappelle que le code de la route distingue déjà en cas d'excès de vitesse inférieur à 20 km/h s'il a été commis en-dehors d'une agglomération, ou au sein d'une agglomération. En-dehors, il est puni d'une amende prévue pour les contraventions de troisième classe. Ce même dépassement de la vitesse, commis en agglomération, se trouve quant à lui sanctionné d'une amende de la quatrième classe.
M. Alain Fouché. - Très bonne mesure !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - En outre, un stage de récupération de points est désormais possible chaque année et non plus tous les deux ans. En 2017, il y a eu plus de six millions de restitutions de points, en hausse de 13 %.
La mortalité est la plus élevée en zone rurale. Enfin, seulement 121 personnes ont vu leur permis invalidé en 2017 après avoir perdu leurs points, un par un. Quelque 78 % des points retirés pour une infraction de moins de 20 km/h ont été restitués, et 77 % des titulaires de permis de conduire ont conservé la totalité de leurs points. L'application de votre proposition pourrait avoir des effets psychologiques importants, dont nous ne pouvons certes présumer mais qui pourraient amener certaines personnes à moins faire attention à leur vitesse sur la route.
Le délai actuel d'enregistrement des infractions est de deux mois. Si l'on suit cette proposition de loi, l'usager aurait connaissance de sa perte de points et de sa restitution presque simultanément. Tout l'intérêt pédagogique est perdu.
Le but du Gouvernement n'est pas de mettre des bâtons dans les roues des Français, comme on l'entend parfois, mais bien de réduire l'insécurité routière. Le Gouvernement émet un avis défavorable à cette proposition de loi. (M. Arnaud de Belenet approuve.)
Toutefois, la mesure de réduction de la limite de vitesse à 80 km/h au lieu de 90 km/h est pour l'instant expérimentale.
Je le redis, le nombre de tués est en baisse. Avec Christophe Castaner nous avons demandé une analyse au délégué interministériel à la sécurité routière, afin de mesurer l'impact réel de cette mesure sur les temps de déplacement, la cohabitation entre les poids-lourds et les voitures, et la consommation de carburant, ainsi que la production de CO2.
Remonter une limite de vitesse, c'est accepter de voir le nombre d'accidents augmenter à nouveau. C'est pourquoi l'avis des présidents de conseil départemental sera essentiel. Le président de la République l'a rappelé, le dispositif pourra être aménagé.
L'action répressive des forces de l'ordre contre la conduite sans permis ou avec de faux permis se développe, grâce à l'accès au fichier informatisé des permis de conduire, étendu à titre expérimental à la police municipale.
Une partie du surplus des amendes dues à l'abaissement à 80 km/h est fléché vers des investissements hospitaliers pour accueillir les grands blessés de la route. Nous entendons la colère des conducteurs, mais aussi la colère sourde des familles des blessés ou des morts sur la route à cause de la vitesse excessive. Le grand débat abordera cette mesure. (M. Arnaud de Belenet applaudit ; protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. Ladislas Poniatowski. - Écoutons maintenant le bon sens rural !
M. Jean-Claude Requier . - En signant les lettres patentes royales de 1552, ordonnant de planter des ormes le long des voiries, Henri II ne se doutait probablement pas que, quelques siècles plus tard, cette décision pourrait être remise en cause pour des questions de sécurité routière. (Sourires) Il s'agissait alors de préserver l'ombre et de protéger les chemins « blancs » des poussières et des cultures.
La préoccupation de sécurité routière est assez récente, alors qu'auparavant prévalait l'aménagement du territoire et que la puissance automobile était une fierté nationale. Le premier congrès international de l'automobile, en 1900, eut lieu à Paris !
Les temps ont bien changé. Les Français ont développé une véritable aversion aux risques - le secteur florissant des assurances en témoigne - et les arbres le long des routes sont plus menacés par les motifs de sécurité routière que par le goudronnage, la climatisation ou le chancre doré ! (Sourires)
Le décret du 15 juin 2018 a fait prévaloir cette réduction de la vitesse maximale autorisée sur 400 000 kilomètres de routes, au nom de la sécurité routière. Les parlementaires ont réfléchi aux moyens de relayer les doléances des citoyens de la France périphérique.
Après la proposition de loi d'un député, Mme la ministre Jacqueline Gourault estimait que « la fixation des vitesses maximales autorisées sur les routes est clairement une compétence réglementaire du Premier ministre ».
M. François Bonhomme. - Fermez le ban !
M. Jean-Claude Requier. - La position de l'exécutif a depuis évolué au cours du grand débat national. Le président de la République l'a montré à Souillac, dans le Lot. Nous attendons des décisions concrètes. Entretemps, plusieurs membres du groupe RDSE ont cosigné cette proposition de loi.
Un principe général devrait encadrer la fixation des vitesses maximales pour mieux articuler les objectifs de la sécurité routière et l'aménagement du territoire. Le groupe RDSE proposera à cette fin une proposition de loi dans notre prochain espace réservé. Sans affaiblir la sécurité routière, elle pourrait être plus intelligemment mise en oeuvre, en associant mieux les acteurs locaux, et en développant des équipements innovants. La position du groupe RDSE n'est pas unanime. Certains y verront peut-être de l'hybris parlementaire ; nous, qui aimons l'histoire, préférons y voir une conséquence directe du parlementarisme rationalisé. (Mmes Françoise Laborde, Mireille Jouve et M. François Bonhomme apprécient.)
La position majoritaire au sein de notre groupe est la suivante : soutien si le Gouvernement propose des évolutions par décret, comme il s'y est engagé ; vote de dispositions présentées au Parlement pour le pousser !
Réduire le délai de restitution des points n'est pas une solution satisfaisante. Mais notre choix est aujourd'hui limité. Si la majorité des membres du groupe voteront ce texte, cinq membres préféreront la clarté juridique : madame Goy-Chavent, ils sont sentimentalement pour le texte, mais juridiquement contre ! (Sourires ; applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC ; M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
M. Jean Louis Masson . - Je m'associe aux propos sur le caractère restrictif de la recevabilité s'appuyant sur la différence entre le domaine de la loi et celui du règlement. Un de mes amendements est ainsi reporté à un examen ultérieur, peut-être dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités.
La société Sanef a instauré, au péage de Boulay-Moselle, un nouveau système de péage, qu'elle veut généraliser, prétendument pour que les automobilistes puissent passer sans s'arrêter. C'est déjà le cas des abonnés. Cela supprime le paiement au guichet. Les non-abonnés seront, en conséquence, obligés de s'arrêter à un kiosque, situé après la barrière actuelle, de sortir de voiture, qu'il pleuve ou qu'il neige, puis de faire la queue pour prendre un ticket - c'est dissuasif - ; puis, arrivés chez eux, obligés de payer par internet ou téléphone, avec une carte de crédit.
Un usager de Metz, non-abonné, au lieu de payer 1,5 euro, en espèces ou par carte, au guichet de péage, perdra ainsi, à coup sûr, le temps qu'il aura gagné en empruntant quelques kilomètres d'autoroute. C'est scandaleux ! Petit à petit, sous couvert de leur « simplifier » la vie, et en les décourageant sciemment de faire autrement, la Sanef espère évidemment que tout le monde prendra un abonnement.
Mme la présidente. - Votre temps de parole est écoulé...
M. Jean Louis Masson. - Je déplore que le Gouvernement cautionne une telle dérive.
M. Jean-Pierre Corbisez. - C'est hors sujet !
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je tiens à saluer l'initiative de Mme Goy-Chavent. Ce problème est très important, concerne de nombreux concitoyens, et est d'actualité.
Les évolutions du code de la route ont toujours fait l'objet d'une attention particulière du Sénat, force de proposition. C'est une question de sécurité routière, et nous avons trop de morts sur nos routes - 8 000 par an jusqu'en l'an 2000, souvenez-vous !
Ces règles intéressent tous les Français, qu'ils soient automobilistes, motards, cyclistes ou piétons.
Cette décision a suscité de vives réactions sur l'ensemble du territoire. Pour beaucoup, et notamment les habitants des territoires ruraux, la route est une habitude quotidienne. Certains y passent plus d'une heure le matin et autant le soir.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - C'est sûr !
M. Jean-François Longeot. - On peut comprendre que, dans ces conditions, certains perdent un point. Aujourd'hui, il faut six mois pour les récupérer, soit 130 jours de travail, donc 260 allers-retours sur les mêmes routes ! Les ruraux sont particulièrement dépendants de leurs permis, la majorité d'entre eux ne peuvent faire sans.
Monsieur le ministre, selon vous, le plus grand nombre d'accidents provient des territoires ruraux, mais c'est une lapalissade ! (Marques d'approbation sur les bancs du groupe Les Républicains ; plusieurs applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC) En effet, il n'y a pas d'alternative ! Nous sommes contraints d'utiliser nos véhicules. Je ne prends pas le bus ou le train pour aller voir les maires de mon département ! Un simple petit écart de vitesse peut faire perdre un point pendant six mois.
Cette proposition de loi ne propose pas d'exempter les conducteurs de leurs responsabilités ! Pour reprendre les termes de l'exposé des motifs, il s'agit de « limiter les effets d'une décision gouvernementale aussi inefficace qu'injuste », et en aucun cas de tendre vers une impunité du chauffard.
Il s'agit aussi de montrer que le Sénat est à l'écoute des territoires. (Mme Sylvie Goy-Chavent renchérit.)
Le rapport d'information de Michel Raison et Jean-Luc Fichet était opposé à cette réduction de la vitesse.
Le groupe UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC ; MM. Guy-Dominique Kennel et Ladislas Poniatowski applaudissent également.)
M. Alain Fouché . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Depuis le 1er juillet 2018, la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens sans séparateur central, est réduite de 90 à 80 km/h, sans concertation préalable. Est-il normal que Michel Raison, qui présidait alors une commission spécialisée sur ce sujet, ait dû relancer le Gouvernement pour obtenir des informations ?
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Inadmissible !
M. Alain Fouché. - Cette mesure n'est le résultat d'aucune expérimentation fiable. Plusieurs ministres s'y sont opposés, et même le président de la République aurait déclaré - je cite - que c'était une « connerie » !
La qualité des infrastructures routières n'a pas été évoquée une seule fois par le Gouvernement alors que c'est un facteur crucial, pour la sécurité routière. En mars 2017, le Sénat avait donné l'alerte, en soulignant la dégradation de notre réseau et la répartition des recettes des radars et amendes de police, dont très peu reviennent aux départements.
Le conducteur est devenu une vache à lait. Dans la Vienne, où il n'y a jamais autant eu d'amendes, les dotations ont baissé de 27 %. Où est passé l'argent ? Dans les hôpitaux ? Je n'y crois pas : on rembourse la dette !
La proposition de loi propose une réduction du délai de réattribution des points si aucune infraction n'a été commise, de six mois à trois mois. C'est pure logique. En 2011, mon amendement proposait la récupération des points de six mois au lieu d'un an. Que n'ai-je pas entendu de la part de M. Hortefeux, alors ministre ! À l'en croire, c'était la révolution ! (Sourires)
Y a-t-il eu plus de morts ? Non. D'ailleurs, il n'y a plus guère, actuellement, de radars en état de marche. Y a-t-il plus de morts ? Pas plus.
Vous aurez comme conséquence une hausse du nombre des personnes conduisant sans permis ! Entre 2012 et 2017, il a augmenté de 30 % pour atteindre 600 000. Il n'y a aucune alternative à la voiture, dans les territoires ruraux : ni métro, ni bus, on n'est pas à Paris !
Nous ne connaissons ni l'issue ni le délai du grand débat lancé par le président de la République après des mois d'obstination. Le Sénat milite depuis un an, grâce au groupe de travail, présidé par Michel Raison, sur la sécurité routière. La décision doit revenir aux départements, en liaison avec les préfets, les maires concernés, les forces de sécurité et les acteurs locaux de la sécurité routière. .
Je suis favorable à ce texte, en attendant d'autres mesures. Il faudra s'organiser seulement pour que l'annonce du retrait et la restitution du point ne soient pas concomitantes.
Le groupe Les Indépendants votera, à une très large majorité, cette proposition de loi. Monsieur le ministre, contrôlez tous les collaborateurs rentrant chez eux le soir, en roulant au-dessus des vitesses autorisées, tous gyrophares allumés, en toute illégalité, car non accompagnés d'officiers de police. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, RDSE et UC)
M. Michel Raison . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le dossier de la sécurité routière est un sujet grave. Le nombre de morts a baissé depuis la fin 2017, et continue depuis le début de 2018, autant avant qu'après la mesure, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé, avec Michèle Vullien, et dont nous avons conclu qu'elle était contreproductive. Mais on ne la combat pas par une autre mauvaise mesure contreproductive ! Nous devons essayer de soigner le mal et non seulement les symptômes. Quand j'ai mal à cause d'un caillou dans la chaussure, je ne prends pas du paracétamol, j'enlève mes chaussures et je le retire ! (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs, notamment sur ceux du groupe Les Républicains)
MM. Laurent Duplomb, Antoine Lefèvre et Loïc Hervé. - Très bien !
M. Guy-Dominique Kennel. - C'est du bon sens rural !
M. Michel Raison. - Le Gouvernement doit revenir à la sagesse du Sénat.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Cela va de soi !
M. Michel Raison. - À deux reprises, le président de la République a repris nos propres propositions.
M. Loïc Hervé. - Les grands esprits se rencontrent !
M. Michel Raison. - Il faut rendre cette mesure intelligente, à savoir appliquer les conclusions de notre rapport. Nous allons aider le président de la République à tenir sa parole.
Je crains néanmoins que cette parole découle de la violence qui s'est manifestée dans notre pays. Il aurait été plus utile que le président de la République nous écoute. La France serait peut-être plus en paix aujourd'hui. (Mme Françoise Férat approuve.)
Que le Gouvernement écoute donc, cette fois, la sagesse du Sénat ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE ; Mme Viviane Artigalas applaudit également.)
M. Arnaud de Belenet . - Je vous ai proposé ici même, le 5 juin, lorsque nous avons débattu des 80 km/h, un dispositif, comme nous l'avons dans nos communes, où la vitesse est limitée à 50 km/h, mais où l'on peut rouler à 70 km/h là où c'est possible, parce que la dangerosité n'est pas avérée...
M. Ladislas Poniatowski. - C'est déjà fait !
M. Arnaud de Belenet. - Je ne suis pas sûr d'avoir été entendu, compte tenu de l'animation qui régnait dans l'hémicycle à la suite de mes propos...
Madame Goy-Chavent, on peut être marcheur et être élu local, avoir été plusieurs fois maire...
M. Loïc Hervé. - Oui, j'en témoigne !
M. Arnaud de Belenet. - ...conseiller départemental, bref bien connaître le terrain, mais aussi faire preuve de responsabilité, sans démagogie... (Mme Nathalie Delattre s'exclame.)
On peut considérer aussi, en tant que membre de la majorité, que des mesures prises par la majorité, en dépit des contestations populistes et démagogiques, méritent d'être soutenues en raison de leurs effets positifs, et non pas remises en cause d'une manière qui risque d'avoir pour conséquence d'accroître les excès de vitesse.
Cette proposition de loi vise, en diminuant la durée de récupération des points, à contrebalancer la baisse de la vitesse autorisée. Il est tout à fait possible, aussi, de respecter la réglementation... La route est la première cause de mort violente en France : chaque jour, 9 morts et 65 blessés. La vitesse est la première cause de la mortalité routière en France, suivie de près, il est vrai, par l'usage de l'alcool et de stupéfiants ; des sujets ont fait l'objet de nouveaux dispositifs de prévention dans le plan annoncé par le Premier ministre.
Autre argument, ce texte accélère la récupération de points pour toutes les infractions légères, pas seulement les petits excès de vitesse, commises sur le réseau secondaire mais aussi en centre-ville et sur les autoroutes. Je ne crois pas que ce texte ait pour but de déresponsabiliser les conducteurs...
Notre objectif commun est de lutter contre l'insécurité routière par des mesures que nos concitoyens ne jugent pas injustes. Le Conseil national de la sécurité routière, qui a lancé une réflexion une réflexion sur la valorisation des comportements responsables sur la route, présentera ses conclusions en début d'année. La question des 80 km/h est portée au grand débat national. Je ne doute pas que, marcheurs et membres d'autres mouvements politiques, nous sommes capables d'intelligence collective. Je fais confiance au Sénat pour ne pas adopter ce texte en l'état.
Mme Cécile Cukierman . - « C'est une connerie. » C'est ainsi que le président de la République qualifie l'abaissement de la vitesse autorisée sur le réseau secondaire. Nous sommes d'accord ; preuve qu'il peut y avoir des convergences politiques entre nous ! (Sourires)
Mais cette proposition de loi est-elle la solution ? La sécurité routière ne se marchande pas. Il est question de vies humaines. Parler de sécurité routière, c'est certes parler de vitesse, mais c'est aussi parler de l'état des infrastructures. La France, classée première dans ce domaine en 2011, n'est plus que septième aujourd'hui. C'est que les dotations aux collectivités territoriales, qui entretiennent 370 000 km de routes, ont baissé, comme les crédits dévolus aux 12 000 km de routes nationales et d'autoroutes non concédées.
Alors, quelle sera la suite ? Un nouveau hashtag « balancetondépartement », à l'image de celui lancé contre les maires contraints d'augmenter les impôts locaux ? Les dépenses de voirie représentent 9 % des dépenses des communes et plus de 8 % de celles des départements. Elles ont fléchi de 19 % entre 2013 et 2015, une orientation confirmée par les premiers résultats publiés par l'observatoire national des routes en novembre dernier. Les baisses concernent tous les postes : les fournitures, notamment le sel pour la viabilité hivernale, la part de travaux confiés aux entreprises et les frais généraux. Les départements, sans vrais moyens, sont impuissants
Avec le groupe CRCE, nous prônons depuis longtemps le report modal vers le fret ferroviaire. De trop nombreux poids lourds roulent sur un réseau secondaire qui n'a pas été conçu pour cela. Investir dans les routes, ce serait envoyer le signal d'un État fort. Les Français ont besoin de routes viables, sans nids-de-poule, salées l'hiver et d'indications sur les zones vraiment dangereuses, et non de panneaux limitant leur vitesse de plus ou moins 10 km/h.
Je me souviens des débats avec Mme Gourault, qui nous expliquait que tout irait bien. On voit le résultat... Nous avons besoin d'une sécurité routière au plus près de la réalité, compréhensible par tous. Dans nos territoires, sur quelques dizaines de kilomètres, on passe d'une limitation de 30 à 50, à 70, à 80, parfois à 110 km/h ; il n'y a aucune logique.
La solution passe par un investissement massif pour des routes de qualité. Le groupe CRCE ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Viviane Artigalas . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Alors que certains de nos concitoyens occupent des routes et des ronds-points, une question revient de manière lancinante : la limitation à 80 km/h.
Les excès de vitesse les plus faibles sont les plus nombreux. Beaucoup de nos concitoyens, flashés à 2 ou 3 km/h en trop, vivent la sanction comme une injustice. Ce texte réduit le délai de récupération du point perdu dans ce cas de six à trois mois.
Cependant, sacrifier la sécurité routière au pouvoir d'achat n'est pas une bonne solution. Ce texte va à l'encontre de la politique de sécurité routière menée ces dernières années, grâce à laquelle nous avons obtenu un fort abaissement de la mortalité routière. Réduire le délai de récupération de points, c'est inciter les conducteurs à relâcher leur vigilance puisque le désagrément serait très court. Souvenez-vous, avant 2011, il fallait un an et non six mois, pour récupérer son point. La réduction avait été décidée contre l'avis du ministre de l'intérieur de l'époque, Brice Hortefeux.
Les auteurs de la proposition de loi stigmatisent les stages de sécurité routière, qui ont un coût financier et présentiel. Mais leur efficacité n'est pas à remettre en cause, et quatre points en deux jours, ce n'est pas si cher payé !
Le Sénat s'était opposé à la réduction de la limitation de vitesse à 80 km/h. Rien d'étonnant quand nous représentons, pour beaucoup, des territoires ruraux où l'on n'a pas d'autre choix que d'emprunter la voiture et les routes secondaires. Dès janvier 2018, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des lois ont créé un groupe de travail sur la sécurité routière. Sa proposition, une décentralisation de la décision d'abaisser la vitesse au niveau départemental, convient à la plupart des maires et des élus.
Le mouvement des gilets jaunes a décidé, visiblement, le président de la République à aller dans le même sens. Nous veillerons à ce que ses déclarations soient suivies d'effet. Quel dommage qu'il n'ait pas écouté le Sénat plus tôt ! (M. Bruno Sido renchérit.)
Quoi qu'il en soit, cette proposition de loi me semble désormais sans objet et contre-productive en matière de sécurité routière. Le groupe SOCR ne la votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Yves Bouloux . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est courte et simple : un article unique, une phrase, un mot changé dans le code de la route. Et pourtant, elle représente une véritable avancée.
Un certain nombre d'amendements ont été déposés, tous ont pour objectif commun de faciliter la vie des Français, de réduire des contraintes excessives que font peser sur la vie locale des mesures générales.
Le Sénat a une responsabilité particulière dans la défense des territoires. Le Gouvernement se donne deux ans pour évaluer la mesure... Nous gagnerions à conduire notre propre évaluation. La modulation de la limitation de vitesse selon les caractéristiques de chaque route a été proposée par MM. Jean-Luc Fichet et Michel Raison et Mme Michèle Vullien. C'est la sagesse.
Je voterai ce texte qui n'est nullement contraire à notre objectif de réduire la mortalité routière. Moins de conducteurs privés de permis de conduire commettront la folie de prendre la route pour ne pas perdre leur emploi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et RDSE)
M. Dominique de Legge . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le moins que l'on puisse dire est que la méthode mérite d'être affinée. Le Premier ministre n'a rien voulu entendre, il a signé le décret et l'on a fait des procès en irresponsabilité à tous ceux qui émettaient des réserves à l'encontre des 80 km/h.
Mais pourquoi 80 km/h, et pas 70 km/h ? Où est la logique quand le Gouvernement, au même moment, évoque l'inscription du principe de différenciation dans la Constitution ? Quand il se donne pour objectif de réduire la dépense publique mais n'a pas évalué le coût de cette mesure ? Quant à l'acceptabilité de cette décision, sujet tabou. Les experts savent, le Gouvernement décide. En bref, « circulez, il n'y a rien à voir ».
Ce type de décisions est pour beaucoup dans la crise des gilets jaunes ; elle transpire la suffisance, le mépris des réalités, le jacobinisme et l'autoritarisme. La politique, nous le savons tous, n'est pas une science exacte ; parfois, la perception d'une mesure importe plus que sa justification. On ne gouverne pas avec des experts contre l'opinion. L'humilité, loin d'être une faiblesse, est un signe d'intelligence. Les Français n'en peuvent plus de ce qu'ils ressentent comme des brimades.
À notre grand étonnement, le président de la République a déclaré qu'il n'était pas hostile à une évolution de la réglementation sur les 80 km/h. Il a feint de découvrir le sujet, c'est tout juste s'il n'a pas reproché aux parlementaires de ne pas l'avoir alerté ! Cela ne manque pas de piquant, quand on se souvient des propos de M. Raison et de la réponse du Premier ministre lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement.
Le mieux, c'est de ne pas voter ce texte, et de revenir sur le décret pour l'appliquer de façon intelligente. (M. Bruno Sido renchérit.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Rien à voir !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . - La vitesse n'est pas la seule cause de mortalité et nous nous préoccupons aussi de l'état des routes. Le produit des amendes ne contribue qu'à hauteur de 8 % du remboursement de la dette. En 2019, 516 millions d'euros sont consacrés à la rénovation des infrastructures routières et 455 millions d'euros aux routes nationales.
M. Alain Fouché. - Inexact !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Monsieur Masson, l'expérimentation du péage de Boulay-Moselle n'est qu'une expérimentation. Il n'y a aucune obligation d'abonnement, le but est d'éviter les files et les bouchons. Je transmettrai les remarques de M. Masson au cabinet de Mme Borne.
Monsieur Raison, le président de la République, en décidant de porter ce sujet au grand débat, n'a pas cédé à la violence, mais a répondu à une revendication légitime. La violence, nous la combattons tous les samedis.
Mme la présidente. - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article unique
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par Mme Sollogoub, M. Henno, Mme Perrot, M. Longeot et Mmes C. Fournier et Vermeillet.
Avant l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 223-3 du code de la route, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Le délai pour notifier le retrait d'un ou plusieurs points est de trois ans à compter de la date constatée de l'infraction concernée. Passé ce délai, le retrait de points lié à ladite infraction ne peut être effectué. »
Mme Nadia Sollogoub. - Entre l'infraction et la notification de la perte d'un point, il n'y a pas de délai. On peut donc imaginer qu'il traîne dans les systèmes pendant plusieurs années. Il conviendrait de prévoir un délai de prescription de trois ans.
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - En l'état du droit, le retrait de points s'applique à compter du jour où la condamnation est devenue définitive, et non à compter de la date à laquelle le détenteur du permis reçoit le courrier l'informant d'un retrait de points. Par exemple, si une personne commet un excès de vitesse constaté par un radar automatique, le retrait de points s'appliquera lorsque la personne aura payé son amende. Les règles sont claires. Avis défavorable.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - J'abonde dans le sens du rapporteur et ajoute que le délai de prescription en matière judiciaire est de six ans de sorte que des personnes condamnées pour des infractions graves pourraient ne pas se voir retirer de points.
M. Jean-François Longeot. - Je me suis vu retirer des points. (Sourires) Un, puis deux, puis trois. Comme personne ne vous prévient jamais, vous n'êtes pas au courant du solde de points qu'il vous reste. Il faudrait prévoir une information.
M. Jean Louis Masson. - Je partage l'avis du ministre sur cet amendement mais les propos de M. Longeot sont tout à fait justes : il faut une information sur le solde de points. On me répondra : « Allez sur internet. » Une fois de plus, ce sera renforcer la fracture numérique.
M. Bruno Sido. - On voit bien que M. Masson n'a jamais eu de points en moins... Sinon, il saurait que le courrier informant du retrait de points donne également le solde de points qu'il reste. Mais le délai de trois ans est bien trop long. Ce n'est plus acceptable à l'heure de l'immédiateté, d'internet.
M. Alain Fouché. - À une époque, il fallait envoyer un chèque pour obtenir le renseignement.
M. Arnaud de Belenet. - Avant d'être raisonnable, d'être père et maire, j'ai dû repasser mon permis pour défaut de points. Connaître le nombre de points restant, cela revient à donner le droit de commettre une infraction... (Marques de protestations à droite)
Mme Nadia Sollogoub. - Je viens de faire un stage de récupération de points. Sur internet, on peut effectivement accéder au solde de ses points. Savoir où l'on en est, c'est important pour éviter de conduire sans permis. Mais les organisateurs du stage s'étonnaient que des points se « baladent » : il n'y a pas de date limite pour notifier les points...
À la demande du groupe LaREM, l'amendement n°1 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°43 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 84 |
Contre | 260 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ARTICLE UNIQUE
M. François Bonhomme . - Tout le monde a relevé que la baisse de la vitesse autorisée sur le réseau secondaire est l'archétype de la décision jacobine unilatérale. C'est le sparadrap du capitaine Haddock dont le Gouvernement ne sait comment se débarrasser...
Tout le monde est concerné par cette mesure ; c'est pourquoi on aurait dû s'assurer de son acceptabilité. Gérard Collomb avait déjà mis le Gouvernement en garde. Le président de la République a estimé qu'il fallait trouver une manière plus intelligente de mettre en oeuvre cette mesure. À la bonne heure ! Reste qu'en inversant l'ordre des choses, le Gouvernement a créé un climat défavorable qui a débouché sur une crise politique et sociale. La mission Fichet-Raison a écouté la totalité des parties prenantes. Inspirez-vous de ses travaux, monsieur le ministre, le Sénat ne fait pas payer de droits d'auteur !
Mme Sylvie Goy-Chavent . - Cette proposition de loi a le mérite d'évoquer un sujet brûlant : il a provoqué des tensions ici, au Sénat, et là, car beaucoup de Français ont besoin de leur voiture tous les jours, pour aller travailler, pour emmener leurs enfants à l'école ou le petit au foot.
Il n'y aurait pas besoin de voter cette proposition de loi puisque le Gouvernement va revenir sur les 80 km/h. Mais elle va au-delà : elle traite de la perte de points. Six mois pour récupérer un point, c'est trop long. Adopter ce texte serait un geste fort. Écoutons les Français, j'ai peur qu'on ne les écoute pas assez.
Du reste, j'ai entendu des arguments assez contradictoires : moins de morts sur les routes mais, en même temps, la manne financière des radars est appréciable.
J'ai beau avoir mes douze points, je sais que tout le monde peut en perdre. Je n'ai pas déposé cette proposition de loi pour moi. C'est le devoir du Sénat de défendre les territoires et leurs habitants. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE ; M. Alain Fouché applaudit également.)
M. Jean Louis Masson . - Monsieur le ministre, vous avez repris l'argumentation de la Sanef, qui annonce une généralisation de son expérimentation sur le péage de Boulay-Moselle. Ce n'est donc plus une expérimentation.
Certes, personne n'est obligé de prendre un abonnement, pas plus que personne n'oblige la Sanef à supprimer les guérites et automates de paiement. Les automobilistes dépourvus d'abonnement devront s'arrêter, descendre de voiture, aller retirer un ticket à une sorte de guérite, remonter en voiture et payer une fois qu'ils seront chez eux. Moins de files et de bouchons ? La Sanef se moque du monde ! Il faudra trouver des arguments plus honnêtes et plus crédibles.
M. Marc Laménie . - C'est vrai, le sujet est extrêmement sensible. Tous et toutes, nous sommes pour la sécurité routière, mais posons-nous les bonnes questions. Beaucoup de nos concitoyens pensent, à tort, que ce sont les parlementaires qui ont décidé les 80 km/h, le retrait de six points quand on ne laisse pas passer un piéton. Mais le piéton, aussi, peut attendre que le petit bonhomme passe au vert pour traverser ! Et puis, parfois l'automobiliste s'arrête et le piéton ne traverse pas parce qu'il attend quelqu'un.
Posons-nous les bonnes questions, donc. La sécurité routière, c'est une question de respect de la réglementation et de la signalisation.
Je me rallierai à la position de la commission des lois et du groupe Les Républicains.
M. Henri Cabanel . - Ce débat a le mérite de revenir au fond du problème : l'abaissement de la limitation de vitesse de 90 à 80 km/h.
En 1970, il y avait 14 millions de véhicules et plus de 18 000 tués sur les routes ; aujourd'hui, on compte 39 millions de véhicules et plus de 3 500 tués. C'est toujours trop. Quel objectif viser : moins de 2 000 morts, moins de 1 000, 0 ? La vitesse est-elle la seule responsable ? Jusqu'où l'abaisser ?
On a peu parlé jusque-là du comportement des conducteurs. Nous sommes nombreux ici à avoir passé notre permis à 18 ans. Une fois que nous l'avons obtenu, on ne nous a plus rien demandé. Si l'on nous demandait de nous représenter à l'examen,...
MM. Roger Karoutchi et Ladislas Poniatowski. - Ah non !
M. Henri Cabanel. - ... qui le réussirait ?
M. Jean-François Longeot. - Bonne question !
M. Henri Cabanel. - Une remise à niveau est prévue pour les conducteurs de poids lourds. Pourquoi ne pas faire de même pour les autres conducteurs ?
M. Guillaume Chevrollier . - La structure des vitesses maximales autorisées a été terriblement complexifiée par les 80 km/h, c'est devenu un casse-tête. Sur 18 km de voirie, on peut compter sept tronçons avec des vitesses différentes. Certains conducteurs de bonne foi commettent des excès de vitesse mineurs et sont pénalisés.
Les usagers de mon département sont favorables aux 80 km/h sur des routes sinueuses dangereuses, ils y sont défavorables sur les grands axes rectilignes.
Monsieur le ministre, appuyez-vous sur les élus de terrain ! Si vous acceptez de rétropédaler, quel sera le prix de votre inconstance politique pour les collectivités territoriales ? Ce sont elles qui devront installer de nouveaux panneaux de signalisation. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Cécile Cukierman . - Ce débat est à l'image de ceux que nous avons dans nos communes. Chacun voudrait que les voitures ralentissent devant chez soi, mais se plaint des ralentisseurs dans le village suivant.
L'objectif de la proposition de loi n'est ni de supprimer la baisse à 80 km/h de la limitation de vitesse ni de revenir sur la pertinence du permis à points. Si le délai de six mois n'est pas pertinent, supprimons la perte de point en deçà d'un excès de 10 ou 20 km/h.
Ramener le délai à trois mois n'a pas de sens, compte tenu de la durée du traitement administratif des dossiers, même par la meilleure administration qui soit.
M. Jean-François Longeot . - Revenons à cette proposition de loi qui réduit le délai de récupération des points. Cette mesure sera importante pour ceux qui roulent beaucoup, c'est-à-dire ceux qui ont besoin de leur véhicule pour travailler. La sécurité routière nous importe à tous, mais est-on capable de préciser quel est le nombre d'accidents mortels, d'une part, dans la semaine et, d'autre part, dans le week-end ?
Dans l'Indre-et-Loire, il y a eu 34 morts sur la route en 2016, 32 en 2017 et 39 en 2018. Les 80 km/h n'ont donc pas réduit la mortalité routière.
Nous ne remettons pas en cause la sécurité. Il s'agit de donner à celui qui travaille la possibilité de récupérer son point en trois mois. Et Madame Cukierman, si c'est le temps administratif qui vous importe, il faut aller jusqu'à neuf mois ! (Sourires sur les bancs du groupe UC)
M. Michel Raison . - Je rappelle le double intérêt des conclusions du rapport sénatorial : en matière d'acceptabilité et donc d'efficacité, mais aussi sur le plan démocratique. Le président Larcher l'a dit hier, il faut aller vers plus de décentralisation. Le président de la République semble l'avoir compris : en renforçant la démocratie de proximité, on renforce l'acceptabilité.
Allons chercher des solutions innovantes dans nos départements qui débordent d'idées - plus que le petit bureau du Premier ministre !
M. Yves Détraigne . - Nombreux sont ceux qui ont besoin quotidiennement de leur voiture. Veut-on leur faciliter la vie ou l'inverse ? Georges Pompidou, alors Premier ministre, l'avait bien dit : « arrêtez donc d'emmerder les Français ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) On ne cesse de brimer nos concitoyens !
M. Alain Fouché. - C'est vrai !
M. Yves Détraigne. - Laissons-les respirer ! Il y a beaucoup moins d'accidents mortels qu'il y a vingt ans.
M. Laurent Duplomb. - Absolument.
M. Yves Détraigne. - Les autos sont désormais équipées d'assistance au freinage, bipent quand on roule trop vite : il y a tout ce qu'il faut pour être raisonnable. N'en rajoutons pas !
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Masson.
Rédiger ainsi cet article :
Les personnes ayant été verbalisées pour excès de vitesse sur une section limitée à 80 km/h bénéficient d'un sursis pour le retrait de point sur leur permis de conduire à condition que la vitesse retenue ne dépasse pas 85 km/h.
M. Jean Louis Masson. - Il s'agit d'apporter une réponse au mécontentement. En octroyant un sursis lorsque la vitesse retenue n'excède pas 85 km/h, on permet de rouler à une vitesse réelle de 90 km/h, tout en conservant les panneaux de limitation de vitesse à 80 et en conservant la pénalité financière.
Mme Cécile Cukierman. - Ce serait consacrer la relativité de la loi !
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - Cet amendement n'est pas sans intérêt : il valorise les comportements les plus vertueux, sans pénaliser. Toutefois, il ne précise pas la durée du sursis ou les conditions pour y mettre fin. Mieux vaut conditionner l'évolution législative du permis à point à une étude d'impact approfondie pour éviter tout effet indésirable sur la sécurité routière. Avis défavorable.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - Cet amendement, qui suppose de créer une nouvelle infraction d'excès de vitesse de 5 km/h, complexifierait considérablement la réglementation, pour un intérêt très limité. Compte tenu du délai de six mois, le barème de récupération des points resterait le même qu'aujourd'hui. Avis défavorable.
M. Jean Louis Masson. - Je ne suis pas convaincu par votre argument. Je ne crée pas une nouvelle infraction mais j'assouplis la pénalité sur une infraction existante. (Mme Cécile Cukierman ironise.)
L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par M. Masson.
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
quatre
M. Jean Louis Masson. - Je propose quatre mois plutôt que trois.
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - Cette légère augmentation de la durée de récupération de points ne suffit pas à résoudre les problèmes qui nous ont conduits à ne pas adopter la proposition de loi. Avis défavorable.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. - En 2011, le délai avait été réduit à six mois. En 2017, 6 millions de conducteurs se sont vu restituer un point, bien plus qu'en 2016. Nous avons assoupli les conditions de réalisation d'un stage de récupération de points. En 2017, 121 conducteurs seulement ont vu leur permis invalidé à la suite d'infractions entrainant la perte d'un seul point. L'équilibre actuel est satisfaisant : avis défavorable.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
Intervention sur l'ensemble
M. Daniel Chasseing . - Nous espérons une décentralisation rapide de la décision sur les 80 km/h, qui doit être prise par le préfet et le président du conseil départemental. Ce sont eux qui connaissent les routes, le Gouvernement ne peut pas s'occuper de tout !
Récupérer un point en trois mois plutôt que six sera précieux pour nos concitoyens périurbains et ruraux. La très grande majorité du groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi.
À la demande du groupe UC, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°44 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 84 |
Contre | 255 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Santé visuelle des personnes âgées en perte d'autonomie
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer la santé visuelle des personnes âgées en perte d'autonomie.
La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du Règlement du Sénat. Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.
Explications de vote
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - La qualité de vie et l'accompagnement de la perte d'autonomie des personnes âgées sont des priorités du Gouvernement. Mieux prendre en charge nos aînés est un devoir de solidarité. Plusieurs réformes sont en cours pour aller vers une société plus inclusive et protectrice de nos aînés : transformation du système de santé, nouvelles synergies entre médecine de ville, hôpital et médico-social, réduction du reste à charge.
Les personnes âgées auront un meilleur accès à certaines prestations dans les domaines de l'optique, du dentaire et de l'audiologie. Concrètement, depuis le 1er janvier, le reste à charge est réduit de 100 euros par oreille. Dès 2020, il sera nul en optique et sur une partie du panier dentaire.
Le Gouvernement a lancé en octobre dernier un débat national autour du grand âge et de la perte d'autonomie. La mission conduite par Dominique Libault formulera des propositions d'ici le mois de mars ; un projet de loi sera ensuite déposé.
Sans remettre en cause ces travaux qui s'inscrivent sur le temps long, la présente proposition de loi répond à la nécessité d'aider les personnes âgées hébergées en Ehpad à disposer de lunettes adaptées à leur correction.
Étant donné la difficulté d'obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologue - qui est appelée à s'aggraver vu la démographie de la profession - des mesures ont été prises pour étendre les compétences des orthoptistes et opticiens-lunetiers.
La proposition de loi initiale permettait aux personnes âgées hébergées en Ehpad de bénéficier d'un test de réfraction et d'une adaptation de leur correction sans devoir se déplacer chez un opticien. Reste qu'il faut s'assurer de la qualité et de la sécurité des soins. Chez le patient âgé, les pathologies oculaires sont nombreuses ; seul un examen ophtalmologique complet permet de les détecter.
C'est pourquoi le Gouvernement rejoint la position de l'Assemblée nationale qui privilégie la voie de l'expérimentation. Celle-ci n'étend pas les compétences des opticiens mais délocalise seulement leur exercice.
Le Gouvernement apporte un soutien pragmatique à ce texte que d'aucuns jugent peu ambitieux. Nous devrons ouvrir le chantier plus large de l'organisation de la filière de santé visuelle. Nous devons nous appuyer davantage sur le numérique : la téléconsultation est remboursée depuis le 15 septembre. Nous héritons d'une démographie médicale en souffrance, et l'élargissement du numerus clausus mettra du temps à produire ses effets. Aussi toutes les solutions doivent être explorées.
Le projet de loi relatif à la transformation du système de santé jettera des ponts entre hôpital, ville et secteur médico-social. L'exercice coordonné a vocation à se développer. Nos propositions viseront à fluidifier les parcours, améliorer la qualité, la sécurité et la pertinence des soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Notre commission a examiné le 16 janvier, en application de la procédure de législation en commission, cette proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale à l'initiative du groupe UDI-AGIR.
Son adoption conforme permettra à l'opticien-lunetier d'effectuer un test de réfraction en Ehpad et d'adapter, le cas échéant, l'équipement optique du résident.
C'est un assouplissement bienvenu - mais la commission a fait part des immenses attentes que suscite le sujet de l'accès aux soins visuels. Je crains que cette mesure n'ait dans les faits un impact limité.
L'adaptation de l'équipement optique par l'opticien reste conditionnée à la production d'une ordonnance de moins de trois ans, condition rarement remplie au moment de l'entrée en Ehpad. Ce nouveau droit aura donc du mal à s'appliquer.
Le vrai problème demeure celui de l'accès au prescripteur médical. Comme déléguée à l'accès aux soins auprès de Mme Buzyn, je suis convaincue que le principal défi qui se pose au législateur concerne la délégation d'actes médicaux. La pénurie de l'offre de soins ophtalmologiques a provoqué la montée en compétences des orthoptistes, consacrée par la loi de modernisation de notre système de santé. Malgré ces progrès, cette loi doit être approfondie.
Je crains que l'équipement optique des personnes âgées en Ehpad ne pâtisse de l'inégale répartition de l'offre de soins sur le territoire.
Alors qu'Agnès Firmin Le Bodo voulait habiliter directement les opticiens à effectuer des opérations de réfraction et d'adaptation en Ehpad, les députés LaREM ont exigé l'accord préalable du directeur général de l'ARS, censé éviter toute convention anticoncurrentielle. Ces conventions étant déjà incluses dans le contrôle de qualité externe, c'est une précaution inutile qui risque de compliquer l'accès au droit.
Que révèle l'adoption d'un texte aussi modeste de l'initiative parlementaire ? Les sénateurs ne demandent qu'à vous épauler, madame la ministre, et à vous apporter la richesse et l'expérience que leur confère leur connaissance de terrain.
M. Daniel Chasseing . - Cette proposition de loi permet aux opticiens-lunetiers de se déplacer dans les Ehpad pour réaliser sur place des tests d'acuité visuelle, dits de réfraction, pour répondre à la perte de mobilité dans une population avec une forte prévalence de troubles de la vue. Actuellement, ils ne peuvent faire de test que dans leur magasin.
Selon une étude bordelaise portant sur 700 personnes âgées de 84 ans en moyenne, 40 % présentaient des troubles de la réfraction non corrigés, pour de multiples raisons : négligence, faible disponibilité des ophtalmologistes, perte de mobilité, coût, résignation. C'est encore plus vrai dans les Ehpad. Or le dépistage et la correction sont essentiels car les troubles de la vue favorisent les chutes.
Il sera important d'adopter la proposition de loi conforme. Un dispositif d'information complémentaire du médecin traitant serait utile. Il serait également judicieux d'autoriser les orthoptistes à pratiquer leurs examens en Ehpad, sous l'autorité d'un ophtalmologiste.
Plus généralement, l'amélioration du parcours de soins et de la qualité de service en Ehpad est une priorité. D'ici 2050, le nombre de personnes âgées dépendantes passera de 1,3 million à 2,6 millions ! Malgré les mesures pour favoriser le maintien à domicile, l'hébergement en Ehpad restera incontournable. Il faudra renforcer l'encadrement, pour une prise en charge décente. En attendant que la sécurité sociale soit à l'équilibre, il faut augmenter dès 2020 les dotations soins des Ehpad. Nous attendons beaucoup du projet de loi à venir sur l'autonomie, car une solidarité digne de nos aînés doit être au centre de notre société.
Le groupe Les Indépendants votera le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Chantal Deseyne . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La France compte 1,5 million de personnes de plus de 85 ans ; en 2016, 7 500 Ehapd accueillaient plus de 608 000 pensionnaires.
Le dispositif actuel ne permet pas aux personnes hébergées en Ehpad de disposer de lunettes adaptées à leurs besoins. Le délai moyen pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste est de 80 jours. En 2030, la densité de médecins ophtalmologistes sera de six pour cent mille habitants, en baisse de 20 % par rapport à 2016. Près de 40 % des personnes âgées, selon l'Inserm, souffrent de troubles visuels non corrigés. D'où un risque de chute, d'isolement et de perte d'autonomie. Les difficultés de mobilité compliquent les consultations hors Ehpad.
Cette proposition de loi remédie à cette situation en autorisant les opticiens-lunetiers à pratiquer dans les Ehpad des tests de réfraction, qu'ils peuvent déjà réaliser dans leur magasin depuis 2007. Cela ne concerne que le renouvellement d'équipements existants.
La réécriture de l'article unique à l'Assemblée nationale soumet cette possibilité à l'autorisation du directeur de l'ARS, qui ne pourra y recourir que dans un cadre expérimental et pour trois ans. L'expérimentation ne concernera que quatre régions. Ces restrictions excessives risquent d'entraver sérieusement la mise en oeuvre du texte. C'est très regrettable. Dommage aussi que le champ de la proposition de loi n'ait pas été élargi à l'accès aux soins auditifs ou à la réorganisation de la filière visuelle.
Le groupe Les Républicains votera toutefois ce texte malgré son manque d'ambition et les restrictions que l'Assemblée nationale lui a apportées. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Les Indépendants)
M. Dominique Théophile . - Je me félicite que le groupe UC du Sénat ait repris cette proposition de loi consensuelle qui améliore le suivi médical des résidents en Ehpad qui sont nombreux à pâtir d'un équipement visuel inadapté. Selon une étude de l'Inserm, 40 % des plus de 78 ans n'ont pas de lunettes adaptées à leur vue. En outre, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous en ophtalmologie est de 52 jours. À cela s'ajoute la difficulté à se déplacer. Pourtant, des lunettes adaptées permettent d'éviter les chutes et la vue est un vecteur de socialisation, sachant que d'après le rapport Monalisa, la France est le troisième pays le plus touché par le problème de l'isolement. Or l'impact de la solitude chez les personnes âgées peut être dévastateur, tant sur le corps que sur l'altération de la fonction cognitive.
Le groupe LaREM partage l'objectif de cette proposition de loi. Cette expérimentation sera bénéfique, sans aucun doute. Elle est particulièrement sensée en milieu rural, où l'accompagnement est difficile à mettre en place. Enfin, elle participe de la politique que mène le Gouvernement avec le programme « 100% Santé » visant à faciliter l'accès aux soins des plus démunis.
Le groupe LaREM votera ce texte à l'unanimité.
Mme Laurence Cohen . - Je regrette le recours une fois de plus à la procédure d'examen en commission qui prive nos concitoyens d'un débat public alors qu'ils demandent plus de transparence.
À cela s'ajoute la pression du Gouvernement pour une adoption conforme, au détriment de nos prérogatives de parlementaires. À l'heure où les gilets jaunes réclament le RIC et critiquent la démocratie représentative, c'est un mauvais signal.
La portée de cette proposition de loi est très limitée. Le secteur mercantile de l'optique pourra se féliciter de cette rustine censée répondre à la pénurie d'ophtalmologistes. Cela s'inscrit dans la droite ligne de la loi Macron de 2015 qui voulait supprimer l'obligation d'ordonnance pour les verres correcteurs et du décret du 12 octobre 2016 qui autorise les opticiens à adapter les prescriptions médicales lors d'un renouvellement, après examen de la réfraction.
Autoriser les opticiens-lunetiers à faire des tests de réfraction dans les Ehpad est une solution simpliste qui ne répond pas au vrai problème qu'est la pénurie d'ophtalmologistes.
La santé visuelle des personnes âgées dépendantes est un sujet très préoccupant. Comment accepter que 40 % des personnes âgées n'aient pas de lunettes adaptées - souvent pour des raisons de coût ?
Attention à ne pas créer de nouveaux problèmes. Comment défendrez-vous les personnes âgées fragiles contre des commerciaux intéressés à vendre leurs lunettes ?
Nous ne contestons pas l'importance du métier d'opticien-lunetier mais les ophtalmologues doivent demeurer la porte d'entrée pour les soins d'optiques. Or leur nombre a diminué de 5,7 % entre 2007 et 2017. Pour inverser la dynamique, nous proposons de supprimer leur numerus clausus, comme le souhaite le président de leur syndicat, Thierry Bour.
Il faut revaloriser la profession et favoriser les installations dans des centres de santé publics accessibles dans chaque canton. Et pour lutter contre les renoncements aux soins, nous proposons que les frais d'optique soient pris en charge à 100 % par la sécurité sociale - et non par les mutuelles qui répercutent les coûts sur les assurés...
Nous regrettons enfin que le texte reste muet sur le manque de personnels dans les Ehpad.
Souhaitons que les projets de Mme Buzyn, dont nous ne savons encore rien, apportent des réponses... En attendant, notre groupe votera ce texte qui apportera une petite amélioration et sera attentif à l'évaluation de l'expérimentation.
M. Yves Daudigny . - Adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, cette proposition de loi d'effet limité apporte toutefois des améliorations concrètes. L'accès aux soins visuels représente un défi démographique. Si 40 % des personnes âgées portent des lunettes inadaptées à leur vue, c'est tant pour des raisons financières que par une forme de fatalisme. Le délai moyen pour une consultation chez un ophtalmologiste est en outre de 80 jours - le plus élevé de toutes les spécialités médicales. Le nombre d'ophtalmologistes a baissé de 5,7 % en dix ans et on prévoit une chute de 20 % d'ici 2030.
Or, comme les troubles de l'audition, une vue déficiente se répercute sur la qualité de vie et l'autonomie : risque de chute, marche hésitante, dégradation des échanges sociaux.
Cette proposition de loi permet d'éviter aux aidants ou au personnel soignant des Ehpad de devoir accompagner les personnes âgées pour des examens qui ne peuvent actuellement être pratiqués que dans les magasins des opticiens-lunetiers. Elle n'apporte pas de réponse structurelle au problème d'offre de soins, mais le groupe socialiste votera pour une adoption conforme.
Mme Véronique Guillotin . - Le titre de ce texte est ambitieux, pour une réalité bien modeste. Nous sommes nombreux à être préoccupés par les inégalités, sociales ou territoriales, dans l'accès aux soins. La santé visuelle des personnes âgées est un vrai sujet d'inquiétude, face à la pénurie d'ophtalmologistes. Le plan de transformation du système de santé a vocation à y répondre. Mais cela prendra du temps, ce qui justifie le recours à des mesures simples et de court terme.
Cette proposition de loi rappelle l'État à son devoir de solidarité envers les plus fragiles. Il est plus difficile pour les résidents d'Ehpad de se déplacer, et la nécessité d'un accompagnement est un frein réel à l'accès aux soins. Or le retard d'accès aux soins est un facteur aggravant de la dépendance.
Le groupe RDSE votera ce texte même s'il regrette son caractère expérimental et son manque d'ambition. Le texte initial ne mettait pas en péril la qualité des soins mais offrait une solution simple, rapide et validée par toutes les parties.
Dans les Ehpad, les personnes âgées sont accompagnées par du personnel soignant à même d'organiser ce type de service. Je serais même favorable à la possibilité d'organiser les tests dans tous les lieux de résidence des personnes âgées, comme cela se passe en dentisterie, y compris à domicile. On sait déjà que les opticiens se rendent à domicile pour présenter leurs équipements et à cette occasion réalisent des tests. Il ne s'agit pas d'une extension des compétences des opticiens mais d'une délocalisation de l'activité. Pourquoi faire déplacer inutilement nos aînés ?
Lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, nous avons évoqué les transports hospitaliers et alerté sur les difficultés financières des petites entreprises de transport. Une limitation des déplacements serait intéressante pour le patient mais aussi pour les comptes de la sécurité sociale.
Le groupe RDSE votera en faveur de cette proposition de loi et appelle à sa généralisation. Faisons preuve d'audace ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
Mme Jocelyne Guidez . - Les familles françaises font de plus en plus le choix de maintenir leurs aînés à domicile le plus longtemps possible. On entre en Ehpad de plus en plus tard, dans une situation de santé très dégradée. En assouplissant notre droit, nous améliorerons leur qualité de vie.
Je salue le travail de notre collègue députée, Mme Firmin Le Bodo, auteure de la proposition de loi, et de notre rapporteur, Mme Doineau. Nous partageons toutefois sa frustration. En effet, la majorité LaREM a souhaité faire de cette mesure une simple expérimentation - je le regrette car cela empêchera la majorité de nos anciens d'en bénéficier. Le projet de loi initial aurait permis à toutes les personnes en Ehpad de renouveler leurs lunettes sans se déplacer chez un opticien-lunetier. L'autorisation de l'ARS complexifie encore la démarche. En l'espèce, le recours à l'expérimentation n'est pas de bon augure...
Le Gouvernement ne cesse de rappeler qu'il travaille sur un grand texte sur la dépendance. Je regrette que l'on n'ait pas opté plutôt pour une démarche d'amélioration continue. Espérons que les retours d'expérience serviront à améliorer le futur projet de loi.
Parler de la santé de nos anciens, de leur qualité de vie en Ehpad, c'est parler de notre propre avenir et de la solidarité intergénérationnelle que nous voulons. Malgré toutes nos objections, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)
La proposition de loi est adoptée définitivement.
Prochaine séance, demain, jeudi 24 janvier 2019, à 14 h 30.
La séance est levée à 17 h 35.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du jeudi 24 janvier 2019
Séance publique
De 14 h 30 à 18 h 30
Présidence : Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente
1. Proposition de loi visant à assurer une plus juste représentation des petites communes au sein des conseils communautaires (texte de la commission, n°246, 2018-2019)
2. Proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse (texte de la commission, n°244, 2017-2018).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°43 sur l'amendement n°1 rectifié ter, présenté par Mme Nadia Sollogoub et plusieurs de ses collègues, tendant à insérer un article additionnel avant l'article unique de la proposition de loi relative à l'aménagement du permis à points dans la perspective de l'abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire
Résultat du scrutin :
Nombre de votants :344
Suffrages exprimés :344
Pour :84
Contre :260
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques :
Groupe Les Républicains (145)
Pour : 7 - M. Yves Bouloux, Mme Laure Darcos, MM. Laurent Duplomb, Alain Houpert, Daniel Laurent, Antoine Lefèvre, Ladislas Poniatowski
Contre : 137
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (74)
Contre : 74
Groupe UC (51)
Pour : 48
Contre : 2 - Mmes Nathalie Goulet, Michèle Vullien
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Valérie Létard, Présidente de séance
Groupe LaREM (23)
Contre : 23
Groupe RDSE (22)
Pour : 17
Contre : 5 - M. Stéphane Artano, Mme Maryse Carrère, M. Ronan Dantec, Mme Nathalie Delattre, M. Jacques Mézard
Groupe CRCE (16)
Contre : 16
Groupe Les Indépendants (12)
Pour : 12
Sénateurs non inscrits (5)
Contre : 3
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Scrutin n°44 sur l'article unique de la proposition de loi relative à l'aménagement du permis à points dans la perspective de l'abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire
Résultat du scrutin :
Nombre de votants :339
Suffrages exprimés :339
Pour :84
Contre :255
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques :
Groupe Les Républicains (145)
Pour : 9 - MM. Yves Bouloux, Laurent Duplomb, Jacques Genest, Bruno Gilles, Alain Houpert, Daniel Laurent, Antoine Lefèvre, Ladislas Poniatowski, Vincent Segouin
Contre : 135
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (74)
Contre : 74
Groupe UC (51)
Pour : 48
N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Valérie Létard, Président de séance, Mmes Nathalie Goulet, Michèle Vullien
Groupe LaREM (23)
Contre : 23
Groupe RDSE (22)
Pour : 16
Contre : 5 - M. Stéphane Artano, Mme Maryse Carrère, M. Ronan Dantec, Mme Nathalie Delattre, M. Jacques Mézard
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Franck Menonville
Groupe CRCE (16)
Contre : 16
Groupe Les Indépendants (12)
Pour : 11
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jérôme Bignon
Sénateurs non inscrits (5)
Contre : 2
N'ont pas pris part au vote : 3 - Mme Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier