Après un an d'application, bilan et évaluation de Parcoursup
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème : « Après un an d'application, bilan et évaluation de Parcoursup », à la demande du groupe CRCE.
M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste . - Le 22 janvier prochain, les lycéens commenceront à faire leurs voeux sur Parcoursup. La plateforme a été remaniée, plusieurs modifications majeures ont été apportées - hélas, sans bilan préalable de la première année de mise en oeuvre. Une nouvelle fois, apprenant par la presse cette refonte qui concerne plus de 900 000 étudiants, nous sommes mis devant le fait accompli, alors que la loi relative à l'Orientation et à la réussite des étudiants (ORE) exige un bilan annuel détaillé par académie.
Le comité scientifique et éthique de Parcoursup n'a rendu son rapport qu'aujourd'hui, après le lancement de la nouvelle session.
Au lendemain du lancement du grand débat national censé « rendre la participation citoyenne plus active et la démocratie plus participative », nous déplorons que vous n'ayez pas consulté les usagers de la plateforme avant de la remanier.
Le Sénat exerce sa mission constitutionnelle de contrôle des politiques publiques avec objectivité et détermination - peut-être est-ce ce que d'aucun lui reproche...
C'est dans cet esprit de responsabilité que notre groupe a souhaité ce débat. La loi relative à l'Orientation et la réussite des étudiants (ORE) ne se bornait pas à bannir un tirage au sort illégal ; elle amorce une transformation radicale de l'organisation et des finalités de l'enseignement supérieur. La hausse des droits d'inscription pour les étudiants extracommunautaires éclaire sur vos intentions réelles.
Notre enseignement supérieur pâtit d'un sous-financement chronique ; la France est l'un des pays développés qui y consacre le moins de moyens. Cette crise a été accentuée par l'arrivée massive de nouveaux bacheliers.
La plupart des groupes ont jugé que les crédits de votre ministère étaient insuffisants pour rattraper notre retard. Parcoursup apparaît dès lors comme un instrument de gestion de la pénurie.
Sa mise en oeuvre a demandé des efforts considérables aux acteurs de l'enseignement supérieur. Pour quels résultats ?
Le nombre de bacheliers a progressé de 5,3 %, mais le nombre de ceux qui entrent dans le supérieur n'a augmenté que de 2,2 %. Que sont devenus les 22 % de bacheliers ayant quitté Parcoursup sans affectation ? Ont-ils rejoint l'enseignement privé, les classes passerelles ou le marché de l'emploi ? Pourquoi 180 000 étudiants ont-ils fait un autre choix ?
Ce taux de renoncement n'est pas le même selon les filières dont ils proviennent. Les bacheliers de la filière générale ont attendu en moyenne quatre jours une première proposition, contre douze jours pour ceux issus de la filière technique et dix-sept jours pour la filière professionnelle ; 71 % des bacheliers des filières générales ont reçu une proposition le premier jour, mais seulement 45 % des bacheliers professionnels ; plus de 80 % de ceux-ci ont accepté une proposition lors de la phase principale, mais seulement 52 % de ceux-là. Parcoursup a facilité l'affectation des meilleurs bacheliers des sections générales mais l'a rendu plus difficile, voire dissuasive pour les autres.
Vous nous avez longtemps expliqué, madame la ministre, que les algorithmes locaux n'existaient pas. On apprend, à la page 14 du cahier des charges de Parcoursup, qui vient d'être rendu public, qu'ils servent à faire un préclassement automatique. M. Frédéric Dardel, président de l'université Paris-Descartes les a jugés indispensables en raison du nombre de dossiers, et a déclaré avoir pondéré les notes selon le taux brut de réussite du bac, confirmant en tous points nos craintes concernant ce que vous aviez qualifié de « légende urbaine ».
Le règlement général européen sur la protection des données personnelles proscrit tout traitement automatisé des données personnelles. Le Sénat, à l'unanimité, vous avait demandé la publication des algorithmes, vous l'avez refusée ! C'est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR) Vous avez remplacé le tirage au sort par l'opacité. Céline Brulin y reviendra.
Le Gouvernement souhaiterait davantage d'évaluation et de concertation. J'ouvre un cahier de doléances national sur ce sujet. La République doit donner à tous les bacheliers les mêmes droits pour que l'État leur propose un cursus en adéquation avec leurs compétences et leur projet personnel, avec des moyens suffisants. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
M. Laurent Lafon . - Parcoursup a-t-il amélioré l'accès des bacheliers à l'enseignement supérieur ? Il est un peu tôt pour le dire ; les universités doivent transmettre des informations sur les résultats de première année... Sans données statistiques transparentes, les polémiques continueront, excessives.
Globalement, la dernière campagne de Parcoursup s'est bien passée, malgré quelques retards. Dans toutes les formations non sélectives, tous les étudiants ont eu une formation adaptée à leurs demandes et capacités. Parcoursup a amélioré le recrutement dans les filières non sélectives en tension. Le système des attendus, des « Oui, si », de la fiche « Avenir », visaient à accompagner les bacheliers vers les filières où ils avaient des chances de réussite. C'est louable car le système précédent conduisait des cohortes entières d'étudiants vers l'échec. Selon un président d'université parisienne, le taux de réussite des bacheliers hors bac S, la dernière d'année d'APB, avait atteint 0 % en licence scientifique et en Première année commune aux études de santé (Paces). La liberté complète d'intégrer n'importe quelle formation, c'est la liberté d'échouer à coup sûr pour des milliers d'étudiants !
L'échec universitaire avait des conséquences désastreuses sur le plan humain, mais aussi budgétaire, car l'allongement du délai entre bac et licence prend des places ; moins de 50 % des étudiants valident une licence au bout de quatre ans ; un délai de trois ans et demi permettrait d'accueillir tout le monde.
Parcoursup a généralisé la procédure des « Oui, si » mais avec parfois des délais importants. Il convient de mieux harmoniser les pratiques entre établissements, qui sont des opérateurs de l'État, et de mieux accompagner les étudiants. Il faudrait pousser la logique à son terme, en instaurant une année de propédeutique de remise à niveau dans certaines filières - le groupe UC l'a proposé par amendement à la loi ORE.
Le Premier ministre m'a confié une mission sur le recrutement académique en Île-de-France. Les délais ont été allongés pour les étudiants de banlieue, véritablement exclus. Le maintien d'un secteur de recrutement académique dans les formations parisiennes a posé de vrais problèmes. Les quotas extra-académiques ont été un frein à la mobilité : insuffisamment élevés, ils ont surtout rallongé les délais d'attente pour les lycéens de banlieue et ont généré un effet d'éviction important. Détruisons le périphérique universitaire, en régionalisant l'intégralité des secteurs de formation en Île-de-France. Définissons un taux plancher unique de boursiers dans toutes les formations d'enseignement supérieur en Île-de-France pour ne pas écarter de certaines formations les lycéens de milieux modestes.
Trop souvent, les tensions et déceptions ont été mises sur le dos de Parcoursup. En réalité, il s'agit d'un problème d'orientation. En Île-de-France, dans 1 325 formations, le nombre de « Oui » était inférieur aux capacités d'accueil pour plus de 15 000 places.
Parcoursup n'est qu'un premier pas, il faut réfléchir désormais sur l'offre de formation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; MM. Philippe Bonnecarrère et Bruno Sido applaudissent également.)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La loi ORE du 8 mars 2018 a opéré une refonte salvatrice du système d'inscription dans l'enseignement supérieur. Le chemin de la réussite au lycée vers l'enseignement supérieur et l'emploi est semé d'embûches : manque de moyens, de réseau... Parcoursup y répond partiellement. Il n'était pas acceptable que le hasard régisse l'orientation, non plus que la sélection par l'échec. L'Allemagne, les États-Unis, Israël et le Chili utilisent ce même algorithme. La publication open source du code le rend plus efficace et juste et donne lieu à des propositions d'amélioration.
Près d'un an après, Parcoursup ne présente pas de dysfonctionnements notoires mais nécessite quelques ajustements. Le principal reproche qui lui a été fait est la lenteur du processus, facteur de stress. La procédure sera terminée cette année dès le 19 juillet, mais les délais de réponse seront réduits de deux jours. Certains paramètres sont cependant à revoir, comme la prise en compte d'une année d'étude à l'étranger comme une année de redoublement.
Un débat plus profond reste à organiser sur l'égalité des chances en fonction du territoire d'origine. La jeunesse issue de la France périphérique est trop souvent laissée dans l'angle mort de l'action publique. Nous prônons l'égalité des chances, la mobilité géographique, mais nous instaurons des quotas de mobilité désavantageux, voire ségrégatifs, selon l'académie d'origine. Parcoursup autorise des changements d'académie, c'est un progrès par rapport au fonctionnement à la carte scolaire, comme le faisait APB, mais le taux minimum de 85 % de candidats du secteur rétrograde les candidats venus d'ailleurs. Pourquoi cette priorité académique ? Elle va contre les principes d'ouverture, de mobilité et contre la liberté de choisir son avenir professionnel. Les quotas géographiques contribuent à l'isolement et à l'autocensure des jeunes issus des petites villes et des campagnes - l'injustice n'est pas seulement dans la banlieue, mais aussi au coeur de cette France invisible dont on ne parle pas. La majorité des étudiants, cependant, ne souhaitent pas changer de région. C'est une question de mentalité. Chaque élève doit choisir librement son avenir. Quelles actions concrètes pour assurer cette égalité territoriale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Stéphane Piednoir . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Mon rapport budgétaire dressait un bilan de Parcoursup.
En dépit de quelques imperfections, cette nouvelle plateforme a plutôt bien fonctionné. Je soutiens la philosophie du système, consistant à tenir compte des aspirations et des chances de réussite. La sélection n'est pas taboue ; être sélectionné, c'est motivant pour le candidat et choisir, c'est engageant pour l'établissement. Les premiers résultats des examens partiels montrent de meilleurs taux de réussite cette année.
Je salue les avancées annoncées. Ainsi, le raccourcissement du calendrier, demande explicite de notre commission dès le début, évitera les angoisses des familles.
La mise en place d'un répondeur automatique pour les candidats sûrs de leur choix, et l'amélioration de l'information des étudiants, avec la publication du rang du dernier appelé, sont de bonnes choses.
Les établissements doivent toutefois préciser leur critère de choix pour que les candidats fassent des choix réalistes - c'est une condition de la confiance que les candidats feront à la plateforme.
L'an II de Parcoursup doit être plus serein ; mais de nouvelles angoisses apparaissent avec la réforme du bac : les élèves de seconde choisissent déjà leurs trois spécialités, ils se demandent quelles en seront les conséquences sur leur orientation post-bac.
Appuyons-nous sur des études plus fines pour faire un bilan de Parcoursup, notamment pour les « Oui, si ». La réussite des étudiants sera le critère d'évaluation final. En 2016, seuls 27 % des étudiants avaient leur licence en trois ans. Le Gouvernement veut 30 % en 2020, je suis déçu par ce manque d'ambition.
Madame la ministre, quels sont vos indicateurs de réussite ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Antoine Karam . - Le 22 janvier marque l'ouverture de la formulation des voeux pour Parcoursup. Merci à nos collègues du groupe CRCE de demander un bilan. Je félicite le nouveau système, qui a remplacé un système APB largement défaillant, parce qu'il imposait un tirage au sort opaque et illégal. Nous avons légiféré dans l'urgence pour remettre de l'humain et de la justice au bon endroit et garantir la transparence.
Parcoursup, outil innovant, conjugue gestion de nombreux dossiers avec l'intelligence artificielle et un système transparent.
Quel bilan en tirer ? Quelque 95 % des bacheliers ont obtenu une proposition d'admission, soit un taux équivalent à APB mais avec beaucoup moins de contentieux - moins de dix. Parcoursup, c'est davantage d'élèves boursiers en classes préparatoires, c'est +23 % de bacheliers professionnels en STS, +19 % en IUT...
Mais seules 25 % des formations ont recours à un outil d'aide à la décision. Le calendrier sera accéléré en 2019.
Au 1er août, 97 % des candidats ont conservé la proposition qui leur avait été faite. Nous devons aider en particulier la mobilité des étudiants d'outre-mer.
La critique majeure adressée à Parcoursup a porté sur le rythme de la procédure, qui a placé inutilement les étudiants dans un stress prolongé. Je me réjouis du calendrier resserré, et que les élèves disposent plus vite de propositions, et aient accès à un répondeur automatique. Voilà toute la différence entre choix et orientation éclairée.
Le déploiement et la prise en main des outils sont importants. Parcoursup sera aussi un outil d'information sur les formations. Madame la ministre, ne pénalisons pas les étudiants en réorientation, pour qu'ils valorisent leur expérience passée. Les acteurs du secondaire doivent aussi mieux expliquer la « fiche Avenir » et « attendus ».
La mobilité peut ne pas convenir à tout le monde. Proposons des formations de premier cycle de qualité sur tout le territoire.
Cette deuxième édition nous permettra d'améliorer la plateforme, sur l'accès de tous à l'enseignement supérieur dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Céline Brulin . - Madame la ministre, vous tirez un bilan extrêmement positif de la première année de Parcoursup, mais il y a quelques jours encore, lycéens et étudiants étaient mobilisés.
L'accès à l'enseignement supérieur se dégrade. La non-hiérarchisation des voeux et les délais de réponse ont poussé bien des lycéens à se rabattre sur un choix qui n'était pas leur premier, par sécurité. Vous poussez les étudiants à le faire, puisque, après fin juin, vous les contraignez à choisir en trois jours.
À partir de mi-juillet, vous avez découragé les jeunes en attente qui avaient obtenu un « Oui, si ».
La plus grande partie des inscrits a donc trouvé une formation, mais rien ne dit qu'elle correspond aux attentes. Cela risque de se traduire par de nombreux abandons en cours d'année, contre l'objectif même de la réforme... Et de plus en plus de lycéens se tournent vers l'enseignement privé.
Pour ceux qui obtiennent une réponse positive tardivement, il faut s'organiser très vite, trouver un logement, parfois un emploi.
Le rapport du comité éthique et scientifique de la plateforme a d'ailleurs souligné que cette attente a créé un biais social et territorial.
Vous souhaitez réduire cette attente en modifiant le calendrier. Mais comment atteindre cet objectif sans réduire la hiérarchisation des voeux ni accroître la pression sur les lycéens ? Ceci d'autant plus que la réforme du lycée va réduire encore les marges de manoeuvre.
Les familles sont nombreuses à s'inquiéter des prérequis impliquant des choix au lycée. Il faudra connaître son choix de licence dès la seconde ! On s'oriente vers une discrimination inédite des lycéens ruraux qui ne trouvent pas toutes les spécialités dans leur établissement de proximité, et de tous ceux qui, faute d'information suffisante, ne sont pas en mesure de bien définir leur stratégie d'orientation.
Quand on prend le problème à l'envers, on peine à le résoudre.
Le problème majeur, c'est d'abord le manque de moyens : en dix ans, le budget par étudiant a chuté de 10 %. Il faut certes se mobiliser face à l'échec, mais en prenant le problème par ses causes, en mettant en place un service public de l'orientation plus efficace, en améliorant les conditions d'accueil des étudiants, en répondant aux problèmes posés par le salariat étudiant, cause majeure d'échec à l'université. Autant de choix qui exigent de sortir de votre logique austéritaire simpliste, qui se réduit à choisir la meilleure option technique pour gérer la pénurie de moyens - et à généraliser la sélection, ce qui ne fera qu'aggraver le problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR.)
Mme Maryvonne Blondin . - Parcoursup devait pallier les échecs d'APB. C'était une réponse conjoncturelle pour que chaque lycéen trouve une place dans l'enseignement supérieur - mais la réforme n'avait nullement pour projet de répondre aux causes fondamentales de l'engorgement aux portes de l'université.
Un an après la mise en place de Parcoursup, la comparaison semble favorable puisqu'au 21 septembre 2018, 995 bacheliers étaient sans affectation, contre 3 729 un an plus tôt. Pourtant, début septembre dernier, 45 000 étaient encore sans affectation : comment la plateforme a-t-elle pu trouver une solution à un si grand nombre de lycéens en quinze jours à peine ? Au début de l'été, 100 000 candidats n'avaient reçu aucune proposition et 152 000 n'avaient validé aucune offre. Les filières sélectives se sont retrouvées incomplètes, chose inédite. Une véritable prime à l'attente a pénalisé les lycéens les plus fragiles, qui ne peuvent attendre davantage, pour des raisons techniques.
Des ajustements étaient inévitables mais ce fut une cacophonie : une mise en oeuvre plus progressive aurait évité les difficultés.
M. Roland Courteau. - Eh oui !
Mme Maryvonne Blondin. - Le candidat sur liste d'attente pourra désormais connaître le dernier rang accepté l'année précédente, ce qui est certes un indicateur, mais ne tient pas compte des changements d'une année sur l'autre.
Madame la ministre, pourrez-vous nous éclairer sur la mobilité géographique ? L'administration ne nous a communiqué que des chiffres très ponctuels...
Des établissements ont appliqué une pondération en fonction du lycée d'origine, ce qui revient à favoriser les lycées plus réputés. Votre ministère a publié les prérequis, mais les universités ne le font pas : attention au principe d'égalité. Le Défenseur des droits a ouvert une instruction sur le fonctionnement de Parcoursup.
Il faut aussi parler de l'inclusion des bacheliers professionnels dans l'enseignement supérieur. Sur les 7 745 bacheliers sans proposition en septembre, la majorité était issue de la voie professionnelle. La réforme du lycée professionnel aura un impact sur l'intégration dans l'enseignement supérieur.
Parcoursup répond davantage à une logique d'affectation et non d'orientation librement construite par l'élève. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs du groupe de l'UC).
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Françoise Laborde . - Je remercie le groupe CRCE pour ce débat. Un suivi au long cours de Parcoursup est primordial.
Puisque APB attribuait des places de façon arbitraire, je ne pouvais que soutenir Parcoursup, qui proposait aux lycéens un libre choix de leur orientation.
Avec l'information sur l'orientation prévue par la réforme du lycée, j'espère que les élèves auront désormais les clés pour décider de leur avenir ; mais je regrette que la réforme de l'orientation dans l'enseignement supérieur et celle du lycée n'aient pas été concomitantes.
Je regrette également que nous n'ayons pas été destinataires des conclusions du comité scientifique alors que des problématiques, par exemple de mobilité géographique, n'ont pas été résolues. Les quotas d'autres académies étaient insuffisants, en particulier en Île-de-France. En 2018, il n'y a pas eu davantage de candidats des académies de Créteil et de Versailles acceptés à Paris. Il aurait été préférable de connaître les conclusions de l'évaluation avant le lancement de la deuxième campagne.
Quels sont les résultats du comité de suivi de la plateforme ? Cela m'intéresse d'autant plus qu'il n'y a pas de transparence sur les algorithmes locaux, qui ne sont pas censés exister. Quels sont les systèmes de classement ? Les candidats doivent les connaître pour préparer au mieux leur dossier.
Tous les candidats français doivent pouvoir bénéficier du rayonnement universitaire des grandes villes sans être cantonnés à leur académie. C'est un puissant ferment de mobilité sociale. Les correctifs apportés à la plateforme vont dans le bon sens, mais nous ne saurions nous arrêter au milieu du gué. Si de nouvelles adaptations sont nécessaires, elles doivent intervenir au plus vite pour ne pas laisser les lycéens dans l'expectative. Cette année, je souhaite un bilan plus tôt et plus complet. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, SOCR, CRCE et UC)
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Sans entrer dans le détail de la mécanique, je veux revenir sur l'objectif de la loi ORE : mettre fin à l'échec massif, qui, avec le décrochage, est le cancer de l'enseignement supérieur et au-delà, de la société. L'accès du plus grand nombre à des études réussies est une promesse de la République - que nous devons tenir ! APB était à bout de souffle. Parcoursup a apaisé certaines tensions.
Quand beaucoup de Français crient leur inquiétude de voir leurs enfants ne pas pouvoir prendre l'ascenseur social qui s'est déjà grippé pour eux-mêmes, Parcoursup suffit-il ? Les connaissances des codes et des règles, le recours aux réseaux, véritables marqueurs de différenciation sociale, ne sont-ils plus nécessaires ? Parcoursup n'assure-t-il pas qu'une affectation quantitative au lieu de proposer un accompagnement adapté ? Il faut davantage qu'une mécanique mieux huilée.
Madame la ministre, vous avez choisi de lancer Parcoursup avant la réforme du bac. Or la réforme du bac bouscule un système de filières que chacun avait intégré et ravive les inquiétudes des familles. Je conviens qu'il était nécessaire de relier études suivies et orientation, mais les élèves et leurs parents ne savent plus quelles options choisir pour intégrer la formation de leur choix. En conséquence, ils composent souvent un bouquet d'options qui ressemble étrangement à la filière S.
Le pont entre enseignement secondaire et enseignement supérieur est virtuel ou enveloppé de brouillard - en fait, il reste à construire. Lycéens et parents s'interrogent. Les mieux avertis s'en sortiront, pas les autres, c'est déplorable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, SOCR et CRCE)
Mme Claudine Lepage . - Les établissements de l'enseignement français à l'étranger sont pleinement concernés par Parcoursup.
Avec 17 134 reçus au bac sur 17 609 candidats, les lycéens étrangers ont battu un record avec 97,3 % de réussite. Ils étaient 52,5 % en S, 32,9 % en ES, 8,2 % en L et 4,9 % en STMG. Pour ces élèves, l'AEFE gère en central la plateforme Parcoursup. Élèves et équipes enseignantes doivent passer par des procédures plus lourdes et dégradées sur la plateforme. Ainsi, tous les bulletins doivent être saisis manuellement et les délais d'inscription sont plus tardifs, fin août au lieu du mois de juillet, ce qui pose problème car les universités peuvent ne pas avoir gardé de place. Des avancées, notamment un numéro INE dès la rentrée, sont prévues pour l'an prochain mais quid de cette année ? Des places seront-elles gardées ? Une procédure d'accompagnement est-elle prévue ? Seuls 46 % des lycéens de l'étranger choisissent l'université française et sur 17 000 élèves, seuls 10 000 se sont inscrits sur Parcoursup. Il est dommage qu'ils choisissent une université étrangère. Quelle est l'ambition du ministère pour les étudiants de l'AEFE ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; Mme Françoise Laborde applaudit également.)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce débat est une bonne initiative car nous disposons du recul nécessaire. APB avait suscité bien des polémiques. Le tirage au sort, indigne et inefficace, en a été l'illustration la plus choquante. Félicitons le Gouvernement de la mise en place de Parcoursup, qui permet de lutter contre l'orientation par défaut et la sélection par l'échec. L'objectif d'une orientation plus juste, plus humaine et plus transparente est tenu. Mais les informations disponibles sur la plateforme sont trop denses et détaillées, donc indigestes.
Le calendrier devra aussi être resserré, le Gouvernement a annoncé une réduction du délai de réponse des établissements et des candidats cette année. C'est une bonne chose. Je regrette que la mise en oeuvre de Parcoursup ait précédé la réforme du lycée, même si je comprends l'urgence. Il est nécessaire de rendre les bulletins plus en adéquation avec les observations des professeurs, parfois préjudiciables pour les lycéens plus créatifs. L'implication des lycéens dans la vie citoyenne doit être mieux valorisée.
Il est absurde de considérer une année à l'étranger comme une année de redoublement si ce n'est pas précisé dans la lettre de motivation, alors qu'elle devrait être valorisée, au titre de l'apprentissage de la langue du pays de résidence. De même, les handicaps et maladies graves devraient être signalés sans que l'élève ait à se justifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du RDSE et des groupes Les Indépendants et UC)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - La loi ORE et la mise en place de Parcoursup ont fait l'objet d'un dialogue nourri avec le Sénat, en séance comme en commission. La procédure connaîtra cette année de nouvelles évolutions. Le bilan de la première année de mise en oeuvre s'entend au regard de trois engagements qu'avait pris le Gouvernement - mettre fin au tirage au sort, remettre de l'humain dans les procédures et réduire le coût de la rentrée étudiante - qui ont été tenus : le tirage au sort a été supprimé, chacun le sait ; les futurs étudiants ont bénéficié d'un niveau d'accompagnement inédit ; le coût de la rentrée a été diminué de 100 millions d'euros, avec la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante.
Les lycéens se sont emparés de la plateforme et ont apprécié la liberté qu'elle leur offre - qu'ils ont pleinement exercée. La liberté de choix implique néanmoins une contrainte de temps et la possibilité d'affiner leur projet, voire de le modifier entre les mois de janvier et de juillet. Il s'agit de lutter contre toute forme d'autocensure et de déterminisme. Les enseignants du secondaire et du supérieur ont réalisé un travail pédagogique exceptionnel qu'il convient de saluer.
Avec la loi ORE, la démocratisation de l'enseignement supérieur est revenue au centre du débat public. La plateforme a révélé, sans les créer, certains dysfonctionnements, accumulés au cours de ces dernières années, voire décennies, notamment en matière de mobilité en Île-de-France.
La loi a ouvert de nouveaux droits aux bacheliers professionnels et technologiques et accru le nombre de boursiers dans l'enseignement supérieur de 16 000, et pas seulement en raison de la démographie, comme le montre la situation dans les classes préparatoires parisiennes.
De même, les mobilités entre académies, rares selon l'Insee, ont augmenté. Les formations parisiennes ont proposé davantage de places aux lycéens résidant en petite couronne. Pourtant, même si c'est un premier pas, la part d'inscrits à Paris, venant de Créteil et Versailles, 59 %, demeure décevante. En accord avec M. Lafon, nous avons décidé de considérer l'Île-de-France comme une zone unique de mobilité.
Mme Laurence Cohen. - Tout va bien, alors !
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Le Gouvernement renforcera, grâce à un fonds d'aide à la mobilité, le soutien à la mobilité. En 2018, les taux de boursiers fixés par les recteurs se sont avérés hétérogènes. Nous veillerons en 2019 au respect d'un objectif national.
Les bacheliers professionnels et technologiques bénéficient depuis 2018 de quotas de places dans les formations courtes, professionnalisantes et très sélectives que sont les BTS et les IUT. Nous poursuivons en ce sens.
Vous avez reçu...
M. Pierre Ouzoulias. - Par la presse !
Mme Frédérique Vidal, ministre. - ... une évaluation de la première année de Parcoursup. L'analyse des données de 2018 n'est pas encore achevée, mais vous en serez informés, bien sûr, et nous veillons à ce que les chercheurs puissent accéder facilement à nos données. Le ministère de l'Enseignement supérieur, qui est aussi le ministère de la Recherche et de l'innovation, se doit donc d'être exemplaire dans l'analyse des résultats.
Comme je vous l'annonçais lors de mon audition du 23 octobre dernier, nous sommes résolus à faire en sorte que la procédure soit plus rapide en 2019 : elle se terminera dès le 19 juillet, afin de réduire le temps d'incertitude des élèves et des familles. En juillet 2018, 97 % des inscrits avaient accepté une offre qu'ils ont conservée, et le délai de réponse moyen était inférieur à trois jours. L'accélération de la procédure permettra aux étudiants d'aborder plus sereinement le mois d'août.
Je n'avais pas une grande inquiétude sur le taux de remplissage des établissements. Le nouveau calendrier a été articulé avec celui des demandes de bourses et de logement, en partenariat avec le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous).
Nous mettons également en place un « répondeur automatique » permettant aux candidats qui ont une idée très nette de ce qu'ils veulent faire de ne pas avoir à se connecter à la plateforme à chaque fois qu'ils recevront une proposition - sans que cette faculté soit en rien obligatoire.
Nous complèterons la plateforme, afin que toutes les formations y figurent en 2020, y compris les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Ainsi, les candidats à cette profession n'auront plus à entreprendre un coûteux tour de France des concours, payants, en sus de la préparation aux épreuves, elle-même onéreuse. Des informations supplémentaires sur les attendus ont également été intégrées. Le contenu de la plateforme sera enrichi, avec une navigation facilitée, un moteur de recherche amélioré et moins d'acronymes barbares.
Nous avons ouvert un site d'information dès le 20 décembre avant l'ouverture officielle de la plateforme le 22 janvier.
Parcoursup sera synonyme en 2019 d'une procédure et d'un accompagnement encore plus personnalisés, notamment pour les candidats handicapés, afin de favoriser leur intégration dans l'enseignement supérieur, conformément au nouveau droit établi dès l'an dernier par la loi ORE. Chaque formation dispose désormais d'un référent handicap, qui reçoit la fiche personnelle de chaque étudiant inscrit, afin qu'il puisse préparer son accueil dans les meilleures conditions. Les candidats en réorientation ou en reprise d'études bénéficieront également d'une fiche de suivi leur permettant de valoriser eux aussi leur parcours.
Tous les candidats se verront proposer des points d'étape pour analyser l'état de leur projet et de la procédure en cours. Un rendez-vous pourra alors être demandé avec un enseignant ou un professionnel de l'orientation.
Le Gouvernement a souhaité réaliser un bilan complet de l'année 2018 et lancer, dès 2019, les ajustements nécessaires. Nous poursuivrons ce travail dans les années qui viennent.
La réforme du baccalauréat permettra d'élargir le champ des possibles pour tous les lycéens, pour lutter contre les enfermements dans des parcours tout tracés. Dès 2020, avec Agnès Buzyn, nous accompagnerons la suppression du numerus clausus et de la Paces pour ouvrir de nouvelles voies d'accès en médecine, reposant sur d'autres capacités que celle à apprendre par coeur. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et UC)