Déclaration du Gouvernement sur la fiscalité écologique et ses conséquences sur le pouvoir d'achat
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la fiscalité écologique et ses conséquences sur le pouvoir d'achat.
Je souhaite que ce débat soit à la hauteur de l'intérêt de notre pays. J'appelle chacune et chacun à se montrer respectueux de la diversité des opinions qui vont s'exprimer dans notre hémicycle. Nous devons contribuer, les uns et les autres, à préserver l'unité de la Nation. (Applaudissements prolongés sur tous les bancs)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Dans chacun des territoires que vous représentez, depuis trois semaines, des groupes de Français ayant enfilé un gilet jaune, parfois des groupes restreints, parfois des groupes plus larges, organisent des barrages filtrants, ouvrent des péages, occupent des ronds-points. Ces actions se déroulent en général dans le calme ; un calme qui contraste avec l'extrême violence constatée à Paris, à Marseille, à Toulouse, au Puy-en-Velay, où le président de la République s'est rendu mardi, ou encore à La Réunion, où Annick Girardin s'est rendue la semaine dernière pour dialoguer avec les élus et les manifestants et apporter des réponses à leurs questions et à leur colère.
Vous avez été, vous êtes des élus locaux ; moi aussi. Vous ne découvrez pas cette colère ; moi non plus. Nous l'avons sentie monter, année après année, élection après élection, qu'elle s'exprime par l'abstention massive ou des coups de semonce.
Contrairement à certains, je ne désigne pas de coupables, je constate simplement qu'elle vient de loin ; qu'elle a longtemps été muette, tue par pudeur ou par fierté. Certains l'ont reconnu, avec beaucoup de sagesse et d'honnêteté, et je les en remercie. Loin des surenchères, ils recherchent, sans rien renier de leurs convictions, une issue républicaine à cette crise qui a surpris tout le monde.
Marc Bloch que je cite souvent, que j'ai déjà cité ici, évoque, dans l'un de ses plus célèbres ouvrages, l'importance de la lucidité ; la lucidité, cet exercice permanent qui exige d'être constant lorsqu'on croit que ce que l'on fait est juste et d'avoir le courage de se corriger lorsque la situation l'exige. Tous les maires, tous ceux qui ont présidé un exécutif local ont vécu au moins une fois cette expérience. C'est à cet exercice de lucidité que nous nous sommes attelés.
Lucidité, d'abord, sur la situation d'extrême tension que connaît notre pays. Aucune taxe ne vaut que l'on mette en danger la paix civile. Nous avons donc décidé, avec le président de la République, de renoncer aux mesures fiscales concernant le prix des carburants et les prix de l'énergie qui devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2019. Le Sénat a voté la suppression de ces taxes dans le projet de loi de finances pour 2019, elles ne seront pas réintroduites. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE)
M. Ladislas Poniatowski. - Très bien !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Lucidité sur la méthode, aussi. Une bonne méthode s'adapte à une situation qui, par nature, n'est jamais figée. C'est l'objectif de ce débat que le président de la République m'a demandé de conduire. Nous devons répondre à trois questions très concrètes.
La première concerne le rythme, les modalités et le calendrier de la transition écologique qui, pour notre pays, pour nos territoires, pour notre économie, pour notre agriculture, pour notre pouvoir d'achat demeure un horizon ni négligeable ni négociable. J'ai proposé une première série de mesures d'accompagnement. Massives par leur montant, elles ont prouvé leur efficacité, tout du moins pour une partie de la population, si l'on en juge par le recours à la prime à la conversion automobile - il est supérieur à ce qui avait été initialement envisagé. Le débat doit permettre de les compléter avec les Français, les professionnels, avec les élus et tous ceux qui pourront exprimer un besoin précis et travailler à des réponses adaptées.
Deuxième sujet : les trajets entre domicile et travail, parfois qualifiés d'impôt caché sur le travail. J'ai chargé Muriel Pénicaud, Élisabeth Borne et Jacqueline Gourault d'y travailler avec les organisations syndicales et les élus en approfondissant la concertation qui a été menée sur les mobilités, pour apporter des solutions adaptées, territoire par territoire.
Dernier thème, la fiscalité et la dépense publique. Les Français qui portent un gilet jaune l'ont dit, ils veulent moins d'impôts et de taxes et savoir à quoi ces impôts et ces taxes servent. Il faut donc ouvrir un débat. Certes, le débat budgétaire a lieu chaque année au Parlement mais sa technicité rend difficile la perception des enjeux. Ce débat apportera de la clarté et de la transparence sur cette question très passionnelle en France. J'y fixe deux limites : que le débat ne crée pas de nouvelles taxes et qu'il n'aggrave pas la dette publique. Ne léguons pas à nos enfants des taxes futures, des dettes qui grèveront leur pouvoir d'achat. Mais soyons vigilants que cette baisse de la dépense publique préserve les territoires et les Français qui en ont le plus besoin.
Je souhaite aussi que ce débat nous fasse prendre conscience de notre chance de disposer de services publics de qualité ; des services qui, à l'étranger, se paient souvent très chers et directement. Nous avons certes un haut niveau de prélèvement, mais c'est grâce à ces impôts que nous consacrons 6 200 euros par an à chaque élève du primaire, 8 500 à chaque collégien et 12 000 à chaque lycéen de lycée professionnel.
Ce débat doit être national mais aussi territorial. Il s'appuiera sur les deux assemblées, bien sûr, le Conseil économique, social et environnemental, les institutions régionales, mais ce débat doit être aussi informel, direct. Que chacun sache qu'il pourra y prendre part et être entendu. Je souhaite aussi que l'on évoque les dépenses contraintes qui, sans être des impôts et des taxes, pèsent aussi sur ce qu'il reste à la fin du mois.
Il est impératif que les maires (Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Bruno Retailleau obtient le retour au calme.) prennent toute leur part dans ce débat. Je remercie tous ceux qui ont relayé ce message d'apaisement, l'association des maires d'Île-de-France qui a ouvert des cahiers de doléances, les maires ruraux qui organisent ce samedi une journée « mairie ouverte » pour dialoguer. Pour moi, la vraie démocratie directe, celle qui allie la proximité et la légitimité, c'est celle-là. Les maires sont, encore une fois, en première ligne pour répondre à la colère ; certains ont demandé des effectifs de police supplémentaires en prévision de samedi prochain, nous travaillons à satisfaire leurs besoins.
Cette lucidité doit aussi nous conduire à apporter des solutions concrètes à nos territoires, des solutions qui ne sont pas toujours spectaculaires mais soient durables. Les territoires n'ont ni les mêmes atouts ni les mêmes besoins. Nous travaillons avec les élus alsaciens à une structuration qui prenne en compte leurs aspirations sans négliger celles des autres élus du Grand-Est. Nous travaillons avec les élus des Ardennes pour construire un pacte, trouver des solutions concrètes et des moyens. Nous poursuivons l'initiative prise des financements aux bassins miniers. Ce sont des solutions sur mesure ; comme celles dont nous discutons pour élaborer le pacte avec la Bretagne et bientôt avec les Pays-de-la-Loire.
Des solutions concrètes, ce sont aussi le déploiement de la police de sécurité du quotidien, le raccordement haut débit avec 2 800 pylônes équipés en 4G ; pour la santé, la suppression du numerus clausus et les 1 500 jeunes médecins qui se sont installés en zones sous-denses, le remboursement de la téléconsultation depuis septembre 2018. Aucun de ces instruments ne constitue à lui seul une réponse, bien sûr, ce sont des éléments de la réponse.
Je citerai également le plan Action coeur de ville doté de 5 milliards d'euros dont bénéficieront 222 villes petites et moyennes ; la réorientation des investissements du TGV vers les trains du quotidien, question délicate pour les territoires qui attendaient depuis longtemps la grande vitesse mais priorité doit aller au désengorgement des métropoles et au désenclavement des territoires ruraux par des trains de proximité.
Que dire des routes ? Nous allons réaliser la RN164 en Bretagne promise par le Général de Gaulle, la RN122 à Aurillac (Exclamations amusées) annoncée par Édouard Balladur, le tronçon de la RN88 entre le Puy et Rodez, la RN2 entre Hirson et Maubeuge, la RN21 vers Périgueux, la RN19 vers Langres et Vesoul ainsi que l'autoroute vers Castres.
La lucidité doit aussi conduire à mieux rémunérer le travail parce que, derrière la question du pouvoir d'achat, il y a celle de la rémunération du travail en France qui, durant de nombreuses années, n'a pas assez augmenté. Depuis octobre, des millions de salariés bénéficient d'une hausse de leur salaire net, elle n'est pas forcément très importante mais elle est réelle. Dès le mois de janvier 2019, le Smic augmentera de 1,8 %. En un an, grâce à l'action conjuguée de l'indexation, de la baisse des cotisations sociales et de la prime d'activité, la hausse est de l'ordre de 3 % par rapport à janvier 2018. La hausse de la prime d'activité que nous avons décidée pour avril 2019 amplifiera encore cet effet. Je suis prêt à examiner toutes les mesures qui augmenteraient les rémunérations au niveau du Smic sans pénaliser excessivement la compétitivité de nos entreprises. Les salariés pourront gagner encore davantage grâce à la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires.
Enfin, vous aurez rapidement l'occasion d'acter, dans la loi Pacte, le développement massif de l'épargne salariale, de l'intéressement et de l'actionnariat salarié.
Nous continuons à nous battre pour l'égalité des chances parce que la colère qui s'exprime naît aussi de ce sentiment qu'ont des millions de familles de ne pas avoir les mêmes chances que les autres de réussir. Pour elles, nous avons décidé le dédoublement des classes de REP et REP+, - les retours des parents et enseignants sont positifs, le dispositif « Devoirs faits » au collège, la scolarisation obligatoire dès 3 ans - belle réforme républicaine, la réforme de l'apprentissage, la refonte de la formation professionnelle, l'investissement massif dans les compétences.
La lucidité, toujours, nous oblige à continuer de réduire la dépense publique pour baisser les impôts. Ces deux baisses, parce qu'elles sont liées, sont urgentes. Depuis mai 2017, la France réduit ses déficits ; elle réduit les dépenses de l'État et, grâce aux élus, des collectivités. Les efforts de nos prédécesseurs et, surtout, des Français, permettent de voter un budget de la sécurité sociale à l'équilibre.
Depuis octobre, des millions de contribuables ont bénéficié d'une baisse de 30 % de leur taxe d'habitation, une taxe que tout le monde dit injuste depuis des années. Nous la supprimons par tranche et la compenserons aux collectivités, comme cela est bien naturel et, surtout, comme cela est bien constitutionnel, à l'euro près.
Nous avons choisi de simplifier la fiscalité sur le capital, c'était un engagement des campagnes présidentielle et législative. Nos entreprises, pour se développer, ont besoin de capitaux. Ce choix, nous sommes prêts à l'évaluer. Nous n'avons pas peur du débat, il permettra de documenter, de démontrer le bien-fondé de cette décision.
La lucidité, c'est poursuivre le combat pour les solidarités réelles. Ce ne sont pas les mesures dont on parle le plus et pourtant, quand l'on est élu, on sait à quel point elles changent la vie. C'est le cas de la revalorisation des minima sociaux, du tiers payant pour le complément du mode de garde, des petits-déjeuners en REP+, des repas à 1 euro dans les cantines des communes rurales et de la prise en charge à 100 % des lunettes, prothèses dentaires et auditives.
Un mot, pour finir, des violences déplorées samedi et de la sécurisation des manifestations de samedi prochain. Nos forces de l'ordre ont été victimes d'un déchaînement de violence. Ces hommes, ces femmes ont été les gardiens, les incarnations, les défenseurs de la République. En mon nom personnel, au nom du Gouvernement, et je le crois, des Français, je leur dis ma reconnaissance. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants, LaREM, RDSE et SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)
Nos autorités judiciaires ont su apporter une réponse pénale rapide et ferme. Je voudrais aussi dire mon dégoût devant le saccage de l'Arc de triomphe et la profanation de la tombe du Soldat inconnu ; ce dégoût, des millions de Français l'ont ressenti dans leur chair tout comme ils condamnent les menaces ou les agressions contre les représentants de la Nation, élus ou fonctionnaires. Nous retrouverons les auteurs de ces violences ; ils seront traduits en justice et, je l'espère, sévèrement punis.
Depuis le début des contestations, nous n'avons jamais interdit un rassemblement. Cela étant, les événements de samedi dernier doivent nous conduire à faire preuve de la plus grande prudence. C'est pourquoi le ministre de l'Intérieur a conseillé à ceux qui comptaient manifester de ne pas le faire. Le Gouvernement déploiera des moyens exceptionnels qui s'ajouteront aux 65 000 forces de sécurité qui seront déployées dans toute la France. Nous continuerons d'interpeller et de traduire en justice quiconque sera pris en flagrant délit de violences ou de dégradations. Nous nous battrons contre la haine et contre cette incroyable violence.
Dans la situation à laquelle nous faisons face, le devoir de lucidité et de responsabilité s'impose à tous : membres du Gouvernement, élus locaux, parlementaires, responsables de formations politiques, éditorialistes, commentateurs, citoyens. Car la liberté va de pair avec la responsabilité. Je veux remercier ici tous ceux qui ont lancé un appel au calme, élus ou responsables syndicaux. Cette responsabilité les honore, elle les grandit.
En France, dans toutes les rues, la République doit toujours avoir le dernier mot, et puisque nous l'aimons, nous devons la préserver. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE et sur la plupart des bancs des groupes UC et Les Républicains ; M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
M. Jean-Claude Requier . - Notre pays traverse un de ces moments de fièvre politique qui ont émaillé son histoire. Nul ne saurait s'en réjouir, sauf ceux qui utilisent la haine à des fins électoralistes.
La réponse doit d'abord être politique - et le Sénat doit y prendre toute sa place. Un impératif absolu cependant : le maintien de l'ordre public. Mon groupe le dit : force doit être donnée aux lois de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Nos démocraties occidentales sont soumises à des forces qui combattent l'héritage des Lumières - aux États-Unis, en Italie, en Pologne, en Hongrie. Réseaux sociaux, chaînes d'information en continu, jamais l'information n'a circulé aussi rapidement, jamais il n'y a eu autant de désinformation.
Pour autant, cette crise ne ressemble à aucune autre car elle se rattache à l'un des plus grands défis de l'humanité. Comme l'immense majorité de nos concitoyens, mon groupe est convaincu depuis longtemps de la menace que fait peser le réchauffement climatique sur l'homme ainsi que de l'urgence d'une transition écologique et énergétique. C'est aussi notre modèle de croissance qui doit être interrogé tout comme la redistribution des richesses. Mais cette transition doit être pensée à l'échelle de nos concitoyens.
Réformer, oui, mais avec pragmatisme. Les revendications d'une grande partie des gilets jaunes sont hétéroclites et parfois contradictoires, mais il est certain qu'il faut répondre aux demandes de ceux qui souffrent - et nous nous étonnons que la parole soit donnée à ceux qui appellent à la sédition.
Nous voyons encore dans cette crise le symptôme de la déconnexion qui s'est progressivement installée entre gouvernants et citoyens. Suppression de la hausse de la fiscalité des carburants, gel de la hausse des prix du gaz et de l'électricité, suspension du nouveau contrôle technique... Nous en prenons acte, ainsi que de l'annonce de la grande concertation à venir. Mais nous notons surtout que le Sénat, et le groupe RDSE en particulier, travaille sur ces questions depuis longtemps, sans être dans la posture ou le tweet permanent. Nous cherchons d?abord à répondre aux besoins spécifiques des territoires, dans leur diversité. Non, tout le monde n'a pas vocation à créer une start-up ! Commençons par déployer partout la 1G... (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; Mme Angèle Préville applaudit également.)
Mon groupe RDSE a toujours privilégié le dialogue à l'exercice vertical du pouvoir. Pour nous, l'empathie est une méthode de gouvernement, sans doute parce que nous avons tous été élus locaux et fiers de l'être... (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC et sur quelques bancs des groupes Les Républicains et Les Indépendants)
Il faut redonner voix aux corps intermédiaires, il faut écouter les Français, ceux qui subissent le recul continu des services publics, ceux qui ont vécu l'instauration technocratique des 80 km/h. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains ; M. Vincent Éblé applaudit également.) Dans ces zones rurales, on a plus besoin de sa voiture que d'une trottinette électrique ! (Rires et applaudissements sur les mêmes bancs) Il faut comprendre ces retraités à faibles revenus, à qui l'on a brutalement annoncé qu'ils devraient changer leur chaudière à fioul et ne trouvent pas de banques pour les y aider. Il faut, encore, que la technostructure fasse montre d'un peu moins de certitudes et d'un peu plus d'humilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains et sur quelques bancs des groupes SOCR et CRCE)
Nous appelons à des mesures pragmatiques et simples : valorisation du travail, services publics, lutte contre les inégalités territoriales. Pour tout cela, nous vous soutiendrons. Pierre Mendès France disait : « la démocratie est d'abord un état d'esprit. » Le groupe RDSE est fier de le porter chaque jour. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains et sur quelques bancs du groupe SOCR ; M. Alain Richard applaudit également.)
M. Stéphane Ravier . - Dix-huit mois après, le chouchou, pour ne pas dire le joujou de la finance, encensé par la presse et prêt à régner, ce président de la République tout puissant est contraint de fuir une France en colère qui scande « Macron, démission ! ».
Pourquoi ? D'abord, la hausse des insultes : « illettrés », « fainéants », « cyniques », « Gaulois réfractaires », « lépreux » pour 11 millions d'entre eux... Ensuite, la hausse vertigineuse des taxes - 60 % du prix du carburant. Enfin, la hausse du mépris d'un mouvement pacifique, (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et UC) apolitique et populaire... Qui sème l'insulte, récole la colère. Des millions de Français sur la bande d'arrêt d'urgence sociale sont contraints de puiser dans leur épargne et d'enfiler le gilet jaune, signe extérieur de détresse. Ces Français qui manifestent, ce sont ceux qui travaillent. Ce ne sont ni les très aidés, ces bataillons de l'immigration, (Protestations sur les bancs des groupes CRCE et SOCR) ni les gavés de cadeaux fiscaux. La France des gilets jaunes, des Champs-Élysées, c'est celle de la Madeleine. C'est la France de Johnny Hallyday, (On le réfute sur de nombreux bancs.) la France enracinée, la France périphérique, la France des terroirs et des clochers, contrainte de payer des taxes pour financer des services publics qui profitent à l'immigration.
M. David Assouline. - C'est une honte !
M. Stéphane Ravier. - Selon votre logique pollueur-payeur, pourquoi ne taxe-t-on pas les compagnies aériennes et maritimes ? Le Gouvernement protège les forts et matraque les faibles. Pourtant, l'Allemagne et la Chine polluent deux et trente fois plus. Passons au tout électrique et nous sauverons la planète ? Sauf que les batteries polluent plus et nous nous placerons dans la dépendance de la Chine... Vous culpabilisez les Français pour mieux les taxer. Tout est bon, même les plus gros bobards. Et Emmanuel Macron s'apprête à signer le pacte mondial de Marrakech qui fera de l'immigration un droit. Il faudra aider ces gens en tout car ils sont démunis en tout ! C'est délirant et suicidaire. (Vives marques de protestations sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
Nous vous invitons à tourner la page de l'ultralibéralisme au profit d'un modèle national et protecteur. (La voix de l'orateur est couverte par les protestations sur les bancs des groupes CRCE et SOCR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM où l'on décompte, seconde par seconde, la fin de son temps de parole.)
M. David Assouline. - Fasciste !
M. Rachid Temal. - Au revoir !
M. Hervé Marseille . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Au moment où nous engageons ce débat, l'atmosphère est étrange, pesante, souvent inquiétante. Nous avons l'impression d'une veillée d'armes. Certains jettent de l'huile sur le feu, nous venons de le constater, tandis que le Gouvernement revoit sa doctrine d'emploi des forces de l'ordre.
Comment a-t-on pu en arriver là ? À une France aussi fracturée, parfois désespérée, souvent colérique ? Comment a-t-on pu profaner la tombe du soldat inconnu et saccager l'Arc de triomphe ? Je veux rendre hommage à mon tour aux forces de l'ordre. (Applaudissements)
Oui, votre Gouvernement a eu raison d'engager des réformes trop longtemps repoussées. Oui, votre Gouvernement a raison de vouloir une Europe plus protectrice, Nous subissons non pas trop d'Europe mais une insuffisance d'ambition européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, M. François Patriat applaudit également.)
Les intentions sont louables mais que d'erreurs de jugement et de maladresses ! Toutes les critiques sont fondées, sauf peut-être celles qui viennent de ceux qui ont le plus rempli la cruche et dénoncent avec cynisme les dernières gouttes versées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
La France n'a pas l'exclusivité de telles manifestations. En 2013 en Italie, le mouvement des fourches a donné lieu au mouvement Cinq Étoiles et vous savez la suite.... Un nouveau samedi de chaos nous rapproche d'un bilan dramatique. Le vandalisme, le déchaînement de violence y conduisent ; les réactions de peur et d'autodéfense, tout autant.
Dans cette situation, la question d'un abandon des nouvelles taxes carburant ne se posait même plus. Que n'avez-vous pas écouté le Sénat l'an dernier ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains) Le problème demeure entier pour le pouvoir d'achat. Et la hausse du prix de l'électricité va se poursuivre, on connaît la doctrine du Conseil d'État en la matière.
La crise doit être une opportunité pour repartir sur de nouvelles bases. Quelques certitudes que je tire de mon expérience : les réformes doivent avoir un sens, le ressenti est aussi important en politique que la réalité, l'égalité des chances à moyen terme ne compense pas l'injustice immédiate, le discrédit partiel des corps intermédiaires ne justifie pas la verticalité du pouvoir et, enfin, les responsabilités de vos prédécesseurs ne vous exonèrent pas de vos propres erreurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; Mme Catherine Troendlé applaudit également.)
Monsieur le ministre, les réformes structurelles produisent des ennuis tout de suite et des dividendes différés. Nous vous reconnaissons le courage de les avoir lancées.
L'insuffisance du pouvoir d'achat est une source terrible de frustration et de colère. C'est une humiliation qui se renouvelle chaque mois pour des millions de Français, renforcée par l'indécence de certains revenus ou de comportements issus d'un capitalisme outrageusement financiarisé. Notre groupe propose une réponse immédiate : diminuer l'impôt sur le revenu sur les deuxième et troisième tranches et exonérer les heures supplémentaires sur les faibles revenus en finançant cela par le rétablissement d'une contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus. La baisse des APL a aussi été vécue difficilement : il faut les revaloriser.
Fouquet's, Leonarda, président des riches, les symboles sont cruciaux en politique et le sont plus encore à l'ère des réseaux sociaux et des chaînes d'information en continu. Pour votre Gouvernement, la réussite des uns sert aux autres. Ce raisonnement se défend et vous avez raison d'essayer puisque tout le reste a échoué ! Mais la mise en oeuvre importe autant que la justesse intention.
Alors que notre société est assaillie par la précarisation, la peur du déclassement, il faut mettre sous conditions ce que nos compatriotes ressentent comme des cadeaux accordés aux plus favorisés. Leur légitimité dépend de leur utilité sociale. Les entreprises ont été matraquées, souvenons-nous du mouvement des pigeons. L'ampleur des dégâts a conduit à diminuer leurs charges. Les mesures prises en leur faveur doivent être non seulement évaluées mais également assujetties à des obligations sociales. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et SOCR ; M. Martin Lévrier applaudit également.) Les aides ne sont pas là pour augmenter les rémunérations des dirigeants ou les dividendes, comme chez Vallourec. Pour nous, l'impôt sur les entreprises devrait varier en fonction du respect d'un partage équilibré des excédents d'exploitation. L'optimisation fiscale est devenue moralement inacceptable. Il faut passer à la majorité en Europe ; l'unanimité empêche d'avancer sur la taxation des GAFA. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, SOCR, Les Indépendants et LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe CRCE)
Abandonner l'icône qu'est l'ISF aurait dû s'accompagner d'un geste pour favoriser le financement des petites entreprises.
Le sentiment d'injustice repose encore sur l'empilement des dispositions dérogatoires et la fraude. Rien n'est plus dévastateur que de compter un à un ses euros lorsque d'autres trichent sans vergogne ou abusent sans scrupule. La lutte contre la fraude ne doit pas être qu'un slogan. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Le sujet central est pourtant celui de la réforme de l'État et des politiques publiques. Il n'y a que sous cet angle que nous pourrons diminuer la dépense publique. Trop d'impôts et trop de prélèvements pour trop peu de résultats. La table rase dont rêvent certains est un fantasme. Néanmoins, on ne réforme pas sans écoute, sans considération et sans relais d'opinion. Plutôt que de contourner ces supposés enquiquineurs, il faut les revivifier. La réforme des 80 km/h est l'archétype de la mauvaise méthode : sans concertation, sans expérimentation. Nous demandons plus de consultations directes des populations. Nos référendums sont trop binaires, trop tardifs ; nous proposons de les transformer pour mener des sortes de sondages citoyens à choix multiples.
L'élection d'Emmanuel Macron incarnait l'acceptation d'une remise à plat de notre action publique sans dogmatisme. Le Sénat, loyalement, a sonné plusieurs fois l'alerte et persévérera dans cette attitude responsable.
Pour finir, une question : les mesures annoncées vont coûter dans les 4 milliards, sans doute plus. Il a été question de moratoire, puis d'annulation. Quelle est la ligne du Gouvernement, quelle est votre politique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE et sur quelques bancs des groupes SOCR et Les Républicains)
M. Claude Malhuret . - La France est le plus révolutionnaire des pays conservateurs. Et la crise politique et sociale qui nous guette depuis trente ans est arrivée. Nous avions senti venir cette colère dans nos campagnes, nos quartiers et nos territoires. Et pourtant, année après année, nous n'avons pas su relever le défi. Par lâcheté peut-être, par faiblesse sûrement, par renoncement c'est certain. Nous n'avons pas réformé alors que tous les autres autour de nous réformaient. Et en punition nous avons eu le pire des deux mondes : plus de dépenses publiques et moins de service public, plus de dette et moins de justice, plus de mots et moins d'actes. Les évènements nous mettent au pied du mur. Allons-nous sortir de cette crise, comme de tant d'autres auparavant, avec un rafistolage qui ne changera rien ou est-ce que nous allons profiter de cet électrochoc pour poser enfin, et résoudre, le sujet essentiel, soigneusement mis de côté depuis des années ? Est-ce que nous allons continuer la politique du chien crevé au fil de l'eau avec toujours plus de taxes et toujours plus de dépenses ou est-ce que nous allons enfin parvenir dans notre pays recordman du monde de la fiscalité, à faire ce que plusieurs de nos voisins ont réussi : l'optimisation et la rénovation des services publics, seul moyen de parvenir à la baisse des impôts et donc à la hausse du pouvoir d'achat réclamé aujourd'hui ? (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE) Vous êtes favorables à la hausse des impôts ?
Ce défi concerne le Gouvernement comme le Parlement. Le Gouvernement tout d'abord. Cette grande consultation que vous annoncez, Monsieur le Premier Ministre, vous devez vous assurer qu'elle sera suivie d'effets. Si ce Grenelle de la fiscalité et de la transition écologique devait déboucher sur l'application de la formule de Queuille : « La politique ce n'est pas de résoudre les problèmes, c'est de faire taire ceux qui les posent », si elle devait consister à noyer le poisson, à mettre la tête dans le sable en attendant des jours meilleurs, alors la colère d'aujourd'hui ne sera rien en comparaison de celle qui saisira les Français qui n'en peuvent plus des autruches.
Si au contraire vous saisissez cette occasion que l'histoire vous présente, alors peut-être avez-vous une chance de réformer vraiment ce pays qui crève de ne pas avoir été réformé. Quant à nous parlementaires, notre responsabilité n'est pas moindre. Si notre participation au débat n'est que l'occasion de propositions démagogiques et contradictoires, du genre baisse des impôts couplées à une augmentation des dépenses, ce qui revient à essayer de soulever un seau alors qu'on a les deux pieds dedans (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE), s'il s'agit de demander la démission du Président de la République depuis un trottoir des Champs-Élysées ou la dissolution de l'Assemblée Nationale par ceux qui rêvent d'un grand soir en croyant qu'ils ont rendez-vous avec l'histoire alors qu'ils n'ont rendez-vous qu'avec le journal de TF1, (Mêmes mouvements) je ne crois pas que les Français nous pardonneraient de prendre en otage nos institutions et d'aboutir à un nouveau quinquennat pour rien. Le Gouvernement et le Parlement ont la responsabilité de retrouver leurs prérogatives. Chacun a le droit d'aimer ou de ne pas aimer les gilets jaunes, chacun a le droit de soutenir leurs revendications ou de les trouver confuses et irréalisables, chacun a le droit de penser qu'on peut bloquer les routes ou, comme c'est mon cas, d'être allergique aux atteintes à la liberté d'aller et venir, mais à la fin des fins, dans une démocratie représentative, la loi se fait au Parlement et pas sur les ronds-points. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC et Les Républicains)
Pour les mêmes raisons que dans une démocratie il est préférable de mettre des bulletins dans les urnes que des pierres dans les vitrines. Nous devons nous interroger avec gravité, mes chers collègues, sur le fait que l'une des premières revendications du mouvement actuel, c'était la suppression du Sénat.
M. Ladislas Poniatowski. - Ce n'est pas la première revendication !
M. Claude Malhuret. - Est-ce que nous allons nous taire là-dessus ? Est-ce que nous ne voyons pas ce que ça signifie ?
Nous sommes pris entre deux feux : d'un côté un Président de la République qui, dans son obsession de la verticalité, a cru qu'il pouvait enjamber les corps intermédiaires, les parlementaires, les élus locaux... (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC et sur quelques bancs du groupe SOCR) .... et qui se retrouve aujourd'hui logiquement, ayant fait le vide de ses interlocuteurs institutionnels, en confrontation directe avec une base radicalisée. De l'autre côté un mouvement qui pense que sans aucune organisation et grâce à Facebook on peut se passer de la représentation nationale, voire demander sa disparition. Ce que nous savons, nous, c'est qu'un pays ne peut se diriger par les réseaux sociaux avec une seule devise : « Je hais, donc je suis ». Lorsqu'une base radicalisée s'oppose sans aucun intermédiaire au Gouvernement et au Président, au point qu'un des leaders n'a pas hésité hier à appeler à envahir l'Élysée samedi prochain, une telle situation ne peut se terminer que de deux manières : soit l'insurrection, soit en cas de pourrissement, la dispersion d'un mouvement et l'oubli de ses objectifs dont il ne resterait pas plus que ce qui reste d'un moineau ayant traversé un ventilateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
S'il y a une chose que nous devons rappeler au Président de la République comme aux gilets jaunes, c'est que la dernière chose dont la France a besoin c'est l'affaiblissement du Sénat et plus généralement de tous les corps que l'on appelle à tort intermédiaires et que l'on ferait mieux d'appeler indispensables car ils constituent la colonne vertébrale de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Il me reste à évoquer le sujet des violences, car la crainte de ce qui pourrait se passer samedi prochain est en train de devenir la préoccupation majeure. Ces violences ne sont pas seulement graves en elles-mêmes. Elles sont graves par leurs conséquences sur ceux que les casseurs prétendent défendre, ceux qui travaillent dans les commerces ou les entreprises détruits et qui ont les mêmes problèmes de fin de mois que les autres. Elles sont graves pour l'image de la France à l'étranger qui est en train, une fois encore, de plonger. Elles sont graves enfin par le lieu choisi. L'Arc de triomphe, comme l'Assemblée, le Sénat, la Concorde, ce sont les lieux emblématiques de l'histoire de France, ce sont les symboles de la mère-patrie. Taguer l'Arc de triomphe, casser ses bas-reliefs, dévaster son intérieur, c'est comme donner une gifle à sa mère. Ceux qui sont capables de faire ça, et je ne les confonds pas bien sûr avec l'ensemble des gilets jaunes, ne sont pas seulement des casseurs, ils ne dégradent pas seulement un monument, ils dégradent notre identité nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, LaREM, UC et Les Républicains et sur quelques bancs du groupe SOCR)
C'est pourquoi appeler à une nouvelle manifestation à Paris samedi, dans les mêmes conditions d'impréparation et d'irresponsabilité que celle de samedi dernier, c'est prendre une lourde responsabilité. Il y aura, en face des manifestants, ceux qui sont eux aussi le rempart de notre identité nationale et de notre sécurité, les forces de l'ordre, dont je voudrais à mon tour saluer le courage dans des circonstances particulièrement difficiles, alors même qu'elles sont depuis trois ans constamment sur la brèche dans la lutte contre le terrorisme.
Dans ce moment crucial, je souhaite que nous puissions faire preuve du même courage. D'abord le courage des mots, le courage de dire la vérité aux Français, la vérité sur l'état de nos finances publiques, sur nos choix de société et sur l'avenir de la planète. Ensuite le courage des actes, celui de prendre les décisions difficiles dont le pays et les Français ont besoin. C'est notre mission aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, LaREM, UC et Les Républicains et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En cet instant, nous avons tous conscience de la gravité de la situation et de la portée des mots. Je vous parlerai d'homme à homme, avec mon coeur de Français, dans une situation difficile qui peut déraper.
Je veux vous parler avec une conscience et un sens aigu de responsabilité, du devoir, du courage, de la lucidité, sans complaisance. Regardons la vérité en face.
Nous devons nous rassembler sur une exigence de fermeté en face de la violence. Nous, élus de la République, nous ne devons supporter aucune atteinte aux forces de l'ordre, à la sécurité civile, ne tolérer aucun acte de vandalisme, aucun acte qui profane les symboles les plus sacrés de la République et de la France.
Bien sûr, l'Arc de triomphe, mais aussi la tombe sacrée du Soldat inconnu qui a été profanée. Mon grand-père était un poilu, et je pense que nombre d'entre vous ont eu un aïeul dans ce cas. Ce ne sont pas des actes de résistance, mais de barbarie, qu'il faut punir de la plus sévère des façons. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Cassez les casseurs, monsieur le Premier ministre. (On s'exclame sur les bancs du groupe CRCE.)
Ils n'ont droit à aucune excuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC) La force de la loi doit passer. L'important, c'est d'agir vite. Selon Foch, il n'y a qu'une seule faute qui soit infamante : l'inaction.
Le droit à manifester dans le calme est gravement blessé. L'État régalien ne doit plus s'excuser de protéger nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Nous avons le devoir de condamner ces violences, nous le faisons depuis le début, en appelant au calme, sur tous les bancs. Nous faisons la différence entre la France du grand déclassement, qui travaille dur, qui n'arrive pas à boucler ses fins de mois, qui plante des drapeaux tricolores sur des ronds-points et chante la Marseillaise ; et la France de l'ensauvagement (Mme Esther Benbassa proteste.) qui pille, et qui crie sa haine de la République. Tous les groupes devraient condamner cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur une partie des bancs du groupe UC)
M. David Assouline. - Pompier pyromane !
M. Bruno Retailleau. - Pour ramener le calme, le Gouvernement doit aussi revenir à une certaine réalité. Depuis le début de cette grande colère, il semble en décalage. Cette colère sociale est inédite dans son mode d'expression. Vous courrez après les événements, car vous vous êtes installés dans une situation de déni, croyant que le cap était forcément bon et qu'il fallait répondre d'en haut avec un Haut Conseil du climat, c'est-à-dire une instance technocratique, comme si cette promesse d'un nouveau monde était le remplacement d'un gouvernement empathique des hommes par une administration froide.
Dans une lettre ouverte, j'ai écrit que les racines de cette crise étaient lointaines. Nous tenons le record européen de la dépense publique et le record mondial de l'impôt et des taxes. Le déficit public va encore croître. Cette colère, c'est d'abord le ras-le-bol fiscal des Français qui se sont sentis piégés, trompés.
Et puis, il y a l'arrogance, le mépris. Les Français savent pertinemment ce qu'est une taxe, un impôt. Alors que nous traversons une crise de la représentation, les maires, les partenaires sociaux, les présidents d'associations se sentent méprisés. Pour paraphraser Péguy, ce nouveau monde, c'est ce monde qui fait le malin, ce monde de ceux qui savent, de ceux qui n'ont plus rien à apprendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Ce qui imprime dans la mémoire des Français, c'est moins les grands discours que les petites phrases, semées au vent de l'improvisation, de la caricature.
Le déni, le mépris, mais aussi le sursis... Le Sénat a annulé la hausse des taxes. Il est incompréhensible que vous ayez accordé un moratoire : vous auriez dû savoir que c'était trop peu, trop tardif. Après le moratoire, on allait vous demander la suppression. Ce geste qui aurait pu apparaître comme une main tendue ressemble désormais à un aveu de faiblesse. Vous pourriez vous inspirer du Sénat qui, lors du PLFSS, a réindexé les retraites et les allocations familiales sur l'inflation.
Ce mécontentement traduit des forces à l'oeuvre en France, mais aussi ailleurs. Vous avez ouvert les portes de l'abîme du mécontentement. Dans ce cri de colère, j'entends le cri d'un peuple qui ne veut plus qu'on l'ignore, qui veut qu'on tienne compte de ses choix. La crise de la démocratie s'étend partout en Europe car les peuples ont le sentiment que ceux qui les gouvernent ne les entendent plus, qu'ils sont insensibles à leurs souffrances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) Les choix des dirigeants ne sont pas les choix des peuples. Tant de grandes décisions ont été prises dans le dos des peuples... le Traité de Lisbonne, l'accord de Marrakech sur l'immigration dont j'espère qu'il ne sera pas signé par le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE, tandis qu'on applaudit sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. - Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. - Que dire de ces grandes juridictions internationales et de leur vision anglo-saxonne du droit, qui ne nous correspond pas ?
Les peuples ne supporteront pas éternellement qu'on leur dise que leur diagnostic est faux, qu'ils doivent être rééduqués.
Mme Éliane Assassi. - Et l'ISF ?
M. Bruno Retailleau. - Entendons leur colère. Redonnons du sens à la Nation, à l'unité nationale, à la République française. Recréons du commun.
D'abord, réformons notre modèle social sans le déformer. Après la Seconde Guerre mondiale, la sécurité sociale a été créée par tous les partis, comme un instrument de démocratie, avec une belle devise « À chacun, selon ses moyens ; à chacun, selon ses besoins ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Éliane Assassi et M. Rachid Temal. - Et l'ISF !
M. Bruno Retailleau. - Ne recentrez pas les aides sur les plus bas revenus - comme le dit M. Pisani-Ferry, sinon vous créerez une fracture entre ceux qui paient et ceux qui reçoivent. Notre modèle social n'est pas celui-là.
Faites des réformes justes : baisses d'impôts, oui, mais pour tous !
Voix sur les bancs du groupe CRCE. - Et l'ISF !
M. Bruno Retailleau. - La transition écologique ne doit pas être payée par les plus modestes. Ce n'est pas en ajoutant des impôts aux taxe qu'on parviendra à rendre riches les plus pauvres. Souvenez-vous aussi de l'universalité des politiques familiales. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC) Ne touchez pas à la loi de 1905. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs des groupes UC et SOCR) Les religions doivent s'adapter à la République et non la République aux religions.
Sortez par le haut, oubliez votre projet d'émancipation individualiste qui affaiblit le commun. Il y a un besoin de France, de protection, de sens. Le président de la République devra s'adresser aux Français. Il doit retisser les liens avec nos compatriotes : l'amour de la patrie doit brûler dans le coeur de chaque Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; les sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent.)
M. François Patriat . - Pourquoi sommes-nous réunis aujourd'hui ? (Marques d'ironie) À défaut de respecter ma personne, respectez au moins notre institution. La République est menacée, avec des actes de barbarie. Cette colère, légitime sans doute, fait suite à nos renoncements successifs.
Le Gouvernement doit assurer le redressement du pays, le réparer.
M. Jean-Marc Todeschini. - Ah oui !
M. François Patriat. - Le Gouvernement montre la voie de l'ouverture.
Le moment est décisif pour notre démocratie. Regardons la colère de notre pays. Il convient de la comprendre et d'y répondre. Après quarante ans d'injustices non résolues, fiscales, sociales, territoriales, nous avons senti monter la colère depuis longtemps ; elle a commencé à s'installer à la fin des Trente Glorieuses. Ce mal-être s'est développé. Beaucoup ont dénoncé la fracture sociale, certains ont dit que la maison brûlait, alors que s'installaient des fractures territoriales, favorisant l'abstention, le sentiment d'abandon, la montée des extrêmes ; ce qui a entraîné un rejet de la classe politique et des corps intermédiaires.
La critique des institutions n'est pas passagère. Notre responsabilité en ce jour est historique : soyons à la hauteur. Cette France invisible se sent dénigrée et reléguée.
Monsieur le Premier ministre, à vous la responsabilité de répondre à cette colère, non pour l'exploiter comme le tentent certains, mais pour apporter des solutions à ces Français lassés des grandes lâchetés et qui ne veulent plus être exclus du monde qui vient.
Depuis dix-huit mois, nous préparons une révolution numérique, économique et écologique de grande ampleur. Nous devons la vérité aux Français : il faut du temps pour que les réformes structurelles portent leur fruit. Un seul but : construire une société où l'on vit mieux de son travail, avec plus de pouvoir d'achat et une protection sociale. Faisons preuve de sagesse, d'humilité, de discernement et de responsabilité. Un seul mot d'ordre : ni entêtement, ni résignation.
La main tendue du Premier ministre doit être saisie. Le Gouvernement entend la France des oubliés. La suppression de la hausse des taxes, accompagnée des mesures d'aide au pouvoir d'achat, est bienvenue. Chaque Français sera entendu durant cette période de consultation. Il ne peut y avoir deux France, une qui gagne et une qui perd.
Des signes positifs commencent à poindre. La confiance des investisseurs étrangers est plus élevée que jamais, l'emploi industriel redémarre, le financement des TPE s'améliore, le taux d'emploi n'a jamais été aussi élevé, mais il faut faire plus, plus vite, plus fort.
L'urgence climatique n'appartient pas au Gouvernement, mais à tous les Français. Ne distinguons pas fin du monde et fin du mois.
Nous vous renouvelons notre entière confiance.
Les violences et les saccages doivent cesser. Les déclarations de certains politiques sont irresponsables, insupportables, outrancières, inadmissibles. Ils pensent recueillir les fruits du désordre mais ne recueilleront que les cendres du chaos.
Saluons les forces de l'ordre, qui doivent être respectées à la hauteur de la République.
Face à la colère, l'écoute ; face à la violence, la fermeté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Éliane Assassi . - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) Nous vivons un moment d'une grande gravité. La parole vraie, sincère, libérée des Françaises et des Français a été entendue, remettant en cause le concept même du capitalisme libéral.
Avez-vous entendu cette aide-soignante qui peine à joindre les deux bouts ? Avez-vous entendu ces pères de famille, meurtris, incapables d'offrir à leurs enfants des cadeaux de Noël ? Avez-vous entendu ces retraités contraints de faire les poubelles des supermarchés pour se nourrir ? Avez-vous vu ces gens à découvert le 10 de chaque mois et dans l'incapacité de se nourrir, de se vêtir, de vivre ?
Il y a une colère que vous-même, monsieur le Premier ministre et surtout le président de la République, ne comprenez-pas. C'est le résultat d'un profond aveuglement et d'une politique voulue pour et par les riches. Vous avez abaissé de 17 % l'imposition du 0,1 % les plus riches ! Rétablissez l'ISF et rendez-le plus efficace ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Bernard Arnault, grand ami et protecteur d'Emmanuel Macron, quatrième fortune mondiale, a payé 2,9 millions d'IFI alors qu'il aurait dû payer 550 millions d'ISF ! Et vous l'avez complètement exonéré ! Il vole de paradis fiscal en paradis fiscal, insatiable, tel un oiseau de proie. M. Macron, muet en public, vous a recadré hier en Conseil des ministres. Il ne veut pas rétablir l'ISF. La clé de voute du président, c'est l'injustice fiscale au profit des plus riches. C'est cette violence qui est contestée aujourd'hui.
Monsieur le Premier ministre, vous payez l'addition de colères accumulées depuis des décennies. L'ISF, l'atteinte aux retraités par l'augmentation de la CSG, aux classes populaires par la baisse des APL... Vous avez repoussé notre proposition de loi qui augmentait modestement les retraites des agriculteurs, qui ont travaillé toute leur vie sans épargner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR ; Mme Sonia de la Provôté, M. Olivier Henno, Mme Nathalie Goulet et M. Daniel Laurent applaudissent également.)
Vous oubliez de parler du mépris à l'encontre du Parlement et des élus, monsieur le Premier ministre.
Depuis trente ans, le bien commun est bradé aux intérêts privés. Et vous continuez avec la SNCF, la FDJ, ADP ! Alors que la SNCF pourrait porter la transition écologique, vous l'offrez au secteur privé. La privatisation, c'est la spoliation des Français !
Rendre sa force avec la puissance publique, c'est aussi garantir une transition énergétique efficace et l'égalité entre tous nos concitoyens. Argent et écologie ne font pas bon ménage. Le sursaut n'a pas eu lieu lors de votre élection contre l'extrême droite. Il a lieu aujourd'hui, et contre le libéralisme qui se révèle jusque dans la politique de sélection désormais menée dans l'éducation.
Il faut revenir à la paix et à la sérénité, en manifestant pacifiquement. La colère a mené à la violence, dont les fonctionnaires de la police sont les premières victimes. Nous condamnons l'usage de la violence. Et cela inclut les tirs de flash ball contre les lycéens et lycéennes. (On se récrie à droite.) Ou la mort de cette vieille dame à Marseille, tuée par un éclat de grenade.
Il vous reste peu de temps, monsieur le Premier ministre, pour convaincre votre président - mais en êtes-vous convaincu vous-même ? - pour prendre des décisions fortes sur le pouvoir d'achat et la justice fiscale. Le Smic doit augmenter de 200 euros par mois et l'augmentation de la CSG sur les retraites doit cesser. Ces mesures seraient une première réponse concrète à la détresse du peuple.
Un homme est élu pour cinq ans non pas sur son programme - inexistant - mais contre l'autre candidate. L'Assemblée a été élue dans la foulée mais le scrutin ne rend pas compte de la réalité de la Nation.
Aujourd'hui le peuple est de retour, et le transfert du politique à l'économique vacille.
Votre Gouvernement et les suivants sont placés sous contrôle citoyen. C'est une bonne nouvelle car c'est le retour aux sources, celui du peuple souverain. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Martine Filleul applaudit également.)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) J'ose espérer, monsieur le Premier ministre, que vos engagements ne seront pas remis en cause ce soir par un de vos ministres en ligne directe avec le président de la République, rendant ainsi illusoire la notion de cap. Il y a cinq mois, nous l'avons écouté à Versailles. Il avait annoncé un changement de méthode pour plus de dialogue. Je lui avais dit, à l'époque, que savoir écouter n'était pas un signe de faiblesse. Je le maintiens.
Protéger, libérer, unir : où en est ce slogan ? Vous auriez dû écouter plus tôt, engager un débat respectueux avec les partenaires sociaux ; le dialogue direct avec les Français, s'il a pu fonctionner, n'a qu'un temps et sombre avec cette crise de confiance.
Nous n'avons pas assez de recul pour comprendre ce qui se passe dans notre pays. La colère des gilets jaunes est multiforme, jusqu'au vandalisme intolérable. Paris ne peut pas brûler !
La France ne peut être en état de siège. Je salue nos forces de l'ordre républicain (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) qui assurent la cohésion nationale. La contestation doit s'exprimer dans le calme.
Nous avons aussi entendu la colère des Mahorais, des Guyanais, puis des Réunionnais qui disent leur sentiment d'abandon touchés qu'ils sont par les mesures du Gouvernement contre le pouvoir d'achat.
La colère des gilets jeunes est en grande partie silencieuse mais le mouvement est large. Nous le constatons tous en voyant les gilets jaunes sur les pare-brise, dans les parkings des supermarchés. C'est le lien entre ceux qui soutiennent en silence et les plus radicaux qui doit nous inquiéter.
Nous voulons que le calme revienne ; mais il vous incombe de prendre les décisions pour y parvenir.
Les urgences sont multiples. Les gilets jaunes ne sont pas anti-écologiques - ils veulent seulement de la justice. Or vos mesures font financer la transition écologique par les classes moyennes et modestes. Inversez votre politique : mettez à contribution les plus riches. (Applaudissements par une partie du groupe SOCR)
Le moratoire d'un an sur la fiscalité du carbone n'est qu'un préalable au dialogue, tellement vous avez tardé. Mais l'urgence sociale reste totale. C'est aussi celle de la stagnation des salaires depuis plus de dix ans.
Votre politique fiscale est injuste, elle réduit les impôts des 1 % les plus riches, tout en augmentant les taxes des classes moyennes et pauvres. L'impôt doit être juste. Non à l'État pénitence ! Les prix progressent, mais pas les salaires. Monsieur le Premier ministre, engagez des négociations salariales, organisez une conférence sociale nationale avec les syndicats, avant le financement de la transition écologique, donnez un coup de pouce au Smic dès le 1er janvier 2019 et la prime d'activité, réindexez les retraites sur l'inflation, revalorisez le point d'indice des fonctionnaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La théorie du ruissellement ne fonctionne pas. La suppression de l'ISF n'a pas bénéficié à l'économie. Entendez ces propos, comme j'ai entendu votre candidat, messieurs de la droite !
M. Philippe Dallier. - Avec le bilan de Hollande, merci !
M. Patrick Kanner. - Rehaussez les tranches d'impôt sur les hauts revenus. Ces propositions, nous les portons depuis un an.
M. Alain Joyandet. - Au secours, Hollande revient !
M. Patrick Kanner. - À quoi servent les premiers de cordée s'il n'y a pas de corde ?
Saisissez l'occasion d'une réponse sociale pour engager ensuite un dialogue sur le financement de la transition écologique. Sinon, vous ne réglerez pas l'urgence démocratique et citoyenne.
La colère des gilets jaunes est celle d'un peuple qui se sent abandonné, méprisé, déclassé. Le président jupitérien a cru qu'il avait tous les droits depuis son élection. Il en a oublié qu'il avait surtout des devoirs à l'égard des citoyens de notre pays. Il gouverne comme un roi nu. L'écoute, le dialogue, la concertation sont les sources de l'unité nationale.
Les associations, les élus locaux, les maires, les parlementaires sont des digues sociales. (M. Loïc Hervé approuve.) Appuyez-vous sur les écharpes bleu-blanc-rouge, faites confiance aux maires ruraux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe UC) Répondez ! Sachez entendre les angoisses de vos concitoyens. Le temps est court, très court, monsieur Philippe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Merci aux orateurs, dont je salue le ton, la qualité et le talent des interventions. J'ai dit aux présidents de formations politiques que j'ai reçus à Matignon que je souhaitais ce débat. Il a eu lieu à l'Assemblée nationale hier, et a été suivi d'un vote. Il est essentiel que les mises en cause, les défenses éventuelles soient présentées ici.
La mise en perspective internationale, soulignée par plusieurs orateurs, montre que la crise n'est pas seulement française. Ces crises sociale et politique arrivent dix ans après une crise financière qui a profondément secoué notre économie et nos systèmes occidentaux. Cette crise est comparable à celle qui a touché l'Italie, agité les États-Unis.
Les réformes structurelles nécessaires ne sont pas les mêmes pour tous, certes, mais je ne crois pas qu'il faille uniquement faire peser le poids de la faute sur le passé. Néanmoins, les réformes du passé n'ont pas réglé les problèmes. Un exemple : depuis dix ans, la dette s'est accrue de près de 35 points de PIB, jusqu'à 100 % du PIB. Alors qu'elle augmentait, nous préférions, par pudeur, prudence ou lâcheté - disons-le - ne pas le voir. Nous avons ainsi demandé à RFF et à la SNCF de s'endetter - en sachant que cette dette deviendrait un jour celle de l'État. Ce choix a été fait, collectivement, par des gouvernements successifs.
Alors, le Gouvernement a assumé la reprise de cette dette, acceptant d'augmenter, ce faisant, la dette publique. Collectivement, nous n'avons pas été à la hauteur des engagements. Le dire, c'est être lucide.
Je retiens vos appels à la concertation ; le soutien aux forces de l'ordre ; le souci d'apaisement et l'appel à la responsabilité.
De responsabilité, je ne m'exonère aucunement. Je m'exprime avec calme et nuance, sans simplifier ou caricaturer, ce qui, au regard des canons actuels, n'est pas toujours spectaculaire. J'assume les mesures que je sais impopulaires, car je pense qu'elles sont bonnes.
Le Gouvernement s'estime tenu par les engagements du président de la République et les parlementaires de la majorité.
C'est notre cap, celui de la maîtrise des dépenses publiques.
Beaucoup de mesures ont été proposées : en peu de mots, on dépense beaucoup d'argent public Il faudra veiller, collectivement, à l'équilibre des dépenses publiques pour éviter que la dette explose et que nous transmettions après nous une charge et une dette dont nul ne pourra s'exonérer.
Apaisement, débat, appel à la responsabilité et détermination à protéger les Français. Merci pour la qualité de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC ; MM. Jean-Michel Houllegatte et Yannick Vaugrenard applaudissent également.)
La séance est suspendue à 16 h 30.
présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente