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Table des matières
Reprise et cessation de mandats sénatoriaux
Remplacement d'un sénateur nommé au Gouvernement
Mises au point au sujet de votes
Hommage à une délégation bulgare
Projet de loi de finances rectificative pour 2018
Nominations à une éventuelle CMP
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 (Suite)
PREMIÈRE PARTIE : conditions générales de l'équilibre financier
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier
Ordre du jour du mardi 20 novembre 2018
Composition d'une éventuelle CMP
Nomination au sein d'une commission
SÉANCE
du lundi 19 novembre 2018
21e séance de la session ordinaire 2018-2019
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
Secrétaires : Mme Agnès Canayer, M. Yves Daudigny.
La séance est ouverte à 16 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Reprise et cessation de mandats sénatoriaux
Mme la présidente. - En application de l'article L.O. 319 du code électoral, le mandat sénatorial de M. Jacques Mézard, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin le mardi 16 octobre 2018, a repris le samedi 17 novembre 2018, à 0 heure. (MM. Richard Yung et Claude Raynal s'en réjouissent.)
En conséquence, le mandat sénatorial de Mme Josiane Costes a cessé le vendredi 16 novembre, à minuit.
Remplacement d'un sénateur nommé au Gouvernement
Mme la présidente. - Conformément à l'article premier de l'ordonnance n°58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution, acte est pris de la cessation, le vendredi 16 novembre, à minuit, du mandat sénatorial de M. Didier Guillaume, nommé ministre par décret du 16 octobre 2018 relatif à la composition du Gouvernement.
En application de l'article L.O. 320 du code électoral M. Bernard Buis, l'a remplacé, en qualité de sénateur de la Drôme. Le mandat de notre collègue a débuté le samedi 17 novembre 2018 à 0 heure.
Rappel au Règlement
Mme Nathalie Goulet . - Mon rappel, qui se fonde sur l'article 25 de notre Règlement, a trait à l'affaire Nissan. Les sanctions prises à l'égard de Carlos Ghosn pour suspicion de fraude fiscale nous montrent combien le sujet est pris au sérieux par les autorités japonaises. Il nous faudra en débattre, notamment pour étudier les conséquences sur les entreprises françaises liées au groupe Nissan, par exemple dans le cadre du groupe de travail de la commission des finances sur la fraude fiscale. (M. Éric Bocquet approuve.)
Mme la présidente. - Acte est donné de votre rappel au Règlement.
Mises au point au sujet de votes
M. Jean-François Rapin. - Lors du scrutin public n°19, M. Cédric Perrin souhaitait s'abstenir et non voter pour.
Mme Brigitte Lherbier. - Je souhaitais m'abstenir sur l'allongement à 63 ans de l'âge légal de la retraite, et non voter pour.
Mme la présidente. - Acte est donné de vos mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin.
Hommage à une délégation bulgare
Mme la présidente. - (Mmes et MM. les sénateurs et M. Gérald Darmanin, ministre, se lèvent.) Je suis heureuse de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d'honneur, d'une délégation de l'Assemblée nationale de la République de Bulgarie conduite par M. Tsvetan Tsvetanov, député et président de la commission parlementaire de la sécurité intérieure.
La délégation est accompagnée par Mme Marta de Cidrac et M. Jean-Yves Leconte, vice-présidents du groupe d'amitié France-Bulgarie, lequel est présidé par M. Loïc Hervé, retenu par un voyage d'études à l'étranger.
Cette visite s'inscrit dans le cadre du programme de coopération du ministère de l'Intérieur avec la Bulgarie.
Arrivée ce matin à Paris, la délégation s'est entretenue avec les membres du groupe d'amitié. Elle sera accueillie demain à l'Assemblée nationale où elle rencontrera plusieurs de nos collègues députés afin d'échanger sur le thème des politiques de sécurité.
Les relations entre la France et la Bulgarie sont anciennes et les relations interparlementaires contribuent pour une large part à la qualité de notre relation bilatérale.
En votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos homologues du Parlement bulgare la plus cordiale bienvenue au Sénat français, ainsi qu'un agréable et fructueux séjour à Paris. (Applaudissements)
Projet de loi de finances rectificative pour 2018
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2018.
Nominations à une éventuelle CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein d'une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de finances rectificative pour 2018.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Discussion générale
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Ce projet de loi de finances rectificative s'inscrit dans la démarche de sincérisation des comptes publics engagée par ce Gouvernement. Ce n'est plus un exercice de rattrapage car le budget pour 2018 a été construit sur des bases assainies. Ce texte confirme toutes les hypothèses. Le redressement budgétaire est là.
Le collectif de fin d'année était devenu une voiture-balai du projet de loi de finances, une addition de mesures hétéroclites, dénoncée par votre rapporteur général. Beaucoup étaient des dispositions fiscales, sans effet sur le solde de l'année en cours, qui auraient dû être présentées dans le projet de loi de finances initiale. C'est ce que nous avons fait cette année.
Je suis heureux d'annoncer que le Gouvernement n'a présenté cette année aucun décret d'avance.
M. Philippe Dallier. - C'est bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. - C'est vrai.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cette procédure, qui devrait être exceptionnelle, était devenue courante, conduisant à amoindrir la portée de l'autorisation parlementaire. Nous respectons les droits du Parlement.
M. Emmanuel Capus. - Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Au cours des derniers exercices, le niveau des ouvertures de crédits est passé de 700 millions d'euros en 2009 à plus de 3,4 milliards en 2016. Vous le déploriez, monsieur le rapporteur général, en notant que cette procédure devrait être exceptionnelle. Elle amoindrit en effet la portée de l'autorisation parlementaire. Il n'était pas normal que des centaines de millions d'euros d'ouverture et d'annulation de crédits fassent l'objet d'un simple avis de la commission des finances. Nous nous sommes engagés à ce qu'elles fassent désormais toutes l'objet d'un vote en loi de finances.
Ce collectif est uniquement composé d'articles techniques ayant trait à l'exercice en cours. Les ouvertures et fermetures de crédits auront été donc décidées par le Parlement - c'est une première depuis 2001.
Si ce collectif de fin d'année confirme nos engagements, c'est que notre budgétisation était sincère ; le Sénat y a largement contribué.
Deux des neuf articles concernent des ajustements de recettes pour le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». Un article technique ratifie des décrets relatifs à la rémunération de services rendus. Les autres ramènent, dès 2018, l'écart entre les plafonds d'emplois des ministères votés par le Parlement et la consommation effective des emplois à un niveau proche de 1 %. Nous mettons ainsi en corrélation effectifs budgétisés et effectifs réels.
Le Gouvernement a fait preuve de sincérité au niveau macroéconomique, puisque la prévision de croissance pour 2018 de 1,7% reste inchangée. Il a respecté ses engagements en matière de dépenses avec un déficit inchangé à 2,6 % du PIB. Le ratio de dépense publique reste inchangé, à 54,6 % du PIB, tout comme le solde structurel à moins 2,25 % du PIB. L'Ondam devrait aussi être respecté. L'évolution des recettes a un effet globalement neutre, si bien que le taux de prélèvements obligatoires s'établit comme prévu à 45 % en 2018.
La sincérité de notre politique budgétaire, c'est aussi la confirmation du redressement de nos finances publiques. Le solde, révisé à moins 81,3 milliards d'euros dans le projet de loi de finances 2019, s'établit à moins 80 milliards, grâce à la cession de 2,35 % du capital de Safran, pour 1,2 milliard d'euros.
Nous dépensons 600 millions d'euros de moins que l'objectif fixé en loi de finances initiale, tout en ouvrant des crédits pour les opérations extérieures (OPEX) et intérieures du ministère des armées, pour 400 millions d'euros, les dépassements de dépenses de personnel de certains ministères pour 300 millions, la prime d'activité pour 200 millions, l'allocation des demandeurs d'asile pour 100 millions d'euros, des exonérations pour les outre-mer à hauteur de 100 millions d'euros.
Ces ouvertures seront intégralement gagées par des annulations à due concurrence. Les ministères sont responsabilisés. Nous passons de 8 % à 3 % de gel. L'année dernière, j'avais dégelé les crédits le 27 décembre seulement ; cette année, c'est chose faite dès à présent.
Avec ce texte, pour la première fois depuis plus de trente ans, aucun décret d'avance n'aura été déposé par le Gouvernement. Ce collectif allégé est un instrument de revalorisation de l'autorisation parlementaire et donc du contrôle du Parlement sur les choix budgétaires.
Le Gouvernement ayant fait l'effort de ne faire figurer dans ce texte aucune disposition fiscale, je vous serais reconnaissant de réserver vos propositions en cette matière au projet de loi de finances initiale.
Nous prenons les mêmes engagements pour l'année prochaine : taux de gel bas, crédits sincères, pas de décrets d'avance : c'est une arme en cas de catastrophe, pas en temps calme.
Nos prévisions étaient justes, le budget sincère, le Parlement a été respecté. Le Gouvernement n'a pas menti. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - Voici un projet de loi de finances rectificative de fin d'année qui remplace le traditionnel décret d'avance de fin de gestion. Revenant à sa vocation initiale, il ne contient que des mesures portant sur l'année en cours. C'est un retour aux fondamentaux que le président Éblé et moi-même prônions dans le cadre de la réforme constitutionnelle. Il était absurde que le collectif soit la voiture-balai des mesures rejetées dans le projet de loi de finances initiale. Attention toutefois à ne pas multiplier, en contrepartie, les articles non rattachés dans le projet de loi de finances...
L'économie française a retrouvé un certain dynamisme au troisième trimestre, mais la reprise est plus faible qu'escomptée. Votre objectif de croissance à 1,7 % s'avère plutôt optimiste. La consommation des ménages ne suit pas l'augmentation du pouvoir d'achat : on est loin de « l'automne du pouvoir d'achat ». Le prélèvement à la source et la hausse de fiscalité sur le carburant n'arrangeront rien.
S'ajoutent des inquiétudes concernant l'investissement des entreprises.
L'objectif de déficit devrait être tenu - c'est un minimum, vu son manque d'ambition : 2,6 %, soit une baisse de 0,1 point de PIB par rapport à 2017. Et cette amélioration n'est due qu'à des évolutions non discrétionnaires du solde structurel...
Malgré une légère amélioration par rapport à l'estimation, le niveau de déficit présenté, à 80 milliards d'euros, reste élevé, avec de 12,3 milliards de plus qu'en 2017. L'amélioration de 1,3 milliard d'euros du solde s'explique par la vente de 2,35 % du capital de Safran, une goutte d'eau dans un océan de dettes qui atteint 1 776 milliards.
La limitation de 1 % de la vacance sous plafond d'emploi est à saluer, car nous avons trop souvent eu à déplorer la décorrélation entre les plafonds d'emploi et les postes effectivement pourvus, avec des écarts pouvant aller jusqu'à 1,7 %.
Le rebasage des plafonds d'emploi au titre de 2018 correspond ainsi à une diminution de 10 805 équivalents temps plein travaillé (ETPT).
La hausse des recettes fiscales tient au dynamisme de la TVA et à un rattrapage sur les produits des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) lié à une erreur de comptabilisation. Principal changement, les quelque 600 millions d'euros supplémentaires de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), conséquence de la moindre dépense sur le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » liée à la baisse des compensations liées à l'obligation d'achat d'électricité d'origine renouvelable. L'équivalent en recettes de TICPE est donc affecté au budget général.
On ne peut le contester ; mais on peut regretter que cela ne soit fait que maintenant, alors que la Commission de régulation de l'énergie (CRE) vous avait alertés en juillet. Il est en revanche contestable que la hausse de la TICPE ne s'accompagne pas de nouvelles ressources pour la transition énergétique. Sachez que la fiscalité énergétique sera l'objet de toute notre attention (M. Philippe Dallier approuve.) car elle est de plus en plus considérée comme une fiscalité de rendement.
Les deux tiers des ouvertures de crédits concernent la mission « Remboursements et dégrèvements », uniquement liées aux évolutions de recettes fiscales brutes. La mission « Engagements financiers de l'État » enregistre l'impact de l'inflation sur la charge de la dette. Globalement, les ouvertures sur les missions couvrent des sous-évaluations en loi de finances initiale, sur les missions « Solidarité, insertion et égalité des chances », « Cohésion des territoires » et « Enseignement scolaire »
L'annulation la plus importante concerne la mission « Travail et emploi ».
Je reconnais que le Gouvernement est parvenu à exécuter le budget sans décrets d'avance et avec des mises en réserve réduites. La mesure la plus délicate concerne la mission « Défense », puisque le Gouvernement ne respecte pas l'article 4 de la loi de programmation militaire qui pose le principe de solidarité interministérielle pour financer les surcoûts des OPEX - résultat d'une sous-budgétisation manifeste.
Disons que ce dégel de 408 millions en autorisations d'engagement et de 272 millions en crédits de paiement est un moindre mal pour les armées.
Ce projet de loi de finances rectificative correspond à une exécution plus saine que sous le précédent quinquennat ; aucune mesure, sauf peut-être sur la Défense, ne justifie notre opposition. Cela dit, il s'inscrit dans la droite ligne de la loi de finances initiale, que nous n'avions pas approuvée...
J'ai donc invité la majorité sénatoriale à s'abstenir, et ai été suivi. Mais les sénateurs de l'opposition ont provoqué le rejet du texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances . - Nous ouvrons la discussion du projet de loi de finances rectificative de l'année en cours avant de débattre du projet de loi de finances de l'année à venir. L'innovation est bienvenue. Le schéma de fin de gestion de 2018 nous apporte un éclairage utile. Avec le rapporteur général, nous plaidions pour un collectif budgétaire resserré, conforme à sa vocation initiale. C'est chose faite, nous nous en réjouissons.
Nous regrettons que l'examen du projet de loi de finances rectificative ait été encore accéléré, avec un vote des deux assemblées moins de quinze jours après son dépôt en conseil des ministres. Ce n'est acceptable que si l'équilibre de la loi de finances initiale est préservé.
La centaine d'articles que comptait le collectif de fin d'année se retrouve déversée dans le projet de loi de finances, avec des amendements de séance de plusieurs pages, sans étude d'impact... À l'avenir, il faudra que ces mesures fiscales trouvent leur place dans le projet de loi de finances initiale.
Ce collectif ne modifie pas l'hypothèse de croissance, de 1,7 % du PIB, et confirme la réduction du déficit de 0,1 point par rapport à l'an passé, pour l'établir à 2,6 % du PIB.
Environ 600 millions d'euros du compte d'affectation spéciale « Transition écologique » ont été annulés. La fiscalité écologique semble vouée à boucler les fins de mois de l'État : l'an prochain, la TICPE financera le budget de l'État à hauteur de 17 milliards d'euros, un record. Le pouvoir d'achat de nos concitoyens s'en ressentira.
L'annulation des crédits la plus importante, un demi-milliard d'euros tout de même, concerne la mission « Travail et emploi ». Cela augure de nouvelles restructurations l'an prochain... Les missions « Recherche et Enseignement supérieur », « Enseignement supérieur », « Développement et mobilité durable » connaissent le plus d'annulations. Autant de signaux négatifs sur notre capacité à préparer l'avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Julien Bargeton . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Ce projet de loi de finances rectificative est une innovation attendue dans notre procédure budgétaire. La nécessaire remise en ordre des comptes publics passe aussi par des changements de méthode.
Les collectifs de fin d'année vintage n'étaient pas des jardins à la française. Les dispositions fiscales y fleurissaient, d'où une explosion du nombre d'articles : 149 en 2016, 123 en 2015... On était plus proche de Botero que de Giacometti.
Les collectifs budgétaires étaient aussi assortis de décrets d'avance pour répondre aux dépenses urgentes. Pour la première fois depuis 1895, le Gouvernement rompt avec ces pratiques : ni mesures fiscales, ni décret d'avance. C'est une marque de respect du Parlement, qui autorise donc l'intégralité des ouvertures et annulations de crédits.
Ce texte vient au Sénat en amont de la discussion budgétaire, ce qui met en évidence la cohérence de la trajectoire. Je regrette qu'il ait été rejeté en commission ; rien ne le justifiait. Les dépenses publiques sont conformes aux prévisions, les recettes sincères, les hypothèses de croissance réalistes. Les prévisions de réduction de déficit devraient être tenues.
La stratégie budgétaire n'est pas déconnectée des politiques publiques - mesures de structure relatives au marché du travail, baisse des cotisations sociales et dégrèvement de taxe d'habitation. Les intentions d'embauche en CDI ont progressé de 10 %, mais l'impatience, voire la colère subsistent, le président de la République l'a reconnu.
La France a en effet trop tardé à réaliser ces transformations et nous avons souffert d'un attachement à une forme de finance magique dans toute une série de politiques publiques. Tous n'en sont pas sortis : en témoigne la promesse de transports publics gratuits... Si la solidarité est un objectif partagé, elle doit être financée.
Plutôt que la fuite en avant financière, nous préférons la transformation de l'action publique. Le plan de transformation numérique de tous les ministères, la dématérialisation totale en 2022 faciliteront la vie de nos concitoyens et permettront des gains d'efficience. Inspirons-nous des expériences menées ailleurs, en Estonie par exemple. L'Hexagone aime les silos. Nos concitoyens, attachés à l'agilité permise par le numérique, souhaitent une expérience utilisateur facilitée. Allégeons les démarches, changeons les procédures, non les citoyens !
Comme le disait Jean Cocteau : « Il n'y a pas de précurseurs, il n'y a que des retardataires ». (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
M. Éric Bocquet . - Ce projet de loi de finances rectificative est conforme aux promesses du Gouvernement. L'an dernier, il s'était engagé à ne pas prendre de décret d'avance et à ne pas inscrire de nouvelles mesures fiscales. Dont acte.
Cependant le déficit public est à 80 milliards d'euros, en hausse de 13 milliards par rapport à l'exercice 2017 - sachant qu'un tour de passe-passe avec la Coface avait permis une amélioration du solde l'an dernier.
Le Gouvernement, loin de s'en soucier, se décerne un brevet d'autosatisfaction largement écorné par le creusement de la dette et des déficits.
Le maintien de la contribution additionnelle de l'impôt sur les sociétés, celui de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'abandon du prélèvement libératoire auraient pu permettre d'alléger d'autres charges. Vous avez préféré une guerre d'attrition consistant à éloigner l'impôt des entreprises pour le faire peser sur les consommateurs salariés et retraités, sous forme de taxes à la consommation et de droits indirects.
Vous avez sans doute choisi de laisser à la loi de règlement le soin de revenir sur la réalité des chiffres.
Le brevet de sincérité que vous vous êtes auto-décerné ne saurait masquer l'insuffisance des crédits accordés à certaines missions, comme l'enseignement, la solidarité ou le travail. Une fois de plus, les urgences sociales avaient été sous-évaluées. Il ne saurait davantage masquer la baisse des recettes d'impôt sur les sociétés, de DMTG ou d'impôt sur la propriété immobilière, croupion de l'ISF...
Il a fallu l'ouverture du capital de Safran pour améliorer les comptes publics. Un mauvais choix de plus pour l'industrie française...
L'amélioration des comptes publics ne fait pas bon ménage avec une France qui souffre de la précarité du travail, du mal-logement et du coup de bambou fiscal sur la fiscalité indirecte.
Votre discours sur le pouvoir d'achat ne passe pas, ne passe plus. Nous ne voterons pas ce collectif.
M. Jean-Marc Gabouty . - (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et Les Indépendants) Dans la logique de sincérisation du budget, ce projet de loi de finances rectificative allégé et recentré ne fait qu'ajuster l'équilibre de la loi de finances initiale par rapport à la prévision d'exécution. Il procède à des ajustements de recettes de certains comptes d'affectation spéciale et à des annulations de crédits dans certaines missions.
Jusqu'à présent, il s'agissait trop souvent d'exercices de rattrapage du projet de loi de finances, contenant quantité de dispositions fiscales. Les sous-budgétisations récurrentes sur les exercices précédents obligeaient à des décrets d'avance.
Ce non-recours aux décrets d'avance est une première en plus de trente ans.
Le projet de loi de finances rectificative valide les hypothèses macroéconomiques. Il s'appuie sur une prévision de croissance de 1,7 % du PIB, hypothèse légèrement optimiste puisque les études tablent plutôt sur 1,6 % avec un tassement au dernier trimestre, surtout dans l'industrie. L'inflation devrait s'établir à 1,9 % du fait de la hausse du baril.
Le déficit public pourrait se limiter à 2,6 % du PIB, soit un niveau plus faible que les 2,8 % prévus dans la loi de finances initiale.
Les recettes budgétaires bénéficient du dynamisme de la TVA.
Quant aux dépenses, elles augmentent de 300 millions d'euros pour celles consacrées au personnel dans certains ministères ; s'ajoutent la prime d'activité ou les surcoûts des OPEX. Globalement, elles diminueront de 600 millions d'euros.
On ne peut que conclure à une exécution assez rigoureuse de la loi de finances initiale.
Comme rapporteur du compte d'affectation spéciale « Circulation et stationnement routier », je me félicite du report de 38,2 millions d'euros de crédits à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), qui en a bien besoin après l'abandon de l'écotaxe devant la fronde des bonnets rouges.
M. Jean-Claude Requier. - Eh oui !
M. Jean-Marc Gabouty. - La capitulation a toujours un coût ! (M. Jean-Claude Requier approuve.)
On ne peut être que satisfait, sur la forme, de ce projet de loi de finances rectificative. Sur le fond, nous nous engageons sur une trajectoire positive de réduction du déficit.
Le groupe RDSE votera ce texte qui traduit une gestion plus saine et plus transparente. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM)
M. Richard Yung. - Bravo !
M. Stéphane Ravier . - Après les grandes déclarations d'intention de début d'année budgétaire qui étaient autant de coups de com', la réalité macronienne est revenue au galop. « Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent », devise chiraquienne qui pourrait être gravée au fronton de Bercy...
M. Philippe Dallier. - C'est Pasqua, pas Chirac !
M. Stéphane Ravier. - L'État macronien, plus que jamais progressiste, progresse dans la fiscalité tentaculaire et confiscatoire. Depuis samedi, nos compatriotes manifestent leur ras-le-bol d'être ainsi rackettés. Non sans cynisme, vous déclarez, monsieur le ministre, que les collectivités locales peuvent bien baisser leur fiscalité, alors qu'en réduisant la dotation budgétaire aux communes, vous les avez rendues exsangues. Pour vous, les Français doivent faire des efforts, mais ils sont à bout de force !
Malgré tout cet argent pris dans la poche des Français, on taille dans le budget des armées avec 400 millions d'euros en moins. Une interview à bord d'un porte-avions n'y changera rien. On met en péril nos capacités de défense, alors que les autres ministères devaient initialement participer au surcoût des OPEX.
En parallèle, on trouve toujours de quoi alimenter l'immigration : 11 millions d'euros de plus pour l'aide médicale d'État (AME), 80 millions d'euros de plus pour l'aide aux demandeurs d'asile. Le Gouvernement préfère les Autres aux Nôtres, comme toujours.
Du Havre à la cité phocéenne, fiscalement sinistrés, nos territoires s'appauvrissent et s'ensauvagent.
Qui peut dire que, dans le contexte mondial actuel, nous n'avons pas besoin d'une armée équipée et modernisée ?
Cet ajustement budgétaire nous donne à voir la triste réalité d'un quinquennat de continuité.
M. Bernard Delcros . - Le projet de loi de finances rectificative pour 2018 se distingue des précédents : absence de dispositions fiscales et absence de décret d'avance, une première depuis plus de trente ans. Ce n'est pas un texte à surprise et à effets collatéraux. L'intégralité des ouvertures et annulations du schéma budgétaire pour 2018 a été décidée par le Parlement, ce qui nous fait renouer avec l'esprit de la LOLF. Le rôle du Parlement est respecté, c'est à souligner.
Avec ce projet de loi de finances rectificative recentré, vous poursuivez le travail de sincérisation des comptes qui explique la dégradation de certains ratios. Le groupe UC salue cette nouvelle donne.
Nous aurons l'occasion de prolonger le débat sur le calendrier budgétaire lors de l'examen de la réforme constitutionnelle.
Les ouvertures de crédits, pour 1,7 milliard d'euros, portent sur seize missions, dont 150 millions pour la mission « Cohésion des territoires ».
Le dégel des crédits inscrits dans la réserve de précaution du ministère des armées est à saluer, tout comme les crédits pour l'hébergement d'urgence. En revanche, le rabot de 577 millions d'euros sur les crédits alloués au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » interroge.
La sincérisation budgétaire se vérifie aussi dans la crédibilité des hypothèses macroéconomique. Les prévisions de croissance à 1,7 % sont maintenues. Le déficit budgétaire s'établit à 80 milliards d'euros en hausse de 12 milliards d'euros, ce qui est inquiétant vu les nuages conjoncturels qui s'amoncellent... La prévision de déficit est cependant inférieure de 5,7 milliards à la prévision initiale.
Nous devons faire mieux à l'avenir, trouver le bon équilibre pour ne pénaliser ni générations futures, ni les plus modestes de nos concitoyens.
L'article 8 traduit la loi de programmation, avec des plafonds d'emplois plus sincères, donc la possibilité d'améliorer le contrôle parlementaire.
La majorité des centristes souhaite s'abstenir par cohérence avec son vote sur la loi de finances initiale 2018.
À titre personnel, j'émets un vote favorable pour saluer la sincérité du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Michel Canevet applaudit également.)
M. Emmanuel Capus . - Pour la première fois depuis trente ans, nous examinons un vrai projet de loi de finances rectificative. Cet engagement du Gouvernement a été tenu, je m'en félicite. Ce texte ne contient en effet aucune mesure fiscale nouvelle, ni décret d'avance, ce qui évite de dénaturer l'autorisation parlementaire.
En matière de parole donnée toutefois, une disposition nous inquiète : celle relative aux OPEX et opérations intérieures, qui ne seront pas financées en interministériel, contrairement à ce que prévoit la loi de programmation militaire, mais entièrement sur les crédits de la défense. Cela entre en contradiction avec les engagements du chef des armées, empêchera l'achat de matériels indispensables et nuira à l'avance technologique de nos armées.
J'entends l'argument de la sincérisation, de la baisse du budget depuis de nombreuses années, et du dégel de 172 millions d'euros. Mais concevez qu'il y a là un problème. J'aurai donc un amendement qui rétablit le financement interministériel des opérations.
La prévision de déficit public reste à 2,6 % du PIB. L'effort structurel est insuffisant. Nous souhaitons sincèrement que la programmation 2022 soit tenue, en particulier l'objectif de 50 000 postes de fonctionnaires en moins - et que le rééquilibrage soit obtenu grâce à la maîtrise des dépenses plutôt qu'à l'augmentation des dépenses.
S'agissant de l'affectation de la fiscalité verte à la transition écologique, nos concitoyens ne voient que la dimension punitive de la hausse des taxes ; ils demandent de la clarté et de la pédagogie, donc des réformes utiles et supportables.
Sous réserve de l'adoption de notre amendement sur les crédits de la défense, je ne vois pas de raisons de s'opposer à ce projet de loi de finances rectificative.
M. Christian Cambon . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) J'ai souhaité intervenir, au titre de la commission des affaires étrangères et de la défense, que j'ai l'honneur de présider, en raison de votre décision de faire financer les surcoûts des OPEX par le seul ministère de la Défense.
Je me suis ainsi ému de l'annulation de 404 millions d'euros, notre commission a protesté publiquement, ce qui m'a valu une lettre personnelle du Premier ministre, dont je ne peux dévoiler le contenu. Je salue à ce propos l'engagement de la ministre des armées à restaurer les capacités opérationnelles de nos armées.
Certes, la fin de l'exercice budgétaire 2018 se fait dans de meilleures conditions que l'an passé, mais on ne peut s'en satisfaire, compte tenu de l'ampleur des besoins à couvrir.
Le ministre des comptes publics, à la veille de l'entrée en vigueur de la loi de programmation militaire, ne saurait se soustraire à ses dispositions, elles ne sont pas facultatives !
L'exécution à l'euro près va cannibaliser d'autres dépenses des armées. On savait depuis le début que l'enveloppe des OPEX était insuffisante ! Et l'on demande à présent de financer Barkhane - 700 millions -, Chammal - 460 millions - et Sentinelle - 215 millions - avec des dépenses initialement prévues pour la modernisation de l'équipement, la réparation d'infrastructures vétustes ou l'amélioration de la condition de vie en régiment. Le nier est inutilement blessant pour nos armées, qui peuvent comprendre qu'on perde un arbitrage budgétaire, mais pas qu'on déguise la vérité.
Vous disiez qu'en 2019, le budget sera conforme à la première annuité de la LPM. Mais un élève de primaire comprendrait que le report des dépenses, réduit les moyens réels !
Nos débats pendant la LPM ont souligné l'ampleur des besoins : pour les seules infrastructures, en particulier les casernes, il manque 1,5 milliard d'euros. Le Gouvernement nous dit que le ministère des armées s'en accommode. Allons, un peu de sérieux !
Quant aux difficultés de recrutement, comment ne pas voir qu'elles sont liées aux conditions de travail, trop peu attractives ? Augmentez les rémunérations des médecins militaires : vous les garderez, monsieur le ministre.
La légèreté avec laquelle le Gouvernement a rogné 400 millions d'euros de crédits d'un trait de plume, a entamé notre confiance. Et songez à l'impact politique : croyez-vous que les hommes qui risquent leur vie en opération seront sensibles à votre petite mécanique budgétaire ? Ils n'y verront qu'un renoncement. Tout ceci augure bien mal de l'avenir.
Le Sénat tiendra son engagement à exécuter cette loi comme elle a été votée. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. Claude Raynal . - Une satisfaction d'abord : ce collectif ne comprend pas de mesures fiscales nouvelles. Progrès sensible, dont nous espérons qu'il deviendra la règle.
Ce collectif budgétaire se limite à de simples mesures budgétaires. Le délai d'analyse reste correct, en adéquation avec le contenu de ce texte court.
Votre première exécution budgétaire se traduit par une faible évolution du solde structurel, le Haut Conseil des finances publiques note que ce n'est pas la première fois. La légère amélioration est due à la vente du capital de Safran et aux recettes de TICPE - une opération ponctuelle et une recette de constatation : il n'y a pas de quoi pérorer.
Sur le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », nous nous étonnons de la sous-consommation de 600 millions d'euros de TICPE, qui sont reversés au budget général : c'est malheureux, alors que chacun s'interroge sur le montant de la fiscalité écologique. Nous déposerons un amendement d'appel pour évoquer ce sujet.
Nous déplorons que le financement des OPEX se fasse par annulation de crédits, sur un poste censément sanctuarisé par la loi de programmation militaire... Nous n'avons pas été convaincus par les explications du Premier ministre et nous proposerons d'annuler les ouvertures et annulations de crédits auxquelles procède ce PLFR au sein de la mission « Défense ».
La mission « Travail et emploi » fait aussi apparaître des annulations pour près de 500 millions, en raison de l'amélioration de la conjoncture, dit le Gouvernement... En réalité, c'est le programme 102, concernant les contrats aidés et l'insertion, qui baisse le plus : moins 953 millions d'euros par rapport à 2017 - la loi de finances initiale ne prévoyait en effet que 200 000 contrats aidés en 2018 soit 100 000 de moins qu'en 2017, avec un taux moyen de prise en charge par l'État de 50 % du SMIC brut en 2018 contre 72 % en 2017.
Mais pourquoi les crédits n'ont-ils pas été utilisés ? Le Gouvernement a voulu masquer la baisse réelle au Parlement. Sincérité, disiez-vous ?
L'annulation des crédits mis en réserve pour l'aide à l'embauche dans les PME sera aussi pour nous l'occasion de vous interroger sur la suppression d'une mesure qui aurait sans doute mérité d'être ajustée en la ciblant davantage vers les toutes petites entreprises, afin d'en limiter les possibles effets d'aubaine.
Nous voterons contre ce projet de loi de finances rectificative, en raison de ces défauts, mais aussi parce qu'il découle d'une loi de finances initiale qui a, entre autres, supprimé l'ISF et créé le prélèvement forfaitaire unique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Dominique de Legge . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le projet de loi de finances rectificative affiche des annulations de crédits sur deux missions : « Travail et emploi » et « Défense ».
Première observation : c'est la première fois, et en contradiction avec l'article 4 de la loi de programmation militaire, que la solidarité interministérielle ne joue pas. Cela augure mal de la loi de programmation militaire à venir, dont l'article 4 dispose la même chose. Je ne peux oublier les déclarations de la ministre des armées le 28 juin dernier ici même : « Les privations sont finies, le renouveau commence ».
M. Christian Cambon. - Il commence mal !
M. Dominique de Legge. - Où est le renouveau, monsieur le ministre ? En moyenne, 395 millions ont été amputés aux armées sur 2011-2017 ; cette année, ce sont 30 % de plus !
À grands renforts de cocoricos, vous avez affiché une hausse inédite d'1,8 milliard d'euros en 2017 ; l'effort réel est réduit à 370 millions... Le Gouvernement annonce que tout ceci est incolore et inodore, car ne représente que 1 % du budget total. Mais, pour 10 milliards d'euros sur le programme 146, ces crédits nous empêcheront d'honorer nos factures et entraîneront des retards dans les livraisons.
Le président de la République est le garant de nos forces armées. Il remonte les Champs-Élysées en command car et s'adresse aux Français depuis le fleuron de la défense française, c'est bien. Mais on n'attend du chef des armées qu'il respecte la parole donnée, plutôt qu'il nous livre de belles images. En matière budgétaire, le nouveau monde ressemble décidément à l'ancien, en pire.
Nous ne voterons pas ce projet de loi de finances rectificative. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Hélène Conway-Mouret . - Je ne pensais pas intervenir sur ce projet de loi de finances rectificative : je le fais pour exprimer ma déception de voir le sort réservé à nos armées. L'écran de fumée dissipé, on se rend compte de ce qui est brisé !
Ce sont 404 millions d'euros qui manqueront au budget de la défense en dépit de la promesse d'un effort inédit au service d'un renouveau de nos armées. Il aura fallu quatre mois pour réduire cet engagement à néant.
Comment parler de sincérité lorsque le coût réel des OPEX est de 1,2 milliard, pour 500 millions inscrits ?
Est-ce responsabiliser un ministère que de l'affaiblir en lui coupant les crédits ? Nous connaissons les besoins en matériels de nos armées, qui devront malheureusement attendre. Le vote du Parlement a été rendu caduc ; nous regrettons cette perte de crédibilité à l'égard de nos forces. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jérôme Bascher . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) On a envie de remettre au Gouvernement une médaille : celle du respect et de l'écoute du Parlement. Mais toute médaille a son avers, son revers et sa tranche.
L'avers, d'abord. Une fois n'est pas coutume, la trajectoire macroéconomique est crédible, ce qui rend le budget sincère. Les recettes correspondent à ce qui est attendu ; les dépenses ne font pas l'objet de décret d'avance. Une incise technique, toutefois, à propos de la notion inventée par votre ministère de la dépense « non pilotable » : dire que l'on ne pilote pas les dépenses de retraite est un petit mensonge...
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous proposez de les baisser !
M. Jérôme Bascher. - ... de même pour les prélèvements sur recettes... Bref, l'on pourrait piloter davantage. Une présidente de commission de l'Assemblée nationale demandait quand les décrets seraient votés : ce texte lui donne satisfaction - nous votons un décret d'avance.
Côté revers de la médaille à présent. En 2018, une trajectoire de TICPE a été adoptée. Il fallait la corriger en loi de finances rectificative. C'était logique. Nous regrettons que cet engagement n'ait pas été tenu.
L'encoche dans la loi de programmation militaire, ensuite, est illégale, M. Cambon l'a dit.
Côté tranche de la médaille, il aurait été bon de présenter la suppression de 10 000 emplois dans le projet de loi de finances pour 2019. Petit manque d'insincérité là encore. C'est une médaille d'argent, donc.
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est déjà pas mal...
M. Jérôme Bascher. - Espérons une médaille d'or l'an prochain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Commission (Nomination)
Mme la présidente. - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la commission des lois a été publiée. Elle sera ratifiée, si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure.
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 (Suite)
Discussion des articles
ARTICLE LIMINAIRE
M. Pascal Savoldelli . - Le Haut Conseil des finances publiques le dit, les recettes sont en retrait par rapport à la prévision : le Gouvernement attend un rebond en fin d'année... Le Haut Conseil considère que le rattrapage sera plus modéré que prévu. Une incertitude porte sur le dernier acompte de l'impôt sur les sociétés. La prévision de croissance retenue par le collectif serait trop optimiste.
La priorité du Gouvernement à l'allègement des impôts sur les entreprises ou les plus fortunés ne s'est pas traduite par un rebond de la croissance.
Nous ne pouvons améliorer les comptes publics si nous ne procédons pas à une grande réforme de la fiscalité qui promouvra l'efficacité sociale de l'impôt et mettra fin au gaspillage des finances publiques.
J'ai entendu comme vous les « gilets jaunes », ils nous parlent aussi d'ISF - et ce n'est pas du populisme de le dire, mais bien la prise en compte d'une parole populaire.
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est une discussion générale ?
L'article liminaire est adopté.
PREMIÈRE PARTIE : conditions générales de l'équilibre financier
L'article premier est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Panunzi et Pellevat, Mmes Bories et Garriaud-Maylam et MM. Charon et Castelli.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le VI ter de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, le taux est fixé à 45 % pour les versements effectués jusqu'au 31 décembre 2018. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Jean-Jacques Panunzi. - Créés par la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, les fonds d'investissement de proximité (FIP) doivent investir 70 % de leurs actifs pour renforcer les fonds propres ou quasi fonds propres de PME non cotées, à tous les stades de leurs développements.
En 2007, le législateur constatant qu'aucun des FIP levés en quatre ans n'avait choisi d'investir en Corse, a créé le FIP Corse. Ce véhicule devait orienter l'épargne des français et mettre enfin la Corse sur les routes de la finance.
Près de douze ans se sont écoulés : le dispositif s'est avéré fructueux, étant entendu que l'attractivité du FIP Corse repose sur son différentiel de 20 points par rapport aux FIP nationaux.
Les montants collectés, via une quinzaine de fonds gérés par cinq sociétés de gestion différentes, se montent à près de 380 millions d'euros, représentant 2 000 emplois directs en Corse et 7 000 emplois si on y ajoute les emplois induits.
Jusqu'en 2018, les taux de réduction étaient de 38 % pour la souscription d'un FIP Corse contre 18 % pour un FIP finançant les entreprises continentales. Niveler cet avantage à tout le territoire français reviendrait à refaire de la Corse un désert financier.
Pour rester attractif, le FIP Corse doit nécessairement maintenir son différentiel de 20 points par rapport aux FIP nationaux.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je souhaite que ce collectif budgétaire reste exempt de dispositions fiscales. Retrait. M. Panunzi parle d'un taux augmenté, mais il me semble que la Commission européenne ne s'est toujours pas prononcée sur le dispositif Madelin et la mesure n'est pas entrée en vigueur. Le taux est donc toujours de 18 %. Dans quelques jours, je serai heureux de donner un avis sur cet amendement dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cet amendement est intéressant, mais il n'a pas sa place dans le texte, puisque c'est une mesure fiscale. Nous n'aurons, en effet, pas de réponse de la Commission européenne à qui le dispositif Madelin n'avait pas été ratifié avant que notre Gouvernement le fasse.
M. Jean-Jacques Panunzi. - Je retire mon amendement que je présenterai à nouveau pour le projet de loi de finances.
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
ARTICLE 2
M. Éric Bocquet . - Affichage ou création d'un nouveau chapitre réservoir dans notre droit fiscal ? Le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » avait, en 2016, fait l'objet d'une révision à la baisse de 361,6 millions d'euros ; en 2017, de 862,3 millions ; et voici que cette année, ce sont encore 577,6 millions de moins. En trois ans, pas moins d'1,8 milliard d'euro auront été reportés dans le budget général. Si les recettes sont trop fortes, il faut les réduire. Mais cessons de faire de la fiscalité écologique une variable d'ajustement.
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. Raynal et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Claude Raynal. - C'est un amendement d'appel. Le Gouvernement reverse au budget général un surcroît de recettes non prévu de la TICPE. Ne fallait-il pas plutôt augmenter les dépenses en faveur de la transition énergétique ? Les idées ne manquent pas : on aurait pu augmenter les aides incitant à la production d'énergies renouvelables ou la distribution de biométhane, par exemple. L'État devrait parfois prendre des risques pour soutenir des entreprises innovantes. Quelle est la position du Gouvernement sur le sujet ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Le CAS « Transition énergétique » a plus de recettes que de besoins, et le Gouvernement aurait pu amender le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ou donner plus de moyens à la transition énergétique. Mais cela aurait peu de sens de surdoter le compte d'affectation spéciale, qui a une mission très précise - l'article 40 de la Constitution nous empêche d'abonder d'autres missions. Je regrette cependant que les 600 millions d'euros ne soient pas affectés par le Gouvernement à une vraie politique de transition écologique. Retrait ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous n'avons aucun intérêt à garder cet argent dans le compte d'affectation spéciale ou à surpayer les opérateurs. Et dans le fond, je veux attirer votre attention sur un point de portée générale : on ne peut pas affecter toute la fiscalité tout le temps. Comment dire en même temps qu'il faut conserver le même niveau de dépenses pour l'armée et affecter toutes les recettes supplémentaires ? Si toutes les recettes sont affectées, comment couvrira-t-on les besoins dans les secteurs qui n'en dégagent pas et qui n'en sont pourtant pas moins essentiels - par exemple l'école, ou la défense ? Nous, qui connaissons bien les mécanismes budgétaires, ne devrions pas céder à la démagogie.
Les crédits du ministère de l'écologie, ensuite, ne représentent pas tous les moyens engagés pour la transition écologique. Ces crédits ont baissé de 6 % sous le ministère de Mme Royal - ils augmentent d'un milliard d'euros cette année. L'écologie ne se résume pas à la mission Écologie : l'ANAH, l'Ademe, la rénovation des bâtiments de l'État, il y a bien d'autres actions qui participent de notre politique large de transition écologique.
Enfin, il faut parler des externalités négatives. Selon une étude de l'Inserm en 2015, les particules fines coûtent 3 milliards d'euros à la sécurité sociale. Comment les payer ? Idem sur le coût des maladies liées au tabac, qui est loin d'être compensé par la fiscalité sur le tabac - il y aurait ici aussi une différence de trois milliards d'euros.
Monsieur le rapporteur général, vous aurez du mal à défendre qu'il ne faut pas rendre des réserves et qu'il faut affecter toutes les recettes.
Retrait, sinon avis défavorable.
M. Claude Raynal. - Le discours gouvernemental a précisément consisté à dire que les transferts de TICPE devaient financer la transition énergétique... (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, le confirme.) Le Gouvernement aurait pu ne pas dépenser les 600 millions d'euros, mais en réserver une partie pour la transition énergétique, prendre une ou des mesures qui auraient envoyé un signe fort, un message dans cette direction. Il n'est pas question ici de remettre en cause nos grands principes budgétaires.
L'amendement n°4 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Remplacer le nombre :
6 588 671 056
par le nombre :
7 000 000 000
M. Éric Bocquet. - Défendu.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Avis défavorable.
Monsieur le ministre, nous ne réclamons pas de la fiscalité affectée, mais des mesures d'accompagnement de cette fiscalité. L'État aurait pu développer une politique d'accompagnement à la transition écologique comme il l'annonçait. Sortir les fenêtres du CITE est un très mauvais signal. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Christian Cambon. - Bien sûr !
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est complètement contradictoire avec la position de votre parti et de votre groupe à l'Assemblée nationale.
Certains - comme le président de votre formation politique par exemple - pensent qu'il faut arrêter d'augmenter la fiscalité écologique, qu'il faut même supprimer et rembourser la taxe carbone. C'est, au passage, contradictoire avec ce qu'ils ont dit pendant la campagne présidentielle, puisqu'ils proposaient d'augmenter d'un point la TVA pour financer la transition écologique, ce qui est un poids fiscal bien plus considérable.
D'autres, comme le président Woerth, pensent qu'il faut faire une pause cette année et ne revenir à la fiscalité écologique qu'une fois que le cours du baril aura baissé.
Vous nous dites une troisième chose, à savoir qu'il faut des mesures d'accompagnement.
M. Jérôme Bascher. - Ce n'est pas antinomique !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous avons choisi une trajectoire carbone en adéquation avec les engagements de la France depuis Jacques Chirac. Oui, il faut plus de mesures d'accompagnement pour les plus démunis - et le Premier ministre les a annoncées.
Ne caricaturez pas les propos. Pour le moment, l'opposition n'a pas d'alternative à la politique du Gouvernement.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés.
ARTICLE 4
Mme la présidente. - Nous passons au vote de l'article 4, article d'équilibre.
Je vous rappelle que deux votes doivent intervenir : le premier sur l'article d'équilibre, le second sur la première partie du projet de loi de finances rectificative.
Si le Sénat n'adopte pas l'article d'équilibre, il ne pourra pas, sauf demande de seconde délibération portant sur cet article, voter en faveur de la première partie.
En effet, en application de la loi organique relative aux lois de finances, et conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la première partie doit avoir été adoptée « en celles de ses dispositions qui constituent sa raison d'être ». Il en est ainsi de cet article, qui arrête en recettes et en dépenses les données générales de l'équilibre. Il s'agit donc d'un vote de cohérence.
En revanche, si le Sénat adopte l'article d'équilibre, il pourra se prononcer pleinement, pour ou contre, la première partie.
L'article 4 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Monsieur le ministre, demandez-vous une seconde délibération ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Non.
La séance est suspendue quelques instants.
Mme la présidente. - Le Sénat n'ayant pas adopté l'article d'équilibre, puis-je considérer que le Sénat rejette en conséquence la première partie ? (Assentiment)
Le Sénat n'ayant pas adopté la première partie, l'ensemble du projet de loi de finances rectificative est considéré comme rejeté.
Prochaine séance demain, mardi 20 novembre 2018, à 9 h 30.
La séance est levée à 18 h 10.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mardi 20 novembre 2018
Séance publique
À 9 h 30
Présidence : Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
Secrétaires : Mme Jacky Deromedi - Mme Françoise Gatel
1. 36 questions orales.
De 14 h 30 à 15 h 30
Présidence : M. Gérard Larcher, président
Secrétaires : M. Yves Daudigny - Mme Jacky Deromedi - Mme Françoise Gatel
2. Explications de vote des groupes sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2019 (n°106, 2018-2019)
De 15 h 30 à 16 heures
3. Vote solennel par scrutin public sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2019.
Ce scrutin sera organisé en salle des Conférences, avec la possibilité d'une seule délégation de vote par sénateur.
Conformément à l'Instruction générale du Bureau, le délai limite pour la transmission des délégations de vote expire à 13 h 30.
Ces délégations doivent être transmises dans le délai précité à la direction de la Séance (division des dépôts, des publications et des scrutins).
À 16 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, président Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente
4. Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2019.
5. Débat sur la diplomatie climatique de la France à l'aune de la COP24.
6. Explications de vote des groupes sur la proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans (n°132, 2018-2019).
À 21 h 30
Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente
Secrétaires : Mme Jacky Deromedi - Mme Françoise Gatel
7. Débat sur : « Les conditions de mise en oeuvre de l'Accord économique et commercial global (CETA) ».
Composition d'une éventuelle CMP
Les représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2018 sont :
Titulaires : MM. Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier, Dominique de Legge, Jérôme Bascher, Michel Canevet, Claude Raynal, Jean-Claude Requier
Suppléants : MM. Éric Bocquet, Philippe Dallier, Bernard Delcros, Rémi Féraud, Mme Christine Lavarde, MM. Sébastien Meurant, Georges Patient
Nomination au sein d'une commission
M. Jacques Mézard est membre de la commission des lois.