La crise migratoire : quelle gestion européenne ?
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur « La crise migratoire : quelle gestion européenne ? » à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des affaires européennes.
Nous procéderons au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la Conférence des présidents.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La question migratoire est au coeur des difficultés que traverse l'Europe. C'est dire l'importance de ce débat.
L'afflux de réfugiés a des causes bien connues : la pauvreté et l'absence d'espérance d'une vie décente. Les crises politiques et les persécutions infligées par des régimes dictatoriaux ont aggravé ce phénomène. Ainsi, la Syrie, ce pays martyr aux 400 000 morts et 6 millions de réfugiés. La semaine dernière, j'étais au Liban, dans le camp informel d'Azzieh, auprès de réfugiés syriens de la région d'Idlib. Ces familles ont tout perdu : leur maison, leur terre, leurs proches. Elles survivent grâce à la générosité du Liban, grâce au Haut-commissariat aux réfugiés. Elles veulent rentrer chez elles, comment le pourraient-elles ? Souhaitons que le dernier sommet d'Istanbul concrétise enfin un premier pas vers la paix.
Dans le même temps, dans le chaos libyen, ont prospéré des filières de trafic d'êtres humains, qui mêlent réfugiés et migrants et broient des milliers de vies.
L'ampleur de cette crise a mis en cause les principes européens les plus essentiels que sont la solidarité entre États membres et la libre circulation au sein de l'espace Schengen. Depuis trois ans, l'Union a réagi en renforçant les moyens d'action de Frontex et les contrôles aux frontières extérieures. La coopération avec les pays tiers, qui s'illustre dans l'accord passé en 2016 avec la Turquie et se développe depuis le sommet de La Valette de novembre 2015 avec les pays africains et du pourtour méditerranéen, a progressé mais les résultats sont inégaux.
Les flux d'arrivée ont certes diminué de 40 % par rapport à 2017, mais le problème reste devant nous. Les passeurs trouvent de nouvelles routes, telle celle de la Méditerranée occidentale entre le Maroc et l'Espagne, qui longtemps délaissée, représente désormais la moitié des traversées vers l'Union européenne. On constate aussi une remontée des traversées en Méditerranée orientale où nous sommes tributaires de la bonne volonté des autorités turques.
L'Europe, espace de paix et de prospérité, reste attractive. Nous devons aider les pays d'origine et les pays de transit à mieux contrôler leurs frontières et à lutter contre les trafiquants. Le Niger, voilà une réussite, avec 20 % des dépenses budgétaires consacrées à la sécurité, grâce au soutien de la France et de l'Union européenne. En revanche, les plateformes de débarquement, évoquées lors du Conseil européen de juin me laissent sceptiques : on ne peut les imposer.
Il faut mieux encore cibler l'aide publique au développement sur les pays très pauvres, l'éducation et l'agriculture. Enfin, l'accent doit être mis sur l'amélioration de nos politiques de renvoi des migrants déboutés de l'asile : seules 36 % des mesures d'éloignement sont effectuées dans l'Union européenne, 14 % en France seulement ! Il est indispensable d'envoyer un message de fermeté. Nous avons des leviers, en particulier les visas. Ayons le courage d'un dialogue exigeant avec les pays source qui ont, eux aussi, besoin de garder leur jeunesse, c'est-à-dire leur avenir.
Nos concitoyens attendent des réponses fermes du Gouvernement français et de l'Union européenne, ne les décevons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et quelques bancs du groupe UC)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les flux migratoires sont sensiblement moins importants qu'il y a trois ans, même si nous devons rester vigilants sur la route de la Méditerranée occidentale. Et pourtant, jamais les États européens n'ont été aussi divisés sur la manière d'y faire face. Les plus solides sont eux-mêmes confrontés à des tensions politiques internes, on le voit en Allemagne. La crise migratoire a failli emporter Schengen en 2015, l'affaire de l'Aquarius a mis l'Europe à l'épreuve cet été ; la réforme du règlement de Dublin est bloquée, faute de parvenir un accord sur l'équilibre entre responsabilité et solidarité. Néanmoins, seule une action coordonnée au niveau européen peut apporter une réponse globale. Toute option exclusivement nationale est vouée à l'échec, elle sert d'ailleurs souvent des objectifs de politique intérieure.
Depuis le pic de la crise, nous avons progressé. Lors du Conseil européen du 28 juin dernier, les États se sont accordés sur la création de plateformes régionales de déplacement et de centres contrôlés. Si le droit d'asile doit être impérativement respecté, il faut distinguer clairement réfugiés et migrants motivés par des considérations économiques. Les seconds, s'ils sont entrés illégalement dans l'Union, doivent être reconduits dans leurs pays. La commission des affaires européennes l'a réaffirmé dans une proposition de résolution sur les réformes de l'espace Schengen. Le Conseil européen du 18 octobre ne fait plus mention de ces plateformes de débarquement et de ces centres contrôlés. Il est vrai que les pays candidats au sud de la Méditerranée ne sont pas légion... Notre commission a accueilli favorablement les dernières propositions de la Commission européenne. Oui, la question migratoire doit faire l'objet d'une approche intégrée. Je me réjouis de la création d'une task force conjointe au sein d'Europol, une agence qui fait l'objet d'un contrôle politique auquel participent nos collègues Bigot et Joissains.
L'Union européenne ne répondra pas durablement à la crise sans contribuer davantage au développement du continent africain, ce doit être un volet fondamental de la réponse européenne. J'appuie les propos du président Cambon sur le taux de réadmission : 36 % en Europe, c'est insuffisant ; 14 % en France, c'est beaucoup trop faible. Un partenariat avec l'Afrique a été engagé au sommet de La Valette en 2015. Un fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique a été lancé en 2015. Cette réponse de long terme doit être amplifiée. Enfin, quels objectifs vous fixez-vous pour le sommet entre l'Union européenne et la Ligue arabe qui aura lieu en février prochain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Parce que la question des migrations engage nos principes et nos valeurs mais aussi la stabilité de nos sociétés et de nos économies, elle est au coeur de nos préoccupations et de celles de nos partenaires européens. En 2015, 1,8 million de personnes avaient franchi les frontières extérieures de l'Union européenne. Les flux ont beaucoup diminué depuis : 115 400 migrations irrégulières ont été enregistrées entre le 1er janvier et le mois d'octobre de cette année. Les flux restent cependant continus, appelant une politique migratoire solide.
Le plan d'action retenu par le Conseil européen du 28 juin suit une démarche globale qui repose sur trois piliers. D'abord, le renforcement du contrôle des frontières. Les efforts significatifs qui ont été accomplis pour un meilleur contrôle aux frontières extérieures seront amplifiés avec le système d'information Schengen qui a été renforcé, le règlement sur l'interopérabilité, en discussion avec le Parlement européen, le système d'entrées-sorties EES 1 devrait être opérationnel en 2020 et le système d'information et d'autorisation de voyage ETIAS 2 en 2021. Conformément aux demandes du président de la République, l'agence Frontex sera transformée en véritable agence de protection des frontières, forte de 10 000 agents en 2020. Dans la programmation 2021-2027, le programme « Migrations et gestion des frontières » verra ses crédits multipliés par trois.
Ensuite, le renforcement des règles internes. Au printemps 2016, la Commission européenne a proposé de réviser les sept textes qui fondent notre régime d'asile. Les discussions achoppent sur l'équilibre entre solidarité et responsabilité. Deux textes sont encore en discussion au sein du Conseil européen : le règlement Dublin et le règlement Procédures.
En attendant, nous continuons à participer au mécanisme temporaire ad hoc mis en place cet été et travaillons avec nos partenaires à Bruxelles à définir les concepts de centres contrôlés et de plateformes de débarquement auxquelles nous préférerions des arrangements de débarquement. L'approche européenne inclura aussi le volet des migrations légales.
Enfin, le renforcement de notre action extérieure. Il est essentiel de maintenir une coopération étroite avec le sud de la Méditerranée. Les processus de Rabat, Khartoum, La Valette se poursuivent tout comme les échanges bilatéraux. Nous devons encore avancer sur le renforcement capacitaire. Le Maroc et la Tunisie viennent de recevoir 55 millions d'euros de l'Union européenne pour lutter contre les trafics, la France contribue à la formation de leurs garde-côtes. L'expérience nigériane est concluante, la France conduit une action similaire au Sénégal, à Dakar.
Les sanctions prononcées en Libye contre les passeurs au niveau du Comité des sanctions des Nations unies produisent des effets, nous souhaitons un dispositif européen horizontal de même nature. La France prendra toute sa part dans la politique de réinstallation des réfugiés et de retour, c'est la condition sine qua non de l'acceptation de nouveaux réfugiés. Des procédures de réadmission ont été signées avec de nombreux pays - dont un lors de mon déplacement en Côte d'Ivoire dernièrement. Tous les leviers doivent être utilisés, y compris la politique des visas.
Enfin, nous devons renforcer notre politique de développement pour relever les défis démographiques, sécuritaires, économiques et, demain, écologiques. C'est l'objet du fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique, doté de 4 milliards d'euros ou de l'Alliance pour le Sahel souhaitée par le président de la République.
Contrairement à ceux qui ne cherchent qu'à entretenir ces problèmes pour mieux les instrumentaliser, nous agissons pour leur apporter une réponse efficace, digne et respectueuse de nos valeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC ; MM. Richard Yung, Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, et Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, applaudissent également.)
M. Richard Yung . - La question migratoire est au coeur de la vie politique de chaque pays européen - Allemagne, Italie, Suède, et j'en passe. C'est aussi une question européenne à laquelle il n'y a pas de solution nationale.
Pourriez-vous nous en dire davantage sur la révision du règlement Dublin ? Elle fait l'objet de discussions pour le moins animées entre la France, l'Autriche et les autres États membres sur le caractère obligatoire ou non de la solidarité, la notion de « pays tiers sûr » et la réadmission obligatoire ou optionnelle.
Qu'en est-il des centres contrôlés et des plateformes de débarquement ? L'Espagne et l'Italie ne sont pas très enthousiastes, les pays du sud de la Méditerranée n'ont pas montré d'empressement non plus - je l'ai constaté en Tunisie, il y a dix jours. En quoi se distinguent-ils des hotspots de naguère ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - La discussion se poursuit sur le paquet Asile. Une proposition autrichienne vient d'être mise sur la table, qui paraît être une bonne piste pour trouver un consensus.
Nous n'avons jamais donné notre accord pour les plateformes de débarquement dans les États tiers. Faisons plutôt en sorte de responsabiliser les pays du sud de la Méditerranée, qui doivent appliquer le droit de la mer. Nous préférerions des arrangements de débarquement. En Tunisie, où j'étais il y a quelques jours, j'ai abordé cette question franchement avec le Premier ministre Chahed et le président Essebsi.
Les centres contrôlés font consensus. Ils ont été actés au sommet européen de juin. Reste à les mettre en oeuvre.
M. Pierre Laurent . - La gestion de la crise migratoire est calamiteuse et indigne. L'Europe ne traite ni les urgences - 15 000 migrants morts en Méditerranée depuis 2014 - ni les questions d'avenir. Quand la France prendra-t-elle enfin des initiatives sur l'accueil des migrants ? Le discours sécuritaire alimente les peurs, la haine et le racisme ; il pousse vers les Salvini, AfD et autres. Les migrations sont une interpellation sur les conditions d'un développement partagé. Un Pacte mondial sur les migrations est en discussion à l'ONU. La France va-t-elle y participer ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Je ne crois pas m'inscrire dans une logique exclusivement sécuritaire. La France, je l'ai dit, s'est toujours opposée aux centres fermés hors de l'Union européenne. Nous voulons articuler solidarité et responsabilité.
Le Pacte mondial pour les migrations, qui devrait être conclu les 10 et 11 décembre à Marrakech, est une avancée considérable ; c'est une initiative du Mexique et de la Suisse soutenue par la France. Il comprendra un mécanisme de suivi. Son secrétariat sera assuré par l'Organisation internationale pour les migrations avec laquelle nous travaillons au Niger.
M. Jean-Yves Leconte . - La réduction des flux d'arrivées le montre, la coopération européenne n'est pas une contrainte, c'est la solution.
Les tribunaux administratifs de Melun et Pau ont annulé des renvois de demandeurs d'asile vers l'Italie, au vu de la politique menée par ce pays. Cela nous renvoie aux discussions sur la notion de pays sûr. Pour la France, le renvoi vers un pays sûr doit être optionnel. Au vu de l'avis du Conseil d'État du 16 mai, il est de toute façon inenvisageable de renvoyer un migrant vers un pays européen qui le renverrait à son tour vers un pays où il pourrait subir des traitements inhumains et dégradants. Certaines des propositions actuellement sur la table sont contraires à notre Constitution et à nos engagements conventionnels. Il est hors de question de les accepter !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Vous avez raison de mettre l'accent sur la contrainte constitutionnelle liée à la notion de pays tiers sûr. Elle figure au quatrième alinéa du Préambule de 1946 et à l'article 53-1 de la Constitution. La France examine les demandes d'asile de personnes persécutées à cause de leur action en faveur de la liberté mais aussi celles déposées pour d'autres raisons. C'est pourquoi nous tenons à ce que la notion de pays tiers sûr soit d'application facultative tout en encourageant à un rapprochement des régimes nationaux d'asile.
M. Jean-Yves Leconte. - Merci de cette précision. Fondamentalement, est-il possible de poursuivre les discussions européennes si nous ne parvenons pas à faire respecter ces exigences constitutionnelles et conventionnelles, si nous n'avons pas la même conception de l'asile ?
M. Jean-Noël Guérini . - En m'approchant de ce micro, j'avais en tête la célèbre formule de Giuseppe Tomasi di Lampedusa : « Il faut tout changer pour que rien ne change ». Les opinions publiques s'irritent, nous semblons en être toujours au même point. En Italie, en Europe centrale, en Allemagne, sans parler du Brésil, les populistes progressent à pas de géant et les affrontements entre des gouvernements et des ONG mettent en évidence les discordances européennes. Certains pays veulent des quotas, d'autres renforcer les frontières. Après l'échec de Dublin III, la France prendra-t-elle une initiative pour éviter que la question migratoire ne devienne le thème central des prochaines élections ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - En juin, il y a eu, contre toute attente, un accord européen sur un triptyque : renforcement du contrôle des frontières extérieures, des règles internes communes et des actions extérieures. Cet accord a été validé à Salzbourg et lors du Conseil européen d'octobre. La réforme du règlement Dublin prend du temps mais la proposition autrichienne de solidarité obligatoire est intéressante. Un mot, pour finir, sur les élections européennes, je constate un décalage entre les postures et les avancées significatives que nous avons enregistrées au niveau européen.
M. Stéphane Ravier . - Quatre ans après le début de la déferlante, on se demande toujours comment l'Europe, votre Europe, va gérer la crise... La politique, c'est de la sémantique et la sémantique est éloquente : gérer la crise migratoire, c'est déjà l'accepter, au grand dam des peuples qui la refusent.
Le pot de terre enraciné contre le pot de fric mondialisé, avec le réfugié comme marchandise, l'immigré illégal exploité par le patronat, au détriment des peuples... Voilà le tableau. Chaos libyen, syrien, africain sont la responsabilité des gouvernements de Sarkozy, Hollande et Macron et de ceux qui les ont précédés. L'Italie a agi, et les demandes d'asile ont baissé de 70 %. Monsieur le ministre, allez-vous quitter le terrain de l'idéologie pour rejoindre celui de la liberté des peuples ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - M. Salvini s'est fait fort de trouver une entente avec ses voisins, dont la Hongrie. On allait voir ce qu'on allait voir... On n'a rien vu ! Ce ne sont pas des propos de matamore qui régleront la crise. La solution est européenne. Nous sommes passés de plus d'un million de migrants par an à 100 000. C'est un flux que nous devons gérer, je l'assume, de façon sereine, en partenariat avec nos voisins du Sud. C'est difficile, mais je suis convaincu que nous aboutirons à un dispositif satisfaisant.
présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
M. Jean-Marie Bockel . - L'Union européenne est mise à mal par les populismes et nationalismes. Dublin III risque de ne pas aboutir. Le manque de solidarité entre États s'inscrit à rebours de l'équilibre entre respect de nos valeurs et recherche d'une solution équitable. Comment fédérer tous les Européens ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Travailler à 27+1, c'est compliqué mais c'est la seule voie vers une politique migratoire de longue durée. Nous avons trouvé des solutions ad hoc cet été. Je suis optimiste de raison : il n'y a pas d'alternative. La base, ce sont les solutions adoptées en juin, il reste à les appliquer.
M. Jean-Marie Bockel. - J'apprécie le sérieux et la qualité de vos réponses et je partage avec d'autres ici votre engagement européen de longue date.
Dans ce contexte préélectoral, j'apprécie, comme certains pourraient en être tentés, aussi votre position : forcer le clivage entre progressisme et nationalisme n'est pas de bonne politique. Les Français attendent des réponses crédibles, construites.
M. Claude Malhuret . - Le problème des migrations ne se joue pas qu'en Méditerranée. Lorsque les migrants sont en mer, c'est déjà trop tard. La solution réside avant tout dans l'engagement des pays d'origine à lutter contre les causes des migrations : faim, peur et, demain, changement climatique. L'Union européenne en a pris conscience sous l'emprise de l'urgence ; elle a lancé les processus de Rabat et Khartoum, elle a introduit une clause de conditionnalité dans les Accords de Cotonou ; elle a créé le fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique doté de 1,8 milliard d'euros lors du sommet de La Valette en 2015. Mais ce sont des rustines d'efficacité discutables, faute d'évaluation. Le président de la République l'a dit à Ouagadougou : il faut créer là-bas de l'activité économique, du commerce au lieu de remplir les poches des intermédiaires prédateurs. Monsieur le ministre, comment traiter le problème à la racine ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Vous posez bien le problème : passer d'une logique caritative à une logique de co-développement. Cette transition, exprimée à La Valette, a été confirmée à Abidjan l'an dernier.
En Côte d'Ivoire, un hub de formation universitaire a été créé, avec des diplômes communs franco-ivoiriens. L'université franco-sénégalaise a la même ambition. Le but est de fixer sur leur territoire ceux qui sont les mieux formés. Cette logique commence à être comprise par nos partenaires. Il faut assortir ce travail d'un combat vigoureux contre les passeurs.
M. Roger Karoutchi . - Monsieur le ministre, nous voulons une plus grande maîtrise des migrations et, comme vous, nous sommes favorables aux partenariats.
En 2015, l'Europe a été surprise par l'importance des mouvements migratoires. Pour ne plus l'être, nous avons besoin de prospective. Le flux s'est réduit mais la Grèce nous dit qu'Erdogan utilise les 2 millions de migrants accueillis en Turquie comme une arme politique. A-t-on avancé sur ce plan-là ?
Enfin, j'ai lu l'alerte d'intellectuels algériens qui s'inquiètent d'une possible vague d'émigration en cas de reconduite du système politique actuel lors des élections de 2019. La France et l'Europe y ont-elles travaillé ?
M. Christian Cambon, président de la commission. - Très bonne question !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Le triptyque que j'ai mentionné vaut pour toutes les situations de crise. Il convient d'anticiper les fragilités potentielles. Je ne porterai pas de jugement sur la situation algérienne. J'ai reçu hier mon homologue algérien, que je vois tous les ans. Nous entretenons une relation de confiance.
La Turquie accueille 3,6 millions de réfugiés. Elle a un accord avec l'Union européenne, qui doit être respecté. Une première tranche de la facilité pour les réfugiés, de 3 milliards d'euros, a été mobilisée ; la seconde est en cours. Cela a été décidé, même s'il y a eu un moment de flottement en juin.
Nous coopérons avec la Grèce. En me rendant dans les hotspots des îles grecques, j'ai constaté un niveau de saturation préoccupant. Il faut apporter un soutien à la Grèce dans le cadre européen pour favoriser la relocalisation et le traitement de ces personnes. D'autant qu'il y a un risque de migration accrue entre la Turquie, voire entre les côtes syriennes et la Grèce. Nous serons très vigilants sur le respect des engagements - même si la situation s'est améliorée.
M. Roger Karoutchi. - La parole de la France, de l'Europe, est crédible. Mais celle de certains, autour de la Méditerranée, varie en fonction des circonstances et de leurs intérêts. L'Europe doit être forte aussi pour faire respecter les accords, des deux côtés.
M. François-Noël Buffet . - Les flux migratoires irréguliers ont baissé depuis 2015, c'est vrai. Mais ils continuent par l'Espagne, via Ceuta et Melilla. La pression s'accentue sur la frontière, dont le gouvernement espagnol semble vouloir modifier l'organisation. Près de 50 000 personnes sont arrivées en Europe par cette voie. L'Espagne veut préserver sa relation bilatérale avec le Maroc, mais les migrants d'Afrique de l'Ouest francophone souhaitent en réalité venir en France. Les policiers présents à la frontière espagnole le savent bien.
Comment la France agit-elle en Europe pour que l'Espagne ne soit pas seule à gérer ces flux migratoires ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Aujourd'hui, 43 % des flux migratoires en direction de l'Europe viennent par la voie occidentale, c'est effectivement nouveau. Je n'ai pas senti, de la part des autorités espagnoles, de flottement sur l'articulation de nos relations avec le Maroc - au contraire, nous sommes en relation étroite. Nous voulons un partenariat offensif avec le Maroc pour l'aider à sécuriser ses propres frontières, avec un accompagnement technique et financier. Je verrai demain mon homologue marocain sur ce sujet.
La situation est compliquée par le nombre de mineurs non accompagnés, à la dérive, qui passent par les enclaves de Ceuta et Melilla. Je sais les inquiétudes des conseils départementaux, en charge de l'accueil de cette jeunesse particulière. (M. Bruno Sido renchérit.) Les ministres concernés vont prendre des initiatives pour gérer au mieux une situation à la fois indigne et dangereuse. C'est une nouvelle donne à maîtriser...
M. François-Noël Buffet. - Je souhaite que la France et l'Europe aient une relation étroite avec l'Espagne pour qu'elle conserve une politique ferme en la matière.
M. David Assouline . - Depuis le remplacement de l'opération Mare Nostrum par l'opération Triton de Frontex en 2014, l'aide humanitaire aux migrants en mer est passée au second plan, derrière la protection des frontières européennes.
Le sommet de juin 2018 a abouti à une décision baroque : confier à la Libye - pays qui ne respecte pas les droits humains - le sauvetage en mer des migrants qui la fuient !
Faute de mieux, des associations ont pris le relais, dont SOS Méditerranée avec L'Aquarius. Alors que 2 538 migrants sont morts en Méditerranée en 2017 et déjà 1 565 en 2018, L'Aquarius en a sauvé 15 078 en 2017.
Au lieu de saluer l'héroïsme et la générosité de ses bénévoles qui portent haut les valeurs de la République, on bloque le bateau à Marseille : depuis hier, le pavillon panaméen lui a été retiré, sous la pression des populistes européens. La décision devrait entrer en vigueur à minuit. Le confirmez-vous ?
Selon le droit maritime, le bateau serait trop vieux pour prétendre au pavillon français - mais la solution est aussi politique, au sens noble : une dérogation ne peut-elle être accordée pour que l'Aquarius continue ses missions, sous pavillon français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Être humanitaire, ce n'est pas encourager l'immigration irrégulière, inciter les migrants à monter dans les bateaux en caoutchouc des passeurs en espérant être récupérés par une ONG ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
J'ai été en Libye : les camps de réfugiés y sont gérés par les trafiquants que nous combattons, avec l'Union africaine. N'oublions pas les morts du Sahara ! Nous avons organisé des milliers de retours.
La solution passe par le partenariat. Quoi qu'il en soit, l'Aquarius n'a pas déposé de demande de pavillon français.
M. David Assouline. - Si !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - La demande a été faite ailleurs ; vous verrez dans les prochaines heures qui y répond. En tout état de cause, il n'est pas question d'accorder notre pavillon à un bateau qui ne respecterait pas les règles de sécurité que nous imposons à nos flottes. Faire des dérogations sécuritaires pour la sécurité serait un comble !
M. David Assouline. - Je suis très déçu par votre réponse. (M. Roger Karoutchi indique que l'orateur, ayant dépassé son temps de parole, ne devrait pas avoir droit à la parole ; M. Bruno Sido renchérit.) J'ai trente secondes, c'est la règle !
Ma question se limitait à l'aide humanitaire en mer. Les Libyens ne respectent pas les principes fondamentaux de l'Union européenne en matière de droits de l'homme ; il est aberrant de leur confier le sauvetage des réfugiés qui fuient précisément la Libye !
M. Philippe Bonnecarrère . - La question migratoire exige une vision d'ensemble : traitement de la situation dans les pays d'origine et les pays de transfert, gestion des frontières Schengen, centres de contrôle, mesures d'éloignement ou intégration de ceux qui sont éligibles à la protection... Il n'est pas crédible de traiter de tels sujets en deux minutes.
Ma question se bornera donc au droit d'asile et à la nécessité d'éviter les mouvements dits secondaires. Pourquoi est-il si difficile d'harmoniser les pratiques et les systèmes juridiques dans l'Union européenne ? Je ne méconnais pas les difficultés à négocier à 27 ; mais pourquoi notre pays ne parvient-il pas même à signer des accords bilatéraux de reconnaissance mutuelle avec l'Allemagne et le Benelux, par exemple ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - L'un n'empêche pas l'autre. Nous sommes ainsi en discussion avec l'Allemagne pour harmoniser nos procédures. Mais nous devons lever une difficulté : l'Ofpra est indépendant en France, alors que l'asile est géré en Allemagne par le ministère de l'intérieur. L'objectif est d'aligner nos systèmes juridiques.
L'harmonisation des procédures d'asile, proposée par le président de la République, avance. Il est inacceptable que la probabilité d'obtenir l'asile diffère sensiblement entre les pays. Nous sommes déterminés et optimistes.
M. Philippe Bonnecarrère. - L'un n'empêche pas l'autre : cette réponse me satisfait. J'espère que les discussions iront au bout, sans que des difficultés constitutionnelles d'un côté ou de l'autre ne viennent entraver leur application.
M. Dominique de Legge . - Depuis notre dernier débat, le 9 mai, une gestion européenne des migrations peine à se mettre en place.
Certes, il y a eu une prise de conscience, et tous les États membres s'accordent désormais pour lutter contre les passeurs, notamment en Libye, décourager les trafics et les traversées périlleuses. Or les activités illicites de l'Aquarius, surfant sur l'émotion, illustrent notre impuissance. Naviguant au plus près des côtes libyennes, ce bateau sans pavillon suscite les départs, jouant le jeu des passeurs, et met paradoxalement en péril la vie de malheureux.
M. David Assouline. - Quelle honte !
M. Dominique de Legge. - L'article 3 du protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants à la convention des Nations unies est entré en vigueur en 2004. Connaît-on l'origine du financement de ces filières clandestines, pouvons-nous déférer les coupables devant la justice ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - La lutte contre les passeurs est essentielle, même si elle est peu médiatisée - en Libye et ailleurs, comme dans le Sahel : ceux qui provoquent des embarquements et ceux qui accompagnent les migrants à travers le Sahara, traversée souvent mortelle. À Agadez, nous cherchons à les identifier.
Le comité des sanctions des Nations unies a identifié six passeurs à qui nous faisons la guerre - y compris avec les moyens du renseignement. Ils font l'objet d'une pénalisation internationale.
Sur les ONG, je ne partage ni votre avis, ni celui de M. Assouline. Il n'est pas question de les assimiler à des organisations mafieuses.
M. Dominique de Legge. - Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Elles doivent toutefois respecter le droit de la mer. Or le dispositif Search and Rescue (SAR), antérieur à la convention de Montego Bay, dit le droit sur le sauvetage depuis1979. Il y a un centre de coordination et de recherche opérationnelle à Tripoli : les bateaux qui circulent dans cette zone en dépendent. Si les ONG ne respectent pas le droit de la mer, elles doivent être poursuivies. Le capitaine du Lifeline est ainsi poursuivi par les autorités maltaises.
M. David Assouline. - Et le droit humanitaire ?
M. Jacques-Bernard Magner . - Malgré les sommets successifs, les pays européens sont incapables d'adopter une position commune sur l'immigration, qui est à la fois une opportunité et un défi pour l'Europe. La crise des migrants a mis en lumière les faiblesses du système d'asile européen, donnant du souffle aux populismes qui déclinent cinquante nuances de brun en Europe, selon l'expression de la ministre des Affaires européennes.
La France a accueilli plusieurs dizaines de milliers de migrants. Rendons hommage aux maires, aux associations, à l'Agence du service civique qui permet à mille jeunes volontaires d'accompagner les réfugiés dès leur arrivée sur le territoire. Les besoins sont immenses, il faut un système d'asile plus juste, plus simple et efficace. Que proposez-vous pour accélérer la prise en charge des migrants ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Vous dites à la fois que l'Europe n'a pas avancé et qu'il faut se méfier de ceux qui agitent les peurs. Mais dire l'un, c'est encourager les autres ! Hormis sur le règlement de Dublin, l'Europe a progressé : le projet de Bureau européen d'appui en matière d'asile est terminé, tout comme la directive Qualification, le règlement Eurodac ou la directive Accueil. Disons-le !
En matière de droit d'asile, la rapidité de traitement est essentielle. Les moyens de l'Ofpra ont doublé depuis 2013 ; ses délais sont passés de huit mois à cent jours. C'est une condition du respect du droit d'asile.
M. Jean-François Rapin . - Le 3 octobre, Theresa May présentait un projet de loi mettant fin à la libre circulation des Européens au Royaume-Uni. Qu'en est-il des migrants non-européens ? Mme May a fixé comme objectif de réduire le solde migratoire à moins de de 100 000 par an, contre 273 000 en 2016. La gestion de la frontière représentera un coût élevé, notamment pour la région Hauts-de-France.
En attendant le Brexit, le camp de Grande-Synthe a de nouveau été démantelé par les forces de l'ordre pour lutter contre les passeurs.
En janvier, Emmanuel Macron annonçait, à Calais, que les intérêts de la région seraient pleinement pris en considération dans les négociations. Mme Loiseau, elle, estime que les migrations n'étaient pas au coeur des préoccupations des Français. Permettez-moi d'en douter...
Les négociations sur le Brexit prennent-elles bien en compte la crise migratoire entre la France et l'Angleterre ? Quelle est votre position sur les Accords du Touquet ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Le retrait de la Grande-Bretagne de l'Union européenne n'aura pas de conséquences directes par rapport à la situation actuelle, puisqu'elle n'appartient pas à l'espace Schengen.
À Sandhurst, nous avons signé un protocole additionnel aux Accords du Touquet entre la France et la Grande-Bretagne qui prévoit un centre conjoint pour faciliter l'échange d'informations entre nos polices dans la lutte contre les filières, l'accélération du transfert des mineurs isolés vers la Grande-Bretagne et la poursuite d'actions dans les pays d'origine et de transit, comme le Niger. Ces accords demeureront après le Brexit.
L'accord s'accompagne d'un versement britannique pour financer la sécurisation des infrastructures de transport, l'hébergement des plus vulnérables et l'éloignement ; sa mise en oeuvre progresse, même si demeurent encore des campements provisoires.
M. Henri Leroy . - En matière d'immigration, le Gouvernement fait preuve de laxisme. Lors du Conseil européen de juin 2018, les chefs d'État et de Gouvernement ont demandé à la Commission d'étudier l'installation de plateformes régionales de débarquement dans les pays tiers, notamment en Tunisie, au Maroc ou en Albanie. Tous ont catégoriquement refusé une telle coopération. Quelles sont vos armes de négociation pour les y inciter ou les y contraindre ? Les Français attendent des actions concrètes pour endiguer cette immigration incontrôlée et ô combien préoccupante.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Le dispositif de centres contrôlés accélérera les procédures, ce qui favorisera l'intégration des migrants éligibles à la protection et un traitement humain des autres.
Les plateformes de débarquement font effectivement l'objet d'un refus de la part des acteurs pressentis, qui redoutent un transfert de responsabilité. Il faut penser à une autre solution, comme les arrangements de débarquement, idée du HCR et de l'OIM, qui devront être négociés avec les pays concernés.
M. Henri Leroy. - Vous ne poursuivez donc pas le projet des plateformes de débarquement. (M. le ministre le confirme.)
M. François Bonhomme . - Les mineurs isolés sont une préoccupation majeure pour les départements. Ils étaient 5 590 en 2015, 15 000 en 2017. Les dispositifs de protection de l'enfance des départements sont saturés. À l'échelle européenne, 31 000 demandeurs d'asile sont considérés comme des mineurs non accompagnés.
Placés sous la protection de l'aide sociale à l'enfance, ils ne relèvent plus du droit des étrangers. Or nos départements font face à un phénomène croissant de « faux » mineurs. La Commission européenne entend-elle apporter une réponse autre qu'anecdotique à ce phénomène ? À quand une harmonisation des pratiques européennes ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Je connais les préoccupations des départements, le Gouvernement est conscient de l'ampleur du problème. Il y a 63 000 demandes d'asile émanant d'enfants isolés en Europe, cinq fois plus que la moyenne annuelle sur la période 2008-2013. La plupart viennent d'Afghanistan, de Syrie ou d'Irak et sont en situation de détresse. L'Allemagne en compte à elle seule 35 000. Le problème est européen et nécessite une harmonisation des procédures d'identification, d'évaluation de l'âge, de recherche du tuteur, par exemple. Nous y travaillons.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères . - Le débat a montré tout son intérêt. Les différents intervenants se sont fait l'écho des inquiétudes de nos concitoyens, inquiétudes qui peuvent faire l'objet d'une instrumentalisation politique, comme l'ont montré les résultats électoraux en Italie, en Suède ou en Allemagne.
La politique migratoire doit faire l'objet d'une régulation. Le droit d'asile, essentiel, doit être réaffirmé et harmonisé. Rappelons certains États membres à leurs devoirs en la matière.
Il faut, en outre, protéger nos frontières face aux migrations économiques. Nous ne pouvons pas, cela a souvent été dit, accueillir toute la misère du monde... Vous avez évoqué le contrôle aux frontières, la politique des visas. Mais les mesures de protection ne suffiront pas à tarir les migrations. La France doit prendre toute sa part aux combats pour la paix et à l'aide au développement.
Il ne peut y avoir de solution pérenne sans lutte contre la pauvreté, contre l'absence d'espérance dans ces pays que les jeunes fuient, parfois au mépris de leur propre vie - ainsi des 60 % de migrants de l'Aquarius sont en provenance d'un pays pourtant stable. Il faut une politique volontariste d'aide publique au développement. Le président de la République a annoncé une hausse de près d'un milliard, notamment par une politique de dons ; c'est fondamental.
Je félicite le président Bizet pour le travail réalisé par sa commission. Monsieur le ministre, nous serons là pour vous sensibiliser, vous accompagner dans les décisions courageuses, vous encourager à faire bouger les lignes. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE ; Mme Hélène Conway-Mouret applaudit également.)
Prochaine séance demain, mercredi 31 octobre 2018, à 14 h 30.
La séance est levée à 19 h 45.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus