SÉANCE

du mardi 23 octobre 2018

8e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Secrétaires : M. Éric Bocquet, Mme Jacky Deromedi.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle 36 questions orales.

Accueil des mineurs non accompagnés en Haute-Savoie

M. Loïc Hervé .  - Le nombre de mineurs non accompagnés confiés au département de la Haute-Savoie a augmenté de plus de 240 % entre 2015 et 2018 ; 25 % d'entre eux sont placés sous la responsabilité du département sur les 305 recensés en Haute-Savoie, plus de la moitié sont des grands adolescents et 90 % sont des garçons.

Malgré la mobilisation du réseau hôtelier et de familles, les hébergements sont saturés. Le personnel d'accueil, majoritairement féminin, est épuisé. Le Gouvernement envisage-t-il un plan d'urgence ? Malgré un budget exceptionnel de 10 millions d'euros en 2018, le département n'a plus les moyens suffisants pour assurer sa responsabilité dans des conditions dignes. Quelles compensations financières envisagez-vous pour faire face aux coûts de cet accueil ? Des réponses doivent être apportées tant sur les plans social, économique, judiciaire, pour répondre aux failles de notre dispositif actuel.

L'avenir de ces enfants mérite une politique migratoire juste et réalisable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Ce sujet est extrêmement difficile tant pour les départements que pour l'État. Le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) croît. Entre le 1er janvier et le 5 octobre 2018, 12 200 mineurs non accompagnés ont été confiés aux conseils départementaux contre 10 162 en 2017. Le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge a augmenté de 30 % entre 2016 et 2017.

Par communiqué de presse du 17 mai 2018, l'Assemblée des départements de France (ADF) a accepté les propositions de l'État accroissant les moyens consacrés à l'accueil et à l'évaluation de la minorité. À compter du 1er janvier prochain, chaque évaluation sera financée à hauteur de 500 euros et chaque mise à l'abri à hauteur de 90 euros par jour pendant quatorze jours puis de 20 euros du quinzième au vingt-troisième jour.

Le Gouvernement a accordé un financement exceptionnel aux départements à hauteur de 30 % du coût des frais de prise en charge du nombre de MNA supplémentaires accueillis au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016. Le montant a été fixé par un arrêté du 23 juillet 2018. La Haute-Savoie sera indemnisée à hauteur de 900 000 euros pour un total national de 132 millions.

L'article 51 de la loi du 10 décembre 2018 pour une immigration maîtrisée prévoit la possibilité de relevés d'empreintes digitales qui feront l'objet d'un traitement automatisé. Enfin, un travail interministériel sur un référentiel d'évaluation est en cours pour éviter les contestations qui conduisent à une nouvelle évaluation.

M. Loïc Hervé.  - Merci pour les décisions ponctuelles prises. J'attire aussi votre attention sur la nécessaire coopération entre les départements et la police de l'air et des frontières. Je souhaite une harmonisation nationale à ce sujet.

Mineurs non accompagnés

Mme Corinne Imbert .  - L'arrivée massive de jeunes étrangers cherchant à être reconnus comme mineurs non accompagnés est devenue une problématique importante dans nos départements. Sur le seul département de la Charente-Maritime, on note une multiplication par 25 du nombre de demandeurs en quatre ans. Nous assistons à des phénomènes de changement d'identité et de nomadisme dont le seul but pour ces jeunes est de trouver un département qui leur accordera le statut de mineur non accompagné. Une initiative sénatoriale a permis, dans le cadre du projet de loi Asile et Immigration, de répondre aux attentes des services départementaux chargés de l'évaluation des jeunes en permettant la création d'un fichier biométrique qui permettra de lutter contre le nomadisme et évitera à d'autres services départementaux de nouvelles évaluations.

Quel est le calendrier de la mise en place de ce fichier biométrique ? Quand paraîtra le décret en Conseil d'État visant à définir les modalités d'application de l'article 51 de la loi pour une immigration maîtrisée ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La question de l'évaluation de la minorité est essentielle. Les services de l'État sont confrontés à deux types de situation : celle de mineurs non accompagnés évalués comme tels par un département d'arrivée et ensuite orientés vers un autre département, qui peut vouloir réévaluer la minorité en raison de nouveaux éléments portés à sa connaissance. Il y a d'autre part la situation de personnes évaluées majeures et qui se présentent dans un autre département en modifiant leur identité pour obtenir une nouvelle évaluation. Ces deux situations engendrent des coûts importants et les services d'accueil sont saturés.

Le fichier biométrique fiabilisera les évaluations et permettra d'orienter de façon définitive les personnes qui se présenteront. Il sera consultable par les préfectures à la demande des conseils départementaux et sa mise en place est prévue pour le 2 janvier 2019, après un décret en Conseil d'État portant application de l'article 51 de la loi précitée.

Mme Corinne Imbert.  - Le Gouvernement a conscience des difficultés auxquelles les départements sont confrontés. Aujourd'hui, dans notre département, nous voyons arriver ces jeunes d'Espagne avec une facilité déconcertante. Je me permets d'insister sur l'urgence de la situation. Je me félicite de la création du fichier biométrique utilisable dès l'année prochaine.

Les services d'évaluation des conseils départementaux sont surchargés, ils n'en peuvent plus, surtout quand la Cour de cassation casse l'arrêt rendu par une cour d'appel qui, selon elle, ne pouvait retenir l'évaluation sociale des services du département pour fonder sa décision. En Charente-Maritime, nous travaillons bien avec les services de l'État, un protocole sur les MNA vient d'être signé entre le président du Conseil départemental et le préfet et c'est une bonne chose.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Corinne Imbert.  - Ce sujet est sensible car il touche à l'humain mais il faut faire, en même temps, un vrai travail de fond sur les filières qui, elles, sont loin d'avoir une approche humanitaire.

Vente aux enchères publiques judiciaires par voie électronique

M. Michel Vaspart .  - Ma question vous est adressée, madame la ministre, en l'absence du ministre de l'économie.

Les ventes aux enchères publiques volontaires peuvent, aux termes des articles L. 321-3 et suivants du code de commerce, être réalisées uniquement par voie électronique. Pour les ventes aux enchères publiques judiciaires, les lieux dans lesquels les commissaires-priseurs ou huissiers de justice sont habilités à les organiser sont limitativement énumérés pour chaque type de vente, par la loi ou le règlement, et la voie électronique n'en fait pas partie. Cela bloque totalement les ventes aux enchères des navires et bateaux de plaisance abandonnés chez des professionnels. En effet, depuis la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue - article 54 -, une vente aux enchères publiques peut être ordonnée par un juge, après un délai d'un an d'abandon. Ce dispositif n'est malheureusement pas mis en oeuvre à ce jour car la logistique et les coûts d'organisation de ventes publiques physiques sont beaucoup trop importants par rapport à la valeur des navires concernés. Seules des ventes en ligne sont possibles pour ces biens à la taille exceptionnelle.

Une ordonnance du tribunal d'instance de Saint-Nazaire du 3 mai 2017 avait ainsi habilité un commissaire-priseur à réaliser par voie électronique une vente aux enchères d'un bateau abandonné, mais celui-ci a toutefois refusé d'y procéder, estimant qu'il n'y était pas autorisé par la loi.

Ce flou juridique est préjudiciable car il paralyse les transactions. Je souhaiterais que vous puissiez m'indiquer si les ventes aux enchères judiciaires peuvent être réalisées par voie électronique, ce qui permettrait au dispositif d'entrer en vigueur immédiatement. Si tel n'était pas le cas, il serait urgent d'envisager une évolution législative : est-elle envisagée par le gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La profession de commissaire-priseur est sous ma responsabilité : c'est donc de plein droit que je vous réponds.

La vente judiciaire aux enchères publiques des engins flottants a été rendue possible par l'article 54 de la loi du 20 juin 2016 sur l'économie bleue. L'article 2 de la loi du 31 décembre 1903 sur la vente des objets abandonnés dispose que l'ordonnance du juge qui autorise la vente fixe le jour, l'heure et le lieu de la vente et désigne l'officier public qui procèdera à cette vente. Les ventes judiciaires de meubles aux enchères publiques ne peuvent, en l'état, être pratiquées de manière dématérialisée.

Toutefois, les officiers ministériels qui sont autorisés à pratiquer ces ventes peuvent avoir recours à des plateformes dématérialisées pour faire la publicité de leurs ventes ou pour procéder à des ventes filmées diffusées en direct via ces plateformes.

Enfin, une réflexion sur la dématérialisation totale des ventes de meubles aux enchères judiciaires est engagée au sein de mon ministère, avec toutes les parties prenantes. Mme Henriette Chaubon et M. Édouard de Lamaze me rendront d'ici une quinzaine de jours un rapport sur le sujet.

M. Michel Vaspart.  - Je suis satisfait de constater que le ministère y travaille.

Funérailles des personnes décédées à l'étranger

M. Éric Bocquet .  - Le rapatriement des corps des ressortissants français décédés à l'étranger se fait dans un cercueil en zinc hermétiquement clos, pour des raisons d'hygiène, de santé publique et de prévention des trafics illicites. Ceci découle de l'application de l'arrangement de Berlin et de l'accord de Strasbourg sur le rapatriement des corps.

Or ces cercueils en zinc ne peuvent pas être incinérés, car ils risqueraient d'endommager les crématoriums. Une incinération impliquerait un changement de cercueil et donc l'ouverture du premier cercueil en zinc. Or, selon le code général des collectivités territoriales, la fermeture du cercueil est définitive, le code pénal prévoyant de lourdes sanctions en cas de changement de cercueil, qui constituerait une violation de sépulture.

Les familles se voient contraintes d'inhumer leur proche décédé, ne pouvant ainsi respecter les dernières volontés du défunt, ce qui va à l'encontre d'un droit fondamental, celui du libre choix pour chacun d'organiser ses funérailles.

Seul le procureur de la République peut déroger à cette règle, à titre exceptionnel, en permettant l'ouverture du cercueil.

Cette difficulté juridique a été étudiée par la doctrine, qui préconise de donner la compétence au juge d'instance, qui pourrait rendre une décision rapide sur le changement de cercueil, et ainsi permettre de procéder aux funérailles du défunt dans les six jours suivant le retour du corps sur le sol français.

Dans le département du Nord, frontalier sur toute sa longueur avec la Belgique, cette situation a d'autant plus de probabilité de se présenter que le flux de travailleurs transfrontaliers est important.

Toutefois, outre les accords bilatéraux qui pourraient être conclus avec les pays frontaliers, la question concerne l'ensemble des Français résidant à l'étranger, dont le nombre est en constante augmentation, sans compter les déplacements touristiques et professionnels de nos concitoyens.

Le développement de la crémation, que les Français choisissent de plus en plus nombreux pour leurs obsèques, mériterait qu'une réponse légale soit apportée à cette problématique.

Quelles solutions pourraient être apportées pour faire évoluer la réglementation en la matière ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Les prescriptions techniques applicables aux cercueils utilisés pour le rapatriement des corps des ressortissants français décédés à l'étranger sont issues de l'article 3 de l'arrangement de Berlin de 1937 et de l'article 6 de l'accord de Strasbourg de 1973. Ces deux conventions internationales prévoient l'utilisation d'un cercueil hermétique métallique, plus spécifiquement en zinc. De tels cercueils sont en effet incompatibles avec la plupart des appareils de crémation utilisés en France, alors que l'article R. 2213-20 du code général des collectivités territoriales considère la fermeture d'un cercueil comme définitive une fois les formalités légales et réglementaires accomplies.

Ainsi, de retour sur le territoire français, la translation d'un cercueil en zinc à un cercueil en bois qui permettrait la crémation n'est pas autorisée sauf à constituer une violation de sépulture, infraction lourdement sanctionnée par le code pénal. Si l'attention des services du ministère de l'intérieur est régulièrement appelée sur cette difficulté relative aux cercueils en provenance de l'étranger, ni la compétence du préfet ni celle du maire n'est fondée pour autoriser la réouverture d'un cercueil. Seul le procureur de la République, dans le cadre d'une procédure judiciaire, voire le juge d'instance, dans certains cas exceptionnels, peuvent autoriser la réouverture d'un cercueil.

Dans le cas de transports transfrontaliers, les pays signataires des conventions sont libres d'accorder des facilités plus grandes par application d'accords bilatéraux, raison pour laquelle la France et l'Espagne ont signé en 2017 une convention relative au transport de corps par voie terrestre n'obligeant plus au recours de cercueil hermétique métallique. En collaboration avec le ministère des affaires étrangères et le ministère de la santé, une convention bilatérale est également en cours de finalisation avec la Belgique. L'enjeu principal de la signature de l'accord franco-belge est également le transport de corps par voie terrestre n'obligeant plus au recours de cercueil hermétique métallique.

Ces accords permettront de satisfaire les dernières volontés des défunts et de réduire les coûts associés aux funérailles pour les familles. Le Conseil national des opérations funéraires a par ailleurs été saisi de ce sujet ; des études juridiques ont ainsi été engagées quant à l'évolution possible des textes en la matière.

M. Éric Bocquet.  - Merci.

Avenir des sapeurs-pompiers volontaires

M. Cédric Perrin .  - Le 29 septembre, à Bourg-en-Bresse, un engagement de M. Gérard Collomb était salué par les applaudissements nourris des sapeurs-pompiers réunis pour leur congrès annuel. Le ministre venait de confirmer la modification de la directive de 2003 - dite DETT - afin d' « assurer la pérennité du statut de sapeur-pompier volontaire ».

Quelques jours plus tôt, mes collègues Catherine Troendlé et Olivier Cigolotti envoyaient au président de la Commission européenne une motion appelant à préserver l'engagement volontaire des sapeurs-pompiers et donc, à rejeter la reconnaissance des volontaires en tant que « travailleurs » au sens de cette fameuse directive. Nous sommes 252 sénateurs à avoir cosigné cette motion.

L'ampleur de la mobilisation témoigne de la gravité des risques encourus. Assimiler le sapeur-pompier volontaire à un travailleur, c'est remettre en cause la pérennité de notre système de secours.

Quelles solutions concrètes le Gouvernement va-t-il mettre en oeuvre pour traduire la promesse de votre prédécesseur et préserver le volontariat du sapeur-pompier ?

Conformément à la demande formulée par notre assemblée, plaidez-vous auprès des instances européennes en faveur d'une directive spécifique aux forces de sécurité et de secours d'urgence ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La sécurité civile française repose sur un modèle qui montre chaque jour sa pertinence et sa robustesse. Par son organisation et son implantation territoriale cohérente, notre modèle permet aussi bien de faire face aux accidents du quotidien, que d'affronter les crises exceptionnelles. Ce modèle, garant de la pérennité de la mission des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, doit être conforté.

Dans son arrêt du 21 février 2018, la Cour de justice de l'Union européenne souligne que les États membres ne peuvent déroger, à l'égard de certaines catégories de sapeurs-pompiers recrutés par les services publics d'incendie, aux obligations découlant de la directive du 4 novembre 2003, qui traite de certains aspects de l'aménagement du temps de travail et de période de repos. La Cour ajoute que le temps de garde qu'un travailleur est contraint de passer à domicile avec l'obligation de répondre aux appels de son employeur dans un délai de 8 minutes doit être considéré comme du temps de travail. La Cour rappelle que le facteur déterminant pour la qualification de temps de travail est le fait que le travailleur est contraint d'être physiquement présent sur le lieu déterminé par l'employeur, et de s'y tenir à la disposition de ce dernier. Je suis très attentif aux conséquences potentielles de l'application en France de cette jurisprudence, s'agissant notamment du risque de désorganisation et du surcoût potentiel induit pour les services d'incendie et de secours. C'est pourquoi l'étude des impacts réels pour ces services est en cours par les services compétents du ministère de l'intérieur, en lien avec le Secrétariat général aux affaires européennes -  SGAE -. Le rapport de la mission Volontariat, remis le 23 mai dernier, suggère d'exempter le volontariat de toute application de la directive du 4 novembre 2003. En effet, je ne peux accepter une remise en cause de notre modèle qui repose sur l'engagement de femmes et d'hommes, sapeurs-pompiers volontaires. Afin de pérenniser et sécuriser juridiquement les principes à la base de l'organisation nationale du volontariat, nous proposerons une initiative européenne pour garantir que les volontaires puissent continuer à concilier librement leur engagement et leur activité professionnelle.

Le président de la République et le Gouvernement continueront à valoriser notre modèle de sécurité civile et, avec lui, le volontariat, et à en faire une vitrine et une référence dans les coopérations européenne et internationale conduites par la France.

M. Cédric Perrin.  - Votre réponse me satisfait. L'application de cette directive serait catastrophique pour l'organisation de nos secours. Il faudrait recruter 20 000 pompiers professionnels, ce qui est absolument impossible.

Région Grand Est

M. Jean Louis Masson .  - La région Grand Est est plus grande que la Belgique, ou que les trois länder voisins réunis. Elle est éloignée du terrain et ne correspond à aucune solidarité locale. À l'exception d'élus qui profitent du système pour des raisons politiques ou par intérêt personnel, nous regrettons tous l'absence de gestion de proximité ; les Alsaciens réclament une région Alsace de plein exercice.

Le président Macron est conscient de cette réalité mais il refuse de revenir sur le découpage régional ; c'est une fin de non-recevoir. Et il prétend dialoguer... Il propose un mirage dans le but de gagner du temps : même si les deux départements fusionnaient, ils ne récupéreraient que quelques miettes de compétences et leur maintien dans la région Grand Est ne règlerait pas la démesure territoriale de celle-ci. Les huit autres départements ne pourraient en outre pas accepter que l'Alsace bénéficie d'un régime préférentiel tout en restant dans la région.

Près de 83 % des Alsaciens veulent pourtant une région de plein exercice ou à statut dérogatoire comme la Corse, mais le président fait semblant de ne pas voir, tout en donnant des leçons de démocratie à la Hongrie, la Pologne ou l'Italie. Qu'il soit lui-même exemplaire, qu'il accepte donc un référendum sur une région Alsace hors du Grand Est !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Je vous prie d'excuser ma collègue Jacqueline Gourault, qui n'a pu venir au Sénat ce matin.

La région Grand Est est issue de la fusion des régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne. La taille de la région engendrerait, selon vous, une absence de gestion de proximité. Vous évoquez les aspirations de certains Alsaciens qui souhaiteraient le rétablissement d'une région Alsace séparée du reste de la région Grand Est, et me demandez d'accepter l'organisation d'un référendum sur ce sujet.

Le Gouvernement a démontré toute l'attention qu'il porte aux aspirations des Alsaciens. Le Premier ministre a ainsi adressé en janvier une lettre de mission au préfet de la région Grand Est, lui demandant d'évaluer dans un rapport différentes hypothèses institutionnelles pour l'avenir des deux départements alsaciens, dans le cadre de la région Grand Est. Parmi ces hypothèses, se trouve celle de la fusion des deux départements existants. Ce rapport a été publié le 7 août 2018 et a permis d'engager des travaux de concertation qui sont en cours.

Une réflexion est actuellement menée sur une éventuelle fusion des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, recouvrant les limites territoriales de l'ancienne région Alsace. Cette fusion pourrait s'accompagner de compétences spécifiques et supplémentaires qui pourraient être confiées à la nouvelle collectivité, notamment dans le cadre de la différenciation prévue dans le projet de loi constitutionnelle.

Le Gouvernement n'envisage pas d'organiser un référendum sur la recréation de la région Alsace. En effet, les limites territoriales de cette région ont été fixées il y a tout juste deux ans et demi, et le président de la République s'est engagé à maintenir la stabilité pour les collectivités locales.

Si des élus alsaciens soulignent la réalité du « désir d'Alsace » exprimé par la population, certains d'entre eux ne souhaitent pas un affaiblissement de la région Grand Est, qui a fait la preuve de son efficacité. De plus, les compétences confiées aux régions portent sur la planification ou la gestion de grandes infrastructures, plutôt que sur des sujets nécessitant une gestion de proximité proprement dite, qui relèvent davantage des départements ou du bloc communal.

M. Jean Louis Masson.  - C'est de l'enfumage ! Les élus trompent leurs électeurs, tel le président de la région Grand Est, jadis favorable à la pétition qui avait réuni 50 000 signatures, mais qui est maintenant comme un rat dans un fromage !

Règles en matière de sécurité incendie

M. Hervé Maurey .  - En 2011, la réforme de la défense incendie a été initiée avec l'adoption de la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Cette loi a modifié le niveau de fixation des règles - autrefois national, désormais départemental - afin qu'elles soient au plus proche des réalités locales. Cette réforme allait donc dans le bon sens. Malheureusement, dans un certain nombre de départements, le règlement adopté et son application ne sont pas adaptés à la réalité des communes rurales.

Ainsi, dans l'Eure, la distance requise entre les bouches à incendie et les habitations est de 200 mètres pour les zones peu denses. Cette règle est de surcroît appliquée avec grande rigueur puisque des certificats d'urbanisme sont refusés pour des distances à peine supérieures à 200 mètres y compris pour un simple agrandissement ou une piscine.

Dans de nombreuses communes rurales, toutes les demandes de certificat d'urbanisme sont refusées, interdisant de fait toute nouvelle construction. Cette règle est d'autant plus préjudiciable que son respect nécessite des investissements très onéreux et parfois même techniquement impossibles. Ainsi, l'installation de bouches à incendie se heurte souvent à une insuffisance des débits des réseaux d'eau. Or ceux-ci, dans la plupart des cas, ne sont pas gérés par la commune mais par des syndicats peu enclins à ce type d'investissements d'autant que l'augmentation du diamètre des tuyaux qui permettrait d'améliorer les débits est de nature à créer des phénomènes de turbidité affectant la qualité de l'eau. Quant à l'installation de réserve d'eau, généralement très coûteuse pour une petite commune, elle n'est pas toujours possible pour des questions d'emprises foncières.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour remédier à cette situation très préoccupante pour de nombreux maires ruraux ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - L'efficacité des opérations de lutte contre les incendies dépend de l'adéquation entre les besoins en eau et les ressources disponibles. La défense extérieure contre l'incendie (DECI), placée sous l'autorité du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale, a pour objet d'assurer l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours. II s'agit d'un appui indispensable pour permettre aux sapeurs-pompiers d'intervenir rapidement, efficacement et dans des conditions optimales de sécurité. La réforme de la DECI, conduite en 2015, instaure une approche novatrice : la DECI ne répond plus à une norme nationale, mais relève d'un règlement départemental élaboré par le préfet. L'objectif est double : une concertation renforcée avec les collectivités et une plus grande souplesse dans la définition et dans l'application des mesures au plus près de la réalité du terrain.

Pour le département de l'Eure, le règlement départemental, arrêté en mars 2017 après concertation avec les élus au sein d'un comité des partenaires, a fixé à 200 mètres, la distance séparant un point d'eau d'un bâtiment classé en risque d'incendie faible.

J'ai conscience que cette réglementation, nécessaire pour garantir une lutte efficace et rapide contre les incendies, peut parfois être contraignante dans certaines communes rurales. Si vous estimez qu'une disposition essentielle de ce règlement n'est pas raisonnablement applicable et qu'elle peut emporter des conséquences négatives pour les communes, comme le refus de certificats d'urbanisme, ce règlement peut évoluer, par le biais de nouveaux échanges avec les partenaires et selon les procédures applicables.

Enfin, la DECI ne doit pas altérer la qualité sanitaire de l'eau distribuée, ni conduire à des dépenses excessives au regard du dimensionnement des canalisations. Si le réseau d'eau potable ne permet pas d'obtenir le débit nécessaire à la DECI, d'autres ressources sont utilisables.

M. Hervé Maurey.  - Le règlement est très strict et appliqué avec une rigueur excessive. Les maires sont porteurs, dit le président de la République, de la « République du quotidien » ; commençons par alléger le leur !

Lutte contre les réseaux de proxénétisme

Mme Annick Billon .  - Avec la loi du 13 avril 2016 sur la lutte contre le système prostitutionnel et l'accompagnement des personnes prostituées, la France a affiché sa position abolitionniste et a reconnu la prostitution comme une violence. Près de deux ans après sa promulgation, les effets de la loi sont d'ores et déjà visibles : les personnes prostituées ne sont plus poursuivies, plusieurs centaines de clients ont été pénalisés et des commissions départementales de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains ont été mises en place sur une partie du territoire.

Ces commissions départementales constituent aujourd'hui un levier de coordination entre les différents acteurs concernés et favorisent la mise en oeuvre au niveau local d'une politique d'accompagnement des victimes vers un parcours de sortie du système prostitutionnel. Avec leur mise en place, c'est donc l'application d'un nouveau volet fondamental de la loi. Un pas vers l'objectif d'une société plus égalitaire est franchi.

Depuis 2017, une douzaine de départements ont commencé à mettre en place ces commissions. Toutefois, les freins sont encore nombreux et l'état d'avancement de la loi n'est pas le même partout. Ainsi, beaucoup de commissions attendent encore le feu vert des préfets.

Par ailleurs, les associations qui accompagnent les personnes prostituées regrettent une baisse de leurs subventions ce qui les freine pour mener à bien leurs missions. La lutte contre le système prostitutionnel ne pourra se faire qu'avec les aides de l'État.

Dans quels délais le territoire national sera doté de commissions départementales de lutte contre la prostitution et quels crédits seront alloués aux associations agréées qui accompagnent les victimes dans leur parcours de sortie ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La France s'est dotée depuis de nombreuses années d'un arsenal juridique particulièrement sévère et dissuasif pour lutter contre le proxénétisme et la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle et contre les réseaux criminels qui les organisent. Les forces de l'ordre sont impliquées pour lutter contre ce phénomène sous toutes ses formes. Leur action a permis le démantèlement par les services de police et de gendarmerie de 50 réseaux de proxénétisme aggravé depuis le début de l'année et la mise en cause de près de 650 personnes.

Ces actions doivent nécessairement s'accompagner d'un volet social et préventif. Les pouvoirs publics s'investissent activement, aux côtés des associations concernées, dans la prévention et l'assistance à l'égard des personnes en danger de prostitution ou se livrant à la prostitution.

La loi du 13 avril 2016 a créé un parcours de sortie de la prostitution, prévoyant des commissions départementales chargées de mettre en oeuvre une protection et formuler des avis sur les propositions de parcours de sortie déposées par les associations agréées.

En juin 2018, 33 commissions départementales avaient été installées mais seules 18 avaient déjà examiné des demandes ; et 23 commissions supplémentaires devraient être installées d'ici la fin 2018. À cette date, 80 associations avaient été agréées ; 77 parcours de sortie ont à ce jour été autorisés par les préfectures.

Soyez assurée de l'engagement du Gouvernement en faveur de la relance du dispositif, notamment en intervenant auprès des préfets pour un déploiement dans les meilleurs délais.

Mme Annick Billon.  - On entend beaucoup d'annonces en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes ou aux LGBT, mais concrètement, les associations subissent des baisses drastiques de moyens.

Surveillance des plages

M. Max Brisson .  - Outre le sauvetage et la surveillance des bains, les MNS-CRS ont pour fonction de faire de la plage un lieu sécurisé. Ils ont sauvé 1 600 personnes en 2017, constaté 600 infractions maritimes, dressé 800 contraventions et mis 231 personnes à disposition de la police. Ils font un travail de police de proximité sur les plages. Armés depuis 2016, ils sont primo-intervenants en cas d'attaque terroriste. Ils ont donc une mission régalienne.

Or, en 2018, ils ne sont plus que 297, répartis dans 62 communes, contre plus de 600 l'année d'avant, dans 101 communes. Leur maintien - au minimum - est indispensable. C'est seulement en décembre 2017 que l'on a su quels seraient les effectifs et la répartition pour l'été 2018.

Pouvez-vous confirmer le plus tôt possible s'ils seront déployés en 2019 ? Allez-vous mettre en place une démarche pluriannuelle et conventionnelle avec les collectivités territoriales pour leur donner de la visibilité ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le ministère de l'intérieur est très attentif à la sécurité sur les lieux de vacances. Chaque année, des renforts saisonniers de gendarmes et policiers sont déployés - leur nombre en 2019 sera le même qu'en 2018.

La surveillance des plages, qui relève des maires, est distincte de la sécurité des biens et personnes, mission des forces de l'ordre. Si des nageurs-sauveteurs des CRS participent à ce dispositif, il ne s'agit pas d'une obligation légale de l'État. Ils ne sont pas chargés du maintien de l'ordre. C'est pourquoi leur nombre a été progressivement réduit depuis 2008.

Nous réfléchissons de manière concentrée à un dispositif global de sécurisation des sites touristiques, et nous espérons compter sur les réflexions des associations d'élus locaux.

M. Max Brisson.  - Certaines grandes plages sont des lieux de rassemblement très importants ; l'État doit prendre sa place dans leur sécurisation.

Renouvellement des concessions hydroélectriques du Cantal

Mme Josiane Costes .  - Le département du Cantal produit une quantité importante d'électricité d'origine hydraulique, du fait de son réseau hydrographique et de son relief.

Or l'absence de décision de l'État quant au renouvellement des concessions du Cantal a interrompu le versement des redevances aux collectivités territoriales. Le manque à gagner s'élèverait ainsi à 2 millions d'euros par an soit, depuis 2013, 10 millions d'euros pour le conseil départemental du Cantal, auxquels il convient d'ajouter 5 millions d'euros non perçus par les communes et établissements publics de coopération intercommunale riverains.

L'hydroélectrique est la première source d'électricité renouvelable. Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce dossier ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - M. de Rugy et moi-même sommes très attachés à l'hydroélectricité, deuxième source de production d'électricité après le nucléaire, première source renouvelable. En octobre 2015, la Commission européenne a adressé une mise en demeure à la France car elle considère que les modalités du renouvellement des concessions hydroélectriques renforcent la position dominante de l'opérateur historique.

Le Gouvernement ne s'en satisfait pas, met en avant les enjeux économiques, écologiques, sociaux, de la gestion de l'eau et défend une application équilibrée de la loi de transition énergétique.

En France, le régime concessif permet de garantir un contrôle fort de l'État ; le Gouvernement se prépare à la mise en concurrence des concessions échues mais refuse que EDF soit écarté de la procédure. En attendant, la fiscalité actuelle s'applique. Le Gouvernement est prêt à prévoir une redevance supplémentaire, via un amendement sénatorial.

Mme Josiane Costes.  - Les collectivités territoriales ne sont pas satisfaites du flou de la situation. Nous attendons des réponses précises et rapides. L'État est toujours prompt à percevoir son dû auprès des collectivités locales, celles-ci souhaiteraient que la réciproque se vérifie !

Électrification de la ligne P du réseau transilien

M. Arnaud de Belenet .  - L'électrification de la ligne P du transilien sur le trajet Paris-Troyes fait l'objet de controverses : pour les collectivités territoriales, l'État ne tient pas ses engagements. Celui-ci répond qu'il s'est engagé à verser les 40 millions d'euros prévus en 2020. Pouvez-vous nous confirmer cet engagement de manière formelle ?

Le second volet de ma question porte sur le tronçon La Ferté-Milon, oublié de tous. Quand il fait chaud les rails se dilatent, s'il fait froid les moteurs sont grippés, en automne les feuilles mortes s'accumulent, et dans tous ces cas, les trains ne roulent plus ! On compte une rame arrêtée par jour ; or la ligne voit sa fréquentation augmenter. Il y a là un vrai enjeu.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Borne.

Le projet d'électrification de la ligne Paris-Troyes a fait l'objet d'un protocole de financement en 2016 : l'État s'est engagé à en financer 40 %. L'inscription de la première phase d'électrification, entre Gretz et Nogent-sur-Seine, dans les contrats de plan des régions Île-de-France et Grand Est 2015-2020 a confirmé cet engagement. Néanmoins, compte tenu du contexte budgétaire contraint et de la volonté des partenaires d'accélérer la première phase, des difficultés sont apparues pour programmer la participation de l'État, 43 millions, en 2018. Celui-ci ne se désengage pas pour autant. Un accord avec les co-financeurs a été trouvé ; ceux-ci ont accepté un portage pour que les travaux soient assurés dès octobre 2018. C'est une solution pragmatique, au bénéfice des usagers de la ligne Paris-Troyes et des Franciliens.

Cadencement des TGV en Auvergne-Rhône-Alpes

Mme Martine Berthet .  - Ma question porte sur le cadencement des trains à grande vitesse (TGV) en Auvergne-Rhône-Alpes et notamment de la ligne Chambéry-Paris.

En effet, des changements et suppressions de desserte de plusieurs communes de la région seront effectifs dès 2019. Outre des diminutions de cadence sur les liaisons Paris-Saint-Exupéry et Paris-Grenoble, l'offre reliant Paris à Chambéry et Annecy comptera deux allers-retours quotidiens de moins. Une baisse de capacité de 10 % est à craindre.

La ville de Chambéry et toute la Savoie pâtiraient de la suppression du train de 6 h 25 à destination de Paris et du train retour de 18 h 45. Ces suppressions toucheraient fortement les travailleurs et ralentiraient inévitablement l'activité et l'attractivité du département. Ces TGV correspondent aux besoins des actifs. Le train de 8 h 25 est très souvent complet et correspond moins aux besoins pour les déplacements d'affaires. Une telle suppression serait difficilement compréhensible, sans parler des recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou de l'emploi induit par l'activité économique de la Savoie.

Madame la ministre, merci de lever les doutes sur les TGV du matin et sur les engagements de la SNCF en faveur du désenclavement des zones éloignées des centres de décision.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - À compter de 2019 et jusqu'en 2023, le pôle d'échanges multimodal (PEMM) de Lyon Part-Dieu connaîtra des travaux importants, ce qui nécessitera la fermeture de deux voies sur onze. Cette contrainte touchera toutes les liaisons du Sud-Est. D'où la réorganisation d'ensemble de l'offre dans le Sud-Est et le passage à cinq allers-retours quotidiens Paris-Chambéry, contre sept actuellement.

En compensation, SNCF-Mobilités remplacera les rames actuelles par des rames à deux niveaux, soit une réduction des capacités ramenée à 10 %. En outre, le 6 h 25 sera maintenu, pour une arrivée à Paris à 9 h 15. SNCF l'a du reste confirmé aux élus.

Mme Martine Berthet.  - La diminution de la capacité globale est regrettable, même si les rames sont plus modernes. De plus, envoyer les voyageurs à Lyon-Saint-Exupéry faute de cadencement suffisant est nocif pour l'environnement.

Avenir des ports de la Seine maritime en cas de Brexit « dur »

M. Didier Marie .  - Dans le cadre de la préparation du Brexit et dans l'hypothèse d'un Brexit dur, la Commission européenne prévoit de redessiner les routes maritimes européennes afin de créer de nouvelles liaisons maritimes entre l'Irlande et le continent européen. Elle a adopté une proposition de règlement adaptant le corridor maritime entre la mer du Nord et la Méditerranée en reliant l'Irlande aux ports néerlandais et belges de Rotterdam, Zeebrugge et Anvers.

Ce projet omet totalement les ports français, pourtant plus proches : le port du Havre traite 23 conteneurs à l'heure, contre 16 pour Rotterdam. La Commission a invoqué ses craintes d'une congestion douanière, et la simplicité de la solution belgo-néerlandaise, car des services maritimes internationaux réguliers fonctionnent déjà.

Or la Commission européenne doit fournir un cadre propice à la libre concurrence et à un accès équitable aux différents marchés. Les flux commerciaux entre l'Irlande et l'Europe continentale représentent plus de 80 milliards d'euros. En privilégiant ces ports, la Commission européenne risque de priver nos infrastructures de trafics importants et de fonds européens pour leur développement.

Le Gouvernement a annoncé avoir défendu l'inscription de l'ensemble des ports français concernés dans ces nouveaux tracés ; les négociations seraient en bonne voie pour ceux de Calais et Dunkerque. Qu'en est-il pour les ports de l'Haropa, groupement d'intérêt économique des ports du Havre, de Rouen et de Paris, et pour Dieppe ? Ils ont avec l'Angleterre un lien de fret fort qui risque d'être mis à mal. Une reconnexion de ces ports au nouveau corridor mer du Nord-Méditerranée apparaît clairement nécessaire.

Dans l'hypothèse d'un retrait sans accord du Royaume-Uni de l'Union européenne, un projet de loi d'habilitation a été présenté en Conseil des ministres, qui autorise le Gouvernement à adopter les mesures idoines par ordonnances. Il sera discuté prochainement au Sénat et comporte quelque 200 mesures.

Je souhaite néanmoins savoir ce que prévoit le Gouvernement pour armer les services administratifs afin qu'ils soient en mesure de contrôler - douane et contrôles phytosanitaires - les flux en provenance de Grande-Bretagne. Compte tenu des modifications de trafic, des aménagements portuaires vont par ailleurs s'avérer nécessaires.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La fluidité du trafic transmanche est bien sûr une priorité. La France s'est donc opposée au tracé présenté par la Commission européenne pour le corridor maritime entre la mer du Nord et la Méditerranée, car il ne fait pas référence aux ports français.

Nous oeuvrons pour qu'un lien explicite entre l'Irlande et les ports de Calais et Dunkerque soit rétabli rapidement. Nous plaidons en outre pour que les fonds européens puissent être sollicités pour les autres ports français.

Le Gouvernement prévoit le recrutement de 700 douaniers d'ici 2020 ; 250 l'ont déjà été, 350 le seront bientôt. S'y ajouteront 40 personnes au ministère de l'agriculture.

Les aménagements nécessaires pour les contrôles doivent être réalisés, parkings, zones de sécurité, etc. Leur nature dépendra du type d'accord finalement signé.

Le Premier ministre a également nommé un coordonnateur interministériel national : M. Vincent Pourquery de Boisserin.

Nous plaidons pour un fonds Brexit, destiné à aider les territoires les plus touchés par les surcoûts.

Pérennisation du fonds européen d'aide aux plus démunis

M. Éric Kerrouche .  - Dans toute l'Union européenne, 120 millions de personnes sont touchées par la pauvreté, soit un quart de la population. L'aide du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) est indispensable pour continuer à accueillir les personnes victimes de la précarité de façon inconditionnelle et pour amorcer un accompagnement plus durable de celles-ci vers l'accès aux droits. Ainsi, en 2015, grâce au FEAD, 4,8 millions de personnes ont été aidées en France.

Au-delà de ce bilan chiffré, les effets indirects du FEAD sont nombreux : coûts évités pour la société en termes de prévention des situations d'urgence humanitaire, sociale ou sanitaire ; effet de levier important pour l'ensemble des politiques publiques européennes ; soutien de millions de bénévoles et volontaires dans toute l'Europe.

Parmi les différents types de soutien mis en oeuvre au moyen du FEAD, l'aide alimentaire revêt une importance toute particulière et répond à une double exigence : elle est une aide d'urgence inconditionnelle sans laquelle des dizaines de millions d'Européens connaîtraient de nouveau la faim ; elle permet également d'accompagner les personnes, et de susciter le partage et l'échange entre celui qui aide et celui qui a besoin.

Le FEAD permet de construire une stratégie d'aide alimentaire diversifiée, basée sur les besoins des personnes, leur liberté de choix et leur équilibre nutritionnel. Il offre aux associations une visibilité pluriannuelle et garantit la stabilité de leurs approvisionnements.

C'est également un dispositif de lutte contre le gaspillage alimentaire, avec la récupération d'invendus.

Il convient donc de réaffirmer la véritable complémentarité entre le FEAD et le Fonds social européen (FSE). Le FEAD est absolument indispensable à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion en Europe. Le fonds doit pour cela être ambitieux, universaliste et autonome. La logique d'employabilité ne peut suffire. Quelle est la position du Gouvernement ? Où en sont les discussions sur sa pérennisation et sur son autonomie ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Le FEAD est fondamental pour l'Europe sociale, vous l'avez bien dit. Il est doté de 3,8 milliards pour 2014-2020. Un repas sur quatre fourni par Les Restos du coeur est financé ainsi.

Demain, le FSE+ sera doté de 101 milliards et il intégrera le FEAD actuel. L'aide aux plus démunis fera l'objet d'une programmation spéciale au sein du FSE+. C'est rassurant : l'aide alimentaire demeure considérée comme un objectif de l'Union européenne, sous réserve de préciser les modalités de gestion et le détail de cette programmation. Reste à convaincre tous les partenaires de la valeur ajoutée d'un tel programme, car certains États membres considèrent qu'il relève d'enjeux locaux.

Le ministère aura à coeur de défendre la pérennisation de la lutte contre la précarité alimentaire ; car c'est aussi cela, l'Europe qui protège.

M. Éric Kerrouche.  - Le fonds est essentiel car il concerne les plus démunis. J'espère que les politiques nationales ne désarmeront pas.

Carte mobilité inclusion

Mme Jocelyne Guidez .  - Depuis la mise en oeuvre de la carte mobilité inclusion (CMI), de nombreuses familles rencontrent des difficultés, en particulier avec la sous-mention « besoin d'accompagnement ». C'est notamment le cas de parents ayant un enfant atteint du syndrome de Rett... L'association attend toujours une réponse du ministère à son courrier. Ce droit est strictement encadré par l'article R. 241-12-1 du code de l'action sociale et des familles - je vous fais grâce de sa lecture.

Cette sous-mention atteste de la nécessité pour la personne handicapée d'être accompagnée dans ses déplacements. Toutefois, le premier et le deuxième complément de l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ne permettent pas de l'obtenir. L'enfant dont les parents ont choisi de bénéficier de l'élément « aides humaines » de la prestation de compensation du handicap, annulant ainsi son droit au complément AEEH, ne peut également la faire figurer sur la carte. Comment dire aux parents d'un enfant polyhandicapé qu'il n'a pas droit à une aide au transport ? En outre, il n'est pas normal que l'attribution d'une aide financière soit liée à la reconnaissance d'une aide humaine.

Je voudrais vous interpeller sur le cas de Marine, dont le taux d'incapacité est de 80 % et à laquelle on a pourtant refusé la sous-mention.

Le taux d'invalidité supérieur ou égal à 80 % devrait être l'unique critère d'attribution, comme c'est le cas actuellement pour l'octroi de la mention « invalidité ».

Dans injustice, il y a « justice »...

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Depuis le 1er janvier 2017, la CMI se substitue progressivement aux autres cartes. Cette substitution, engagée par le précédent gouvernement, se fait à droit constant : les sous-mentions ne sont pas modifiées. Les enfants bénéficiant de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ne peuvent bénéficier de l'accompagnement.

Cela est complexe, prête à confusion et ne correspond pas exactement aux besoins des uns et des autres. C'est que la PCH a été conçue pour les adultes. Une réflexion d'ensemble s'impose. La prochaine conférence nationale du handicap 2018-2019 ouvrira le chantier de l'amélioration des aides pour les enfants handicapés, et le comité interministériel de jeudi prochain en amorcera la préparation : vous pouvez compter sur moi pour traiter ce point.

Mme Jocelyne Guidez.  - Merci pour ces précisions.

Reste à charge du handicap

M. Michel Raison .  - Ma question porte sur le financement de matériels coûteux pour les familles d'enfants handicapés. J'ai été alerté par la situation d'un jeune garçon handicapé dont les parents ne peuvent financer le reste à charge - tout de même 8 000 euros ! - de son fauteuil électrique verticalisateur, qui coûte 35 000 à 37 000 euros.

L'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles dispose que « chaque maison départementale des personnes handicapées gère un fonds départemental de compensation du handicap chargé d'accorder des aides financières destinées à permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge ».

Il est ainsi prévu que ce reste à charge ne peut excéder 10 % des ressources personnelles du bénéficiaire nettes d'impôts dans des conditions définies par décret. Or ce décret d'application n'a jamais été publié.

Dans un arrêt du 24 février 2016, le Conseil d'État a pourtant enjoint au Premier ministre de publier le décret d'application dans le délai de neuf mois sous astreinte de 100 euros par jour à l'encontre de l'État au-delà de cette échéance, soit à partir de novembre 2016...

Un autre décret a été pris sur les biotopes et habitats naturels après une telle décision de justice : les mesures en faveur des enfants handicapés seraient-elles une obligation moins impérieuse ? Quel est l'état d'avancement de la rédaction du décret et que compte faire le Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - En effet, le 24 février 2016, le Conseil d'État a enjoint le Gouvernement de prendre le décret d'application de la loi de 2005. Toutefois, si ce texte réglementaire n'a pas été rédigé, c'est qu'il pose de grandes difficultés juridiques, la loi présentant des contradictions, entre le niveau maximum du reste à charge et le plafonnement de l'aide complémentaire, entre l'abondement du fonds sur une base volontaire et une dépense obligatoire.

Un rapport de l'IGAS a confirmé l'impossibilité de prendre un décret sur le fondement légal actuel et propose de modifier la loi.

La proposition du député Philippe Berta comporte des dispositions résolvant les contradictions, ainsi qu'une expérimentation de trois ans pour tester la faisabilité d'un niveau maximum légal de reste à charge - il faut en mesurer l'impact sur les maisons départementales de personnes (MDPH) et pour les principaux financeurs.

La proposition de Philippe Berta a été adoptée le 17 mai à l'Assemblée nationale, reste à l'inscrire à ordre du jour du Sénat...

M. Michel Raison.  - J'allais suggérer une proposition de loi. Je suis prêt à travailler sur celle que vous mentionnez si elle répond à mes attentes.

Exonération pour l'emploi de travailleurs saisonniers

Mme Nathalie Delattre .  - Ma question porte sur l'avenir du dispositif d'exonération pour l'emploi de travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi agricoles, le TO-DE.

Vous souteniez récemment, monsieur le ministre, alors que vous siégiez sur les bancs du groupe RDSE, que le financement de ce dispositif, l'allègement général de charges envisagé parallèlement à la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité, entraînerait une chute de revenus et menacerait gravement notre petite agriculture et notre viticulture. Avec 1,40 euro de l'heure en plus par salarié au SMIC, le manque à gagner serait de 15 000 euros par an, pour les quelque 900 000 personnes concernées...

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été présenté depuis sans modification, malgré les engagements pris ici et là par le Gouvernement.

Face à cette promesse non tenue, une majorité de nos collègues députés ont voté un amendement rétablissant le TO-DE, contre l'avis du Gouvernement.

Quelle sortie de crise prévoyez-vous ? Les agriculteurs connaissent votre engagement et attendent beaucoup de vous, monsieur le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je suis très heureux de venir au Sénat pour ma première intervention au Parlement. La suppression du TO-DE s'inscrit dans le projet de la baisse des charges et de la fin du CICE. La réforme agricole, de son côté, appréhende mieux la variabilité des revenus agricoles et la loi issue des États généraux de l'alimentation vise à plus de revenus pour les agriculteurs. De même, des mesures améliorent la trésorerie des exploitations agricoles, en particulier des changements dans les modalités de remboursement.

Si ce paquet agricole est positif, le sujet du TO-DE demeure. Le Premier ministre a entendu les agriculteurs. C'est pourquoi, il m'a chargé d'une proposition de compromis. J'ai déposé un amendement en ce sens au projet de loi de financement de la sécurité sociale, examiné demain à l'Assemblée nationale pour monter à 1,1 SMIC le taux d'exonération maximale.

Mme Nathalie Delattre.  - Nous écouterons avec grand intérêt les débats à l'Assemblée nationale. Même avec 1,1 SMIC, il manque de l'argent.

Avenir des sections d'études pour jeunes sapeurs-pompiers

M. Jean-Yves Roux .  - Quelque 197 000 sapeurs-pompiers sont des volontaires, soit 79 % des effectifs.

Alors que la fonction connaît des difficultés de recrutement, Mme Troendlé a préconisé, dans un rapport remis en juin au ministère de l'Intérieur, 43 mesures pour diversifier les recrutements de sapeurs-pompiers volontaires.

Cette ambition, monsieur le ministre, se heurte parfois à l'épreuve des faits. Aujourd'hui, des sections de jeunes sapeurs-pompiers volontaires ne peuvent accueillir tous les candidats souhaitant s'engager. De bons éléments, motivés, ne trouvent pas à proximité de leur domicile de formations adaptées pour leur permettre de devenir sapeur-pompier volontaire, alors que les besoins sont bien présents.

La formation et la valorisation des parcours variés sont une solution. Nombre de jeunes ne trouvent pas de formation appropriée pour s'engager.

Des sections études de jeunes sapeurs-pompiers, au collège, proposent ainsi un enseignement optionnel de trois heures supplémentaires, comprenant deux heures d'enseignement théorique et une heure d'éducation physique et sportive. Cet enseignement prépare également à des formations de secourisme ainsi qu'au brevet national de sapeur-pompier.

Monsieur le ministre, connaissant les difficultés de recrutement des sapeurs-pompiers volontaires, ne faut-il pas généraliser ces sections études, au moins dans chaque département ?

On pourrait envisager des formations spécialisées en fonction des risques, comme les feux de forêt dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Qu'en pensez-vous et que comptez-vous faire pour aller dans ce sens ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Les jeunes sapeurs-pompiers volontaires constituent un élément clé du maillage du territoire. Cet engagement participe à la transmission aux élèves de l'ensemble des valeurs républicaines, de l'engagement, de la solidarité.

Le décret du 4 mai 2012 a valorisé l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. En 2015, les ministres de l'Éducation nationale et de l'Intérieur ont signé deux conventions-cadres pour, notamment, développer l'engagement citoyen en qualité de jeune sapeur-pompier et valoriser ce parcours dans les établissements scolaires.

Les sections spécialisées constituent un vivier important qui pérennisent le modèle français de secours. Les jeunes peuvent valoriser leur engagement à l'occasion du passage du brevet.

L'enseignement professionnel et l'enseignement supérieur les prennent en compte également. Le Service national universel (SNU) favorisera aussi le développement de ces unités.

Fermeture des centres d'information et d'orientation

M. Joël Bigot .  - Les centres d'information et d'orientation (CIO) sont des centres d'accompagnement professionnel et personnalisé gratuits qui offrent un service et une information de qualité reconnus tant par les futurs actifs que leur famille. Leur suppression prochaine constitue une aubaine pour les officines privées du coaching scolaire.

Il serait dommage de voir à nouveau un service public supprimé d'un trait de plume par la seule volonté du Gouvernement. Ce serait une très mauvaise nouvelle pour les communes qui ont beaucoup investi dans leur CIO et réussi à en faire un lieu-ressource attractif et apprécié des habitants. Les animateurs de ces centres, les psychologues de l'Éducation nationale, rédacteurs et agents techniques administratifs y réalisent un travail remarquable.

C'est le cas à Saumur, dont le conseil municipal a formulé à l'unanimité un voeu contre la fermeture du CIO. Le centre représente un outil adapté pour l'ensemble de la communauté d'agglomération mais aussi pour des communes plus lointaines ; il a réalisé sur cette année scolaire des centaines d'entretiens personnalisés, a répondu à des milliers de demandes de renseignements. L'efficience de ce service public ne peut être niée.

Les CIO sont des lieux neutres par rapport à l'école, qui accueillent des élèves du public et du privé mais aussi des adultes et des élèves allophones nouvellement arrivés. Une fermeture sèche annihilerait des années de travail.

Quels sont les perspectives d'évolution des CIO et les projets du Gouvernement en la matière ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Face aux difficultés récurrentes de notre système d'orientation, nous avons décidé d'une véritable réforme. Si le système fonctionnait, cela se saurait.

Il ne s'agit nullement de supprimer l'orientation mais d'avoir une vision plus globale, dans un continuum du collège à l'enseignement supérieur. La réforme du bac s'inscrit dans cette démarche et nous tenons compte de la réforme territoriale engagée par le gouvernement précédent. Nous souhaitons nous appuyer davantage sur les régions, qui prennent en charge l'information sur les métiers et la formation, au plus près de l'économie.

L'action d'orientation sera, elle, recentrée sur les établissements pour une proximité accrue. L'évolution du maillage des CIO est nécessaire, en concertation avec les régions, en conservant au minimum un centre par département. L'évolution se fera sans brutalité, au cas par cas. Dans le Maine-et-Loire, après le désengagement du département en 2015, c'est l'État qui a repris les trois CIO de Cholet, Saumur et Angers. Seul le CIO d'État de Segré, où exerçaient trois psychologues de l'éducation nationale, a été fermé et transformé par la collectivité territoriale en point d'accueil.

Cet exemple, qui vous concerne directement, témoigne de la volonté du Gouvernement de conserver un maillage territorial équilibré, répondant aux enjeux pédagogiques et tenant compte du contexte local pour assurer un service public de qualité.

Nécessaire revalorisation salariale des professeurs des écoles

M. Olivier Paccaud .  - L'enseignement est une vocation pour la plupart de ceux qui transmettent le savoir et se chargent de l'élévation intellectuelle de nos enfants. Ce travail est un trésor, disait La Fontaine, mais il faut aussi une rémunération juste.

L'Éducation nationale manque de professeurs. Le recrutement se heurte parfois au faible nombre de candidats. N'oublions pas, non plus, un nombre non négligeable de démissions.

Le manque de reconnaissance explique en partie la désaffection pour le métier d'enseignant mais pas seulement. L'aspect salarial ne doit ainsi pas être minoré. Il suffit de comparer les grilles salariales des enseignants français avec celles de nos voisins. En moyenne, un enseignant français gagne trois fois moins qu'un luxembourgeois, moitié moins qu'un allemand, un quart de moins qu'un finlandais ou hollandais. En outre, les perspectives de progression ne sont guère engageantes pour les futurs enseignants. Quand on sait qu'un professeur des écoles avec 20 ans d'ancienneté et un niveau bac +5 ne touche que 2 200 euros par mois, on comprend mieux la désaffection pour les carrières d'enseignant.

Les premières mesures annoncées comme l'augmentation de 1 000 euros par an de salaire des nouvelles recrues vont dans le bon sens.

Comptez-vous mettre en place une vraie politique de rattrapage salarial indispensable pour rendre ce noble métier à nouveau attractif ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - La revalorisation et l'attractivité du métier d'enseignant sont des chantiers prioritaires.

Les stagiaires, vous l'avez mentionné, entrent dans la carrière avec une rémunération progressivement revalorisée, de 1 000 euros par an. Un professeur des écoles pourra terminer sa carrière entre 50 000 et 54 600 euros bruts par an. L'augmentation du pouvoir d'achat est programmée.

Dans le cadre du renforcement de l'attractivité des carrières, nous créons un troisième grade, la classe exceptionnelle, et y intégrons davantage de professeurs des écoles, jusqu'à 15,1 % d'une classe en 2019, contre 13,2% cette année - l'objectif étant d'approcher les 17 % du second degré.

Les premiers effets se mesurent déjà. Le nombre de candidats au concours de professeurs des écoles entre 2016 et 2018 a augmenté de 7 %. Je travaille avec sérénité et confiance avec le personnel de l'Éducation nationale, dont l'actualité nous rappelle les difficultés très concrètes.

M. Olivier Paccaud.  - Les professeurs des écoles ne bénéficient pas, comme leurs collègues du second degré, d'heures supplémentaires, par exemple pour préparer les évaluations, ce qui est un problème.

Substances indésirables dans les fournitures scolaires

Mme Françoise Férat .  - Ma question porte sur la présence de substances indésirables, des substances cancérogènes et des allergisants dans les fournitures scolaires, comme une association de défense des consommateurs l'a relevé.

Sur 52 produits testés, 19 d'entre eux, soit plus du tiers de l'échantillon, contiennent des composés inquiétants : des phtalates perturbateurs endocriniens dans des crayons de couleur et dans des crayons de papier, du formaldéhyde irritant dans un stick de colle, des impuretés cancérogènes, des conservateurs ou des parfums allergisants dans des encres. Autant de substances nocives qui peuvent se retrouver dans l'estomac des enfants qui mordillent leurs stylos. Or la réglementation est vague, contrairement à ce qui existe pour les jouets.

Face à ces constats, l'association avait demandé au Gouvernement, ainsi qu'à la Commission européenne, de renforcer la réglementation communautaire en définissant des obligations applicables aux fournitures scolaires prenant en compte la sensibilité des jeunes consommateurs. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il en la matière ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Ce sujet de santé est très important. Le ministère de l'Éducation nationale applique le plan national santé environnement (PNSE), dont la quatrième mouture sera appliquée dès 2019.

Nous oeuvrons pour réduire l'exposition de la population aux substances toxiques : une page dédiée a été créée sur Eduscol pour tous les professionnels, avec l'appui de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur. Le ministère suit de près les actions locales sur les fournitures. Le site Eduscol renverra donc aux informations publiées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) en concertation avec les acteurs.

Mon ministère oeuvre pour un achat raisonné, par exemple en valorisant l'initiative « Mon cartable sain et durable », dispositif d'information et de sensibilisation initié en Gironde. Nous appuyons les acheteurs publics pour des achats durables et soutenons l'établissement de listes de fournitures raisonnables en qualité et en coût - à travers l'inter-réseau national « Commande publique et développement durable », lancé en 2005.

Mme Françoise Férat.  - Ce sujet nous interpelle au quotidien. Il faut des réponses concrètes et rapides, au-delà de l'information, monsieur le ministre : soyons très vigilants !

Mise en place de concertations avec les élus sur la question de l'avenir des classes

M. Henri Cabanel .  - Les informations divulguées en amont d'une fermeture de classe scolaire en milieu rural suscitent très souvent une légitime inquiétude. Les conséquences sont souvent lourdes et peuvent conduire les parents à envisager des temps de parcours beaucoup plus longs pour leurs enfants. Les parents, les élus et le personnel se mobilisent, parfois pour faire évoluer les critères, parfois pour les contester - et il arrive que la décision finale infirme les informations initiales, pour le plus grand bonheur de tous. Pour autant, des angoisses ont été vécues et beaucoup d'énergie a été dépensée qui aurait pu l'être ailleurs. Le soulagement n'efface pas toujours le sentiment d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la classe ou de l'école. Ce sentiment alimente également la défiance contre l'État que les démagogues ne manquent jamais d'attiser.

Il serait beaucoup plus productif que les services de l'État sollicitent les mairies en amont pour connaître leur appréciation des évolutions démographiques et discuter de la crédibilité de ces appréciations avec elles avant tout projet de fermer une classe. Envisagez-vous d'aller dans ce sens ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je suis en accord profond avec vos propos. Depuis des décennies, la méthode d'annonce est défaillante : on annonce parfois de fausses mauvaises nouvelles, vous l'avez dit. Mais, sur le fond, notre méthode est sérieuse, fondée sur des connaissances précises. Je cherche, sur ce sujet, à concilier l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse - en distinguant fermeture de classes, qui répond souvent à des considérations démographiques, et d'école - chose plus complexe.

Parmi les outils, nous disposons des conventions ruralité départementales, dans la logique promue par le sénateur Alain Duran. Les soixante-six départements ruraux devront être couverts ; pour l'heure, cinquante conventions ont été signées, qui offrent une vision stratégique pour rendre le territoire attractif - parfois, pas toujours, en regroupant les écoles.

La mission Inégalités et territoires, que j'ai lancée il y a trois semaines et confiée à l'inspectrice Ariane Azéma et au professeur Pierre Mathiot, contribuera à cette réflexion pour trouver, avec les élus locaux, de nouvelles modalités de pilotage de proximité.

M. Henri Cabanel.  - Le milieu rural est hétérogène. Dans l'Hérault, les campagnes sont très paupérisées, et l'école est le service public essentiel. Il faudrait davantage de cas par cas, pourquoi pas en se servant de la loi Confiance dans l'action politique pour améliorer le dialogue avec les maires.

Harmonisation de la couverture en fibre optique

M. Jean-Pierre Vial .  - Depuis bientôt quinze ans, la couverture numérique du territoire est un enjeu de tous les gouvernements pour mettre la France à la hauteur des infrastructures nécessaires à la société numérique et éviter le décrochage des territoires ruraux.

Une fois encore la réalité met à l'épreuve les discours, les promesses et les ambitions affichées.

Alors que la France s'est battue pendant des années à Bruxelles pour faire reconnaître le principe de l'exception française dit « du timbre-poste » qui permet de mutualiser le coût d'un service par la contribution de tous, elle a décidé d'y déroger elle-même, sous la sollicitation, il est vrai, des opérateurs.

Ceux-ci ont préempté les zones urbaines les plus densément peuplées, constituant ainsi les « zones AMII » qui sont tout simplement les principales agglomérations soit, pour la Savoie : Chambéry-Aix-les-Bains et Albertville.

Les collectivités, malgré la complexité, la lourdeur et les difficultés politiques et administratives, se réforment plus vite que la prétendue révolution numérique.

Des communes rurales ont été contraintes de se regrouper avec des agglomérations, en perdant en même temps les avantages consentis aux territoires ruraux.

Depuis, lors de la conférence des territoires du 14 décembre 2017, le Gouvernement a annoncé la création du dispositif d'appel à manifestation d'engagements locaux (AMEL) visant à accélérer la couverture en fibre optique des territoires ruraux.

La moindre des cohérences c'est, quel que soit l'opérateur, qu'il soit de zone AMII ou AMEL, d'éviter une fracture supplémentaire au sein d'une même collectivité - pour la Savoie, les territoires de Chautagne, de l'Albannais, des Bauges, du Beaufortain et du Val d'Arly, au regard aujourd'hui de leur collectivité de rattachement : Grand Lac, Grand Chambéry et Arlysère.

En effet, l'État, dans son rôle de garant de l'aménagement du territoire et de gardien de l'égalité de tous devant les services et politiques publics, se doit d'agir pour une identité de services effective et de calendrier, en imposant aux opérateurs une desserte cohérente de zones « AMII », dans le respect des limites territoriales de leur collectivité.

Quels sont les engagements du Gouvernement au service de ces objectifs ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Avoir accès au très haut débit et à une couverture numérique de qualité est un enjeu majeur d'attractivité. Dans les zones d'initiative privée, les opérateurs se sont engagés à couvrir 3 600 communes et 13 millions de locaux.

Dans votre département, 42 communes bénéficieront ainsi de la fibre optique déployée par Orange d'ici à 2020.

Pour les zones d'initiative publique, l'État confirme le soutien des collectivités territoriales et a sécurisé une enveloppe de 3,3 milliards d'euros. Cette enveloppe a notamment permis de soutenir les projets portés par les collectivités territoriales pour le déploiement de plus de 11 millions de prises en fibre optique. Certaines collectivités territoriales, comme la Savoie, ont eu recours au privé en complément.

La Haute-Savoie est dans une situation singulière, c'est la première collectivité territoriale à avoir résilié sa délégation de service public (DSP). Quoi qu'il en soit, le dispositif AMEL enrichit la boîte à outils des collectivités territoriales pour trouver le meilleur équilibre entre initiative publique et privée.

M. Jean-Pierre Vial.  - Le département a été contraint de mettre un terme à la DSP ! Les principes sont toujours louables, mais la réalité des territoires ruraux ne change guère. Monsieur le ministre, les territoires ruraux ont droit à la même qualité de service que les territoires urbains.

Situation financière des collectivités territoriales

M. Alain Marc .  - La suppression de la taxe d'habitation impose une compensation nécessaire s'élevant à plus de 26 milliards d'euros à l'horizon 2020, dont 10 milliards ne sont pas encore financés à ce jour.

De nombreux élus s'inquiètent des conséquences prévisibles de cette mesure sur la capacité des petites communes rurales de continuer à assurer leurs missions de service public de proximité, pourtant essentielles à la population. En effet, ces territoires ruraux souffrent déjà d'une baisse conséquente des dotations de l'État depuis de nombreuses années, ainsi que du déséquilibre de ces mécanismes de dotations, puisque la dotation globale de fonctionnement (DGF) par habitant des communes rurales est deux fois inférieure à celle des communes urbaines.

Face aux contraintes financières et budgétaires qui se renforcent, les petites communes éprouvent sans cesse davantage de difficultés à soutenir leurs tissus économiques locaux, eux aussi fortement affaiblis et durement affectés par la désertification croissante des territoires ruraux.

Couvrant les deux tiers de notre territoire et représentant 22 millions d'habitants, les communes rurales ne peuvent être abandonnées. La campagne de stigmatisation autour du hashtag #BalanceTonMaire est très mal vécue par les élus, qui n'ont fait que prendre leurs responsabilités. Je regrette que l'État s'isole des territoires ruraux.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin de soutenir les communes rurales et préserver leurs capacités d'investissement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Les territoires ruraux sont une chance pour notre pays. Les montants répartis de la DGF - 27 milliards d'euros - seront maintenus en 2019. La péréquation pour les territoires ruraux les plus pauvres augmente, elle, de 90 millions d'euros avec la DSR.

Le Gouvernement a en outre pérennisé la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) à des niveaux très élevés : 1 milliard d'euros par an pour la première contre 600 millions d'euros il y a quatre ans. Avec le projet de loi de finances 2019, les préfets auront toute latitude pour financer tout travaux d'ingénierie, sans seuil.

Les efforts demandés aux collectivités territoriales sont concentrés sur les 322 plus grandes communes.

Enfin, aucune collectivité territoriale ne perdra de ressources fiscales. La taxe d'habitation sera intégralement compensée. Vous le voyez, le Gouvernement fait le choix de la confiance, ne fait peser aucun contrôle sur les petites communes et ne perd pas de vue la ruralité.

M. Alain Marc.  - Ancien conseiller pédagogique, je suis satisfait de votre action au ministère de l'Éducation nationale, monsieur le ministre, mais il s'agit ici de collectivités territoriales, dont la dette n'est que de 10 % de la dette totale... L'État peut creuser son déficit mais les collectivités territoriales, elles, ne disposent pas de cet outil.

Délégués à la protection des données

Mme Laurence Harribey .  - Cette question fait suite à deux questions écrites, restées sans réponse. Le règlement général sur la protection des données, entré en vigueur en mai 2018, impose à l'ensemble des collectivités locales la désignation d'un délégué à la protection des données.

Si aucun diplôme particulier n'est exigé, une telle mission requiert des connaissances en technologies de l'information, en protection des données et en matière juridique. Comment les petites communes pourront-elles respecter une telle obligation ? Je rappelle qu'une commune sur deux compte moins de 500 habitants.

Si le règlement autorise la mutualisation, il semble, avec le recul, que seules les plus grandes collectivités se sont emparées de cette possibilité. Le Gouvernement entend-il aider les communes de faible population à trouver, à proximité de leurs territoires, des acteurs susceptibles d'assumer la mission de délégué à la protection des données ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le Gouvernement est très attentif à la maîtrise des normes et des charges pesant sur les collectivités territoriales. Le RGPD impose certes de nouvelles obligations aux collectivités, dont la désignation d'un délégué à la protection des données ; pour autant, il a également entraîné des simplifications qui se concrétisent par des allégements de charge pour elles.

Dans la loi du 20 juin 2018, le législateur, à l'initiative de votre assemblée, a renforcé l'information des collectivités sur leurs droits et obligations en tant que responsable de traitement des données. Il a encouragé l'élaboration de codes de conduite, portés par l'association des maires de France et par l'association des départements de France, par la CNIL. Il a prévu une possibilité de mutualisation que le Gouvernement, comme il s'y était engagé auprès du CNEN, a rappelée dans le décret. Plus largement, les collectivités et leurs groupements peuvent se doter d'un service unifié ayant pour objet d'assumer en commun les charges et obligations liées au traitement de données -  cela figure à l'article 31 de la loi du 20 juin 2018. La CNIL a publié des exemples de mutualisation et élaboré un guide pratique à l'attention des collectivités.

Le Gouvernement demeurera très attentif à ce travail d'accompagnement.

Mme Laurence Harribey.  - Une très large majorité des communes n'ont pas désigné de délégué, en dépit de sanctions pouvant aller jusqu'à 20 millions d'euros pour les infractions les plus graves. Pour venir d'un milieu rural, comme vous, madame la secrétaire d'État, je constate qu'elles sont littéralement harcelées par des cabinets prétendument spécialisés qui leur proposent leurs services ; il a fallu que je saisisse le département de la Gironde pour que soit rappelée la possibilité de mutualisation. Le Gouvernement doit être vigilant : c'est l'esprit du RGPD qui pourrait être mis en cause. Et nous savons combien la protection des données personnelles est un sujet fondamental.

Vétusté du centre de formation des apprentis de la Palme à Agen

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Le centre de formation des apprentis de la Palme à Agen est le plus ancien de la région Aquitaine. Construit en 1964, il a formé des générations d'apprentis qui incarnent le savoir-faire français dont nous sommes si fiers. Dans le Lot-et-Garonne, 70 % des chefs d'entreprises artisanales en sont d'anciens élèves.

Malgré la hausse des effectifs, qui sont passés de 700 élèves en 2017 à 750 en 2018, la vétusté des bâtiments du CFA met en danger son existence. En avril 2017, la commission de sécurité a émis un avis défavorable à la poursuite de l'ouverture au public de certains bâtiments du site.

Refusant cette fatalité, les acteurs locaux ont présenté un projet de rénovation estimé à 15 millions d'euros. La région Nouvelle-Aquitaine s'est engagée à apporter son concours financier à hauteur de 7,3 millions d'euros. Le département du Lot-et-Garonne et l'agglomération d'Agen participent également à ce projet essentiel ; le CFA mobilisera, lui, 1 million d'euros. Mais il manque 4 millions... Pour m'être rendue sur place à plusieurs reprises, je sais que les travaux à engager ne sont pas superficiels. Cet établissement est le seul de la région à ne pas avoir fait l'objet d'un plan de modernisation.

Madame la secrétaire d'État, vous qui avez été élue d'Aquitaine, vous engagez-vous à ce que l'État soutienne ce projet ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La compétence de droit commun sur l'apprentissage appartient aux régions auxquelles l'État leur confie chaque année une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pour l'exercer.

Cette compétence et cette dotation sont maintenues dans le cadre de la réforme de l'apprentissage en cours, issue de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. En 2019 et pour les années suivantes, cela représentera un montant global de 180 millions, soit un montant supérieur aux dépenses constatées, sous réserve que les régions aient maintenu leur action en la matière durant les années 2017,2018 et 2019.

S'agissant du fonctionnement, les régions ont pleine et entière responsabilité en 2019 et perçoivent, à cet effet, une fraction de la taxe d'apprentissage. La réforme ne prendra pleinement effet, sur ce point, qu'en 2020.

Je ne doute pas que vous bénéficierez de toute l'écoute et du soutien total du président de région, M. Alain Rousset, vu l'intérêt qu'il porte à la rénovation du CFA de la Palme.

Maintien à domicile des personnes âgées

M. Guillaume Chevrollier .  - Le maintien à domicile des personnes âgées représente un enjeu de société majeur quand le vieillissement de la population portera le nombre de personnes âgées dépendantes à 1,6 million en 2030.

Chacun souligne le travail remarquable que les aides à domicile accomplissent au quotidien. Et pourtant, ce secteur connaît des difficultés chroniques : financement déficitaire, difficulté à recruter et à fidéliser du personnel, emplois majoritairement à temps partiel et mal rémunérés, quelle que soit l'ancienneté... Le CCAS de Mayenne m'a fait part de ces réflexions pour améliorer l'attractivité de ce métier : rénovation du mode de financement des services d'aide à domicile, reconnaissance des diplômes dans la rémunération et, surtout, revalorisation de l'indemnité kilométrique, bloquée à 0,35 euro depuis 2010 malgré un prix du carburant en hausse.

Prendre soin des aides à domicile, c'est prendre soin des personnes âgées. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'un des axes de la concertation « Grand âge et autonomie » lancée le 1er octobre est justement le maintien à domicile. Actuellement, 760 000 personnes âgées bénéficient d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile. La concertation doit permettre de définir les modalités de financement des prises en charge à domicile comme en établissements afin d'en garantir l'accessibilité pour les familles. L'un des dix ateliers traite particulièrement de la question des paniers de biens et services et du reste à charge. Il faudra définir différents scénarios pour proposer des droits et prestations universels, simples, lisibles, et modulés en fonction des ressources des personnes.

Parce que nous savons ce que nous devons aux accompagnants du quotidien, nous nous sommes engagés à améliorer les conditions d'exercice des professionnels du médico-social et des aidants. Dès 2019, nous définirons, en concertation, une stratégie sur la qualité de vie au travail dans les services d'aide et d'accompagnement à domicile.

Comme cela a été adopté dans la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, nous faciliterons le répit des aidants en expérimentant, dès la fin de l'année, le relais de l'aidant ou des séjours de répit pour que les aidants puissent s'absenter plusieurs jours en confiant leur proche à un professionnel.

Enfin, un des axes de la concertation est également de renforcer la reconnaissance et l'accompagnement des aidants et d'accroître leur capacité à se saisir de leurs droits.

Les aidants, maillons essentiels, doivent voir leur implication préservée dans la durée.

M. Guillaume Chevrollier.  - J'insiste, comme nous l'avons fait sous le précédent quinquennat lors de l'examen de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, sur la question des moyens. Le Sénat sera particulièrement vigilant sur ce point.

Stationnement des personnes handicapées dans les hôpitaux

M. Philippe Bas .  - Un certain nombre de personnes handicapées m'ont alerté sur leurs difficultés matérielles d'accès à l'hôpital où elles se rendent parfois quotidiennement pour y recevoir des soins. Le stationnement y est désormais payant. Il y a quelques années, nous nous étions battus pour que les personnes handicapées n'aient pas à payer leur stationnement dans les communes, en raison de leur difficulté à atteindre la borne de paiement, parfois éloignée ; nous avions obtenu gain de cause. Les mêmes causes devraient produire les mêmes effets. Des instructions pourraient-elles être données en ce sens ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Merci pour cette question très concrète. La loi du 18 mars 2015 dispose, en effet, que les personnes handicapées munies d'une carte de stationnement ou les personnes les accompagnant peuvent utiliser gratuitement et sans limitation de durée toutes les places de stationnement ouvertes au public et non plus seulement les places réservées matérialisées par une signalétique spécifique.

Néanmoins, la loi précise que les titulaires de la carte de stationnement peuvent être soumis au paiement d'une redevance pour se garer dans les parcs de stationnement munis de bornes d'entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule. Les hôpitaux dotés de parkings payants, souvent concédés à un opérateur privé, entrent dans cette catégorie.

Il n'est pas prévu de modifier la loi. Ce sujet n'a pas été identifié lors des réunions qui se tiennent régulièrement au ministère avec les associations. Je ne manquerai pas de relayer vos interrogations lors des prochaines rencontres, même si l'on peut estimer que les personnes handicapées ne sont pas les seules à vivre cette contrainte ; d'autres patients, notamment ceux atteints de pathologies cardio-vasculaires ou d'insuffisance respiratoire, viennent de manière récurrente en consultation. Pour l'heure, nous manquons d'éléments objectifs concernant les pratiques des établissements de santé : certains établissements valident le ticket de parking à l'occasion d'une consultation tandis que d'autres exonèrent certains publics.

M. Philippe Bas.  - Votre réponse me déçoit un peu. La question mérite d'être soulevée. Certes, d'autres patients se rendent régulièrement à l'hôpital mais, pour les personnes handicapées, cette difficulté de stationnement n'est que l'un des éléments les empêchant de prendre part à la vie collective. A fortiori quand il s'agit de santé, tout doit être fait pour leur faciliter la vie.

Fermeture de l'agence de la CNAV de Boulogne-Billancourt

Mme Christine Lavarde .  - Le maire de Boulogne-Billancourt a appris par courrier, en plein été, que l'agence locale de la CNAV allait fermer, ce qui envoie les usagers au Plessis-Robinson, soit à cinquante minutes en transports en commun.

Le besoin d'économies s'entend mais avant même la réorganisation d'octobre 2018, il ne restait que quatre agences de la CNAV dans les Hauts-de-Seine. En Île-de-France, où 20 000 dossiers sont en suspens et le délai de traitement dépasse les six mois pour obtenir l'ouverture des droits à la retraite, la fermeture d'agences est un coup dur pour les usagers. Certes, les démarches peuvent être effectuées en ligne mais seuls 32 % utilisent cette faculté. Enfin, le standard téléphonique est saturé avec plus de 9 000 appels par jour.

Ce n'est pas aux équipes des CCAS de se substituer à la CNAV pour aider nos concitoyens à constituer leur dossier de retraite. Des villes sont disposées à mettre à disposition des bureaux pour que soient assurées des permanences hebdomadaires, a minima bimensuelles. Que compte faire le Gouvernement pour répondre à cette demande de proximité de plus de 250 000 habitants ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le maillage territorial est l'un des sujets majeurs de la convention d'objectifs et de gestion qui lie l'État à la CNAV pour les années 2018 à 2022. À la fin de l'année 2020, chaque assuré disposera d'un point d'accueil à moins de trente minutes de son domicile.

La CNAV Île-de-France revoit actuellement son implantation dans le sud des Hauts-de-Seine après que, à l'été 2017, le propriétaire des locaux de l'agence de Bourg-la-Reine lui a notifié la fin proche de son contrat de location. Les points d'accueil seront regroupés pour créer l'agence Sud 92 à Plessis-Robinson, elle sera accessible par le RER B et le tramway T6. Une campagne d'information accompagnera l'ouverture du site.

La CNAV dispose également d'agences dans les villes de Nanterre et Asnières et de points d'accueil dans les maisons de service au public d'Anthony et de Colombes. Elle se dit disposée à accueillir favorablement de nouveaux projets de coopération qui lui seront proposés par des porteurs de projets locaux.

Mme Christine Lavarde.  - Vous connaissez bien mal la géographie des Hauts-de-Seine. Vous me parlez du sud quand je vous parle du centre du département ; Nanterre et Asnières sont au nord. Un point d'accueil à trente minutes, dites-vous ? Le Plessis-Robinson est à une heure de Boulogne en transports en commun

Déserts médicaux

M. Michel Canevet .  - La démographie médicale dans notre pays est alarmante, singulièrement en Bretagne où l'ARS vient d'établir une cartographie précise des territoires particulièrement mal desservis, voire dépourvus de médecins. Cela provoque, bien entendu, l'angoisse ; une angoisse à laquelle les élus s'efforcent de répondre.

J'avais proposé naguère la suppression du numerus clausus. Depuis l'envoi de ma question, le Gouvernement a lancé un plan Santé comprenant la réforme du numerus clausus, voire sa suppression, d'ici 2020. Le plus tôt sera le mieux, il y a urgence à agir.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Dans le plan présenté par le Président de la République le 18 septembre dernier, « Ma santé 2022 » ; l'adaptation des formations aux enjeux de la santé de demain a été identifiée comme un axe prioritaire de travail.

Chacun le reconnaît, le numerus clausus est un outil inadapté s'il est utilisé seul pour assurer la couverture du territoire en professionnels de santé. Chacun en a fait l'expérience, il opère une sélection sur des critères peu pertinents par rapport à l'exercice que l'on attend de la pratique médicale. Supprimer le numerus clausus à la fin de la première année est une réforme pragmatique : des étudiants aux profils diversifiés pourront s'orienter progressivement vers un métier au cours du premier cycle.

Dès à présent, la régulation des étudiants de troisième cycle s'adapte aux besoins démographiques des régions ainsi qu'à leurs capacités de formation : 474 postes d'internes ont été ouverts en Bretagne, soit une hausse de 6 %, qui est supérieure à la moyenne nationale de 4 % ; 80 étudiants en médecine bretons ont signé un contrat d'engagement de service public, dont 43 ces 3 dernières années. Je salue les initiatives de l'ARS de Bretagne qui anime, depuis 2013, une convention régionale pour favoriser l'installation des médecins. Certaines sont très innovantes ; je pense au « généraliste dating » qui met en relation les futurs médecins généralistes et les professionnels de santé déjà installés et s'est déjà conclu par 12 installations, au développement de 90 maisons de santé pluri-professionnelles et aux 35 projets de télémédecine opérationnels.

M. Michel Canevet.  - Merci. Mais l'accompagnement des maisons de santé fait parfois défaut pour concrétiser tous les projets. N'oublions pas qu'il manque aussi d'autres professionnels que les médecins, notamment des orthophonistes et des kinésithérapeutes.

Prescription de la Dépakine et information des professionnels et du public

M. Jean-Louis Tourenne .  - Ce n'est que depuis 2015 que l'Agence de santé publique recommande de ne plus prescrire de valproate aux femmes en âge de procréer. Malheureusement, seulement 46 % des praticiens suivent la procédure d'information et de recueil du consentement du patient. Le valproate fait courir quatre à cinq fois plus de risque de troubles comportementaux et neurologiques chez les enfants. On estime le nombre d'enfants victimes chez les patientes épileptiques entre 13 200 et 26 500, le nombre d'enfants de patients bipolaires entre 3 200 et 3 900.

Depuis l'interdiction totale, le nombre de femmes en âge de procréer traitées au valproate a diminué de 15 %. Il faut faire mieux encore. Des mesures radicales s'imposent : l'information la plus large de la population féminine en âge de procréer comme la sensibilisation des hommes sur les conséquences sur l'appauvrissement du sperme, la sensibilisation de tous les praticiens sur les risques qu'ils font courir en prescrivant le Valproate et la mise en oeuvre de sanctions en cas de non-respect des procédures ; la conduite d'une étude épidémiologique approfondie sur les effets éventuels sur les petits-enfants des patientes traitées afin de déterminer un dispositif de prévention ; l'indemnisation des victimes en obtenant de l'entreprise Sanofi qu'elle y contribue, elle qui vient de distribuer 6,6 milliards d'euros de dividendes. Qu'entend faire le Gouvernement pour que ce scandale sanitaire s'arrête enfin ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le nombre de femmes en âge de procréer exposées à la Dépakine a diminué de 45 % entre 2013 et 2017, grâce à la mobilisation de tous les acteurs. Aucun antiépileptique ne doit être prescrit à la légère.

La ministre de la santé a reçu début septembre le rapport de la mission Information et médicament, mise en place le 1er décembre 2017. Elle s'est saisie de l'occasion pour réaffirmer sa volonté d'installer une source unique d'information publique sur le médicament en s'appuyant sur le site sante.fr et en y intégrant la base de données publique des médicaments. Le dossier médical partagé, généralisé dans quelques jours, sera un outil essentiel pour une meilleure coordination entre médecins et pharmaciens.

Nous souhaitons la mise en place d'un suivi de la prise en charge des enfants exposés in utero afin que soit organisée une filière de soins simplifiant leur parcours.

L'indemnisation est ouverte à toute personne s'estimant victime d'un préjudice imputable à la prescription, avant le 31 décembre 2015, de valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés. Le comité d'indemnisation, au vu de l'avis du collège d'experts, se prononce sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages ainsi que sur la responsabilité. La responsabilité de l'exploitant du médicament, des prescripteurs et, enfin, de l'État au titre de ses pouvoirs de sécurité sanitaire, peut alors être recherchée.

Fermeture de la maternité de Guingamp

Mme Christine Prunaud .  - La fermeture de la maternité de Guingamp a été annoncée cet été, suscitant l'indignation du personnel et des élus. Certaines patientes n'osent pas prendre rendez-vous, de peur de ne pouvoir être suivies jusqu'au terme de leur grossesse. On connaît les conséquences de la fermeture d'une maternité : déplacements allongés, risques accrus. Tout le monde est suspendu à la décision de l'ARS alors que le professionnalisme des agents est connu. Nous ne voulons pas de mastodontes de la santé. Quelle est la position du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'ARS de Bretagne a décidé de ne pas renouveler l'autorisation de gynécologie de la maternité de Guingamp en raison d'une démographie médicale fragile dans les deux cas au bon fonctionnement d'une maternité : la pédiatrie et l'anesthésie. Le recours fréquent à l'intérim médical ne constitue pas une solution pérenne, malgré la compétence et l'engagement reconnu du personnel hospitalier.

Le président de la République a demandé qu'un délai de deux ans soit accordé pour laisser au centre hospitalier le temps de renforcer sa couverture médicale et d'évaluer l'évolution du nombre de naissances. Le 25 juillet, l'ensemble des acteurs du groupe hospitalier de territoires ont été impliqués dans cette recherche.

L'organisation de l'offre de soins sur le territoire est une priorité du gouvernement. Une première traduction législative du plan « Ma santé 2022 », présenté par le président de la République le 18 septembre, aura lieu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Dans l'immédiat, nous savons pouvoir compter sur la forte implication du personnel hospitalier de Guingamp.

Mme Christine Prunaud.  - Je ne m'attendais pas à une autre réponse. La fusion de la maternité de Guingamp et de l'hôpital de Saint-Brieuc est, pour nous, une absurdité. Il y a une dizaine de jours, 120 médecins de la commission médicale de cet hôpital ont démissionné ; c'est, à ma connaissance, une décision unique en France. Les anesthésistes ne manquent pas qu'à Guingamp ; à Saint-Brieuc, 11 temps plein seulement sur 23 postes !

Charge injustifiée de taxes sur les installations nucléaires supportée par l'université de Strasbourg

M. Guy-Dominique Kennel .  - Un décret du 25 juin 1965 avait autorisé la création d'un réacteur nucléaire de recherche au sein de l'université de Strasbourg. Après 31 ans de fonctionnement, le réacteur a fait l'objet d'une cessation définitive d'exploitation le 23 décembre 1997, constatée par un décret du 15 février 2006.

Depuis l'année 2004, a été mise à la charge de l'université par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) la taxe sur les installations nucléaires de base pour la période comprise entre 2000 et 2012. Le montant total de cette dette s'élève à plus de 15,6 millions d'euros. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a également mis à la charge de l'université, en 2011 et 2012, la contribution annuelle créée par la loi du 29 décembre 2010, ce qui représente une dette de 319 000 euros. Ces deux taxes ont été imputées alors même que le réacteur avait cessé toute activité et qu'il était en cours de démantèlement !

Ces sommes considérables pourraient pourtant être plus utiles à la communauté universitaire et servir des projets, plutôt que de grever lourdement le budget de l'établissement sans raison. Une remise gracieuse de ces taxes est-elle envisageable ? J'espère obtenir davantage qu'un accord de principe qu'on m'a donné plusieurs fois depuis 2004...

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le réacteur universitaire de Strasbourg a été mis en place à des fins de recherche dans les années 1960. Le réacteur n'a plus produit de neutrons depuis son arrêt fonctionnel en décembre 1997 et a été mis définitivement à l'arrêt par voie règlementaire le 15 février 2006. Enfin, il a été démantelé sans délais entre août 2006 et décembre 2008 puis déclassé par un arrêté du 31 octobre 2012.

Le volet fiscal de cette affaire est figé depuis plus de neuf ans. Le fond du problème réside dans le fait que la taxe sur les installations nucléaires de base s'applique jusqu'au déclassement. À cela s'ajoutent deux autres séries d'impositions qui ont été instituées pendant cette phase intermédiaire : des taxes additionnelles conformément à la loi du 28 juin 2006 et la contribution annuelle au profit de l'IRSN créée par la loi de finances pour 2011.

Les remises gracieuses qu'a demandées l'université de Strasbourg se sont jusque-là heurtées à une incertitude sur l'autorité compétente. Une action au tribunal administratif est en cours entre l'IRSN et l'université.

La ministre de l'enseignement supérieur est consciente des enjeux. Le dossier est en cours d'instruction par le ministre de l'action et des comptes publics qui, d'après le décret « CBCM » de 2012, est désormais compétent pour les remises gracieuses supérieures à 150 000 euros. Mme la ministre ne manquera pas, monsieur le sénateur, de vous tenir informé.

M. Guy-Dominique Kennel.  - L'université n'a plus le choix : cessation de paiement ou provisionnement des sommes au détriment d'investissements pour les étudiants. Le ministre des comptes publics doit apporter rapidement une réponse claire.

Services de santé au travail

M. Marc Laménie .  - La parution en août 2018 du rapport de la députée Charlotte Lecocq, intitulé : « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée » inquiète beaucoup les associations à but non lucratif regroupées dans le réseau « Prévention et santé au travail », qui est un organisme représentatif des services de santé au travail interentreprises.

Actuellement, près de 240 associations, employant plus de 16 000 collaborateurs dont 5 000 médecins du travail, accompagnent toutes les entreprises et leurs 15 millions de salariés dans leurs démarches de prévention et d'accompagnement santé. Dans les Ardennes, « Ardennes santé travail » assure le suivi de plus de 56 000 salariés à travers ses quatre missions légales.

La création d'un guichet unique, préconisée dans le rapport et regroupant les compétences de différents organismes de prévention, augure, de l'avis général, d'une simplification d'accès et d'une meilleure lisibilité des services offerts aux usagers. En revanche, le transfert à un niveau régional du pilotage des plans santé fait craindre une diminution et une dilution des moyens d'actions. La proximité géographique entre les employeurs et ceux qui sont chargés de mettre en oeuvre la prévention reste un facteur clé de réussite.

Ne vaut-il pas mieux maintenir en l'état le dispositif local actuel de prévention afin d'en garantir l'efficacité ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - La France a des progrès à faire en matière de santé au travail. Si les réformes de 2011 et 2016 ont permis le renforcement de la pluridisciplinarité et le ciblage sur les publics prioritaires, il se produit encore plus de 600 000 accidents du travail par an et 48 000 personnes sont reconnues atteintes de maladies professionnelles chaque année.

Les organismes de prévention sont environ au nombre de 300, ils ne communiquent pas toujours entre eux. Le rapport que vous avez évoqué suggère des pistes d'évolution structurelle. Ce sera une base de négociation. En particulier, il faudra mettre l'accent sur les TPE-PME, qui cotisent sans avoir toutes accès aux services de santé.

Je veux insister sur la médecine du travail. Nous n'avons plus que 4 700 médecins du travail contre 6 000 il y a dix ans ; 30 % des postes ne sont pas pourvus. Cette profession n'attire plus.

Nous rediscuterons de ces sujets essentiels lors d'un projet de loi à venir qui sera déposé courant 2019.

Rapprochement des missions locales et de Pôle emploi

Mme Agnès Canayer .  - La stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, dévoilée par le président de la République le 13 septembre dernier, a conforté le rôle central des missions locales dans l'accompagnement et l'insertion vers l'emploi des jeunes en leur confiant le développement de la garantie jeunes.

Les missions locales, qui ne sont pas opposées par principe à la réforme, sont très inquiètes des propositions du CAP 2022 de fusionner leurs missions avec Pôle emploi. L'opération est réussie seulement si elle est demandée par les acteurs locaux. C'est un partage de compétences, l'élaboration d'un projet commun qu'il faut viser pour ne pas décourager les volontaires. Quelle est l'intention du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Madame la sénatrice, vous le savez en tant que présidente de mission locale de Normandie, les missions locales constituent un maillon important du service public de l'emploi mais aussi de la formation. C'est pourquoi, dans le plan d'investissement compétences, nous leur consacrons 15 milliards d'euros pour former 1 million de jeunes avec l'aide des missions locales en première ligne. Toutefois, il faut améliorer la relation entre mission locale, Pôle emploi et Cap emploi. Certaines missions locales n'ont pas accès aux offres de Pôle emploi, il faut un meilleur partage d'informations.

Au niveau local, je soutiens toute démarche de recherche de synergie, de coordination et d'offres de services. Des expérimentations de rapprochement sont possibles et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel le prévoit ; dans mon esprit, ce ne peut être qu'à la demande des élus. Les missions locales doivent poursuivre et amplifier leur rôle, nous sommes d'accord.

Relations entre les entreprises et l'Urssaf

M. Jean-Luc Fichet .  - Des divergences existent entre les employeurs et les Urssaf, en particulier sur les déjeuners pris dans les restaurants ouvriers en Bretagne. Si un décret de 2003 existe bien, l'interprétation qui en est faite varie d'un département à l'autre. Dans le Finistère, une TPE de plomberie a été redressée pour un montant de 21 000 euros, une TPE du bâtiment pour un montant de 6 000 euros.

De fait, le repas de midi est de plus en plus pris sur le pouce. La perte en chiffre d'affaires des restaurants ouvriers peut atteindre 30 % dans certains cas. Madame la ministre, pouvez-vous rappeler précisément la règle et nous faire savoir comment vous la ferez connaître aux employeurs et aux Urssaf ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Pardon pour cette réponse un peu technique mais il faut l'être parfois.

Lorsque le salarié se déplace hors des locaux de l'entreprise et ne peut regagner son domicile ou son lieu de travail habituel pour prendre son repas, l'indemnisation par son employeur au titre des frais professionnels est exclue de l'assiette des cotisations et contributions sociales dans les limites fixées par la réglementation sociale pour une indemnisation forfaitaire - 9,10 euros par repas ou 18,60 euros par repas lorsque le salarié est contraint de prendre son repas au restaurant - ou sur justificatifs lorsqu'il s'agit d'une indemnisation des dépenses réellement engagées.

Lorsque l'employeur paie le repas directement au restaurateur, l'avantage en nature résultant de cette prise en charge n'est pas réintégré dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.

La situation de déplacement ainsi que la contrainte empêchant le salarié de regagner son lieu de travail habituel ou son domicile doivent être avérées. Mais aucune condition de distance n'est exigée.

Les entreprises peuvent également participer à l'acquisition de titres-restaurant et voir leur contribution exonérée de cotisations et d'impôt sur le revenu dans la limite de 5,43 euros en 2018.

Le cas que vous mentionnez trouve donc une solution simple et ne donne normalement pas lieu à contestation. La réglementation est claire mais la communication à son sujet fait peut-être défaut.

M. Jean-Luc Fichet.  - Vous ne répondez pas à ma question. Les Urssaf retiennent le critère de la distance. Bien qu'une réunion ait été organisée à mon initiative par l'Urssaf régionale, l'interprétation continue de varier d'un département à l'autre : dans un cas, cinq à six kilomètres ne justifient pas un repas pris dans un restaurant ouvrier ; de l'autre côté de la frontière administrative qui est toute proche, oui. Les entreprises comme les restaurateurs sont très pénalisés. Il faut vraiment préciser le décret et donner des instructions claires aux Urssaf.

La séance est suspendue à 12 h 50.

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Éric Bocquet, Mme Jacky Deromedi, M. Daniel Dubois.

La séance reprend à 14 h 35.