Réforme du baccalauréat
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur la réforme du baccalauréat.
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions réponses dont les modalités ont été fixées par la Conférence des présidents.
Je vous rappelle que l'auteur du débat, disposera d'un temps de parole de huit minutes puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture . - Monsieur le Ministre, vous avez présenté un projet ambitieux de réforme du baccalauréat et, partant, du lycée général et technologique. Il s'est traduit par un décret et plusieurs arrêtés signés le 16 juillet dernier. Les élèves rentrant au lycée cette année seront les premiers à passer les épreuves finales dans leur nouveau format, en 2020 et 2021.
Comme l'a souligné Max Brisson, auteur avec Mme Laborde d'un rapport sur le métier d'enseignant, il est regrettable que, de par le caractère restrictif du domaine de la loi en matière d'éducation, le législateur soit mobilisé sur l'interdiction du téléphone portable, et non sur des questions de fond comme celle-là. D'où ce débat pour obtenir des réponses aux questions que nos rapporteurs, Jacques Grosperrin et Laurent Lafon, ainsi que tous nos collègues, se posent.
Vous avez eu le courage, Monsieur le Ministre, de vous attaquer à un sujet d'envergure, là où vos prédécesseurs avaient échoué ou renoncé. « Monument national », rite initiatique pour les jeunes lycéens, le baccalauréat, sous sa forme actuelle, soulève de nombreuses questions, à commencer par celle de sa finalité. Lourdeur excessive entraînant la perte de nombreuses semaines de cours, entretien d'une hiérarchie stérile entre les filières de l'enseignement général, tendance des élèves au bachotage, je ne m'étendrai pas sur ses défauts qui sont bien connus. Nous partageons votre ambition d'un baccalauréat plus simple sans être moins exigeant, avec moins d'épreuves terminales mais sans renoncer à un tronc commun qui est le garant d'une culture générale nécessaire à une citoyenneté éclairée. À cet égard, l'enseignement de la philosophie, unique en Europe, doit être préservé ; il doit être repensé pour en faire un apprentissage au débat d'idées.
La fin des séries dans la voie générale est une très bonne chose, les combinaisons d'enseignements de spécialité proposées donneront aux élèves une plus grande liberté de choix. Ces choix devront être réversibles pour être ajustés au cours de la scolarité. Le maintien des séries dans la voie technologique pose question : n'a-t-on pas manqué l'occasion d'une plus grande perméabilité entre les voies générales et technologiques ?
La mise en avant de l'expression orale par l'introduction d'une épreuve orale terminale inspirée du colloquio italien est à saluer de même que l'allégement des emplois du temps, l'accompagnement renforcé à l'orientation dès la classe de seconde ou encore la prise en compte, à hauteur de 40 % de la note finale, des notes obtenues tout au long de l'année, pour récompenser la constance et la rigueur dans le travail.
Si nous soutenons les principes et les orientations de la réforme, on peut s'interroger sur ses modalités. Les trois-quarts de la note de contrôle continu proviendront d'épreuves communes, organisées au cours des années de première et de terminale ; elles prendront appui sur une banque nationale de sujets, les copies seront anonymes et corrigées par d'autres professeurs que ceux de l'élève. Allégera-t-on réellement l'organisation avec ces mini-baccalauréats ?
Quelle articulation entre le futur baccalauréat et Parcoursup ? Les notes de contrôle continu me semblent devoir être prises en compte pour l'affectation dans l'enseignement supérieur. Or cela n'est pas compatible avec des épreuves terminales organisées au retour des vacances de printemps mais il semblerait que la discussion sur le calendrier soit encore en cours. Pouvez-vous nous donner des précisions, Monsieur le Ministre ?
Quid de l'offre de formation, enfin ? Les douze spécialités offertes ne le seront pas dans tous les lycées, ni même dans tous les bassins de formation - sept le seront « dans un périmètre raisonnable, avez-vous dit. Il serait regrettable que les élèves de territoires ruraux et périurbains où il n'existe qu'un lycée de secteur ne puissent pas avoir le même choix que les autres. Notre assemblée, vous le savez, est attachée à l'équité territoriale. La ruralité ne doit pas être oubliée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Vous l'aurez compris, Monsieur le Ministre, nous portons sur cette réforme un regard bienveillant mais vigilant et critique. Puisse ce débat apporter des réponses aux inquiétudes qui se font jour sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale . - C'est avec grand plaisir que je viens échanger avec vous sur la réforme du baccalauréat, un sujet que nous avons déjà abordé et pour lequel nous nous étions fixé ce rendez-vous.
Travailler sur le baccalauréat, c'est en réalité travailler sur l'ensemble du système scolaire, du lycée jusqu'à la petite section de maternelle. Un seul exemple : le grand entretien de fin d'année est un signal fort envoyé à l'ensemble du système scolaire. Nous voulons des élèves qui aient confiance en eux-mêmes, qui soient capables de s'exprimer, d'utiliser des arguments rationnels et cela se prépare dès les petites classes.
L'objectif de cette réforme se résume en une formule : les élèves, en préparant le bac, doivent préparer ce qui les fera réussir après le bac. Le langage courant, avec le terme péjoratif de bachotage, atteste ce que ce diplôme est devenu : un exercice artificiel. Nous voulons, nous, en faire un tremplin vers la réussite dans l'enseignement supérieur.
Oui, le nouveau baccalauréat aura plus de sens car les notes seront prises en compte au moment de l'admission dans l'enseignement supérieur. La question du calendrier sera réglée en conséquence.
Le Premier ministre, dès sa déclaration de politique générale, avait expliqué que la réforme entrerait en vigueur en 2021, pour les élèves entrant en seconde en 2018 donc. Le président de la République, lors de la campagne, avait pris des engagements sur sa structure - épreuves anticipées et contrôle continu. Après une consultation conduite par Pierre Mathiot et la large concertation que j'ai menée avec tous les partenaires de l'Éducation nationale, j'ai présenté, en février dernier, une réforme que je veux rappeler ici. Le baccalauréat 2021 comprendra une épreuve anticipée de français en première puis quatre épreuves terminales, comptant pour 60 % de la note finale. Le point d'orgue sera l'épreuve de philosophie, qui sort revigorée de cette réforme à plus d'un titre puisque les élèves à profil scientifique auront une heure de cours de plus et que les élèves qui veulent approfondir cette matière pourront choisir la nouvelle spécialité « Littérature, philosophie et humanité ». Ce sera aussi le grand entretien qui permettra à l'élève d'exercer sa capacité d'argumentation.
Pour en finir avec le bachotage, le contrôle continu représentera 40 % de la note finale. Le lycéen sera régulièrement évalué lors d'épreuves communes, qui représenteront 30 % de la note finale, dans trois à cinq disciplines qui ne seront pas évaluées dans les épreuves terminales. L'objectif n'est évidemment pas de créer de nouvelles lourdeurs. Ces épreuves épousent une pratique qui existe déjà : les bacs blancs. La banque de sujets est là pour garantir l'équité, de la souplesse sera donnée aux établissements dans l'organisation. Avec ces épreuves, le mois de juin ne sera plus exclusivement consacré au baccalauréat dans les lycées. C'est un vrai changement sociétal. Sur les 40 % de contrôle continu, 10 % correspondront aux bulletins scolaires.
Le bac 2021 sera donc pleinement national, pleinement juste et pleinement porteur de réussite. À partir de la rentrée 2019, le lycée commencera à se métamorphoser - nous en avons un avant-goût dès cette année avec les 54 heures d'orientation et le test de positionnement en seconde.
En 2019, les spécialités seront implantées. Elles devront répondre à un principe d'équité et même de compensation territoriales. Sur les douze spécialités, sept seront présentes dans tous les lycées, sauf cas très particuliers liés à la taille des lycées. En plus de ces sept spécialités, une ou plusieurs parmi les cinq autres spécialités seront proposées et nous implantons ces spécialités précisément dans les lycées qui ont besoin de renforcer leur attractivité qu'ils soient urbains ou ruraux.
Clarifier, moderniser, faire en sorte que les élèves entrent pleinement dans le XXIe siècle avec une ouverture sur l'Europe et le monde, tel est le but de la réforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Claudine Lepage. - Lors du scrutin n°1 du 2 octobre, M. Bernard Jomier souhaitait voter contre et je souhaitais m'abstenir.
Mme la présidente. - Dont acte. Cette mise au point sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.