SÉANCE
du mardi 31 juillet 2018
19e séance de la session extraordinaire 2017-2018
présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente
Secrétaires : Mme Mireille Jouve, M. Guy-Dominique Kennel.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle vingt-cinq questions orales.
Non-désignation des conducteurs
M. Yannick Vaugrenard . - M. Yannick Botrel, absent pour raison de santé, s'inquiète des difficultés liées à la mise en oeuvre de la nouvelle législation en matière de non-désignation des conducteurs.
Ainsi, les pouvoirs publics ont du mal à distinguer, sur le plan administratif, les entreprises disposant d'une flotte de véhicules des particuliers utilisant leur véhicule personnel à des fins professionnelles, comme les professions libérales. De nombreux particuliers se voient ainsi adresser depuis le 1er janvier 2017 des amendes, alors qu'ils ne sont pas concernés par les dispositions votées par la représentation nationale.
M. Botrel demande que l'on respecte l'esprit de la loi et que cessent ces pratiques qui pénalisent injustement et lourdement nombre de nos concitoyens.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Transmettez mes amitiés au sénateur Botrel.
L'envoi d'un avis de contravention pour non-désignation sanctionne un comportement qui était déjà contraire aux objectifs de sécurité routière.
Depuis le 1er janvier 2017, les personnes morales reçoivent un avis de contravention pour non-désignation afin que l'auteur de l'infraction puisse effectivement être sanctionné. Jusqu'à présent, les contrevenants au volant d'un véhicule professionnel échappaient à la sanction ; parfois la personne morale payait la contravention. Elles ont désormais l'obligation de désigner l'auteur de l'infraction. Que la personne morale porte le même nom que le représentant légal ou que le représentant légal soit le seul à conduire le véhicule ne saurait l'exonérer de se désigner en tant que conducteur.
L'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai) a procédé à une actualisation des documents qu'elle envoie. Les informations utiles ressortent de la lecture combinée de l'avis de contravention et du document « notice de paiement » qui y est joint.
M. Yannick Vaugrenard. - Je transmettrai vos amitiés à M. Botrel, en espérant que votre réponse lui donne satisfaction. Souhaitons que la facilitation des démarches aille dans le sens d'une application de la loi conforme à son esprit.
Législation européenne relative au biocontrôle
M. Pierre Cuypers . - Le Gouvernement et sa majorité ne semblent guère convaincus des atouts de notre agriculture : le projet de loi Egalim n'est toujours pas adopté car la majorité de l'Assemblée a tout bonnement renié ses votes de première lecture en CMP. Chacun appréciera.
Notre pays jouit d'un climat tempéré, ce qui est un atout mais engendre une grande diversité de bio-agresseurs : plus de dix mille évoluent et s'adaptent en permanence. La santé des plantes est un enjeu au même titre que la santé humaine ou animale.
Les agriculteurs ont besoin d'une diversité de solutions : agronomiques, par des mesures prophylactiques comme la rotation des cultures, choix de variétés résistantes aux agresseurs, produits phytopharmaceutiques si nécessaire.
Il convient de combiner les méthodes en utilisant les produits d'origine biologique, minérale, de biocontrôle mais également de synthèse. Or la mise au point d'un nouveau produit représente un investissement de 250 millions d'euros et onze ans de recherche et développement.
Ces produits s'insèrent dans une réglementation européenne qui ignore quant à elle cette définition de produits de biocontrôle. Ce vide juridique rend le dispositif complexe et pose des difficultés d'interprétation entre les États membres. L'application en devient peu lisible et affecte les évaluations et autorisations de mise sur le marché ainsi que le système de contrôle.
Cette situation ne favorise pas le développement de ces produits. Quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour clarifier la définition du biocontrôle au plan européen et selon quel calendrier ?
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Selon la définition insérée dans la réglementation française en 2014, les agents de biocontrôle utilisent des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ; ils comprennent des macro et des micro-organismes, des phéromones, des produits phytopharmaceutiques d'origine naturelle.
Les règles d'utilisation sont parfaitement définies en France pour chaque catégorie. Les produits de biocontrôle restent autorisés quand les produits conventionnels sont interdits.
La réglementation européenne, elle, se contente de distinguer les substances en fonction du niveau de risque qu'elles présentent, sans prendre en compte leur origine naturelle. C'est une lacune, alors que le secteur du biocontrôle connait une croissance de 25 %.
Le plan Ecophyto 2+ prévoit de nouvelles dispositions pour soutenir son développement. La France défend l'introduction d'une définition dans la réglementation européenne, notamment dans le cadre de la future révision du règlement CE n°1107/2009 sur les produits phytopharmaceutiques. Le Parlement européen a aussi souligné la nécessité de faire évoluer la législation européenne.
M. Pierre Cuypers. - Il serait regrettable que la France et l'Union européenne ne trouvent pas de solution commune pour cette filière dynamique.
Statut des pêcheurs professionnels en eau douce
Mme Françoise Cartron . - Un moment de calme, en cette fin de session agitée : parlons de la pêche en eau douce.
Participant à l'émission de Public Sénat « Manger c'est voter », j'ai rencontré M. Vignac, un pêcheur de lamproies de mon département qui promeut une pêche traditionnelle, respectueuse de l'environnement. Président de l'association départementale des pêcheurs professionnels en eau douce, il m'a sensibilisée aux enjeux de la profession.
Sur les 400 pêcheurs professionnels en eau douce, la majorité sont assimilés à des agriculteurs, du fait de leur affiliation à la MSA, les autres ont un statut de marin-pêcheur. La profession souhaite être reconnue statutairement comme activité agricole pour une meilleure lisibilité juridique, sociale et fiscale, et pour bénéficier du régime des calamités agricoles et du regroupement en coopérative.
Mes amendements au projet de loi Egalim se sont heurtés à l'article 40. Aussi je vous demande ce que le Gouvernement compte faire afin de préciser le statut de ces pêcheurs professionnels en eau douce et répondre à leurs revendications légitimes.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Selon une pratique administrative constante, le responsable d'une entreprise de pêche professionnelle en eau douce est considéré comme un chef d'exploitation agricole, une telle entreprise pouvant être assimilée à une exploitation piscicole. Les pêcheurs professionnels en eau douce sont affiliés à la MSA et soumis à la TVA agricole.
La qualification de la pêche professionnelle en eau douce comme activité agricole n'a toutefois jamais été explicitée. Afin d'éviter toute ambiguïté, la modification des articles L. 311-1 et L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime pourrait s'avérer opportune. L'évaluation globale de l'impact d'une telle reconnaissance est actuellement en cours ; elle n'aurait pas de conséquence pour l'accès aux aides européennes.
Les amendements à la loi Egalim étaient des cavaliers législatifs ou tombaient sous le coup de l'article 40. Mais je soutiendrai toute proposition de loi en ce sens si l'expertise en cours conclut à l'intérêt d'une telle mesure. Nous souhaitons avancer pour reconnaître le travail des pêcheurs en eau douce.
Mme Françoise Cartron. - Merci pour cette porte ouverte. Au travail donc, pour préparer une proposition de loi !
Reconnaissance de la saliculture comme activité agricole
M. Daniel Laurent . - Nous avons été nombreux à nous associer à la proposition de loi sur la saliculture de Bruno Retailleau.
La définition de l'activité agricole à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime fait obstacle à la reconnaissance de la saliculture comme activité agricole alors que ce même code rural s'applique à cette activité et à ses producteurs. Les saliculteurs ne maîtrisent donc pas pleinement leur statut professionnel.
Forts de votre soutien exprimé dans une correspondance en février, nous pensions que le projet de loi Egalim était le bon véhicule - mais les amendements proposés ont été déclarés irrecevables. Dont acte.
Les sauniers de l'Atlantique sont inquiets du feu vert donné à l'IGP fleur de sel de Camargue par l'INAO, alors que les méthodes de production du groupe Salins n'ont rien d'artisanal. Ils sollicitent une protection de l'appellation pour éviter concurrence déloyale et contrefaçon. La saliculture artisanale a besoin d'une réponse ferme et définitive alors que les sauniers sont en pleine récolte.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Oui, il faut avancer sur cette question.
La pratique administrative assimile les saliculteurs à des agriculteurs au niveau social et fiscal. Une modification de l'article L. 311-1 du code rural apporterait une sécurisation juridique et une simplification sans conséquence pour l'accès aux aides européennes, et rendrait les saliculteurs éligibles à certains programmes du Fonds national de gestion des risques en agriculture.
Les amendements déposés sur le projet de loi Egalim étaient des cavaliers, et n'ont donc pas pu être retenus, mais j'ai souhaité une réflexion parlementaire sur ce sujet pour répondre à la légitime préoccupation des saliculteurs.
M. Daniel Laurent. - Vous m'avez déjà répondu la même chose en commission, et par courrier. Les saliculteurs, qui sont au travail tous les jours, ne peuvent plus attendre ; ils ne peuvent se contenter d'un soutien virtuel. Monsieur le Ministre, soyez actif et réactif !
Traitement contre le feu bactérien
Mme Patricia Morhet-Richaud . - Le feu bactérien est une maladie grave provoquant la nécrose des organes et pouvant entraîner la mort de l'arbre. La bactérie Erwinia amylavora, à l'origine de cette maladie, se propage par l'intermédiaire des insectes pollinisateurs, de l'aspersion et à partir des plantes-hôtes à proximité des vergers. Les zones de production de poires sont fortement touchées et dans une moindre mesure celles des pommiers. Aucune région n'est épargnée.
Tout le matériel végétal est contaminé et peu de porte-greffes sont tolérants à la bactérie. Une journée de sensibilisation a été organisée dans les Hautes-Alpes la semaine dernière.
La lutte contre le feu bactérien doit être à la hauteur du danger, sans quoi nos vergers alpins risquent de disparaitre ! Or les derniers essais montrent que seul le Bion 50WG est efficace. Il est autorisé au niveau européen mais pas en France. Pourquoi la dérogation a-t-elle été refusée pour les poiriers et pommiers alors qu'elle a été accordée en 2018 contre la bactériose du kiwi ?
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Face à cette maladie qui touche les arbres fruitiers et ornementaux à pépins, des mesures de destruction peuvent être nécessaires.
Les produits actuellement autorisés contre le feu bactérien ont une efficacité limitée. Le Bion 50WG, autorisé sur cultures ornementales, sur le bananier et sur la tomate, a lui aussi une efficacité partielle. Son autorisation européenne était assortie d'une réserve en raison d'un risque de perturbation endocrinienne. L'évaluation de l'Anses a révélé des risques inacceptables lors de l'application sur les pommiers. C'est pourquoi il n'a pas été possible de donner une suite favorable à la demande d'autorisation dérogatoire.
Mme Patricia Morhet-Richaud. - Les arboriculteurs, pénalisés par les sur-transpositions, poussent un cri d'alarme. Il faut plus de recherche pour trouver des solutions alternatives, proposer un matériel végétal résistant. L'arboriculture française compte sur vous, Monsieur le Ministre !
Intempéries du 7 juillet 2018 dans l'Aude
M. Roland Courteau . - L'Aude vient une nouvelle fois de subir des phénomènes météorologiques d'une violence inouïe : des vents à plus de 110 km/h, chargés de grêle, sur le Limouxin, le Razès, la Piège, le Lauragais, les Corbières et le littoral. Les cultures ont été lourdement touchées, notamment les vignobles. Certains de ces territoires ont été frappés cinq fois de suite en cinq ans !
C'est pourquoi nous vous demandons de débloquer une enveloppe exceptionnelle et d'activer le fonds des calamités agricoles pour les pertes de fonds et les plantations.
Le chômage technique va frapper plusieurs exploitations. Certaines assurances menacent de ne plus les assurer. Dans les coopératives, les baisses de volumes sont comprises entre 40 % et 60 %.
Il convient d'anticiper les sinistres par la mise en place de réserves dites climatiques, sur le modèle de ce qui existe déjà en Champagne, avec une fiscalité des stocks adaptée.
En matière d'assurance, la moyenne dite olympique ainsi que le seuil de déclenchement de l'indemnisation fixé à 30 % ne sont plus pertinents.
Quelles solutions allez-vous mettre en oeuvre ?
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - La filière viticole dispose d'outils de gestion des risques spécifiques tels que le volume complémentaire individuel ou les achats de vendange.
Les exploitants peuvent aussi bénéficier du recours à l'activité partielle, d'un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti pour les parcelles touchées, du report de paiement des cotisations à la MSA.
Il est indispensable que les agriculteurs s'assurent plus largement à travers le dispositif d'assurance récolte contre les risques climatiques développé par l'État. L'assurance récolte couvre actuellement 25 % des viticulteurs ; l'État prend en charge jusqu'à 65 % des primes. Les producteurs peuvent réduire le taux de franchise ou le seuil de déclenchement afin d'adapter le contrat d'assurance à leurs besoins.
Nous travaillons avec la profession et avec les assureurs pour élargir le dispositif. Avec les parlementaires, nous envisageons également des outils fiscaux sur l'épargne de précaution ou la dotation pour aléas.
Je souhaite que me soit communiqué l'impact des intempéries dans votre territoire pour envisager des indemnisations complémentaires.
M. Roland Courteau. - Merci. Monsieur le Ministre, je souhaiterais que vous me receviez, accompagné d'une délégation, et je vous fournirai les éléments.
M. Stéphane Travert, ministre. - Je m'y engage. Trouvons une date rapidement.
Nouvelle cartographie des zones défavorisées
M. Didier Mandelli . - La modification de la carte des zones éligibles à l'indemnité compensatoire des handicaps naturels (ICHN) entraîne de lourdes conséquences. En effet, cette nouvelle carte exclut du périmètre 230 exploitations vendéennes, sur quatorze communes pourtant inscrites dans le périmètre des zones humides d'importance.
Alors qu'un nouveau plan biodiversité est envisagé, il est inconcevable que le marais poitevin, espace remarquable reconnu, soit écarté.
Nombre d'élus vous ont interpellé, dont le président du conseil départemental de Vendée, Yves Auvinet. Cette situation doit être éclaircie une bonne fois pour toutes.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Le nouveau zonage a été établi sur des critères nationaux visant à garantir une homogénéité de traitement pour les agriculteurs. Quelque 14 210 communes, contre 10 429 actuellement, sont incluses. Nous avons voulu éviter les effets d'aubaine.
Le ciblage a été appliqué aux zones humides comme aux autres, et certaines communes du marais poitevin sont en effet sorties du zonage.
J'ai mis en place le 20 février 2018 un dispositif d'accompagnement pour les agriculteurs sortant du zonage, avec une sortie progressive du dispositif d'aide et des diagnostics territoriaux pour identifier les opportunités de transformation autour de projets de filière. Les exploitants qui le souhaitent pourront réaliser un audit pour envisager des perspectives de transition et le cas échéant trouver de nouveaux débouchés commerciaux.
Je souhaite travailler avec l'ensemble des élus pour trouver les solutions adéquates, car l'activité agricole est stratégique.
M. Didier Mandelli. - Plus rien n'est donc à espérer pour les 130 exploitations des quatorze communes vendéennes concernées. Les mesures compensatoires sont un pis-aller.
Classement des activités et emplois dans la filière cheval
Mme Anne-Catherine Loisier . - Depuis la loi développement des territoires ruraux, sont réputées agricoles les activités des entraîneurs de chevaux de course et des centres équestres qui étaient déjà affiliées à la MSA. Elles sont classées dans la gestion de la MSA en référence au code accident du travail 150 sous l'appellation « haras, dressage, entraînement ». Ces activités constituent trois branches professionnelles dont les conventions collectives correspondent à des identifiants distincts.
La filière cheval est confrontée à l'accélération de la restructuration des branches professionnelles. La MSA a prévu un service permettant aux employeurs de remplir leurs obligations vis-à-vis de la déclaration sociale nominative avec production de bulletins de salaire.
Les secteurs sont répertoriés avec plusieurs dizaines de codes d'activité principale ; les effectifs salariés sont comptés sous des appellations « haras » et « dressage » ne correspondant pas aux identifiants de convention collective.
Enfin, le règlement européen d'Eurostat définissant la méthode d'élaboration des statistiques agricoles européennes ne mentionne plus les équins dans la liste des animaux devant être comptabilisés.
Comment apporter aux entreprises de la filière les bases indispensables de classement de leurs activités et de leurs emplois, mais aussi des statistiques européennes nécessaires pour élaborer une politique européenne du cheval ?
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Les activités équines font en effet l'objet d'une nomenclature variée qui nuit à la lisibilité de l'ensemble.
Sur la question des statistiques, la France avait demandé, en vain, à ce que les équins soient intégrés au projet de règlement au même titre que les autres espèces animales de rente.
Le Gouvernement a élaboré un projet de classification au sein de la nomenclature des activités françaises qui sera prochainement soumis à l'Insee. Le rapprochement des trois branches professionnelles est par ailleurs en cours. Une convention collective nationale commune pourrait être signée au terme d'une période de cinq ans. Le nombre d'identifiants des conventions collectives concernées serait ainsi réduit.
Le ministère s'assurera que le cheptel et les activités équines restent comptabilisés à l'échelle nationale, pour conforter la connaissance de la filière et la traçabilité des animaux.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Merci au ministre d'être conscient des difficultés de la filière cheval, dont les faibles marges exigent accompagnement et reconnaissance.
Statut des aides à domicile et des aides-soignants (I)
M. Jean-Claude Luche . - Les aides à domicile sont indispensables au lien social, notamment dans les territoires ruraux. Or ces métiers sont trop peu valorisés et peinent à recruter. En cause, la pénibilité des tâches quotidiennes, les kilomètres parcourus, la faiblesse des rémunérations. Les besoins croissent avec le vieillissement de la population et la politique de maintien à domicile.
Pourtant, l'indice de salaire n'a pas évolué depuis un certain nombre d'années. Sa revalorisation est nécessaire, tout comme celle de l'indemnité kilométrique ; dans mon département de l'Aveyron, 5 000 kilomètres sont parcourus chaque année. Nous sommes conscients des contraintes budgétaires, mais la situation appelle un geste.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - C'est vrai, les professionnels à domicile jouent un rôle majeur pour le lien social. Nous louons leur professionnalisme. Leur valorisation passe par le déploiement d'un plan métiers et compétences et par l'amélioration de leur qualité de vie au travail.
Les référentiels d'activités, de compétences et de formation des aides-soignants seront revus d'ici mars 2019 pour mieux tenir compte des spécificités de l'exercice auprès des personnes âgées.
Prendre soin de ceux qui nous soignent, c'est l'objectif de l'observatoire national pour la qualité de vie au travail des professionnels de santé que j'ai installé en juillet.
Enfin, des évolutions du financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile sont en cours et doivent aboutir d'ici fin 2018. Nous consacrerons 100 millions d'euros en 2019 et 2020 à la réforme de la tarification pour soutenir les acteurs et recruter.
Une offre de services de qualité, reconnue, accessible et bien intégrée au plan territorial, voilà notre priorité.
M. Jean-Claude Luche. - Les aides-soignants font preuve d'un professionnalisme extraordinaire et leur investissement personnel doit être encouragé. Je crains que ces 100 millions d'euros soient bien insuffisants face aux besoins qu'entraîne le vieillissement de la population. Il faut vous mobiliser !
Statut des aides à domicile et des aides-soignants (II)
M. Olivier Cigolotti . - Grâce à l'accompagnement à domicile, des milliers de personnes âgées ou handicapées en perte d'autonomie peuvent rester chez elles et retarder leur entrée en établissement.
Ces aidants à domicile sont formés - 30 % d'entre eux ont un diplôme d'État d'auxiliaire de vie sociale - mais manquent de reconnaissance. Les salaires sont extrêmement bas, les revalorisations acceptées par le ministère très faibles. Les indemnités de remboursement des déplacements restent bloquées à 0,35 euro par kilomètre depuis dix ans.
Alors que l'activité augmente, les structures, souvent associatives, peinent à recruter en raison de la pénibilité du métier et des salaires.
Dans la Haute-Loire, plus de 1 300 salariés interviennent auprès de 9 000 bénéficiaires, sept jours sur sept. Ils sont indispensables au maintien de nos aînés sur les territoires ruraux. Or les conseils départementaux, qui voient les charges liées à la dépendance augmenter, n'ont pas les moyens d'accroître leur soutien financier.
Si aucune mesure n'est prise, des déserts de l'aide à domicile se formeront, alors que les besoins ne cessent d'augmenter.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Je renouvelle mes remerciements aux employés de ce secteur. Les structures peinent à recruter, notamment à cause des difficultés d'exercice. C'est pourquoi j'ai lancé une mission sur la qualité de vie au travail des professionnels du secteur médico-social, en Ehpad comme à domicile.
En ce qui concerne les rémunérations, j'ai procédé à l'agrément, par arrêté du 4 juin 2018, de l'avenant 36-2017 à la convention collective de la branche afin de mieux prendre en compte et rémunérer les temps et frais de déplacement. Cet accord aura un impact positif sur la rémunération.
Des actions de professionnalisation des salariés sont entreprises pour une meilleure qualification, notamment avec la création du diplôme d'État d'accompagnant éducatif et social.
Enfin, un travail de fond est engagé pour rénover le mode de financement. Quelque 100 millions d'euros seront dégagés pour 2019 et 2020. Enfin, en lien avec la feuille de route « grand âge et autonomie », nous ouvrons dès septembre un débat de société sur les modalités de prise en charge du vieillissement.
M. Olivier Cigolotti. - L'aide à domicile peut fournir de nombreux emplois à condition de leur donner une meilleure attractivité.
Remise en cause du droit à l'IVG dans la Sarthe
Mme Nadine Grelet-Certenais . - Dans le sud de la Sarthe, les femmes sont dans l'impossibilité de réaliser une IVG depuis le départ à la retraite d'un gynécologue du centre hospitalier du Bailleul, il y a six mois. En effet, les praticiens restants font valoir la clause de conscience définie à l'article L. 2212-8 du code de la santé publique.
Tant que cette clause de conscience demeurera, l'avortement ne sera pas un droit réel, rappelle le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. Le cas sarthois démontre que, malgré des avancées durant le précédent quinquennat, le droit inaliénable à l'avortement doit être conforté sur l'ensemble du territoire.
Alors que Simone Veil est entrée au Panthéon, il est intolérable que les femmes ne puissent exercer leurs droits essentiels parce que des médecins, au mépris de l'accès aux soins, font valoir des réticences d'ordre personnel ou éthique.
Cette situation tient tout autant à la désertification médicale en milieu rural qu'aux failles du droit. Quelles mesures envisagez-vous pour venir en aide à ces femmes et garantir l'effectivité d'un droit fondamental plus que jamais menacé ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Il ne s'agit pas d'une question de moyens. Je tiens à vous assurer que mes services et l'Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire se sont mobilisés dès que nous avons eu connaissance de cette situation en soutien de la direction de l'hôpital du Bailleul et des acteurs locaux, qui s'investissent pour trouver une solution.
La suspension de la pratique de l'IVG au centre hospitalier du Bailleul tient au départ à la retraite du praticien qui réalisait jusqu'à présent les IVG, au recours à la clause de conscience des médecins encore présents et à une démographie médicale particulièrement affaiblie ces dernières années dans le département de la Sarthe.
Face à cette impasse, la direction s'est assurée que les personnes concernées puissent trouver une réponse au centre hospitalier du Mans et à celui d'Angers, situés à vingt-cinq minutes, et qui ont des plages d'accueil et de soins réservées pour ces femmes.
Néanmoins, cette situation n'est que palliative et la direction du Bailleul met tout en oeuvre pour redémarrer cette activité.
Un praticien a accepté d'augmenter son temps de travail et un médecin généraliste de Saumur, titulaire d'un diplôme universitaire en gynécologie, accepterait de venir à hauteur de 20 % de son temps de travail au sein de cet hôpital. Si cette piste était confirmée, l'activité pourrait redémarrer début septembre.
Par ailleurs, l'ARS a contacté l'hôpital du Mans, établissement support du groupement hospitalier de territoire, qui est prêt à soutenir, dans le cadre des axes du projet médical partagé, le centre hospitalier du Bailleul, dans le cadre de la filière d'obstétrique.
De la même façon, le CHU d'Angers, pourrait, en concertation avec l'établissement support du GHT, envisager d'apporter une aide à l'hôpital du Bailleul, en lien avec l'élaboration d'un projet médical défini entre les acteurs du territoire.
Le ministère suit avec la plus grande attention cette situation.
Mme Nadine Grelet-Certenais. - La situation est préoccupante dans le département : les hôpitaux de proximité doivent être défendus. Un autre hôpital de proximité, celui de Saint-Calais, est touché dans la Sarthe.
Augmentation des agressions de professionnels de santé
M. Jean-François Rapin . - Je m'inquiète de l'insécurité grandissante dont sont victimes les professionnels de santé.
Dernièrement, le Conseil national de l'Ordre des médecins annonçait un triste record : en 2017, plus de 1 000 cas d'agressions ont été rapportés. Un chiffre inquiétant d'autant plus que certains professionnels ne déclarent pas les incidents dont ils sont victimes, souvent par manque de temps, parfois par peur.
Des patients en colère, une prise en charge qui ne leur convient pas, des prescriptions non conformes à leurs attentes, des temps d'attente jugés trop longs, qui se transforment en insultes, menaces, harcèlement, vols, coups. Ces agressions se généralisent et génèrent un fort sentiment d'insécurité chez les praticiens. Les professionnels de santé, en premier lieu les femmes et les médecins généralistes, subissent alors une pression grandissante et avouent, pour certains, se sentir totalement démunis.
Notre pays souffre d'un phénomène de désertification médicale, d'autant plus inquiétant en milieu rural, ce qui nuit à l'efficacité même de notre système de santé. Une telle violence n'encourage en rien la volonté de certains d'exercer dans ce domaine, ni même l'installation des plus jeunes. La médecine de proximité ne peut pâtir de telles difficultés et il ne faut en aucun cas renforcer les inégalités d'accès aux soins, d'ores et déjà criantes sur le territoire national.
Quelles sont les intentions du Gouvernement afin d'assurer la sécurité des professionnels de santé, en leur permettant d'exercer sereinement leur profession ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Le ministère des solidarités et de la santé est très attentif à la protection des médecins et à celle de l'ensemble des professionnels de santé, qu'ils exercent en libéral ou en établissement.
Cette protection est primordiale pour leur assurer des conditions de travail décentes sans lesquelles ils ne peuvent offrir une qualité de soins optimum à nos concitoyens.
Les questions d'incivilité, voire de violence ne sont pas tolérables et des mesures sont prises depuis plusieurs années par le ministère de la santé en relation étroite avec les ministères de l'intérieur et de la justice.
En premier lieu, l'ensemble des professionnels de santé bénéficient de dispositions pénales spécifiques leur permettant de bénéficier d'un régime de protection identique à celui de certaines fonctions et professions, comme par exemple les personnes investies d'un mandat électif public, les magistrats ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique.
Les ordres professionnels de santé bénéficient également par la loi de certaines prérogatives de soutien à leurs membres. Les conseils nationaux, régionaux et départementaux des ordres peuvent ainsi exercer tous les droits réservés à la partie civile en cas de préjudice direct ou indirect à l'intérêt de leur profession, y compris en cas de menaces ou de violences commises en raison de l'appartenance à l'un de ces métiers.
Au-delà de la protection pénale que je viens d'évoquer et du soutien par la constitution de partie civile de l'ordre professionnel, il existe des séries de protocoles nationaux associant les ministères de la santé, de l'intérieur et de la justice qu'il faudra continuer à approfondir.
Par ailleurs, cinq fiches réflexes du ministère de l'intérieur mises à jour en 2017 donnent une série de conseils pratiques sur la protection des professionnels de santé travaillant en libéral et les réactions à avoir en cas d'agression.
Enfin, depuis 2005, un membre du corps de conception et de direction de la police nationale est détaché auprès de la direction générale de l'offre de soins et a notamment en charge les questions d'incivilités et de violence.
Sous l'égide de l'Observatoire national des violences en milieu de santé, un guide pratique a été publié en 2017 : « La Prévention des atteintes aux personnes et aux biens en milieu de santé ».
Aujourd'hui, il importe de mieux former les médecins à la gestion des agressions verbales et physiques. Des méthodes se développent à l'hôpital mais encore trop peu dans le cadre de l'exercice libéral. Le développement de l'exercice regroupé des professionnels de santé devrait également atténuer cette insécurité.
M. Jean-François Rapin. - La publication des condamnations serait de nature à rassurer les médecins. La situation est critique dans le cas de la permanence des soins. Il faut également restaurer une forme de proximité, alors que les ARS ont tendance à regrouper ces permanences.
Mme la présidente. - Mme la ministre doit participer à une réunion sur la bioéthique. Ce sera Mme Cluzel qui répondra.
Suivi des femmes victimes du Distilbène
M. Jean-Pierre Sueur . - Cette question orale fait suite à plusieurs questions écrites qui n'ont pas reçu de réponses satisfaisantes.
La prise du Distilbène, qui a été prescrit à des femmes au cours de leur grossesse entre 1948 et 1977, et dont la toxicité est aujourd'hui avérée, a eu des conséquences délétères sur la santé de trois générations : elles-mêmes, leurs enfants et leurs petits-enfants. Dans une réponse à une question écrite, le ministère de la santé a estimé que « le dispositif mis en place dans le cadre du dépistage organisé du cancer du col de l'utérus, comprenant la prise en charge intégrale de l'analyse du frottis par l'assurance maladie tous les trois ans, constituait une réponse adaptée aux risques auxquels sont exposées les « filles DES », femmes exposées in utero au Distilbène.
Cette réponse méconnaît la nécessité du suivi spécifique de ces victimes, dont le risque de développer un cancer ACC du col utérin et du vagin est démultiplié. Les « filles DES » ont par ailleurs un risque accru de dysplasie du col et du vagin. C'est pourquoi une consultation médicale annuelle et adaptée constitue la condition indispensable d'une prévention pertinente pour elles. L'Institut national du cancer (INCa) a précisé que les femmes sous traitement immunosuppresseur pendant de longues durées, les femmes porteuses du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et les femmes exposées in utero au DES présentaient un risque majoré de cancer du col de l'utérus et nécessitaient un suivi spécialisé. Or, contrairement aux deux autres catégories de femmes, les « filles DES » ne bénéficient d'aucun statut particulier. De ce fait, elles ne sont pas incitées à effectuer un dépistage suffisamment régulier eu égard à leur vulnérabilité spécifique. Cela peut constituer un risque majeur pour leur santé.
Quelles dispositions comptez-vous prendre afin d'octroyer un statut spécifique à ces femmes, victimes du DES, et de les faire bénéficier d'une prise en charge à 100 % par le régime général d'assurance maladie d'une consultation gynécologique annuelle, adaptée à leur situation et comprenant la réalisation d'un frottis spécifique ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Chacun connaît votre investissement sur ce sujet depuis de nombreuses années.
Comme vous le savez, le Distilbène est un oestrogène de synthèse qui a été prescrit à partir de 1940 pour réduire le risque de fausse couche et a été interdit en 1980 suite à diverses alertes sanitaires sur la nocivité du produit. Les femmes qui ont été exposées in utero sont confrontées à des anomalies du col de l'utérus et des trompes, pouvant entraîner la stérilité ou les accidents de grossesse.
Ainsi, depuis 2006, les femmes souffrant d'une grossesse pathologique liée à l'exposition in utero au DES, peuvent bénéficier d'un congé de maternité spécifique. Elles peuvent se voir attribuer le versement d'indemnité journalière maternité dès le premier jour de l'arrêt de travail et jusqu'au début du congé prénatal légal. Une telle prise en charge permet aujourd'hui, de compenser la nécessité pour ces femmes, de cesser le travail bien avant le début du congé prénatal.
Ces femmes ont également un risque accru de certains cancers féminins. Le risque majoré de cancer du col de l'utérus a conduit l'Institut de lutte contre le cancer à recommander un suivi particulier, avec la réalisation d'un frottis annuel. Le dépistage organisé du cancer du col de l'utérus prévoit la prise en charge à 100 % d'un frottis pour les femmes n'en ayant pas réalisé lors des trois dernières années. L'arrêté qui définit le périmètre du dépistage précise bien que les femmes exposées au Distilbène 2e génération sont incluses dans la population cible. Il est donc essentiel d'intégrer celles qui ne réalisent pas de frottis ou pas suffisamment régulièrement.
Pour celles qui réalisent un frottis annuel, la participation de l'assurée sur le frottis et la consultation sans dépassements d'honoraires est intégralement prise en charge par l'assurance obligatoire et complémentaire, dans le cadre des contrats responsables qui représentent 95 % des contrats du marché.
Pour les personnes ayant des difficultés financières, l'action sociale des caisses peut prendre en charge les frais de suivi. Les caisses pourraient être sensibilisées à ce sujet.
Enfin, s'agissant de l'information de ces femmes quant aux examens nécessaires à leur suivi, le site de l'assurance maladie, Ameli.fr, contient les renseignements utiles sur la possibilité d'un allongement de la période de versement de l'indemnité journalière maternité.
À court terme, l'information sur la réalisation du frottis annuel pourrait y être développée sur la base de recommandations médicales établies.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je connais les modalités spécifiques du congé maternité pour ces femmes : il est issu d'un amendement que j'ai fait voter de haute lutte. Entre cet amendement et la publication des deux décrets d'application, il s'est écoulé quatre ans et demi.
Je ferai part de votre réponse à l'association qui défend les victimes du Distilbène, dans l'espoir qu'une consultation gynécologique annuelle soit intégralement prise en charge.
Accueil des enfants atteints d'autisme lourd
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - Le président de la République Macron s'était engagé lors de la campagne présidentielle à créer « tous les postes d'auxiliaires de vie scolaire pour que les jeunes enfants vivant en situation de handicap puissent aller à l'école ».
Il avait également promis de créer « les postes et les structures pour que les enfants, en particulier les jeunes autistes, n'aient plus à aller à l'étranger lorsqu'ils ont besoin d'être accueillis en centres spécialisés ».
En avril dernier, le Gouvernement a annoncé les mesures du quatrième plan Autisme sur cinq ans, avec notamment le triplement du nombre d'unités d'enseignement en maternelle (UEM), ces petites classes destinées aux enfants ayant besoin d'un soutien renforcé.
De nouvelles classes spécialisées devaient être ouvertes en primaire, au collège et au lycée, et une centaine de postes d'enseignants spécialisés dans l'autisme devait être créée pour soutenir ceux qui ont des élèves autistes dans leurs classes.
Au-delà de ces annonces, la réalité du quotidien pour les familles s'apparente plutôt à un parcours du combattant. En effet, les budgets alloués aux ARS, qui font face à une recrudescence de la prévalence de ce handicap limitent grandement les prises en charge. Les unités locales pour l'inclusion scolaire diminuent chaque année le nombre de places disponibles pour les enfants atteints d'autisme, ou ne renouvellent pas leurs autorisations de scolarisation. C'est le cas dans mon département : beaucoup d'enfants qui étaient scolarisés n'ont pas de renouvellement de scolarisation.
En outre, les budgets pour des places supplémentaires ne sont pas attribués aux instituts médico-éducatifs au prétexte qu'il faut « privilégier l'inclusion en milieu ordinaire ». Cette intention est louable, à condition que les moyens soient prévus, ce qui n'est pas le cas.
Le Gouvernement a réduit le nombre de contrats aidés ce qui entraîne des conséquences désastreuses en diminuant le nombre d'auxiliaires de vie scolaire. Ces AVS sont pourtant essentiels pour les enfants en situation de handicap, singulièrement les enfants autistes, auxquels ils permettent de faire de grands progrès intellectuels et relationnels et dont ils connaissent les besoins spécifiques.
Les budgets alloués aux ARS ainsi que le nombre de places adaptées à ces enfants sont insuffisants et mettent les parents dans des situations de grande détresse. En outre, il s'agit d'une discrimination inacceptable en rompant avec le principe d'égalité scolaire.
De nombreuses études démontrent que les troubles du spectre autistique constituent la maladie dont la prévalence a le plus progressé en trente ans. En France, une personne sur 100 est atteinte de trouble du spectre autistique, soit deux fois plus qu'aux États-Unis et 60 % des enfants autistes ne sont pas scolarisés. Élus et associations ne cessent de dénoncer cette situation.
Aussi je vous demande quelles réponses concrètes vous entendez apporter à ces familles ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - La politique d'inclusion des personnes handicapées portée par le Gouvernement entend ne laisser personne de côté. Les solutions doivent être individualisées, adaptées à chacun en fonction de ses besoins spécifiques : c'est dans ce cadre qu'agissent aujourd'hui les différents acteurs de l'accompagnement avec le dispositif « réponse accompagnée pour tous » qui se déploie massivement sur tout le territoire. Il n'y a ni autisme lourd ni autisme léger, toutes les personnes méritent notre attention et notre accompagnement.
La stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement 2018-2022 adoptée par le Gouvernement en avril dernier, bénéficie de 344 millions de mesures nouvelles auxquels s'ajoutent 53 millions en provenance du troisième plan autisme. Ces crédits serviront notamment à de nouvelles solutions d'accompagnement adaptées à la situation de l'enfant ou de l'adulte, afin d'éviter les situations de rupture qui mettent les familles en grande difficulté.
Je connais leurs difficultés : il ne s'agit pas de les ignorer et de veiller étroitement avec les services à trouver des réponses adaptées à ces situations individuelles. Ainsi, l'instruction diffusée aux ARS en mai 2017 impulsant l'évolution de l'offre sociale et médico-sociale pour personnes handicapées préserve le développement quantitatif de l'offre, 50 % des crédits y sont affectés, en priorité sur les zones en tension pour répondre à des situations sans réponse et pour les handicaps les plus mal couverts.
Pour la préparation des seconds projets régionaux de santé, j'ai également demandé aux ARS de veiller au développement de réponses mieux adaptées, notamment en réduisant de 20 % par an le nombre de personnes adultes accueillies en établissements pour enfants.
Notre politique publique doit désormais viser à une transformation de l'offre permettant de renforcer les liens entre les différents dispositifs médico-sociaux et sanitaires afin de garantir la cohérence et la complémentarité des accompagnements, apporter un appui aux aidants, aux familles, et les liens avec le milieu ordinaire : soins, scolarisation, logement, emploi, accès à la culture et aux loisirs.
Nous sommes mobilisés pour avoir la réponse la mieux adaptée.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Ces annonces ne se traduisent pas sur le terrain, où nous percevons le désarroi immense des parents. L'autisme ne permet pas toujours une prise en charge en milieu ordinaire.
Situation des mineurs étrangers isolés
M. Rémi Féraud . - La présence, à Paris comme dans d'autres villes de France, de mineurs isolés étrangers, parfois très jeunes, en errance et refusant les prises en charge qui leur sont proposées, crée une situation préoccupante.
Parfois à la rue depuis leur plus jeune âge dans leur pays d'origine - le Maroc principalement - ils sont à l'origine de nombreux actes de violence, sont souvent polytoxicomanes et se mêlent progressivement aux réseaux de délinquance organisée.
Cette problématique concerne particulièrement le quartier de la Goutte d'Or dans le XVIIIe arrondissement de Paris, où ces enfants et adolescents sont en danger et sont un danger pour les riverains.
La situation est d'autant plus alarmante que nous constatons l'impuissance des pouvoirs publics à répondre à la détresse de ces jeunes, à la fois victimes et délinquants. Cette situation dépasse largement les compétences des collectivités locales en matière de protection de l'enfance.
La collaboration avec les autorités marocaines, qui ne semble pas inscrite dans la durée, est un outil indispensable pour permettre l'identification des jeunes mais elle ne saurait constituer la seule réponse à une situation qui relève de l'enfance en danger et qui demande un engagement des institutions qui en ont la responsabilité.
La maire de Paris a proposé, le 17 juillet, la création de centres éducatifs fermés adaptés, avec une offre de soins.
Quels moyens seront déployés pour activer les contacts diplomatiques avec les pays d'origine de ces très jeunes mineurs, pour renforcer les capacités d'action des forces de police dans les quartiers concernés, mais aussi et surtout pour sortir ces jeunes de la rue et trouver une prise en charge adaptée à leur situation ?
Mme la présidente. - Mme Belloubet est retenue par une réunion à l'Élysée.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - La problématique des mineurs non accompagnés marocains mobilise la justice et notamment les juridictions de la région parisienne, au premier rang desquelles le parquet des mineurs de Paris et le tribunal pour enfants.
Ces jeunes souvent polytoxicomanes, vivent dans des conditions d'errance extrêmement précaires et portent des atteintes répétées à l'ordre public tout en étant victimes de violences, ou de réseaux de trafics.
À Paris, il y aurait en permanence entre 40 et 70 mineurs localisés dans le quartier de la Goutte d'Or mais avec des arrivées et des départs continus. Ces mineurs représentent une part importante de l'activité de la permanence des mineurs du parquet de Paris. En 2017, 813 d'entre eux ont été placés en garde à vue dont 482 ont été déférés au parquet. Ces mineurs refusent en général les prises en charge et fuguent des dispositifs de placement.
Les autorités françaises et marocaines unissent actuellement leurs efforts pour traiter la situation de ces mineurs non accompagnés présumés marocains.
Depuis le 18 juin dernier, les autorités marocaines ont dédié une mission installée au commissariat du 18e arrondissement en charge d'identifier ces mineurs et d'établir leurs liens familiaux.
Au cas par cas, des solutions seront apportées dans leur intérêt et le respect de leurs droits. Dans ce cadre, les juges des enfants décideront de toute mesure adaptée. L'objectif est de sortir ces mineurs des rues, de les protéger. Nous souhaitons les inscrire dans un projet de réinsertion durable, familial, institutionnel, tenant compte de leurs besoins fondamentaux et de leurs perspectives d'avenir. Tous les acteurs compétents, français comme marocains, travaillent en collaboration dans le strict respect de la législation applicable.
M. Rémi Féraud. - Nous partageons le constat. Il faut en effet répondre au cas par cas, et certains mineurs doivent retourner dans leur pays. Mais, pour le moment, le droit commun ne suffit pas : les mineurs fuient la prise en charge. C'est pourquoi la mairie de Paris a proposé d'autres solutions de type centre éducatif fermé mais adapté à la situation de ces jeunes. Ne restons pas impuissants.
Projet d'implantation d'une prison à Limeil-Brévannes
M. Laurent Lafon . - La garde des Sceaux a annoncé le 7 mars 2018 qu'une quinzaine d'établissements de préparation à la sortie sur le modèle scandinave des « prisons ouvertes » seraient prochainement ouverts.
Je ne conteste pas l'objectif de cette mesure, à savoir mieux lutter contre la récidive alors que plus 60 % des sortants de prison sont réincarcérés dans les cinq ans qui suivent.
Ce qui surprend, c'est le choix de la localisation, tout particulièrement dans le Val-de-Marne où deux emplacements sont envisagés.
À Limeil-Brévannes, la construction d'une prison serait un coup dur porté aux projets de la ville pour deux raisons principales : il existe déjà un projet de développement d'une zone d'attractivité économique sur la parcelle. En outre, la prison menacerait la construction de la future station de téléphérique des Temps durables.
À Choisy-le-Roi, le site envisagé interroge également. La construction d'une prison risque de freiner l'essor de la ZAC du quartier du Port. La ville de Choisy a besoin du développement de ces anciennes friches en bord de Seine, alors qu'elle souffre d'un réel déficit d'investissement en termes d'équipements publics.
Surtout, la création de quartiers prioritaires de sécurité ne passe pas forcément par la construction de nouveaux sites. Il peut aussi s'agir de réhabilitations de sites pénitentiaires, comme c'est le cas en Isère.
Le Val-de-Marne dispose du deuxième plus grand établissement pénitencier de France : celui de Fresnes.
Alors que la maison d'arrêt fait l'objet d'un recours devant la CEDH pour conditions indignes de détention, Mme la garde des Sceaux a annoncé il y a un mois que sa rénovation allait s'engager. C'est une bonne nouvelle. L'intégration d'un quartier de préparation à la sortie dans le centre pénitentiaire de Fresnes rénové semble aller de soi.
Quels sont les projets de l'État pour la construction de nouvelles prisons dans le Val-de-Marne ?
Pourquoi ne pas rénover le centre pénitentiaire de Fresnes pour intégrer un quartier de préparation à la sortie ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Mme la garde des Sceaux a déjà eu l'occasion de répondre à des questions d'autres parlementaires sur le sujet et son cabinet a reçu l'ensemble des élus qui en ont fait la demande.
Pour la seule Île-de-France, ce sont six structures de ce type qu'il faut bâtir. Ce sont des établissements fermés, accueillant un public condamné à des courtes peines ou des personnes en fin de peine, dont le potentiel de réinsertion est avéré.
Mme la garde des Sceaux vous sait gré de reconnaître l'opportunité de développer notre parc pénitentiaire en adaptant les structures aux différents types de publics qu'il doit accueillir. Elle regrette que vous considériez que ce nécessaire effort doit prendre place ailleurs que dans votre circonscription.
Une des réponses à la surpopulation carcérale forte actuelle, au-delà de la refonte du dispositif de sanctions et de l'échelle des peines qu'elle présentera lors de l'examen de la loi de programmation et de réforme pour la justice, réside dans un programme immobilier ambitieux : 15 000 places supplémentaires d'ici 2027 dont 7 000 livrées à l'horizon fin 2022.
Limeil-Brévannes, au regard des propositions foncières faites, est une des deux implantations envisagées pour le Val-de-Marne. Les études préliminaires montrent la faisabilité du projet, sans remettre en cause les perspectives de développement de la zone, particulièrement du projet de téléphérique urbain défendu par Mme le maire.
Le choix d'implantation sera arrêté prochainement et en une seule fois. Les annonces correspondantes seront faites au moment de la présentation du projet de loi de programmation, au mois d'octobre.
S'agissant, enfin, de la maison d'arrêt de Fresnes, Mme la garde des Sceaux précise que des crédits d'étude ont été débloqués dès cette année afin de déterminer le programme de rénovation envisageable.
M. Laurent Lafon. - Je ne suis pas contre cette politique. Ma question porte sur les choix d'implantation. Il y aurait plus de sens de créer un quartier de préparation à la sortie à Fresnes.
Devenir du recrutement en école d'orthophonie
Mme Anne-Marie Bertrand . - La suppression annoncée du concours d'entrée en institut de formation en soins infirmiers (IFSI) au profit d'une sélection par Parcoursup dès le printemps 2019 inquiète. Ce processus de sélection qui devrait être ensuite généralisé pour toutes les formations paramédicales nuirait en particulier à la profession d'orthophoniste. Ces concours d'entrée sont difficiles, mais ils garantissent une maîtrise des connaissances nécessaire à cette profession. Cette réforme engendrerait un nivellement par le bas, alors que la place de cette profession est amenée à croître au regard, notamment, du vieillissement de la population.
Enfin, il existe également un risque d'ordre économique avec la mise en danger des établissements privés qui préparent à ces concours. Une suppression aussi brutale que celle des concours infirmiers aurait incontestablement des conséquences sur les salariés.
Quelles modalités de recrutement en école d'orthophonie avez-vous prévues dans les années à venir ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Agnès Buzyn, et Frédérique Vidal ont conduit plusieurs cycles de discussion afin de dessiner conjointement les contours de la transformation des études de santé. Il convient en effet de doter notre pays de professionnels de santé encore mieux formés et capables de s'adapter aux besoins croissants de nos concitoyens.
Le processus d'universitarisation des formations paramédicales a vocation à rapprocher ces formations de l'université afin de garantir les mêmes droits à tous les étudiants tout en facilitant la transversalité et les approches interprofessionnelles entre futurs professionnels de la santé.
Les personnels soignants formés dans les IFSI seront admis sur dossier via Parcoursup. Le profil de chaque candidat sera ainsi examiné pour ce qu'il est et non plus pour sa conformité avec les règles d'un concours.
S'agissant des formations en orthophonie, la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants prévoit, conformément à un amendement proposé et adopté par le Sénat, que l'ensemble de l'offre de formation disponible soit inscrite sur Parcoursup en perspective de la campagne d'affectation 2019. Certaines formations pourront n'intégrer la plateforme qu'en 2020.
L'intégration dans Parcoursup en tant que telle n'enlève rien au caractère sélectif de ces formations. La suppression de la hiérarchisation des voeux sur Parcoursup interdit les stratégies d'optimisation qui conduiraient certains à s'orienter en orthophonie par défaut. La spécificité de l'orthophonie sera ainsi respectée, ce qui n'enlève rien à la nécessité de réfléchir à la façon d'identifier plus finement les bacheliers ou les étudiants en réorientation qui correspondent le mieux aux attendus d'une formation en orthophonie.
Le Gouvernement envisage cette évolution en lien avec les écoles en orthophonie, les centres de préparation aux concours et les professionnels du secteur. À ce stade, cette réflexion est toujours en cours s'agissant tant du calendrier que des modalités d'accès aux écoles en orthophonie. Des annonces spécifiques auront ainsi lieu le moment venu.
Mme Anne-Marie Bertrand. - Il y va de l'avenir des étudiants et des établissements qui forment aux concours. Apportez une réponse rapide.
Calendrier de notification et de versement des dotations aux collectivités locales
Mme Nadia Sollogoub . - J'attire votre attention sur les graves conséquences financières, pour les collectivités territoriales, qu'entraîne le retard chronique et systématique de la notification et de versement par l'État des subventions et compensations financières et fiscales auxquelles elles ont droit.
Ce problème récurrent n'a pas trouvé, à ce jour, de solution satisfaisante. Quelles que soient les règles en vigueur, il doit pourtant être possible de mettre en oeoeuvre, de manière programmée et rigoureuse, une procédure qui permette, à terme, la notification et le versement intégral des dotations et compensations avant une date limite précise.
La liste des informations financières qui doivent être communiquées aux collectivités figure à l'article D. 1612-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). L'idéal en la matière serait que cette date tende à se rapprocher le plus possible du 31 mars, date limite prévue par la loi pour la communication des informations indispensables au vote du budget des collectivités. On ne peut sans cesse appeler à une gestion plus performante des collectivités locales si l'État ne fait pas preuve de rigueur en matière de délais de notification, d'application et de versement des dotations et compensations attribuées aux collectivités locales.
Ainsi, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) est notifiée en général au mois de mai ou juin, alors que les services de l'État exigent un commencement de travaux avant octobre de la même année !
Quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour mettre en oeuvre, en étroite concertation avec les élus locaux, une procédure claire et rigoureuse, et un calendrier réaliste, particulièrement attendus par nos collègues élus en cette période d'austérité budgétaire.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Je vous réponds au nom du ministre de l'action et des comptes publics, pour qui le respect du calendrier est une priorité, tout comme pour le ministre de l'Intérieur, dont les services calculent les transferts financiers au profit des collectivités.
Les dotations et les compensations d'exonération sont des informations indispensables pour que les collectivités puissent adopter leur budget dans les délais fixés par la loi, c'est-à-dire le 15 avril de l'année au plus tard.
Si la collectivité ne dispose pas, à la date du 31 mars, d'un certain nombre d'informations indispensables, le délai limite d'adoption de son budget est alors reporté. Par exemple, le calcul de la dotation globale de fonctionnement s'achève aux alentours du 31 mars, une fois que les données disponibles ont pu être recensées et fiabilisées.
Si la mise en ligne n'intervient pas le 31 mars, mais le 2 avril, alors le délai limite d'adoption du budget est reporté du 15 au 17 avril.
La fin mars ou le début avril sont des échéances incompressibles. Le recensement des attributions de compensation auprès des collectivités s'achève le 28 mars. Plus généralement, certaines données doivent, en vertu de la loi, provenir du dernier compte administratif disponible. Pour raccourcir les délais, il faudrait donc renoncer à utiliser les données de l'année écoulée et se fonder sur des données N-2, périmées. C'est une éventualité que le Gouvernement exclut.
En revanche, le ministère de l'action et des comptes publics ne partage pas votre remarque relative aux subventions d'investissement, tout simplement parce qu'il ne s'agit pas de constater un droit pour la collectivité, mais bien de lui allouer une subvention sur la base des projets qu'elle aura proposés.
D'ailleurs, la loi demande déjà au préfet de programmer la DETR avant le 31 mars. Les services préfectoraux sont pleinement mobilisés, comme chaque année, pour examiner la trentaine de milliers de dossiers de subvention qui leur sont adressés en janvier et février pour être en mesure d'effectuer une programmation, rapide, judicieuse et efficace des crédits.
Mme Nadia Sollogoub. - La personne qui a rédigé cette réponse a-t-elle été élue de terrain ? L'adoption d'un budget communal est très difficile ; on passe les jours qui précèdent le 15 avril devant l'ordinateur, dans l'attente du montant des dotations. Et parfois, on vote sans disposer des chiffres... qui arrivent le lendemain et qui obligent à voter un budget rectifié ! Cette réponse est coupée de la réalité vécue par les élus de terrain.
Quant à la DETR, il est impossible de décider de travaux sans connaître le montant de la subvention. Les délais deviennent ubuesques.
Activité « relation clients » d'Engie
M. Franck Montaugé . - Depuis dix ans, le groupe Engie a fermé 19 de ses 32 sites de « Relation clients », supprimé 1 000 emplois et il a externalisé 85 % de ses activités clientèle dont 30 % à l'étranger.
Cette hémorragie s'est encore accélérée depuis deux ans par des délocalisations au Cameroun et au Sénégal, après le Maroc, le Portugal et l'île Maurice.
Près de 3 000 emplois sont actuellement menacés par cette stratégie de délocalisation vers des pays à bas coûts de main-d'oeuvre. Ces délocalisations généreront des économies de l'ordre de 7 millions à comparer au bénéfice de 1,4 milliard réalisé par le groupe en 2017, ceci dans le cadre d'un marché de 11 millions de clients générant 6 milliards de chiffre d'affaires.
De surcroît, cette stratégie fait fi de la dimension humaine du sujet. Elle prévoit par exemple la formation du personnel à l'étranger par ceux-là mêmes qui demain verront leur emploi en France supprimés !
Ces milliers d'emplois sont pourtant souvent indispensables à l'économie locale française et à la cohésion des territoires. Certains de ces territoires seront considérablement affaiblis par la disparition de ces centres de « Relation clients ».
Lors d'une récente audition par la commission des affaires économiques du Sénat, Mme Kocher, directrice générale d'Engie, a indiqué qu' « il n'y a pas d'avenir pour la relation client ».
Comment comprendre cette déclaration ? Quelle appréciation l'État, actionnaire principal à hauteur de 24,1 % du capital et qui détient 28,1 % des droits de vote, porte-t-il sur cette stratégie d'entreprise ?
Faut-il comprendre qu'Engie s'apprête à vendre ce portefeuille de 11 millions de clients dans le cadre de l'entrée de nouveaux partenaires au capital en compensation du retrait de l'État comme pourrait le permettre in fine la loi Pacte ?
Enfin, quelles mesures l'État compte-t-il prendre pour préserver ou relocaliser ces emplois en France ? (M. Fabien Gay applaudit.)
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Avant de vous répondre sur le fond, sachez que l'État est particulièrement attentif à la dimension sociale de la transformation en cours du groupe Engie.
À cet égard, il faut signaler que le groupe a signé en avril 2016, avec trois fédérations syndicales européennes, un accord impliquant qu'une offre d'emploi au sein du groupe soit proposée à tout salarié concerné par des réorganisations. Cet accord prévoit en outre un important effort de formation.
Sur le fond, la décision d'Engie d'externaliser une partie de son service client résulte d'une intensification de la concurrence sur ses marchés, en lien avec la dérégulation des marchés de l'énergie.
Le groupe a traversé une crise profonde jusqu'en 2016, à l'image des énergéticiens européens.
Les entreprises possédant un large portefeuille clients sont confrontées à la nécessité de réduire leurs coûts tout en proposant un service en ligne avec les standards actuels, reposant sur les technologies numériques et une approche multicanale.
Elles procèdent à une externalisation croissante des formes d'interaction avec la clientèle, avec des opérateurs basés à l'étranger proposant des prestations moins onéreuses sur une plage calendaire et horaire élargie et, parallèlement à cela, au déploiement d'outils avancés de CRM intégrant l'apport de nouvelles technologies faisant appel notamment à l'intelligence artificielle.
Ce double mouvement d'externalisation des activités à faible valeur ajoutée et de recours croissant à des éditeurs de solutions et entreprises de service numérique spécialisées s'inscrit dans la transformation numérique du processus.
Les entreprises françaises spécialisées dans la relation client tiennent, avec la transformation numérique, l'occasion de rebondir. Le groupe Engie a ainsi tout récemment confié à des sociétés françaises l'intégration de la relation client numérique multicanale dans son système d'information.
Dans ce contexte, les professionnels concernés et le Gouvernement travaillent au renforcement des atouts de nos entreprises et plus généralement à l'attractivité de notre pays.
M. Franck Montaugé. - Où est la dimension humaine dans votre réponse ? Où est la dimension territoriale dans cette politique ? Une fois encore, hélas, la rentabilité du capital prime sur toute autre considération.
Or l'État pourrait imposer une relocalisation. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication pourraient être mises en oeuvre sur le territoire national : en 2017, treize grandes entreprises ont signé avec le gouvernement italien un protocole limitant à 20 % les délocalisations des centres d'appel. L'État actionnaire a les moyens d'agir.
Situation du centre hospitalier de Saint-Nazaire
M. Yannick Vaugrenard . - Le centre hospitalier de Saint-Nazaire occupe depuis 2012 la « Cité sanitaire » en partenariat avec la clinique mutualiste de l'Estuaire (ClME). Ce bâtiment est mis à sa disposition par la société par actions simplifiée (SAS) « La Cité » sous la forme d'un bail emphytéotique hospitalier (BEH). Ce montage juridique est unique en France et n'a donc pas fait l'objet d'une réglementation spécifique : c'est bien tout le problème.
Aujourd'hui, le groupement de coopération sanitaire (GCS) public « Cité sanitaire » se trouve dans une situation irrationnelle à l'égard de l'administration fiscale. En effet, celle-ci considère que ce groupement ne peut bénéficier d'une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties en considérant qu'il ne s'agit pas d'un établissement public de santé. Il en découle une taxation importante, d'un montant de plus de 500 000 euros pour 2016 et de 533 149 euros pour 2017, auxquels il convient d'ajouter 20 % de TVA.
Pourtant, bien que le cas spécifique de « La Cité » ne soit pas prévu par la loi, ce groupement répond aux critères d'exonération de taxe foncière. En effet, l'immeuble est affecté à un service public et d'intérêt général et le code général des impôts prévoit l'exonération des contrats de partenariat, si le bien appartient à un établissement public ou si un bail emphytéotique hospitalier a été conclu avec un établissement public. En conséquence, ces éléments devraient être interprétés dans un sens favorable à la Cité Sanitaire.
Si cet assujettissement devait prospérer, nous aboutirions au paiement d'une taxe foncière par le centre hospitalier de Saint-Nazaire qui serait sans doute un des seuls centres hospitaliers dans cette situation.
Enfin, le conseil municipal de Saint-Nazaire a voté, le 29 juin dernier, l'exonération de la taxe foncière du groupement de coopération sanitaire, comme le prévoit l'instruction fiscale de 2012.
Le conseil départemental de Loire-Atlantique s'est engagé à voter une délibération identique le 3 octobre prochain.
Je souhaiterais donc que vous me confirmiez la validité des décisions prises par les collectivités territoriales de Loire-Atlantique, permettant ainsi la viabilité financière de la Cité Sanitaire, dont les activités sont vitales pour nos concitoyens.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Les immeubles construits dans le cadre de contrats de bail emphytéotique hospitalier (BEH) sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant toute la durée du contrat.
Cette exonération est soumise à plusieurs conditions. Pendant la durée du contrat, ils doivent être affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus pour la personne publique contractante. D'autre part, le BEH doit avoir été conclu avec une personne publique visée au 1° de l'article 1382 du CGI, ce qui inclut les établissements publics d'assistance dont font partie, selon la doctrine administrative, les établissements publics de santé (EPS).
Enfin, à l'expiration du contrat, les immeubles doivent être incorporés au domaine de la personne publique contractante conformément aux clauses de ce contrat.
En application des dispositions de l'article L. 6133-7 du code de la santé publique, lorsqu'ils sont titulaires d'une ou plusieurs autorisations d'activités de soins, les groupements de coopération sanitaire (GCS) sont qualifiés d'EPS avec les droits et obligations y afférents.
Lorsqu'ils sont érigés en EPS par décision du directeur général de l'agence régionale de santé, les GCS peuvent bénéficier de l'exonération de TFPB.
En revanche, les GCS qui n'ont pas le statut d'EPS ne peuvent par définition pas bénéficier de cette exonération. En l'espèce, au vu des éléments à la disposition de l'administration fiscale, le GCS « Cité Sanitaire de Saint-Nazaire » est un groupement de moyens constitué dans le but de réaliser et gérer la Cité sanitaire. Il ne bénéficie pas d'une autorisation d'activités de soins permettant de le qualifier, en application de l'article L. 6133-7 du code de la santé public, d'établissement de santé.
En conséquence, les bâtiments de la cité sanitaire nazairienne ne peuvent bénéficier de l'exonération de taxe foncière.
M. Yannick Vaugrenard. - Nous marchons sur la tête ! La Cité a bénéficié d'un partenariat public-privé. Ils sont d'ailleurs interdits pour les établissements de santé depuis 2014.
Les loyers payés à Eiffage font que le coût sera autrement plus important que s'il s'agissait de rembourser un emprunt.
Cet établissement public de santé subit une double peine.
Madame la Ministre, vous parlez de profit et d'actionnaires. Mais il n'a pas vocation à faire des profits ! Je ne vois pas pourquoi l'exonération de taxe foncière ne serait pas possible. Ce n'est pas aux technocrates de Bercy de décider, avec une absence totale de logique politique.
J'espère que vous porterez la voix du bon sens et que la logique de santé publique l'emportera.
Réforme du code minier
M. Jean-Marie Mizzon . - Le code minier a été, depuis sa création en 1956 par la reprise de la loi de 1810, maintes fois remanié ; recodifié en 2011 par l'ordonnance du 20 janvier 2011, c'est sous cette forme qu'il est actuellement en vigueur. Il faut, à présent, le mettre en conformité avec la charte de l'environnement.
Le département de la Moselle, où de nombreuses mines ont été exploitées jusqu'au siècle passé, est directement concerné, en particulier par le volet « arrêt définitif des travaux et après-mine ». La loi du 30 mars 1999, dite la « loi après-mine », confie à l'État la prise en charge des problèmes posés par la cessation de l'exploitation minière au titre de la solidarité nationale. Pour l'essentiel, l'État est tenu de reprendre à sa charge les travaux d'entretien d'ouvrages de sécurité sur d'anciens sites miniers.
Une proposition de loi examinée les 24 et 25 janvier 2017 à l'Assemblée nationale, qui est en attente d'examen au Sénat, ratifie l'ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier. Elle prévoit également, pour adapter le code minier au droit de l'environnement, une évaluation environnementale, la création d'une procédure renforcée d'information et de concertation du public, la création d'un haut conseil des mines, la définition d'une politique nationale des ressources et des usages miniers et, enfin, la création d'une « mission d'indemnisation de l'après-mine ». Cette dernière disposera-t-elle des fonds nécessaires à son bon fonctionnement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - La gestion de l'après-mine fait partie intégrante de la politique de prévention des risques à laquelle, chaque année, le ministère de la Transition écologique et solidaire consacre près de 40 millions d'euros.
Le code minier prévoit que l'exploitant minier reste responsable des dommages causés par son activité ; et ce, même après la fin de validité de son titre minier. À lui de réparer les dommages ou de les indemniser. En cas de défaillance ou de disparition de l'ancien exploitant, l'État prend le relais. À ce titre, il indemnise déjà des victimes de dommages miniers.
Depuis 2003, les particuliers dont la résidence principale est touchée par un dommage minier et qui n'ont pas nécessairement les moyens d'assumer d'éventuelles procédures contentieuses face à d'anciens exploitants peuvent bénéficier d'une pré-indemnisation. Délivrée par le Fonds de garantie des assurances obligatoires, le FGAO, elle intervient sous trois mois environ pour un montant de 400 000 euros maximum. Lorsque les procédures contentieuses n'aboutissent pas, l'État rembourse au FGAO les sommes que ce dernier a avancées. Ainsi, s'il n'existe pas de « mission d'indemnisation de l'après-mine », l'État assume pleinement les obligations qui lui sont fixées par la loi.
La réforme du code minier sera engagée, conformément à la feuille de route pour l'économie circulaire, à partir de la fin de l'année 2018 ou du premier semestre 2019. Cette réforme, nécessaire pour valoriser les ressources minières françaises selon les meilleurs standards environnementaux et sociaux, consistera notamment à rapprocher certaines procédures du code minier de celles du code de l'environnement. Ce sera l'occasion de prolonger cette discussion sur l'indemnisation des dommages causés par l'exploitation minière.
M. Jean-Marie Mizzon. - Les politiques publiques ont davantage vocation à préparer l'avenir qu'à réparer le passé ; c'est ainsi aujourd'hui, sans doute parce que cela est plus gratifiant. Reste qu'en 2004, lors de l'arrêt de l'exploitation minière, l'État s'est engagé à prendre toute sa part dans la réparation des dommages. Le bassin houiller autour de Forbach vit dans l'angoisse : des maisons sont sur le point de s'effondrer à cause de la remontée des eaux.
Le projet Montagne d'or en Guyane
M. Fabien Gay . - Demain, l'humanité aura consommé l'ensemble des ressources que la planète peut renouveler en un an. La « maison » que Jacques Chirac voyait brûler en 2002 est carbonisée... Et la France a ce projet fou d'une mine aurifère en Guyane, Montagne d'or, dont la fosse fera trente-deux fois le Stade de France, qui consommera 470 000 litres d'eau par heure contre 80 000 litres par an pour une famille guyanaise, 10 tonnes d'explosifs par jour et autant de cyanure par jour et produira 80 000 tonnes de déchets miniers chaque jour.
Ce projet présente un risque environnemental maximum, Madame la Ministre, et vous le savez puisque le barrage qui retient les boues cyanurées pourrait céder dans un département où la pluviométrie est forte. Cela s'est produit au Brésil en 2015 ou encore en Roumanie en 2010.
Autoriser ce projet synonyme de désastre environnemental, économique et social, n'est-ce pas totalement incohérent quand le président de la République fait le tour de la planète en répétant, la main sur le coeur, Make our planet great again ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Nous entendons vos inquiétudes et nous les partageons. En Guyane, en octobre dernier, le président de la République a dit son attachement à l'exemplarité des projets lancés sur ce territoire. Cela vaut pour les projets en général et pour le développement d'une filière aurifère en particulier. À propos de ce projet de mine d'or, le président s'est engagé, fin juin, lors de la clôture des Assises de l'outre-mer, à ce que « seules les exploitations exemplaires en terme environnemental et socio-économique puissent être envisagées en France ».
Sébastien Lecornu était en Guyane la semaine dernière pour faire le point. Le débat public sur la construction de la mine vient de se terminer, le rapport sera rendu public en septembre. Le Gouvernement a voulu que tous les acteurs - les entreprises, les élus, les ONG et les représentants des peuples amérindiens - puissent s'exprimer. En fonction des conclusions de ce rapport, des améliorations significatives seront demandées au porteur de projet, le Gouvernement y veillera.
Pour l'heure, le Gouvernement n'a pas pris de décision ferme. Une mission vient d'être lancée sur les enjeux socio-économiques et environnementaux des grands projets miniers en Guyane en général. Elle formulera des recommandations au Gouvernement sur les conditions dans lesquelles d'éventuelles exploitations minières de ce type pourraient voir le jour en Guyane.
Enfin, parce que je sais combien ce projet vous préoccupe, je tiens à vous préciser qu'il n'a pas bénéficié de subventions, mais de mesures fiscales comme tout projet économique en Guyane, sans distinction de secteur d'activité. Priorité sera donnée au recrutement local pour les emplois qui seront créés.
M. Fabien Gay. - Madame la Ministre, on vous sent gênée aux entournures. Il y a un tel écart entre la réalité et la communication macronienne ! La population guyanaise est majoritairement hostile à ce projet - 69 % selon une enquête du WWF, toutes les ONG sont contre ; les élus sont davantage divisés, c'est vrai.
Puisque vous parlez des emplois, le Gouvernement dépensera 420 millions d'euros pour 700 emplois non pérennes. Ce n'est pas une bagatelle ! Avec cette somme, il pourrait soutenir des projets économiques durables plutôt qu'une mine d'or qui, une fois l'argent public encaissé, recrutera au Surinam.
Cessons de mentir aux Guyanais. Après la révolte d'une ampleur inédite de l'an dernier, on leur a fait des promesses ; ils n'ont pas vu un centime de l'argent promis. Sur ce projet, qui est une aberration environnementale, sociale et économique, le Gouvernement choisit, une fois de plus, de protéger le capital.
Rénovation de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse
M. Daniel Chasseing . - Quelques semaines après la réforme de la SNCF, je veux insister, de nouveau, sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT). Après 150 millions d'euros dépensés en études, le projet de LGV a été abandonné par le Conseil d'État pour cause de non-financement. Pendant ce temps, la ligne traditionnelle est délaissée : les trois projets de modernisation envisagés depuis trente ans ont été annulés. Résultat : vieillissement du matériel roulant, inconfort des voitures et retards réguliers. Cette ligne de 713 km qui traverse 3 régions et 25 départements était la plus rapide il y a quarante ans : de Limoges, on rejoignait Paris en deux heures cinquante. Aujourd'hui, c'est trois heures trente, voire plus. Sa rénovation doit être prioritaire, je me réjouis que cela soit suggéré dans le rapport Delebarre.
À Limoges, Madame la Ministre, vous avez annoncé un budget de 1,6 milliard d'euros. Cela suffira-t-il pour abaisser les temps de parcours entre Limoges et Paris à deux heures trente et entre Brive et Paris à trois heures vingt ? Quel est le calendrier de mise en service du Wi-Fi, essentiel aux chefs d'entreprise ? Où en est la commande des rames nouvelles, dont nous espérons qu'elles seront adaptées pour une vitesse de 220 km à l'heure ? Est-il envisagé de rétablir le service quotidien d'un train au moins entre Brive, Limoges et Paris ? Espérons que le TGV du futur ne retardera pas le projet.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Borne, retenue.
La ligne POLT bénéficiera d'ici 2025 de 1,6 milliard d'euros d'investissements par SNCF Réseaux pour rénover les voies, les appareils de voie, les caténaires, la signalisation et les ouvrages d'art. Ainsi les limitations de vitesse seront rehaussées et le temps de parcours s'améliorera.
Un peu plus de 160 millions d'euros d'investissements sont inscrits dans les contrats de plan 2015-2020 pour améliorer la sécurité, la fiabilité et la régularité des trajets, en particulier par la suppression de passages à niveau ou la création d'installations permanentes de contre-sens.
D'autres investissements complémentaires sont identifiés afin de poursuivre les relèvements de vitesse et de renforcer les installations fixes de traction électrique. Quant à l'installation du Wi-Fi, il sera mis en service dès 2019 ; l'investissement de 4,7 milliards d'euros sera pris en charge par l'État.
M. Daniel Chasseing. - Le Limousin est devenu une sous-région, enclavée, sinistrée. L'avion ne fonctionne pas non plus régulièrement. Il est vital que cette ligne POLT soit rénovée pour que le Limousin puisse attirer les investisseurs et les décideurs.
Publication des chiffres sur la population active
Mme Catherine Troendlé . - La ministre du travail a décidé de rendre publics les chiffres de Pôle Emploi de façon trimestrielle. Cela part d'une bonne intention, l'idée est de mettre davantage l'accent sur l'évolution tendancielle du chômage et de lutter contre la volatilité des chiffres. Toutefois, le caractère tendanciel de ces chiffres peut être observé en continuant d'adopter une publication mensuelle. Le temps de latence de trois mois empêche de calculer le taux de la population d'actifs dans le pays.
L'Allemagne, elle, continue de publier les chiffres du chômage mensuellement, ce qui permet une action plus précise et coordonnée sur le marché du travail.
Quelle est la position du ministère concernant la publication des chiffres portant sur la population active ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Pénicaud, retenue.
Depuis avril 2018, Pôle Emploi et la Dares diffusent tous les trimestres leur publication commune sur le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle Emploi. Ce rythme de diffusion est sans incidence sur celui de l'estimation des taux de chômage; nationaux et infranationaux. En effet, la publication trimestrielle Pôle Emploi-Dares ne porte que sur les inscrits à Pôle Emploi. Les chiffres concernant le nombre de chômeurs au sens du Bureau international du travail et la population active, continuent à être publiés par l'Insee tous les trimestres.
Disposer d'une information mensuelle plutôt que trimestrielle sur les inscrits à Pôle Emploi ne permet pas une analyse plus précise du marché du travail. En effet, les variations mensuelles du nombre de demandeurs d'emploi peuvent être fortement affectées par les comportements d'inscription sur les listes de Pôle Emploi ou encore la modification des règles d'inscription ou d'indemnisation des demandeurs d'emploi.
Mme Catherine Troendlé. - Je n'attendais pas un revirement total de la ministre, il aurait été néanmoins plus judicieux de conserver une publication mensuelle pour adapter les politiques de lutte contre le chômage en temps réel.
Devenir des maisons de l'emploi
M. Antoine Lefèvre . - « Travaillons pour que le chômage reflue », a dit le Premier ministre. Pourtant, le Gouvernement s'est fortement désengagé du financement des maisons de l'emploi : après avoir réduit de moitié leurs dotations en 2018, il envisagerait d'en supprimer la totalité en 2019. Dans ces conditions, on ne peut pas exclure des fermetures.
Un rapport pluraliste de notre commission des finances a salué leur utilité. Leurs missions ne sont pas redondantes avec celles des autres acteurs, bien au contraire. Elles accompagnent des populations, en zones rurales notamment, en situation de pauvreté chronique, qui ont de très grandes difficultés à revenir, voire à venir, sur le marché du travail. Les offres d'emploi de plus en plus dématérialisées sont inaccessibles à ces populations, la fracture numérique se fait fortement sentir dans nos territoires. Les maisons de l'emploi favorisent la mobilité, notamment en délivrant des aides à l'obtention du permis de conduire.
Il est irresponsable de détruire ces structures de solidarité. La ministre a demandé à l'IGAS de travailler sur une réduction des conseillers de Pôle Emploi dans l'hypothèse d'une baisse du chômage. Le chômage ne décline pas : 8,9 % en France métropolitaine, 11,5 % dans ma région des Hauts-de France et 13,2 % dans mon département de l'Aisne. Supprimer des contrats aidés, asphyxier des maisons de l'emploi, supprimer des postes à Pôle Emploi, voilà bien des décisions prises depuis Paris au mépris des besoins des territoires.
Le taux d'illettrisme atteint 17 % dans l'Aisne, que ferons-nous de nos jeunes et de nos moins jeunes si les structures destinées à les accueillir, les former et les coacher disparaissent ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Pénicaud, retenue.
Les maisons de l'emploi, créées par la loi du 18 janvier 2005, s'étaient vu confier deux missions institutionnelles : fédérer les actions locales des partenaires privés et des pouvoirs publics au service de l'emploi et ancrer le service public de l'emploi dans les territoires.
Depuis la création de Pôle Emploi en 2008, les maisons de l'emploi ne constituent plus le guichet unique de l'emploi. Pôle Emploi, les missions locales, Cap emploi et l'APEC interviennent dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi. La labellisation des maisons de l'emploi a en conséquence été arrêtée en 2009 et les missions ouvrant droit à un financement de l'État ont été concentrées sur l'anticipation et l'accompagnement des mutations économiques, l'appui aux actions de développement local de l'emploi.
Le retrait par l'État du financement des maisons de l'emploi n'entraîne pas la disparition de ces structures. Elles conserveront leur label, demeurent éligibles aux financements de droit commun de l'État comme des autres financeurs et pourront candidater aux différents appels à projets, notamment dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences.
M. Antoine Lefèvre. - Bref, contrairement à ce qu'affirme la ministre, les Français ne pourront pas « choisir leur avenir professionnel ». Encore une fois, l'État se défausse sur les collectivités territoriales. Il y a quelques jours, a été annoncée la création, d'ici 2022, de neuf nouvelles écoles de la seconde chance destinées aux jeunes sortis sans formation du système scolaire. Le réseau des écoles de la seconde chance a vingt ans ; l'Aisne, qui s'est portée candidate à en accueillir une, attend toujours une réponse positive... Que faire, que dire pour être entendu à Paris ?
Le chômage augmente, le nombre de demandeurs d'emploi par conseiller a augmenté de 20 % en deux ans ; pensez-y quand vous taillerez à la serpe dans le budget de l'emploi.
La séance est suspendue à 12 h 5.
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.