SÉANCE

du mardi 24 juillet 2018

15e séance de la session extraordinaire 2017-2018

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, Mme Françoise Gatel.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.

Création d'une juridiction interrégionale spécialisée à Toulouse

Mme Brigitte Micouleau .  - Créées par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction disposant d'une compétence et d'une expérience particulières en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière.

Disposant de moyens techniques renforcés pour mener à bien leurs enquêtes, les JIRS ont montré leur efficacité en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. Il existe huit JIRS en France. Or il n'y en a pas en Occitanie, alors que les trafics s'y développent et que Le Perthus, dans les Pyrénées-Orientales est l'une des principales portes d'entrée du trafic de drogue de notre pays.

Madame la Ministre, envisagez-vous la création d'une JIRS à Toulouse ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Les JIRS font l'objet d'une réflexion large, en vue du projet de loi sur la justice. De l'avis de l'ensemble des acteurs, l'efficacité suppose de conserver un nombre réduit de JIRS, car la complexité des affaires et leur caractère national ou transnational nécessitent l'intervention de magistrats expérimentés. Il s'agit donc de ne pas disperser les moyens.

Depuis 2004, le parquet de Toulouse ne s'est dessaisi que de 50 dossiers au profit de la JIRS de Bordeaux ; sur le plan quantitatif, la création d'un JIRS ne se justifie donc pas à Toulouse, ce d'autant que la juridiction toulousaine n'est pas dépourvue des techniques d'enquête les plus modernes. C'est à l'aune de ces critères qu'une décision sera prise. Toulouse bénéficiera en 2018 d'un renforcement en nombre de magistrats pour la mise en oeuvre de la reconquête républicaine.

Mme Brigitte Micouleau.  - Merci de votre réponse. La criminalité organisée liée au trafic de stupéfiants se développe à Toulouse. Un article de la presse locale évoquait il y a peu la promotion faite sur les réseaux sociaux par les dealers au nez et à la barbe de la police et de la justice.

Avenir des contrats à durée déterminée d'usage

Mme Sophie Primas .  - Les contrats à durée déterminée d'usage (CDDU) usités dans la branche hôtels, cafés, restaurants, sont prévus pour faire face à la fluctuation de l'activité ; les traiteurs y recourent en particulier pour recruter des « extras » qui leur sont nécessaires, tant leur activité connaît des pics imprévisibles. Par deux arrêts en date du 23 janvier 2008, la Cour de cassation a remis en cause les bases légales de ce dispositif, en considérant que la qualification conventionnelle de contrat d'extra dépendait de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère « par nature temporaire » de l'emploi. Or le caractère « par nature temporaire » de l'emploi est bien souvent impossible à démontrer.

Les juridictions requalifient ainsi la relation de travail en contrat à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI), la relation de travail à temps partiel en temps complet. Ces décisions, qui aboutissent à des condamnations de plusieurs centaines de milliers d'euros, risquent de mener au dépôt de bilan des entreprises déjà fragilisées par le contexte économique. Parallèlement, dans un rapport d'évaluation publié au mois de décembre 2015, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a proposé de transformer le contrat déterminé d'usage en contrat à durées déterminées successives, ce qui sécuriserait l'équilibre économique et social de ces secteurs.

Pascale Gruny et moi avons déposé avec succès un amendement sur ce sujet, malheureusement tombé avec l'échec de la CMP.

Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - En cas de contentieux, il revient à l'employeur de prouver que le recours à des contrats récurrents est justifié par une imprévisibilité. Lorsqu'il requalifie, le juge ne remet pas en cause l'emploi en tant que tel, mais la relation de travail, qui semble correspondre à un besoin manifestement durable. La vraie question est : le recours au CDDU est-elle adéquate ?

Une réforme de ce contrat serait en tout état de cause soumise à la même logique. Un CDDU ne saurait couvrir l'activité normale et régulière d'une entreprise.

L'ordonnance du 22 septembre 2017 a ouvert aux partenaires sociaux la possibilité de renégocier sur le délai de carence, par exemple. Voilà la réponse pertinente.

Mme Sophie Primas.  - J'ai posé cette question pour une petite partie de la restauration, soumise à une très forte saisonnalité et imprévisibilité : les traiteurs.

Les services des ministères ont beaucoup de mal à comprendre que les grands syndicats de la restauration ne défendent pas très bien les traiteurs, qui ont des conditions d'activité très particulières et qui ont réellement besoin de recourir à des extras.

État d'avancement du projet de la Bassée

Mme Évelyne Perrot .  - À chaque belle saison dans le département de l'Aube, les riverains et les municipalités remettent en état les bâtis et les jardins, à la suite des débordements réguliers de la Seine et de l'Aube. Cette situation est incompréhensible pour les habitants et pour les élus, sachant ce qui a été mis en oeuvre pour réguler la Seine et son affluent.

En effet, à la suite des inondations de 1924 à Paris, la décision de construire des barrages réservoirs a été prise et le projet Chabal est né.

C'est ainsi que, sur le département de l'Aube, plus de 5 000 hectares de terres agricoles et forestières ont été englouties, afin de protéger la capitale des inondations et des sécheresses. Les quatre réservoirs contenant 800 millions de m3, dont un sur la Marne de 349 millions de m3, sont insuffisants.

Un cinquième ouvrage, la Bassée, a été présenté en conseil d'administration des grands lacs de Seine en mai 2010, suivi d'une reconnaissance officielle par arrêté du préfet de bassin début 2011. Des études techniques et environnementales devaient démarrer en 2013, se prolonger en 2014, et se terminer par une réunion publique à la fin de cette même année.

Ce projet avait deux objectifs : l'un environnemental, pour valoriser la zone humide de la Bassée aval ; l'autre hydraulique afin de diminuer les niveaux de la Seine en crue dans la région Île-de-France.

La Bassée devait avoir un volume de stockage de l'ordre de 10 millions de m3, devenant un ouvrage de ralentissement dynamique des crues. Les quatre réservoirs ne pouvaient éviter un épisode comme celui de 1910.

Cette année, 73 villages du département de l'Aube ont été déclarés en catastrophe naturelle à cause des débordements de la Seine et de l'Aube.

L'établissement public territorial de bassin (EPTB) Seine-Grands Lacs doit revoir son projet. La Bassée verra-t-il le jour ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Je vous prie d'excuser M. Nicolas Hulot. Les risques de submersion concernent 17 millions de nos concitoyens et un tiers de nos emplois ; la prévention est donc une priorité. L'État s'est engagé financièrement en faveur de la Bassée à travers l'avenant de décembre 2016 au contrat, après l'avertissement par la commission mixte inondation.

Il revient aux EPIC à fiscalité propre de mobiliser la compétence Gemapi pour faire naître le projet, en s'appuyant sur l'EPTB Seine-Grands Lacs, qui a déjà initié des études.

Mme Évelyne Perrot.  - Je ne reviens pas sur les tragédies hivernales. Les réservoirs ont été un déchirement dans l'Aube, menant certains propriétaires terriens au suicide. L'Île-de-France doit faire sa part, en réalisant le réservoir de La Bassée.

Installation de parcs photovoltaïques sur d'anciennes décharges

M. Bernard Lalande .  - La loi Littoral, du 3 janvier 1986, concerne plus de 1 210 communes riveraines de la mer, mais aussi de grands lacs, d'estuaires ou de deltas. Elle a interdit la réhabilitation ou imposé la fermeture de sites dont l'affectation antérieure rend toujours impossible une remise en l'état naturel, comme d'anciennes décharges. Les élus locaux ont fait réaliser les travaux nécessaires pour permettre la lente dégradation des déchets enfouis tout en prévenant tout risque d'incidence sur l'environnement alentour.

Des maires et des présidents d'établissements intercommunaux ont jugé propice d'y installer des parcs photovoltaïques, comme en Charente-Maritime, et plus particulièrement au sein de la communauté d'agglomération de Royan Atlantique (CARA).

Le site pressenti pour recevoir ce projet photovoltaïque comprend deux anciennes décharges mitoyennes exploitées entre 1973 et 2004. Suite à l'arrêt de l'exploitation des décharges, des travaux de réhabilitation du site ont été réalisés entre 2013 et 2014 par la CARA afin de limiter son impact sur l'environnement. Il n'y a plus de constructions ou d'installations liées à l'activité de la décharge sur ce site, le bâtiment dit historique ayant été démoli par la CARA en 2013-2014.

Le site a fait l'objet de divers travaux d'aménagement afin de permettre la lente dégradation des déchets enfouis tout en prévenant tout risque d'incidence sur l'environnement alentour, en isolant la décharge pour les lixiviats et le relargage des pollutions dans la zone ostréicole. Nous ne sommes pas loin de Marennes-Oléron ! Ces aménagements ne permettent pas le reboisement de la zone, laquelle couvre une superficie de sept hectares. Le parc photovoltaïque, lui, concernerait une emprise d'environ trois hectares et celle des panneaux un hectare.

La circulaire du ministère de l'Écologie du 18 décembre 2009 relative au développement et au contrôle des centrales photovoltaïques au sol rappelle que la priorité doit être donnée à l'intégration du photovoltaïque aux bâtiments.

Envisagez-vous l'ouverture des anciennes décharges à l'installation de parcs photovoltaïques ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Depuis trente ans, la loi Littoral définit les bases de l'équilibre entre un développement urbain particulièrement dynamique près des côtes et leur cadre environnemental exceptionnel. Elle est souvent perçue comme un modèle par les pays étrangers. Le Gouvernement n'a jamais eu l'intention de remettre en question ses fondamentaux - le président de la République s'est même engagé au principe de « zéro artificialisation nette ». L'artificialisation des sols est plus rapide sur le littoral qu'ailleurs - + 2,7 % entre 2000 et 2006. Nous avons la volonté de requalifier les sites dégradés.

L'accélération du développement de l'énergie solaire est un enjeu majeur. Sébastien Lecornu a ainsi lancé le plan « Place au soleil ».

La priorité du Gouvernement est l'implantation de ces équipements sur le bâti ou les surfaces déjà artificialisées. Le Gouvernement s'est ainsi engagé à simplifier les dispositions du code de l'urbanisme pour placer des panneaux photovoltaïques sur les serres et les parkings.

M. Bernard Lalande.  - Je suis convaincue que les terres mortes ne peuvent le rester. Les transformer en terres productrices d'énergie serait raisonnable. (Mme Sophie Primas applaudit.)

Rénovation du tunnel routier du col de Tende

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Inauguré en 1882 et déclaré d'utilité publique en 2007, le tunnel routier de Tende situé dans la vallée de la Roya, permettant de relier la commune de Tende à Limone en Italie, a fait l'objet d'un traité ratifié en mars 2007 entre la France et l'Italie prévoyant l'aménagement d'un second tunnel construit à côté de l'ancien, les travaux étant financés à 42 % par la France mais dirigés par l'Italie.

En mai 2017, la police italienne révèle le vol de 200 tonnes de métal détournées du chantier dont des pièces maîtresses, bloquant les travaux compte tenu du déroulement de l'enquête. Le site en construction est alors proche de l'effondrement mais l'ancien tunnel demeure un maillon essentiel de l'aménagement du territoire dans la vallée de la Roya.

L'ouverture à la circulation du premier tunnel n'est pas constante, les conditions d'exploitation se sont dégradées avec le temps et la voie unique rend l'entretien difficile. De plus, la gratuité en fait un axe fréquenté entre Nice et Turin, alors qu'il n'est pas adapté à une circulation moderne.

La livraison était prévue pour cette année, mais elle ne pourrait l'être qu'en 2027, un nouvel appel d'offres européen étant nécessaire. Que compte faire le Gouvernement ? Allez-vous renégocier l'accord avec l'Italie ? Comment relancer la rénovation de l'ancien tunnel ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Le traité de Paris du 12 mars 2007 a entériné la réfection du tunnel existant, et confié la maitrise d'ouvrage à l'ANAS, société publique italienne, avec la participation financière des collectivités territoriales - l'État français finançant, vous l'avez dit, 42 % des travaux. Lors de la dernière conférence intergouvernementale, en novembre dernier, les Italiens ont annoncé un an de retard, dû au vol de 200 tonnes de matériels, alors que le chantier est à 40 % de son avancement.

L'accès au tunnel côté français est très contraint, ce qui a conduit le conseil départemental des Alpes-Maritimes à restreindre le trafic de poids lourds.

Le Gouvernement n'entend pas renégocier le traité de 2007. Je vous tiendrai informée sur l'avancement du chantier, son calendrier sera précisé lors de la prochaine conférence inter-gouvernementale, en octobre.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Seule la partie française peut redonner une impulsion à ce chantier, les élus et les habitants de la vallée de la Roya en ont besoin. Attention, des entreprises ne veulent plus même concourir pour ce chantier, tant il paraît incertain : il faut que l'État apporte des assurances - et entende les appels au secours des habitants et des élus, qui se sentent abandonnés.

Desserte ferroviaire de l'ouest de l'Aveyron

M. Alain Marc .  - La population de l'Aveyron et du Grand Villefranchois en particulier, est très mécontente de la mauvaise desserte ferroviaire de leur territoire. Retards répétés, défauts de correspondance, manque d'information... Le 1er mars dernier, les voyageurs en provenance de Paris ont dû faire un voyage de 10 heures, sans être même informés des causes du retard ! Les voyageurs se plaignent aussi du transport en autocar, plus lent et moins sûr - en particulier entre Toulouse et Villefranche-de-Rouergue, alors que la voie, rénovée par la région Occitanie, est en excellent état. Autre chose pour Villefranche : les billets sont commercialisés avec trois noms de stations différents, cela prête à confusion.

Cette mauvaise desserte affecte grandement l'ouest de l'Aveyron, promis à être bientôt labellisé « grand site touristique de l'Occitanie ».

Madame la Ministre, que comptez-vous faire pour améliorer la desserte de nos territoires ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Depuis Paris, les voyageurs pour Villefranche-de-Rouergue ont une alternative : soit prendre le TGV jusqu'à Toulouse, puis le TER, soit jusqu'à Montauban, puis l'autocar, cette dernière solution faisant gagner une heure et prenant, en tout, 7 heures. En tant qu'autorité organisatrice des transports, la région doit définir les services régionaux, dont la desserte ferroviaire et routière, en fonction de son analyse des besoins locaux. C'est à la région qu'il revient, également, de négocier avec l'exploitant les adaptations nécessaires pendant les travaux.

Les retards constatés le 1er mars dernier sont dus à de fortes chutes de neige. L'absence d'information des voyageurs n'est cependant pas admissible, d'autant que c'est l'un des axes sur lesquels j'ai demandé à la SNCF de faire des progrès.

M. Alain Marc.  - Depuis plus d'un siècle, l'Aveyron est enclavé, sans que le ferroviaire suffise. Madame la Ministre, la région Occitanie et le département de l'Aveyron viennent de vous faire des propositions précises pour améliorer la desserte routière, via la RN 88 et l'A 75, pour une continuité entre Toulouse et Lyon : nous espérons que cette solution retiendra toute votre attention !

Travaux d'infrastructures de la ligne Paris-Clermont-Ferrand

M. Jean-Marc Boyer .  - L'État s'est engagé à moderniser, avec des investissements importants, la liaison entre Paris et Clermont-Ferrand, pour la faire passer sous la barre des trois heures de trajet. Les comités de concertation ont débattu de plusieurs options ; celle qui est privilégiée ne ferait gagner... que onze minutes pour les trajets avec arrêts, et rien du tout pour les trajets directs - cela à partir de 2025. Le trajet resterait autour de 3 h 15, loin des engagements pris !

Madame la Ministre, l'État prend-il en compte les attentes des habitants du centre de la France ? Ajoutez le mauvais fonctionnement de la liaison aérienne Paris-Clermont - les dix parlementaires du Puy-de-Dôme ont écrit à la présidence d'Air France-KLM pour protester -, vous comprendrez que nous avons de quoi en douter ! Que compte faire le Gouvernement pour que la liaison ferroviaire entre Paris et Clermont prenne enfin moins de trois heures ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - La ligne Paris-Clermont-Ferrand est l'une des trois lignes structurantes des trains d'équilibre du territoire (TET) et la première pour laquelle l'État engage des travaux de régénération et d'amélioration - inscrit au schéma directeur de 2017. Elle sera la première ligne du TET équipée du wifi, transformant du temps de trajet en temps utile. Plusieurs offres de renouvellement du matériel roulant ont été reçues et sont en cours d'analyse.

Les investissements de modernisation s'élèvent à 750 millions d'euros pour 2018-2025. Le temps de trajet sera amélioré de 12 minutes environ, un aller-retour supplémentaire quotidien pourra être proposé.

Le Gouvernement est déterminé à participer au dynamisme du centre de la France, en particulier de Clermont-Ferrand ; l'ensemble de ces projets d'investissements seront présentés aux élus du Puy-de-Dôme à la fin de l'été.

Quant au transport aérien, Air France-KLM, avec la compagnie Hop !, doit proposer prochainement un plan d'amélioration de la desserte de Clermont.

M. Jean-Marc Boyer.  - Heureusement que dans les années 1980 à 2000, l'Auvergne a pu être désenclavée par la route - sous les présidences de Valéry Giscard d'Estaing et de Jacques Chirac. Car d'ici 2025, quelque 750 millions d'euros vont être investis, pour gagner... 12 minutes sur le trajet, cela fait cher la minute ! Madame la Ministre, les acteurs économiques en sont à revenir à l'automobile pour se rendre à la capitale, au lieu du train et de l'avion... Nous avons besoin de trains plus rapides et d'une ligne aérienne plus fiable.

Canal Seine-Nord Europe

M. Édouard Courtial .  - Suspendu, puis remis à flot, le projet de canal Seine-Nord Europe est crucial pour l'Oise. J'ai toujours tenu à peser de tout mon poids en sa faveur.

Certes, des avancées sont indéniables : création d'un établissement public local en lieu et place de l'établissement public national, lancement des appels d'offres. Mais des incertitudes demeurent.

Quid du cadre législatif précis ? En octobre 2017, avait été annoncé un emprunt appuyé sur une taxe nationale à assise locale... Quelle taxe ? Quelle assise ? Il ne faudrait pas faire peser sur les seuls habitants des Hauts-de-France une infrastructure d'intérêt national. Quid du calendrier ? À quelle hauteur le Gouvernement financera-t-il ce projet ?

Le canal étant loin d'être un long fleuve tranquille, j'aimerais avoir la certitude qu'il deviendra une réalité.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - C'est un projet d'infrastructure majeur pour notre pays. Les propositions de la région ont été reprises par le Gouvernement, qui a transformé l'établissement public national en établissement public local.

La maîtrise d'ouvrage sera dirigée par une société de projet où l'État sera minoritaire et les collectivités territoriales, majoritaires.

Le Premier ministre a confirmé l'investissement de un milliard d'euros par l'État, sous la forme d'un emprunt de long terme - pour un projet chiffré à 4,9 milliards d'euros.

Il est encore trop tôt pour vous annoncer le résultat des travaux en cours.

M. Édouard Courtial.  - J'ai savouré vos paroles volontaristes. Dans les Hauts-de-France, on préfère les faiseux aux diseux, j'espère que le Gouvernement en fait partie !

Réalisation de l'autoroute A31 bis en Moselle

M. Jean-Marie Mizzon .  - Le département de la Moselle est doté d'infrastructures de transports qui participent grandement de l'attractivité du territoire et permettent, notamment, une forte mobilité des populations. Les chiffres en attestent avec des liaisons transfrontalières quotidiennes qui concernent près de 70 000 Mosellans qui, chaque jour, se rendent au Luxembourg. Le Grand Est ne peut plus se satisfaire de la seule autoroute A31 où le trafic excède les 100 000 véhicules par jour sur certaines sections, avec des trajets domicile-travail, pendulaires avec le Luxembourg. Elle figure également parmi les itinéraires de transit importants pour les vacanciers et routiers de l'Europe du Nord. Entre Thionville et la frontière luxembourgeoise, le trafic a progressé de 4 % entre 2015 et 2016 et ce, alors que 150 000 frontaliers supplémentaires sont attendus au Luxembourg dans les vingt années à venir !

Pouvez-vous me dire quelles opportunités offrira le projet de loi sur les mobilités ? Sera-t-il possible, au niveau européen, de mettre en place une écotaxe régionale sur les poids lourds si la région Grand Est prend la maîtrise d'ouvrage du projet ?

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Je partage votre constat : l'A31 étant congestionnée entre Thionville et le Luxembourg, il faut l'aménager. C'est le projet A31 bis, décidé au début 2016 après un débat public en 2015. La phase de concertation est prévue à la fin de cette année. Il prévoit l'élargissement de la voie au nord et le contournement de Thionville. La mise à péage de l'axe permettra de financer sa réalisation, par délégation ou directement par l'État.

La taxation des poids lourds est un sujet plus global qui doit être discuté au niveau national, mais l'écotaxe nationale ne saurait être relancée telle quelle.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Les responsabilités sont collectives : les élus locaux ont eu du mal à se mettre d'accord sur le tracé.

Il m'avait semblé que la loi Mobilité aurait permis d'instaurer une éco-taxe poids lourds à titre expérimental, comme en Allemagne.

Nuisances liées aux épiceries de nuit

Mme Catherine Procaccia .  - Je vous prie d'excuser M. Alain Milon, qui souhaitait attirer votre attention sur les désagréments générés par les épiceries de nuit, en raison notamment de la vente d'alcool.

Les épiceries de nuit s'avèrent souvent sources de nuisances pour les riverains : bruit, tapage nocturne lié à des états d'ébriété de clients, production excessive de déchets jonchant les trottoirs, voire excréments d'animaux.

Ces situations sont amplifiées du fait de la vente d'alcool dans ces commerces, y compris à des heures très tardives, quand tous les autres établissements sont fermés. Lorsque M. le ministre de l'Intérieur était sénateur, il s'était inquiété de cette niche juridique inacceptable et dangereuse.

Depuis 2006, nous ne pouvons que constater, avec regret, que la situation ne s'est pas améliorée quand elle ne s'est pas davantage dégradée.

Les verbalisations effectuées par la police municipale restent quasi systématiquement lettre morte.

Les dispositions des articles 66 et 68 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure tout comme les articles du code général des collectivités territoriales n'apportent aucune réponse concrète, efficace et réactive à des situations qui soulèvent de vraies difficultés en termes d'hygiène, de salubrité et de sécurité et sont sources de tensions entre des clients « indélicats » et des voisins excédés.

Au regard de ces éléments parfaitement connus, M. Milon vous demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour faire cesser ces troubles qui sont de surcroît générateurs de dépenses publiques pour les collectivités ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Ces dernières années, les lois encadrant la vente d'alcool ont été renforcées.

Toute personne déclarant vouloir vendre des boissons alcoolisées entre 22 heures et 8 heures doit suivre une formation - dispensée par 117 organismes agréés. L'absence de formation est punie d'une amende de 3 750 euros.

Le préfet fixe les horaires des débits de boissons et de la vente à emporter. Dans les Alpes-Maritimes, les Pyrénées-Atlantiques ou Paris, il est interdit à partir de 22 heures - ou de minuit et demi à Paris.

Le maire peut accentuer les contraintes et interdire la consommation d'alcool sur la voie publique. Le préfet peut punir les infractions en fermant l'établissement pour trois mois maximum. Enfin, il existe une répression pénale.

Mme Catherine Procaccia.  - Y a-t-il un contrôle de cette obligation d'information ? (Mme Jacqueline Gourault, ministre, acquiesce.) M. Milon vient d'un département très touristique. Je vois mal le préfet interdire la vente d'alcool à partir de 22 heures. En outre, comment le maire pourrait-il définir un périmètre d'interdiction de vente si les magasins sont répartis dans toute la ville ?

Merci néanmoins de votre réponse.

Démantèlement d'un camp de Roms à Périgny-sur-Yerres

Mme Catherine Procaccia .  - Depuis le 16 octobre 2017, un camp de Roms a illégalement élu domicile sur un terrain privé de la petite commune de Périgny-sur-Yerres dans le Val-de-Marne, occasionnant, depuis cette date, des désagréments et des dommages de toutes sortes qui ont rendu la vie des riverains impossible. Depuis cette date, le nombre de familles a décuplé et leurs activités bruyantes se sont développées de jour comme de nuit.

Alors que l'arrêté de péril avait été confirmé par le tribunal administratif de Melun le 7 novembre 2017, le préfet a choisi d'attendre, puis d'appliquer la décision du tribunal de grande instance de Créteil qui a repoussé l'évacuation du site au 11 juin 2018 malgré le risque sanitaire réel.

Les élus et les riverains n'ayant reçu aucune information confirmant la date de démantèlement des baraquements, j'ai interpellé par courrier le préfet. Après un très long délai, il m'a répondu qu'il faisait procéder à « un recensement des occupants » afin que ceux dont la situation le permettait puissent « faire l'objet d'un accompagnement dans leur démarche d'insertion ».

Le département du Val-de-Marne a déjà connu le démantèlement de nombreux camps de Roms à Rungis, Limeil-Brévannes, Choisy-le-Roi, Vitry-sur-Seine ou Bonneuil-sur-Marne. D'autres réapparaîtront. C'est la raison pour laquelle je voudrais savoir si la mise en oeuvre par le préfet d'un plan d'insertion, complexe et lourd, est une raison suffisante pour retarder l'application d'une décision de justice.

J'aimerais aussi connaître les critères sur lesquels s'appuient les préfets pour décider ou non d'une expulsion d'un campement, que ce soit de Roms ou de gens du voyage, et quel est le poids réel des maires par rapport à l'avis des organisations non gouvernementales qui y sont en général opposées.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je ne reviens pas sur la situation que vous avez parfaitement décrite.

Compte tenu de l'impossibilité de reloger les occupants exposés aux contraintes de l'hiver et de la proximité des fêtes de fin d'année, les services de l'État n'ont pas déféré immédiatement à la demande d'expulsion afin d'identifier des solutions d'hébergement pour les publics les plus vulnérables.

Toutefois, par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil en date du 30 novembre 2017, prise à la suite d'une procédure concomitante engagée par le propriétaire du terrain, le juge a assorti l'expulsion des occupants d'un délai de cinq mois à compter de sa signification.

Compte tenu du délai ainsi octroyé, et de la nécessité de procéder à un diagnostic social conformément aux principes directeurs fixés par la circulaire interministérielle du 26 août 2012 relative à l'anticipation et à l'accompagnement des opérations d'évacuation des campements illicites et de l'instruction du 25 janvier 2018 relative à la résorption des campements illicites et des bidonvilles, celui-ci a été prescrit et a permis d'identifier un certain nombre de démarches d'insertion déjà en cours ainsi que la présence sur site d'enfants scolarisés. Ces éléments vous ont été exposés dans un courrier en date du 23 mai 2018 ainsi qu'au maire de la commune de Périgny-sur-Yerres, dans un courrier du 22 mai 2018.

L'évacuation du campement de Périgny-sur-Yerres peut désormais être envisagée : cette évacuation est même imminente. Néanmoins, je comprends l'impatience des élus et des habitants.

Pourtant, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui, au titre de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, veille à ce que les expulsions de campement n'exposent pas des publics vulnérables à des traitements inhumains et dégradants et, n'hésite pas, sur le fondement de l'article 39 de son Règlement, à suspendre l'exécution d'opérations d'expulsion en les subordonnant à la justification d'un diagnostic de vulnérabilité. C'est pourquoi le préfet a respecté toutes ces étapes.

Des opérations d'évacuation de campements sont régulièrement organisées dans le département, sur le fondement d'une décision de justice, ou d'une décision de l'autorité de police, lorsque l'urgence est caractérisée. Ces opérations sont toujours décidées en lien avec les maires des communes concernées.

Mme Catherine Procaccia.  - L'urgence de l'évacuation était caractérisée par le tribunal. L'hiver s'achève en mars et non en juillet. Je regrette aussi une information lacunaire et très tardive.

Dans sa lettre, le préfet a ensuite évoqué la fin de l'année scolaire. C'est le cas depuis trois semaines !

Les ONG semblent avoir plus de poids que les décisions des tribunaux et des maires. Cela ne va pas dans le sens de la démocratie.

J'espère que le préfet ne remettra pas en cause la propriété privée et le droit des collectivités territoriales.

Non-respect des obligations de conseillers municipaux par ailleurs conseillers communautaires

M. Hugues Saury .  - Des difficultés de fonctionnement peuvent naître dans une commune du fait des absences répétées au sein de son conseil municipal des conseillers municipaux par ailleurs conseillers communautaires.

Des maires se trouvent parfois démunis face au non-respect des obligations de certains élus découlant de leur mandat.

L'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que « tout membre d'un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif ».

Toutefois, le seul fait de ne pas participer aux réunions du conseil municipal n'implique pas la démission d'office du conseiller concerné telle qu'elle est prévue à l'article L. 2121-5 du CGCT. Le juge administratif ne considère pas les absences répétées d'un élu aux séances du conseil municipal comme constituant un refus de remplir une des fonctions dévolues par la loi.

Cependant, l'absence répétée d'un conseiller municipal, par ailleurs conseiller communautaire, a des conséquences dommageables sur le fonctionnement de l'équipe municipale dès lors qu'il n'est pas en mesure d'apporter aux élus des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale les informations sur l'activité de celui-ci.

Or le titulaire d'un mandat de conseiller communautaire a vocation à être une courroie de transmission vis-à-vis du conseil municipal qu'il représente en faisant part à ses collègues conseillers municipaux des décisions prises au niveau communautaire et leurs éventuelles conséquences au niveau communal.

Tel est le sens de l'article L. 5211-39 du CGCT qui dispose que « les représentants de la commune rendent compte au moins deux fois par an au conseil municipal de l'activité de l'établissement public de coopération intercommunale ».

L'obligation assignée par l'article L. 5211-39 du CGCT a été instituée par la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. Cependant, la loi ne précise pas les formes que doit prendre cette information.

Des interrogations juridiques subsistent : la question se pose en effet de savoir si cette obligation découlant de l'article L. 5211-39 du CGCT peut être considérée comme faisant partie de ces « fonctions qui sont dévolues par les lois » au sens de l'article L. 2121-5 précité, permettant au tribunal administratif de déclarer le conseiller municipal démissionnaire.

En d'autres termes, pouvez-vous me préciser la portée exacte de l'obligation posée par l'article L. 5211-39 du CGCT compte tenu des conséquences prévues par l'article L. 2121-5 du même code ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Vous vous interrogez sur la portée de l'article L 5211-39 du CGCT, qui prévoit que « les représentants de la commune rendent compte au moins deux fois par an au conseil municipal de l'activité de l'établissement public de coopération intercommunale ».

Comme vous le soulignez, l'obligation de rendre compte, au conseil municipal, de l'activité de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), vise à assurer une certaine transparence dans l'action des EPCI, tout en maintenant un lien d'information avec les communes. En l'absence de tout compte-rendu de l'activité communautaire, les conseillers municipaux peuvent demander la réunion du conseil municipal dans les conditions prévues aux articles L. 2121-9 ou L. 2541-2.

Si cette démarche n'est pas suivie d'effet, le refus, explicite ou implicite, d'un conseiller municipal, par ailleurs conseiller communautaire, de rendre compte de l'activité de l'EPCI auquel participe la commune peut être porté devant le juge administratif par le maire, sur le fondement de l'article L. 2121-5.

Il ne m'est pas possible d'apprécier, de manière générale, l'éventualité que le tribunal administratif déclare démissionnaire un tel conseiller municipal, en particulier en l'absence de jurisprudence sur ce point.

J'observe que, selon les dispositions du CGCT, le refus doit intervenir avec une excuse valable et avoir été soit rendu public par son auteur, soit résulter « d'une abstention persistante après avertissement de l'autorité chargée de la convocation », donc du maire.

Il m'est également possible de signaler que, selon la jurisprudence, une simple absence, même répétée, aux séances du conseil municipal ne constitue pas un refus d'exercer une fonction dévolue par la loi selon un avis du Conseil d'État du 6 novembre 1985, y compris après qu'un avertissement a été adressé au conseiller, selon la cour administrative d'appel de Paris, du 8 mars 2005.

Il revient en tout état de cause au maire d'organiser les conditions de l'information du conseil municipal sur les activités communautaires, sous le contrôle du juge.

Peut-être cette question mériterait-elle d'être examinée par la Délégation aux collectivités territoriales, alors qu'elle se penche sur le statut de l'élu.

M. Hugues Saury.  - Je comprends que, faute de jurisprudence, il soit mal aisé d'apporter une réponse précise.

Réorganisation des commissariats dans le Val-de-Marne

M. Laurent Lafon .  - Ma question porte sur réorganisation des commissariats de police dans le Val-de-Marne.

Au printemps dernier, un projet d'étude de la Préfecture de police portant sur la réorganisation des commissariats de police du Val-de-Marne avait retenu l'attention de nombreux élus de notre territoire. L'objectif de mutualiser les moyens humains et matériels à l'image de ce qui se fait ailleurs dans les territoires de la Métropole du Grand Paris avait été annoncé.

Cependant cette réforme, si elle venait à être confirmée, ne laisse présager rien de bon que ce soit pour nos policiers comme pour nos concitoyens.

Je souhaite rappeler notre attachement à la présence de la police nationale, la logique budgétaire ne devant pas prendre le dessus sur la nécessité d'assurer la protection et la sécurité des citoyens et donc notre opposition à toutes les mutualisations envisagées dans le Val-de-Marne. Que ce soit entre les brigades de nuit pour les commissariats de Maisons-Alfort, Alfortville et de Charenton-le-Pont ; les brigades anti-criminalité et les brigades de nuit entre Ivry-sur-Seine et Vitry-sur-Seine ; les mutualisations d'effectifs des BAC qui seraient à l'étude entre Champigny-sur-Marne et Chennevières-sur Marne ; ou encore le projet de mutualisation des postes d'officiers de police judiciaire le week-end entre les commissariats de Fontenay-sous-Bois, Nogent-sur-Marne et Vincennes-Saint-Mandé.

Le choix de nos villes comme territoire d'une telle mutualisation ne peut que nous étonner car il fragiliserait sérieusement la capacité de l'État à assurer ses missions de sécurité publique aux portes de la capitale.

Aux côtés des maires et de nombreux élus locaux, je vous demande de préciser votre stratégie dans le Val-de-Marne, que nous estimons incohérente avec l'ambition affichée du Gouvernement sur la police de proximité.

Il serait en effet incompréhensible que l'État renonce à un engagement durable dans ses missions régaliennes sur notre territoire qui n'est pas exempt de problèmes de sécurité.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La police de sécurité du quotidien (PSQ) est avant tout un changement de doctrine. Elle sera une police de contact, une police sur-mesure, une police connectée et une police résolument partenariale, notamment avec les maires.

La question de maintenir 24 heures sur 24 dans chaque circonscription un groupe de traitement du flagrant délit semble légitime quand on constate les disparités, parfois très importantes, observées au sein même du département.

Dans certaines circonscriptions de sécurité publique du Val-de-Marne, des officiers de police judiciaire traitent quatre fois moins de gardes à vue que dans d'autres. En 2017, dans le Val-de-Marne, de nombreux commissariats ont accueilli, en moyenne, moins de deux personnes par nuit. Plus de la moitié des circonscriptions du Val-de-Marne (9 sur 17) sont concernées. Dans ces territoires, il est préférable que les policiers soient sur le terrain pour veiller à la tranquillité de nos concitoyens.

Les études menées par les services territoriaux du Val-de-Marne montrent qu'à la faveur de certains regroupements des brigades de nuit entre deux ou trois circonscriptions limitrophes, huit patrouilles supplémentaires sur le département peuvent ainsi être créées.

Dans ce contexte, toutes les pistes de mutualisation doivent être explorées même s'il s'agit à ce stade de simples réflexions.

Ainsi, la mutualisation des brigades anti-criminalité de nuit de Vitry-sur-Seine et d'Ivry-sur-Seine offre la certitude de disposer d'une patrouille sur chacune de ces deux communes alors qu'aujourd'hui ce n'est pas le cas.

Par ailleurs, on peut envisager une mutualisation de l'accueil de nuit sur les circonscriptions de Charenton-le-Pont, Maisons-Alfort et Alfortville. Les données doivent être observées objectivement : en 2017, la nuit, dans les trois commissariats concernés, on a accueilli un total de 1 697 personnes, soit moins de 5 personnes par nuit.

Il est légitime de s'interroger sur l'opportunité de laisser dans des locaux de police près de dix fonctionnaires, pendant plusieurs heures, pour accueillir un public deux fois moindre, alors qu'ils rendraient un meilleur service sur la voie publique.

Les mutualisations répondent à ce type de questions et n'ont pas pour objectifs de supprimer des effectifs, mais bel et bien de les redéployer sur la voie publique au bénéfice de la lutte contre la délinquance. II s'agit d'améliorer le service public de la sécurité, en adaptant les moyens aux particularités des territoires.

M. Laurent Lafon.  - Merci pour votre réponse. Le Val-de-Marne est un département qui compte des points noirs sécuritaires et le nombre de délits constatés ne baisse pas. La présence de la police sur le terrain est donc indispensable.

J'entends votre réponse sur la meilleure adaptation des moyens aux objectifs. Nous serons attentifs à ce que la mutualisation se traduise bien par une présence accrue sur l'ensemble des territoires du département.

Réforme de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger

Mme Hélène Conway-Mouret .  - L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est un opérateur du ministère des Affaires étrangères qui gère un vaste réseau de près de 500 établissements et scolarise plus de 350 000 élèves français et étrangers dans le monde. La suppression de 33 millions d'euros de crédits décidée par le Gouvernement à l'été dernier continue à avoir de lourdes conséquences sur le fonctionnement des établissements et le coût de la scolarité des élèves.

Ce n'est pas fini car quelque 80 postes d'expatriés seront supprimés dès la rentrée 2018, ainsi que 100 postes de résidents compensés par une augmentation du plafond d'emploi des recrutés locaux dans les établissements en gestion directe.

Les effectifs seront également réduits en 2019 et 2020. Aujourd'hui, le désengagement financier de l'État met en danger de nombreuses écoles françaises.

Les parents d'élèves craignent la dégradation de l'atmosphère de travail au lycée, marquée déjà par l'augmentation du recrutement d'enseignants en contrat local souvent peu payés pour compenser les suppressions de postes de résidents. Ils s'attendent à une forte augmentation des frais de scolarité, ce qui aura une incidence directe sur les demandes de bourses.

Votre ministère s'est pourtant engagé à ce qu'aucune famille française résidant à l'étranger et entrant dans les critères de bourses scolaires ne soit exclue de leur bénéfice par manque de crédits. Je suis curieuse de savoir comment vous allez gérer l'augmentation des demandes à enveloppe constante pour les deux années à venir.

Ce réseau connaît une hausse de 2 % de ses effectifs d'élèves chaque année, ce qui implique que l'immobilier suive. Or l'État semble avoir du mal à couvrir les frais de ces projets immobiliers.

Le réseau AEFE est déjà largement financé par des ressources privées : les frais d'écolage des familles et d'autres recettes propres, représentent aujourd'hui 53 % du budget de l'AEFE. S'ajoute à cela l'augmentation de la ponction de 6 à 9 %, ce qui fragilise d'autant l'intérêt que peuvent avoir les établissements à conserver leur convention.

Alors que l'enseignement du français à l'étranger attire chaque année un nombre croissant d'élèves, le manque d'investissements budgétaires va à l'encontre de la politique que nous devrions mener. Nous sommes là en totale contradiction avec la volonté affichée par le président de la République de doubler le nombre d'apprenants de français.

Ce réseau est unique au monde. Aucun autre pays n'a autant investi pour assurer le fonctionnement d'un réseau de 500 établissements scolaires, pilier de notre francophonie. Il serait dommage de casser ce bel outil.

J'aimerais croire que le rayonnement éducatif de la France reste une priorité. Nous le verrons bientôt avec les choix budgétaires que vous serez amenés à faire pour votre ministère. Ma question est simple : allez-vous continuer à soutenir le réseau AEFE et quels sont les objectifs de la lettre de mission pour la réforme que vous avez annoncée il y a un an ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Oui, nous sommes attachés au développement et à l'essor de ce réseau de l'AEFE, d'autant que la demande est plus forte. Cette tendance est vieille de dix ans. La technique du rabot budgétaire doit cesser.

D'après un apport de la Cour des comptes de 2016, les crédits de l'enseignement français à l'étranger ont baissé de 8 % depuis 2012. Compte tenu des imprécisions budgétaires de la loi de finances initiale pour 2017, le quai d'Orsay a contribué en 2017 aux efforts demandés à tous ; d'où les 33 millions d'euros de régulation budgétaire. Nous avons eu un dialogue étroit avec tous les établissements concernés. Les postes supprimés étaient soit vacants, soit faisant suite à des départs programmés. En outre, nous avons ouvert 115 postes.

S'agissant des projets immobiliers, aucun projet important n'a été abandonné. J'ai visité il y a quelques mois le futur lycée de Hanoï, il a fière allure.

Nous réfléchissons à l'avenir pour voir comment conforter notre réseau et toutes les contributions sont les bienvenues comme la vôtre.

La députée Samantha Cazebonne est en mission et j'ai demandé à ce que les parents d'élèves soient associés à cette réflexion, car ce sont les premiers contributeurs.

La réflexion est donc en cours et j'y travaillerai avec vous, comme avec tous les parlementaires représentants les Français établis hors de France.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Vous n'avez pas saisi l'opportunité de nous dire quelles étaient vos intentions concernant l'AEFE. Quels sont vos objectifs ?

Voici quelques exemples qui contredisent vos propos.

Au lycée de Chateaubriand à Rome, un poste a été supprimé l'année dernière et un deuxième risque de l'être à la rentrée. Au lycée français de Toronto, trois postes de résidents viennent d'être supprimés. Au lycée français de Tokyo, les professeurs ont été contraints d'accepter de grosses baisses de salaires au risque d'être licenciés. Au lycée André Malraux à Rabat, un projet d'agrandissement du lycée pourrait être suspendu faute de moyens. Au Lycée français de Caracas, la hausse des frais de scolarité à laquelle s'ajoute une hyperinflation, oblige les familles à devoir une somme de près de 3 000 euros par an en plus des frais habituels, pour continuer à scolariser leurs enfants.

Je suis sollicitée par les parents d'élèves mais aussi par des professeurs inquiets. Les coupes budgétaires ont un impact très négatif qui va bien au-delà des seuls lycées. Au début des années 1990, François Mitterrand avait donné le coup d'envoi à cette politique ambitieuse. Aujourd'hui, l'État ne semble plus vouloir soutenir la francophonie. Il est temps que le Gouvernement clarifie ses intentions.

Nouvelles modalités d'indemnisation des dommages causés par le loup

Mme Marie-Pierre Monier .  - Le plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage, publié le 19 février dernier, apporte des modifications importantes aux modalités d'indemnisation des dommages causés par le loup sur les troupeaux domestiques. L'action 3.1 de ce texte conditionne, en effet, l'indemnisation des éleveurs dont le troupeau a subi une attaque de loup, à la mise en place préalable de mesures de protections. Cette disposition est très mal acceptée par une profession confrontée à une pression de prédation de moins en moins soutenable, notamment dans la Drôme. Elle est interprétée comme un manque total de considération pour les éleveurs dont le Gouvernement semble suspecter qu'ils ne protègent pas suffisamment leur troupeau face à la menace du loup

Vous savez que la réalité est tout autre puisque plus de 90 % des attaques de loup interviennent sur des troupeaux protégés. Ensuite, certains territoires pastoraux ne sont pas protégeables comme cela semble avoir été acté par le préfet coordonnateur du plan loup.

Enfin, de nombreuses attaques se déroulent hors des cercles 1 et 2, c'est-à-dire dans des communes où le loup est présent pour la première fois.

En outre, les éleveurs s'interrogent sur l'application et la mise en oeuvre de cette indemnisation conditionnelle qui est peu claire et qui fait craindre un traitement différent, selon les territoires, pour des éleveurs pourtant confrontés à une même calamité. Ainsi, l'indemnisation sera conditionnée à la mise en place des mesures de protection. Page 55 du plan loup, il est précisé que « la nécessité de mesures de protection ne pourrait s'appliquer qu'au-delà d'un certain nombre d'attaques par an sur le même troupeau et qu'à partir d'un certain nombre d'années de présence régulière ». Nous sommes dans le flou le plus absolu sachant de surcroît que les services de l'État dans les départements ne savent ni quand ; ni comment pourront être effectués des contrôles ni surtout par qui compte tenu des effectifs de plus en plus réduits des différentes administrations déconcentrées.

Aussi, je souhaite savoir comment les nouvelles modalités d'indemnisation des dommages causés par le loup sur les troupeaux domestiques vont s'appliquer pour les éleveurs.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - Veuillez excuser M. Travert, retenu à Matignon.

L'indemnisation des dommages aux troupeaux causés par le loup est une démarche volontaire de l'État.

Le nouveau plan national d'actions sur le loup et les activités d'élevage 2018-2023 prévoit effectivement de conditionner l'indemnisation à la mise en place préalable de mesures de protection. Cette disposition résulte de l'application des lignes directrices agricoles européennes. Ce nouveau régime d'indemnisation est actuellement en cours de notification à la Commission européenne qui a déjà reçu celles d'autres États membres, notamment la Finlande et l'Allemagne. La conditionnalité de l'indemnisation ne doit pas être comprise comme un manque de considération envers la profession agricole : il s'agit d'une mesure obligatoire visant à assurer la sécurisation juridique et financière du dispositif d'appui à l'élevage. Le Gouvernement est conscient des contraintes qu'elle peut représenter pour les éleveurs. C'est pourquoi nous sommes mobilisés pour assurer une mise en oeuvre de ce régime proportionnée, juste et adaptée aux spécificités de certains territoires. Ainsi, sous réserve d'un avis favorable de la Commission, le régime ne s'appliquera pas sur certains fronts de colonisation, dans les zones pour lesquelles, sur décision du préfet, il aura été reconnu que la mise en place de mesures de protection représente des difficultés importantes du fait des modes de conduite des troupeaux. Cela dépendra aussi de l'historique de la présence du loup dans les territoires. Nous sommes pragmatiques, nous n'allons pas demander à tous les éleveurs de se protéger si les risques ne sont pas réels.

Les services de l'État pilotent actuellement un groupe de travail intégrant les représentants de la profession afin de définir les critères à retenir pour qualifier ces zones.

Ce nouveau régime d'aide intègre une revalorisation des barèmes d'indemnisation visant à mieux prendre en compte le coût des pertes subies par les éleveurs. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour agir en faveur de la sauvegarde du pastoralisme, dont le maintien est déterminant pour le développement économique, social et écologique de nos territoires.

Mme Marie-Pierre Monier.  - J'ai bien noté que ces mesures étaient en cours d'élaboration.

Permettez-moi cependant d'exprimer des regrets par rapport à l'absence de M. le ministre de l'agriculture alors même qu'il n'a pas respecté l'engagement qu'il avait pris auprès de moi de venir rencontrer les éleveurs drômois au cours du premier semestre 2018. Une partie d'entre eux a l'impression que le pastoralisme est laissé-pour-compte. Le plan loup 2018-2023 les conforte dans cette idée, notamment en ce qui concerne les indemnisations, parce qu'il multiplie les cas particuliers, selon les types d'élevages, les territoires, la présence régulière ou non du loup, la fréquence des attaques, les protections... Cette diversité de cas sera source d'incertitude.

Je déplore le manque de lisibilité sur les éventuels contrôles : les services de l'État seront-ils capables de les réaliser ? Les éleveurs craignent que les indemnisations diminuent et que le temps de traitement de leurs dossiers ne s'allonge.

Les territoires concernés par le pastoralisme et donc les plus sensibles aux attaques des loups, ne vivent généralement que de deux choses : l'agriculture à dominante d'élevage et le tourisme. Si les éleveurs finissent par renoncer, ces territoires se videront y compris du tourisme qui ne pourra plus exister sans la présence des locaux pour entretenir infrastructures et paysages.

Sargasse

Mme Victoire Jasmin .  - Je vous ai alerté il y a déjà quelques mois déjà sur les difficultés rencontrées par les élus locaux des Antilles et de la Guyane pour faire face au phénomène récurrent que constitue l'invasion répétée et massive des algues sargasses sur une partie de notre littoral, depuis février 2018.

Pour autant, force est de constater qu'en dépit de la venue, quoique tardive de M. le ministre Nicolas Hulot, en votre compagnie, les 10 et 11 juin derniers en Guadeloupe et en Martinique, la situation reste préoccupante.

Les inquiétudes légitimes de la population, des élus et des acteurs socioéconomiques, face aux problèmes sanitaires s'accroissent, malgré les annonces et les mesures prises pour faire face à ce phénomène naturel, notamment en termes d'assurances. En outre, l'impact sur la santé des riverains, sur l'environnement, sur l'activité économique, touristique demeure problématique face à l'ampleur du désastre dans certaines zones.

Pourriez-vous m'indiquez ce que le Gouvernement envisage de pendre comme mesures concrètes pour accompagner la recherche et l'innovation afin de récupérer et valoriser ces algues brunes ?

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer .  - L'État est pleinement mobilisé sur le sujet sargasses. Dès le mois d'avril, j'ai réuni l'ensemble des parlementaires pour faire le point sur cette situation. J'ai alors annoncé le déblocage d'un fonds d'urgence de 3 millions, ainsi que la mise en place d'un plan national sargasses et de plans locaux pour mieux coordonner les moyens et être plus réactif. L'objectif poursuivi est clair : ramasser en moins de 48 heures, pour éviter de rajouter à une crise écologique et économique une crise sanitaire.

Malheureusement, les échouages continuent depuis plusieurs mois, et s'intensifient même. La situation est inédite. Avec mon collègue Nicolas Hulot, nous nous sommes rendus sur place en juin, pour annoncer des mesures d'ampleur : une nouvelle enveloppe de 3 millions pour faire face à l'urgence du ramassage. Une enveloppe de 5 millions d'investissement pour équiper les collectivités en matériel de ramassage. À cela s'ajoute le renforcement du réseau de suivi par satellite, le renforcement du suivi sanitaire avec l'installation de nouveaux capteurs, la mobilisation de personnes pour ramasser, une nouvelle ambition dans la coopération régionale, avec notamment une mission qui vient d'être confiée par le Premier ministre au sénateur Théophile pour « analyser les stratégies de prévention et de lutte contre les sargasses conduites dans les États voisins ».

L'engagement de l'État est réel dans tous les domaines, et surtout en lien avec les collectivités locales. Car personne ne pourra faire seul.

Vous m'interrogez plus particulièrement sur les conséquences économiques des échouages et la question des assurances. Si ces échouages massifs sont une catastrophe, et que la cause semble naturelle, l'outil CAT-NAT n'est pas adapté car il ne couvre pas les pertes d'exploitation pour les professionnels, et c'est pourquoi nous avons préféré travailler sur l'urgence du ramassage.

Pour y faire face, nous avons mobilisé l'ensemble des outils d'accompagnement aux entreprises : moratoire sur les charges fiscales et sociales, suspension des procédures de recouvrement, délais de paiement pour le RSI, dispositifs de chômage partiel...

Vous m'avez également interrogée sur la recherche. L'État et les organismes de recherche publics sont pleinement investis pour connaître l'origine du phénomène. Si cette connaissance est indispensable, cela n'empêchera en rien le phénomène. C'est pourquoi nous allons insister plus particulièrement sur la recherche de techniques innovantes de ramassage et la valorisation des sargasses : un appel à projets de l'Ademe doté d'un million va être prochainement lancé. Les filières bio-plastiques ou le compostage semblent offrir des solutions de valorisation.

Mme Victoire Jasmin.  - Je reconnais que des efforts ont été réalisés. La recherche peut porter sur la composition de ces algues pour mieux les valoriser. Il semble qu'il soit possible d'en faire des engrais.

La situation sanitaire est encore catastrophique. Les travaux doivent se poursuivre.

Dédoublement de certaines classes de l'école primaire

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Je vous interroge sur les conséquences de la mise en place du dédoublement des classes de CP et de CE1 au détriment des autres classes de l'école primaire. Ces dédoublements se font en effet bien souvent au détriment des écoles maternelles. Le débat budgétaire pour 2018 a mis en évidence l'écart entre l'annonce ambitieuse du dédoublement des classes CP en réseau d'éducation prioritaire (REP) et REP + et CE1 en REP + et la faible progression des moyens alloués à l'école dans le budget 2018.

En effet, les dépenses de personnel des écoles élémentaires et maternelles n'augmentaient que de 2 % entre le budget 2017 et le budget 2018 passant de 15,7 à 16 milliards.

Selon les fédérations de parents d'élèves et les syndicats d'enseignants du Val-de-Marne, il apparaît que la carte scolaire présentée confirme que la mise en place du dédoublement des classes CP en REP et en REP+ et CE1 en REP+ se fait au détriment de l'école maternelle qui, dans le Val-de-Marne, verra la fermeture d'au moins quarante classes avec une forte baisse des places consacrées aux entrées en maternelle des enfants à partir de 2 ans.

La fusion des deux zones de remplacements, avec la suppression des zones de proximité pour les courtes durées, va rendre plus difficiles les déplacements des remplaçants.

Les non-remplacements d'une durée courte seront plus fréquents et vont augmenter les situations de répartition des élèves dans les autres classes déjà plus chargées.

Envisagez-vous d'augmenter les dépenses de personnel des écoles élémentaires et maternelles dans le budget 2019 permettant ainsi une mise en oeuvre du dispositif de dédoublement qui ne se fasse pas au détriment des moyens alloués aux autres classes et écoles de la République ?

Quel est le coût supplémentaire du dédoublement estimé en 2018 et en 2019 ?

Pour 2019, dans le cadre de la généralisation du dédoublement des classes de CE1, pouvez-vous indiquer l'estimation du montant des dépenses de personnel supplémentaire afin d'éviter de réduire les moyens alloués aux autres classes ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - Ce n'est pas la première fois que je réponds à cette question - je l'ai fait récemment devant votre commission de la culture. Votre argumentaire reste faux...

L'année prochaine, il y aura 32 657 élèves de moins dans le premier degré et, dans le même temps, nous créons 3 881 emplois de professeurs des écoles. Arrêtons donc de dénigrer les dédoublements de CP puisque cette mesure ne pénalise absolument pas les autres classes.

S'agissant plus particulièrement du Val-de-Marne, à la rentrée 2018, 176 emplois seront créés alors que les effectifs sont stables avec 57 élèves en plus. Le ratio départemental « nombre de professeurs pour 100 élèves », sera de 5,3 à la rentrée 2018 contre 5,18 à la rentrée 2017. C'est plus que cela n'a jamais été !

Dans le Val-de-Marne, comme dans chaque département, il y aura donc davantage de professeurs par élève à la rentrée 2018 dans le 1er degré.

Pour combattre la difficulté scolaire, il faut agir à la racine. Il est dommage de relativiser cette mesure de dédoublement.

La préscolarisation est un moyen efficace de lutte contre les déterminismes sociaux. J'ai d'ailleurs appelé l'attention des recteurs d'académie sur la mobilisation interministérielle en faveur de la scolarisation des enfants de moins de 3 ans. Je leur ai demandé, en particulier en REP+, de se rapprocher des services départementaux en charge de la politique sociale et familiale (CAF, PMI...) et des maires des communes concernées, avec l'appui des comités départementaux des services aux familles, afin de convenir des actions à mener à destination des familles, pour les inciter à inscrire leurs enfants à l'école dès l'âge de 2 ans.

Votre département est bien évidemment concerné par cette mobilisation. Ainsi, les 46 pôles accueillant près de 900 élèves en 2017-2018 dans des écoles situées en éducation prioritaire et en QPV, sont maintenus pour la prochaine rentrée. Comme les années précédentes, des élèves de deux ans sont également scolarisés dans les écoles maternelles REP et REP+ dans des classes mixtes dans la limite des places disponibles.

L'organisation du remplacement évoluera à la rentrée 2018. Pour la moitié des personnels enseignants affectés sur des fonctions de remplacement, cette évolution constituera une amélioration de leurs conditions de travail car leur périmètre d'intervention sera réduit à un cinquième du département.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Ce que vous donnez comme moyennes générales ne correspond pas à la réalité du terrain.

Il y aura une quarantaine de fermetures de classes à la rentrée dans le Val-de-Marne.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Mais combien d'ouvertures ?

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Je regrette que vous affaiblissiez la maternelle dans les faits. À quoi bon ensuite dédoubler les CP si on n'apprend pas aux enfants à être élèves, ce qui est le rôle de la maternelle ? En outre, c'est bien la maternelle qui permet de combattre les déterminismes sociaux. La communauté éducative s'inquiète pour la rentrée 2019.

Éducation à la propriété intellectuelle

M. Richard Yung .  - Nos jeunes ont un rapport particulier à la propriété intellectuelle, ce qui permet de protéger création, innovation, inventivité...

Dans ce domaine, la France est particulièrement avancée : nous sommes ainsi le quatrième pays au monde en termes de dépôts de brevets.

La récente étude de l'Office de l'Union européenne pour la propriété industrielle démontre que nos jeunes de 15 à 24 ans sont les plus tolérants face à la contrefaçon et au piratage : 15 % reconnaissent avoir intentionnellement acheté un produit contrefaisant. Près de 30 % admettent avoir sciemment accédé à des contenus provenant de source en ligne illégaux et 40 % estiment que l'achat de contrefaçon est admissible si le prix de l'original est trop élevé.

Plus grave encore, une partie de ces jeunes considère que la propriété intellectuelle freine l'innovation.

Ces résultats font apparaître qu'il faut enseigner le respect des droits des innovateurs. Plusieurs initiatives ont été prises, des campagnes d'information menées par l'Union des fabricants. Mais il faudrait aller plus loin afin de sensibiliser les enfants et les jeunes à la question de la propriété intellectuelle.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - Le respect du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle fait pleinement partie de l'éducation morale et civique.

La défense du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle est essentielle car elle garantit l'innovation et la qualité de la création. À l'école, une action pédagogique régulière est menée auprès des jeunes afin de les sensibiliser et de les former aux conditions d'accès aux oeuvres et, plus généralement, à la notion de propriété intellectuelle.

Tout au long de la scolarité obligatoire, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture offre une approche de la propriété intellectuelle à travers la question de la maîtrise des outils numériques pour échanger et communiquer. L'élève doit « savoir réutiliser des productions collaboratives pour enrichir ses propres réalisations, dans le respect des règles du droit d'auteur ».

Les programmes scolaires comportent également une approche de ce sujet au collège, où la question de la propriété intellectuelle apparaît dans le programme de technologie au cycle 4 (classes de 5e, 4e et 3e) : il s'agit d'étudier « les règles d'un usage raisonné des objets communicants respectant la propriété intellectuelle et l'intégrité d'autrui ».

Cette thématique apparaît également au sein de l'éducation aux médias et à l'information. Cette éducation constitue un vecteur privilégié pour problématiser la question à travers l'enjeu de l'accès à un usage sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion.

Au niveau des lycées, la notion de propriété intellectuelle est enseignée sous différents angles : dès la classe de seconde générale et technologique, dans différents enseignements d'exploration et également en cycle terminal des lycées généraux, notamment en sciences économiques et sociales.

Dans la voie technologique, cette question est présente dans plusieurs séries et enseignements.

Enfin, l'enseignement moral et civique permet aussi d'aborder la notion de propriété intellectuelle en classe de première dans la thématique « Les enjeux moraux et civiques de la société de l'information ».

Les programmes de l'ensemble des lycées vont bientôt être revus par le Conseil supérieur des programmes. J'ai précisé dans la lettre de saisine sur ces programmes qu'ils « contribueront à la formation intellectuelle et civique des jeunes générations ». Les notions liées à la propriété intellectuelle seront nécessairement présentes, que ce soit dans le programme d'enseignement moral et civique ou dans plusieurs autres programmes.

M. Richard Yung.  - Merci de cette réponse. Il y a encore des efforts à faire comme le montre l'enquête à laquelle je faisais référence. Nous faisons moins que l'Allemagne ou le Japon sur cette question. Il faut bien expliquer aux enfants que le plagiat, la copie, la contrefaçon sont hostiles à l'économie et à l'emploi, mais également à eux-mêmes.

Négociations dans le cadre du traité avec le Mercosur

M. Didier Mandelli .  - Ma question concerne le projet de traité avec le Mercosur, sujet qui a fait couler beaucoup d'encre.

Ce projet de traité consiste à faciliter l'exportation de produits agricoles - le boeuf, notamment - du Mercosur vers l'Union européenne (UE). En retour, le Mercosur doit ouvrir le marché sud-américain aux voitures, produits pharmaceutiques, produits laitiers et vins européens et autoriser les sociétés de l'UE à répondre aux appels d'offres publics.

Nous sommes inquiets pour la compétitivité de la production de viande française. En effet, 99 000 tonnes de boeuf supplémentaires pourraient entrer sur le marché européen, en plus des 240 000 tonnes que l'UE importe déjà du Mercosur, et des 60 000 tonnes prévues dans le cadre de l'Accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada - CETA. Cela représenterait la moitié de la production de viande de boeuf en Europe et aurait comme conséquence de faire perdre à la France entre 20 000 et 25 000 exploitations.

Nous craignons en outre l'entrée sur le marché européen de denrées produites dans des conditions moins contraignantes, des viandes d'animaux nourris aux farines animales, aux OGM ou encore traités aux hormones, entraînant des prix plus bas et un potentiel risque sanitaire.

Cette inquiétude est renforcée par le récent scandale de la viande avariée au Brésil. L'Union européenne a ainsi interdit l'importation des produits de vingt entreprises brésiliennes impliquées dans une vaste fraude sanitaire, et soupçonnées d'avoir falsifié la qualité des viandes vendues au Brésil et à l'export.

Cela illustre l'efficacité de nos contrôles, mais nous inquiète sur notre capacité à mettre en oeuvre les principes dont nous avons discuté récemment encore lors de l'examen du projet de loi Agriculture : agriculture locale ou indépendance alimentaire. Où en sont les négociations et quelle est la position du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Les négociations sont importantes notamment pour la filière bovine. Le Gouvernement s'engage pour protéger les intérêts français. La France, soutenue par d'autres États membres, considère ainsi que la conclusion de l'accord UE-Mercosur est tributaire de l'équilibre entre l'ouverture du marché et la protection des filières sensibles agricoles dans la négociation, en particulier, le boeuf, l'éthanol, le sucre et les volailles.

Sur le boeuf, l'Union européenne a proposé un contingent de 70 000 tonnes équivalent carcasse (TEC). Face à la pression du Mercosur pour élever ce quota au-delà de 100 000 TEC, la France demande que ce contingent soit le plus limité possible et ne s'écarte pas significativement de 70 000 TEC.

Le Gouvernement a fait valoir que les concessions tarifaires pour les produits sensibles doivent s'inscrire dans les limites d'une « enveloppe globale », et s'est engagé à défendre des règles de concurrence équitable.

Le Gouvernement veille à garantir la fiabilité sanitaire des importations en provenance du Mercosur. Les viandes bovines traitées aux hormones de croissance resteront strictement interdites.

M. Didier Mandelli.  - Merci. Je souhaite que nous restions très vigilants, sur le plan économique et sanitaire.

Obligations de General Electric vis-à-vis de l'État

M. Martial Bourquin .  - J'avais déjà posé cette question en mars.

La presse avait révélé à l'époque que, dans la nuit du 16 au 17 février 2018, une roue de turbine de 37 tonnes et 4,60 mètres de diamètre avait été sortie discrètement de l'usine General Electric (GE) hydro de Grenoble en toute illégalité, sans qu'en soient informés les salariés. Depuis lors, aucune explication n'a été donnée. GE devait créer 1 000 emplois sur le territoire français ; je ne suis pas sûr qu'il y en ait eu 400. L'amende de 50 000 euros par emploi non créé devrait donc atteindre 34 millions d'euros : devrez-vous la prononcer ?

Cette sanction était prévue par l'accord ! Après octobre 2018, il sera trop tard !

Plusieurs cabinets internationaux ont pris position sur la fusion Siemens-Alstom. Comme le Sénat, ils considèrent que l'accord est totalement déséquilibré : Alstom s'est fait racheter pour zéro euro ! Allez-vous rééquilibrer les choses ? Les 8 000 salariés des 12 sites et les 27 000 en comptant les sous-traitants attendent des réponses.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Veuillez excuser Bruno Le Maire retenu en Argentine.

Le Gouvernement est particulièrement vigilant sur le suivi des engagements pris par GE. Les activités énergie d'Alstom sont confrontées à une conjoncture défavorable et à une concurrence féroce. D'où la restructuration profonde de ses opérations dans ce secteur. En revanche, GE a développé des activités nouvelles - énergies renouvelables et marines. Le ministre de l'économie et des finances a reçu le directeur général du groupe, John Flannery, en juin dernier : il a annoncé que l'objectif de création de 1000 emplois ne serait pas atteint. Le ministre de l'économie et des finances lui a demandé des engagements clairs pour chacun des sites industriels du groupe en France. Une nouvelle rencontre aura lieu à l'automne.

GE devra, aux termes du plan signé le 22 mai dernier avec les organisations syndicales, accompagner les salariés, à la hauteur des moyens du groupe, dans le cadre de la restructuration du site de Grenoble.

Les accords conclus entre Siemens et l'État français sont protecteurs pour les salariés et les territoires - dont Belfort et le tissu des sous-traitants et fournisseurs locaux.

M. Martial Bourquin.  - C'est mieux d'être clair... Or votre réponse ne l'est pas suffisamment ! Allez-vous prononcer cette sanction, oui ou non ?

Allez-vous, oui ou non, rééquilibrer l'accord avec Siemens ? Il y va de l'intérêt de notre industrie. À Grenoble, 345 emplois sur 800 sont menacés.

Siemens a pris le contrôle d'Alstom pour zéro euro, alors que notre joyau français vient de gagner le marché du métro de Montréal. La politique industrielle mérite une mobilisation générale et l'on ne peut se contenter d'une intervention vague, il nous faut des actes.

Situation d'Air France

M. Cyril Pellevat .  - Air France connaît un mouvement de grève d'une grande ampleur depuis le début de l'année 2018. Le 4 mai, le PDG Jean-Marc Janaillac a démissionné, après l'échec du référendum qu'il avait soumis aux salariés pour sortir d'un conflit social persistant.

Je m'interroge sur la présence de l'État au capital d'Air France. Y a-t-il une stratégie de désengagement de l'État ? Si oui, à quel terme ?

Les médias ne le relèvent pas mais Air France subit actuellement une grève des bagagistes et de la maintenance. Ainsi, du 15 juin au 15 juillet, 84 vols ont été annulés pour problèmes techniques et 55 pour manque d'équipage.

Le problème de gouvernance et de management ne se situe pas seulement au niveau du PDG, toute l'entreprise est concernée. Le malaise social est réel. Quelle est la vision de l'État actionnaire sur la gouvernance de l'entreprise ?

Air France va devoir faire face dans les prochaines années à un renouvellement de sa flotte. Beaucoup d'avions ont plus de vingt ans, il faut investir vite, de 1,5 milliard à 2 milliards d'euros. Comment financera-t-il cet investissement ? On peine à comprendre la stratégie, comme en témoigne l'acteur hybride Joon, peu lisible.

Enfin, alors que se tiennent les Assises du transport aérien, la Direction générale de l'aviation civile vient de faire un cadeau à Emirates, qui pourra desservir la France depuis Dubaï plus souvent. Qu'en penser ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Sur le dernier point, je ne peux vous répondre. Mais je chercherai des éléments afin de vous les faire parvenir.

Les grèves coûteront au moins 300 millions d'euros au groupe. Il est donc indispensable qu'il se dote d'un dirigeant et d'une stratégie de développement pour faire face à la concurrence très forte qu'il doit affronter, sur tous les marchés. À ma connaissance, le processus de recrutement n'est pas terminé et le comité de nomination poursuit ses travaux. Le futur dirigeant devra disposer d'une solide expérience internationale.

M. Cyril Pellevat.  - L'image de l'entreprise a souffert des grèves récentes. Pendant ce temps, Emirates passe de 20 à 21 dessertes de Paris et de 5 à 7 dessertes de Lyon. J'ai peur que la santé du groupe soit affaiblie à long terme.

Atout forestier de la France et objectifs de neutralité carbone

Mme Anne-Catherine Loisier .  - La filière forêt-bois permet de capter du dioxyde de carbone dans l'atmosphère, et de l'incorporer dans les matériaux et les sols.

Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), « les arbres ont le plus grand potentiel pour réduire les émissions de CO2 », à condition que les forêts soient jeunes, adaptées au changement climatique et gérées durablement.

Il serait donc pertinent d'accompagner la dynamique et le renouvellement de la forêt française, comme le préconise le programme national de la forêt et du bois (PNFB), pour absorber plus de CO2, en mobilisant la contribution « climat-énergie », financée par les émetteurs de dioxyde de carbone dans l'atmosphère.

Une partie de cette contribution pourrait venir alimenter le fonds stratégique forêt-bois, et être fléchée pour financer le renouvellement.

Un euro par tonne de carbone prélevé sur la contribution climat-énergie suffirait à approvisionner le fonds à hauteur de 200 millions d'euros par an.

Cette mesure permettrait d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, telle que fixée par le plan climat en juillet 2017, dans le prolongement de l'Accord de Paris sur le climat conclu en décembre 2015.

Même si le CO2 n'est pas considéré comme un polluant, il en a pourtant les caractéristiques sur la santé. Cette initiative aurait donc du sens, à la suite de l'assignation de la France par la Commission européenne devant la Cour de justice de l'Union européenne pour une pollution de l'air excessive le 17 mai 2018.

Ce dispositif pourrait-il être envisagé dans le projet de loi de finances pour 2019 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Loïc Hervé.  - Excellente question !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le fonds regroupe des instruments auparavant dispersés.

Outre les crédits de l'État provenant du programme 149, dont le montant annuel varie - 20,5 millions d'euros au budget 2018 -, il est abondé par une part de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TFNB), dont le montant annuel est stable, aux alentours de 3,7 millions d'euros, ainsi que par la compensation financière pour défrichement, dont le montant annuel est plafonné à 2 millions d'euros. Au total, ce sont plus de 26 millions d'euros de concours publics.

Le Gouvernement est pleinement conscient de l'importance de ce fonds. Avec 16,9 millions d'hectares contre 9 millions au début du XXe siècle, la forêt française s'est reconstituée, ce qui est un motif de fierté. La contribution que vous proposez n'est donc pas utile et serait contraire au principe d'universalité budgétaire.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Quelle déception que votre réponse, Monsieur le Ministre ! Non, les moyens ne sont pas suffisants. Alors que le plan prévoit 100 millions d'euros, c'était 25 millions d'euros l'année dernière, 18 millions cette année ! Nous récoltons les fruits des années passées, mais nous ne créons pas les conditions de préparation de l'avenir ! La filière bois pèse 500 000 emplois, autant que la filière automobile, et devra nous permettre de relever le défi de la neutralité CO2 en 2040 ! La France est un pays forestier, pourtant, et votre conception des choses m'afflige. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC.)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Sécurité sociale des indépendants et recouvrement des cotisations

M. Dominique Théophile .  - La sécurité sociale des indépendants (SSI) a remplacé le régime social des indépendants (RSI) depuis la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

Je salue la suppression du RSI, qualifié par la Cour des comptes dans un rapport de 2012 de « catastrophe industrielle ». En effet, l'outil informatique utilisé par les agences de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) pour recouvrer la totalité des cotisations des travailleurs indépendants, le « système national version 2 » (SNV2), s'est en fait révélé incapable d'intégrer l'ensemble du recouvrement des cotisations.

Toutefois, les cotisations prélevées via le nouveau système de la SSI se feront toujours par le biais des Urssaf, alors qu'aucun plan opérationnel et informatique n'a été clairement établi. Ni la réforme liée à la dissolution du RSI ni la migration informatique des quelques millions d'assurés pour le transfert des compétences sur les prestations n'ont été étudiées. Des moyens importants - techniques et humains - devraient être dévolus à la réforme pour qu'elle s'adapte aux spécificités qui entourent la population de travailleurs indépendants.

Les inquiétudes des travailleurs indépendants sont vives quant à ce qui semble être un changement de nom plus qu'un changement de système.

Comment ces problèmes de recouvrement des cotisations par les Urssaf seront-ils résolus dans la nouvelle SSI ?

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture .  - Veuillez excuser Agnès Buzyn. Le RSI est supprimé depuis le 1er janvier 2018. Le transfert des activités auprès des Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), des Caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) et des Urssaf va se réaliser de façon progressive d'ici début 2020 - avec la prise en charge par les CPAM des nouveaux travailleurs indépendants au 1er janvier 2019.

D'importants travaux, notamment informatiques, sont engagés pour assurer la continuité des parcours professionnels. Pour sécuriser cette transition, diverses mesures ont été prises. Le système d'information du RSI ne sera mis en extinction qu'une fois le nouveau opérationnel. Un chef de projet dédié, rattaché à la Direction de la sécurité sociale a été nommé. Un comité de surveillance a été installé, composé de spécialistes. Il vérifie le contenu et l'avancement des travaux et procèdera à toute alerte nécessaire du Premier ministre.

M. Dominique Théophile.  - Souhaitons que ce plan d'action réponde aux préoccupations des travailleurs indépendants.

Financement du sport sur ordonnance

Mme Véronique Guillotin .  - La prescription de sport est effective depuis le 1er mars 2017 pour les patients souffrant d'une affection de longue durée (ALD), mais aucun cadre financier ne structure aujourd'hui le sport sur ordonnance au niveau national. Une quinzaine de villes s'est engagée à encourager la pratique sportive pour les patients en ALD, en mettant à disposition des équipements et du personnel dès lors qu'il y a prescription d'un médecin.

Strasbourg s'est engagée à hauteur de 266 000 euros, sans compter l'usage des infrastructures. La région Grand Est également, comme en témoigne le plan signé par la ministre des sports en Meurthe-et-Moselle, exprimant son souhait de voir émerger une politique publique spécifique en la matière. L'OMS a identifié l'inactivité physique comme le quatrième facteur de risque mondial et la première cause de mortalité en Europe.

À terme, le coût du sport sur ordonnance pouvait s'avérer bien moins élevé, compte tenu des moindres consommations de médicaments et de congés maladies. Où en est la réflexion, Madame la Ministre ?

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Buzyn.

Les bénéfices du sport sont connus. Le dispositif de prescription d'activité physique adaptée (APA) permet aux médecins prescripteurs d'être informés des pratiques réalisées mais le sport n'est toujours pas un acte de soin. C'est pourquoi les frais de pratique sportive (cotisation d'adhésion, coût de la licence) n'entrent pas dans le périmètre de prise en charge de la sécurité sociale.

Le Gouvernement reste engagé à mobiliser tous les acteurs par des actions coordonnées, afin de mobiliser les financements nécessaires - des services déconcentrés de l'État aux collectivités territoriales. Diverses expérimentations coordonnées sont menées partout en France. Celles du « sport sur ordonnance » à Strasbourg et d'« Efformip » à Toulouse sont emblématiques.

L'article 144 de la loi de modernisation du système de santé, son décret d'application du 30 décembre 2016 et l'instruction diffusant ces textes dans les agences régionales de santé et les services déconcentrés de l'État de mars 2017, établissent un cadre juridique adapté au sport prescrit en cas d'ALD, en cours de déploiement.

Mme Véronique Guillotin.  - Nous parlons du sport sur ordonnance, c'est-à-dire du soin, pas de la prévention, à laquelle se rattache l'APA. Le sport sur ordonnance exigerait une concertation avec la sécurité sociale et les mutuelles, car il entraîne une baisse à terme des dépenses liées aux traitements médicamenteux qu'il permet d'éviter, ainsi que du coût lié aux arrêts maladie qu'il permet de réduire.

Tous les partenaires sont restés au milieu du gué. La formation médicale est insuffisante et les effecteurs n'ont pas été pleinement mobilisés. Il faudra plus que ce simple décret pour aller vers du mieux en ce domaine.

Difficultés liées au guichet unique du spectacle occasionnel

Mme Élisabeth Doineau .  - Ma question porte sur les relations entre les associations culturelles agréées « jeunesse et éducation populaire », qui sont amenées à avoir une activité minoritaire d'entrepreneur de spectacles et à recourir à ce titre à des artistes et techniciens du spectacle vivant, et le guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO).

À l'heure où l'éducation artistique et culturelle est une priorité nationale, il convient d'éviter que les associations n'ayant pas le spectacle comme activité principale soient soumises à des cotisations indues, car le guichet unique du spectacle occasionnel, le GUSO, n'applique pas les allégements de charges sociales de l'article 2 de l'arrêté du 28 juillet 1994.

Les cotisations indues qui en découlent représenteraient jusqu'à 16 000 euros pour l'association départementale pour le développement de la musique et de la danse en Mayenne...

Madame la Ministre, pourquoi le GUSO n'applique-t-il pas ces allègements de charges ? Comment les associations pourront-elles récupérer leurs indus ?

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture .  - La question est technique. La circulaire du 5 août 2009 rappelle que le recours au GUSO est obligatoire dans son champ d'application - c'est-à-dire pour les activités culturelles à titre accessoire.

Sont concernés les techniciens et artistes du spectacle vivant : effectuant une prestation artistique, c'est-à-dire les représentations sur scène avec la présence d'au moins un artiste ; recrutés à durée déterminée.

Le GUSO, dispositif obligatoire, permet aux associations qui emploient occasionnellement des intermittents du spectacle d'effectuer les formalités en ligne, de garantir une juste rémunération et de payer les cotisations spécifiques.

Les employeurs relevant du GUSO doivent faire bénéficier les salariés des dispositions d'une convention collective du spectacle vivant.

L'arrêté du 28 juillet 1994 et l'assiette forfaitaire que vous évoquez ne sont donc pas applicables aux artistes et techniciens du spectacle vivant déclarés dans le cadre du GUSO.

Mme Élisabeth Doineau.  - Les associations connaissent mal ces dispositions et espèrent toujours récupérer les arriérés. Remettons tout à plat et trouvons un dispositif qui satisfasse le plus grand nombre. Pourquoi les règles de cotisation sociale ne sont-elles pas les mêmes pour les intermittents à titre accessoire et les agences qui les exploitent ?

Quant aux déclarations en ligne, oui à la modernisation, mais aussi à un accompagnement parfois utile. Il y a là matière à y regarder de plus près, Madame la Ministre, dans les jours qui viennent, pour rendre la situation plus compréhensible.

Services du ministère de la culture

M. Pierre Ouzoulias .  - Votre Gouvernement, par l'article 15 de la loi ELAN, dont la discussion en cours devra bien s'achever un jour, a fragilisé le rôle de l'Architecte des bâtiments de France en multipliant les exceptions à l'avis conforme ; or nous sommes nombreux à penser que les difficultés ressenties par certains élus sont dues à un manque de communication avec les fonctionnaires de l'État chargés du patrimoine au sein des directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

Laissant volontairement vacant le poste de directeur général des Patrimoines, vous avez confié une mission à M. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, sur ce sujet, laissant craindre un dessaisissement des DRAC de ce sujet au bénéfice de cet établissement public. D'où des interrogations et des inquiétudes qui rejoignent celles suscitées par les vacances actuelles de postes de direction au ministère.

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture .  - Je tiens à vous rassurer d'emblée à ce propos, le poste de directeur général de la création artistique est aussi vacant, et sera bientôt pourvu lors d'un prochain Conseil des ministres.

Celui du directeur général des Patrimoines sera pourvu après que sera activée l'évaluation de la réorganisation opérée par la RGPP en 2010. Doivent être examinées les missions de cette direction générale ainsi que son articulation avec les services à compétence nationale, et les DRAC et les opérateurs du patrimoine.

Soyez assurés de notre attachement intense au patrimoine et à sa protection. Le budget du patrimoine a été sanctuarisé.

La mission d'évaluation confiée à Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, nous fera connaître ses conclusions en septembre prochain. Nous y travaillons toutes les semaines. Quand je disposerai de cet état des lieux, je procéderai au renouvellement des postes de directeur général, bien entendu, mais aussi du Service des musées de France et du Service interministériel des archives de France.

En mars 2018, un rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale de l'administration (IGA) a souligné le rôle et la qualité des services déconcentrés du ministère de la culture, unanimes avec les élus territoriaux, les préfets et les acteurs culturels. Je ne cesse de mettre en avant le rôle central des DRAC. Leur présence sur tous les territoires sera encore renforcée, de même que la transversalité de leur action.

J'engagerai une nouvelle étape de déconcentration des crédits et des missions et de dématérialisation des procédures, afin de moderniser notre administration.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le rapport dont vous parlez dit bien la fragilisation des DRAC depuis la création des grandes régions. Je ne mets pas en doute vos engagements, mais votre budget prévoit 160 postes en moins... Comment faire ?

M. Bélaval nous a dit beaucoup compter sur le Mont-Saint-Michel pour équilibrer son action et pour mener à bien l'ouverture d'autres monuments et sites voulue par votre politique. Or il va être transformé en EPIC ! (Mme Françoise Nyssen, ministre, esquisse un geste de dénégation.)

Vous me dites que non ? Soit !

Mme Françoise Nyssen, ministre.  - On en reparlera.

M. Pierre Ouzoulias.  - Volontiers, je suis à votre disposition pour ce faire, en-dehors du cadre de cette question.

J'y insiste néanmoins, nous avons besoin de péréquation, pour faire vivre notre patrimoine dans son entier ! (Mme Anne-Catherine Loisier applaudit.)

La séance est suspendue à 12 h 20.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.