Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Je salue l'élection de M. Vincent Segouin dans l'Orne (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC) et salue Mme Cathy Apourceau-Poly qui prend la relève de M. Dominique Watrin dans le Nord-Pas-de-Calais. (Applaudissements)

Évasion de Redouane Faïd (I)

Mme Michèle Vullien .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) L'évasion de Redouane Faïd a été spectaculaire. Madame la garde des Sceaux, vous avez désigné une mission d'inspection, qui vous rendra ses conclusions d'ici quinze jours. Cependant, je m'interroge sur la succession de signes avant-coureurs que les médias ont dénoncés : ni le lieu ni le mode de détention n'étaient adaptés. Les personnels pénitentiaires ont très tôt signalé que ce détenu particulièrement signalé communiquait avec les autres détenus, que sa cellule n'était pas assez fouillée, que des moyens supplémentaires étaient nécessaires, en particulier un filin anti-évasion. Un transfèrement avait été demandé que l'administration pénitentiaire a refusé. La prison de Réau a été livrée en 2011, elle est prétendument moderne et sécurisée - mais ce détenu est en cavale. Je suis choquée de voir des chaînes d'information relayer la vidéo de cette évasion prise par un détenu qui fait passer Redouane Faïd pour un nouveau héros. Sans parler des commentaires de cette actrice écervelée, voire décervelée. Je pense à la policière municipale, victime de Redouane Faïd, et à son jeune fils. Les plans de la prison avaient fuité sur Internet et elle n'est même pas floutée sur Google Earth ! Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice .  - Cette évasion, qui a été préparée par un commando hors norme, a frappé les esprits. Réagissons sans surenchère. Le parquet de Paris mène une enquête. La prison de Réau a été inaugurée en 2011 sous Nicolas Sarkozy. Elle est sécurisée et adaptée. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Je veux comprendre comment cette évasion a été possible. La mission que j'ai diligentée dimanche me rendra ses conclusions d'ici à dix jours. Il y aura des sanctions s'il y a eu des manquements.

Le Gouvernement n'a pas attendu cette évasion spectaculaire pour agir. Nous avons augmenté le budget de la sécurité des prisons de 10 millions d'euros. Nous avons créé des cellules étanches  ; nous avons prévu le brouillage des téléphones portables, professionnalisé le renseignement pénitentiaire, passé un marché pour lutter contre les drones et sécurisé les abords des établissements. Je présenterai à l'automne un projet de loi qui reprendra l'ensemble de ces mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Bilan de l'asile et de l'immigration

M. Arnaud de Belenet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) L'accord auquel l'Union européenne est parvenue vendredi dernier marque un tournant.

Ce matin, une note inquiétante de Vienne a été rendue publique. Nous sommes face à une crise migratoire mais aussi politique. La droite europhobe et radicale a ironisé avec cynisme. Le consensus trouvé rappelle que l'Europe doit accueillir les réfugiés au nom de ses valeurs mais ne peut recevoir un flux d'immigration clandestine incontrôlé.

Les centres de contrôle serviront à distinguer entre réfugiés et migrants économiques. La France n'étant pas un pays de première arrivée, aucun centre n'ouvrira sur notre sol.

Quelles seront les actions concrètes développées en France ? Comment envisagez-vous un accueil digne des réfugiés sur notre territoire et la limitation de l'immigration économique ? Les nouvelles procédures prévues dans le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie répondent-elles aux objectifs de ce nouvel accord européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le président de la République l'a dit, la France prend pleinement sa part. Sur les 630 migrants de l'Aquarius et les 230 du Lifeline, l'Ofpra a reçu respectivement 80 et 52 personnes réfugiées.

Nous pouvons nous féliciter de la réponse globale de l'Union européenne dont le président de la République a été un acteur majeur. La loi Asile et immigration, toujours en discussion faute d'accord en CMP, apporte des solutions, notamment sur le raccourcissement des délais. Nous travaillons avec les pays d'origine et de transit pour réduire les flux. La réponse est l'équilibre entre humanité et responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Biodiversité

M. Joël Labbé .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Johannesburg, 2002 : « la maison brûle et nous regardons ailleurs ». C'était il y a 16 ans, la maison brûle toujours et nous regardons encore trop souvent ailleurs. Hier, Monsieur le Ministre d'État, vous avez présenté votre nouveau plan pour la biodiversité et contre la disparition accélérée du vivant. Je partage votre analyse mais nous n'avancerons pas tant que ce constat ne sera pas largement partagé, ici au Parlement comme au sein du Gouvernement. Lors de l'examen du projet de loi sur l'agriculture, la biodivesité aurait dû être au coeur de nos préoccupations car elle a évidemment partie liée avec notre santé, notre vie. Pouvez-vous nous rappeler une fois encore en quoi la situation est si catastrophique ?

M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - « La nature nous parle mais nous ne l'écoutons pas », disait Victor Hugo. J'ose croire que nous entendons enfin son cri de détresse. La prise de conscience précède les actes.

Le Premier ministre a présidé une réunion interministérielle inédite hier. Nous avons commencé à prendre notre part de responsabilité contre ce fléau du XXIe siècle.

En 30 ans, un tiers des oiseaux ont disparu, tout comme 80 % des insectes ; une espèce sur trois est menacée en Europe.

Près de 40 % ou 50 % du vivant risque de disparaître dans le siècle. Le plan présenté hier est le début d'un tout, le point de départ d'une dynamique collective. Ne doutez pas de notre détermination. Son efficacité se révélera semaine après semaine.

M. Joël Labbé.  - Monsieur le Premier ministre, nous attendons que vous imprimiez l'urgence dont vous avez parlé dans tous les textes que vous présentez. La santé humaine est concernée au plus haut point. Il est temps d'entrer dans l'ère de l'après-pesticide, il est grand temps de tourner le dos aux sombres perspectives de printemps silencieux et d'aller vers des printemps joyeux et ré-enchantés. Pour entendre encore longtemps, longtemps, les concerts d'insectes somnolant chers à Albert Camus et « des chants d'oiseaux au réveil et des rires d'enfants » comme le chantait si bien Jacques Brel. (Vifs applaudissements à gauche)

Projet de suppression de la référence à la sécurité sociale dans la Constitution

Mme Éliane Assassi .  - Le député LaREM Olivier Véran a fait adopter en catimini par la commission des lois de l'Assemblée nationale le retrait de toute référence à la sécurité sociale dans la Constitution.

Or cette référence, pilier du programme de la Résistance y était inscrite depuis le 22 mai et le 22 août 1946. La notion de sécurité sociale serait remplacée par celle de protection sociale. Cela atteste de la destruction d'un service public solidaire et protecteur, financé par les cotisations des employeurs et des salariés, d'un système auquel les Français sont très attachés malgré les coupes budgétaires successives.

La sécurité sociale est un trésor national, un joyau de notre patrimoine, un pilier de la Nation. Monsieur le Premier ministre, nous nous mobiliserons contre sa disparition. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Vous rappelez votre attachement et celui des Français à la sécurité sociale ; je le partage. Cette formidable construction de solidarité a refondé le socle de notre pays après la Seconde Guerre mondiale.

Je respecte trop les parlementaires....

M. Roger Karoutchi.  - Bien sûr !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - ... pour commenter la proposition d'Olivier Véran. En aucune façon, il ne s'agit de remettre en cause la sécurité sociale. Levons les malentendus et les incompréhensions comme les fausses peurs que certains voudraient propager - je ne parle pas de vous, Madame la présidente Assassi. L'objectif est de prendre en compte des domaines qui ne relèvent pas de la sécurité sociale. Imaginez que nous souhaitions compléter le dispositif sur les retraites par un dispositif adapté sur la dépendance. Techniquement, il ne relèverait pas de la sécurité sociale ! Nous souhaitons renforcer le système pour que la solidarité qui lie les citoyens entre eux trouve de nouvelles richesses pour s'appliquer.

Cessons de mésinterpréter les tentatives d'amélioration portées par les parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Éliane Assassi.  - Comment accepter l'idée que des députés enterrent notre sécurité sociale au détour d'un amendement ! Pour préserver la sécurité sociale, on la modernise, on la développe, mais on ne touche pas à « cette loi humaine et de progrès », comme disait Ambroise Croizat. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Organisation du travail législatif

M. Patrick Kanner .  - Il n'y a pas longtemps, lorsqu'une loi d'envergure arrivait au Parlement, tout était fait pour que les parlementaires s'en emparent et travaillent dans de bonnes conditions.

La loi Macron, par exemple, a été examinée trois semaines à l'Assemblée nationale, trois semaines au Sénat et promulguée huit mois après sa présentation en Conseil des ministres. Le ministre, à l'époque, avait le goût du débat parlementaire...

Désormais, nous devons examiner les projets sur les états généraux de l'alimentation, sur la formation professionnelle, sur le logement, l'aménagement et le numérique (Elan) et sur les violences sexuelles et sexistes en quelques semaines, soit trois fois moins de temps !

Nous ne dénonçons pas le trop plein, mais le trop mal. Nous voulons mieux travailler en faisant des lois bien écrites.

Monsieur le Premier ministre, après les dysfonctionnements du calendrier parlementaire au printemps, comptez-vous équilibrer celui de l'automne prochain ? (Vifs applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Il fut un temps où tout était parfait - mais aujourd'hui tout est sombre... (Exclamations sur de nombreux bancs)

M. Antoine Lefèvre.  - Il n'a pas dit ça !

M. Roger Karoutchi.  - Attendons la suite.

M. Martial Bourquin.  - La dérision au lieu des arguments...

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Nous opérons une rupture avec le passé. Les électeurs l'ont souhaité - c'est du moins dans ce sens que j'interprète l'élection présidentielle. Cette rupture ne s'opère ni avec le bicamérisme ni avec le Parlement, mais avec l'incapacité à prendre des mesures nécessaires. C'est ce que les Français ont choisi en 2017.

Il y a beaucoup à faire pour la formation, le ferroviaire, le budget, mais aussi sur des sujets auxquels nous ne nous attendions pas.

Je remercie le Sénat d'avoir su adapter son calendrier pour examiner le projet de loi de finances rectificative à la fin de l'an dernier - après qu'une décision du Conseil constitutionnel avait modifié l'équilibre. Nous avons beaucoup de travail et assumons l'intensité du programme législatif.

Les débats sont riches. On ne peut pas dire qu'ils ont été tronqués. Ils auraient sans doute pu durer plus longtemps - c'est le propre des débats que de pouvoir durer plus longtemps. Les arguments ont pu être échangés. La qualité du débat est plus importante que son volume horaire.

Je salue la qualité du travail du Sénat, sans aucune ironie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Patrick Kanner.  - Vous parlez de rupture. Si c'est un parlementarisme de plus en plus rationalisé et l'exécutif de plus en plus débridé, nous le regrettons. Vous n'avez pas répondu sur le calendrier de l'automne, mais merci de reconnaître la qualité de notre travail ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Effondrement du marché des moteurs diesel

M. Alain Fouché .  - Ma question porte sur le soutien aux entreprises subissant l'effondrement du marché de la motorisation diesel, autrefois soutenu par les pouvoirs publics.

L'impact du diesel sur l'environnement et la santé ont conduit à mettre fin à la fiscalité avantageuse qui lui était destinée. De grandes villes comptent le bannir - c'est le cas de Paris. Le PDG de Renault-Nissan a annoncé la division par deux de la production diesel d'ici 2022. Le diesel bashing rend hermétique à toute innovation, notamment celle de Bosch qui permettra de réduire les émissions d'oxydes d'azote des moteurs diesel à un niveau bien inférieur à la future norme prévue en 2020.

En août 2017, les conclusions de la mission sur les conséquences du déclin du diesel étaient claires : bien que les moteurs modernes soient moins polluants, cette chute est inéluctable. Elle appelle une action d'aide à la reconversion ; 12 000 emplois sont menacés en France ! Dans mon département de la Vienne, celui de René Monory, les élus et le président de la communauté d'agglomérations s'inquiètent. Plus de 1 000 emplois sont en jeu chez les équipementiers. Quel avenir pour le diesel aux Fonderies du Poitou et à Saint-Jean Industries ? Quelles actions pour préserver l'outil de travail et le savoir-faire unique des ouvriers, qui doivent être préservés ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Il n'y a aucune raison de stigmatiser le diesel ni de le favoriser... D'où l'alignement de la fiscalité avec l'essence que nous avons décidé, avec M. Nicolas Hulot, sous l'autorité du Premier ministre. C'est une mesure de justice, d'efficacité, et conforme à nos engagements environnementaux.

Nous accompagnons les industries pour défendre les 12 000 emplois menacés, des fonderies du Poitou à l'usine Bosch de Rodez. Le maître-mot est diversification. Les fonderies du Poitou ont un client unique, Renault. Je me ferai leur avocat pour aider à leur diversification. Le fonds d'aide industrielle, doté de 10 milliards d'euros, y contribuera aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

État des forces de sécurité

M. François Grosdidier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Les policiers et les gendarmes vont mal : suicides et manifestations en témoignent. Aussi Gérard Longuet soutenu par notre président Bruno Retailleau a-t-il proposé de constituer une commission d'enquête sénatoriale. En cinq mois d'investigation, nous avons travaillé sans aucun présupposé pour identifier les causes de ce malaise : des locaux vétustes et même indignes, des véhicules usés jusqu'à la corde, mettant en danger les personnels, des équipements insuffisants ; une question d'effectifs mais surtout de répartition du temps dont les deux tiers sont mangés par la procédure pénale ; 22 millions d'heures supplémentaires non payées, des vies de famille impossibles, des risques physiques accrus, du terrorisme aux violences quotidiennes.

Policiers et gendarmes sont en quête de sens et de reconnaissance. Ils pédalent sur un vélo sans chaîne, faute de réponses pénales adaptées. Nous proposons un rattrapage en investissement à portée du budget de l'État et des réponses pénales qui ne demandent que de la volonté politique. En avez-vous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et sur quelques bancs des groupes UC et RDSE)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Hier, vous avez rendu publiques les conclusions de votre commission d'enquête. Parmi les causes de ce malaise, ressortent la sollicitation croissante des policiers et des gendarmes dans le contexte terroriste, le sentiment d'une perte de sens face à la lourdeur de la procédure et l'insuffisance des effectifs après la suppression de 12 500 postes entre 2007 et 2012.

Ce malaise, vous en conviendrez, ne date pas d'il y a un an. La priorité que le Gouvernement donne à la sécurité est sans équivalent. (Protestations sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR) Les crédits consacrés à la police nationale ont augmenté de 2 % en un an. Nous avons réalisé un effort particulier sur l'immobilier : 196 millions d'euros et 100 millions d'euros par an sur trois ans pour la police et la gendarmerie, soit une hausse de 9 % et de 5 %. Nous renforçons les effectifs de 10 000 postes durant le quinquennat. Nous avons créé la police de sécurité du quotidien, 30 quartiers de reconquête républicaine,....

Une voix à droite. - La réponse est nulle !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Nous avons facilité l'accès aux instruments numériques et la garde des Sceaux présentera bientôt un texte sur la procédure pénale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. François Grosdidier.  - Je regrette que le Premier ministre ne prenne pas la peine de me répondre. Visiblement, vous n'avez pas pris la mesure du problème. La question n'est pas de savoir si on le doit à la gauche ou à la droite, c'est vous qui êtes aux responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et SOCR) La réforme de la procédure pénale, c'est un dixième de ce qu'il faudrait faire. Vous nous dites avoir amélioré le parc de véhicules de la gendarmerie ; en maintenant la moyenne d'âge des véhicules à huit ans, vous êtes très loin du compte ! Quand prendrez-vous enfin conscience du problème ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Protection de la ZEE de Nouvelle-Calédonie

M. Gérard Poadja .  - Avec une surface de 1,8 million de km2, la zone économique exclusive de Nouvelle-Calédonie représente 25 % de la ZEE française. Cet immense espace maritime, qui abrite la deuxième plus grande barrière de corail au monde - inscrite au patrimoine mondial - est de plus en plus la proie d'actes de pêche illégale par des pirates venus d'Asie. Depuis mai 2016, 73 embarcations illégales ont été identifiées, 20 arraisonnées, 9 déroutées et près de 34 tonnes d'holothuries ont été saisies.

Pour nous défendre, nous disposons seulement d'une frégate de surveillance, de deux patrouilleurs hors d'âge et d'un bâtiment multi-missions. Les deux patrouilleurs, vieux de quarante ans, seront retirés du service en 2020 et renouvelés entre 2022 et 2024. Il serait inconcevable de laisser l'espace maritime calédonien en proie aux pillages dans la période transitoire entre 2022 et 2024 ? Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Gérard Longuet applaudit également.)

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - Le Gouvernement mesure parfaitement les menaces qui pèsent sur les ZEE et singulièrement sur celle de la Nouvelle-Calédonie. C'est pourquoi dans la loi de programmation militaire, nous avons accéléré de deux ans la livraison des patrouilleurs et augmenté leur nombre de dix-sept à dix-neuf. Le premier livré ira en Nouvelle-Calédonie.

Le retrait des deux patrouilleurs en 2020 vous inquiète. Mais les forces années en Nouvelle-Calédonie seront en mesure de se défendre grâce aux frégates de surveillance, au bâtiment multi-missions, aux deux avions de surveillance maritime et les moyens d'observation spatiale. La France renforce sa coopération avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie, ce qui contribue à la surveillance de la ZEE de Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Feuille de route pour l'économie circulaire

M. Frédéric Marchand .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Le Forum politique de haut niveau pour la ville durable et résiliente se tiendra du 9 au 18 juillet à l'ONU. Pas moins de 47 pays sont inscrits à cet événement qui rassemble sociétés civile et politique pour évoquer la mise en oeuvre de l'Agenda 2030 pour le développement durable. La France est pionnière dans ce domaine de la transition écologique.

Au niveau mondial, entre 5 et 13 millions de tonnes de plastique sont déversées chaque année dans les mers. Si l'on continue ainsi, il y en aura plus que de poissons en 2050. L'économie circulaire apporte une réponse. Quelque 55 industriels et fédérations se sont engagés pour tenir les objectifs de développement durable. Au-delà d'eux, nous avons des pépites de la French Tech sur nos territoires. Je pense à une en particulier dans le Cambrésis....

M. le président.  - Posez votre question, s'il vous plaît.

M. Frédéric Marchand.  - Quel message délivrera la France pour affirmer son rôle de premier de cordée du développement durable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Vous avez raison, la France a la responsabilité de tirer vers le haut le reste du monde. D'où l'initiative ambitieuse que j'ai lancée pour le développement durable. Je me rendrai à ce forum de haut niveau. Cet agenda est la boussole des Nations unies pour guider les États du monde vers le développement durable. Cela exige la participation des entreprises, petites comme grandes. Avec le Premier ministre, nous avons lancé une politique industrielle ambitieuse en faveur du recyclage, car l'économie circulaire pourrait générer 300 000 emplois non délocalisables. Les pépites sont nombreuses. Nous devons les aider, par tous les moyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Situation des hôpitaux et des EHPAD à la veille de la période estivale

M. Michel Dagbert .  - Ma question s'adresse à la ministre de la Santé et des solidarités. J'aurais aimé l'interroger sur le report du plan pauvreté mais inutile puisqu'en juillet et en août, on sait que les pauvres dépensent un fric fou sur les plages... Je préfère l'interroger sur le grand malade qu'est l'hôpital public. Vous avez dénoncé les médecins qui se tournent vers l'intérim, les qualifiant de « mercenaires ». N'en faites pas l'arbre qui cache la forêt. L'hôpital public est dans un état de tension inédit au début d'un été de tous les dangers. La ministre-docteur a cru rassurer en disant que l'hôpital public était « monitoré ». Quand on met un patient sous monitoring, c'est qu'on craint l'arrêt cardiaque... Quelles mesures envisagez-vous si l'alarme se déclenche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - L'État s'est fortement engagé en augmentant le budget des hôpitaux de 1 milliard d'euros cette année. La situation est tendue et particulièrement pendant l'été. Il faut gérer le risque chaleur, nous mobilisons le plan national « Canicule » pour secourir les personnes les plus vulnérables qu'elles se trouvent en Ehpad, à l'hôpital ou à leur domicile - et dans ce dernier cas, nous avons besoin de la mobilisation des maires. La ministre s'est rendue le 29 mai au centre hospitalier de Versailles pour vérifier que des dispositions avaient été prises pour anticiper la canicule.

À la fin du mois de mai, une enquête a été réalisée pour connaître le taux prévisionnel de lits ouverts en juillet et en août. Il y aura un tableau de suivi quotidien dans chaque région. Nous veillons également à accroître les capacités d'accueil des services d'urgence dans les zones touristiques. Nous savons pouvoir compter sur tous les acteurs du secteur hospitalier pour recevoir au mieux les patients.

M. Michel Dagbert.  - Rendez-vous en septembre... La circulaire du 23 mai dernier a créé beaucoup d'émoi, y compris chez les directeurs de centres hospitaliers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Service national universel

Mme Corinne Imbert .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il y a quelques jours, le président de la République a présenté les contours du SNU. Il avait annoncé, candidat, que ce service universel serait encadré par les armées et la gendarmerie nationale afin de disposer d'un réservoir complémentaire de la garde nationale ; plus rien de militaire dans la version présentée. Le candidat Macron disait que le service durerait entre trois et six mois ; ce sera deux fois quinze jours.

La cohésion nationale ne s'inculque pas en un mois. Si ce projet de SNU en restait là, il vaudrait mieux l'abandonner pour renforcer les dispositifs existants. Pourquoi dépenser 1,5 milliard d'euros par an pour un outil dont la portée sera plus que limitée ? Le Gouvernement entend-il revoir sa copie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - Tous les candidats s'étaient engagés sur le SNU sans préciser les moyens qu'ils y consacreraient. Le Gouvernement a eu la sagesse de réfléchir à un cadre qui allie l'intérêt de ce service, son acceptabilité par la jeunesse et sa faisabilité. Un mois de service obligatoire sera mis à profit, y compris pour développer des projets partagés entre jeunes.

Les dispositifs existants seront, en outre, renforcés : services civiques, réserve opérationnelle et toute autre action labellisable. Le SNU fera l'objet d'une grande consultation nationale qui remplira le cadre concret et réalisable que nous vous proposons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Corinne Imbert.  - Le candidat Macron est aujourd'hui président de la République. Le Sénat a voté des crédits supplémentaires pour le SNU mais celui-ci a changé de paradigme et ne correspond pas aux réalités de notre pays, dont la menace terroriste. Nos armées n'ont pas besoin d'apprentis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Évasion de Redouane Faïd (II)

M. Antoine Lefèvre .  - Le détenu qui aurait dû être le plus surveillé de France s'est à nouveau fait la belle ! La prison modèle n'en était pas une ? Avec sa cour sans protection aérienne, maintes fois signalée comme le point le plus faible de sa sécurisation, le choix d'y maintenir ce détenu dangereux comportait un risque maximum ; la direction régionale avait maintes fois demandé son transfert. Madame la garde des Sceaux, avez-vous besoin d'une enquête de 15 jours pour comprendre ce qui s'est passé et réagir alors que les vidéos sur cette évasion à la James Bond réalisées par les détenus circulent déjà sur Internet ? Comment faire évoluer le système pénitentiaire et la chaîne pénale pour que cela ne se reproduise plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je tirerai toutes les conclusions du rapport d'inspection que j'ai demandé. Il faut des éléments stabilisés, irréfutables et non simplement des vidéos ou ce que j'ai pu observer de mes propres yeux pour prendre des décisions.

Je n'ai pas attendu cet événement extraordinaire pour améliorer la sécurité des établissements pénitentiaires. La direction de l'administration pénitentiaire travaille, à ma demande, selon trois axes : observer la population pénale pour prévenir - c'est le travail du renseignement pénitentiaire ; un système d'affectation des détenus dans des établissements qui correspondent à leur profil - c'est le travail de construction des établissements pénitentiaires adaptés ; des efforts de sécurisation - déploiement de la vidéoprotection, des dispositifs anti-projections, des dispositifs de détection, notamment de métaux, sécurité aux abords des établissements, lutte contre le fléau des téléphones portables. Nous avons passé un nouveau marché de brouillage des téléphones pour éviter les communications, ce nouveau marché est en cours de déploiement et se poursuivra à l'automne. Toutes ces mesures seront confirmées par la loi de programmation à venir. Nous nous engageons, en outre, à créer 6 500 postes en cinq ans. Nous avons la volonté d'assurer la sécurité des agents et des Français.

M. Antoine Lefèvre.  - Rapporteur de la mission Justice, je connais vos difficultés. Je regrette que 340 millions d'euros de crédits pour la pénitentiaire aient déjà été annulés ! Si la sécurité des surveillants n'est pas assurée, qui candidatera pour occuper les postes ouverts aux concours ? Écoutez les revendications des syndicats !

Plus de 20 000 téléphones portables ont été confisqués dans l'année. À Fleury-Mérogis, pas moins de 56 téléphones et appareils connectés ont été retrouvés dans une même cellule ; c'était une vraie téléboutique ! Et ce, alors même que nous avons voté pour 14 millions d'euros de crédits pour les brouilleurs. Il faut des réponses efficaces et pérennes face à une population carcérale plus violente, plus jeune, parfois radicalisée et toujours plus connectée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Politique industrielle

M. Jean-François Husson .  - Pas d'économie forte sans industrie forte. L'industrie française n'est pas à la hauteur de notre rang de cinquième puissance mondiale. La politique industrielle française est souvent abordée pour dénoncer ses insuffisances lorsque les projecteurs médiatiques sont braqués sur des dossiers brûlants : Alstom à Belfort, Arcelor Mittal à Florange, les Conti sans oublier Whirlpool à Amiens. Votre Gouvernement doit développer une politique ambitieuse s'inscrivant dans l'objectif de transition écologique qu'il affiche. Dans mon département, le Gouvernement a lancé en août 2017 un appel d'offres pour assurer la pérennité d'une unité de production de bicarbonate plus que centenaire ; on ne peut en attendre la création de 100 emplois. La société Novacarb s'est portée candidate. La réponse se fait toujours attendre, malgré une mobilisation générale unanime en faveur de ce projet. Quelle est la stratégie industrielle de l'État ? Soutiendrez-vous le projet Novawood à Laneuveville-devant-Nancy ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Il est difficile d'envisager l'avenir d'un pays comme la France sans industrie et sans industrie compétitive, je le crois profondément. La question n'est pas celle de notre attachement théorique à l'industrie, elle est celle de la politique que nous devons mener pour renforcer la compétitivité de nos industries. Nous nous sommes engagés dans une stratégie de structuration des filières par elles-mêmes, de simplification des normes, de soutien à l'innovation de rupture grâce aux cessions de parts de l'État dans des grandes entreprises et de diminution de la fiscalité de production. La politique industrielle doit être conciliée avec l'impératif de la transition écologique, nous en sommes d'accord.

J'ai examiné l'appel d'offres sur la biomasse, il appartient à des programmes lancés par les gouvernements successifs. Il reviendrait à faire payer l'électricité au moins trois fois plus cher que le prix du marché. Pas moins de 850 millions d'euros d'argent public, qui ne sont pas financés, seraient engagés par une politique qui créerait, vous l'avez dit, une centaine d'emplois... Est-ce vraiment soutenir l'industrie française ? Je n'en suis pas certain. J'ai demandé au préfet de laisser à l'entreprise le temps de s'adapter. Le soutien à l'industrie française est indispensable ; il doit prendre les formes les plus efficaces possible, c'est-à-dire préparer l'avenir. Nous travaillons à cette solution efficace avec les autorités locales et l'entreprise concernée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-François Husson.  - Votre réponse traduit une vision économique claire et solide. Je suis à votre disposition pour vous aider à trouver des solutions.

La séance est suspendue à 16 h 10.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 16 h 20.