Débat préalable à la réunion du Conseil européen
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 28 et 29 juin. Nous attendons Mme la ministre.
La séance, suspendue à 21 h 45, reprend à 21 h 55.
Orateurs inscrits
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Je suis heureuse de vous retrouver pour évoquer le Conseil européen des 28 et 29 juin.
Je reviens du Conseil des affaires générales de Luxembourg d'où notre débat si tardif.
Le Conseil européen sera attendu sur les questions migratoires - le refus italien d'accueillir l'Aquarius et le Lifeline a créé le débat. Les arrivées de migrants sont en baisse de 77 % par rapport à 2017. Mais le système européen dans son ensemble doit être amélioré. La solution doit passer par les institutions et les États membres et il ne peut y avoir de repli sur soi. L'Italie, la Grèce et l'Espagne ne peuvent être laissées seules.
La coopération doit être renforcée à chaque étape, au départ, mais aussi dans les pays de transit. La France a déployé des missions de l'Ofpra au Niger et au Tchad, afin d'identifier, avec le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), les personnes qui peuvent bénéficier d'une protection internationale.
Les migrants qui ne remplissent pas les conditions peuvent prendre conscience qu'il faut rester chez eux. La France sera en première ligne pour identifier avec le HCR et l'OIM les personnes qui peuvent être accueillies sur le territoire européen. Nous devons mobiliser l'ensemble de l'Union et les pays du Maghreb. Il faut aussi développer la coopération avec les garde-côtes et les garde-frontières libyens pour lutter contre les passeurs. On pourra augmenter à 10 000 les garde-frontières et garde-côtes de Frontex.
En Europe, il faut améliorer profondément le fonctionnement des hotspots et la relocalisation. Il faut réformer Dublin en réaffirmant le rôle des pays de premier accueil, et accompagner le dispositif de mécanismes de solidarité à la hauteur.
Tout cela suppose une approche plus européenne. On ne peut ni fermer ses frontières au risque de détruire Schengen, ni compter uniquement sur les pays tiers pour retenir des personnes qui ont le droit de déposer une demande d'asile.
La France et l'Allemagne se sont engagées en décembre dernier à adopter une démarche commune pour l'Union économique et budgétaire. Elles l'ont obtenu et cela n'allait pas de soi. Elles assureront ainsi une stabilité macroéconomique. Des pays s'y opposent, tels que les Pays-Bas.
Mais nous avons franchi une étape franco-allemande importante, qui crée une nouvelle dynamique, notamment en matière fiscale.
Le Conseil européen aborde désormais régulièrement le sujet de la défense européenne. Nous avons accompli de réels progrès mais rien n'est jamais acquis. Nous avançons vers la finalisation du fonds européen de défense doté de 13 milliards d'euros à partir de 2021. Nous avons trouvé un accord avec le Parlement européen, notamment grâce à l'aide de notre compatriote Françoise Grossetête. Le mécanisme Athena de financement commun des opérations européennes sera révisé.
Sur l'emploi, la croissance et la compétitivité, le Conseil européen endossera les recommandations « pays » de la Commission proposées dans le cadre du semestre européen et insistera sur la nécessité de défendre le multilatéralisme et de réformer l'OMC dans la lignée du G7. Nous marquerons ainsi l'unité européenne, remarquable, face aux mesures américaines sur l'acier et l'aluminium.
Nos idées sur l'innovation de rupture évoquées lors du sommet informel de Sofia devraient être reprises avec notamment la mise en place d'un conseil européen de l'innovation. Nous insistons sur la juste taxation des acteurs du numérique même si l'Irlande, Malte ou le Luxembourg la renvoient à un hypothétique accord dans le cadre de l'OCDE.
Le petit-déjeuner du 29 juin sera consacré au Brexit. Il est urgent d'avancer sur l'accord de retrait qui doit être conclu en octobre. Le problème fondamental reste la frontière irlandaise. Les contrôles douaniers posent problème. Comme l'a fait remarquer Michel Barnier, un accès au marché unique à la carte serait inacceptable. L'hypothèse d'absence d'accord est envisagée comme d'autres.
Le cadre financier pluriannuel doit être négocié le plus vite possible même s'il convient d'attendre que les électeurs européens se prononcent avant de décider d'un nouveau budget européen.
Les travaux en format Normandie menés sur les sanctions sectorielles envers la Russie seront présentés par le président de la République et la chancelière.
S'il me reste peu de voix, c'est que nous avons consacré huit heures à l'élargissement ! Il n'est pas possible d'ouvrir les négociations d'adhésion de l'Albanie et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine. Nous avons obtenu de haute lutte un accord sur ce point au Conseil des affaires générales pour reporter la discussion au plus tôt à l'an prochain.
Le Conseil européen reviendra sur les relations avec la Russie et les États-Unis après leur retrait du plan d'action conjoint avec l'Iran, que nous regrettons. Le travail se poursuit à Bruxelles pour que l'Union européenne fasse preuve d'unité et de fermeté. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et SOCR ainsi que sur le banc des commissions)
M. Jean-Claude Requier . - Lors des derniers débats précédant le Conseil européen, l'actualité est particulièrement dense. On constate malheureusement l'isolement du Gouvernement français.
Royaume-Uni et Brexit, Allemagne en proie à l'opposition entre CSU et CDU sur l'immigration, et Espagne fragilisée par la question catalane, Italie et son nouveau gouvernement europhobe.
Bonne nouvelle, la France est sortie de la procédure de déficit excessif. Même si l'on peut regretter que les efforts n'aient pas été mieux répartis entre l'État et les collectivités.
Le résultat est là : la France retrouve sa crédibilité.
La Grèce sort enfin du plan d'aide auquel elle était soumise depuis 2011. Ses efforts n'auront pas été vains. Et elle peut attendre des lendemains plus cléments. Une solution a enfin été trouvée sur la Macédoine, qui se dispute, avec la Grèce, l'héritage d'Alexandre le Grand.
Soulignons les progrès de la défense européenne avec la création du Groupe européen d'intervention à l'initiative de la France. Fort de la participation de huit pays, il est capable d'assurer rapidement des opérations militaires civiles, comme l'évacuation ou l'assistance à la suite de catastrophes naturelles. Citons l'opération menée avec les Britanniques et les Néerlandais dans les Antilles après Irma.
La Commission européenne envisage des coupes budgétaires inacceptables, notamment dans la PAC. Celle-ci ne saurait être une variable d'ajustement, mais reste une politique commune.
Sur la crise migratoire, en l'état actuel, il est urgent de mettre en oeuvre une politique de long terme. Je ne parlerai pas du président Trump qui reste un caillou dans la chaussure des dirigeants européens.
Il faut plus et mieux d'Europe. C'est l'ADN du RDSE.
Nous apportons au président de la République tout notre soutien sur son projet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur le banc des commissions)
M. Pascal Allizard . - (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, applaudit aussi.) Nous sommes contraints de rattraper dans l'urgence un retard certain.
Sur la question migratoire, l'Europe est arrivée à un moment clé de son Histoire, d'une fragilité telle que tous les basculements deviennent possibles. L'action lente et brouillonne de l'Union européenne a marqué les opinions publiques. On peut continuer à montrer d'un doigt moralisateur les démagogues populistes mais ils ne sont que la conséquence du problème. Le suffrage universel, méprisé par les messieurs de Bruxelles, parle régulièrement.
L'absence du groupe de Visegrad au sommet de dimanche dernier n'a pas permis d'avancer. L'Aquarius et le Lifeline ont cristallisé les tensions. Plus nous attendons, plus une solution partagée deviendra impossible.
L'Europe de Schengen soucieuse seulement de marché a rejeté la charge des frontières extérieures sur des États mal préparés. Nous devons donner à Frontex les moyens de faire respecter le droit. L'État de droit n'est pas à géométrie variable. Il faut être ferme. La politique généreuse vis-à-vis des mineurs coûte cher aux départements et ce laxisme pèse sur les opinions publiques.
Les Allemands regrettent d'avoir abandonné la Méditerranée au profit de l'Europe centrale. Le Maroc souhaite coopérer pleinement y compris sur les questions migratoires. Les mineurs viennent à 85 % d'Asie mineure, Afghanistan, Pakistan. Les trafiquants d'hommes et de femmes mènent une activité juteuse.
Rien ne permet d'envisager une atténuation des flux.
Les eurosceptiques pourraient achever de détruire l'Union européenne, ce qui affaiblirait les États-nations dont ils se disent les défenseurs.
La défense est un enjeu stratégique. L'Union européenne doit se montrer comme une puissance et non pas seulement un marché. Les industries reconnues font vivre nos territoires. La Russie et les pays émergents rendent la concurrence difficile. Les débats sur la loi de programmation militaire ont été l'occasion pour la France de relancer son effort en matière de défense. Depuis 2016, et la déclaration de Varsovie, les États membres ont relancé un plan commun de défense élargi qui a pris en compte l'an dernier des politiques nouvelles comme celle du terrorisme. Tout effort de coopération entre alliés est louable.
Les rapprochements entre industriels européens et la mutualisation sont bienvenus d'autant que la sophistication du matériel tire les coûts vers le haut.
La volonté politique d'agir existe : tant mieux. Il faut mieux se connaître et travailler ensemble. La coopération franco-allemande est prioritaire mais n'oublions pas nos partenaires britanniques dont le modèle d'armée est très proche du nôtre. L'Union européenne doit continuer à avancer sur ses deux jambes, civile et militaire. (Applaudissements depuis les bancs du groupe LaREM jusqu'à la droite)
M. André Gattolin . - Jamais l'Europe n'aura été autant ébranlée dans ses fondations.
Une spirale entropique paraît la menacer. Les nationalismes sont en résurgence. De vieilles antiennes protectionnistes venues d'outre-Atlantique sont entendues quotidiennement.
Le président de la République l'a souligné à Meseberg : c'est un moment de vérité pour l'Europe. Ce qui est perçu aujourd'hui comme urgent ne date pourtant pas d'hier.
Notre monnaie commune a presque vingt ans. En 1999, nous craignions le bug informatique du passage à l'an 2000. Rien n'arriva. Mais 1999 a pu être le début d'un bug européen, dont nous mesurons maintenant les effets : à la mi-octobre, un Conseil européen se tint à Tampere, en Finlande, à quinze portant - je vous le donne en mille - sur l'asile et l'immigration, pour conclure ainsi : « Il faut, pour les domaines distincts, mais étroitement liés, de l'asile et des migrations, élaborer une politique européenne commune ». Selon quelles priorités ?
Eh bien, des partenariats avec les pays d'origine pour lutter contre la pauvreté ; un régime d'asile européen commun ; une politique plus énergique en matière d'immigration pour lutter contre les discriminations ; une gestion plus efficace des flux migratoires. Le Conseil se déclarait « déterminé à combattre à sa source l'immigration clandestine, notamment en s'attaquant à ceux qui se livrent à la traite des êtres humains et à l'exploitation économique des migrants »...
Les priorités de l'époque sont presque exactement les mêmes que celles inscrites à l'ordre du jour du prochain Conseil européen, sauf qu'il faut à présent agir dans l'urgence. Les populismes laissent l'impression d'être assailli de toute part alors que les chiffres sont tout autres. Il aurait été plus aisé d'agir en amont. Quand on ne fédéralise pas, nos politiques sont vouées à l'échec. Une Europe « à plusieurs freins » est bien plus dangereuse pour notre avenir commun que la fameuse « Europe à plusieurs vitesses » qui existe déjà.
Ces géométries variables qui prévalent aujourd'hui ne devraient pas nous étonner. Nous avons laissé trop de coalitions s'installer, qui contraignent au statu quo. Le moteur franco-allemand reste essentiel. On l'a vu dernièrement au sommet de Meseberg.
Le budget de l'Union devra être significativement augmenté pour financer les politiques efficaces en matière de contrôle des frontières extérieures, de défense européenne, d'investissement dans les nouvelles technologies.
Les économies de l'Union européenne ne croissent que de 2 % alors que la population est vieillissante. Le calcul à haute performance est éminemment stratégique. Il est réjouissant d'apprendre que le Conseil européen s'engage pour combler notre retard en la matière. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains ; M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, applaudit.)
M. Pierre Ouzoulias . - Je souhaite en préambule rendre hommage à notre collègue Christine Prunaud qui a éprouvé, par une pénible privation de liberté, l'indignité vouée par le Gouvernement de la Turquie à l'une des membres de notre Haute Assemblée. (Marques d'approbation sur divers bancs)
M. Éric Gold. et M. Jean-Claude Requier. - Très bien !
M. Pierre Ouzoulias. - La Commission européenne considère cet État comme un « pays sûr » ; il ne l'est manifestement pas pour les parlementaires français et encore moins pour les milliers d'intellectuels, d'universitaires, de journalistes, de défenseurs des droits de l'homme emprisonnés, privés de travail, de passeport et de droits sociaux.
Il ne faudrait pas que les accords passés avec le Gouvernement d'Ankara pour qu'il détourne les flux de réfugiés nous conduisent à fermer les yeux sur ces dérives indignes d'un État de droit. D'autant que plusieurs États membres ont récemment bafoué sans vergogne les valeurs humanistes que nous continuons à considérer comme le socle de l'Union européenne.
Preuve en est cette déclaration de l'homme fort hongrois sur George Soros, parce que sa famille est d'origine juive : « Notre adversaire est différent de nous. Non pas simple, direct, clair, honnête, mais dissimulé, rusé, faux, retors, sournois. Il n'est pas national mais international (...). Il n'a pas de patrie parce qu'il a le sentiment que le monde entier est à lui. » Et de continuer dans ce registre qui évoque la pire propagande des périodes les plus sombres de notre histoire commune.
Au Juif, à l'étranger, dans un enchaînement rhétorique typique de l'extrême droite, le vice-premier ministre, ministre de l'éducation de la Pologne, a ajouté les homosexuels, accusés de vouloir attaquer la famille et prendre le pouvoir, relayé, encore plus loin sur ce terrain nauséabond, par le premier ministre italien...
Mme Nathalie Goulet. - Eh oui !
M. Pierre Ouzoulias. - Dans l'infâme catalogue des boucs émissaires classiques de l'extrême droite, il ne manquait plus que les francs-maçons : le Gouvernement italien vient de leur interdire toute fonction ministérielle, nouvelle étape dans la course aux abîmes bafouant la liberté de conscience, près d'un siècle après les crimes de Mussolini.
J'ai espéré qu'une conscience humaniste s'opposât à ces déclarations. Las ! On n'a parlé au dernier sommet européen que de budget.
L'agence des droits fondamentaux de l'Union européenne vient de fêter son dixième anniversaire avec un bilan inquiétant sur le recul des droits fondamentaux depuis les dix dernières années. L'agence a reconnu à plusieurs reprises la violation délibérée des traités européens par certaines législations. Aucune réponse au niveau européen, de sorte qu'en toute impunité, la charte pourtant constitutive du droit de l'Union européenne est devenue subsidiaire dans les faits. Les traités européens sur les droits fondamentaux constituent pourtant l'âme et la base de la construction européenne. Chaque citoyen de l'Union européenne doit pouvoir être certain que ses droits fondamentaux seront respectés quel que soit l'État où il réside. Autrement, l'Union européenne, réduite à un simple marché commun, mourra de ce rabougrissement qui l'a réduit à une société mercantile. Le risque est grand de voir, dans moins d'un an, au Parlement européen issu des élections de mai 2019, une majorité favorable à cette réduction majeure de ses prérogatives et de ses ambitions.
Peut-être est-il déjà trop tard pour faire ressurgir une Europe sociale et humaniste ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR, UC)
M. Philippe Bonnecarrère . - Depuis le début de la séance, je suis frappé par la communauté des propos quelles que soient les orientations politiques. Aucune question, mais l'expression d'inquiétudes face à la situation en Europe, jusqu'aux doutes de M. Ouzoulias sur la possibilité de rétablir l'équilibre.
Notre approche a changé ces derniers temps. Madame la Ministre, nous connaissons votre position et, ce soir, nous souhaitons vous exprimer notre soutien plutôt que de vous interroger.
Nous mesurons les responsabilités qui sont les vôtres, qu'il s'agisse de la défense européenne ou de l'état de droit. Le groupe UC souhaite vous assurer de son soutien. Nous connaissons l'engagement européen du Gouvernement. La semaine dernière, nous avons débattu au Sénat de la réforme franco-française du droit d'asile et de l'immigration. Ce débat a été douloureux et nous a laissé un sentiment de fort malaise.
Au fond, nous avions bien conscience que la solution ne peut-être qu'européenne et pas franco-française.
Espérons que le Conseil européen dégagera une solution, qu'elle soit globale ou de coopération renforcée, ou encore à la majorité qualifiée si les pays de l'Est ne veulent pas nous suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Victoire Jasmin applaudissent également ; applaudissements sur le banc des commissions)
Mme Nathalie Goulet. - Très bien.
M. Claude Raynal . - La cohérence doit être à la base de toute politique. Elle est plus que jamais nécessaire car l'Europe est à l'heure des choix. Au-delà du sauvetage des migrants, le Lifeline pourrait nous permettre de sauver l'honneur de l'Europe, à savoir la solidarité.
Le vrai danger n'est pas la prétendue vague migratoire mais bien les populismes qui fleurissent en Hongrie, en Pologne et en Autriche. En Allemagne, la CSU déstabilise la chancelière. Et que dire du nouveau gouvernement italien ?
La crise migratoire ne se renforce pas, c'est son instrumentalisation qui se renforce. Les effets de la crise migratoire devraient pourtant être moindres avec un ralentissement des flux dû au renforcement de Frontex, à la mise en place de hotspots et de dispositif de relocalisation.
Il ne faut pas accepter de céder aux sirènes du populisme en le laissant décider de l'agenda. Nous devons reprendre la main. La situation sur le terrain reste dramatique. Faisons aboutir une réforme de l'asile européenne.
Tous les pays ne respectent pas les mesures décidées lors du Conseil européen du 23 septembre 2015. L'essentiel du fardeau retombe sur les pays de premier contact tandis que les autres esquivent. La solidarité européenne, c'est Bacchus dans les traités et Harpagon dans les faits.
Il est prévu de porter à 10 000 le nombre de garde-côtes et garde-frontières.
Derrière des effets d'annonce les solutions patinent. Il faut renforcer les négociations avec les pays de transit. Peut-on imaginer d'installer des centres dans ces pays dont beaucoup ne peuvent pas être qualifiés de pays tiers ? Violera-t-on la Convention européenne des droits de l'homme pour faire survivre l'Europe dans une victoire à la Pyrrhus ? Reprendra-t-on la stratégie de « l'axe » pour reprendre une expression maladroite du chancelier autrichien ?
La solidarité européenne doit aussi s'exercer dans le cadre économique et financier. Le groupe socialiste est satisfait que le Gouvernement français ait changé son fusil d'épaule sur la PAC. L'engagement financier sur Frontex risque d'être insuffisant.
Le programme budgétaire reste trop flou et le président de la République fait preuve de clairvoyance en estimant qu'il doit encore recevoir l'accord des dix-sept autres pays membres.
Des bonnes nouvelles existent, preuve que quand l'Europe veut, elle peut : la sortie de la Grèce du programme d'austérité qu'elle subissait depuis 2011 en est un exemple.
Les Européens savent parler d'une voix unique et forte pour protéger leurs intérêts économiques, comme lorsqu'en 2016, ils ont établi la liste des produits américains soumis à des taxes douanières. Ce doit être pareil sur la crise migratoire. (Applaudissements)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains) Comme toujours l'agenda de ce Conseil européen est chargé : migrations, défense, réforme de la zone euro. Des avancées ont été réalisées dans tous ces domaines. L'Europe avance et ce Conseil doit être l'occasion d'afficher la volonté commune d'accélérer.
Des divisions, des blocages, des tentations de repli existent. La question des migrations risque réellement de fragmenter l'Europe : Rome et Vienne ont dernièrement annoncé la création d'un axe anti-migration, après d'autres. Il nous faut apporter des réponses pragmatiques. L'Italie et la Grèce ont été trop longtemps abandonnées à leur sort. Un équilibre reste à trouver entre responsabilité et solidarité.
Il faudra identifier les demandes d'aide infondées, mieux répartir l'accueil des migrants entre les États membres et développer un soutien financier, lutter contre les passeurs.
L'Europe doit dégager des moyens pour garantir la protection de ses frontières. Le projet de cadre financier pluriannuel de mai dernier triple les dépenses relatives à la protection des frontières extérieures.
Il ne faudrait pas que ces nouvelles dépenses se fassent au détriment de la PAC, qui est une politique d'avenir au même titre que les autres, pour préserver notre souveraineté alimentaire et proposer à nos concitoyens une alimentation de qualité.
Nous ne pouvons stabiliser ou augmenter ces politiques communes que grâce à un système de financement propre, robuste et pérenne.
Le couple franco-allemand a proposé de mettre en commun des crédits dans les fonds d'investissement commun. C'est une avancée historique. Cependant comment sera orienté ce budget ? Comment sera-t-il alimenté ? Qui en décidera ? Une telle avancée ne pourra se faire sans les peuples.
L'approfondissement de la zone euro est aussi un défi démocratique. Nous appelons à la nomination d'un ministre de la zone euro responsable devant une formation « zone euro » du Parlement européen, à Strasbourg bien entendu.
Les avancées de l'Europe de la défense sont réelles, tout comme l'Europe spatiale, celle de la culture ou de la jeunesse. Nos débats sur l'asile ou l'agriculture nous ont montré que l'échelle européenne est indispensable. Cette conscience profonde que les grands défis de notre temps ne peuvent être traités efficacement qu'au niveau européen, nous devons la communiquer à nos concitoyens : l'Europe n'est pas lointaine, mais partout autour de nous, elle n'est pas une menace, mais une chance, pas une faiblesse, mais une force pour la France. À la veille des élections européennes, nous devons contribuer à un débat public informé pour retrouver l'esprit des pères fondateurs. (Applaudissements)
M. Claude Kern . - Les sujets des Conseils européens sont très variés, ils sont pour nous l'occasion de suivre l'évolution de l'Union européenne. L'actualité montre à quel point elle est un sujet majeur.
Le Royaume-Uni vient de donner la date du Brexit, le 29 mars 2019. Michel Barnier a annoncé que le plan britannique n'était pas acceptable. Manifestement, le Gouvernement britannique cherche à faire porter la responsabilité de son choix à l'Union européenne. Madame la Ministre, pouvez-vous détailler l'avancée des négociations et nous confirmer la fermeté de la France ? L'incidence du Brexit sera forte sur la zone euro. La présidente du FMI, Christine Lagarde, affirme que les sociétés financières britanniques seront nombreuses à traverser la Manche. Elle estime qu'il est crucial que tout soit prêt en matière de régulation et de supervision pour cette arrivée massive. Le monde économique intègre le Brexit plus vite que le monde politique.
Le pire scénario serait un retour en arrière au milieu du Brexit. On sent un revirement dans les déclarations de Theresa May sur un accord de libre-échange incluant les services financiers essentiels à l'économie du pays. Près de 10 000 emplois pourraient être relocalisés à Francfort, Paris, Dublin ou Amsterdam. Ils se font encore attendre. Il ne peut y avoir de marché unique à la carte ! Je ne peux passer sous silence la déclaration de Mme Merkel contre Strasbourg. Quelle est la réponse du Gouvernement ? (Applaudissements)
M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - N'hésitons pas à le dire : l'Europe est en danger tant les défis sont immenses.
Le président de la République et la chancelière ont réaffirmé à Meseberg leur volonté de relancer l'Europe. Le président de la République en a fait l'une de ses priorités depuis le discours de la Sorbonne, le 26 septembre - mais les résultats, hélas, se font attendre. Le processus politique allemand a fragilisé la chancelière. Les populistes ont gagné en Autriche et en Italie.
Les élections européennes de l'an prochain seront cruciales.
Des instruments sophistiqués ont été mis en place. La Coopération structurée permanente (CSP) est inclusive, avec 25 pays participants - tous les 27 sauf Malte et le Danemark.
On est cependant loin de l'idée d'une avant-garde : quelle est l'identité propre de la CSP et sa contribution à une culture stratégique commune en Europe ?
Comment parvenir à cette culture stratégique commune que la France et l'Allemagne appellent de leurs voeux, malgré leurs différences d'approches ? Le président de la République a suggéré l'ajout d'une couche institutionnelle supplémentaire. N'est-ce pas l'aveu d'un manque d'ambition ? À quoi ressemblerait le Conseil de sécurité de l'Union européenne dont la déclaration de Meseberg prévoit la création ? Quelles prérogatives aura-t-il ? Les avancées sont nombreuses en matière d'Europe de la défense mais l'essentiel reste à faire. Le défi ne sera relevé que par l'aboutissement de projets concrets, comme le système de combat aérien futur (SCAF) et le système majeur de combat terrestre (MGCS). Madame la Ministre, pouvez-vous apporter des précisions ? Venons-en à l'Europe de la sécurité et du contrôle des frontières extérieures. Quelque 80 % des citoyens européens demandent à l'Union européenne d'en faire plus sur la défense des frontières. Des efforts ont été réalisés. Le budget de Frontex croîtra après 2020. C'est une bonne nouvelle.
Mais la réforme du régime d'asile européen commun demeure un point de discorde majeur. La question des migrants menace la pérennité de l'unité de l'Union européenne aussi ses valeurs humanistes. Le président Macron a tancé l'Italie en recommandant l'application du droit international de la mer. Que valent 61 ans de construction européenne face à cette crise majeure que nous traversons - si nous ne pouvons y répondre qu'en invoquant le droit international ?
Le récent sommet franco-allemand a évoqué le modèle de la Déclaration UE-Turquie. Où en est sa mise en oeuvre ?
Nous appelons, enfin, à la plus grande prudence sur l'élargissement européen. Le processus est au point mort pour la Turquie. La présidence bulgare a mis l'accent sur l'élargissement dans les Balkans avec des négociations sur la Serbie et le Monténégro pour une entrée en 2025 : je ne nie pas la dimension historique mais est-ce le bon moment, quand l'Europe doit se recentrer sur ses fondamentaux et quand son budget est en berne, affaibli par le Brexit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - Il s'agit du Conseil le plus ambitieux depuis l'élection du président de la République. Les déclarations de Meseberg restent en deçà des ambitions de la France. Ni le montant ni les ressources d'un budget de la zone euro n'ont été détaillés. En outre, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark ont exprimé un refus de ce budget de stabilisation.
Quant à l'achèvement de l'union bancaire, nous pouvons nous réjouir de l'accord concernant la création d'un filet de sécurité pour le Fonds de résolution unique (FRU), dont la fonction reviendra au Mécanisme européen de stabilité (MES). En particulier, le fait que le secteur bancaire soit dans l'obligation de rembourser les fonds prêtés dans un délai de cinq ans constitue un gage de crédibilité : le principe du « bail-in » est respecté, les deniers publics ne seront pas utilisés pour pallier les pertes d'une banque défaillante. Néanmoins, concernant la mise en oeuvre de la garantie européenne des dépôts bancaires, la feuille de route franco-allemande renvoie discrètement l'examen de ses modalités à une date ultérieure. Étant donné que les débats relatifs au troisième pilier de l'union bancaire ont débuté il y a plus de trois ans, et que le nombre de prêts non performants au sein de la zone euro s'est réduit, l'absence d'un engagement plus ferme traduit un abandon progressif de cette mesure.
Le semestre européen a été marqué par la sortie de la France de la procédure du déficit excessif. Cela ne marque pas la fin des efforts français - surtout que cette situation résulte davantage de bonnes recettes fiscales que d'une baisse des dépenses. Dans un contexte perturbé par le Brexit, plusieurs politiques communes feront l'objet de coupes budgétaires. Il est regrettable que la Commission européenne ait tardé à fournir des données chiffrées après une préparation opaque.
Ensuite, les autorités françaises ne défendraient pas une hausse du budget européen à Bruxelles ni la PAC, contrairement à ce qu'affirme le ministère de l'agriculture - nous le tenons du commissaire Günther Oettinger, que nous avons auditionné.
Nous regrettons que le dossier de la fiscalité n'ait pas évolué depuis le dernier Conseil européen. À Berlin, j'ai pris conscience qu'il serait très difficile de mettre en place une taxe transitoire à 3 % sur les entreprises du secteur numérique. Je ne peux qu'encourager la France à s'investir.
Alors que le dernier Conseil européen avait permis de trouver un accord sur les services financiers dans le Brexit, les négociations sont au point mort. (Applaudissements.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Le contexte est périlleux. On ne peut qu'être frappé par le contraste entre le discours ambitieux du président de la République en Sorbonne le 26 septembre 2017 et des résultats modestes. Peut-être aurait-il fallu une démarche plus pragmatique et concentrée sur les sujets qui font consensus ? Le temps presse. Les élections hongroises et italiennes ont été des piqûres de rappel. Nous ne pouvons rester inertes face à la montée des populismes. Les opinions publiques européennes sont de plus en plus défiantes face à une Europe divisée qui n'est plus protectrice.
La réforme du système européen d'asile est enlisée. On sent un décalage entre la lenteur du processus européen et l'urgence de la situation. Madame la Ministre, qu'espérer du prochain Conseil ? L'Europe ne peut être plus longtemps l'otage des passeurs et des réseaux criminels. Le secours en mer est une exigence internationale mais nous devons réfléchir à la reconduite des bateaux vers leurs ports d'origine. Le Sénat sera à vos côtés pour marquer sa fermeté sur la liste des pays sûrs.
Exigeons la coopération active de tous en matière de réadmission. La déclaration commune de Meseberg intègre des éléments sur le budget de la zone euro mais le dispositif reste à bâtir. Le pilotage exécutif n'est pas évoqué, non plus que le rôle des parlements nationaux.
Quant aux modes de décision, évitons la paralysie de l'Union européenne. La PAC ne peut pas servir de variable d'ajustement du budget européen. La présidence bulgare a mis en avant la stabilité dans les Balkans mais la priorité doit être donnée aux progrès sur l'organisation institutionnelle, l'État de droit mais aussi la situation économique. N'oublions pas la grande réticence de nos opinions publiques face à toute perspective d'élargissement.
Nous soutenons M. Barnier dans sa tâche difficile sur le Brexit. Notre groupe de suivi se rendra à Dublin, Belfast et Londres début juillet. Nombre de nos compatriotes sont victimes de discriminations. C'est poignant. Les agences évaluent le coût du Brexit entre 70 milliards d'euros s'il n'y a pas d'accord et 35 milliards d'euros par an. C'est un suicide économique collectif. La récente annonce d'Airbus de retirer ses investissements au Royaume-Uni dans le cas de l'absence d'accord ou d'un « Brexit dur » en est une nouvelle illustration. L'Union doit défendre ses intérêts et veiller pour l'avenir à garantir l'intégrité du Marché unique qui n'est pas un libre-service. (Applaudissements)
Mme Nathalie Loiseau, ministre . - Vous avez été nombreux à évoquer la question des migrations. Vous êtes revenus sur le cas de l'Aquarius et du Lifeline. La France prend sa part de l'effort. Nous sommes la deuxième destination en Europe pour les personnes relocalisées. Nous participons à l'opération navale Sophia au large de la Libye, à l'opération Thémis.
Les États membres doivent davantage prendre leurs responsabilités. Nous devons choisir la coopération plutôt que le repli. C'est le sens de la réunion qui a eu lieu le 24 juin à Bruxelles qui a rappelé la nécessité d'un débarquement dans le port sûr le plus proche et de passer par les hotspots.
Pour le Lifeline, un débarquement en Italie et à Malte sera accompagné par une prise en charge soutenue.
Quant au règlement de Dublin, renvoyer sa révision à plus tard ne ferait qu'aggraver la situation. La France défend la création d'une agence européenne de l'asile.
L'accord avec la Turquie fonctionne de manière satisfaisante malgré des incidents en mer Égée. Nous devons faciliter le financement de la deuxième tranche de l'accord - financement qui, je le rappelle, va aux ONG et non à l'État turc.
Monsieur Ouzoulias, je partage votre sentiment sur l'évolution de la Turquie. Le Conseil européen ne considère pas la possibilité pour l'instant de faire évoluer le processus d'admission de la Turquie.
Je partage aussi vos vues sur la situation de l'État de droit en Pologne.
Nous devons renforcer nos efforts avec les pays d'origine et de transit et améliorer le partenariat avec la Libye pour lutter contre les trafics.
L'accord de Meseberg est une avancée significative qui contribuera à la stabilité de l'Union européenne. Le budget portera ses efforts sur l'innovation, le capital humain et la stabilité de la zone euro. Il sera alimenté par les États membres et le budget de l'Union européenne. La chancelière a fait preuve d'un vrai courage politique dans un contexte sensible.
Après l'accord sur le paquet bancaire, nous avons avancé sur la mise en place d'un filet de sécurité sur le fonds de résolution unique. Un accord franco-allemand a également été trouvé sur l'assiette commune sur l'impôt sur les sociétés et sur la taxation des acteurs du numérique. Elles devraient déboucher sur des perspectives plus larges. Le bilan sur la garantie européenne des dépôts est plus mitigé.
Madame Mélot, nous devons d'abord nous mettre d'accord sur le budget de la zone euro. Cependant, la France est favorable à la création d'un ministre et d'un Parlement de la zone euro.
En ce qui concerne le Brexit, le temps presse, le flou des Britanniques est inquiétant et nous nous préparons à la possibilité d'une absence d'accord.
Le Royaume-Uni a publié une dizaine de papiers de position, qui proposent tous de continuer à bénéficier du marché unique sans prendre ses responsabilités. Il ne peut y avoir de marché unique à la carte. M. Barnier a estimé que c'était inacceptable et inopérant. Il n'est pas possible que la situation d'un pays tiers soit plus avantageuse que celle d'un État membre.
Le Gouvernement défend la PAC de façon déterminée. Je l'ai dit dès le mois de novembre et je m'étonne que le commissaire Oettinger ait pu vous dire autre chose. Il sait parfaitement que nous n'accepterons pas que la PAC soit remise en cause - et il évoquait probablement le fait que les États demandent à mettre en réserve une partie des fonds.
M. Gattolin a rappelé que la taxation du numérique était un défi majeur. Nous souhaitons la faire aboutir pour construire une Europe de l'équité.
Je me félicite que le président de la République partage ces intentions. Je salue le rapport de Cédric Villani sur l'intelligence artificielle.
Monsieur Allizard, la France mettra l'accent sur la coopération en matière de défense pour proposer de nouveaux projets.
On ne peut pas imposer une culture stratégique commune à des États qui ont une histoire spécifique. Nous travaillons cependant à la création d'un Conseil européen de sécurité. La Chancelière a proposé la création d'une instance spécifique. Nous avancerons dans un premier temps de manière informelle.
Monsieur Kern, je vous rassure. Nous avons été surpris par la déclaration de Mme Merkel sur le Parlement européen. Nous lui redirons notre attachement à Strasbourg et nous défendrons l'importance de ce lieu. La présence du président de la République dans l'hémicycle du Parlement en a encore récemment témoigné. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Les démocrates et les progressistes sont mis au défi de ne pas laisser le destin de l'Europe aux mains de ceux qui parlent fort sans rien construire. (Applaudissements sur tous les bancs)
Débat interactif et spontané
Mme Nathalie Goulet . - La France a adopté le 30 octobre 2017 des mesures législatives pour l'application de la directive PNR dans le droit national. Où en est-on de sa mise en place, et de la possibilité de croiser ces dossiers avec ceux d'Europol et d'Interpol ? Il en va de la sécurité de l'Europe.
M. André Reichardt. - Très bien.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Le fichier PNR est entré en vigueur le 25 mai dernier. En l'occurrence, seuls douze États membres étaient prêts à le mettre en oeuvre. Nous avons renforcé notre coopération avec les États membres qui ne sont pas encore au niveau. Les systèmes d'information, qu'il s'agisse de Schengen ou du fichier Europol, doivent être croisés pour mieux participer à l'action coordonnée de l'Union européenne en matière de défense contre le terrorisme.
M. André Reichardt . - L'une des solutions les plus efficaces pour réduire l'immigration irrégulière réside dans l'action des pays d'origine pour limiter les départs et leur volontarisme dans la délivrance des laissez-passer consulaires pour les déboutés du droit d'asile. Certains pays laissent volontairement se développer l'immigration illégale ; le Maroc qui n'a délivré que 27,5 % des laissez-passer consulaires dans les délais impartis, le Mali 12 %, l'Égypte 17 %, la Tunisie 31 %. La moindre délivrance de visas de court-séjour par 45 pays européens vis-à-vis des pays les moins coopératifs pourrait être une solution. Quelles sont les modifications envisagées par la Commission ? Quelle est la position de la France ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - C'est vrai, le retour des déboutés du droit d'asile est conditionné par les laissez-passer consulaires et donc par le bon vouloir des pays d'origine. Les pays membres de l'Union européenne sont d'accord pour renforcer le dialogue avec les pays d'origine afin de les inciter à un meilleur taux de réadmission. Le dialogue doit être franc mais pas nécessairement public ; je souhaite que le Service européen pour l'action extérieure appuie le travail des États membres dans ce sens. Il est important de disposer des laissez-passer consulaires dans le temps imparti - d'où l'allongement de la durée de rétention administrative dans le projet de loi Asile et immigration.
Ce dialogue passe par une discussion sur le soutien que nous apportons aux pays d'origine, sur les visas mais surtout sur les passeports de service, facilité que nous accordons en nombre à des personnes susceptibles de faire évoluer l'attitude des pays d'origine.
M. Jean-Pierre Decool . - Le projet du cadre financier pluriannuel prévoit une hausse de 5 % des fonds dédiés à l'agriculture. La France s'y oppose. Le président de la République et le Gouvernement ont pris des positions fortes en la matière, bien que tardives. Le 18 juin, la France a fédéré une coalition de vingt États opposés à la réduction de la PAC. Reste à infléchir la position de la Commission.
Comment adapter la PAC aux enjeux de l'agriculture durable ? Comment prendre en compte la diversité des modèles agricoles, assurer la compétitivité de notre agriculture face à nos concurrents sud-américains et australiens ? Comment passer d'une logique défensive à une logique offensive de renouveau et de conquête de marchés ?
La vieille politique agricole commune est une politique d'avenir et non pas un combat d'arrière-garde. Quelle est la vision du Gouvernement sur le rôle de la PAC au XXIe siècle ?
M. Claude Raynal. - En deux minutes ! (Sourires)
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - J'ai redit ce midi au commissaire Oettinger l'importance de préserver les crédits de la PAC. Il s'agit de la première politique commune que nous avons réussie. Elle est essentielle pour préserver notre souveraineté alimentaire et notre capacité de conquête des marchés. On l'a vu avec les avancées que vient d'obtenir le Premier ministre sur les exportations de viande vers la Chine.
Les propositions de la Commission comportent quelques points positifs : un mécanisme de réserve en cas de crise, un accompagnement vers un modèle plus respectueux de l'environnement.
Mais, je l'ai redit aujourd'hui, on ne peut espérer moderniser notre agriculture si l'on diminue les crédits de la PAC.
Mme Pascale Gruny . - La crise migratoire pose deux questions : comment réduire les arrivées irrégulières et comment assurer le retour de ceux qui ne relèvent pas de la protection internationale ? L'Europe doit faire preuve d'humanité mais aussi de fermeté.
Cela passe par l'inscription du concept de conditionnalité. Chaque pays qui refusera de coopérer subira une baisse de l'aide publique au développement ou du nombre de visas accordés. Ce n'est pas un chantage mais l'affirmation d'une responsabilité partagée entre pays d'origine, de transit et d'arrivée.
Nous devons proposer une stratégie gagnant-gagnant, sur le modèle espagnol, conclure des accords de nouvelle génération couplant réadmission et aide financière. Le sommet de La Valette de 2015 a posé un premier jalon. Quelle position défendra la France : le statu quo ou l'audace ?
M. Jean Bizet, président de la commission. - Très bien !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Il est essentiel de renforcer notre coopération avec les pays d'origine des migrations économiques. Le fonds fiduciaire d'urgence a été abondé de 3 milliards d'euros, nous voulons aller au-delà. Nous souhaitons augmenter notre aide au développement bilatérale. Nous devons aider les pays d'origine à créer des opportunités pour ces gens jeunes et courageux, souvent formés.
Nous voulons aussi associer les pays d'origine à la lutte contre les réseaux de passeurs qui pratiquent le trafic d'êtres humains mais aussi de stupéfiants et d'armes et affaiblissent les États souverains.
Nous renforcerons nos efforts pour intéresser les pays d'origine à une augmentation de l'aide qui permette de fixer leur population sur place. Il n'est pas normal que beaucoup de pays d'Afrique connaissent la croissance sans connaître le développement.
Mme Christine Prunaud . - Madame la Ministre, la situation en Libye est toujours catastrophique pour les migrants. Les auteurs des agissements sont identifiés mais l'État libyen est disloqué. Ces milices armées pratiquent la détention, le travail forcé, le racket et font subir aux migrants de mauvais traitements allant jusqu'à la mort. Leur impunité est quasi totale.
L'opération Sophia ne produit que de faibles résultats. Notre pays est trop silencieux. Le silence de l'Union européenne est encore plus ahurissant. Bruxelles a seulement demandé l'amélioration des conditions de détention des migrants.
Quels sont les partenaires de la coopération en cours entre l'Union européenne et la Libye ? Quels sont les engagements de notre pays en faveur des réfugiés ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Nous avons tous des images terribles en tête. Il faut d'abord stabiliser la Libye si l'on veut y faire respecter les droits de l'homme. Le président de la République a plusieurs fois invité les parties à Paris pour rechercher un règlement politique. Nous travaillons avec le HCR qui intervient en Libye pour gérer le rassemblement des migrants et leur permettre de ressortir via le Niger. Nous avons aussi réinstallé des demandeurs d'asile directement en France.
Nous luttons contre les réseaux de trafiquants au Sahel. À l'initiative de la France, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution désignant nommément des passeurs pour des sanctions individuelles.
M. Jean-Yves Leconte . - Le Brexit montre par l'absurde que quitter l'Union européenne est un jeu perdant-perdant, alors que l'Union européenne est plus fragile que jamais. Qu'avons-nous raté depuis l'espoir de réunification du continent en 1989 ? Seuls les vieux pays européens avaient une pratique du Traité de Rome. Les nouveaux entrants avaient d'autres attentes. Nous ne nous sommes pas compris... Pendant quelques années, on a fait comme si. Aujourd'hui, l'Union européenne est fragilisée mais la rupture n'est pas inévitable, car les États membres restent attachés aux valeurs européennes. Mais nous ne progresserons que dans le dialogue.
La magie nous a quittés avant les élargissements de 2004 et 2006.
Je tire la sonnette d'alarme quant aux autres pays qui sont dans le processus de négociation comme la Macédoine du Nord. Il n'est pas possible d'arrêter ce processus ou de faire de la négociation un état dont on ne sortirait jamais.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Yves Leconte. - Nous savons combien les Balkans sont essentiels à la stabilité européenne.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Ne reproduisons pas les erreurs des élargissements passés. À l'époque, nous avions commencé par les chapitres les plus faciles et n'avions pas regardé d'assez près la situation de l'État de droit, confiants que nous étions en de grands leaders désormais disparus. Les interlocuteurs ont changé, mais la législation date souvent encore d'avant l'adhésion...
Nous accompagnons les pays candidats des Balkans avec une vraie exigence en matière d'État de droit, de la lutte contre la corruption et la criminalité organisée. La perspective d'adhésion les a fait progresser - j'en veux pour preuve l'accord entre la Macédoine et la Grèce.
Mais n'allons pas trop vite en besogne, nous ne rendrions pas service aux démocrates de ces pays. Ayons conscience que nos destins sont liés mais ne fermons pas les yeux sur ce qui fait encore défaut. La candidature à l'Union européenne est une exigence qu'il ne faut pas brader.
M. Jean Bizet, président de la commission. - Très juste.
Mme Catherine Morin-Desailly . - L'Union européenne a infligé une amende historique de plus de 2 milliards d'euros à Google il y a un an pour abus de position dominante. Depuis, il ne s'est rien passé. On ne peut laisser nos entreprises désarmées, sachant qu'il a fallu sept ans pour aboutir à la décision du 27 juin 2017.
Les géants du Net se jouent des divergences d'interprétation des États membres et profitent de leur complaisance. Or les distorsions de concurrence sont des menaces pour nos propres entreprises. Le Sénat a adopté une proposition de résolution européenne sur ce sujet.
À la veille du dernier Conseil européen, j'ai alerté le président de la République et la chancelière sur la nécessité d'inscrire ce sujet à l'ordre du jour. Réactif, le gouvernement allemand a créé une commission d'experts sur le droit de la concurrence 4.0 auquel j'ai été conviée. Mais je m'étonne de l'absence de réponse côté français. Les travaux parlementaires sont pourtant une aide à l'action gouvernementale !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - L'Union européenne doit être davantage présente pour réguler le numérique, comme elle l'a fait avec le RGPD ou en sanctionnant Google et Amazon. Plus largement, elle doit mieux réguler les rapports entre plateformes et entreprises et mettre en place un arsenal juridique car les grandes plateformes exploitent nos défaillances.
M. Mounir Mahjoubi prépare les États généraux du numérique. Je vous invite à m'envoyer votre courrier. Je m'engage à y répondre et à vous associer à la réflexion.
M. René Danesi . - Le Conseil européen cherchera à sauver le soldat Merkel. En 2015, elle ouvrait les portes à l'immigration de masse sans demander l'avis de ses voisins, sous les applaudissements de la Commission.
Les pays d'Europe centrale et orientale poursuivent un combat multiséculaire pour affirmer leur identité. Ni la Pologne, ni la Tchéquie, ni la Slovaquie, ni la Hongrie n'ont colonisé l'Afrique ou l'Asie ; elles n'ont aucune raison de partager la mauvaise conscience des pays de l'Europe de l'Ouest à l'égard des migrants.
Or la Commission prétend les sanctionner en diminuant leurs subventions au motif qu'ils ne respecteraient pas l'État de droit, ce qui ne permettrait pas une saine gestion des fonds publics européens. Curieux, quand l'Europe a fermé les yeux sur la corruption, le népotisme et l'évasion fiscale qui ont ruiné la Grèce !
Pendant ce temps, la Chine tisse ses nouvelles routes de la soie. Le Premier ministre chinois a annoncé à Budapest des crédits vers les pays d'Europe orientale. Il n'y a pas encore de quoi charpenter un cheval de Troie, mais on s'en approchera si l'Union européenne refuse d'accepter la diversité historique des peuples qui la composent... Cette intransigeance déroule les routes de la soie dans l'Europe orientale !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - L'Union européenne est une union de valeur, pas uniquement un marché unique ou un carnet de chèques. Y adhérer, c'est croire à la démocratie, à l'État de droit, à la séparation des pouvoirs. Certains nouveaux entrants sont aujourd'hui trahis par leurs dirigeants, qui vont jusqu'à détourner les fonds européens. Ces fonds, c'est notre argent, celui des contribuables français - la France est le deuxième contributeur net de l'Union. Nous leur devons de contrôler leur saine gestion.
Il n'y a pas de raison d'accepter la corruption ou le manque d'indépendance de la justice dans certains pays au prétexte qu'ils ont un passé tourmenté. Soyons exigeants sur ces fonds versés par dizaines de milliards d'euros dans cette partie de l'Europe au risque, sinon, de nourrir l'euroscepticisme.
M. Claude Raynal . - Lorsque j'entends un diplomate parler de cadre financier pluriannuel, j'ai du mal à comprendre.
D'un côté, les ressources diminuent avec le Brexit, de l'autre, les demandes de crédit augmentent pour financer des priorités aussi diverses que la sécurité, la recherche, le numérique. Je vois aussi des demandes de stabilité sur la PAC, que je partage.
Quelle est la position française, exactement ? Sommes-nous prêts à lâcher sur la politique de cohésion ? À remettre au pot ? « Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup »...
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Je vous enverrai la note adressée par les autorités françaises aux institutions européennes. Le commissaire Oettinger n'avait pas l'air de trouver mon discours flou. Nous sommes prêts à une expansion du budget, compte tenu des priorités, mais estimons que la proposition de la Commission manque d'ambition.
Commençons par supprimer tous les rabais : nous sommes le premier contributeur aux rabais des autres ! Explorons avec plus d'ambition de nouvelles ressources propres : la taxe sur le plastique, par exemple, l'instauration d'une taxe sur le numérique qui rapporterait 5 milliards d'euros par an, soit la moitié de la perte due au Brexit, ou une taxe financière européenne.
M. Marc Laménie . - Ce débat est l'occasion d'apprendre beaucoup. Notre pays participe annuellement à hauteur de 20 milliards d'euros au budget européen - la solidarité européenne est importante.
Les services de l'État, les grandes régions peuvent aider les demandeurs d'aide européenne à remplir des dossiers particulièrement complexes pour les agriculteurs, les entreprises ou encore les collectivités territoriales. Y a-t-il des mesures d'assouplissement pour que les collectivités rurales trouvent des interlocuteurs et voient leurs contraintes allégées ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - On me pose souvent la question de l'accès aux fonds européens lors des consultations citoyennes sur l'Europe. Ceux-ci sont sous la responsabilité des régions que nous encourageons à être accompagnatrices de projet. Pour cela, il faut des équipes qui connaissent les financements européens et soient capables d'apporter un conseil.
Nous effectuons un travail d'harmonisation des conditions de versement et demandons à la Commission de simplifier les procédures au maximum - sans pour autant négliger le contrôle. L'objectif de lutte contre la fraude a trop souvent conduit à décourager les porteurs de projets de solliciter une aide. C'est moins le cas avec le plan Juncker, une vraie réussite qui a bénéficié à 100 000 de nos PME. Il s'agissait d'un instrument simple à utiliser. Preuve qu'il n'y a pas de fatalité.
M. Patrice Joly . - Pour équilibrer le budget européen, entre Brexit et charges nouvelles, les arbitrages semblent porter sur les crédits dédiés aux territoires les plus ruraux : moins 5 % sur la PAC, moins 12 % en euros constants. L'élargissement des territoires éligibles à la politique de cohésion va pénaliser les plus fragiles, qui ont un besoin particulier d'ingénierie et de financements. Est-il encore possible de revoir les arbitrages au profit des territoires ruraux ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Nous avons dit à la Commission que sa proposition sur la PAC était inacceptable. Nous sommes au début d'une négociation que la Commission voudrait voir achevée avant les élections européennes. Mon homologue polonais a déclaré qu'il était paradoxal de prétendre aller vite avec un projet de budget aussi mauvais. Nous pensons la même chose, même si nous le disons moins brutalement ! Pour le moment, le compromis n'est pas possible ; vingt États disent non.
Il est essentiel de maintenir les aides du premier et du deuxième pilier. Nous sommes également attentifs au sort fait aux régions ultrapériphériques.
Sur le reste du budget, des retours intéressants sont possibles. Signalons que nous avons proposé de cibler les fonds européens sur les collectivités territoriales qui accueillent des migrants, idée reprise par la Commission.
Mme Victoire Jasmin . - La baisse de la PAC aura des conséquences désastreuses pour l'outre-mer. Le Posei (programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) accompagne les producteurs des filières agricoles des régions ultrapériphériques. Une réduction de ses crédits entraînerait automatiquement une baisse de la production locale. La menace d'une baisse de 5 % inquiète tout particulièrement, à rebours des assurances de M. Juncker en Guyane en octobre 2017.
Il appartient au Gouvernement français de soutenir l'agriculture ultramarine. La balle est dans votre camp. Quelque 180 représentants socioprofessionnels se sont rendus à Bruxelles, le commissaire les a assurés que le Posei serait préservé s'il était soutenu par le Parlement européen et les trois pays concernés, Espagne, Portugal et France.
Pouvez-vous nous assurer de votre volonté de sanctuariser le budget consacré à l'agriculture outre-mer jusqu'en 2025 ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - L'agriculture outre-mer représente 35 000 emplois et 1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Nous sommes très attentifs au maintien du Posei. M. Travert et Mme Girardin ont déjà défendu la nécessité de stabiliser ses crédits pour la viabilité de l'agriculture ultramarine. Nous serons aussi attentifs au versement du Feader dans les RUP.
Nous sommes pleinement mobilisés. Le président de la République réunira les acteurs autour du Livre bleu de l'outre-mer jeudi prochain. Je le redis, nous n'accepterons pas le projet de la Commission sur la PAC.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Merci, Madame la Ministre, de vous être prêtée à cet exercice à votre retour du Conseil des affaires générales.
L'accord de Meseberg a permis des avancées notoires : majorité qualifiée notamment dans le domaine de la défense, accord sur l'impôt sur les sociétés, création d'un centre d'études franco-allemand sur l'intelligence artificielle - autant de sujets occultés par le dossier migratoire.
Le règlement Procédures qui définit les pays tiers sûrs implique de plus en plus les pays du Maghreb. Je suis surpris de l'avis négatif de la CEDH qui met en cause la constitutionnalité de sa mise en oeuvre. La France devra être ferme car ce règlement nous offrait une solution sur les problématiques d'asile.
Je crains que nous n'en soyons qu'au début des crises migratoires ; la population de l'Afrique, qui était de 250 millions d'habitants il y a soixante ans est aujourd'hui de 1,250 milliard et doublera d'ici 2050. Revenons à l'esprit de La Valette. Dans le prochain plan de financement pluriannuel, 44 milliards d'euros seront consacrés à cette politique.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 27 juin 2018, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit quarante.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus