SÉANCE

du vendredi 22 juin 2018

100e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Immigration, droit d'asile et intégration (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

Rappels au Règlement

Mme Marie-Pierre de la Gontrie .  - Ce rappel est fondé sur les articles 16 et 24 du Règlement. Nous avons vécu hier, pour ceux qui étaient présents, une séance complexe... Elle a été écourtée à cause de la sous-représentation du groupe majoritaire, qui a multiplié les demandes de scrutin public. Le débat ne s'est pas déroulé dans de bonnes conditions, ce qui est regrettable au regard de l'importance du sujet.

Nous rencontrerons manifestement les mêmes difficultés ce matin. Dès lors, Monsieur le Président, ne serait-il pas opportun de renvoyer le texte en commission ? (M. Roger Karoutchi ironise.) L'absence de la majorité sénatoriale...

Mme Catherine Di Folco.  - Il ne faut pas exagérer !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - ... semble traduire sa difficulté à soutenir un texte qu'elle a pourtant élaboré en commission des lois. Et ce problème, interne à la majorité sénatoriale, est devenu un problème pour le Sénat tout entier.

M. Philippe Pemezec.  - C'est vous le problème !

M. Roger Karoutchi .  - Le Sénat, hier soir,...

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Sur quels articles du Règlement se fonde votre rappel ?

M. Roger Karoutchi.  - Les mêmes que vous... Je disais, donc, qu'hier soir, nous n'avons pas donné un spectacle digne du Sénat. Nous avons entendu des comparaisons avec les drames des années trente, des horreurs sur ceci et encore cela...

Madame de la Gontrie, je suis le premier à reconnaître, moi qui étais présent hier soir, que la séance d'hier soir était absolument extravagante. La majorité sénatoriale était peu nombreuse ; je le regrette infiniment et nous devrons régler ce problème en interne. Cela peut arriver à tous les groupes, à tout moment et sur n'importe quel texte. Cela étant, nous avons la majorité dans toutes les commissions. Les textes qui en sortent sont les nôtres et nous les soutenons. Vous nous reprochez de ne pas être nombreux ce matin mais vous ne l'êtes pas non plus.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Vous êtes la majorité !

M. Roger Karoutchi.  - Poursuivons le débat dignement en évitant les comparaisons plus ou moins oiseuses.

Mme Éliane Assassi .  - Mon rappel au Règlement est fondé sur les mêmes articles que Mme de la Gontrie. Ce qui a retardé les débats hier, ce ne sont pas les désaccords que nous exprimons dans l'hémicycle mais la multiplication des scrutins publics.

M. Roger Karoutchi.  - Les deux !

Mme Éliane Assassi.  - C'est aussi, et M. Karoutchi le sait pour siéger comme moi depuis quelques années dans cet hémicycle, un problème d'ordre du jour.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Absolument !

Mme Éliane Assassi.  - Le Gouvernement a prévu trois jours pour un texte aussi important que celui-là ; autrefois, c'étaient deux semaines. C'est donc un problème politique dont nous verrons toutes les conséquences lorsque nous examinerons les textes qui portent la révision constitutionnelle.

L'absence de certains peut s'expliquer par le fait que des sujets tels que le droit d'asile et l'immigration peuvent susciter des divergences au sein des groupes. Notre groupe, lui, est homogène : il refuse ce texte.

La majorité sénatoriale a une part de responsabilité dans cette affaire ; le Gouvernement, une autre. Mieux vaut que nous levions la séance ce soir à 20 heures ou 20 h 30 pour reprendre sereinement les débats lundi.

M. le président.  - Madame de la Gontrie, l'article 44, alinéa 5, du Règlement dispose que le renvoi en commission doit avoir lieu avant l'examen des articles. Vous pouvez demander le renvoi des articles qui restent en discussion ; en ce cas, il faut déposer une motion, qui sera examinée par la commission dans la journée. N'en étant pas saisi, je poursuis la séance. Nous travaillerons probablement, comme l'a suggéré Mme Assassi, jusqu'au début de la soirée et reprendrons lundi pour éviter les dérapages qui se produisent lorsqu'on travaille nuit après nuit.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 10 TER

M. le président.  - Amendement n°449, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.

Supprimer cet article.

M. Antoine Karam.  - La commission a considéré qu'il fallait tirer les conséquences du rétablissement du contrôle aux frontières intérieures en autorisant l'enregistrement dans Agdref des empreintes digitales des étrangers auxquels un refus d'entrée est notifié. Cela paraît difficilement justifiable quand l'étranger à qui l'on refuse l'entrée se situe hors du territoire national et qu'un enregistrement est possible dans une application de police, spécifique aux zones d'attente, dédiée à la gestion des étrangers non admis.

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - La commission des lois a souhaité sécuriser les prises d'empreinte lors des contrôles aux frontières terrestres de la France. Plusieurs parquets ont fait valoir auprès de votre serviteur qu'il serait particulièrement utile aux forces de police de mieux contrôler les personnes à qui l'on refuse l'entrée du territoire. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.  - Notre discussion porte sur les procédures de non-admission. Cela étant précisé, l'article 10 ter ne semble pas utile car les étrangers placés en zone d'attente sont réputés non entrés. À ce titre, ils ne relèvent pas d'Adgref. Avis favorable.

L'amendement n°449 n'est pas adopté.

L'article 10 ter est adopté.

ARTICLE 10 QUATER

M. le président.  - Amendement n°257 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Yves Leconte.  - La commission a porté le délai à l'issue duquel un étranger peut solliciter le regroupement familial de dix-huit à vingt-quatre mois. Cela compromet les conditions d'une bonne intégration.

M. le président.  - Amendement identique n°422, présenté par le Gouvernement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le demandeur doit pouvoir être admis à déposer sa demande dès qu'il peut se prévaloir de dix-huit mois de séjour régulier, pour qu'il puisse être rejoint au plus tard après deux ans de séjour régulier, comme l'exige la directive du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial. Cet article est manifestement contraire au droit communautaire. De plus, son efficacité serait relative au vu de son objectif qui est de limiter la voie de l'immigration par regroupement familial. En 2017, le regroupement familial a représenté 15 000 titres sur 242 000 délivrés.

M. le président.  - Amendement identique n°450 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.

M. Antoine Karam.  - Cet article est contraire à l'article 8 de la directive de 2003.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - À l'initiative de Bruno Retailleau, la commission des lois a introduit cet article pour éviter une surtransposition. L'article 8 de la directive de 2003 dispose très précisément que « Les États membres peuvent exiger que le regroupant ait séjourné légalement sur leur territoire pendant une période qui ne peut pas dépasser deux ans, avant de se faire rejoindre par les membres de sa famille ». La condition de séjour de deux ans était applicable entre 1993 et 1998, le Conseil constitutionnel l'avait déclarée conforme à la Constitution dans sa décision du 13 août 1993. Le 27 juin 2006, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé que cette condition de séjour de deux ans « maintient au profit des États membres une marge d'appréciation limitée en leur permettant de s'assurer que le regroupement familial aura lieu dans de bonnes conditions, ». Par conséquent, avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos257 rectifié bis, 422 et 450 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°164 :

Nombre de votants 332
Nombre de suffrages exprimés 330
Pour l'adoption 134
Contre 196

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°492 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°158 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 411-1.  -  Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France peut demander, au titre du regroupement familial, à bénéficier du droit à être réuni à son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. Sauf circonstances exceptionnelles, le regroupement familial s'effectue dans le pays d'origine de l'intéressé. »

M. Sébastien Meurant.  - Il existe un droit naturel des hommes à vivre en famille mais ce droit ne constitue pas un devoir pour la France et les Français d'accueillir l'ensemble de la famille des personnes qui souhaitent travailler en France. Le regroupement familial doit avoir lieu dans le pays d'origine.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable, naturellement. (M. Jean-Yves Leconte applaudit.)

M. Sébastien Meurant.  - C'est une question importante, au même titre que celle du droit au retour pour les personnes déboutées qui n'ont pas d'avenir légal en France.

M. Pierre Ouzoulias.  - Comme M. Karoutchi nous y a invités, revenons à un peu de rationalité. Monsieur Meurant, vous distinguez, dans l'objet de votre amendement, immigration de travail et immigration de peuplement. Il y a 1,8 million de Français à l'étranger, représentés par des membres de notre assemblée. Est-ce, à votre avis, une immigration de travail ou de peuplement ? (Applaudissements à gauche)

M. Guillaume Arnell.  - Très bien !

M. Rachid Temal.  - La majorité sénatoriale a indiqué vouloir un texte d'humanité. Et l'on nous propose hier de supprimer le droit du sol, aujourd'hui de revenir sur le regroupement familial. Jusqu'où cela ira-t-il ? Où est la part d'humanité ?

M. Richard Yung.  - Cet amendement, particulièrement cynique, revient à dire qu'un Burbinabé qui vit en France avec un titre de séjour valable et, on peut le présumer, a un emploi et un logement, peut demander le regroupement familial... à Ouagadougou ! C'est pervers ! (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)

M. Jean-Yves Leconte.  - Il est incroyable qu'on nous propose de pareils amendements dans une assemblée républicaine. C'est à se demander, Monsieur Meurant, si vous comprenez bien la portée de vos propositions.

Mme Esther Benbassa.  - Oh oui !

L'amendement n°158 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°159 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy.

Remplacer les mots :

vingt-quatre mois

par les mots :

cinq ans

M. Sébastien Meurant.  - Il s'agit toujours d'immigration familiale.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La directive est claire : la condition de séjour est de deux ans. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Yves Leconte.  - L'immigration familiale, c'est, pour plus de la moitié, des familles binationales. J'imagine que cela vous échappe, Monsieur Meurant... L'humanité est une !

M. Rachid Temal.  - Cet amendement touche à un droit fondamental, celui de vivre en famille. M. Meurant le dénie aux Français qui vivent à l'étranger et veulent revenir. Ressaisissons-nous !

M. Sébastien Meurant.  - Si on pouvait se passer de leçons de moral, ce serait préférable... Les Français partent à l'étranger pour y trouver des opportunités de travail. Aux États-Unis, en Australie, les règles sont beaucoup plus strictes ; l'immigration est mieux contrôlée. Nous, nous sommes dans la soumission aux flux migratoires et ce sujet fait exploser l'Europe. Nous sommes en France, nous avons le devoir de défendre la France et les familles françaises !

M. Xavier Iacovelli.  - Construisons un mur !

M. Sébastien Meurant.  - L'immigration familiale est devenue un moyen de contourner les règles liées à la dignité humaine.

L'amendement n°159 rectifié n'est pas adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 10 quater est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°165 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 330
Pour l'adoption 195
Contre 135

Le Sénat a adopté.

ARTICLE 11 A

M. le président.  - Amendement n°258 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet article, introduit par la commission, enjoint le Gouvernement de lier délivrance de visas et laissez-passer consulaires. Hier, le ministre, parlant de la situation en Afrique, nous a donnés toutes les bonnes raisons de le supprimer. Évidemment, il faut travailler à la délivrance des laissez-passer consulaires mais cela est du ressort de la diplomatie. Pour réduire l'immigration irrégulière, il faut casser le mythe de la réussite systématique en Europe et faciliter les mobilités légales. Cet article dangereux encouragera les flux clandestins. Faut-il lier l'ensemble de notre relation avec le Mali avec la question migratoire ? Ce serait irresponsable. L'égalité entre citoyens du monde exige de supprimer cet article.

M. le président.  - Amendement identique n°453, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche.

M. Alain Richard.  - Mon amendement est identique à celui de M. Leconte mais pour des raisons opposées. Une politique de contrôle des flux migratoires est vitale pour la France et pour l'Europe. Il faut utiliser tous les moyens de souveraineté à notre disposition pour peser sur les pays d'origine des flux migratoires, particulièrement ceux avec lesquels nous avons des liens de proximité et de solidarité. Pour des raisons sociales, nombre d'entre eux ne se montrent pas coopératifs. Cela est contraire aux intérêts de la France. Ce qui nous conduit à demander la suppression de cet article est le principe de la séparation des pouvoirs ; cet amendement a le caractère d'une injonction au Gouvernement.

Cette politique est nécessaire, le Gouvernement la mène, elle ne peut cependant pas être déterminée par un article faussement législatif.

M. le président.  - Amendement identique n°529 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.

M. Guillaume Arnell.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. L'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière passe par l'obtention de laissez-passer consulaires auprès des pays sources ; certains, nous avons la liste, en délivrent très peu. Cet article réaffirme un principe, il ne constitue en aucun cas une injonction au Gouvernement puisqu'il s'agit d'une possibilité. Il est conforme aux conventions internationales - au demeurant, l'Europe travaille sur un dispositif analogue pour les visas de court séjour.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.  - Soyons précis : avec cet article, on pourra refuser un visa de long séjour au ressortissant d'un pays qui ne se montre pas coopératif sur les laissez-passer consulaires dont on sait l'importance. Le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce sujet ; il l'a montré, une nouvelle fois, lors de la dernière rencontre européenne des ministres de l'Intérieur au Luxembourg. Cette question essentielle ne peut être réglée par ce qui constituerait une sorte de marchandage autour de cas individuels. Elle passe, je l'ai dit, par l'action diplomatique conduite par le président de la République, le Gouvernement et notre ambassadeur pour l'immigration. L'Intérieur a mis en place une task force pour venir en aide aux préfets en difficulté. Cette action porte ses fruits : le nombre d'éloignements a augmenté de 14 % en 2017 par rapport à 2016, de 14 % encore durant les quatre premiers mois de 2018 par rapport à la même période en 2017. Avis favorable.

M. Richard Yung.  - Avec cet article, un bon élève qui voudrait étudier en France risquerait de se trouver dans le quota des refusés. Ce ne serait pas une politique très intelligente. D'autant que ses résultats seraient certainement les mêmes que ceux que nous avons obtenus en signant des accords liant coopération et laissez-passer consulaires. Ils n'ont rien donné avec le Sénégal et le Mali, pour des raisons de politique interne à ces pays.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article, qui revient à faire payer aux étrangers les dysfonctionnements de notre administration, est contraire à l'article premier de notre Constitution.

M. Sébastien Meurant.  - L'éloignement est une question centrale pour la crédibilité de notre politique. Nous avons constaté, lors de notre visite au centre de rétention administrative de Mesnil-Amelot, qu'il y avait très peu d'éloignements forcés. La raison est que l'on utilise, pour les expulsions, des avions commerciaux, et non des avions militaires. Un clandestin dans un avion fait du bruit, les compagnies aériennes n'aiment pas ça. Tous les moyens doivent être utilisés pour maîtriser nos flux. Moi, j'applaudis cet article des deux mains.

M. Roger Karoutchi.  - Revenons à l'essentiel. On s'y perd...

Mme Éliane Assassi.  - Vous êtes perdus !

M. Roger Karoutchi.  - Nos débats récents nous ont discrédités ! Madame la Ministre, le Royaume du Maroc n'accepte pas facilement les renvois, mais il nous aide beaucoup dans la lutte contre le terrorisme... On ne peut donc exiger certains comportements de nos partenaires, tout en leur demandant des résultats sur d'autres dossiers qui comptent dans nos priorités. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas se contenter de moins de 10 % de reconduites à la frontière. Que les règles soient respectées facilite l'intégration. Encourageons les efforts des États d'origine, trouvons un bon équilibre dans le cadre d'accords globaux.

M. Jean-Yves Leconte.  - J'ai confondu cet article avec une proposition de la Commission européenne... Cela ne change rien au fond à mon argumentation. La conditionnalité des visas n'est pas une bonne idée, qu'elle soit introduite au niveau national ou européen.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous parlons d'accords bilatéraux. Cela suppose des discussions diplomatiques sur tous les sujets. La France a signé 49 accords bilatéraux, le dernier en 2009. L'Union européenne en a signé 17, le dernier en 2013. Il n'y en a pas eu depuis, ils ne prennent donc pas en compte la situation que nous connaissons depuis. Nous voulons discuter avec ces pays, non pas imposer une mesure.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Aucun étranger n'a droit à un visa. Leur délivrance est une prérogative souveraine de la République.

La position de la commission des lois est respectueuse des prérogatives diplomatiques du Gouvernement français et ne lui fait aucune injonction. Le texte prévoit simplement que la France peut, dans certains cas, refuser un visa aux ressortissants de pays faisant preuve de mauvaise volonté à délivrer des documents consulaires qui nous servent à établir les identités. Ce n'est pas frustratoire des droits des étrangers, ni réducteur des pouvoirs du Gouvernement.

Je ne comprends pas l'antagonisme sur ce sujet. Cet article ajoute au contraire le soutien du Parlement au Gouvernement dans les négociations diplomatiques !

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos258 rectifié bis, 453 et 529 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°166 :

Nombre de votants 332
Nombre de suffrages exprimés 330
Pour l'adoption 134
Contre 196

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 11 A est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°167 :

Nombre de votants 332
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 196
Contre 135

Le Sénat a adopté.

L'amendement n°52 rectifié bis est retiré.

ARTICLE 11

Mme Esther Benbassa .  - Cet article comporte deux mesures très problématiques : l'étranger qui a déposé une demande d'asile et souhaite déposer une demande de titre de séjour doit le faire simultanément ; en cas de rejet des deux demandes, l'éloignement du territoire est systématique. Les associations LGBT craignent des dérives liées à cet article : une personne homosexuelle séropositive qui n'aurait pas fait état de sa situation risque d'être éloignée alors qu'elle a droit à la protection au titre sanitaire.

Cet article renforce la précarité de populations déjà fragiles, nous le supprimons.

M. Philippe Pemezec .  - Je suis nos débats avec attention. Je n'excuse pas l'absence de mes collègues mais suis tenté de l'expliquer par la teneur de bien des propos - des enfantillages, plutôt que des propos responsables.

Nos débats ne sont pas à la hauteur des enjeux. Nous corrigeons ici une virgule, là un délai - autant tondre un terrain de football avec des ciseaux...

Le défi est pourtant immense : 100 000 migrants chaque année traversent la Méditerranée, 3,5 millions de réfugiés en Turquie, qui y restent par la vertu d'un accord de dupes pouvant être remis en cause à tout instant, 20 à 25 millions de migrants potentiels en Afrique...

C'est le tonneau des Danaïdes. Peut-on continuer ainsi nos petits débats, alors que le problème s'accroît devant nos yeux ? La réponse devrait être européenne, mais l'Europe est aux abonnés absents. Veut-on qu'il arrive chez nous, ce qui se produit en Allemagne, en Pologne, en Autriche, en Italie ?

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Philippe Pemezec.  - L'Europe devrait se focaliser sur ce sujet, il en va de la société que nous laisserons à nos enfants !

M. le président.  - J'invite chacun à ne pas abuser de son temps de parole.

M. Bernard Jomier .  - Vous revenez à la discussion générale... Les conventions internationales sur le droit d'asile ont été conclues à une époque où la situation était très différente.

Depuis, les inégalités se sont creusées, les mobilités se sont accrues, il est plus simple de voyager. Les réfugiés climatiques créent de nouveaux flux.

Cette loi n'est pas adaptée. Elle ne résoudra rien et en plus elle restreint les droits...

Les mouvements migratoires se développent sur toute la planète. Les pays qui ont une bonne qualité de vie attirent de plus en plus les déshérités.

On ne stoppera pas ces flux en élevant les barrières qui, de surcroît, sont indignes - et c'est pourquoi nous faisons notre possible pour nous y opposer.

M. Jean-Yves Leconte .  - L'immigration n'est pas un problème mais un défi - et elle peut-être une chance pour la France. Il est étonnant que certains collègues qui prônent la liberté du travail et soutiennent que l'emploi ne se divise pas, veuillent construire des barrières pour empêcher de venir des gens qui veulent travailler.

Notre groupe continuera à faire son travail, à défendre ses amendements, à exprimer ses inquiétudes et ce, jusqu'au bout de ce texte.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie .  - M. Pémezec a enfin dit les choses : ses collègues sont absents car le texte ne les satisfait pas, alors même qu'il a été établi, en commission, par leur propre groupe. La majorité du groupe Les Républicains manifestant, par son absence, une forme de désapprobation envers ce texte, comment fait-on ? Êtes-vous bien sûr, Monsieur Karoutchi, de voter en leur nom dans les scrutins publics ?

M. Roger Karoutchi.  - Occupez-vous de votre groupe et laissez-nous nous occuper du nôtre !

Mme Catherine Troendlé.  - C'est le b.a.-ba du fonctionnement du Sénat !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Votre réaction me montre que j'ai touché un point sensible. Il serait plus judicieux de retourner en commission.

Mme Catherine Troendlé .  - De grâce, pas de leçons. Vous étiez dans la même situation quand la gauche était au pouvoir ! Vous aussi, il vous est arrivé de multiplier les scrutins publics. Notre groupe est organisé. Nous savons évidemment pour qui et pour quoi nous votons...

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Ce n'est pas ce que dit M. Pemezec !

Mme Catherine Troendlé.  - Vous le comprendrez dans quelques années quand vous aurez plus d'expérience sur le fonctionnement du Sénat.

M. Xavier Iacovelli.  - Qu'est-ce que c'est que ce mépris pour vos collègues plus récents que vous ?

M. le président.  - J'appelle chacun à prendre ses responsabilités. Au rythme de dix amendements à l'heure, nous n'aurons pas fini lundi soir. Mais chacun est libre de s'exprimer.

Mme Laurence Cohen.  - Le recours à la procédure accélérée et ce calendrier aberrant font que nous examinons ce texte - pourtant très important par la matière qu'il touche - dans de très mauvaises conditions. Mais comme il est mauvais, nous le combattons et nous continuerons à le combattre jusqu'au bout.

Depuis le début de ce débat, on nous assène qu'une invasion de migrants est à nos portes, qu'elle nous menace. Or, en trois ans, la France a accueilli 78 016 personnes au titre du droit d'asile, soit 0,1 % de sa population ! La France n'est pas le pays le plus sollicité : elle est au cinquième rang après les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni et le Canada. Alors raisonnons à partir des chiffres objectifs, plutôt que des fantasmes d'une minorité qui, malheureusement, prend le pouvoir dans plusieurs pays d'Europe !

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Il est déjà défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°69 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°69 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°461 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°259 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Les a, b et c sont abrogés ;

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Je présenterai ensemble nos sept amendements sur cet article bien qu'ils ne soient pas en discussion commune.

Cet amendement supprime trois cas qui permettent de caractériser un risque de fuite. Ces trois cas constituent des situations de maintiens irréguliers sur le territoire, or un maintien irrégulier ne peut caractériser à lui seul un risque de fuite.

M. le président.  - Amendement n°260 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

tel titre ou document

par les mots :

titre ou document en sachant que ce titre ou document est frauduleux

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement précise le cas dans lequel un étranger peut faire l'objet d'une OQTF sans délai de départ volontaire lorsqu'il a fait usage d'un titre de séjour frauduleux.

Pour justifier l'OQTF, l'étranger doit avoir connaissance du caractère frauduleux du titre de séjour qu'il utilise, car les escroqueries sont nombreuses.

M. le président.  - Amendement n°261 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 8

Supprimer les mots :

qu'il a altéré volontairement ses empreintes digitales pour empêcher leur enregistrement,

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement supprime la possibilité de caractériser une absence de garanties de représentation suffisantes du fait que l'étranger a altéré volontairement ses empreintes digitales.

Le caractère volontaire sera très difficile à établir et, de ce fait, en pratique, l'autorité administrative présumera du caractère volontaire de l'altération des empreintes.

Par ailleurs, l'hypothèse même d'une altération volontaire de ses empreintes ne peut en soi caractériser une absence de garanties de représentation.

M. le président.  - Amendement n°262 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 14

Remplacer le mot :

assortit

par les mots :

peut assortir

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement laisse une marge d'appréciation au préfet concernant le prononcé d'une interdiction de retour.

L'automaticité d'une telle mesure serait inconstitutionnelle.

M. le président.  - Amendement n°263 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 14

Remplacer le mot :

cinq 

par le mot :

trois

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement maintient à trois ans la durée maximale de l'interdiction de retour sur le territoire français. L'allongement à cinq ans n'est justifié par aucun élément objectif.

M. le président.  - Amendement n°264 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement supprime la possibilité de prononcer une interdiction du territoire français pour un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire.

M. le président.  - Amendement n°265 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement supprime la disposition qui permet de prolonger l'interdiction du territoire pour deux ans.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement n°259 rectifié bis limiterait considérablement les moyens de nos services en charge de l'éloignement, avis défavorable.

Avis défavorable aussi aux amendements nos260 rectifié bis et 261 rectifié bis.

Avis défavorable à l'amendement n°262 rectifié bis ; le texte de la commission des lois est conforme à la directive Retour.

Avis défavorable à l'amendement n°263 rectifié bis : la commission des lois a aligné la durée maximale de l'interdiction de retour sur le droit européen.

Avis défavorable aux amendements nos264 rectifié bis et 265 rectifié bis.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°259 rectifié bis : les cas justifiant un refus que votre amendement supprime témoignent d'une réelle absence de volonté du demandeur de coopérer.

Avis défavorable à l'amendement n°260 rectifié bis. Le cas visé est peu plausible.

Avis favorable à l'amendement n°261 rectifié bis : plutôt que l'altération volontaire des empreintes digitales, difficile à prouver, le Gouvernement préfère retenir le refus de se soumettre à l'enregistrement des empreintes.

Avis défavorable à l'amendement n°262 rectifié bis.

Sagesse sur l'amendement n°263 rectifié bis.

Avis défavorable à l'amendement n°264 rectifié bis, qui limiterait l'OQTF au seul cas où elle est systématique sous réserve de circonstances particulières.

Sagesse sur l'amendement n°265 rectifié bis.

L'amendement n°259 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos260 rectifié bis, 261 rectifié bis, 262 rectifié bis, 263 rectifié bis, 264 rectifié bis et 265 rectifié bis.

L'article 11 est adopté.

L'amendement n°462 n'est pas défendu.

ARTICLE 11 BIS

M. le président.  - Amendement n°266 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Yves Leconte.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°500, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.

M. Alain Richard.  - Il est plus efficace de maintenir le délai de retour volontaire à trente jours car cela permet de convaincre plus facilement les personnes d'un retour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission des lois souhaite revenir à ce qui avait été adopté en 2015.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable. Le départ volontaire doit être préparé ; le délai de sept jours est moins favorable qu'un mois.

Les amendements identiques nos266 rectifié bis et 500 ne sont pas adoptés.

L'article 11 bis est adopté.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°267 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa du I bis, la référence : « , 4° » est supprimée ;

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Ce n'est pas parce que les principes sont difficiles à appliquer qu'il faut y renoncer. Au contraire, même, c'est quand ils sont difficiles à appliquer qu'il faut s'en servir comme boussole.

L'article L.512-1 prévoit un régime de recours abrégé dans un délai de quinze jours et selon une procédure à juge unique sans conclusion du rapporteur public contre certaines OQTF.

Cet amendement vise à ne pas rendre applicable ce régime dérogatoire aux étrangers n'ayant pas demandé le renouvellement de leur titre de séjour.

Rien ne justifie donc que la personne qui n'a pu faire renouveler son titre dans le délai imparti, soit sanctionnée une seconde fois par un délai restreint de recours réduit à deux semaines.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°267 rectifié bis.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis. Le préfet tient compte des difficultés d'accès éventuelles à la préfecture dans ses décisions.

L'amendement n°267 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°356 rectifié bis, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du I bis, les mots : « sans conclusion du rapporteur public » sont supprimés ;

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Cet amendement vise à imposer la présence de conclusion du rapporteur public.

L'amendement n°356 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°268 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa du II, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « deux jours ouvrés » ;

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Cet amendement porte à deux jours ouvrés, au lieu des quarante-huit heures actuellement prévues, le délai dans lequel doit s'exercer le recours contre une OQTF sans délai de départ volontaire.

Considérant ce délai particulièrement court, la mise en oeuvre de ce droit ne doit pas encore être restreinte parce que l'OQTF serait notifiée un samedi soir.

L'amendement n°268 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'amendement n°463 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°270 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Défendu.

L'amendement n°270 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°271 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Défendu.

L'amendement n°271 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°143 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy et Meurant, Mme Lherbier, MM. Leleux, Paccaud, Charon, Paul, Cardoux et Laménie, Mme Imbert, MM. Sido, Bonhomme, Daubresse, Revet et Danesi, Mme Bories, MM. Ginesta et Gremillet et Mmes Lassarade et Eustache-Brinio.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- après l'avant-dernière phrase est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu'une audience nécessite un accompagnement des forces de l'ordre, elle se tient dans cette salle et le juge siège au tribunal dont il est membre, relié à la salle d'audience, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission, dès lors que la juridiction en est dotée. » ;

M. Sébastien Meurant.  - Cet amendement rend obligatoire l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle lorsque les juridictions en sont dotées.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Laissons aux juridictions la souplesse de s'adapter.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Rejet. Cet amendement ne permet pas de prendre en compte les situations particulières que seul le juge est en mesure d'apprécier.

M. Sébastien Meurant.  - Je le retire, mais il faudrait savoir ce qu'il en est de ces télé-audiences, qui sont un progrès.

L'amendement n°143 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°146, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

3° Le IV est ainsi rédigé :

« IV. - En cas de détention de l'étranger, celui-ci est informé dans une langue qu'il comprend, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, qu'il peut, avant même l'introduction de sa requête, demander au président du tribunal administratif l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil.

« Lorsqu'il apparaît, en cours d'instance, que l'étranger détenu est susceptible d'être libéré avant que le juge statue, l'autorité administrative en informe le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné qui statue sur le recours dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français selon la procédure prévue au III et dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de l'information du tribunal par l'administration. »

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers a prévu qu'en cas de détention, l'étranger dispose de 48 heures pour former un recours et que le tribunal administratif statue dans les 72 heures de sa saisine. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 1er juin 2018, a jugé que ces dispositions n'opéraient pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l'objectif poursuivi par le législateur. Il a notamment retenu que l'étranger disposait d'un délai trop bref, cinq jours au maximum, quelle que soit la durée de la détention, pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci.

Cet amendement tire les conséquences de cette décision en proposant un dispositif plus équilibré, permettant de concilier les objectifs poursuivis par la loi du 7 mars 2016 et la sauvegarde du droit au recours effectif.

En premier lieu, il ne sera plus recouru systématiquement à la procédure contentieuse accélérée, mais uniquement en tant que de besoin. C'est seulement lorsqu'il apparaîtra que l'étranger détenu va être libéré avant que le juge statue que le basculement vers la procédure accélérée sera possible.

Quand le président du tribunal administratif sera informé que la levée d'écrou va intervenir avant l'expiration du délai de jugement prévisible, il disposera alors de 144 heures, soit six jours, pour statuer.

Ainsi, l'étranger disposera désormais a minima de huit jours pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci, alors que ce délai était de cinq jours maximum. Cette hypothèse de huit jours constitue un cas extrême, lorsque l'OQTF est notifiée dans les derniers jours de la détention. Dans les autres cas, le délai ouvert à l'étranger sera nécessairement plus long.

M. le président.  - Amendement n°353 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés

...° Le IV est ainsi modifié :

a) Après le mot : « procédure », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « et dans les délais prévus au I bis. » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette notification donne lieu à la remise d'un document à l'étranger, sur lequel sont mentionnés la date de la notification de l'obligation de quitter le territoire français, les voies et délais de recours permettant de la contester, et la mention qu'il a été informé de ses droits à demander l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil. »

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement tire les conséquences de la décision du 1er juin 2018 du Conseil constitutionnel. Par cette décision, le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnels les délais impartis à un étranger détenu pour former son recours contre une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et au juge pour statuer contre ce recours. Pour le Conseil, cette procédure expéditive méconnaît le « droit au recours juridictionnel effectif ». L'amendement du Gouvernement ne règle pas le problème.

Afin de remédier aux différences d'interprétation des juridictions qui pourraient résulter de cette décision, et qui risqueraient d'entraîner une différence de traitement des personnes étrangères détenues, l'amendement prévoit que les délais et procédures relatifs aux OQTF qui leur seront notifiées en détention, seront désormais ceux prévus au I bis de l'article L. 512-1 du Ceseda. Concrètement, les délais de recours seront ainsi portés à quinze jours et les délais de jugement à six semaines.

Cet amendement a le mérite de couvrir toutes les hypothèses et de simplifier.

M. le président. - Vous avez dépassé votre temps de parole de 46 secondes...

M. Jean-Yves Leconte.  - C'est un sujet important... (Protestations à droite)

M. Alain Richard.  - Résumez !

M. Jean-Yves Leconte.  - Je conclus... (Nouvelles protestations)

M le président. - Vous avez déjà commis un dépassement extravagant. (On approuve à droite ; M. Jean-Yves Leconte se rassoit.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Un étranger condamné qui effectue sa peine en France doit être renvoyé à l'issue de sa peine dans son pays d'origine ; il faut que la notification d'OQTF lui parvienne le plus tôt possible au cours de sa détention. Sinon, lorsqu'elle arrive plus tard, voire au jour de sa sortie, l'administration est contrainte de le placer en rétention, ce qui d'une part n'est pas efficace, d'autre part pose certaines difficultés.

Ces deux amendements ont pour objet de résoudre ce problème ; c'est celui du Gouvernement, l'amendement n°146, qui le fait le mieux. Avis favorable à l'amendement n°146 et avis défavorable à l'amendement n°353 rectifié bis, non que celui-ci ne soit pas bon, mais il l'est moins que celui du Gouvernement.

M. Alain Richard.  - Le groupe LaREM soutiendra l'amendement du Gouvernement, avec quelques précautions. Il est toujours fâcheux qu'un dispositif du droit en vigueur soit déclaré non conforme à la Constitution. Or l'amendement du Gouvernement reste à l'extrême bordure des conditions posées par le Conseil constitutionnel. Espérons que cette prise de risque soit réduite au cours de la navette.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous avons le même objectif, avec une différence d'analyse sur le droit au recours effectif. Le dispositif du Gouvernement risque d'être déclaré inconstitutionnel. Faisons évoluer le texte, si cet amendement est voté, en deuxième lecture.

L'amendement n°146 est adopté.

L'amendement n°353 rectifié bis n'a plus d'objet.

L'article 12, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°272 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la dernière phrase de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile, les mots : « ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend » sont supprimés.

M. Jean-Yves Leconte.  - Défendu.

L'amendement n°272 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté.

ARTICLE 14

Mme Esther Benbassa .  - Cet article, des plus contradictoires, donne la possibilité d'assigner à résidence les étrangers faisant l'objet d'une OQTF avec projet de départ volontaire. J'ai eu beau chercher, je n'en vois pas la cohérence : l'on prétend faire confiance à l'étranger en lui donnant un délai de départ volontaire, tout en l'assignant à résidence sans tenir compte des situations personnelles ou médicales, et, insidieusement, l'on traite ainsi les exilés en criminels potentiels prêts à prendre la fuite. Cessons de traiter ainsi les exilés comme des tenants du grand banditisme. Laissons-leur la possibilité de répondre à la demande de l'administration dans les délais qu'elle leur fixe. (M. Roger Karoutchi manifeste qu'il n'est pas convaincu.)

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°273 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement supprime la possibilité d'assigner à résidence un étranger qui fait l'objet d'une OQTF avec délai de départ volontaire.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos12 et 273 rectifié bis.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je rappelais que seules 15 000 OQTF avaient été exécutées sur les 85 000 prononcées. Malgré une augmentation depuis le début de l'année, cela reste insuffisant. Le principal facteur d'échec est la fuite.

C'est pourquoi le texte prévoit de désigner à l'étranger faisant l'objet d'une OQTF un lieu de résidence, ce qui permettra de le localiser, sans que ce soit une assignation à résidence. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - C'est un peu paradoxal.

M. Alain Richard.  - La confiance n'exclut pas le contrôle.

Les amendements identiques nos12 et 273 rectifié bis ne sont pas adoptés.

L'article 14 est adopté.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Supprimer cet article.

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet article s'attaque aux ressortissants étrangers à l'Union européenne détenteurs d'un titre de séjour et résidant régulièrement dans les pays de l'Union.

Or l'espace Schengen organise la libre circulation des travailleurs ayant un titre de séjour. De fait, cet article introduit une discrimination entre différentes catégories d'étrangers porteurs d'un titre de séjour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'interdiction de circulation s'applique aux étrangers faisant l'objet d'une remise à un autre État membre.

Cela garantit l'efficacité des mesures d'éloignement au sein de l'espace Schengen. Avis défavorable.

L'amendement n°16 rectifié n'est pas adopté.

M. le président. - Je vais suspendre la séance quelques instants à la demande du Gouvernement.

La séance, suspendue à 11 h 45, reprend à 11 h 50.

Les amendements identiques nos155 rectifié et 464 rectifié ne sont pas défendus.

L'article 15 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

L'amendement n°465 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°53 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski, Cambon et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Piednoir, Charon et Dallier, Mmes Deseyne et Lassarade, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché, de Cidrac et Delmont-Koropoulis, MM. P. Dominati, Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Sido et Cardoux et Mme Lamure.

Après l'article 15 : Insérer un article additionnel ainsi rédigé : L'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé : « À l'issue de leur peine de prison, le prononcé d'une expulsion est automatique pour les étrangers condamnés à une peine de prison supérieure ou égale à cinq ans, sauf circonstances exceptionnelles. »

M. Roger Karoutchi.  - Cet amendement rend automatique l'expulsion des étrangers condamnés à une peine de prison supérieure ou égale à cinq ans, à leur sortie, sauf circonstances exceptionnelles.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ?

Cet amendement est satisfait par le texte de la commission, lequel généralise et systématise le prononcé des peines d'interdiction du territoire qui entraînent de plein droit la reconduite du condamné à la frontière. Elles seront désormais prévues pour toute infraction dont la peine d'emprisonnement encourue serait supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, elles seront obligatoires en cas de délit commis en récidive légale ou en cas de crimes.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°53 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°54 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski, Cambon et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Charon et Dallier, Mmes Deseyne et Lassarade, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché, de Cidrac et Delmont-Koropoulis, MM. Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Sido et Cardoux et Mme Lamure.

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion est prononcée si la personne concernée est inscrite au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste. »

M. Roger Karoutchi.  - Dans le même esprit, cet amendement systématise l'expulsion des fichés S.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ? L'objectif est parfaitement louable mais la rédaction n'est pas satisfaisante et le moyen proposé ici n'est pas du tout approprié.

Au 1er mars 2018, environ 20 000 individus sont déclarés dans le Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).

De nombreuses personnes figurent sur ce fichier après signalement téléphonique ou Internet dans l'attente de l'évaluation du renseignement.

De plus, tous les signalements ne recouvrent pas des cas de radicalisation, soit parce que les éléments ne sont pas réunis, soit parce que l'information est incomplète ou non pertinente.

La rédaction n'est pas satisfaisante juridiquement parce que l'expulsion est une mesure administrative bien définie qui a juridiquement pour objet de parer à une menace : elle a un caractère préventif, et non répressif. Elle ne saurait donc être automatique sans encourir la censure du Conseil constitutionnel.

Enfin, je vous rappelle que notre commission a décidé de créer un groupe de travail sur l'amélioration de l'efficacité des fiches S rapporté par notre collègue François Pillet.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Même avis avec les mêmes arguments. Depuis octobre 2018, 197 étrangers inscrits au FSPRT en situation irrégulière et 80 en situation régulière ont fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'éloignement.

M. Roger Karoutchi.  - Très bien, je le retire. Le ministre de l'Intérieur s'est déclaré favorable à un débat sur les fichés S.

L'amendement n°54 rectifié est retiré.

L'amendement n°466 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°141 rectifié ter, présenté par MM. H. Leroy et Meurant, Mme Lherbier, MM. Leleux, Paccaud, Charon, Paul, Cardoux et Laménie, Mme Imbert, MM. Sido, Bonhomme, Daubresse, Revet et Danesi, Mme Bories, MM. Ginesta et Gremillet et Mmes Lassarade et Eustache-Brinio.

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les débats peuvent être réalisés par l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. »

M. Sébastien Meurant.  - Cet amendement étend le recours à la vidéo-audience devant la commission d'expulsion.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ce dispositif est pour le moment réservé à Mayotte. Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Au-delà de la nécessité d'un tel dispositif, qui n'est pas évidente, la rédaction n'apporte pas les garanties suffisantes et risquerait d'être sanctionnée par le juge. Avis défavorable.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je suis le Gouvernement. Retrait ?

M. Sébastien Meurant.  - Cet amendement réserve une possibilité ; il garantit la confidentialité de la transmission. Où est le problème ? Je le retire néanmoins.

L'amendement n°141 rectifié ter est retiré.

ARTICLE 15 BIS

M. le président.  - Amendement n°392 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, M. Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Chatillon, Courtial, Cuypers et Danesi, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi et Deseyne, M. P. Dominati, Mmes Dumas, Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené et Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi et Kennel, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, MM. Laufoaulu, D. Laurent, de Legge, Le Gleut, Leleux et H. Leroy, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Paccaud, Paul, Pemezec, Piednoir, Pierre et Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Reichardt, Revet, Saury, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et M. Vogel.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les organismes mentionnés à l'article L. 114-10-1 du présent code sont informés conformément à l'alinéa précédent, ils procèdent à la radiation automatique de l'assuré. »

M. Roger Karoutchi.  - Il serait naturel que la délivrance d'une OQTF entraîne la suppression automatique et immédiate des aides sociales.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Retrait ? Les organismes de sécurité sociale accèdent à l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) et prennent leurs décisions en conséquence. Le Gouvernement souhaite favoriser l'échange d'informations, mais le Ceseda n'a pas vocation à fixer les règles d'attribution des prestations sociales. Par conséquent votre amendement est en réalité satisfait.

M. Roger Karoutchi.  - On sait bien que les choses ne sont pas si évidentes... L'OFII a tenté de récupérer l'ADA auprès d'un étranger objet d'une OQTF, en vain... L'automaticité de la suppression paraît une évidence.

M. Alain Richard.  - Tout en rejoignant M. Karoutchi sur la nécessité de mettre fin au bénéfice des prestations sociales, j'attire l'attention sur un principe fort de notre droit, l'indépendance des législations. Une mesure de police ne peut mettre fin ipso facto à une prestation sociale, qui relève d'une autre législation.

M. René-Paul Savary.  - Il faut que nos concitoyens puissent comprendre la loi ! Ce n'est pas le cas, parce que tout le monde n'est pas logé à la même enseigne quant aux prestations sociales. Il faut que les choses soient claires.

Mme Laurence Cohen.  - Pour une fois je suis d'accord avec M. Richard : il a parfaitement démontré que la seule question qui se pose est celle de la légalité.

L'amendement n°392 rectifié est adopté.

L'article 15 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 15 TER

M. Guillaume Gontard .  - Cet article, introduit par la commission des lois, interdit le placement en rétention des mineurs isolés. À juste titre : en 2017, 305 enfants ont été placés en rétention en métropole ; à Mayotte, 4 325 mineurs ont été enfermés en 2016, ils étaient 2 493 en 2017, parmi lesquels des enfants seuls sont rattachés arbitrairement à un adulte.

Le rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté sur la situation à la frontière italienne, publié le 6 juin, a révélé qu'un tiers des refus d'entrée concernaient des mineurs. Trop souvent des adultes voyageant avec les mineurs sont assimilés, par les autorités, à des membres de la même famille, alors qu'ils n'ont pas d'autorité parentale. Cela permet de les placer en rétention administrative.

Des enfants non accompagnés doivent avoir accès immédiatement à une aide juridique. Cet amendement va dans le bon sens, mais il évoque les rattachements à une « famille fictive ». Le groupe CRCE veut la fin de la rétention, y compris pour les mineurs accompagnés par leur famille.

M. Jean-Yves Leconte .  - Le groupe SOCR s'oppose par principe au placement en rétention des mineurs. La CEDH a condamné six fois la France sur ce chapitre. Nous déposerons des amendements en ce sens.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Votre position revient à empêcher l'éloignement de tout mineur en situation irrégulière.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

1° Les deuxième à septième alinéas du III sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mineurs non accompagnés et les familles comprenant un ou plusieurs enfants mineurs ne peuvent être placés en rétention par l'autorité administrative. »

Mme Éliane Assassi.  - Certes le rapport veut clarifier le droit existant ; mais nous regrettons qu'il se cantonne aux mineurs non accompagnés. Il en va du respect de nos principes fondamentaux et des normes supranationales. C'est pourquoi cet amendement pose le principe de l'interdiction du placement en rétention administrative des mineurs non accompagnés et des familles comprenant un ou plusieurs enfants, comme le préconise Adeline Hazan. Cela ne devrait pas être négociable.

M. le président.  - Amendement n°274 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

non accompagné d'un représentant légal

M. Jean-Yves Leconte.  - Les mineurs ne sont pas responsables de leur situation. Ils ne sauraient être placés en rétention. Les séquelles liées à l'enfermement, soulignées par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, justifient une interdiction.

M. le président.  - Amendement n°531 rectifié bis, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.

Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

2° Le III est ainsi modifié :

- au deuxième alinéa, le mot : « , sauf : » est supprimé ;

- les troisième à septième alinéas sont supprimés ;

M. Guillaume Arnell.  - La protection de l'intérêt supérieur de l'enfant fonde la position de mon groupe sur ce texte.

Les placements de mineurs accompagnés de leurs parents se sont intensifiés. La durée moyenne de rétention pour les mineurs - quatre jours - est certes inférieure à celles des majeurs, mais il faut lui préférer l'assignation à résidence.

L'amendement n°432 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°533 rectifié bis, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt et Vall.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Après la première phrase de l'avant dernier alinéa du III, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La décision de rétention, spécialement motivée, expose les éléments justifiant le recours à la rétention administrative plutôt qu'à l'assignation à résidence, ainsi que les diligences particulières nécessaires à respecter, de nature à préserver l'intérêt supérieur de l'enfant, eu égard à son état sanitaire et psychique. »

M. Guillaume Arnell.  - C'est un amendement de repli contraignant l'autorité demandant le placement en centre de rétention administrative d'un mineur accompagné à particulièrement motiver sa décision. Cela devrait conduire les préfectures à y renoncer.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ni le texte initial ni les débats à l'Assemblée nationale n'ont apporté de solution à cette question difficile : peut-on placer un mineur en rétention, qu'il soit seul ou accompagné de sa famille ? Le Sénat et la commission des lois ont décidé de s'en emparer.

La commission a réaffirmé qu'on ne pourrait placer un mineur isolé en rétention. Le principe est clair et nous avons souhaité l'inscrire dans la loi.

Un mineur accompagné en situation irrégulière doit-il être placé en rétention avec sa famille ? Le droit actuel prévoit qu'il peut l'être, pour 45 jours. Le projet de loi prévoit de porter la durée maximum de 45 à 90 jours. Nous ne le voulons pas.

Mme Hazan nous a indiqué que la durée moyenne de rétention s'élève à quatre jours ; la commission a fixé une durée maximum de cinq jours pour les familles. C'est une grande avancée.

C'est une position de responsabilité, car il ne faut pas rendre l'éloignement impossible. Par conséquence, avis défavorable à l'ensemble des amendements.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - La rétention familiale, c'est-à-dire la rétention des parents avec leurs enfants mineurs, est une question extrêmement sensible qui fait l'objet de débats. Le placement des mineurs non accompagnés en rétention n'est pas autorisé en France. Jamais un mineur non accompagné n'a été mis en rétention.

Certaines précisions s'imposent. La rétention familiale - celles des parents avec leurs enfants mineurs - est une question très sensible.

C'est une procédure exceptionnelle, strictement encadrée et autorisée par la législation européenne. En 2017, les mineurs non accompagnés en rétention ne représentaient que 1,17 % de l'ensemble. Dans tous les cas, les autorités doivent veiller à l'intérêt supérieur de l'enfant.

C'est une procédure strictement encadrée. Cette mesure n'intervient que lorsque la famille concernée s'est soustraite une première fois à une assignation à résidence afin d'éviter la mesure d'éloignement.

Notre droit permet aussi que seuls les parents soient placés en rétention et que les mineurs soient placés en famille d'accueil, le temps de la rétention des parents.

Si ces derniers refusent et préfèrent les garder auprès d'eux, la rétention familiale est alors possible.

Le 12 juillet 2016, la Cour européenne des droits de l'homme considérait une rétention de dix-huit jours comme contraire au droit au respect de la vie familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Avec une durée moyenne de 36 heures, nous sommes en pleine conformité avec cette jurisprudence.

Une durée maximale trop brève inscrite dans la loi pourrait tenter les familles de se soustraire à l'éloignement, puisqu'elles devraient en ce cas être libérées rapidement et que l'organisation d'un nouveau vol prend du temps...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Ne leur donnez pas d'idées...

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Les contrôles juridictionnels effectués par le JLD permettent pleinement d'assurer le respect de ce cadre juridique.

La Commission européenne a explicitement recommandé aux États membres le 7 mars 2017, afin de rendre les retours plus effectifs, de ne pas interdire les placements de familles en rétention. Le Luxembourg, la Suède, la Belgique, l'Espagne, la Lettonie, la Slovaquie, la Pologne, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Hongrie, l'Autriche et d'autres tolèrent le placement en rétention familiale.

Le placement n'est possible que dans les lieux comportant des espaces isolés et adaptés à l'accueil des familles et à la vie familiale. En France, certains centres de rétention administrative pourraient être améliorés.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est pudiquement dit !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - C'est pourquoi ceux qui accueilleront des familles seront rénovés et nous allons débloquer 1,5 million d'euros en 2018 pour les activités de ces centres à destination des enfants et des familles. Avis défavorable.

L'amendement n°25 n'est pas adopté non plus que les amendements nos274 rectifié bis, 531 rectifié bis et 533 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°534 rectifié ter, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Menonville et Vall.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que la présence en France d'une personne placée en rétention constitue une menace grave pour la sûreté de l'État ou pour l'ordre public, cette personne est placée dans un lieu de rétention adapté, bénéficiant de chambres isolées. »

M. Guillaume Arnell.  - Les CRA accueillent des étrangers aux profils très différents : des personnes placées pour infraction au droit des étrangers et des individus plus dangereux. Cet amendement garantira la sécurité des personnes les plus vulnérables placées en CRA ainsi que celle du personnel. Nous avons conscience qu'il entraînera un surcoût mais il n'est pas acceptable de maltraiter ainsi les gens.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement est partiellement satisfait : les personnes dangereuses sont souvent placées à l'isolement dans les CRA. Il serait difficile à mettre en oeuvre et présenterait un risque de contentieux. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Votre préoccupation est légitime. La sécurité des personnes doit être garantie dans les CRA et elle l'est puisqu'elle est confiée à la police nationale. L'article R. 553-2 confie au chef de centre la responsabilité de l'ordre et de la sécurité du centre. Retrait ?

M. Guillaume Arnell.  - Avec quelques collègues RDSE, pour préparer ce texte, nous avons visité des CRA. C'est le personnel de ces centres qui nous a alertés. Les lieux d'isolement ne sont pas adaptés pour faire face à l'apparition de nouveaux profils. Les centres sont certes confiés aux forces de la police nationale mais elles ne sont pas armées ; elles doivent faire preuve de beaucoup de tact, de diplomatie et de persuasion. Il fallait tirer la sonnette d'alarme.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le problème vient de ce que beaucoup de personnes qui ont exécuté leur peine de prison sont placées en CRA en attendant l'exécution de l'OQTF. Vous avez raison d'attirer l'attention sur ce point.

L'amendement n°534 rectifié ter est retiré.

L'article 15 ter est adopté.

ARTICLE 15 QUATER

Mme Laurence Cohen .  - Limiter à cinq jours le placement en rétention des mineurs accompagnant leur famille est une fausse bonne idée. Certes ni le Gouvernement ni les députés En marche n'ont voulu l'interdire mais la restreindre ne protègera pas les enfants, cela contribuera à banaliser cette pratique. Comme l'ont montré de nombreuses études anglo-saxonnes, le traumatisme pour l'enfant est lié à la rétention elle-même, davantage qu'à sa durée : troubles dépressifs, troubles du sommeil, perte de poids, retards dans le développement du langage en sont le résultat. La Cour européenne des droits de l'homme l'a souligné dans un arrêt du 12 juillet 2016. La situation d'extrême vulnérabilité des enfants doit l'emporter sur la qualité d'étranger en séjour illégal, ce qu'a rappelé le Défenseur des droits en juin 2017 à propos de deux fillettes maintenues en zone d'attente. Avec cet article, nous n'allons pas dans le bon sens ; bien au contraire !

Mme Éliane Assassi .  - L'intérêt supérieur de l'enfant commande la préservation de l'unité familiale, parents et enfants ne doivent pas être séparées. L'argument consistant à dire que l'adulte, violent, doit être enfermé et que son enfant ne doit pas en être séparé ne tient pas. Si l'adulte est violent, il l'est d'abord pour son enfant, qui doit être protégé. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, recommande l'assignation à résidence pour les familles. Dans la pratique, la rétention est moins une exception qu'un mode de fonctionnement dans certaines préfectures. Les préfectures du Doubs et de la Moselle totalisent 51 % des placements de famille en 2016 ; à l'inverse, le CRA de Lille-Lesquin, pourtant habilité à accueillir des familles, y a renoncé depuis la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme en 2012. Comme quoi, cela n'est pas impossible.

Mme Esther Benbassa .  - Peut-on se féliciter que la commission limite à cinq jours la rétention des familles quand elle allonge les délais de rétention par ailleurs ? Non, bien évidemment. C'est légitimer la présence même des familles dans les CRA. Le simple fait qu'un enfant, quelle que soit la situation de ses parents, puisse se trouver dans ces lieux dépasse toute humanité. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Défenseur des droits mais aussi nos concitoyens le pensent ; une pétition de l'Unicef a recueilli plus de 100 000 signatures.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°423, présenté par le Gouvernement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - J'ai longuement expliqué tout à l'heure quelle était la position du Gouvernement.

L'amendement n°501 rectifié bis n'est pas défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable pour les raisons évoquées tout à l'heure. Dans les cas où la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France, les enfants avaient été maintenus en rétention pour quinze jours ou plus. La durée moyenne de rétention des enfants est de quatre jours, selon le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le délai maximal de cinq jours est là pour garantir les droits des enfants.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Avis favorable évidemment.

M. Jean-Yves Leconte.  - Faute d'avoir obtenu l'interdiction de la rétention des mineurs et vu la hausse du nombre de mineurs en rétention - 172 en 2016, 304 en 2017 et l'augmentation se poursuit -, mieux vaut adopter le texte de la commission des lois.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - La Cour européenne des droits de l'homme impose une durée plafond de dix-huit jours. À l'heure actuelle, les durées de rétention sont très brèves, environ 36 heures. Cinq jours, ce sera trop court pour organiser matériellement un retour au pays.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - La commission des lois, coopérative, a conscience des enjeux que représente l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Pour ceux qui vivent en famille, nous avons voulu limiter la rétention à cinq jours. La réponse que nous apporte la ministre ne peut pas nous satisfaire, elle est fondée sur des nécessités administratives.

Faisons une division rapide en reprenant les montants que le Gouvernement entend consacrer aux travaux dans les CRA : il y a 24 CRA en France, cela fait 60 000 euros pour chacun. Tous ceux d'entre nous qui ont été amenés à faire des travaux à leur domicile mesurent combien cette somme est modeste ! Le doublement de la durée de rétention en CRA absorbera tous les crédits. Il n'est pas digne de notre République et de notre État de droit d'exposer des enfants, qui sont par hypothèse innocents, même lorsqu'ils sont instrumentalisés par leurs parents, à de telles conditions de vie et à la violence.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Monsieur Bas, votre calcul est inexact car, sur les 17 CRA que compte la France métropolitaine, seuls 5 accueillent des familles avec des enfants. J'ai annoncé les crédits prévus pour cette année, il y en aura d'autres l'an prochain.

La rétention des familles est un sujet de préoccupation sur tous les bancs. À titre personnel, je suis favorable à tout ce qui empêchera la séparation entre parents et enfants, ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas améliorer les conditions d'accueil dans les CRA. C'est pourquoi j'ai voulu que nous prenions le temps du débat pour un traitement le plus humain et le plus généreux possible.

M. Alain Richard.  - La commission des lois manque une partie de son objectif. Le plafond de cinq jours, pour les raisons que la ministre a données, se soldera par des remises en liberté pures et simples. Si la commission vise l'efficacité des reconduites, mieux vaudrait dix ou douze jours de rétention maximale.

Mme Éliane Assassi.  - Je tiens à dire, avant que nous passions au vote, que le groupe CRCE et le Gouvernement ont déposé des amendements identiques mais pour des raisons diamétralement opposées.

Les amendements identiques nos26 rectifié bis et 423 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°532 rectifié, présenté par M. Arnell, Mme Costes, MM. Requier, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

deux

M. Guillaume Arnell.  - Ne voyez pas de l'entêtement dans cette proposition. Notre groupe RDSE voulait attirer l'attention sur la rétention des enfants. Merci au rapporteur de la limiter à cinq jours ; merci, Madame la Ministre, de la réduire au maximum.

L'amendement n°532 rectifié est retiré.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet article, sur lequel je ne voterai pas comme mon groupe, marque un renoncement terrible. À gauche comme à droite, nous nous efforçons, depuis des années, d'endiguer ce phénomène odieux de la rétention des enfants. Nous y sommes parvenus, par le biais de circulaires, à la limiter à quelques dizaines de cas sous le précédent gouvernement. Et nous voilà réduits à devoir considérer que le texte de la commission des lois est un progrès, ce qu'il est effectivement par rapport au texte du Gouvernement. Ce n'en est pas moins un renoncement : nous transigeons sur un principe.

Je m'abstiendrai et suis, comme d'autres dans cet hémicycle, traversée par des émotions contradictoires. Cinq jours est un moindre mal, reste que nous n'avons pas su empêcher la rétention d'enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Catherine Conconne applaudit également.)

M. Jacques Bigot.  - Cet article ne traduit pas un renoncement. Le Gouvernement, qui a quelques difficultés à entendre les choses, veut avoir la liberté d'agir. Le Parlement doit poser des principes et veiller au respect de certaines exigences. J'espère qu'en CMP notre rapporteur ne transigera pas sur ce point. Pour l'y encourager, je voterai cet article.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Je remercie M. Bigot de cet effort et Mme de la Gontrie de son abstention en saluant le réveil de la conscience socialiste. La dernière fois qu'un membre de votre famille politique a défendu l'interdiction de la rétention des enfants, c'était le 14 mars 2012, lorsque le candidat François Hollande s'engageait auprès des associations, s'il était élu, à faire en sorte que plus un seul enfant ne soit placé en rétention.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Donnez les chiffres !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Après un silence assourdissant pendant cinq ans, car nous n'avons rien entendu lors des débats des lois de 2015 et de 2016, le groupe socialiste renoue avec la continuité de ces engagements altruistes.

M. Jean-Yves Leconte.  - La remarque est perfide... Monsieur Bas, si la conscience socialiste s'était endormie, rien ne vous empêchait de reprendre le flambeau de l'altruisme à votre compte. En 2016, lorsque j'ai déposé, avec plusieurs dizaines de sénateurs socialistes, un amendement en ce sens lors de la réforme du Ceseda, vous ne l'avez pas soutenu. La conscience était là, la volonté de combattre était là.

Faute d'avoir obtenu l'interdiction de la rétention des enfants, nous soutiendrons la commission. Chaque petit progrès est bon à prendre.

À la demande du groupe CRCE, l'article 15 quater est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°168 :

Nombre de votants 332
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l'adoption 272
Contre   35

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - A priori, nous lèverons la séance à 20 h 30 ce soir et reprendrons la discussion lundi.

La séance est suspendue à 13 h 10.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 40.