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Table des matières
Accessibilité du métro parisien pour les Jeux de 2024
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Réforme de la tarification des établissements médico-sociaux
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Développement des pôles universitaires délocalisés
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Études de médecine en milieu rural
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Rôle de l'État face à la délocalisation d'Engie
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Taxes sur le carburant et services départementaux d'incendie et de secours
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
Travaux de réfection du commissariat de Narbonne
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées
Départ de l'Onera du site de Meudon
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées
Encouragement du flamand occidental
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées
Mme Laura Flessel, ministre des sports
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Situation dans les Ehpad du Puy-de-Dôme
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Société commerciale MédecinDirect
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Dépistage néonatal de la drépanocytose
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Conditions d'accueil dans les Ehpad
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Compteurs Linky et maîtrise de la consommation d'énergie
Pollution dans le golfe de Fos-sur-Mer
Restructuration de Météo-France
Réglementation relative au travail en hauteur
Désengorgement de l'axe autoroutier entre Bordeaux et Biriatou
Lignes à grande vitesse en Occitanie
Équipement des lieutenants de louveterie
Convocation du Parlement en session extraordinaire
Convocation du Parlement en Congrès
Immigration, droit d'asile et intégration (Procédure accélérée)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
Mme Jacqueline Gourault, ministre
Immigration, droit d'asile et intégration (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Discussion des articles (Suite)
Ordre du jour du mercredi 20 juin 2018
SÉANCE
du mardi 19 juin 2018
97e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
Secrétaires : M. Yves Daudigny, Mme Mireille Jouve.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Questions orales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.
Accessibilité du métro parisien pour les Jeux de 2024
M. Bernard Jomier . - En 2024, la France aura l'honneur d'accueillir les Jeux olympiques et paralympiques. Chacun doit pouvoir participer à ce moment de joie collective. Or seules 3 % des stations du métro parisien sont équipées de dispositifs à destination des personnes à mobilité réduite et rien ne semble prévu pour y remédier. Des progrès ont été accomplis, par la RATP notamment, qui sont à saluer. La quasi-totalité des stations de RER sont accessibles, ainsi que le réseau de surface (bus et tramways). Chaque nouvelle station du Grand Paris Express sera accessible. Sans réclamer l'impossible, nous ne pouvons pas exclure une partie de la population de cet évènement à cause des défaillances de notre réseau métropolitain qui fait notre fierté. Inspirons-nous de l'exemple londonien, plus de 200 millions de livres d'investissements ; profitons de l'accueil des Jeux olympiques et paralympiques pour accélérer le mouvement et développer la cohérence de nos transports.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour rendre le métro parisien accessible, notamment aux personnes en situation de handicap, dans le cadre de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024 ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Le réseau de transports en commun francilien est heureusement d'ores et déjà accessible aux personnes à mobilité réduite : la majorité des bus parisiens, l'ensemble des tramways, 70 % des lignes de bus de banlieue, 63 gares RER et la moitié des 375 gares SNCF franciliennes.
Pour autant, hormis les plus récentes, les stations de métro historiques ne le sont pas : les travaux seraient d'une complexité rédhibitoire. Des transports de substitution sont mis en place. C'est sur cette base que le Conseil de Paris s'appuie pour programmer une plus grande accessibilité du réseau en 2024. L'article 23 de la loi du 26 mars 2018 relative à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 prévoit que les autorités organisatrices de transport (AOT) concernées, dont Ile-de-France Mobilités, devront élaborer un rapport pour présenter « de nouvelles propositions afin de développer l'accessibilité universelle des modes de transport nécessaires pour accéder aux Jeux ». Les services de l'État sont à la disposition de la présidente d'Ile-de-France Mobilités pour avancer sur ce rapport.
Toute proposition d'évolution du cadre réglementaire doit être explorée pour faciliter l'accessibilité des stations stratégiques du métro parisien. C'est un enjeu essentiel pour la réussite des Jeux et la participation de tous.
M. Bernard Jomier. - Je prends acte du programme volontaire que vous avez décliné. L'accessibilité des fauteuils roulants est un domaine dans lequel nous pourrions aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin, si nous disposions d'engagements financiers plus importants.
Réforme de la tarification des établissements médico-sociaux
Mme Laure Darcos . - Pas moins de 158 000 enfants et 332 000 adultes handicapés sont accompagnés par 15 000 établissements et services médico-sociaux. Le Gouvernement précédent avait lancé une réforme de la tarification de ces établissements et services, dont la feuille de route a été validée pour 2018. Cette réforme inquiète la population concernée. Je songe à l'Essonne où des établissements sont menacés de fermeture. Ces établissements sont indispensables pour offrir aux enfants handicapés une sociabilisation nécessaire à leur épanouissement.
L'élaboration du référentiel tarifaire pour l'allocation des ressources aux établissements et services constitue à cet égard l'une des principales sources d'inquiétude des familles et des équipes pluridisciplinaires accompagnant les enfants handicapés, car elle transforme les structures en simples plateformes d'évaluation et de coordination, dans une démarche fondée sur la seule baisse des charges structurelles, au détriment des besoins réels des personnes handicapées et des projets éducatifs personnalisés.
Dans ce contexte anxiogène, pouvez-vous m'assurer que la prise en charge des personnes handicapées et la qualité de leur accompagnement ne seront pas remises en cause ? Et que les établissements disposeront des moyens nécessaires pour accomplir leur mission ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Près de 15 000 services et établissements médico-sociaux accompagnent les enfants et adultes handicapés. La transformation de leur financement est indispensable. Le constat sans concession dressé par le rapport remis par Mme Jeannet et M. Vachey en octobre 2012, reste entier. Le niveau des dotations des établissements et services - qui représentent au total un peu plus de 16,5 milliards d'euros - est le fruit de l'histoire et se traduit par de fortes iniquités entre établissements similaires.
Il est impératif de le revoir dans une refonte de la tarification favorisant l'adéquation entre les besoins des personnes et les réponses apportées. Mieux soutenir leur parcours de vie et garantir des solutions pour tous, tels sont les mots d'ordre de cette réforme.
Le projet Serafin-PH est un chantier de long terme. J'ai présidé son comité de pilotage le 27 avril dernier. Nous prendrons le temps de ces travaux et nous privilégierons une méthode concertée et co-construite qui prendra d'abord en compte les besoins des personnes et la qualité de leur accompagnement, qu'il n'est nullement question de faire régresser, puisque c'est l'ADN de notre mission, le socle de notre politique.
Mme Laure Darcos. - Je sais que votre action reçoit des échos favorables et je ne doute pas de votre bonne volonté. Les familles redoutent un traitement global. Je vous invite à venir à l'Institut médico-éducatif de Saint-Germain-lès-Arpajon : le sourire de ces enfants vous éclairera sur l'action de ces structures.
Développement des pôles universitaires délocalisés
Mme Josiane Costes . - La présence de campus universitaires délocalisés dans les villes moyennes est vitale pour contribuer au dynamisme de ces territoires, particulièrement de ceux qui se trouvent éloignés des métropoles régionales.
La qualité des formations universitaires proposées est indispensable pour maintenir et surtout attirer les jeunes talents et la matière grise dans des villes ou des départements fragilisés par le vieillissement de la population et la déprise démographique.
Les cursus proposés peuvent aussi répondre aux besoins exprimés par des entreprises locales, ce qui assure aux jeunes diplômés de trouver rapidement un emploi.
Dans le Cantal, les 1 300 étudiants post-bac présents à Aurillac constituent une véritable bouffée d'oxygène. Les collectivités concernées souhaitent développer l'offre de formations proposées afin d'ancrer davantage la présence universitaire dans leur territoire.
Consciente des budgets contraints des universités, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement dans ce domaine, et notamment savoir quelles sont les mesures envisagées pour développer ces antennes universitaires hors des métropoles régionales et accompagner les collectivités territoriales concernées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Je vous prie d'excuser ma collègue Frédérique Vidal. L'enseignement supérieur n'est pas déconnecté de la vie locale. Le ministère soutient le rayonnement des universités dans le territoire : ainsi l'université de Clermont Auvergne a six sites dans la région, qui contribuent à la vie économique, sociale et culturelle locale. À Vichy, par exemple, le ministère soutient le développement d'un département information-communication, option journalisme, doté de neuf postes. À Clermont-Ferrand, le lycée Ambroise Brugière va se doter dès la rentrée 2018 d'une classe préparatoire B/L. J'espère que cela vous rassurera.
Mme Josiane Costes. - La question est vitale dans mon territoire qui a besoin de ce pôle universitaire, car il est éloigné des métropoles.
Études de médecine en milieu rural
Mme Nadia Sollogoub . - Je suis élue de la Nièvre, département particulièrement et dramatiquement concerné par la baisse de démographie médicale, où les patients rencontrent désormais les plus grandes difficultés pour se faire soigner.
Pour mémoire, la densité de médecins généralistes y est de 82 pour 100 000 habitants alors qu'elle est de 96 en Bourgogne-Franche-Comté et de 104 en France. La perte de chance des patients en situation d'urgence vitale y est la plus élevée de la région, alors que parallèlement, l'avenir de certains services est menacé faute, semble-t-il, de personnel soignant. L'absence d'urgentiste est la raison invoquée pour l'éventualité de la fermeture des urgences de nuit à l'hôpital de Clamecy et l'absence de pédiatre pour la fermeture de la maternité de Cosne-Cours-sur-Loire.
Les habitants et les élus de la Nièvre ne pourront pas se contenter de prendre leur mal en patience et serrer les dents en croisant les doigts, en attendant l'arrivée promise en 2025 de médecins, en nombre suffisant, d'autant que l'accroissement du nombre n'offre aucune garantie sur la répartition territoriale. Il est indispensable d'ouvrir des stages de médecine générale dans la Nièvre à des étudiants des facultés de médecine de Clermont-Ferrand et de Paris, qui ne sont qu'à 200 kilomètres chacune et qui sont très fréquentées par les étudiants nivernais pour d'évidentes raisons d'accès, en train notamment ; il faut aussi que des étudiants de la faculté de Dijon puissent faire une partie de leur cursus à l'hôpital de Nevers, selon l'ancien modèle des hôpitaux périphériques, afin de « s'ancrer » dans le territoire rural où ils resteront. Il faut, enfin, faciliter la labellisation de deux à trois sites pluridisciplinaires comme « Maison de santé universitaire » dans le département, ce qui faciliterait grandement la réalisation de stages en médecine ambulatoire en milieu rural profond. Entendez-vous faire explorer ces pistes d'évolution concrètes ou, à défaut, pouvez-vous préciser les orientations que vous entendez privilégier ?
présidence de M. David Assouline, vice-président
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Il n'existe pas de dispositif univoque permettant de fixer les professionnels de santé dans le territoire où ils ont fait leurs études. Si une antenne délocalisée de la Paces - première année commune aux études de santé - de Dijon à Nevers est difficilement envisageable, car elle rendrait difficile le tutorat qui est indispensable à l'égalité des chances de réussite aux études de médecine, nous veillerons à ce qu'une offre de proximité soit proposée à tous les lycéens afin qu'ils accèdent à ces études quel que soit leur territoire d'origine.
Les élus de plusieurs territoires ont fait part de la difficulté à développer des stages de médecine générale, dès lors qu'aucune université n'est présente dans leur territoire. Un travail est en cours avec le ministère des Solidarités et de la santé, pour voir comment assouplir sans compliquer.
Nous souhaitons que la formation des professionnels de santé se développe hors CHU, le modèle des hôpitaux périphériques existant toujours pour les stages d'internes. Le dispositif Ambition Paces en région Centre est une des mesures qui favorisera ce mouvement. Les antennes délocalisées de Pau et du Havre, les internats ruraux en Aveyron, le recrutement de maîtres de stage en Mayenne montrent que c'est possible.
Les services du ministère de l'Enseignement supérieur et ceux du ministère des Solidarités et de la santé sont à la disposition des élus pour évaluer les projets en gestation dans votre territoire.
Mme Nadia Sollogoub. - La Nièvre est séparée de la faculté de Dijon par la barrière physique du Morvan. Il est difficile pour les étudiants de s'y rendre. D'où notre insistance sur la délocalisation de la Paces dans la Nièvre. Nos étudiants finissent par aller étudier à Paris, Clermont ou Tours sans retour dans la Nièvre. Pourtant, face à la pénurie de ressources en santé, nous sommes force de proposition : c'est dans la Nièvre qu'a été implantée la première maison de santé pluridisciplinaire.
Rôle de l'État face à la délocalisation d'Engie
M. Fabien Gay . - Vous avez devant vous un élu en colère. Les plans de licenciement se succèdent, les scandales financiers se multiplient avec le président de Carrefour qui part avec 16 millions d'euros. Je voudrais mentionner le cas d'Engie, anciennement GDF-Suez, recordman du taux de profit, n°2 derrière Arcelor Mittal. 27,55 milliards d'euros de dividendes ont été distribués à ses actionnaires ! On est passé d'un service public répondant à un souci d'humanité à une entreprise privée au service du seul profit.
L'intersyndicale, que nous devrions davantage écouter, comme l'ensemble des syndicats et des corps intermédiaires dans notre pays, d'une manière générale, m'alerte sur la délocalisation offshore de l'entreprise à l'extérieur du territoire français : après le Portugal et le Maroc aujourd'hui, le Sénégal et le Cameroun font l'objet d'un nouvel appel d'offres.
M. Roland Courteau. - Hélas !
M. Fabien Gay. - Oui, 3 000 emplois sont menacés, 1 200 ont déjà été sacrifiés. C'est une course au dumping social ! L'État continuera-t-il à poursuivre cette course au profit et au rendement ou s'engagera-t-il enfin pour sa propre entreprise, puisqu'il en est l'actionnaire ? Donc il peut agir !
M. Roland Courteau. - Bonne question !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Veuillez excuser Bruno Le Maire. L'État, actionnaire de référence du groupe Engie, est attentif à la dimension sociale de la transformation en cours de l'entreprise.
Le groupe a signé en avril 2016 avec trois fédérations syndicales européennes un accord impliquant qu'une offre d'emploi au sein du groupe soit proposée à tout salarié concerné par des réorganisations. Cet accord prévoit aussi un effort de formation à destination du personnel afin d'adapter les compétences des salariés aux besoins de l'entreprise. La perception du CICE en 2014-2015 ne doit pas faire oublier la situation difficile traversée par le groupe en 2016. L'évolution technologique a accru la pression concurrentielle, notamment sur les centres d'appel, confrontés à des exigences de plus en plus élevées de la part de la clientèle.
Dans ce contexte, le Gouvernement travaille au renforcement des atouts de l'entreprise en déployant de nouveaux réseaux d'appel dans le territoire.
Quant à l'externalisation des centres d'appel au Sénégal, le dialogue se poursuit, afin que l'accord précité soit respecté et que des propositions de reclassement soient proposées aux salariés concernés.
M. Fabien Gay. - Je vous remercie de votre réponse mais elle est technocratique, quand je parle de la vie des gens : 3 000 resteront sur le carreau. L'État ne doit pas « veiller », il est actionnaire du groupe et peut encore agir. La loi Pacte n'est pas encore passée et vous allez liquider tous les actifs, tout vendre !
Lorsque GDF est devenue une société anonyme, M. Sarkozy, alors ministre de l'économie, avait juré, « les yeux dans les yeux », selon l'expression consacrée, à l'Assemblée nationale, que jamais on ne privatiserait le groupe...
M. Roland Courteau. - Exact !
M. Fabien Gay. - Nous y voilà ! Pensons-y au sujet de SNCF, dont nous continuerons à débattre. L'entreprise a traversé des difficultés, certes, mais surtout aux dépens des salariés. C'est un véritable dumping social.
Si la relation clientèle par téléphone est l'avenir, pourquoi la délocaliser, sinon au nom du profit ? Tout de même, 333 % de réversion des profits aux actionnaires, 1 % aux salariés ! On ne leur laisse même pas les miettes. Voilà ce dont l'État se fait complice.
M. Roland Courteau. - Très bien !
Taxes sur le carburant et services départementaux d'incendie et de secours
Mme Catherine Troendlé . - La taxe de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le carburant consommé par les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) dans le cadre de leurs missions est en voie d'être supprimée ou diminuée.
Le 6 mars 2018, vous m'aviez dit qu'il n'était « pas possible au Gouvernement de répondre favorablement à cette demande d'exonération », car cette mesure serait prévue par une directive européenne.
Vous n'avez pas répondu sur le fond, alors qu'il suffirait d'une volonté gouvernementale pour faire évoluer le droit européen, en demandant à Bruxelles de permettre cette exonération pour les SDIS, comme c'est le cas pour certaines catégories, tels les transports publics locaux de passagers - y compris les taxis -, la collecte des déchets, les forces armées, l'administration publique, les personnes handicapées et les ambulances.
En effet, l'article 5 de la directive européenne restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité prévoit ces dispositions.
Si cela est possible pour les forces armées et l'administration publique, pourquoi une demande, justifiée, pour les sapeurs-pompiers, dans le cadre de leurs interventions, serait-elle refusée ?
L'article 19 de la directive autorise un État membre à introduire des exonérations ou des réductions supplémentaires pour des raisons de politique spécifiques.
Le Gouvernement entend-il demander à Bruxelles d'introduire une exonération de la TICPE sur le carburant consommé par les sapeurs-pompiers dans le cadre de leurs missions ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Le Gouvernement souhaite alléger autant que possible les charges qui pèsent sur les SDIS. La TICPE reste dans la marge de manoeuvre des États.
L'article 5 de la directive du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques ne permet qu'une réduction de cette taxe pour les administrations publiques et les forces armées et non pas une exonération ; l'article 19 conditionne une demande particulière visant à abaisser une accise, dans le cadre d'une politique spécifique engagée par un État, à une proposition de la Commission européenne, au Conseil, dont les décisions doivent être prises à l'unanimité, ce que vous avez omis de rappeler - d'où une procédure très longue pour une dérogation temporaire.
D'où la volonté de la France de ne pas transposer l'article 5 et de ne pas activer la procédure prévue à l'article 19. Ce que vous proposez serait dérogatoire à un régime déjà spécifique.
De plus, une partie de la TICPE revient déjà aux départements. Nous souhaitons que le financement des SDIS soit évalué en fonction des besoins de chaque département. C'est le sens des discussions que mène en ce moment le Gouvernement avec l'assemblée des départements de France.
Mme Catherine Troendlé. - Le courage politique, c'est de tenter l'impossible. En dépit de toutes les difficultés que vous avez énoncées, rien n'indique a priori que la Commission européenne ne suivra pas. Quant à la part de financement des conseils départementaux, elle est menacée par la réduction des droits de mutation.
Si le Gouvernement veut faire avancer le dossier, il peut le faire. Qu'il s'en donne les moyens.
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
Travaux de réfection du commissariat de Narbonne
M. Roland Courteau . - Il y a un an, j'attirais l'attention du Gouvernement sur l'urgence de procéder à des travaux de réfection, de réaménagement et de mise en sécurité des locaux du commissariat de Narbonne dans l'Aude. Je soulignais que les effectifs étaient insuffisants. Le ministre m'avait indiqué qu'il avait été demandé « à la Direction générale de la police nationale de faire un point précis sur la situation signalée ». Depuis, plus rien.
En 2016, il y avait 96 membres du corps d'encadrement et d'application actifs (CEA) et 16 adjoints de sécurité. En 2018, avec 91 membres du CEA et 11 adjoints de sécurité, les effectifs ont baissé de 10 unités, alors que le ressort du commissariat est élargi à des quartiers dont la population est en hausse et la délinquance, de plus en plus violente, s'accroît, à Malvési, à Crabit notamment. À cela s'ajoutent l'exiguïté et l'insalubrité des locaux. En avril dernier, à la fin de sa garde à vue, un Narbonnais s'est défénestré du troisième étage ; il est mort sur le coup.
Sous quels délais, les 900 000 euros promis par le préfet en 2016 seront débloqués et les travaux de réaménagement et de mise en sécurité réalisés ? De quels moyens et effectifs supplémentaires sera doté ce commissariat pour que les Narbonnais n'en aient plus honte ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées . - Les policiers travaillent avec courage au service de l'intérêt général, pour appliquer la loi dans des conditions de plus en plus difficiles, qui retiennent toute l'attention du ministre de l'Intérieur que je vous prie d'excuser, et qui s'emploie à leur garantir les moyens d'accomplir leurs missions dans les meilleures conditions d'efficacité et de sécurité.
Le 24 janvier dernier, a été présentée une programmation immobilière ambitieuse pour la police nationale et la gendarmerie, pour un budget de 196 millions d'euros par an pour le triennat, soit 5 % de plus qu'en 2017 ainsi que 45 millions d'euros de crédits déconcentrés pour les travaux d'aménagement et d'entretien, contre 45 millions d'euros en 2016.
Les besoins restent importants. Au commissariat de Narbonne, des avancées ont été enregistrées : en 2018, extension de l'immeuble de 800 mètres carrés et divers travaux, dont l'acquisition de films de protection visuelle. Il reste encore beaucoup de travaux et notamment la réfection du rez-de-chaussée à accomplir.
Une optimisation des locaux sera conduite pour régler les problèmes de confidentialité et de sécurité. Des études doivent être rendues dans les prochaines semaines, sur la base desquelles un financement sera prévu.
Le commissariat de Narbonne dispose de 128 agents contre 121 en 2016.
M. Roland Courteau. - Nous n'avons pas les mêmes chiffres !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. - Cet effectif devrait rester stable avec un nombre de gradés et de gardiens de la paix conforme voire légèrement supérieur à l'effectif de référence.
M. Roland Courteau. - Votre réponse me laisse sur ma faim. Que sont devenus les 900 000 euros annoncés en 2016 ? La situation ne cesse d'empirer. Quant aux effectifs, les syndicats m'annoncent 91 agents, dont 4 ou 5 absents pour raisons de santé, loin des 128 que vous comptabilisez. La mise en place d'un système de vacation forte, proposée par les syndicats, s'appliquerait avec profit. Il fonctionne à Perpignan, à Toulouse et à Nîmes notamment.
Départ de l'Onera du site de Meudon
M. Hervé Marseille . - L'Office national d'études et de recherches aéronautiques (Onera) est une grande entreprise qui constitue un pôle d'excellence pour la recherche française. Or elle dispose de douze hectares dans les Hauts-de-Seine, à Meudon et Châtillon.
Voilà plus de vingt ans que son déménagement est annoncé sans qu'aucune décision ne soit prise, à cause d'une réinvention du mouvement perpétuel, agitant depuis lors le ministère de la Défense, la délégation générale pour l'armement et la direction départementale des finances publiques.
Toutes les conditions semblent à présent réunies pour qu'une décision soit prise. Il ne reste plus qu'à la prendre. Pouvez-vous le confirmer et si oui, préciser en conséquence le calendrier envisagé par le ministère de la Défense dans le cadre du transfert des activités du site de l'Onera et ainsi mettre un terme aux inquiétudes ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées . - L'optimisation de son implantation géographique est l'une des orientations stratégiques du contrat d'objectifs et de performance de l'Onera signé le 14 décembre 2016. Elles prévoient le regroupement des sites de l'Office à Palaiseau. Les trois sites de Meudon, Châtillon et Palaiseau regroupent 1 500 personnes, soit plus de 60 % des effectifs de l'organisme. Un regroupement sur un site unique réduira les dépenses de fonctionnement et renforcera les liens avec les grandes écoles présentes à proximité de Palaiseau, mais aussi avec les institutions scientifiques du plateau de Saclay avec lesquelles la complémentarité est forte.
Le regroupement sera financé pour l'essentiel par les produits de cession des sites de Châtillon et Meudon. Un plan de financement est à l'étude pour lancer le projet sans faire appel à une mobilisation budgétaire externe, donc financée par le produit de cession des terrains de Meudon et Châtillon, avec l'aide d'un prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI). Il doit être validé par les instances compétentes après quoi il faut compter cinq ans pour la réalisation. C'est une estimation : le projet prendra du temps. Patience !
M. Hervé Marseille. - Vos analyses n'apportent rien de nouveau. L'emprunt de la BEI devait être discuté au conseil d'administration de l'Onera en juin prochain. Le prix prévisible de cession des terrains est connu, en fonction de leur constructibilité et de la part de logements sociaux qui sera voulue par le préfet. Mais Bercy a choisi de reporter le dossier. Nous manquons d'une vraie décision de l'État ; les antennes de Meudon et Châtillon s'adapteront. Pour l'instant, les administrations ne font que tergiverser. Il faut y mettre un terme pour prendre enfin une décision.
Encouragement du flamand occidental
M. Jean-Pierre Decool . - Dans une lettre adressée le 31 mars 2017 à certaines associations, notamment de défense du flamand occidental, le candidat Macron s'était engagé à relancer l'adoption de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires.
La décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999 considère que ce texte porte atteinte aux articles premier et 2 de la Constitution, disposant que la République est indivisible et que sa langue est le français. Ces principes interdisent qu'il soit reconnu des droits, par exemple linguistiques, à un groupe humain identifié et distinct du corps national indivisible. Il ne peut exister des droits propres à certaines communautés. Toutefois, l'enseignement bilingue existe au Pays Basque, en Bretagne, en Corse, en Occitanie, en Alsace, dans le pays catalan.
En 2007, une expérience d'enseignement du flamand occidental a été lancée dans six communes des Hauts-de-France, mais n'a pas été étendue : selon le Code de l'éducation, la durée maximale d'une telle initiative est de cinq ans.
Or le flamand occidental n'a pas le statut de langue régionale car on l'assimile au néerlandais. C'est contestable et un institut régional du flamand occidental a été créé au même titre que l'alsacien ; il est doté de 70 000 euros pour financer des actions économiques et culturelles. Le président de cet institut régional de la langue flamande entend lancer des propositions afin de déclencher, de la part des pouvoirs publics, un certain nombre d'initiatives.
S'il ne s'agit pas de revendiquer une langue co-officielle, à l'instar des Corses, ne faudrait-il pas encourager l'apprentissage d'une langue locale qui ne constitue en rien une menace à l'unité de la République, mais représente une démarche culturelle régionale sans être une revendication régionaliste ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées . - Je vous prie d'excuser le ministre de l'Éducation nationale. La préservation et la transmission du patrimoine culturel français sont importantes. Les enseignants du premier et du second degré peuvent faire appel aux langues régionales, dès lors qu'ils en tirent profit pour leur enseignement. L'inscription du néerlandais, proche du flamand occidental, est une priorité de l'académie de Lille, car la connaissance de cette langue permet aux habitants de la zone frontalière de trouver des emplois de l'autre côté de la frontière.
Un travail sur les nuances dialectales et les réalités culturelles du franco-flamand pourrait trouver place dans ce cadre. Les services de l'académie de Lille attendent les conclusions d'une évaluation de cet enseignement. Nous restons attentifs à l'apprentissage du flamand occidental dans les Hauts-de-France.
M. Jean-Pierre Decool. - Votre réponse ne peut satisfaire les défenseurs du flamand occidental, qui est antérieur au néerlandais.
Je me consolerai des propos de Stéphane Bern, dans son émission, « Le village préféré des Français » au sujet de Cassel : il y déclare, en raison de son tropisme belgo-luxembourgeois, une tendresse toute particulière pour les traditions flamandes, notamment les danses des Géants, les Reuze, sur cet air entraînant et cette rythmique si cadencée que l'on ne peut s'empêcher d'y entrer.
M. Jacques-Bernard Magner. - Si Stéphane Bern le dit...
Financement du sport
M. Philippe Madrelle . - Je salue d'abord les exploits passés de la ministre.
Je me ferai le porte-parole de l'incompréhension des responsables de clubs sportifs et de fédérations de Nouvelle-Aquitaine qui doivent faire face à une baisse de 50 % de leurs ressources, à la suite de celle de 22 % des crédits du Centre national pour le développement du sport (CNDS) - baisses annoncées sans concertation et qui s'ajoutent à la réduction des contrats aidés.
Comment pouvez-vous mener une politique ambitieuse - passer d'une nation de sportifs à une nation sportive - alors que de nombreux territoires risquent d'être exclus, entre injuste sélectivité des projets locaux et absence de reconnaissance du bénévolat ? Comment maintenir la mobilisation du mouvement sportif ? La récente décision de dégager 5,6 millions d'euros pour les clubs en difficulté ne suffit pas.
Madame la Ministre, rassurez les responsables des Comités olympiques de Nouvelle-Aquitaine et de Gironde !
Mme Laura Flessel, ministre des sports . - Nous avions besoin de cohérence et de lisibilité. C'est pourquoi le CNDS a été recentré sur son coeur de métier : l'appui aux collectivités territoriales et au mouvement sportif pour le développement du sport pour tous, l'innovation sociale grâce au sport. La part territoriale doit être plus sélective pour éviter le saupoudrage et réduire les inégalités territoriales, sachant que certains territoires n'ont aucune infrastructure sportive.
J'ai entendu les inquiétudes et une enveloppe exceptionnelle de 5,6 millions d'euros sera allouée dès juin par le CNDS ; les clubs en difficulté seront identifiés par les délégués territoriaux des CNDS dans le cadre des commissions territoriales.
Je compte bien atteindre les objectifs qui m'ont été fixés - 3 millions de nouveaux pratiquants - main dans la main avec les collectivités et les acteurs du mouvement sportif. J'ai lancé en janvier un plan de gouvernance du sport associant les acteurs économiques pour résorber les inégalités.
M. Philippe Madrelle. - Les propos de Mme la ministre sont encourageants ; je lui fais confiance.
Statut des psychologues
Mme Laurence Cohen . - Deux expérimentations relatives à la prise en charge par l'assurance maladie de suivis psychologiques sont en cours : l'une, Écout'Émoi, sur la prise en charge des consultations psychologiques des jeunes de 11 à 21 ans ; l'autre, sur la prise en charge des thérapies non médicamenteuses des troubles d'intensité légère à modérée chez l'adulte de 18 à 60 ans.
Les psychologues ne sont pas associés à ces démarches malgré la lettre ouverte qui vous a été adressée en janvier dernier. Pourquoi les soumettre à un pilotage médical qui détermine, prescrit et contrôle les actes des psychologues ? La profession y voit une marque de mépris, un manque de reconnaissance, une mise sous tutelle. Les psychologues, pourtant reconnus par la loi de modernisation de notre système de santé, ne seraient-ils pas légitimes pour évaluer la souffrance psychique et proposer des solutions ? De plus, le taux de remboursement des consultations, entre 22 et 32 euros, est bien trop faible.
Comment allez-vous associer les psychologues aux expérimentations pour sortir de la vision médico-centrée de la prise en charge ? Allez-vous prendre en compte la pétition signée par 9 000 personnes ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Actuellement, l'assurance maladie ne rembourse que les consultations chez un psychiatre, sur prescription médicale.
L'expérimentation Écout'Émoi vise à développer l'information en santé mentale des jeunes, à évaluer la souffrance psychique pour prescrire si besoin des consultations chez des psychologues cliniciens en libéral, prises en charge par l'assurance maladie. Pour des troubles plus importants, les psychiatres resteront en première ligne. Tous les professionnels au contact des jeunes seront impliqués. L'expérimentation concerne l'Ile-de-France, le Grand-Est et les Pays-de-la-Loire.
Une seconde expérimentation, en Haute Garonne, dans le Morbihan et les Bouches du Rhône, porte sur la prise en charge des thérapies non médicamenteuses pour les adultes souffrant de troubles dépressifs ou anxieux. Une évaluation scientifique permettra d'élaborer des recommandations en cas de généralisation.
L'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 permet d'intégrer les actes des psychologues dans le parcours de santé des patients, dans un cadre expérimental, avec une tarification adaptée.
Mme Laurence Cohen. - Les psychologues ne se sentent pas associés à ces démarches. Madame la Ministre, recevez-les et associez-les aux évaluations scientifiques dans les comités d'experts.
La profession - 36 000 personnes, surtout des femmes, avec une grande précarité des statuts - n'est pas reconnue à sa juste valeur. Sa revalorisation doit être salariale et statutaire.
Situation dans les Ehpad du Puy-de-Dôme
M. Jacques-Bernard Magner . - Les Ehpad publics du Puy-de-Dôme accueillent des personnes qui, auparavant, étaient en long séjour ou en secteur gériatrie de l'hôpital public. L'âge moyen d'entrée recule : il est de 87,16 ans, ce qui correspond à une dépendance marquée. Pour garantir la bientraitance de nos aînés, il faut des moyens en personnel et en équipement.
Or, malheureusement, les budgets des établissements sont sans cesse impactés par les baisses de dotations venant de l'Agence régionale de santé (ARS), du fait de la nouvelle réforme de la tarification, et la diminution du nombre des contrats aidés par l'État n'a fait qu'accroître les difficultés dans les établissements.
Il est de plus en plus difficile de recruter des directeurs formés : ceux-ci préfèrent les postes importants en zone urbaine et les établissements de taille modeste en zone rurale sont délaissés. Face à l'absence de moyens, les personnels se sont mis en grève les 30 janvier et 15 mars. Vous avez annoncé une neutralisation pour 2018 et 2019 des effets des baisses de recettes. Madame la Ministre, qu'allez-vous faire pour qu'aucun Ehpad ne soit perdant ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - La réforme des tarifs soins et dépendance a été engagée avant mon arrivée. Je me suis engagée au maintien des ressources financières pour 2018-2019 et j'ai nommé un médiateur, M. Ricordeau.
Des travaux vont s'engager avec les fédérations d'Ehpad et l'Assemblée des départements de France pour que les départements fixent un tarif dépendance plus adapté aux besoins de leur territoire.
La montée en charge de la réforme de la tarification des soins, issue de la loi du 28 décembre 2015, était prévue jusqu'en 2023. J'ai demandé que l'ensemble des établissements atteignent leur tarif cible d'ici à 2021. Cela implique un effort supplémentaire de 143 millions d'euros, qui s'ajoute aux moyens prévus pour le recrutement de personnel soignant.
Dans le Puy-de-Dôme, l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes aura une enveloppe de 128 millions d'euros pour opérer une double neutralisation des convergences négatives : onze établissements sont concernés sur la part soins, 32 sur la part dépendance.
M. Jacques-Bernard Magner. - Merci de votre réponse encourageante. Reste que les responsables d'Ehpad formés, à l'image des grands footballeurs, sont incités à exercer leurs compétences dans les établissements les plus rémunérateurs. Les établissements publics ruraux en souffrent. (M. Roland Courteau approuve.)
Société commerciale MédecinDirect
Mme Florence Lassarade . - La société commerciale MédecinDirect revendique 1 600 téléconsultations par mois. Des médecins y sont joignables par mail ou par téléphone vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept pour diagnostiquer et rédiger une ordonnance. Or l'article R. 4127-19 du code de la santé publique dispose que « la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce ». La téléconsultation médicale est inscrite à l'article R. 6316-1 du même code, qui lui donne « pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. » La loi dit qu'une téléconsultation est une consultation à distance qui permet au professionnel de santé de réaliser une évaluation globale du patient. Or, avec MédecinDirect, le patient et le médecin s'écrivent ou se parlent mais ne se voient jamais.
Cette société commerciale est-elle un établissement de santé soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé (ARS) ? Le cas échéant, une ARS est-elle en mesure d'autoriser une société commerciale relevant du code du commerce à prodiguer des actes médicaux ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - La société MédecinDirect a signé un contrat de télémédecine avec l'ARS Île-de-France le 14 décembre 2015, renouvelé le 14 décembre dernier. Elle a débuté ses activités de télémédecine en septembre 2016, après autorisation de la CNIL.
Ses principaux clients sont des assureurs complémentaires santé et mutuelles pour le compte de leurs adhérents. Il n'y a donc aucun reste à charge pour le patient.
La délivrance d'un conseil ou d'une information, même assortie d'une prescription, n'entre pas dans le champ d'application de la télémédecine. Le contrat décline les orientations régionales du projet régional de santé, notamment l'accessibilité des soins et le développement des téléconsultations.
L'article 54 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 précise que les actes de téléconsultations remboursés par l'assurance maladie sont effectués par vidéotransmission. A contrario, la vidéotransmission n'est pas une obligation dans les téléconsultations non prises en charge par l'assurance-maladie. Enfin, ces téléconsultations sont soumises aux règles de l'exercice de la médecine en France.
Mme Florence Lassarade. - Je vous remercie. Attention à ne pas marchandiser la santé...
Dépistage néonatal de la drépanocytose
M. Georges Patient . - C'est aujourd'hui la journée mondiale de la drépanocytose. Reconnue quatrième priorité de santé publique par l'ONU depuis 2008, cette maladie génétique touche 50 millions de personnes dans le monde. En France, elle concerne 26 000 malades et plus de 150 000 porteurs sains et constitue la première maladie génétique. Difficile de parler de maladie rare.
Longtemps appelée « maladie des noirs », la drépanocytose est également présente sur le pourtour méditerranéen ou en Inde mais également, héritage du commerce triangulaire, sur le continent américain. Les outre-mer sont particulièrement touchés : 2 000 malades en Guyane, autant en Martinique, 1 500 en Guadeloupe, 40 000 porteurs sains dans chacun des départements et régions d'outre-mer.
II n'existe à ce jour pas de traitement curatif. Le dépistage néonatal est indispensable. En 2000, la France instaurait un dépistage à la naissance, systématique dans les outre-mer, ciblé dans l'Hexagone en fonction de l'origine des parents.
Comment pouvons-nous encore laisser des enfants en souffrance ? En 2009, le plan Santé outre-mer de Mme Bachelot reconnaissait que cette maladie n'avait pas reçu l'attention qu'elle méritait. Madame la Ministre, vous qui êtes hématologue, faites de cette maladie une grande cause nationale. Systématisez le dépistage néonatal sur tout le territoire !
J'attire votre attention, enfin, sur la situation de l'hôpital de Cayenne, et toute particulièrement des urgences. Demain se tiendra une importante réunion de sortie de crise.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - La drépanocytose est la maladie génétique la plus fréquente en France. Malgré les progrès de la prise en charge, avec la vaccination et les transfusions sanguines, ses conséquences sont très lourdes.
La lutte contre la maladie passe par un dépistage aussi précoce que possible. En France, le dépistage de la drépanocytose est généralisé chez tous les nouveau-nés depuis 1989 dans les départements et régions d'outre-mer ; en métropole, il est réalisé depuis 1995 en fonction de l'origine des parents.
La direction générale de la santé a envisagé en 2014 une généralisation sans considération d'origine. La Haute Autorité de santé estimait alors que le dispositif existant était suffisant. Depuis, des études ont été réalisées à Necker et le Défenseur des droits a préconisé ce dépistage généralisé à titre expérimental en Île-de-France, où la prévalence est élevée. J'ai saisi à nouveau la HAS pour savoir si elle pouvait réviser son avis de 2014.
Quant à l'hôpital de Cayenne, nous suivons attentivement le dossier.
M. Georges Patient. - Je vous remercie. Il importe de trouver une sortie de crise à l'hôpital de Cayenne.
Pénurie de médicaments (I)
M. Dominique Watrin . - On constate des difficultés croissantes dans l'approvisionnement des pharmacies, y compris à l'hôpital, quand il ne s'agit pas tout simplement de ruptures de stocks, pendant parfois plusieurs mois : 391 cas de rupture de stocks de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur en 2015, 530 en 2017.
La demande mondiale explose dans un contexte de fusion des laboratoires et de baisse des capacités de production. La dépendance au marché mondial a également des effets sur la fourniture en matières premières. Le laboratoire Mylan qui produit l'antibiotique Augmentin a ainsi annoncé sa volonté de se consacrer à l'export, plus rémunérateur. Il y a aussi des pénuries de médicaments dérivés du sang entraînant des retards de cure et une hiérarchisation des priorités. Cette situation incite les instances à avoir recours à des spécialités équivalentes destinées à d'autres marchés, avec des notices qui ne sont pas en français. Les vaccins également sont concernés.
C'est toute la chaîne du médicament qu'il faut repenser, pour faire respecter leurs engagements aux laboratoires et limiter les surcoûts pour nos hôpitaux. Ne peut-on confier la production des médicaments stratégiques au secteur public, dans un premier temps autour du laboratoire de Nanterre et, à plus long terme, en constituant un vrai service public du médicament ? Réfléchissons à notre indépendance sanitaire !
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - L'approvisionnement en médicaments est un objectif de santé publique. Dans certains cas, je pense aux anticancéreux, l'indisponibilité entraine une mise en jeu du pronostic vital et une perte de chance.
Le pôle Établissements pharmaceutiques-APHP de l'Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) joue un rôle clé dans la recherche, le développement, la production et la mise à disposition de médicaments indispensables répondant à des situations rares, non prises en charge par l'industrie pharmaceutique, ou de médicaments nécessitant une adaptation galénique. Mais l'AGEPS n'a pas pour mission de couvrir le marché français et ne peut fabriquer de médicaments qui disposent d'une autorisation de mise sur le marché exploitée dans le secteur concurrentiel.
Par ailleurs, la production par un établissement public ne garantirait pas contre des pénuries qui sont souvent mondiales - ainsi d'un anti-coagulant produit à partir de saumon pêché dans la zone de Fukushima -, ou d'un problème dans la chaîne de production.
M. Dominique Watrin. - Il faudrait revenir aux règles élémentaires du code des marchés publics et prévoir qu'un laboratoire assume lui-même les surcoûts correspondants à la non-prise en charge de la production d'un médicament considéré comme indispensable.
Ne faudrait-il pas imposer une relocalisation de la fabrication en France ou en Europe ? L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ne pourrait-elle imposer aux laboratoires étrangers les mêmes normes drastiques qu'elle impose en France ?
Dans le Quotidien du médecin, un médecin dénonce une véritable gabegie, des laboratoires qui interrompent leur production sans informer les médecins qui se retrouvent désarmés face à la colère des patients...
Pénurie de médicaments (II)
Mme Corinne Imbert . - La hausse des ruptures d'approvisionnement et de stock dans les pharmacies d'officine et dans les établissements de santé a de graves conséquences en matière de santé publique, au point de provoquer la mise en jeu du pronostic vital du patient. En 2015, 391 traitements étaient indisponibles, ce chiffre s'élève à 530 pour 2017.
La moitié des Français a déjà été confrontée à une rupture de stock ou d'approvisionnement. Dans un cas sur cinq, ces pénuries concernent un vaccin ; des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur sont également concernés.
Dès 2015, L'ANSM lançait l'alerte ; en Charente-Maritime, 4 % des médicaments sont en rupture de stock. La France est dépendante de l'approvisionnement en matière première et de la production de nombreux médicaments en Asie, et victime de la production en flux tendu. Ce problème est accru en France car le prix des médicaments y est faible et les laboratoires privilégient les autres pays. Que va faire le Gouvernement pour endiguer ce phénomène ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Le nombre de ruptures et de risques de rupture de médicaments s'est accru en France depuis 2008 : c'était alors 44 médicaments qui étaient touchés, 530 aujourd'hui. En cause, l'approvisionnement en matière première, les défauts de qualité lorsqu'une seule chaîne de production existe dans le monde ou les changements concernant les autorisations de mise sur le marché. Ces difficultés ne sont pas propres à la France, le prix des médicaments n'est donc pas en cause.
En réponse à ces difficultés, la France a mis en oeuvre des mesures de prévention. Depuis 2016, les exploitants ont notamment pour obligation de se doter de plans de gestion de la pénurie pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur et de les soumettre à l'ANSM. Deux arrêtés des 26 et 27 juillet 2016 ont respectivement fixé la liste des vaccins et celle des classes thérapeutiques concernées.
Mme Corinne Imbert. - Je sais que vous ne prenez pas le sujet à la légère. Mais dans les faits, les pharmacies ont du mal à obtenir des informations auprès des laboratoires. Aujourd'hui les ruptures relèvent du quotidien pour les répartiteurs et les pharmacies d'officine.
Conditions d'accueil dans les Ehpad
Mme Christine Herzog . - Les conditions d'accueil des personnes âgées dans les Ehpad se dégradent de jour en jour, conséquence de l'insuffisance des moyens financiers, matériels et en personnel, et du nombre croissant de personnes très âgées, souvent grabataires, qui y sont accueillies. Or si la France est aujourd'hui un pays développé, c'est grâce au travail des générations qui nous ont précédés - sans 35 heures, ni RTT, ni cinq semaines de congés payés. Que les personnes âgées soient accueillies et accompagnées dans des conditions satisfaisantes est une obligation morale.
Hélas, les gouvernements successifs n'ont pas débloqué les moyens nécessaires. En Moselle, s'ajoute une insuffisance de places disponibles. En effet, à l'époque de la sidérurgie et des houillères, le département avait une population jeune, aujourd'hui entrée dans le troisième âge ; il faut désormais un effort de rattrapage. Comment répondre aux besoins qualitatifs sur tout le territoire et aux besoins quantitatifs particuliers à certains départements comme la Moselle ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - C'est vrai, les gouvernements successifs n'ont pas déployé les moyens nécessaires... Notre pays n'a pas encore trouvé un vrai modèle de prise en charge de la perte d'autonomie. Le vieillissement doit pourtant être anticipé. J'ai annoncé des moyens supplémentaires : 15 millions d'euros seront alloués en 2018 pour le financement de plans de prévention en Ehpad, 30 millions d'euros à partir de 2019 ; 100 millions d'euros seront débloqués pour la refonte du financement de l'aide à domicile. Mille places d'hébergement temporaire pour les personnes sortant d'hospitalisation seront financées par l'assurance maladie à hauteur de 15 millions d'euros dès 2019. S'y ajoute un effort de 40 millions pour généraliser la télémédecine en Ehpad et le recrutement d'infirmières de nuit dans tous les établissements à compter de 2020.
En Moselle, le plan de rattrapage engagé par l'ARS prévoit 455 places supplémentaires dans le bassin houiller, dont 163 en Ehpad et 69 en soins infirmiers à domicile. À Thionville, 275 places seront ouvertes d'ici 2021. L'effort se poursuit, ainsi que la transformation de l'offre via les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens.
Mme Christine Herzog. - En septembre, un rapport parlementaire suggérait des évolutions de tarifs et une revalorisation du métier d'aide-soignant. Il convient de prendre en compte ces propositions.
Compteurs Linky et maîtrise de la consommation d'énergie
Mme Frédérique Espagnac . - Dans son rapport, la Cour des Comptes souligne que le coût du déploiement des compteurs Linky est couvert dans « des conditions avantageuses pour Enedis » par les consommateurs, tout en relevant les insuffisances techniques du compteur. La Cour rejoint les conclusions de UFC-Que choisir : les informations auxquelles auront accès les utilisateurs sont insuffisantes pour faire de Linky un véritable outil de maîtrise de la consommation. L'affichage déporté est limité aux seuls ménages précaires et les portails Internet n'offrent pas une information détaillée et circonstanciée. La connaissance par l'usager de sa consommation électrique est pourtant le préalable à toute action de maîtrise de celle-ci.
Dès 2010, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) demandait un afficheur déporté, solution d'informations en temps réel en kilowattheure et en euros, sur le modèle britannique. Le Médiateur national de l'énergie a également plaidé pour la généralisation d'un tel dispositif, réclamé par plus de 150 000 pétitionnaires.
Que compte faire le Gouvernement pour faciliter l'accès des consommateurs au suivi en temps réel de leur consommation d'énergie ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Les compteurs Linky sont un outil au service de la transition énergétique. Fin avril, Enedis en avait installé 10,6 millions. Le compteur communicant évite les facturations estimées, favorise le développement des énergies renouvelables, l'autoconsommation et améliore la gestion du réseau.
Chaque consommateur a accès à ses historiques de consommation électrique sur le site internet d'Enedis. Il est vrai que les données sont fournies en termes d'énergie consommée, et non en euros. Les afficheurs déportés méritent d'être développés.
Plusieurs fournisseurs proposent déjà des offres associant de tels dispositifs et des entreprises indépendantes commencent également à commercialiser de tels produits. Nous allons dans la bonne direction.
Mme Frédérique Espagnac. - Pas moins de 35 millions de compteurs vont être installés, pour le plus grand bénéfice du principal opérateur. Cela implique des devoirs envers les consommateurs. J'ai soutenu, et je l'assume, certains maires opposés à l'installation de ces compteurs. Certaines installations ont été opérées de force ou en l'absence de l'utilisateur.
Les dangers pour la santé sont encore mal évalués, notamment pour les personnes équipées d'un pacemaker, comme mon père. Le Gouvernement doit s'assurer qu'Enedis respecte ses engagements.
Chômeurs seniors
M. Yves Détraigne . - Le Gouvernement actuel, comme le précédent, veut favoriser le retour à l'emploi des seniors ; le « plan senior » lancé à l'occasion de la grande conférence sociale de juillet 2014 doit le permettre.
Or j'ai reçu de nombreux témoignages de seniors qui, sortis de l'emploi et malgré une recherche active, ne trouvent pas d'employeurs prêts à les embaucher à un an ou deux ans de la retraite. Ils deviennent la « cible » de Pôle Emploi qui leur demande de prospecter dans d'autres domaines que celui de leurs compétences, de baisser leurs prétentions salariales ou encore de suivre des formations pour ne pas être radiés des fichiers.
À quelques mois de la retraite, il n'est ni réaliste ni socialement justifié de leur imposer des actions de recherche active d'emploi ou la participation à une formation inutile et souvent coûteuse.
Le Gouvernement entend-il, à l'occasion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, rétablir la dispense de recherche d'emploi dont bénéficiaient certains demandeurs d'emploi âgés de 57 ans et plus jusqu'au 1er janvier 2012 ou, tout du moins, étudier un aménagement ? Pôle Emploi pourrait ainsi concentrer ses forces sur d'autres catégories de chômeurs.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Veuillez excuser l'absence de Mme Muriel Pénicaud, retenue. L'accès à l'emploi, le maintien dans l'emploi et le retour à l'emploi sont un axe majeur de la politique du Gouvernement. La croissance doit être non seulement riche en emploi mais aussi inclusive.
C'est le sens de la rénovation profonde de notre modèle social que Mme Muriel Pénicaud a engagée avec les ordonnances pour le renforcement du dialogue social et poursuit avec le projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel qui sera voté à l'Assemblée nationale cet après-midi. Nous souhaitions mettre en place une protection universelle, simple et efficace dans un contexte où 50 % des emplois se transformeront dans les dix ans à venir. Cela passe par un accès facilité aux compétences. C'est pourquoi, en complément de l'effort sans précédent des 15 milliards d'euros du plan d'investissement dans les compétences, nous transformons le système de la formation professionnelle pour le rendre plus réactif, plus lisible et plus juste.
Quant à l'assurance chômage, nous expérimentons un journal de bord qui permettra à nos concitoyens de mieux préparer leurs entretiens avec les conseillers. Rétablir une dispense de recherche d'emploi accélérerait le retrait des seniors du marché du travail.
M. Yves Détraigne. - Vous avez la foi... Il n'est pas interdit d'espérer ; et encore moins, de réussir. Je crains, cependant, qu'on dépense beaucoup d'énergie pour des personnes à deux ans de la retraite avec des résultats minces.
Pollution dans le golfe de Fos-sur-Mer
Mme Mireille Jouve . - Depuis de nombreuses années, élus et habitants attirent l'attention du Gouvernement sur les conséquences sanitaires de la forte concentration d'industries lourdes dans le golfe de Fos. Le bassin industrialo-portuaire de Fos s'étend sur 10 000 hectares et regroupe près de 40 000 salariés au sein de 200 entreprises. On y recense pas moins d'une trentaine de sites classés Seveso. Depuis quatre décennies, 100 000 habitants sont exposés aux dangers sanitaires qu'une telle activité est susceptible de faire courir. L'ARS a reconnu que les populations étaient surexposées quotidiennement aux dioxines, au benzène et au plomb.
Élus locaux et parlementaires sont conviés la semaine prochaine à Istres pour la restitution du rapport réalisé par le Conseil général de l'environnement et du développement durable. Que compte faire le Gouvernement pour faire face à cette inégalité environnementale et sanitaire et en limiter les effets ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - M. Hulot, en Allemagne, m'a chargée de vous répondre. Je tiens à vous assurer de la grande vigilance du Gouvernement sur cette question, sur laquelle j'ai échangé plusieurs fois avec le préfet. Le Conseil général de l'environnement et du développement durable a été saisi, il rendra son rapport cet été. Il faut poursuivre l'effort de réduction des émissions industrielles engagé ces dix dernières années. Nous avons demandé au préfet d'établir, en lien avec les industriels, un plan à cette fin.
L'Association de défense et de protection du littoral du golfe de Fos a réalisé une étude sur les produits AOC du département à partir de prélèvements effectués entre 2009 et 2015. La conclusion est que les polluants détectés dans les denrées alimentaires d'origine animale sont imputables à l'activité industrielle. Sur l'ensemble des échantillons prélevés et analysés, seuls deux résultats dépassent les seuils. Sur les 40 prélèvements effectués par les services de l'Agriculture sur des denrées alimentaires en 2017, tous les résultats obtenus sont conformes aux teneurs maximales.
Pour autant, aucun risque vis-à-vis des populations ne doit être négligé. Une campagne de prélèvements et d'analyses sera réalisée à proximité des installations industrielles du golfe de Fos. Nous avons saisi l'Anses pour définir la méthodologie de prélèvement de cette campagne.
Mme Mireille Jouve. - Merci pour ces précisions. Je serai bien évidemment à Istres la semaine prochaine pour entendre les conclusions du rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable. Nous devons redoubler de vigilance et ne pas attendre que les seuils soient dépassés.
Restructuration de Météo-France
Mme Élisabeth Lamure . - Dans le cadre du programme « Action publique 2022 », il est envisagé la fermeture de plusieurs centres de Météo-France, la suppression de 500 postes et une baisse du budget de l'opérateur de 2 %. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, cela ne sera pas sans conséquence sur la station de Lyon-Bron : elle devra assumer les activités des centres fermés avec moins de personnel et de budget.
Agriculteurs, entreprises, collectivités utilisent les analyses de Météo-France quotidiennement. On peut craindre une baisse de leur qualité. À la lumière de l'exemple lyonnais, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant le devenir de Météo-France et, plus largement, sur le programme « Action publique 2022 » ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Le Gouvernement, très attentif à la qualité du service public que rend Météo-France, souhaite l'améliorer en y incorporant les progrès technologiques et scientifiques accomplis ces dernières années. Parallèlement, il convient de maîtriser la dépense publique en rationalisant les moyens de l'État et de ses opérateurs. C'est pourquoi le Gouvernement a demandé au directeur de Météo-France de réaliser un plan global. Il est prévu de conforter les moyens de calcul de haute performance de l'établissement, ce qui se traduit budgétairement, pour une anticipation plus fine des risques en montagne. Le contrat d'objectifs et de performance 2017-2021 confirme cette orientation, il propose une structuration du réseau territorial autour de sept centres météorologiques interrégionaux - Lyon-Bron pour les prévisions sur le Cantal, la Drôme et le Puy-de-Dôme. Le Gouvernement veillera à la conduite de cette évolution par Météo-France ; en même temps, il sera attentif à l'évolution des effectifs, des besoins et des moyens technologiques de l'opérateur.
Mme Élisabeth Lamure. - Je ne sais pas si votre réponse rassurera en Auvergne-Rhône-Alpes. Le Sénat n'a cessé d'alerter sur la dégradation de la cohésion des territoires, espérons qu'il sera entendu quand sera mis en place le plan « Action publique 2022 ».
Réglementation relative au travail en hauteur
M. Cédric Perrin . - Me voici obligé de poser une question très technique sur la réglementation du travail en hauteur faute d'avoir obtenu une réponse : aucune au courrier que j'avais envoyé avec le sénateur Brisson, aucune à ma question écrite non plus.
La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) de Bourgogne Franche-Comté impose, lors de la construction d'un bâtiment, des dispositifs de sécurité antichute permanents, normalisés et non rabattables au niveau des accès et des périphéries des toitures planes des bâtiments. Or l'article R. 4323-59 du code du travail prévoit que la prévention des chutes de hauteur est assurée : « soit par des garde-corps intégrés ou fixés de manière sûre, rigides et d'une résistance appropriée, soit par tout autre moyen assurant une sécurité équivalente ». Il n'existe donc aucune obligation d'installer des garde-corps permanents et non rabattables, la Cour de cassation l'a rappelé récemment.
Un agent, sans doute zélé, de la Carsat de Bourgogne Franche-Comté en a décidé autrement ; il applique, à ceux qui ne se conforment pas à sa décision, des majorations de cotisations pouvant aller jusqu'à 200 % et des sanctions qui sont souvent insupportables pour les collectivités. Le Gouvernement peut-il rappeler quelle est la règle à cette Carsat ? Nous, nous n'y parvenons pas.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Je vous réponds à la place de Muriel Pénicaud qui ne pouvait être présente.
Les chutes liées au travail en hauteur sont la troisième cause de mortalité au travail : 13 % des décès sur les accidents du travail recensés en 2016. Elles ont été classées parmi les risques prioritaires à prévenir dans le troisième plan « santé au travail ». Selon le code de la sécurité sociale, les Carsat peuvent inviter les employeurs à prendre toutes les mesures de prévention qu'elles estiment utiles. Le Conseil d'État a confirmé leur large pouvoir de recommandation et de sanction, utile pour adapter les moyens de prévention au terrain.
M. Cédric Perrin. - La Carsat aurait donc toute latitude pour interpréter les textes que nous votons ? Les interprétations varient selon les départements et selon le zèle des agents, ce qui renforce le risque d'insécurité juridique. Si le travail en hauteur doit être réglementé et le risque de chute prévenu, est-il justifié de forcer les architectes à installer une seconde barrière non rabattable en plus de la première déjà installée ? J'espère que nous trouverons une solution, sinon nous irons devant les tribunaux.
Désengorgement de l'axe autoroutier entre Bordeaux et Biriatou
M. Max Brisson . - Sur l'A63, de Bordeaux à la frontière espagnole, circule près de 40 000 véhicules par jour, dont 9 000 poids lourds avec un risque accidentogène très élevé. D'autres solutions doivent être proposées : l'autoroute de la mer entre Gijón et Nantes labellisée en 2015 mais il n'est effectué que deux à trois liaisons par semaine ; le ferroutage - quelles sont les suites de l'appel à manifestation d'intérêt ? ; et, enfin, la réouverture de la ligne ferroviaire Pau-Canfranc-Saragosse, cheval de bataille du président Alain Rousset.
Cela étant, ces solutions, aussi pertinentes soient-elles, ne délesteront l'A63 que d'une partie réduite de son trafic. Le réseau espagnol qui relie Saragosse à son port débouche malheureusement, côté français, sur la route nationale 134, une infrastructure qui n'est pas à la hauteur du trafic routier. Il y a urgence à la moderniser et la sécuriser, cela délesterait à terme le trafic de l'axe entre Hendaye et Bordeaux. Le Gouvernement entend-il développer ces axes, par quelles mesures et selon quel calendrier ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Veuillez excuser Mme Élisabeth Borne, qui a été retenue. L'État, conscient des enjeux de sécurité et d'environnement liés au trafic routier, veut moderniser et adapter le réseau au sud de Bordeaux. La section de l'A63 entre Ondres et Biarritz a été réaménagée en deux fois trois voies ; le tronçon jusqu'à Biriatou, en travaux, sera mis en service au second semestre de 2018.
La modulation des tarifs de péage en fonction de la norme Euro des véhicules appliquée sur la section centrale de l'A63 constitue une incitation supplémentaire à la modernisation des flottes de poids lourds.
Au-delà, la France est engagée aux côtés de l'Espagne pour limiter la circulation des poids lourds sur les axes routiers pyrénéens. Un accord a été conclu en 2009 pour développer une autoroute de la mer sur la façade atlantique. La France et l'Espagne collaborent aussi depuis 2015 sur la création d'autoroutes ferroviaires sur la façade atlantique et la façade méditerranéenne des Pyrénées. Enfin, un appel à manifestation d'intérêt a été effectivement lancé ; des réponses sont attendues pour la fin du mois de juillet.
M. Max Brisson. - Je crains que l'aménagement de l'A63 ne suffise pas. Le ferroutage, c'est bien mais je suis dubitatif sur votre volonté de ne pas développer d'autres axes routiers ; il n'y aura pas de solution durable si l'on ne met pas aux normes la RN 134.
Lignes à grande vitesse en Occitanie
Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Le Conseil d'orientation des infrastructures, le COI, a publié un rapport en février 2018 qui confirme l'utilité et la nécessité des lignes LGV Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Béziers-Perpignan.
À présent, l'enjeu est leur réalisation dans des délais qui répondent aux besoins de nos concitoyens. Les pistes de financements nouveaux portées par les collectivités sont en grande partie reprises dans les préconisations du COI. L'équation n'est plus technique ou financière mais bien politique, ce qui renvoie aux choix qui seront faits dans la future loi d'orientation des mobilités. La ligne LGV Bordeaux-Toulouse comme la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan doivent s'inscrire dans le scénario n°3, le plus volontariste, du rapport. Il faut répondre aux difficultés de déplacement des six millions d'habitants de l'Occitanie. Ce problème date de trente ans.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Veuillez excuser l'absence de Mme Borne, retenue. La LGV Bordeaux-Toulouse est essentielle. Priorité doit être donnée aux aménagements des noeuds ferroviaires de Bordeaux et Toulouse, qui constituent un préalable à la réalisation de la ligne nouvelle ; cela permettra aussi de redonner de la régularité aux transports du quotidien.
Le projet de ligne nouvelle Montpellier-Perpignan doit répondre à la demande croissante de mobilité et aux problèmes de congestion qui en découlent, sur l'axe ferroviaire du Languedoc-Roussillon. Il permettra aussi de créer un service à haute fréquence et d'assurer, à terme, la continuité de la grande vitesse ferroviaire entre la France et l'Espagne. Le principe d'une réalisation phasée a été acté ; la première étape sera la liaison mixte, fret et voyageurs, entre Montpellier et Béziers.
Le total représente un investissement de près de 8 milliards d'euros. Le calendrier sera mis en regard des ressources qui pourront être mobilisées, en tenant compte des besoins de régénération du réseau existant. Vous aurez l'occasion d'en débattre bientôt, lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur les mobilités.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Je veux rappeler que la métropole de Montpellier voit sa population croître de 1 500 habitants par mois. La nouvelle ligne est indispensable d'autant qu'elle reliera Barcelone.
Désenclavement du Grand Ouest
M. Guillaume Chevrollier . - La mobilité est essentielle pour développer un territoire. Dans les Pays de la Loire, beaucoup de projets structurants ont été mis au tapis, à commencer par Notre-Dame-des-Landes, et nous devons repenser notre stratégie : le parc de développement économique Laval-Mayenne est un projet majeur. Il suppose des aménagements pour une liaison directe avec l'A81 et un embranchement ferroviaire. L'échangeur a été retenu par le Gouvernement en 2016. L'Arafer a rendu un avis réservé le 14 juin 2017. Depuis un an, les élus attendent une décision de l'État. Où en est-on ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Dans le projet de loi sur les mobilités, le Gouvernement présentera des pistes adaptées à tous les territoires, et en particulier aux territoires qui ont besoin d'être désenclavés.
S'agissant du réseau routier national, les moyens consacrés dans les contrats de plan État-région aux axes desservant les villes moyennes et les territoires ruraux doivent être maintenus. Le montant exact de ces programmes sera proposé dans le projet de loi d'orientation des mobilités.
S'agissant du ferroviaire, le COI a érigé en priorité la mise à niveau du réseau existant. Le Gouvernement s'est engagé à ne pas suivre le rapport Spinetta et à ne pas fermer les petites lignes.
À la suite de l'abandon de Notre-Dame-des-Landes, une consultation avec les élus locaux, menée par Francis Rol-Tanguy, a été lancée. Les conclusions seront connues dans quelques jours. Sur leur base, Mme Borne proposera des mesures pour le Grand Ouest.
M. Guillaume Chevrollier. - Vous apportez une réponse générale à une question qui était précise : un embranchement ferroviaire et une liaison directe avec l'A81 pour le parc Laval-Mayenne. La Mayenne, département rural, a besoin d'être connectée. La mise à niveau de la RN 162 n'est peut-être pas une priorité pour le Gouvernement mais elle l'est pour le département ; il y a un enjeu de départementalisation, nous attendons la réponse du Gouvernement. La desserte ferroviaire de Laval doit être évidemment maintenue mais manque un aéroport de proximité. C'est en répondant à ces questions que l'on développera l'attractivité du territoire.
Équipement des lieutenants de louveterie
Mme Patricia Morhet-Richaud . - Alors que les troupeaux gagnent les alpages, je souhaiterais avoir des précisions sur le plan national d'action 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage, qui prévoit la mise en place d'une série de mesures visant à contenir la population lupine dans le but de préserver l'activité d'élevage.
Dans ce cadre, les départements concernés par les dommages de loups doivent être dotés d'une équipe de louvetiers. Ces lieutenants de louveterie, nommés par le préfet, concourent sous son autorité à la réalisation de missions d'ordre public en matière de gestion de la faune sauvage et leur rôle est essentiel dans la mise en oeuvre des tirs de défense renforcée et des tirs de prélèvement.
Pourtant, l'efficacité des interventions de ces bénévoles dépend des moyens concédés. En effet, pour que les tirs soient efficaces, ils doivent être effectués la nuit avec du matériel adapté tel que les caméras thermiques. Des crédits seront-ils mis à la disposition des préfets ? Sur quelle dotation seront-ils mobilisés ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Le nouveau plan loup et activités d'élevage, décidé en février dernier, vise à concilier maintien du pastoralisme et protection de l'espèce. L'équilibre est difficile. Les mesures de protection sont financées à 80 % et un observatoire a été créé. Des expérimentations seront mises en place dans les territoires volontaires et un réseau technique de chiens de protection va être déployé. Le Gouvernement vient d'ouvrir les crédits nécessaires aux premières expérimentations de bergers mobiles dans les parcs nationaux face à la persistance de la prédation dans certaines zones.
Les tirs de prélèvement sont réalisés par une brigade nationale composée de louvetiers bénévoles qui interviennent auprès des éleveurs. Le Gouvernement a prévu une enveloppe de 142 000 euros pour leurs indemnités kilométriques et l'acquisition de caméras thermiques.
Mme Patricia Morhet-Richaud. - Merci mais vous n'avez pas indiqué sur quelle enveloppe ces crédits seront financés.
La séance est suspendue à 12 h 15.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 14 h 30.
Convocation du Parlement en session extraordinaire
M. le président. - J'ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le président de la République en date du 18 juin 2018 portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 3 juillet 2018.
Le décret vous a été communiqué.
La Conférence des présidents, qui se réunira demain à 19 h 30, établira définitivement le programme de la session extraordinaire.
Convocation du Parlement en Congrès
M. le président. - J'ai également reçu de M. le président de la République une lettre m'informant de sa décision de s'adresser, en application du deuxième alinéa de l'article 18 de la Constitution, aux membres du Parlement réunis à cet effet en Congrès le lundi 9 juillet prochain. Le décret réunissant le Congrès a été publié au Journal officiel de ce jour et vous a également été communiqué.
Immigration, droit d'asile et intégration (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
Discussion générale
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Veuillez excuser le ministre Collomb de son absence : il est retenu avec le président de la République à Berlin par un Conseil des ministres franco-allemand à l'agenda duquel est inscrit le défi migratoire.
Le contexte politique, sur notre continent étant instable, voire critique avec le risque que l'Union européenne se disloque autour de la question de l'immigration, sa présence était indispensable. Il sera devant vous dès demain et pour la suite de vos travaux.
Ce texte très important permet à celles et ceux qui fuient la guerre et la persécution d'être mieux accueillis. Il facilite leurs démarches. Il renforce aussi la lutte contre l'immigration illégale, aliment de tous les populismes.
Nous sommes tous d'accord, au sein de cette assemblée, pour refuser les diktats de l'image et de la peur.
Commençons donc par des données objectives : après avoir atteint un sommet historique, avec 1,3 million de demandes en Europe en 2015, et 1,2 million en 2016, les demandes d'asile ont diminué de moitié pour atteindre 600 000 en 2017 ; de même, 205 000 franchissements illégaux de la frontière européenne ont été constatés en 2017 par Frontex, contre 1,8 million en 2015 : le gros de la crise est passé.
Mais soyons vigilants : la route de la Méditerranée occidentale est en forte augmentation et le cas de l'Aquarius nous rappelle que celle de Méditerranée centrale n'est pas tarie.
La France évolue à contre-courant avec 100 000 demandes d'asile en 2017, soit une augmentation de 17 % par rapport à 2016, contre 50 000 en 2010 ; c'est la conséquence de flux secondaires, de migrants qui viennent tenter leur chance en France après avoir été repoussés ailleurs.
Vous en vivez les conséquences dans vos territoires : notre dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile est saturé, malgré l'augmentation du nombre de places d'hébergement d'urgence de 80 000 à 138 000. Les campements de fortune se multiplient au coeur des villes, insalubres sources de nuisances pour les riverains, voire de troubles à l'ordre public.
Telle est la réalité, qu'il faut avoir le courage de regarder en face. Le Gouvernement a pris en compte cette réalité. C'est sur cette base qu'il agit, depuis un an. Le président de la République a lancé des initiatives fortes pour stabiliser le continent africain, notamment à travers l'aide au développement - c'est le sens du discours de Ouagadougou.
Nous sommes en pointe pour lutter contre les réseaux de passeurs. Les migrations ne sont pas toutes spontanées ; elles sont l'objet d'un trafic lucratif alimenté par des réseaux qui souvent dépouillent les migrants de tous leurs biens, puis les parquent dans des camps avant de les lancer sur la Méditerranée.
Nous veillerons aussi à ce que les ressortissants albanais ne profitent pas de l'exemption de visas pour détourner le système. Nous avons obtenu des résultats puisque la demande albanaise a baissé d'un tiers entre les premiers mois de 2018 et ceux de l'an dernier. Si nous travaillons avec nos partenaires afin de développer une vraie solidarité européenne, il convient d'agir au niveau global pour répondre aux flux migratoires.
Au niveau national, cependant, notre système est perfectible. C'est pourquoi des centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) ont été créés dans chaque région ; les efforts de financement de l'Office Français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ont fait baisser le délai d'examen des demandes d'asile de 14 à 11 mois. La loi Warsmann a, enfin, sécurisé le dispositif des transferts dits de Dublin.
Il faut aller plus loin. Lors de la campagne présidentielle, le président de la République avait pris l'engagement fort de réduire à six mois en moyenne le délai d'instruction de la demande d'asile. Il a voulu sécuriser le parcours d'intégration tout en éloignant ceux dont la demande d'asile a été rejetée, dans des délais assez courts pour ne pas rompre le lien avec le pays d'origine.
Ce projet de loi a fait l'objet d'une large adoption par les députés le 22 avril dernier. Votre commission a beaucoup amendé ce texte, souvent à bon escient, lors de son examen le 6 juin dernier. Je salue son président et son rapporteur.
Cependant, certains apports remettent en cause l'équilibre du texte. Le Gouvernement a donc déposé des amendements de suppression, que nous ne désespérons pas de vous convaincre d'adopter dans les jours qui viennent. L'allongement d'un à quatre ans de la durée des titres de séjour au titre de la protection subsidiaire, l'extension à la fratrie de la protection accordée aux mineurs réfugiés et reconnus comme tels au titre du droit d'asile, et non pas, soulignons-le, aux mineurs non accompagnés pris en charge par les conseils départementaux au titre de l'aide sociale à l'enfance, ont été remis en cause par votre commission ; le Gouvernement ne peut l'accepter car ces dispositions sont conformes à notre grande tradition d'accueil des personnes les plus vulnérables.
Mme Esther Benbassa. - Alors là...
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Votre amendement faisant de la décision de refus d'asile l'équivalent d'une obligation à quitter le territoire français (OQTF) introduit, à notre sens, une confusion.
M. Roger Karoutchi. - Ça ne sert à rien !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Autre point de désaccord, les quotas, en contravention avec le droit à une vie familiale normale. Que n'ont-ils été mis en oeuvre plus tôt, lors des précédentes modifications législatives du droit des étrangers ? La limitation du droit au regroupement familial qu'une mesure de quota occasionne est directement contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, en particulier son article 8. La suppression de l'aide médicale d'État remplacée par une aide médicale d'urgence est également malvenue et le Gouvernement s'y opposera fermement.
D'autres amendements allongent les délais d'instruction du droit d'asile. Ainsi le délai de recours devant la CNDA a été rétabli par votre commission à un mois alors que nous l'avions réduit à quinze jours.
Nous nous sommes également opposés à la suppression de la possibilité de demander l'asile au retour pour les personnes en rétention.
Le sujet migratoire est l'une des principales préoccupations des Français. Il y a ceux qui vont jusqu'à nier l'existence des frontières, ce qui n'est pas réaliste. Il y a ceux qui refusent tout accueil, ce qui n'est pas conforme à la tradition européenne. Notre Gouvernement porte, entre ces deux écueils, une ligne de fermeté, d'efficacité et de justice, conforme aux valeurs républicaines, aux valeurs de l'Europe. Tel est l'enjeu de ce débat, dont je ne doute pas qu'il sera à la hauteur de la responsabilité de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, ainsi que sur la majeure partie de ceux du groupe UC)
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois . - Depuis 1980, 29 textes dont 16 majeurs ont été portés devant le Parlement sur cette thématique ; les derniers datent de 2015 et 2016 ; nous n'avons pas même eu le temps de les évaluer.
Ce texte est technique, incomplet, sans ligne politique identifiable. C'est la première fois qu'exil et immigration sont liés ; mais sous la forme d'une litanie d'ajustements techniques et procéduraux, avec quelques adaptations bien vues sur la lutte contre l'immigration, mais le strict minimum sur l'intégration.
Les enjeux européens des politiques migratoires sont ignorés : aucune mesure de pression sur les pays qui trainent des pieds pour accueillir les migrants renvoyés chez eux ; rien sur les outre-mer.
Le nombre d'heures de français attribuées aux primo-arrivants est famélique : 148 heures, contre 242 heures en 2012, contre 600 heures pour les primo-arrivants, voire jusqu'à 900 heures pour les réfugiés en Allemagne. Le nombre de visites médicales pratiqué par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a chuté de 76 % de 2017 à 2016, avec des conséquences graves en matière de santé publique.
Depuis 2016, la vague migratoire s'est tarie grâce à Frontex et aux accords passés avec la Turquie. Les routes de migration se sont reconfigurées : moins 32 % en Méditerranée centrale entre 2016 et 2017, forte baisse en Méditerranée orientale, mais augmentation en Méditerranée occidentale.
La France, exposée aux flux des rebonds internes à l'Union européenne, est à contre-courant avec 100 412 demandeurs d'asile, en forte hausse. Nos structures sont dépassées, elles n'accueillent que 60 % du public ciblé grâce à des dispositifs qui s'empilent. L'OFII n'arrive plus à assurer ses missions historiques d'intégration des primo-arrivants.
L'Ofpra s'en sort, mais la CNDA a besoin de temps pour se mettre à niveau : elle doit faire face à 34 % de recours en plus et à 29 % d'affaires en attente.
Sur l'éloignement, le système est en surchauffe : or le budget est en baisse de 7 %.
La commission des lois a voulu introduire de la fermeté dans le traitement de l'immigration irrégulière, tout en préservant les droits des demandeurs d'asile et en renforçant le volet intégration, presque ignoré.
Elle a aussi introduit des dispositions pour traiter la situation outre-mer, qui est dramatique à Mayotte.
Pour les réfugiés, le délai d'appel a été maintenu à un mois plutôt que quinze jours, car cela n'était pas une mesure efficace.
Nous avons sollicité les collectivités locales dans ce débat.
Il faut mieux accueillir, associer Pôle Emploi au dispositif, insister sur l'acquisition de la langue française, réaffirmer la compétence de l'OFII pour les étudiants étrangers.
En matière d'immigration, nous avons durci le texte.
Mme Esther Benbassa. - Ah !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Tout refus de demande d'asile à caractère définitif donnera obligation de quitter le territoire national. Il faut réorganiser le séquençage de la rétention administrative. Il convient aussi de sanctionner les étrangers délinquants. Enfin, nous interdisons explicitement le placement en détention des mineurs isolés et réduisons à cinq jours maximum la rétention des mineurs accompagnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Laborde s'en réjouit aussi.) Nous créons aussi un fichier biométrique qui aidera les départements à gérer la situation des mineurs non accompagnés.
Je regrette l'absence de l'Europe dans ce débat. Rien sur les accords bilatéraux en matière de laissez-passer consulaire ; rien sur Mayotte non plus. Enfin, sans moyens financiers, l'efficacité ne sera pas au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - À l'initiative de Catherine Morin-Desailly, la commission de la culture a transmis son avis à la commission des lois sur quatre articles en vertu de ses compétences : l'article 20 relatif au « passeport talent » et à la mobilité des chercheurs étrangers ; l'article 21 relatif à la mobilité des étudiants étrangers et à l'autorisation provisoire de séjour qui leur permet aujourd'hui de rester douze mois supplémentaires sur le territoire après l'obtention de leur diplôme, pour chercher un emploi ou créer une entreprise ; l'article 22 relatif à la mobilité des jeunes au pair ; l'article 33 quater ; qui traite d'une question liée à la scolarisation obligatoire.
En 2015, la commission de la culture avait marqué son attachement au dispositif d'immigration choisie. Avec 73 000 étudiants accueillis chaque année, la France se situe au quatrième rang mondial en matière d'accueil d'étudiants étrangers, le premier parmi les pays non anglophones. La France est au deuxième rang européen après le Royaume-Uni pour l'accueil des chercheurs. Cependant, il ne faudrait pas que l'immigration choisie devienne un « aspirateur à talents ». L'immigration choisie doit se faire avec rigueur et nous devons veiller à ce que le dispositif ne soit pas détourné.
Les huit amendements de la commission de la culture ont été intégrés dans le texte de la commission des lois. Je remercie son rapporteur et son président. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur ceux du groupe UC et sur le banc des commissions)
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°2, présentée par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (n° 553, 2018-2019).
Mme Éliane Assassi . - La migration est un phénomène aussi ancien que l'humanité. L'ordre économique libéral et les bouleversements climatiques, les catastrophes humanitaires, les guerres, font de notre monde, un monde de réfugiés. Quand on fuit la violence, la guerre ou les catastrophes écologiques, quitter son pays, sa famille, ses amis, c'est une vraie souffrance. Et pourtant, rien ne dissuade les migrants. La fonte des neiges fait apparaître les dépouilles, sur les cîmes des Alpes qu'ils tentaient de franchir, de ceux que des extrémistes nationalistes pourchassaient il y a peu à l'hélicoptère sans être poursuivis, ceux que des citoyens, fidèles aux valeurs de la République, voulaient secourir en toute fraternité, qui sont aujourd'hui trainés devant les tribunaux.
M. François Bonhomme. - En toute responsabilité !
Mme Éliane Assassi. - La politique migratoire doit s'inscrire dans un projet global. Vous montez les Français les uns contre les autres en cassant les valeurs de la République. Pas moins de 629 hommes et femmes repêchés en mer par l'Aquarius n'ont trouvé accueil ni en Italie, ni en France ; 629 pauvres qui « ne sont rien », et qu'il faudrait peut-être « responsabiliser » ?
En 2015, la France s'était engagée à accueillir 30 000 personnes. Or seules 4 278 personnes ont été relocalisées. L'émotion et la colère sont d'autant plus fortes et légitimes que ce taux enfreint les principes du droit d'asile inscrits dans la Constitution depuis le 24 juin 1793 : « Le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans » ; acte fondateur du droit d'asile, grand principe de la Révolution française et des Lumières.
Faut-il rappeler les mots de Voltaire dans son Traité de la tolérance : « Puissent tous les hommes se souvenir qu'ils sont frères » ? Le droit d'asile fut consacré par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, forgée par la Résistance, selon lequel « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». C'est en se fondant sur ce texte que le Conseil constitutionnel, par sa décision du 13 août 1993, a qualifié le droit d'asile d'« exigence constitutionnelle ». Peu après, la révision constitutionnelle du 25 novembre 1993, nécessaire à la pleine application par la France de la convention de Schengen, a inscrit dans la Constitution un article 53-1 : « les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ».
Loin des faux bons sentiments, la logique de pénalisation des demandeurs d'asile enfreint la tradition française. L'article 5 entrave le dépôt de la demande dans un délai raisonnable. L'article 6 réduit le délai de recours devant la CNDA, ce qui favorise une justice exécutoire déjà condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme. L'article 8 met fin au caractère suspensif de certains recours devant la CNDA, alors que le respect du droit d'asile est de valeur constitutionnelle. Il autorise la possibilité d'examiner la demande dans une langue autre que celle du demandeur.
Le Gouvernement ne respecte pas le principe de confidentialité. Le projet de loi supprime le caractère facultatif de la visioconférence alors que le Conseil constitutionnel a jugé que cela devait être subordonné au consentement de l'étranger.
Toutes ces dispositions, contraires à la Convention de Genève et à la Convention internationale des droits de l'enfant, illustrent la dangerosité de ce texte pour notre démocratie.
Ce projet de loi supprime le maintien des mineurs en zone d'attente afin qu'ils soient mis sous la responsabilité de la protection de l'aide sociale à l'enfance. Un mineur quel qu'il soit n'est pas un migrant, c'est un enfant et le Sénat s'honorerait à supprimer l'article 15 quater.
La rétention administrative des « Dublinés » pose également problème, au regard des six condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'homme pour ses conditions de rétention.
Autre atteinte excessive, le droit inconditionnel à l'accueil au regard du seul critère de la détresse auquel contrevient l'article 9 qui légalise la circulaire Collomb de décembre 2017 tant décriée. La liste est encore longue. Nous ne nous faisons pas d'illusions sur cette motion qui est d'appel. Nous continuerons à attirer votre attention, et celle du Conseil constitutionnel, sur ces questions, et sur l'interdiction de toute discrimination entre Français et étrangers quand il s'agit de la garantie de leurs droits fondamentaux, au regard du caractère universel du principe constitutionnel d'égalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur la plupart de ceux du groupe SOCR)
M. Jean-François Rapin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Vous avez déposé une motion d'irrecevabilité en raison des difficultés constitutionnelles qui caractériseraient ce texte. Nous ne partageons pas ce point de vue...
Mme Éliane Assassi. - C'est étonnant !
M. Jean-François Rapin. - Selon la commission des lois, au terme de son examen minutieux, ce texte respecte le droit d'asile auquel nous sommes tous attachés et le rapporteur a trouvé un juste équilibre entre l'amélioration du traitement des demandes d'asile et des conditions réalistes du droit de recours devant la Cour nationale du droit d'asile, dont l'activité ne cesse de croitre.
Le Gouvernement a réduit le délai de recours des demandeurs d'asile de trente à quinze jours. Notre rapporteur a supprimé cette diminution drastique et inefficace.
Autre apport de la commission : l'interdiction du placement en rétention des mineurs isolés. C'est une avancée majeure qui me tient à coeur. L'encadrement en rétention des mineurs accompagnés réduit à cinq jours est un autre progrès.
Plus largement, ce texte a donné lieu à de nombreux débats sur les termes de « dignité » et de « respect des droits fondamentaux ». C'est pourtant en fonction de ces critères que nous avons soutenu l'État lors du démantèlement de la Lande de Calais, qui a permis de mettre à l'abri des milliers de personnes dans des hébergements plus dignes.
Comme maire de Merlimont, à 80 kilomètres au sud de Calais, j'ai accueilli à deux reprises des mineurs extraits de camps de fortune où les conditions de vie étaient inacceptables. Comme beaucoup d'élus, je suis sur le terrain, et je salue le travail de François-Noël Buffet, avec qui je suis allé à Calais et à Grande-Synthe. Je connais la situation humanitaire et la situation des associations, celle des communes souvent désemparées, celle des forces de l'ordre qui opèrent un travail remarquable sur le terrain.
Comment ne pas être bouleversé en voyant ces femmes et ces hommes ayant quitté leur famille et leurs attaches pour attendre un passage inespéré vers l'Angleterre, cette terre promise dont on leur a tant vanté les mérites ?
Notre pays doit élaborer une politique migratoire cohérente pour mieux accueillir ces personnes dans un cadre européen apaisé et solidaire. C'est là le but de ce texte.
La commission des lois a adopté des mesures primordiales : organisation d'un débat annuel au Parlement, transformation de l'AME en aide médicale d'urgence centrée sur les maladies graves et la prévention, sollicitations des collectivités locales qui sont de fait impliquées, réduction du nombre de visas accordés aux pays les moins coopératifs pour délivrer les laissez-passer consulaires.
Depuis le démantèlement de la Lande de Calais, la situation a évolué. Une page s'est tournée. En témoigne l'inauguration du site naturel des Deux Mers, en lieu et place.
Cependant, la problématique migratoire est encore là, comme en témoignent la mobilisation des forces de l'ordre et des incidents comme les intrusions dans les sites des entreprises qui voient leur matériel et marchandises dégradés, sans compter les migrants découverts dans les camions français contrôlés par la police britannique.
Les conséquences financières et économiques se font sentir dans les Hauts-de-France. Quelle est la vision à long terme du Gouvernement ? Nous ne pouvons fermer la porte aux demandeurs d'asile mais nous devons redéfinir notre politique migratoire dans le cadre d'une véritable stratégie européenne pour que cette zone géographique ne devienne pas le Mur de la Manche après avoir monté le Mur de l'Atlantique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UC)
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. La commission a élaboré un contre-projet dans le respect des règles constitutionnelles et des accords internationaux : maintien du délai de recours devant la CNDA à trente jours, protection des mineurs en rétention, garantie des voies de recours.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Cette motion n'est pas très sérieuse...
Mme Éliane Assassi. - Dites-le aux associations mobilisées !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Conseil d'État a validé la constitutionnalité et la conventionalité du texte. Chaque mesure a été pesée soigneusement, chacune des mesures que vous contestez existe chez nombre de nos voisins européens. (Mme Éliane Assassi n'y voit pas un argument valable.) Justice expéditive ? Il ne faut pas confondre le délai pour saisir la justice et le délai pour juger. (Protestations sur les bancs du groupe CRCE)
Pour les plus vulnérables, notamment les femmes victimes de violence et les membres de la communauté LGBT, nous créerons sept structures d'hébergement spécialisées en 2018.
Notre action s'étend aussi à la réinstallation des réfugiés en fort besoin de protection, avec pour objectif d'accueillir dix mille réfugiés venant du Darfour ou de Libye.
Le repérage de la vulnérabilité et sa prise en compte à toutes les étapes de la procédure d'asile sont au coeur de notre dispositif. L'orientation des demandes prendra en compte cette vulnérabilité. Nous lancerons un appel à projet pour la prise en charge psychologique et sanitaire. Les agents qui instruisent les dossiers de recours à la CNDA sont spécifiquement formés pour repérer la vulnérabilité psychologique.
La mobilisation du Gouvernement est totale pour une maîtrise de l'immigration respectueuse de la dignité et des droits de chacun.
Mme Éliane Assassi. - Si vous le dites, c'est vrai ?
M. Éric Bocquet. - Le rejet de principe de la majorité est inquiétant. Aucune réponse sérieuse, aucun argument constitutionnel n'a été apporté aux associations. Pourtant, du droit au procès équitable au principe d'unité familiale, en passant par la rupture d'égalité de traitement entre citoyens à la justice au rabais à Mayotte, la démocratie ne sortira pas grandie de ce texte qui fait prévaloir la suspicion sur l'accueil.
M. Macron a poursuivi un bien triste chemin depuis le sommet européen d'il y a un an, où il déclarait qu'accueillir les réfugiés était « notre devoir et notre honneur ». L'Aquarius, chassé d'Italie par un ministre de l'intérieur néo-fasciste, passé à 7 kilomètres de nos côtes, n'a pas été accueilli.
Le président de la République fait ce qu'il dit ? Pas dans ce domaine. Rien ne laissait attendre la violence des politiques menées par ce Gouvernement, malgré l'avant-goût amer de la circulaire de décembre sur les recensements administratifs.
Aucun gouvernement depuis la Seconde Guerre mondiale n'avait osé aller jusque-là, rappelle l'historien Patrick Weil, qui craint une régression démocratique. Ce texte est contraire aux traditions et principes républicains fondamentaux, de l'avis de Jacques Toubon, Défenseur des droits, ancien garde des Sceaux de Jacques Chirac.
Un vent mauvais souffle sur le monde et sur l'Europe, la xénophobie se répand. Nous ne devons pas y céder et jouer sur la peur de l'autre, sur l'individualisme. La France doit rester fidèle à ses valeurs fondamentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Je salue votre décision, Monsieur le Président, de présider vous-même cette séance et je regrette l'absence du ministre ; pourtant, notre présence en nombre montre que le Sénat est une institution indispensable à la démocratie. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)
Mutisme du Gouvernement français sur l'Aquarius, images terribles en provenance d'Amérique d'enfants enfermés... Cela nous appelle à la vigilance.
Le groupe socialiste voit trois raisons de voter cette motion. D'abord, l'atteinte manifeste au droit au recours effectif, incompatible avec la Convention européenne des droits de l'homme. À ce titre, le raccourcissement du délai de saisine de la CNDA interroge.
Ensuite, la durée de rétention portée à 90 jours dans le projet de loi initial, le ministre Collomb disant redouter le benchmarking. Enfin, la rétention des enfants. Nous avons été condamnés six fois par la Cour européenne des droits de l'homme sur ce sujet, pour non-respect de la convention de 2012. Pour ces trois raisons, nous voterons cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
présidence de M. David Assouline, vice-président
À la demande du groupe CRCE, la motion n°2 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°129 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l'adoption | 92 |
Contre | 253 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. - Motion n°1 rectifiée bis, présentée par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération du projet de loi, adopté par l'assemblée nationale, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (n°553, 2017-2018).
M. Jean-Pierre Sueur . - C'est donc à vous qu'échoit, chère Jacqueline Gourault, cette besogne ! (On s'amuse à gauche.)
Nous eussions compris que vous représentiez la France en Allemagne ; mais c'est le ministre de l'Intérieur qui s'y est rendu ; il est absent pour l'examen d'un texte aussi important devant le Sénat.
Il y a beaucoup de raisons pour retirer purement et simplement ce texte : il ne sera pas efficace ; il est négatif et répressif ; il y aura plus de migrations demain qu'aujourd'hui, car le monde est ainsi. Du Soudan à l'Afghanistan, de nombreux êtres humains sont persécutés ; le défi de la misère est toujours là, avec 1,5 milliard de personnes qui habitent des bidonvilles. Défi climatique aussi, avec des îles, des rivages qui s'enfonceront dans la mer...
La première loi de l'humanité est l'humanité. Christiane Taubira l'a très bien dit (Exclamations ironiques à droite), quand elle évoque les boat people que nous avons accueillis sans compter. Je me réjouis de voir que son texte nous a tous marqués...
M. Bruno Sido. - C'est tout à fait cela !
M. Jean-Pierre Sueur. - Le dessin de Plantu est éloquent : un bateau fait naufrage, et un fonctionnaire fait son travail en demandant : « Les affamés, levez le doigt ». La Méditerranée, foyer de la civilisation, est devenue un cimetière à ciel ouvert. (Mouvements à droite)
Michel Rocard a eu raison de dire que la France n'a pas vocation à accueillir toute la misère du monde, mais il a aussi eu raison d'ajouter qu'elle doit en prendre sa part.
Triste silence de la France face à l'odyssée de l'Aquarius, refusant de comprendre que la Corse est plus proche de la Sardaigne que l'Espagne... La seule utilité de ce texte est de tenter de rassurer ce qu'on appelle l'opinion contre l'ancestrale peur de l'étranger.
Vous devriez retirer ce texte, car il ne consacre pas un mot à la question européenne. Or il faut mener un combat commun contre l'Europe de la fermeture, de l'exclusion et de la xénophobie, pour une Europe qui lutte contre les passeurs, maîtrise les frontières, coopère avec les pays d'origine, reconstruit l'Euroméditerranée...
Même au regard de vos objectifs, augmenter la durée de détention, réduire les délais de recours, cela ne changera rien lorsque 13 % seulement des OQTF sont exécutées, que 5 % seulement des déboutés du droit d'asile sont reconduits - ce qui crée un malaise dans les préfectures, qui s'interrogent sur l'utilité de leur travail.
Rien pour financer ce que vous annoncez, pas même pour réduire l'attente dans les préfectures.
Comment ne pas entendre l'avis du Conseil d'État qui vous demande pourquoi n'avoir pas évalué les lois de 2015 et 2016 et qui ne voit pas dans ce texte de stratégie prenant en compte les faits migratoires actuels et à venir ? « Sédimentation des dispositions », « sophistication inefficace », voici ses mots.
Dirons-nous aux étudiants du Maghreb et de l'Afrique qu'ils seront désavantagés parce que les gouvernements ne délivrent pas de visas de retour ?
M. Philippe Dallier. - Justement !
M. Jean-Pierre Sueur. - Sur cette terre, on a besoin de tout le monde. Il arrive que des sans-papiers que l'on eût vilipendés et expulsés sauvent des enfants de 5 ans. Cette image, la France entière, le monde, l'a vue.
Retirez ce texte qui manque de souffle, de clarté, d'efficacité. Il manque de perspective, de prospective, de vision.
Qu'aurait dit Victor Hugo, s'il avait vu ce qui se passe aujourd'hui en Méditerranée ? Il suffit de chercher dans ses vers. Cela s'appelle « Aux proscrits » :
« Le sort est un abîme, et ses flots sont amers, (...) « Chacun de nous contient le chêne République ; « Chacun de nous contient le chêne Vérité ; (...) « Nous sommes la poignée obscure des semences « Du sombre champ de l'avenir ».
(Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce texte n'est pas la solution à toutes les problématiques, loin s'en faut. Grâce aux heures de travail de la commission des lois et de notre rapporteur, ce texte, résultat d'un compromis bancal entre la jambe droite et la jambe gauche de la majorité présidentielle est devenu un outil efficace et solide.
Nos compatriotes n'acceptent plus que l'État baisse les bras devant la vague migratoire - deux millions d'entrées dans l'espace Schengen en 2015 et 2016, contre 100 000 en moyenne les années précédentes.
Les flux au niveau européen se réorganisent sans se tarir. Sommes-nous prêts à affronter les défis à venir ? Pour que nos enfants et petits-enfants vivent dans un pays qui maîtrise encore son destin, il faut nous y préparer. (Protestations à gauche) Or le budget consacré à la lutte contre l'immigration illégale a baissé de 7 %, tandis que les fonds consacrés à l'aide médicale d'État augmentaient de 13 % : près d'un milliard d'euros qui profite à 300 000 personnes, contre 150 000 en 2000.
Il y a urgence à agir. Or la montagne gouvernementale a accouché d'une souris. Le texte de l'Assemblée nationale n'offre qu'une faible réponse. Le Gouvernement, sacrifiant fermeté et pragmatisme pour ne pas heurter son aile gauche, propose un texte technique sans solution crédible aux problèmes d'aujourd'hui et de demain.
Hélas, ce texte ne changera rien à la faiblesse des moyens financiers et humains : en 2015, quatre immigrés en situation irrégulière sur cent ont été reconduits à la frontière, alors que des milliers de demandeurs d'asile étaient accueillis par l'État dans les gymnases...
L'extension de la réunification familiale que propose le Gouvernement sème les germes de drames humanitaires à venir : combien de mineurs seront envoyés seuls, livrés aux passeurs, dans l'espoir d'atteindre la France d'où ils pourront faire venir leurs frères et soeurs ?
Que dire du coût pour les départements de l'accueil des mineurs isolés ? Dans le Val-d'Oise, on est passé de 3 millions d'euros pour 80 mineurs isolés en 2010 à 43 millions d'euros pour 640 mineurs en 2018 !
La commission des lois a modifié le texte en profondeur, après de nombreuses auditions. Elle propose ainsi de refuser le statut de réfugié à ceux qui présentent une menace grave pour la sécurité de l'État, de refuser l'extension de la réunification familiale aux frères et soeurs des réfugiés mineurs, de donner à toute décision définitive de rejet d'une demande d'asile valeur d'obligation de quitter le territoire français.
Ces dispositions ne règleront pas tout, mais pallient un certain nombre de défaillances de notre système et appellent à définir une vraie politique migratoire. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera contre cette motion préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. La commission a profondément modifié le texte de l'Assemblée nationale, les groupes ont déposé de nombreux amendements. Ayons le débat.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le groupe socialiste conteste une énième modification du droit des étrangers, sans évaluation préalable des lois antérieures. Le gouvernement que soutenait Jean-Pierre Sueur est à l'origine des deux dernières, en 2015 et 2016. J'avais participé au débat ; il serait bon que le groupe socialiste participe, à son tour, à celui-ci.
La situation migratoire est contrastée : recul au niveau européen mais hausse soutenue en France des demandes d'asile, qui atteignent 100 000 en 2017, en hausse de 17 %.
Notre système, reconnaissons-le, fonctionne assez mal. Procédures trop longues, politique d'éloignement inefficace, mesures d'intégration insuffisantes. On peut considérer que cette situation est née il y a un an ; ou qu'elle s'est lentement dégradée et qu'il faut y remédier. Accueillir mieux tout en renforçant l'efficacité du traitement des demandes et des renvois : c'est l'objectif d'une maîtrise de l'immigration dans le respect des droits des personnes.
Ce texte équilibré est conforme aux valeurs françaises. La loi ne prévoit pas de budget supplémentaire parce que les moyens sont déjà là, avec 150 ETP supplémentaires pour les services des étrangers des préfectures. Je reprends à mon compte la citation de Michel Rocard : « Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde, mais nous devons en prendre notre part ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Laurence Rossignol. - Prenons-la, cette part !
Mme Éliane Assassi. - M. Sueur a raison, l'avis du Conseil d'État n'a pas été suivi par le Gouvernement.
M. Bruno Sido. - Ce n'est pas une obligation.
Mme Éliane Assassi. - Depuis 1980, pas moins de 29 lois sur l'immigration ont été votées. Celle-ci est dans le droit fil des précédentes. L'examen des lois de 2015 et 2016 a fait vivre au groupe CRCE de grands moments de solitude... L'état des lieux que dressent les bénévoles est préoccupant. C'est la loi de 2015 qui a donné quinze jours à l'Ofpra pour traiter les demandes. Quant au texte de 2016, il consacre l'interdiction de la rétention des mineurs avec leurs parents, mais prévoit tant de dérogations que, comme l'a noté le Défenseur des droits, cela revient à la légaliser ! Enfin, l'évaluation médicale des étrangers malades a été transférée à l'OFII, sous la tutelle du ministère de l'Intérieur.
Oui, ce texte contrevient aux principes et valeurs de notre démocratie, Monsieur Sueur, mais si vous voulez vous faire les défenseurs de la juste cause des migrants, il aurait fallu porter un jugement plus sévère sur votre action passée ! Notre groupe, pour ces raisons, s'abstiendra. (Murmures sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-Claude Requier. - Le groupe RDSE vote contre les questions préalables, par principe. Nous laissons toute sa place au débat et à la séance ; en cela, nous sommes les héritiers de la tradition radical-socialiste du Sénat ! (Sourires)
Cela ne préjuge en rien de notre vote final. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; MM. Roger Karoutchi et Daniel Chasseing applaudissent également.)
À la demande du groupe SOCR, la motion n°1 rectifié bis est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°130 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l'adoption | 77 |
Contre | 252 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion générale (Suite)
Mme Esther Benbassa . - À peine trois ans ont passé depuis la dernière réforme de l'asile. Entretemps, aucun bilan de l'efficacité des mesures votées, aucune politique migratoire ambitieuse et rationnelle. Ce texte est le vingt-neuvième depuis la fin des années 1980. Notre législation tourne à vide. Ce n'est pas en nous alignant sur le RN, ex-FN, que nous ferons reculer ses votes, dixit Jacques Toubon.
Le candidat Macron disait, en janvier 2017, que nous ne pouvions pas revoir nos valeurs à l'aune des risques du monde. Fumée que cela. Ce texte n'a qu'un but : décourager ceux qui cherchent refuge chez nous. M. Collomb et Mme Loiseau parlent de « submersion », de « benchmarking » ou de « shopping de l'asile ». Pour nos dirigeants, les exilés sont des encombrants, un flux à gérer, un chiffre à réduire.
Lisez le rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ou celui d'Oxfam sur ce qui se passe à la frontière franco-italienne, aussi accablants pour la France que pour l'Italie. Heureusement, des délinquants solidaires, des citoyens de bonne volonté portent secours à ces sans-rien que d'aucuns rêveraient de voir disparaître sous leur talon.
Une majorité de Français étaient contre l'accueil de l'Aquarius. Faut-il les en féliciter ?
M. François Bonhomme. - Faut-il les accabler ?
Mme Esther Benbassa. - Félicitons plutôt les mille bénévoles espagnols qui se sont dévoués pour accueillir les rescapés !
Notre commission, elle, supprime le petit assouplissement apporté par les députés en limitant à la marge la définition du délit de solidarité.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois - Un encouragement à la fraude et aux trafics !
Mme Esther Benbassa. - Décidément, rien ne doit brider l'oeuvre de maltraitance de ce gouvernement ! L'exécutif fait miroiter à l'intention de la droite un durcissement censé favoriser les expulsions mais la loi de finances ne prévoit pas de moyens supplémentaires pour les reconduites à la frontière. Simple affichage !
Je me suis rendue à Calais, à Menton, à Ouistreham, dans les camps parisiens, à la rencontre de ceux qui ne sont plus que des « migrants », ceux que l'on retrouve sans vie sur les rivages ou dans les cols des Alpes. Pourtant, ce sont nos semblables.
Je citerai pour finir Danièle Lochak, professeure émérite de droit public, qui relève des analogies troublantes avec l'attitude des États à l'égard des Juifs dans les années 1930... (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. François Bonhomme. - C'est une insulte !
Mme Esther Benbassa. - Souvenons-nous du Saint-Louis, du Struma et d'autres. L'histoire se répète, pour le pire. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Philippe Bonnecarrère . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le sujet brûlant des migrations et du droit d'asile est européen ; il est politique et non technocratique. Il doit être traité sans angélisme ni surenchère. L'Europe est le niveau d'action le plus pertinent, beaucoup plus que le niveau franco-français.
Pourquoi cette appétence française illimitée pour les débats idéologiques ? La question des frontières est européenne. Schengen, Frontex, définition européenne du droit d'asile, dispositif de reconnaissance mutuelle, aide au développement, financements sur le budget propre de l'Union européenne, pré-positionnement des centres d'examen des demandes dans les pays d'origine, négociation des laissez-passer consulaires, révision du règlement de Dublin : tout cela est la clé de notre débat. Notre regard doit se tourner vers le Conseil européen des 26 et 27 juin, tant, en la matière, l'Europe est attaquée dans sa souveraineté, dans sa capacité d'action par des pays adeptes du rapport de force.
Le président de la République a développé, à la Sorbonne, à Strasbourg, à Athènes, à Aix-la-Chapelle, un discours sur le combat européen, un combat que nous partageons : nous ne pouvons pas nous permettre un désaccord de plus sur ce point.
Les 28 textes votés depuis 1980 n'ont pas donné satisfaction. Ni surenchère ni angélisme, ai-je dit, j'ajouterai : ni instrumentalisation. Sur ce point la position du groupe UC est proche de celle du Gouvernement. Notre législation est perfectible, nous en convenons, mais on ne peut pas se contenter d'agir sur les règles procédurales. Le droit des étrangers est par trop complexe. Un exemple : il existe neuf régimes d'OQTF et, pour chacun de ces régimes, des sous-régimes et des exceptions.
Nous partageons les réserves du rapporteur sur le volet intégration, manifestement insuffisant. Nous ne suivrons pas les amendements de surenchère - ceux sur l'aide médicale d'État comme ceux sur le délit de solidarité - pas plus que les amendements qui affaibliraient l'efficacité de la régulation.
Trois sujets seront, selon notre analyse, plus particulièrement débattus. L'extension du délai de rétention de 45 à 90 jours se justifie. Moins d'escortes, plus de temps pour négocier des laissez-passer consulaires ; le tout, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.
Autant nous apprécions l'interdiction de rétention pour les mineurs isolés, autant nous jugeons spécifique la question des mineurs accompagnants. Sur ce sujet complexe, nous suivrons le rapporteur et le Gouvernement. On ne peut pas créer une immunité à l'éloignement pour les familles, sous réserve bien entendu que des logements adaptés soient mis à leur disposition.
Enfin, nous serons attentifs au débat sur la réduction de 30 à 15 jours du délai de recours devant la CNDA. Pour nous, le gain de temps n'est pas réellement perceptible.
Enfin, il faudra revenir après la révision constitutionnelle - si, tout du moins, elle aboutit - sur le traitement des migrations en Guyane et à Mayotte ; leur situation impose un dispositif tout à fait spécifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur le banc de la commission ; M. Alain Richard applaudit également.)
M. Jean-Yves Leconte . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Nous continuons d'alimenter la frénésie législative alors que le Conseil d'État a dénoncé l'absence d'évaluation des dernières lois. Ce qu'il faut, ce sont des moyens supplémentaires pour l'Ofpra, la CNDA et les préfectures.
Le droit à l'asile est constitutif de l'identité française depuis 1793, il est inscrit dans la Convention de Genève de 1951. Traiter dans un même texte asile et immigration empêche de travailler sereinement sur une politique d'attraction des talents et des étudiants.
Ce texte constitue une tromperie car il s'articule bel et bien autour de la fraude, comme si tous les demandeurs d'asile étaient des fraudeurs. Or, depuis 2011, le nombre de demandes d'asile reconnues légitimes par l'Ofpra et la CNDA a augmenté en valeur relative comme en valeur absolue. La question numéro un n'est pas de lutter contre la fraude, c'est de réussir l'intégration de ceux que nous accueillons.
Cette loi, Madame Assassi, marque une rupture avec la loi Cazeneuve qui faisait le pari qu'on pouvait développer les droits des demandeurs - présence d'un tiers à l'Ofpra, recours suspensif devant la CNDA - pour améliorer l'efficacité de notre politique migratoire.
Enfin, le masque tombe : M. Macron n'est qu'un Viktor Orbán en bas de soie. (Protestations)
M. Roger Karoutchi. - Allons, allons !
M. Alain Richard. - Quelle pitrerie !
M. Jean-Yves Leconte. - L'émigration est aussi vieille que l'humanité. Selon la banque mondiale, plus de 140 millions de personnes se déplaceront par nécessité climatique en 2050. En 2016, plus de 66 millions de personnes ont quitté leur pays pour se rendre à 30 % en Afrique subsaharienne, à 26 % en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, à 11 % en Asie et 16 % en Amérique. Nous ne gérons que 17 % des flux, cela fait relativiser notre situation.
Délai de recours devant la CNDA ramené à quinze jours, un recours qui ne sera plus suspensif, des vidéo audiences et sans garantie de langues ; ce texte marque un recul pour les droits des demandeurs. Le Gouvernement parle de rationalisation ? Se rend-on compte qu'il s'agit de gens qui ont subi des traumatismes et ne connaissent pas nos règles ?
Je salue les modifications apportées par le rapporteur. Nous combattons le délai maximum de cinq jours pour la rétention des mineurs accompagnés mais c'est un mieux ! On retrouve cependant les réflexes habituels de la majorité sénatoriale : politique de quotas, suppression de l'AME, OQTF automatiques...
M. Roger Karoutchi. - Et alors ?
M. Jean-Yves Leconte. - ... liaison entre laissez-passer consulaires et visas... Le groupe socialiste proposera de remplacer le délit de solidarité par un délit d'exploitation de la misère humaine et de créer le délit d'entrave au droit d'asile car il faut une tolérance zéro contre les milices privées qui s'approprient la protection de notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Nous défendrons une protection de l'enfant plus efficace et le droit à l'autonomie des demandeurs d'asile en affirmant un droit à la formation linguistique et au travail dans les règles européennes.
L'axe anti-migration qui se profile entre Munich et Rome est très dangereux. Cette évolution arrive en même temps que le naufrage moral de l'Europe avec l'Aquarius. La France ne peut pas rester observatrice. Il faut faire respecter le droit d'asile et, en même temps que l'on renforce Frontex, assouplir Dublin. Pour dédramatiser la question du pays de premier accueil, on pourrait donner à toute personne qui a la protection un droit de circulation analogue à celui des citoyens européens.
La France ne peut pas tout à la fois se féliciter de l'extension de la francophonie, grâce à la démographie africaine, et fermer la porte à l'Afrique ; ce serait irresponsable. Favoriser des mobilités responsabilisées, détruire les mythes qui incitent certains migrants à partir, voilà les axes de la politique migratoire à développer.
Ne pas avoir des opinions publiques résilientes acceptant le principe d'un accueil bienveillant est un signe de notre faiblesse. Regardez la Turquie, qui offre un contre-exemple. N'ayons pas peur de la puissance de conviction des valeurs humanistes. J'espère que nous saurons faire vivre l'égalité, la liberté et la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La crise des migrants est un drame européen que ce texte ne résoudra pas. On pourra l'accuser de laxisme ou d'être trop sévère : l'essentiel se joue à Bruxelles.
Notre politique migratoire construite pour des flux faibles n'a pas résisté à une immigration massive. Dublin III a vécu. Le Conseil européen des 28 et 29 juin devra prendre des positions claires pour mettre fin aux populistes de tous bords qui mettent en cause le projet européen ; l'exemple dramatique de l'Aquarius illustre ce cynisme destructeur qui met en péril la cohésion européenne.
Le niveau européen est également le plus pertinent pour définir une politique d'attraction des compétences à l'image de la green card pratiquée aux États-Unis. L'extension du passeport « Talents » dans ce texte est une bonne chose.
Ceux qui réclament en même temps moins d'Europe et le règlement de la crise des migrants doivent regarder la vérité en face : la solution sera politique, européenne et collaborative ou elle ne sera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Arnaud de Belenet applaudit également.)
M. Guillaume Arnell . - L'actualité fait une fois de plus écho à nos débats. L'intervention de l'Aquarius a sauvé 629 vies en Méditerranée. Le droit des étrangers, bien qu'il ne concerne qu'une partie minoritaire de la population française, a été retouché à vingt-neuf reprises depuis les années quatre-vingt. Comment expliquer cette surreprésentation législative autrement sinon par le fait qu'on le traite comme un problème conjoncturel sans élaborer de démarche prospective ? Une approche plus globale est indispensable si l'on veut que les populistes ne gagnent plus de terrain en ayant conscience que les visions négatives de l'asile se nourrissent du sentiment de déclassement social et du renforcement des inégalités. Nous sommes nombreux à penser que ce débat se serait déroulé dans de meilleures conditions s'il s'était inscrit dans la continuité de mesures destinées à restaurer la justice sociale dans l'ensemble des territoires de la République.
Chaque réforme du droit des étrangers est essentiellement politique, elle ne peut être présentée comme une solution à une crise ou une mise en conformité avec des textes supranationaux. De fait, l'accueil des réfugiés, le droit au séjour, l'attribution de la nationalité appartiennent aux États. Chaque modification de ces droits est un miroir tendu vers une autre société, une invitation à redéfinir ce que nous sommes. Et, dans cette redéfinition, songeons qu'il n'y a pas si longtemps, réfugiés et immigrés étaient considérés comme un vecteur de rayonnement pour la France. La coopération avec l'ensemble des États est une nécessité.
Gardons-nous d'apporter des solutions législatives affectant des libertés fondamentales sans avoir évalué leur efficacité. Je pense par exemple à la solution législative proposée par le rapporteur consistant à lier laissez-passer consulaires et visas : elle me semble intéressante mais trop contraignante pour nos services diplomatiques. Un état des lieux approfondi de nos politiques de co-développement est également nécessaire pour esquisser des solutions durables. L'exemple kenyan est, à ce titre, très intéressant.
Le texte durci par la commission des lois n'obtiendra pas le soutien du RDSE. Il n'apporte aucune réponse et sous-estime la situation des outre-mer qui doivent faire face à un afflux de migrants qui fragilise la situation locale, à Mayotte, en Guyane et à Saint-Martin. Le seul article consacré au schéma national d'orientation ne permettra pas de résoudre les difficultés connues dans les services publics et le manque d'hébergements d'urgence.
L'absence de dispositions contraignantes relatives aux futurs réfugiés climatiques, tout comme le nombre limité des dispositions relatives à l'intégration, est symptomatique de la faiblesse de la démarche prospective.
Nos amendements amélioreront la protection des mineurs, même accompagnés. Ils faciliteront la possibilité du co-développement partout où les États vacillent. Ils garantiront une plus grande qualité d'interprétariat et une meilleure répartition entre les centres de rétention administratifs. Ils confieront un rôle plus important aux élus locaux dans la procédure administrative, avec notamment la création d'un office des migrations à Saint-Martin.
Notre pays, sixième puissance mondiale, a les ressources matérielles et morales pour peser sur ses partenaires européens et dans le monde.
Le groupe RDSE s'opposera unanimement au texte dans sa forme actuelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)
M. Alain Richard . - Ce débat nous incitera à échanger des visions politiques. Pour notre part, nous défendrons l'esprit du projet de loi : rester fermement engagé pour l'accueil des réfugiés politiques, renforcer notre capacité à maîtriser l'immigration économique. Un secteur de l'opinion réfute cette distinction, elle est pourtant nécessaire et équitable. Parler « d'exilés », c'est entrer dans le jeu des xénophobes qui les refusent les uns et les autres. C'est le choix des populistes xénophobes, celui qu'expriment parfois avec brutalité plusieurs gouvernements de l'Union européenne.
L'Europe, justement. Tout renvoyer vers l'Union pour s'abstenir de légiférer n'est pas une solution. Les traités ne donnent pas compétence à l'Union européenne pour statuer sur le droit des étrangers, ayons à l'esprit cette réalité déplaisante. Une action harmonisée supposerait un accord qui recueillerait l'adhésion de 27 gouvernements et de 27 parlements dont on sait les différences d'approche. L'Agence européenne de l'asile et du séjour que propose le président Macron exigera un effort que nous devons soutenir sans nous bercer d'illusions : si elle voit le jour, cela aurait été au prix de compromis difficiles, et souvent partiels. Nous ne pouvons pas nous dispenser de débattre et de décider pour notre propre droit.
Oui, il faut légiférer pour accélérer l'attribution du titre de réfugié à toute personne qui le justifie en donnant à chacun toutes les garanties du droit pour plaider sa cause dans un processus équitable - je veux d'ailleurs rendre hommage aux agents de l'Ofpra et aux magistrats de la CNDA.
Ce texte doit aussi donner à l'autorité publique les moyens d'éloigner du territoire les personnes dont il est jugé qu'elles n'ont pas la situation de réfugié politique. Laisser cette question irrésolue, ce qui est la tentation d'une partie des adversaires du texte, reviendrait à dénaturer le droit d'asile qui appartient à notre tradition protectrice venue des Lumières et de la Révolution. L'ouverture de notre sol à l'immigration se manifeste essentiellement par le droit de la réunion des membres de familles déjà sur le sol français, c'est la très nette majorité des entrées régulières sur notre sol et c'est là essentiellement que se déploie l'effort d'intégration. Accepter une immigration économique non maîtrisée, c'est se résigner à des situations de marginalité sociale et d'économie grise qui portent atteinte à notre cohésion sociale, sans parler des filières mafieuses et meurtrières. Cette action de maîtrise suppose un dialogue avec les pays d'origine. Le président de la République et le Gouvernement en ont fait un axe majeur de notre politique de développement. La réussite de cette politique ne dépend pas de la loi mais de l'action internationale de notre pays.
Il faut, en outre, traiter les situations les plus critiques de certains de nos départements d'outre-mer, nous soutiendrons l'amendement de notre collègue Mohamed Soilihi sur le droit de la nationalité spécifique à Mayotte.
Ce débat sera un test de volonté politique face au réel. Adopter un texte d'équilibre en soutenant une politique européenne et internationale de maîtrise des mouvements migratoires, c'est une prise de responsabilité ; le groupe LaREM l'assume avec détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Que représentons-nous ? Qui sommes-nous ? Nous sommes le Sénat de la République, pour le moment du moins. (Sourires) Nous représentons les collectivités territoriales. Selon les positivistes, le XXe siècle devait être celui de la prospérité de la Terre entière. Il a été le siècle des massacres, le siècle des guerres. Et que dire du XXIe ? Nous ne pouvons pas, depuis cet hémicycle, faire en sorte que tous vivent en paix dans un pays prospère. Il n'y a pas d'un côté, les généreux ; de l'autre, les égoïstes. Il faut se demander ce que nous sommes et ce que nous sommes capables de faire.
Pendant des années, en tant que rapporteur de ce budget à la commission des finances, j'ai inlassablement rappelé que pour faire ce qu'on disait, il fallait du pognon, comme dirait l'autre... Or il n'y en a pas ! On peut faire des textes merveilleux ; sans budget, les résultats seront nuls. Nous ne sommes plus la France des Trente glorieuses, la France sans déficit ni dette, qui pouvait offrir logement et travail à tous. Depuis trente ans, c'est le déficit, la dette, le chômage de masse... Et on continue à dire : « Nous pouvons accueillir tout le monde. »
Le droit d'asile ne date pas de la Révolution : il existait déjà au temps de la royauté. Sur 100 000 demandeurs, 25 ou 30 000 obtiendront le droit d'asile, seulement. Cela signifie qu'il est détourné par des filières pour faire entrer sur le territoire parce qu'il n'y a pas de reconduite à la frontière, Madame la Ministre. Cela donne cette sensation en France que tout migrant, régulier ou irrégulier, reste en France : que l'on ait fait toutes les étapes du parcours, appris le français, reçu une formation civique ou non.
Le rôle du Parlement, c'est de dire : voilà ce qui est possible. Je ne dis pas que c'est glorieux, que c'est merveilleux mais c'est notre responsabilité de ne pas fracturer encore davantage la société française. Hongrie, Autriche, Slovaquie : voulons-nous être le prochain ?
Il faut un texte mais pas le vôtre, Madame la Ministre, celui de la commission est mieux. On évoque des amendements de surenchère, le spectre des années trente. La comparaison sera recevable si nous montrions des défaillances. Notre responsabilité est d'abord envers le peuple français, dans sa diversité sociale et la diversité de ses origines. Pas d'illusions, les fractures sociales seront d'autant plus fortes que nous ne serons pas maîtres de notre situation et (tapant du poing sur le pupitre de l'orateur) je ne veux pas que la France soit l'Autriche. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC ; M. Daniel Chasseing et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)
M. Alain Marc . - Au vu des difficultés que notre pays rencontre face aux flux migratoires, nous attendions une vision lucide des défis à relever. Ce ne sont pas de mesures techniques dont la France a besoin. Je salue la réécriture de la commission des lois : remplacement de l'AME par une aide médicale d'urgence, rétablissement de la visite médicale pour les étudiants étrangers, interdiction de la rétention des mineurs isolés, suppression de la circulaire Valls qui avait permis la régularisation de plus de 180 000 étrangers irréguliers.
Je me réjouis que les collectivités territoriales soient soutenues grâce à la création d'un fichier national biométrique des personnes déclarées majeures après leur évaluation par le département et à l'insertion des places d'hébergement des demandeurs d'asile dans le décompte des logements sociaux de la loi SRU. Il est grand temps de voter des mesures à la hauteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; M. Claude Kern applaudit également.)
M. Pierre Charon . - (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains) L'immigration est un sujet dont on parle beaucoup mais sur lequel on agit peu. L'actualité est là, sous nos yeux : frontières allégrement franchies par des navires traversant la Méditerranée des pays débordés et des opinions publiques inquiètes à qui l'on répond parfois par de la condescendance ou du mépris.
L'immigration recouvre des situations de détresse qui peuvent émouvoir, mais aussi des mafias, des passeurs, des trafiquants. L'immigration sauvage intéresse aussi les profiteurs, voire les terroristes.
Un pays qui maîtrise ses flux migratoires accueillera mieux ceux qui veulent s'intégrer. La France n'est pas une terre à prendre, c'est un pays à aimer. Certains sont même venus pour mourir pour elle - mais on ne les entend guère parce qu'ils ont l'humilité de ne pas prendre nos bonnes consciences en otage.
Mais il y a aussi la cohorte de ceux qui abusent. Mon pays n'est ni un numéro de sécu ni un distributeur de prestations que l'on obtient en cochant les cases d'un formulaire. Le projet de loi soumis au Sénat était inquiétant, car le « en même temps » peut être irresponsable, porteur de solutions boiteuses et floues. Nous refusons l'angélisme et préférons la responsabilité. Je me réjouis que les collectivités soient consultées sur les schémas régionaux d'accueil des demandeurs d'asile. Combien de fois, des élus se sont vu imposer des centres d'hébergement ?
M. François Patriat. - Et ça a bien marché !
M. Pierre Charon. - La commission des lois a demandé, à raison, que toute décision définitive de rejet d'une demande d'asile soit considérée comme une obligation de quitter le territoire français.
Soyons francs sur les mots et évitons les contorsions de la censure. On dit « migrants » - alors qu'il faut parler de clandestins. « Délit de solidarité » ? Ce n'est qu'une violation de la loi. Aider sur les clandestins, ce serait bien, mais alerter sur la nécessité de frontières fortes, ce serait mal ? Voilà bien le résultat du terrorisme intellectuel qui a beaucoup sévi.
Je voterai le texte modifié par les amendements du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Dans ce texte, il faut rechercher un équilibre entre humanisme et laxisme. Aller d'un côté ou de l'autre, c'est risquer de dénaturer notre modèle d'intégration. Trop de laxisme, c'est méconnaître les réalités de la société française. Trop de répression, c'est méconnaître notre tradition française d'accueil ; se priver de talents, les priver de leurs droits fondamentaux.
Le sujet nécessite une approche mesurée. D'un côté, il faut rendre plus effectives les mesures d'éloignement et prendre en compte la dangerosité des candidats à l'asile. De l'autre, il faut accélérer les procédures et moderniser le droit des étrangers. Sur ce dernier point, nous croyons que le droit au travail est un vecteur particulièrement efficace, nous y reviendrons dans les amendements.
L'enjeu des migrations dépasse ces mesures techniques. Il se trouve en Europe, mais aussi dans les pays d'origine. Nous proposerons un amendement qui conditionne l'aide au développement à la coopération dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
Mme Jacqueline Gourault, ministre . - Les mineurs non accompagnés sont un sujet de préoccupation pour l'État comme pour les départements. En 2017, 15 000 personnes ont été évaluées comme mineures sur les 54 000 qui ont fait l'objet d'une évaluation. Le chiffre a triplé depuis 2014, cette hausse pose des difficultés matérielles et financières considérables.
Le Gouvernement, après concertation avec l'Association des départements de France, veut que l'aide à l'enfance bénéficie à ceux qui en ont besoin. Ce sujet complexe et délicat n'a pas vocation à être abordé dans ce texte. Les négociations entre l'État et les départements, d'après les informations dont je dispose, aboutiront rapidement.
Le Gouvernement est très engagé dans une stratégie nationale et européenne sur la question des laissez-passer consulaires. Nous dialoguons avec de nombreux pays, en articulant restrictions de visas et projets de coopération. Nous avons renforcé le pilotage sur la délivrance des laissez-passer par la mise en place d'une task force, associant agents de la direction générale des étrangers en France et de la police aux frontières, pour harmoniser la saisine des consulats par nos préfectures. Nous avons signé des accords avec le Maroc, la Tunisie, la Guinée, le Mali, la Côte d'Ivoire, le Sénégal notamment, dont nous mesurons déjà l'efficacité.
Une réunion des ministres de l'Intérieur à Luxembourg a traité de ces sujets la semaine dernière et du système de Dublin, qui doit être amélioré.
Comme l'a dit excellemment le sénateur Richard, il faut agir à la fois sur les plans national et européen - c'est pourquoi le ministre de l'Intérieur devait être aujourd'hui à Berlin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Joseph Castelli et Mme Michèle Vullien applaudissent également.)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER A
M. Pierre Laurent . - Cet article est tout un symbole. D'emblée, au lieu de fixer de grands principes de notre politique d'accueil et de gestion des migrations, ce texte définit un quota d'étrangers, mettant en marche la machine à expulser et à ignorer les vies ainsi brisées. Nous sommes au coeur du problème : ce projet de loi refuse de regarder en face l'enjeu majeur de la migration, qui prend une ampleur inédite à l'heure des dérèglements mondiaux. Les humains ont toujours migré, pour fuir des conditions de vie indignes, pour en chercher de meilleures, pour fuir les persécutions. Le rapport annuel de l'Agence des Nations unies recense 65 millions de personnes déracinées à la fin de 2016 ; la plupart migrent du sud vers le sud.
Vous voulez de la libre circulation des capitaux, de la concurrence à outrance, du dumping social, du pillage économique, de la domination du monde par quelques grandes puissances - mais pas du droit humain à circuler et à vivre dignement, vous ne voulez pas entendre parler des responsabilités singulières de la France pour accueillir dignement et pour changer les règles de ce monde injuste et inégal.
Vous faites peur avec des chiffres, vous parlez d'invasion, d'appel d'air, alors que nous accueillons un peu plus de 200 000 personnes par an dans notre pays - 0,3 % de notre population ! Et vous ne dites pas que seulement 4 278 personnes ont été relocalisées en France selon le mécanisme adopté par le Conseil de l'Union européenne - loin, très loin de ce que nous devrions faire.
Il est indigne d'ouvrir ce projet de loi par un tel article qui contourne les droits humains les plus fondamentaux. C'est de coopération, de justice, de partage dont nous avons besoin : c'est le prix de la paix pour les décennies à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Pierre Ouzoulias . - Après 1915, notre pays a accueilli 200 000 Arméniens fuyant le génocide perpétré par l'État turc - nombre d'entre eux ont défendu ensuite la France et sont tombés pour elle. Puis 700 000 Polonais sont venus apporter leurs bras à une industrie française saignée par la Première Guerre mondiale ; puis 600 000 Espagnols, chassés par le fascisme, qui défendaient la deuxième République espagnole que nous avions abandonnée, ont traversé les Pyrénées pendant l'hiver 1939, sans parler des Italiens, des Belges, des Portugais et de tous ceux qui ont contribué à faire de notre pays ce qu'il est aujourd'hui : une République de citoyennes et de citoyens unis dans la démocratie par des règles communes qu'ils se sont données.
Je passe sous silence les migrations passées telles qu'elles sont évoquées par le décor de la galerie des Conférences avec les Germains de sainte Geneviève et de Clovis, ou celles qui ont fait presque disparaître les premiers habitants des îles des Antilles ou encore tous ces échanges récents qui font qu'aujourd'hui un Français sur quatre a un parent d'origine étrangère.
L'identité de la France est à chercher ni dans un roman des origines, ni dans un discours historique national qui exclut, mais dans cette dynamique perpétuelle qui mêle les populations et les unit dans la défense des valeurs républicaines qui les dépassent.
« Dès qu'une chose est figée, elle est morte et remplacée », écrivait Hegel. Selon l'historien italien Massimo Montanari, l'identité n'existe pas à l'origine mais au terme du parcours.
Ma conscience républicaine est blessée quand vous présentez, par votre texte, l'immigration comme un mal dont il faudrait se prémunir, une maladie dont il faudrait se prémunir grâce à une politique nationale d'immigration et d'intégration conforme à l'intérêt national. L'intérêt de la nation est dans la recomposition permanente du corps civique, dans cet amalgame infini des différentes cultures. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Richard Yung . - Cet article, introduit par la commission des lois, recycle une proposition du candidat Fillon : celle des quotas d'immigration. Il est politiquement inopportun, juridiquement contestable et économiquement inefficace. C'est ce que Pierre Mazeaud écrivait en 2008, en estimant que les quotas seraient peu efficaces pour cibler la main-d'oeuvre utile à notre économie, sans effet sur l'immigration clandestine et, s'agissant de l'asile ou du regroupement familial, incompatible avec nos principes constitutionnels et nos engagements internationaux.
À quoi serviraient les quotas ? L'immigration familiale est déjà bordée par notre Constitution. Qui peut dire, ensuite, ce que seront les besoins en matière d'immigration économique dans les trois ans à venir ? Enfin, nous avons intérêt à accueillir le plus d'étudiants possible.
Le véritable problème est celui de l'immigration clandestine, que ce texte refuse de traiter. C'est pourquoi nous ne le voterons pas.
M. Antoine Karam . - Les flux migratoires ne se limitent pas au continent européen. En Guyane, à Mayotte, le système d'accueil et d'intégration est au bord de l'asphyxie. En trois ans, 11 000 demandes d'asile ont été enregistrées en Guyane, l'équivalent d'un million dans l'Hexagone !
C'est pourquoi nous voulons que le rapport prévu par cet article inclue des données sur les outre-mer. Il y a moins d'une semaine, un réseau de trafic de migrants lié à la République dominicaine était démantelé en Guyane, où l'on a pu voir qu'un même homme pouvait avoir organisé la fraude pour 618 demandes de régularisation.
M. Jean-Pierre Sueur . - L'application de l'article 45, après les charmes de l'article 40, les beautés de l'article 41, tourne à la loterie. L'article premier A n'a aucun caractère législatif : on peut faire des débats au Parlement, certes ! Nous sommes là pour ça. Pourquoi les foudres de l'article 45 ne se sont-elles pas abattues en commission sur cet article, alors qu'elles ont fait montre de toute leur rigueur en s'appliquant à un amendement introduisant un article de même nature que j'ai déposé avec des collègues socialistes et orienté, lui, sur les principes de notre politique d'accueil ?
Pourquoi tel amendement est hors sujet, quand un autre, tout à fait comparable, est accepté ? C'est tout à fait aléatoire. Il fut un temps où le Parlement ne s'embarrassait pas de cet article 45. Ce n'était pas plus mal...
M. Richard Yung. - Très bien !
M. Jean-Yves Leconte . - Cet article de M. Karoutchi précise que le droit au regroupement familial et que le droit d'asile doivent être respectés et qu'ils ne relèvent donc pas des quotas : encore heureux !
Sur les 240 000 primo-arrivants l'an passé, 87 000 relèvent du regroupement, dont 5 000 conjoints de Français, et 35 000 relèvent du droit humanitaire - le solde étant constitué des migrants économiques et des étudiants. Le Parlement fixerait-il le niveau de migration économique ? C'est idiot. Limiter l'attractivité française, le nombre d'étudiants qui devraient venir en France ? Nous avons délivré 240 000 visas en 2017...
M. Roger Karoutchi. - 260 000 !
M. Jean-Yves Leconte. - ... soit trois fois moins que la Pologne. Les quotas sont soit un trompe-l'oeil, soit une volonté de ne plus attirer les étudiants ni les talents.
M. Roger Karoutchi . - Je suis admiratif. « Vous allez empêcher les talents d'entrer en France. ! » On ne doit pas vivre dans le même pays...
Mme Éliane Assassi. - Vous n'accueillez pas beaucoup de réfugiés dans les Hauts-de-Seine !
M. Roger Karoutchi. - En réalité, si ce n'est pas le Parlement qui décide, ce sera le Gouvernement. Et s'il décide de tout fermer, nous n'aurons rien à dire...
M. Charles Revet. - Bien sûr !
M. Roger Karoutchi. - Il y a des pays voisins où le Parlement a été très étonné des résultats des élections. Si un Gouvernement populiste venait à prendre le pouvoir, mieux vaut ne pas laisser la main à l'exécutif. Et qui peut dire que le Parlement sera plus restrictif que le Gouvernement ? Nous voulons un Sénat puissant, c'est au Parlement de décider des orientations de la politique des migrations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)
M. le président. - Amendement n°23 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.
Supprimer cet article.
Mme Cécile Cukierman. - Cet article premier A a tous les défauts qu'on peut en attendre, en fixant des objectifs improuvables. Vous appelez « étrangers » tous ceux qui demandent à entrer en France... Mais n'oubliez pas que la France associe droit du sol et droit du sang. Le tiers des entrées sur le territoire national concerne des ressortissants nationaux. Entre 2006 et 2016, le solde migratoire est passé de +123 000 à +33 000. Quelque 855 000 Français de 25-34 ans vivent à l'étranger. De fait, nombre d'étudiants sont allés travailler ailleurs, là où l'excellence de notre formation est reconnue...
Défendre cet article au nom des droits du Parlement ? Assumez plutôt vos sous-entendus, Monsieur Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. - Ce sont les vôtres ! Gardez-les pour vous !
M. le président. - Amendement identique n°502, présenté par le Gouvernement.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - L'article premier A, introduit par la commission des lois, réécrit l'article du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définissant le contenu du rapport annuel remis au Parlement.
Plusieurs éléments, dont ceux relatifs à la politique européenne d'immigration et d'intégration, figurent déjà dans ce rapport.
L'introduction de « quotas » votés par le Parlement, pour chacune des catégories de séjour à l'exception de l'asile, ne résiste pas à un examen de sa faisabilité. Elle n'avait d'ailleurs pas été mise en oeuvre entre 2007 et 2012. La commission, présidée par Pierre Mazeaud, pour mener une réflexion sur cette politique, avait conclu, en juillet 2008, que les quotas seraient irréalisables.
Le Gouvernement est défavorable à une telle politique. En effet, l'immigration familiale est garantie par des principes figurant dans la Constitution, comme le droit à mener une vie familiale normale ou la liberté du mariage, et dans les conventions internationales.
Concernant l'immigration professionnelle, notre droit encadre l'emploi de nouveaux immigrés par la délivrance des autorisations de travail en fonction du marché du travail. Pour les talents internationaux et les étudiants étrangers, le Gouvernement a fait le choix de développer l'attractivité du territoire national pour ces publics compte tenu de leur apport à notre économie et au rayonnement de la France.
Enfin, les actions conduites par les collectivités territoriales peuvent être déjà ajoutées au rapport en tant que de besoin sans nécessité d'une modification législative.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques de suppression. Le Sénat s'est déjà prononcé en 2006 sur les politiques migratoires. Il faut une vision globale partagée par la représentation nationale et pas seulement issue de l'exécutif. La notion de quota n'est pas forcément rigide, elle peut viser les types de titres et non les pays d'origine. Nous manquons d'informations sur les régularisations. Nous souhaitons avoir des informations sur l'immigration liée au travail : depuis 2008, nous n'avons aucune information sur les métiers tendus.
M. Jean-Yves Leconte. - Nous ne pouvons pas accepter une politique de quotas quoi qu'en dise M. Karoutchi. Nous privilégions les critères objectifs.
M. Roger Karoutchi. - Ça n'existe pas !
M. Jean-Yves Leconte. - Au total, 40 % des primo-arrivants seulement restent sur le territoire - mais la proportion est beaucoup plus faible pour les étudiants et les talents, les deux catégories sur lesquelles pourraient porter les quotas. Les critères objectifs sont la meilleure option.
Mme Michelle Gréaume. - Quelles sont les intentions de ceux qui demandent des quotas ? En matière d'immigration, l'écart entre la réalité et les discours est très important. Nous avons découvert que notre pays était un pays d'émigration, car nos entreprises ne savent pas tirer parti des qualités de nos jeunes diplômés - elles préfèrent les dividendes. Ne négligeons pas le fait que notre pays reste pourtant un des plus riches du monde, ce qui laisse présumer que nous sommes capables de faire face à l'arrivée d'un flux de migration, surtout venant de pays dont nous avions fait nos colonies.
Au Mali, dont la population a quadruplé depuis l'indépendance et frôle les 20 millions d'habitants, le fait de partir à l'étranger est un passage obligé, le nombre de ceux qui séjournent dans les pays voisins, est bien plus important que ceux qui viennent en France.
La diaspora malienne en France, c'est entre 120 000 titulaires de cartes de séjour et 500 000 Maliens d'origine dont une partie naturalisée française. Regardez l'équipe de France de football... (On proteste sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Micouleau. - Et alors ?
M. le président. - Veuillez conclure !
Mme Michelle Gréaume. - La diaspora malienne compte aussi dans le BTP, y compris des Maliens sans papiers dont la présence est devenue incontournable, et n'oublions pas les transferts d'argent entre nos deux pays, loin d'être défavorable au nôtre...
M. le président. - Merci à chacun de respecter le temps imparti.
M. Roger Karoutchi. - On m'accusait de sous-entendus dans ma liste. Il s'agit de celle du Ceseda - je n'ai pas le sentiment d'avoir inventé quoi que ce soit ici...
Ce débat est surréaliste. Autant on peut définir des critères objectifs sur le droit d'asile, autant en matière d'immigration économique, cela équivaut à des quotas.
M. Michel Savin. - Cela n'a pas de sens.
Mme Éliane Assassi. - Ce ne sont pas des quotas !
M. Roger Karoutchi. - Mieux vaut que le Parlement exerce son pouvoir plutôt que de laisser le Gouvernement définir de nouveaux critères.
M. Charles Revet. - C'est la démocratie.
M. Roger Karoutchi. - Pourquoi parler de la politique migratoire au Parlement serait-il attentatoire au pouvoir de l'exécutif ? Il n'y a rien de déshonorant, de réducteur ou d'infâme à cela.
M. André Reichardt. - Je ne vois pas en quoi il serait interdit au Parlement de se prononcer sur une politique d'immigration sur la base de critères inscrits dans la loi. La réalité actuelle, c'est une politique à vau-l'eau, sans orientation claire, parce qu'on ne débat pas de critères. La seule alternative à l'absence de maîtrise que semble souhaiter M. Leconte, c'est que le Parlement fixe une politique claire.
M. Pierre Laurent. - M. Karoutchi noie le poisson. Vos quotas seraient une façon de défendre les pouvoirs du Parlement ? Mais si, comme nous, vous voulez défendre le Parlement, prenons date pour la réforme constitutionnelle. Ici, ce n'est pas le sujet, notre différend, d'ordre philosophique, porte sur la politique d'accueil : vous la souhaitez restrictive et encadrée ; nous privilégions une autre vision. Voilà l'objet de ce débat. Assumez votre choix politique.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Aborder le débat par la question des quotas est symptomatique d'un contexte où domine la peur. Or la peur, mauvaise conseillère, conduit à des renoncements et des reniements. L'incident de l'Aquarius a vu la France renier l'image qui était jusqu'alors la sienne à l'étranger.
À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos23 rectifié et 502 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°131 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 135 |
Contre | 209 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(M. Charles Revet s'en réjouit.)
M. le président. - Amendement n°177 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas:
« Art. L. 111-10. - Chaque année, avant le 30 juin, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d'asile, d'immigration et d'intégration.
« Ce rapport indique et commente les données quantitatives relatives aux cinq années précédentes, à savoir :
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement supprime la mention selon laquelle le rapport du Gouvernement sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et d'intégration peut faire l'objet d'un débat annuel au Parlement. Cette mention n'a aucune valeur normative. Par ailleurs, cet amendement précise la date de remise de ce rapport et complète son intitulé pour y inclure l'asile.
M. le président. - Amendement n°153 rectifié, présenté par MM. Meurant et Leroy.
Alinéa 2
Remplacer le mot :
peuvent faire
par le mot :
font
M. Sébastien Meurant. - Cet amendement est rédactionnel pour préciser que le Gouvernement fait les choses.
M. le président. - Amendement n°167, présenté par Mmes Di Folco, Berthet, Deromedi et Eustache-Brinio, MM. Frassa, Karoutchi et Meurant, Mme Morhet-Richaud, M. Morisset, Mme Puissat et MM. Revet et Leroy.
Alinéa 3
Après le mot :
Gouvernement
insérer les mots :
, rendu avant le 1er juin de chaque année,
Mme Catherine Di Folco. - La commission des lois a prévu l'organisation d'un débat annuel sur la politique migratoire et la remise, au préalable, d'un rapport sur la situation des étrangers en France, que le Gouvernement publie déjà, mais avec un certain retard : le rapport actuellement disponible a été publié en février 2017 et porte sur les données de... 2015. (M. Charles Revet s'en désole.)
Cet amendement impose au Gouvernement de rendre son rapport avant le 1er juin de chaque année.
À l'article 33 bis du projet de loi, l'Assemblée nationale avait prévu la remise d'un rapport avant le 1er octobre, date beaucoup trop tardive pour en prendre en compte lors de la préparation du projet de loi de finances.
M. le président. - Amendement n°60 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Hassani, Karam, Patient et Dennemont.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, en métropole et dans les outre-mer
M. Thani Mohamed Soilihi. - Les outre-mer, grands oubliés de ce projet de loi, totalisent à eux seuls plus de la moitié des reconduites à la frontière menées depuis le territoire français.
Les chiffres contenus dans le rapport du Gouvernement sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et d'intégration éclairent le Parlement afin qu'il contrôle que les politiques migratoires conduites sont proportionnées à l'ampleur des entrées illégales dans notre pays. Dans les départements de Mayotte et de Guyane, il est évident que la lutte contre l'immigration clandestine menée jusqu'à présent est loin d'être à la hauteur de l'ampleur des entrées irrégulières qui ont lieu quotidiennement dans ces territoires.
Chaque année, à Mayotte, 20 000 personnes sont renvoyées de l'archipel comorien - contre 26 000 ailleurs en France. Le dernier rapport porte sur les données de l'année 2015. Il faudrait un rapport actualisé pour la préparation du projet de loi de finances.
M. le président. - Amendement identique n°181 rectifié ter, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Yves Leconte. - Il a été excellemment défendu par notre collègue.
M. le président. - Amendement identique n°515 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Menonville, Vall et Gold.
M. Guillaume Arnell. - Cet amendement incite le Gouvernement à se doter des moyens d'estimer le nombre d'étrangers présents dans les territoires d'outre-mer, plus exposés encore à la pression migratoire que le territoire national métropolitain.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°177 rectifié bis, car la commission souhaite ce débat.
Retrait de l'amendement n°153 rectifié, contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel de novembre 2003 sur l'ordre du jour des assemblées parlementaires.
Avis favorable à l'amendement n°167 qui précise la date de remise du rapport. Actuellement, le dernier rapport porte sur l'année 2015.
Quant aux amendements identiques nos60 rectifié, 181 rectifié ter et 515 rectifié : avis favorable, pour que les outre-mer ne soient pas les oubliés de ce rapport.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable à ces amendements puisque nous sommes défavorables à l'article. Chaque année, une publication intitulée « Les étrangers en France », dont la dernière édition date de 2016, inclut un chapitre sur les outre-mer qui décrit la situation dans chaque territoire.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Le rapport de 2016 porte sur les chiffres de 2015.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Ce sont bien les chiffres de 2016.
M. Guillaume Arnell. - Je veux bien vous croire, Madame la Ministre. Cependant, nous aurions préféré avoir ce rapport en amont des discussions. La non-prise en compte des outre-mer en matière d'immigration est un problème récurrent, sur laquelle les autorités françaises ont été alertées à de nombreuses reprises, notamment par l'eurocommissaire aux réfugiés et le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.
L'amendement n°177 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement n°153 rectifié est retiré.
L'amendement n°167 est adopté.
Les amendements identiques nos60 rectifié, 181 rectifié ter et 515 rectifié sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°168, présenté par Mmes Di Folco, Berthet, Deromedi et Eustache-Brinio, MM. Frassa, Karoutchi et Meurant, Mme Morhet-Richaud, M. Morisset, Mme Puissat et MM. Revet et Leroy.
Alinéa 5
Après le mot :
accordés
insérer les mots :
ou retirés
Mme Catherine Di Folco. - Le rapport sur la situation des étrangers en France devrait préciser le nombre de titres de séjour retirés par les préfectures, outre le nombre de titres de séjour délivrés.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°168 est adopté.
M. le président. - Amendement n°169, présenté par Mmes Di Folco, Berthet, Deromedi et Eustache-Brinio, MM. Frassa, Karoutchi et Meurant, Mme Morhet-Richaud, M. Morisset, Mme Puissat et MM. Revet et Leroy.
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Le nombre de mineurs isolés étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, et les conditions de leur prise en charge ;
Mme Catherine Di Folco. - Le Gouvernement et les députés ont exclu du projet de loi la thématique des mineurs isolés, chère aux départements. À l'inverse, la commission des lois du Sénat a prévu la création d'un fichier national biométrique des étrangers déclarés majeurs à l'issue de leur évaluation par un département.
Notre amendement inclut cette thématique dans le rapport annuel.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable. Le Sénat s'était engagé sur cette question. (Marques d'approbation sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable. Je me suis longuement expliquée sur ce point.
L'amendement n°169 est adopté.
M. le président. - Amendement n°179 rectifié ter, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Le nombre d'autorisations de travail accordées ou refusées ;
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement prévoit que le rapport annuel devra indiquer le nombre d'autorisations de travail demandées par et délivrées aux demandeurs d'asile.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable, d'autant que l'amendement a été rectifié comme nous l'avions demandé.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°179 rectifié ter est adopté.
M. le président. - Amendement n°180 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Le nombre d'étrangers mineurs ayant fait l'objet d'un placement en rétention et la durée de celui-ci ;
M. Jean-Yves Leconte. - Nous faisons figurer dans le rapport annuel le nombre de mineurs ayant fait l'objet d'un placement en rétention et la durée de ces placements en rétention.
M. le président. - Amendement n°178 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« k) Le nombre de contrats souscrits en application des articles L. 311-9 et L. 311-9-1 ainsi que les actions entreprises au niveau national pour favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière ;
M. Jean-Yves Leconte. - Nous faisons figurer dans le rapport le nombre de contrats d'intégration républicaine souscrits.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable à ces amendements. Nous reviendrons sur ces sujets ultérieurement.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable à ces amendements qui inscrivent dans la loi des choses qui sont déjà dans les rapports. Quand on parle de lois bavardes...
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Bavardes, mais utiles.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - C'est une initiative du Gouvernement !
L'amendement n°180 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°178 rectifié bis est adopté.
Les amendements nos496 et 497 ne sont pas défendus.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
M. le président. - Amendement n°182 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 22
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Yves Leconte. - Avec cet amendement, nous vous demandons une dernière fois de renoncer à la politique déraisonnable des quotas. Comment attirer des étudiants étrangers et des talents dans ces conditions ? Est-ce au Parlement, au Gouvernement, de décider des besoins des entreprises ? Si ces personnes veulent venir en France créer de la richesse, pourquoi s'en priver ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis favorable.
M. Roger Karoutchi. - Pour m'être longtemps occupé des transferts d'étudiants, je peux vous assurer que le problème est avant tout lié aux conditions d'accueil dans nos universités, au niveau de celles-ci et au coût de la vie à Paris - bref, à notre attractivité. Je suis prêt, si ces quotas sont maintenus, à envisager une hausse pour les étudiants. Il faut faire pièce aux pays anglo-saxons qui font tout pour attirer les meilleurs.
M. Jean-Yves Leconte. - Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec vous : il faudrait donner les moyens à nos universités d'être attractives. Votez donc cet amendement !
L'amendement n°182 rectifié bis n'est pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article premier A, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°132 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 209 |
Contre | 134 |
Le Sénat a adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°404 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme de la Gontrie, M. Féraud, Mme Lienemann, M. Jomier, Mmes Préville, Conway-Mouret et Conconne, MM. Cabanel et Antiste, Mme Ghali, MM. Temal et Tourenne, Mme Lubin, M. Vallini, Mme Lepage, MM. Manable, Houllegatte et Daudigny, Mmes Jasmin et Artigalas, M. Tissot, Mme Espagnac, MM. Dagbert, Iacovelli, Magner et Courteau, Mme Meunier, M. Durain et Mme Taillé-Polian.
A. - Après l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- La République garantit à toute personne résidant sur son territoire, quelle que soit sa nationalité et sa situation au regard du droit au séjour, les droits suivants :
1° Le droit à la prise en charge des soins, dans le cadre de l'aide médicale de l'État mentionnée à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles et de la prise en charge des soins urgents prévue par l'article L. 254-1 du même code ;
2° Le droit à l'hébergement d'urgence pour toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale, dans les conditions prévues par l'article L. 345-2-2 du même code ;
3° Le droit aux prestations de l'aide sociale à l'enfance prévues par le titre II du livre II du même code, lorsque la situation de l'enfant l'exige ;
4° Le droit à l'éducation, mentionné au titre Ier du livre Ier de la première partie du code de l'éducation ;
5° Le droit à l'aide juridique, dans les conditions prévues par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
6° Le droit de se marier, dans les conditions définies au titre V du livre Ier du code civil.
II. - Les personnes assurant la mise en oeuvre de ces droits ne peuvent être tenues de prêter leur concours à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Les données à caractère personnel relatives aux étrangers en situation irrégulière collectées dans le cadre de la mise en oeuvre de ces droits ne peuvent être traitées ou communiquées dans le but de faciliter l'éloignement de ces étrangers.
III. - L'État assure à l'étranger la connaissance de ces droits.
B. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre...
Droits inconditionnels des étrangers résidant sur le territoire
M. David Assouline. - Chers collègues, je voudrais que vous mesuriez l'état du monde et notre responsabilité. Nous vivons un moment particulier : voyez les politiques menées aux États-Unis, les enfants séparés de leurs parents, enfermés dans des cages, en Italie ou en Europe de l'Est. Cela sent très mauvais. Face à ce danger raciste et populiste qui rappelle des périodes sombres, être plus ferme est-il un rempart ? Cela fait vingt ans que l'on fait la même chose. Depuis trente ans, on durcit la législation au motif qu'il faut faire face au Front national. Et le FN n'a cessé de monter !
Quand l'Espagne fait ce qu'elle a fait, elle allume une bougie, un rayon de soleil dans une Europe menacée par les ténèbres. (Marques d'impatience à droite)
Cet amendement rappelle en un article les droits fondamentaux inaliénables garantis aux réfugiés.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Les bonnes intentions de cet amendement sont manifestes mais les droits visés existent déjà et leur énumération ne saurait être exhaustive. Avis défavorable, faute de caractère normatif. Peut-être pourriez-vous le retirer ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Votre démarche est louable mais l'amendement ne relève pas exclusivement de la politique d'immigration puisque ces droits sont garantis à toute personne résidant en France, quelle que soit sa nationalité. Ainsi, le droit à l'hébergement d'urgence a sa place dans le Code de l'action sociale et des familles, non dans le Ceseda. Avis défavorable. Il serait bon que vous le retiriez.
M. David Assouline. - Les amendements humanistes devraient être retirés ?
Lors du débat sur la SNCF, le Gouvernement assurait que le caractère public de l'entreprise était garanti ; pourtant, devant le doute, nous l'avons précisé dans la loi.
Il existe un socle de droits inaliénables qu'il est bon de rappeler. Le respect de la dignité de celui qui vit sur notre territoire, quelle que soit sa nationalité, doit être réaffirmé en ce moment particulier. C'est la tradition française quand il s'agit d'enjeux aussi importants pour l'humanité.
M. Philippe Bonnecarrère. - Notre groupe partage le constat dramatique de la situation européenne. Nul n'imaginait qu'il y aurait un jour dans notre Europe des pays où les règles démocratiques ne sont pas l'évidence, je pense à la théorie de l'illibéralisme en Hongrie notamment. On ne peut se satisfaire de la fracture naissante entre l'Europe de l'Ouest et de l'Est, entre l'Europe du Sud et l'Europe du Nord. Ma réponse est politique : il faut soutenir l'État de droit - le travail du rapporteur va dans ce sens - et oeuvrer en Europe pour contrer cette évolution. Ce sera l'enjeu du Conseil européen des 26 et 27 juin. Gardons le contact pour arriver à un dénominateur commun, même si ce sera difficile.
L'amendement n°404 rectifié n'est pas adopté.
présidence de M. David Assouline, vice-président
ARTICLE PREMIER (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° L'article L. 313-11 est ainsi modifié :
a) Le 10° est abrogé ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« ...° À l'étranger résidant habituellement en France, dont la décision fixant le pays de renvoi a fait l'objet d'une annulation ou lorsque l'autorité compétente n'a pas exécuté la mesure d'éloignement depuis deux ans à la condition que cette impossibilité ne résulte pas de l'obstruction volontaire de l'étranger. » ;
2° L'article L. 313-13 est abrogé ;
3° À la fin de la première phrase du 2° de l'article L. 313-18, les mots : « ainsi qu'à l'article L. 313-13 » sont supprimés ;
4° La section 3 est complétée par des sous-sections 5 et 6 ainsi rédigées :
« Sous-section 5
« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux membres de leur famille
« Art. L. 313-25. - Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :
« 1° À l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ;
« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 ;
« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;
« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;
« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié.
« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire de la protection subsidiaire?. La carte délivrée en application des 2° à 5° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire?.
« Le délai pour la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle à compter de la décision d'octroi de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile est fixé par décret en Conseil d'État.
« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle.
« Sous-section 6
« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires du statut d'apatride et aux membres de leur famille
« Art. L. 313-26. - Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :
« 1° À l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride en application du titre Ier bis du livre VIII ;
« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale en application de l'article L. 812-5 ;
« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande du statut d'apatride, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;
« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;
« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride est un mineur non marié.
« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire du statut d'apatride?. La carte délivrée en application des 2° à 5° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire du statut d'apatride?.
« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. »
M. Pascal Savoldelli. - Rare avancée du texte, cet article, supprimé par la commission, crée deux nouvelles cartes de séjour pluriannuelles, d'une durée de quatre ans, au profit des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des apatrides ainsi que de leurs familles, qui se substituent aux cartes de séjour « vie privée et familiale » d'un an. Cela sécurise le droit au séjour des bénéficiaires en facilitant leur intégration et leurs démarches administratives. Notons que treize pays européens accordent des titres d'une durée de trois à cinq ans. Cela réduira également le nombre de recours contre les décisions de l'Ofpra et de la CNDA.
Nous améliorons le dispositif prévu par le Gouvernement en accordant une carte de séjour d'un an aux étrangers qui sont dans l'impossibilité de quitter le territoire français depuis deux ans.
M. le président. - Amendement n°184 rectifié, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Le 10° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-13 sont abrogés ;
2° À la fin de la première phrase du 2° de l'article L. 313-18, les mots : « ainsi qu'à l'article L. 313-13 » sont supprimés ;
3° La section 3 est complétée par des sous-sections 5 et 6 ainsi rédigées :
« Sous-section 5
« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux membres de leur famille
« Art. L. 313-25. - Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :
« 1° À l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ;
« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 ;
« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;
« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;
« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié.
« 6° À ses collatéraux au deuxième degré dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié.
« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire de la protection subsidiaire?. La carte délivrée en application des 2° à 6° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire?.
« La carte de séjour pluriannuelle est délivrée dans un délai d'un mois à compter de la décision d'octroi de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile.
« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle.
« Sous-section 6
« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires du statut d'apatride et aux membres de leur famille
« Art. L. 313-26. - Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :
« 1° À l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride en application du titre Ier bis du livre VIII ;
« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale en application de l'article L. 812-5 ;
« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande du statut d'apatride, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;
« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;
« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride est un mineur non marié.
« 6° À ses collatéraux au second degré dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3.
« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire du statut d'apatride?. La carte délivrée en application des 2° à 6° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire du statut d'apatride?.
« La carte de séjour pluriannuelle est délivrée dans un délai d'un mois à compter de la décision d'octroi du statut d'apatride par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile
« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. »
M. Didier Marie. - Nous rétablissons l'article premier, l'une des rares mesures positives de ce projet de loi, d'autant que les arguments pour justifier sa suppression nous semblent infondés. Certes, les titres de séjour en cause ont été réformés il y a moins de trois ans, sans évaluation depuis, mais il en va de même de la plupart des dispositions du texte !
Nous apportons quelques modifications au texte de l'Assemblée nationale : délivrance de la carte pluriannuelle aux frères et soeurs des étrangers mineurs bénéficiaires de la protection subsidiaire et du statut d'apatride, pour éviter qu'ils ne se retrouvent sans titre de séjour à leur majorité - et encadrement du délai de délivrance de la carte.
M. le président. - Amendement n°416, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Le 10° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-13 sont abrogés ;
2° À la fin de la première phrase du 2° de l'article L. 313-18, les mots : « ainsi qu'à l'article L. 313-13 » sont supprimés ;
3° La section 3 est complétée par des sous-sections 5 et 6 ainsi rédigées :
« Sous-section 5
« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux membres de leur famille
« Art. L. 313-25. - Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :
« 1° À l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ;
« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 ;
« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;
« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;
« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié.
« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire de la protection subsidiaire?. La carte délivrée en application des 2° à 5° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire?.
« Le délai pour la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle à compter de la décision d'octroi de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile est fixé par décret en Conseil d'État.
« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle.
« Sous-section 6
« La carte de séjour pluriannuelle délivrée aux bénéficiaires du statut d'apatride et aux membres de leur famille
« Art. L. 313-26. - Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour :
« 1° À l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride en application du titre Ier bis du livre VIII ;
« 2° À son conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou à son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale en application de l'article L. 812-5 ;
« 3° À son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande du statut d'apatride, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;
« 4° À ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 ;
« 5° À ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride est un mineur non marié.
« La carte délivrée en application du 1° du présent article porte la mention ?bénéficiaire du statut d'apatride?. La carte délivrée en application des 2° à 5° porte la mention ?membre de la famille d'un bénéficiaire du statut d'apatride?.
« Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. »
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Gouvernement souhaite rétablir la rédaction initiale. L'amélioration de la situation des personnes qui se voient reconnaître une protection subsidiaire est l'une des mesures phares du texte. C'est une mesure de simplification et une sécurisation de leur droit au séjour.
M. le président. - Amendement identique n°435 rectifié, présenté par M. Bargeton et les membres du groupe La République En Marche.
M. Julien Bargeton. - Accorder quatre ans au lieu d'un an est facteur d'intégration. Je ne crois pas à l'appel d'air. Ces deux statuts répondent à des critères précis ; il faut, pour obtenir la protection subsidiaire, être pourchassé et risquer la peine de mort. En général, ces situations ne changent pas au bout d'un an !
Une telle mesure simplifiera le travail des services des préfectures.
M. le président. - Amendement identique n°516 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, Carrère et Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Vall et Gold.
Mme Maryse Carrère. - L'article premier, supprimé par la commission des lois, était l'un des seuls à renforcer l'accueil des demandeurs d'asile. La différence de traitement entre réfugiés et personnes admises à la protection subsidiaire place ces derniers en situation d'insécurité juridique. La durée de protection peut s'avérer inférieure à la durée des procédures ! Le maintien de deux régimes administratifs pose problème. En outre, cette mesure désengorgera la CNDA et l'Ofpra.
L'amendement n°172 rectifié est retiré.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'amendement n°5 prévoit de régulariser des étrangers ayant fait l'objet de mesures d'éloignement non exécutées depuis deux ans. Vu la situation en la matière, il entraînerait de très nombreuses régularisations !
La commission a préféré en rester au droit en vigueur, notamment parce que les titres de séjour ont été réformés il y a moins de trois ans. Le droit en vigueur est conforme à la directive européenne dont l'article 16 prévoit que la protection subsidiaire est conditionnée à l'évolution de la situation personnelle des bénéficiaires. C'est le statut de réfugié qui doit primer.
Enfin, le dispositif prévu par le Gouvernement est paradoxalement moins protecteur pour les 1 500 apatrides, souvent oubliés des politiques publiques. Avis défavorable aux amendements nos5, 184 rectifié, 416, 435 rectifié et 516 rectifié.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable aux amendements nos5 et 184 rectifié. Favorable aux amendements nos435 rectifié et 516 rectifié, identiques à celui du Gouvernement.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
M. Didier Marie. - L'amendement n°184 rectifié est plus complet que celui du Gouvernement, avec la délivrance de la carte de séjour sous un mois. En allouant des visas de quatre ans aux bénéficiaires, on facilite leur intégration et leur vie familiale.
L'amendement n°184 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos416, 435 rectifié et 516 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article premier demeure supprimé.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°185 rectifié ter, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 10° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « La carte de séjour est délivrée dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision reconnaissant le statut d'apatride par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile. »
M. Didier Marie. - Amendement de repli qui encadre dans la loi le délai de délivrance de la carte de séjour temporaire pour le bénéficiaire du statut d'apatride.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Fichtre !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable. Cela relève du niveau réglementaire. Vous introduisez des délais dérogatoires au droit commun selon lequel la décision de rejet est implicite au-delà de quatre mois. L'intérêt est d'autant plus limité que, dans l'attente de la délivrance de la carte de séjour, le demandeur reçoit un récépissé qui lui ouvre les mêmes droits que celle-ci.
L'amendement n°185 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°187 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « La carte de séjour est délivrée dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision accordant le bénéfice de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile. »
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement de repli encadre le délai de délivrance de la carte pour le bénéficiaire de la protection subsidiaire. Ce ne sera pas la seule mesure de niveau réglementaire du texte !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°187 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 2
Mme Michelle Meunier . - Le titre de ce projet de loi sonne comme une incantation. Pour autant, le texte de l'Assemblée nationale, remanié par la commission des lois du Sénat, durcit le dispositif régissant l'entrée, le séjour et l'éloignement des étrangers. La Commission nationale des droits de l'homme l'a jugé très dangereux.
L'esprit est loin de la lettre, surtout quand il s'agit des enfants. Leur enfermement choque nos concitoyens, témoignage d'un reliquat d'humanité dans nos civilisations rendues folles par le besoin de réguler les allers et venues des plus faibles.
Le groupe socialiste se mobilisera contre l'enfermement des mineurs et pour la protection des enfants.
M. le président. - Amendement n°186 rectifié, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le d du 8°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Ses collatéraux du deuxième degré dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié. » ;
Mme Michelle Meunier. - Cet amendement étend le bénéfice de la carte de résident aux frères et soeurs de l'étranger mineur qui a obtenu le statut de réfugié, sans quoi ces derniers se trouveraient sans titre de séjour à leur majorité et seraient contraints de quitter la France où ils ont suivi leur scolarité.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. La commission a supprimé les dispositions prévues par le Gouvernement en la matière.
La question est délicate, mais le droit en vigueur est conforme à la directive européenne. Les frères et soeurs ont toujours la possibilité de déposer eux-mêmes une demande d'asile ou de solliciter un visa asile.
Enfin, nous savons, même si c'est difficile à dire, que les réseaux tirent profit de telles dispositions : le mineur deviendrait un objet utilisé pour favoriser l'immigration illégale...
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis.
M. Jean-Yves Leconte. - Je suis étonné de cette réponse. Quelle que soit la directive européenne, nous considérons qu'il faut que les frères et soeurs d'un enfant protégé puissent rester sur le territoire après leur majorité. Oui, il y a des risques. Mais on constate que le nombre de personnes bénéficiant légitimement d'une protection a augmenté. Comment les intégrer ?
M. Roger Karoutchi. - M. Leconte nous demande de respecter les directives européennes, mais quand on le fait, il trouve cela insuffisant ! En trois ou quatre ans, la charge liée aux mineurs isolés a été multipliée par cinq ou dix selon les départements. Nous savons que les passeurs en jouent, c'est la réalité !
Si nous avons davantage accordé le statut de réfugié ces dernières années, c'est que le nombre de demandeurs d'asile provenant de zones de guerre a explosé. C'est bien la preuve que nous ne menons pas une politique restrictive en la matière.
M. Jean-Yves Leconte. - Ce n'est pas le sujet !
L'amendement n°186 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements nos417, 437 et 188 rectifié bis sont retirés.
M. Jean-Yves Leconte. - La discussion a dévié sur les mineurs isolés mais notre amendement traitait des frères et soeurs de mineurs protégés qui devront quitter le territoire à leur majorité, alors qu'ils y sont entrés de manière régulière. C'est dommage.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
M. Richard Yung . - Je déplore la suppression par la commission des lois du dispositif visant à étendre la réunification familiale aux frères, soeurs, demi-frères et demi-soeurs des mineurs protégés.
M. Karoutchi ne m'a pas convaincu. Les enfants qui sont sur notre territoire, nous n'allons pas les mettre dans des cages comme certains pays dits « civilisés »... La directive Qualification n'interdit en rien l'introduction de dispositions plus généreuses dans le droit national.
M. le président. - Amendement n°452 rectifié, présenté par Mme Eustache-Brinio, M. Bazin, Mme Delmont-Koropoulis, M. Karoutchi, Mme Lanfranchi Dorgal, M. H. Leroy, Mme Puissat, M. Sol, Mme Gruny, MM. Kennel, Cardoux, Sido, Laménie et Paccaud, Mme Lassarade, M. Meurant et Mme Lamure.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Au 3° du I, le mot : « dix-neuf » est remplacé par le mot : « dix-huit » ;
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Un mineur devenu majeur peut déposer une demande d'attribution de la protection subsidiaire ou du statut d'apatride indépendamment de ses parents.
Cet amendement restreint, en conséquence, la réunification aux seuls mineurs, en supprimant la phase intermédiaire entre 18 et 19 ans.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission s'est assuré de l'absence d'impact sur d'autres dispositions du droit des étrangers ; avis favorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Gouvernement souhaite maintenir les dispositions de la loi de 2015 sur la réunification familiale, qui sont conformes à la directive « Qualification ». Avis défavorable.
Mme Éliane Assassi. - Oui, on ne peut pas accepter ça !
L'amendement n°452 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°34, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 3
Rétablir le a dans la rédaction suivante :
a) L'avant-dernier aline?a du I est comple?te? par les mots : « , accompagne?s le cas e?che?ant par leurs enfants mineurs non marie?s dont ils ont la charge effective » ;
Mme Michelle Gréaume. - Cet article sur la réunification familiale est la seule avancée de ce projet de loi. Cette procédure est fondée sur le principe de l'unité de la famille. Un amendement du sénateur Karoutchi, adopté en commission des lois, a supprimé la mesure au prétexte d'un « appel d'air ». Les frères et soeurs, dites-vous, peuvent toujours demander l'asile. Quelle ironie quand on parle d'enfants mineurs, vu les difficultés de la procédure !
L'amendement n°128 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement identique n°189 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Didier Marie. - Cet amendement rétablit la disposition qui permettra aux mineurs isolés ayant obtenu le statut de réfugié de faire venir leurs frères et soeurs en France. « Un appel d'air pour des flux migratoires toujours plus importants » ? Voilà une illustration de la confusion qu'entretient la droite sur ce sujet : nous parlons de réunification familiale, et non de regroupement familial, dont ont bénéficié, en 2016, 4 319 personnes. L'appel d'air se chiffre à 0,006 % de la population française...
M. le président. - Amendement identique n°512 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.
M. Julien Bargeton. - Cet amendement rétablit l'extension du regroupement familial dont M. Yung regrettait la suppression. Comment peut-on défendre le principe du droit d'asile sans soutenir la réunification familiale ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Pas moins de 2 700 personnes bénéficient de la protection. Il faut tenir compte non seulement du flux, mais des bénéficiaires déjà présents. On peut comprendre les intentions généreuses.
M. Pierre Laurent. - Ce n'est pas l'invasion !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Prenons en compte le risque de mettre des enfants dans les mains des passeurs.
M. Jean-Yves Leconte. - Et que fait-on contre les passeurs ?
Mme Éliane Assassi. - Rien...
M. Jean-Yves Leconte. - On laisse les enfants seuls face à eux ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Il s'agit de préserver l'unité de la famille pour quelques cas seulement. On ne peut pas placer des parents devant ce dilemme de séparer leur famille, en en laissant une partie au pays. Cette disposition concernera peu de monde : en 2017, 357 mineurs ont reçu la protection de l'Ofpra. Ceux qui brandissent la menace d'un appel d'air la confondent avec les mineurs isolés qui demandent la protection de l'enfance, au nombre de 54 000. En 2017, 2 380 personnes ont bénéficié de la réunification familiale, 83 478 personnes du regroupement familial. Avis favorable à l'ensemble des amendements.
M. Jean-Pierre Sueur. - Revenons-en à la sémantique. Nous avons eu droit à la submersion, au raz-de-marée, au déferlement, au tsunami et maintenant à l'appel d'air. Les métaphores météorologiques sont dérisoires au vu des chiffres avancés par la ministre. Il s'agit d'êtres humains, non de substances compactes à caractère liquide ou gazeux. La sémantique, c'est de la politique. Un droit existe. Ne créons pas une autre réalité. M. Gérard Collomb expliquait, devant la commission des lois, que ces pauvres migrants faisaient du benchmarking depuis leurs rafiots en Méditerranée.
Mme Michèle Vullien. - Ce sont les passeurs qui le font !
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est intolérable. C'est en se dotant de moyens plus solides que l'Europe mettra fin à l'activité des passeurs. Mieux vaudrait renforcer Frontex que de déblatérer sur des êtres humains réduits à des éléments météorologiques.
M. Roger Karoutchi. - Dans un débat, il ne faut pas travestir les propos des uns et des autres. Je n'ai jamais parlé que des êtres humains. En quoi sont-ils traités comme tels quand ils vivent dans des campements à la périphérie de nos villes ? Renforcer Frontex ? Mais cela fait des années que nous l'attendons. (M. Jean-Pierre Sueur le confirme.) Vous rendez-vous compte que le revenu des passeurs est supérieur aux revenus pétroliers de la Libye ? (Mme Esther Benbassa ironise.) Ils gagnent un pognon fou !
M. Pierre Laurent. - Monsieur Karoutchi, tsunami, raz-de-marée, ces mots ont été largement employés par votre famille politique. Nous nous félicitons que vous ne les ayez pas repris dans ce débat. Le drame de l'Aquarius y est peut-être pour quelque chose.
Pour lutter contre les passeurs, il faudrait créer des voies légales d'immigration internationalement sécurisées. On le dit depuis les ONG jusqu'à l'ONU.
M. Jean-Yves Leconte. - Monsieur Karoutchi, dans l'objet de l'amendement que vous avez présenté en commission, il était question d'une « explosion de l'immigration » si l'on faisait venir les parents et la fratrie. C'est de la fake news ! Mieux vaut faire en sorte qu'un mineur protégé en France puisse être avec les siens.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Pourquoi dispenser les frères et soeurs de la procédure de reconnaissance de leur statut de réfugié, d'autant qu'ils ont toutes les chances de l'obtenir ? La mesure, introduite à l'Assemblée nationale, que personne ne demandait, n'a pas empêché la France de respecter intégralement ses devoirs jusqu'à présent.
À la demande du groupe SOCR, les amendements identiques nos34, 189 rectifié bis et 512 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°133 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 135 |
Contre | 208 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°58 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski et Cambon, Mme Lavarde, M. Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Piednoir, Charon et Dallier, Mme Deseyne, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Boyer, Mmes Chain-Larché et Delmont-Koropoulis, MM. Dominati, Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Sido, Vogel et Cardoux et Mme Lamure.
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Le dernier alinéa du I est ainsi rédigé :
« L'âge de l'enfant demandeur d'asile ou rejoignant le demandeur d'asile est apprécié à la date à laquelle le demandeur d'asile au titre de la réunification familiale obtient une réponse de l'office français de protection des réfugiés et apatrides. » ;
M. Roger Karoutchi. - Question de date : l'Ofpra préférerait, pour des raisons techniques, qu'on prenne en compte celle où il donne sa réponse à la demande de réunification plutôt que celle à laquelle l'intéressé fait sa demande.
M. le président. - Amendement identique n°84, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.
M. Dany Wattebled. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°190 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Au dernier alinéa du I, les mots : « de réunification familiale » sont remplacés par les mots : « d'asile » ;
M. Jean-Yves Leconte. - Je propose l'inverse ! Vous êtes incohérents.
M. Charles Revet. - Parlez pour vous.
M. Jean-Yves Leconte. - Vous n'avez pas mis à la porte vos enfants du jour au lendemain. Ils ont besoin d'accompagnement, vous le savez bien. Il est inacceptable que l'on puisse apprécier l'âge auquel ces enfants pourront rejoindre leur famille au moment où la réponse de l'Ofpra a été donnée.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Actuellement, la demande de réunification est appréciée à la date de la demande. Les amendements identiques nos58 rectifié bis et 84 proposent de l'apprécier plus tard, au moment de l'autorisation ; celui de M. Leconte avant, à la date de la demande d'asile. Avis favorable aux amendements identiques nos58 rectifié bis et 84. Avis défavorable à l'amendement n°190 rectifié bis.
Mme Esther Benbassa. - C'est étonnant !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable à tous les amendements.
Les amendements identiques nos58 rectifié bis et 84 sont adoptés.
L'amendement n°190 rectifié bis n'a plus d'objet.
La séance est suspendue à 20 heures.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Immigration, droit d'asile et intégration (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
Discussion des articles (Suite)
M. le président. - Amendement n°375 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 3
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...) Après le troisième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorité administrative informe les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire, sollicitant un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, des modes de preuves auxquels ils peuvent recourir pour établir les liens de filiation. » ;
...) Le quatrième alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le doute sur authenticité des documents étrangers bénéficie au demandeur. » ;
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement de bon aloi est une proposition du Défenseur des droits, Jacques Toubon. Il renforce le droit des réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire pour prévoir l'information des modes de preuve de la filiation pour la réunification familiale.
L'information des critères de filiation, délivrée par les autorités administratives - diplomatiques et consulaires - permettrait de renforcer la transparence vis-à-vis des étrangers souhaitant venir en France au titre de la réunification familiale.
Par ailleurs, pour ce qui est des documents présentés par les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire d'un titre de séjour, selon un principe désormais bien établi, la CEDH estime que « eu égard à la situation particulière dans laquelle ils se trouvent, il convient dans de nombreux cas de leur accorder le bénéfice du doute lorsque l'on apprécie la crédibilité de leurs déclarations et des documents soumis à l'appui de celles-ci ».
J'insiste : la CEDH a raison de dire que le doute doit bénéficier au demandeur. Avec le soutien de la CEDH et de M. Toubon, je ne doute pas du sort favorable que notre commission et le Gouvernement réserveront à cet amendement...
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement poursuit deux objectifs : informer les familles sur la procédure de réunification familiale, et faire que le doute sur l'authenticité des documents profite au demandeur. Ce dernier point est contestable. Le droit des étrangers est fondé sur des filiations « légalement établies », aux termes du Ceseda. Avis défavorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - L'article 45 du code civil dispose que les actes du pays d'origine font foi, sauf si des éléments tirés des pièces établissent une irrégularité ou une falsification. Compte tenu de la fraude massive dans certains pays d'origine, avis défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Une proposition : si l'amendement était rectifié, Monsieur le Rapporteur, en conservant seulement le premier alinéa, y seriez-vous favorable ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - À première lecture, je suis d'accord.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je rectifie l'amendement en ce sens.
M. le président. - Ce sera l'amendement n°375 rectifié bis.
Mme Michelle Meunier. - Je regrette cette rectification, le doute doit bénéficier au demandeur, nous l'avons établi pour la protection de l'enfant.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Mon avis reste défavorable.
L'amendement n°375 rectifié bis est adopté.
M. le président. - Amendement n°192 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa de l'article L. 723-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par les mots : « portant sur les signes de persécutions ou d'atteintes graves qu'il aurait subies ».
M. Didier Marie. - L'article L. 723-5 du Ceseda prévoit que l'Ofpra peut demander à une personne sollicitant l'asile de se soumettre à un examen médical.
Cet amendement précise que cet examen médical porte sur les signes de persécutions ou d'atteintes graves que le demandeur aurait subies. Cette mention assure que l'examen médical est en lien direct avec la demande de protection.
Cette garantie est fidèle à l'article 18 de la directive du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale qui dispose que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le demandeur soit soumis à un examen médical portant sur des signes de persécutions ou d'atteintes graves qu'il aurait subies dans le passé ».
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - On demande au législateur de se substituer au médecin, en introduisant dans la loi des contrôles pour lesquels il n'est pas compétent. Un peu de souplesse ne fait pas de mal. Avis défavorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - L'examen médical demandé par l'Ofpra doit être en lien avec les missions de protection de l'Office. Ainsi de la recherche de marques d'excision. Il ne s'agit en aucun cas de contrôle, ce qui serait disproportionné avec la mission de l'Office - et la précision de l'amendement n'est pas utile. Retrait ou avis défavorable.
M. Didier Marie. - Implicitement, l'amendement permet au demandeur de faire reconnaître les persécutions qu'il a subies, sans avoir à subir d'examens médicaux plus invasifs - il en garde l'initiative.
L'amendement n°192 rectifié bis est adopté.
M. le président. - Amendement n°191 rectifié bis, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 9
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
...- Après le premier alinéa de l'article L. 723-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si aucun examen médical n'est réalisé conformément au premier alinéa, l'office informe le demandeur qu'il peut, de sa propre initiative et à ses frais, prendre les mesures nécessaires pour se soumettre à un examen médical portant sur les signes de persécutions ou d'atteintes qu'il aurait subies. »
M. Didier Marie. - M. Karoutchi voulait s'en tenir à la directive « Procédures ». Cet amendement inscrit justement dans la loi une garantie prévue par cette directive, qui permet à un demandeur d'asile de faire réaliser l'examen médical à son initiative et à ses frais.
A minima, l'État doit prévenir le demandeur de la possibilité de réaliser un tel examen.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. En 2015, l'Ofpra a obtenu la possibilité de diligenter des examens médicaux, notamment pour les mineurs menacés d'atteintes sexuelles. À l'époque, le Défenseur des droits trouvait cela trop intrusif...
Faisons confiance à l'Ofpra, qui n'a aucune raison de refuser un examen médical en tant que de besoin. Avis défavorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le demandeur peut déjà produire un certificat médical, suite à une visite médicale réalisée à son initiative. Cette précision sur son information n'est pas du domaine de la loi et elle n'est pas utile. Retrait ou avis défavorable.
M. Didier Marie. - On nous demande constamment de nous conformer au droit européen, mais pas ici, où la directive prévoit explicitement une information : c'est difficile à comprendre !
On peut imaginer qu'un examen médical ne soit pas mené par l'Ofpra, ne serait-ce que parce que le demandeur n'a pas pu s'exprimer dans la langue française : l'information est une précaution utile, et cet amendement lui réserve la possibilité de demander un examen médical à ses frais.
À la demande de la commission des lois, l'amendement n°191 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°134 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 114 |
Contre | 229 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean-Yves Leconte. - Le groupe SOCR votera contre cet article, tel que modifié par Les Républicains. Compte tenu des délais d'étude des demandes d'asile et de réunification familiale, il n'est pas concevable de priver de la protection les mineurs qui deviendront majeurs pendant ce délai.
À la demande de la commission des lois, l'article 3, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°135 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l'adoption | 208 |
Contre | 134 |
Le Sénat a adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°193 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Avant l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot : « au », sont insérés les mots « sexe, à l'identité de ».
Mme Michelle Meunier. - Cet amendement intègre les aspects liés au sexe aux motifs de persécution donnant droit à une protection.
Ce qui semble aller de soi ne figure ni dans la Convention de Genève, ni dans la directive du 13 décembre 2011.
Considérant que les aspects liés au genre et à l'orientation sexuelle sont inscrits dans notre droit, nous pensons que ceux liés au sexe ne doivent pas être seulement pris en compte au titre du « groupe social », comme c'est le cas dans le droit international. Une femme peut être persécutée parce qu'elle est une femme.
M. le président. - Amendement n°119 rectifié, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.
Avant l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot : « genre », sont insérés les mots : « , à l'identité de genre ».
Mme Esther Benbassa. - Cet amendement inclut la transidentité dans les critères de persécution liés au genre et à l'identité sexuelle mentionnés par le Ceseda. Les personnes transgenres dans les centres de rétention n'ont parfois pas accès à leurs médicaments lorsqu'ils sont en cours de transition. La France s'honorerait à instaurer un droit d'asile progressiste, l'identité transgenre, pourtant persécutée dans le monde, ne donnant lieu à aucune protection en tant que telle dans le droit international.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Sur l'amendement n°193 rectifié bis, retrait ou avis défavorable. L'article L. 711-2 du Ceseda prend bien en compte le critère du sexe, via l'appartenance à un groupe social - de même que la Convention de Genève.
Les aspects liés au genre sont déjà pris en compte par ce même article du code. L'amendement est satisfait. Avis défavorable à l'amendement n°119 rectifié.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable. La loi répond déjà à vos préoccupations.
Mme Michelle Meunier. - Un groupe social ? Personne ne m'a jamais demandé à quel groupe social j'appartenais. Le genre n'est pas lié à cette notion.
L'amendement n°193 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOCR ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
L'amendement n°119 rectifié n'a plus d'objet.
ARTICLE 4
Mme Esther Benbassa . - Cet article étend les possibilités pour l'Ofpra de refuser ou de retirer le statut de réfugié et obliger l'autorité judiciaire à lui communiquer toute information utile à une telle décision - ainsi qu'à procéder à des enquêtes administratives dans ce sens.
Des hommes et des femmes meurent en tentant de rejoindre l'Europe ; mais on invoque ici le sécuritaire en guise de réponse, reprenant les thèmes insidieux de l'extrême droite. Parmi les exilés se cacheraient des terroristes...
C'est triste, venant de la supposée patrie des droits de l'Homme. Il est inutile de durcir les dispositions existantes - sauf pour affirmer une vision strictement sécuritaire de la question migratoire.
M. le président. - Amendement n°517 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, Carrère et Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mme Laborde et MM. Menonville, Vall et Gold.
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1°Au 1° de l'article L. 711-6, le mot : « grave » est remplacé par les mots : « pour la sécurité publique ou » ;
2° Le titre Ier du livre VI est complété par un article L. 611-... ainsi rédigé :
« Art. L. 611-... - Les décisions administratives de délivrance, de renouvellement ou de retrait d'un titre ou d'une autorisation de séjour sur le fondement des articles L. 121-4, L. 122-1, L. 311-12, L. 313-3, L. 314-3 et L. 316-1-1 ou des stipulations équivalentes des conventions internationales, peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques intéressées n'est pas incompatible avec le maintien sur le territoire.
« Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification.
« Il peut également être procédé aux mêmes enquêtes pour l'application des articles L. 411-6, L. 711-6, L. 712-2 et L. 712-3 du présent code.
« Un décret détermine les modalités d'application du présent article. Il précise notamment les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de la consultation de traitements de données à caractère personnel. »
M. Guillaume Arnell. - Cet amendement rétablit partiellement la version de l'article 4 adoptée par l'Assemblée nationale et maintient une précision du rapporteur.
La version actuelle de l'article L. 711-6 du Ceseda prévoit que « Le statut de réfugié peut être refusé ou qu'il peut être mis fin à ce statut lorsqu'il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'État et quand la personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société ».
La qualification de terrorisme est éminemment politique comme l'a montré le récent jugement de la Française Mélina Boughedir en Irak. Il faut laisser à l'Ofpra des marges d'appréciation concernant cette qualification, très variable d'un État à un autre.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Nous sommes en désaccord sur cette réécriture qui supprime la prise en compte d'une condamnation dans un État européen ou dans un État tiers et qui retire la protection juridique quand l'Ofpra a été saisi. Avis défavorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - La loi transpose exactement la directive sans qu'il soit nécessaire d'ajouter des éléments. Retrait ou avis défavorable.
À la demande de la commission des lois, l'amendement n°517 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°136 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 99 |
Contre | 242 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au Règlement
M. Patrick Kanner . - Nous avons consulté l'article 29 ter de notre Règlement. Nous pouvons passer beaucoup d'heures sur les scrutins publics. Mes collègues n'ont pas souhaité quitter la salle pour que vous soyez majoritaires, vous, les Républicains, qui n'avez pas réussi à mobiliser suffisamment dans vos rangs pour un débat de cette importance. Notre groupe socialiste, lui, y est parvenu - parce que nous accordons à ce débat l'importance qu'il mérite.
M. Roger Karoutchi. - Nous sommes admiratifs !
M. Patrick Kanner. - Je sollicite donc une suspension de séance pour permettre à nos collègues de garnir leurs travées et de retrouver leur statut majoritaire.
M. le président. - Acte est donné de votre rappel au Règlement.
La séance, suspendue à 22 h 20, reprend à 22 h 25.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 4 (Suite)
M. le président. - Amendement n°35 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la première phrase de l'article L. 711-1, après le mot : « liberté », sont insérés les mots : « et de l'égalité » ;
Mme Esther Benbassa. - Cet amendement modifie l'article L. 711-1 du Ceseda qui reconnaît la qualité de réfugié à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté : les militants en faveur de l'égalité devraient ainsi bénéficier de cette mesure. L'égalité est une valeur fondatrice et inaliénable de la République. La Convention de Genève et la directive européenne le prévoient déjà.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. L'article 53-1 de la Constitution vous donne satisfaction, en disposant que « les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour tout autre motif. »
Retrait ou avis défavorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis.
L'amendement n°35 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°194 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement revient à la rédaction en vigueur du Ceseda en conservant sa marge de manoeuvre à l'Ofpra pour décider ou non de refuser ou de mettre fin au statut de réfugié. Faisons confiance à l'Ofpra et évitons d'encombrer la CNDA - qui manque déjà de moyens.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Il faut distinguer la qualification des faits sur laquelle l'Ofpra a toute liberté d'appréciation et les conséquences qu'il tire de cette qualification. L'étranger doit avoir été condamné définitivement et constituer une menace grave pour la société ; il n'y a aucun caractère d'automaticité. Dans ces conditions, il n'y a pas de raison que l'Ofpra ne tire pas les conséquences de faits qu'il aura qualifiés.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Sagesse.
À la demande de la commission des lois, l'amendement n°194 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°137 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 114 |
Contre | 227 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°85, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
ou dans un État membre de l'Union européenne
par les mots :
, dans un État membre de l'Union européenne, dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou au sein de la Confédération suisse
M. Jean-Pierre Decool. - L'article 4 protège notre pays contre les demandeurs d'asile condamnés pour terrorisme dans un autre État membre de l'Union européenne mais ne dit rien des autres pays européens. L'Islande, la Norvège, le Liechtenstein ou la Confédération suisse ont pourtant des partenariats étroits avec l'Union européenne, y compris sur les questions d'asile et d'immigration. Sans compter qu'avec le Brexit, le Royaume-Uni ne sera plus concerné par l'article L. 711-6 du Ceseda. Cet amendement harmonise la rédaction de cet article.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable. Cet amendement est satisfait par l'alinéa 7 de l'article 4 adopté par la commission qui permet d'écarter une personne condamnée en dernier ressort dans « un État tiers démocratique dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État ». Cela peut donc concerner les États-Unis, le Canada ou encore la Confédération helvétique.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°85 est retiré.
M. le président. - Amendement n°156 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy.
Alinéa 5
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
deux
M. Sébastien Meurant. - Devenir français est soit une chance de la nature, soit un honneur. Avoir été condamné par la justice à une peine de plus de deux ans de prison devrait interdire d'être français.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable. Cet article transpose l'article 14 de la directive Qualification qui impose de ne prendre en considération que les infractions d'une particulière gravité. Abaisser le quantum de peine exposerait à des annulations pour non-respect de la directive, voire à des procédures en manquement de la part de la Commission européenne.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis.
M. Sébastien Meurant. - Alors que le droit français est bafoué de toutes parts en matière d'immigration et que l'intérêt général voudrait que l'on referme les portes grandes ouvertes...
Mme Éliane Assassi. - Qui êtes-vous pour juger ainsi ?
M. Sébastien Meurant. - ... on prétend qu'on pourrait s'intégrer à la société française alors qu'on fait l'objet d'une condamnation à plus de deux ans de prison ?
Je retire l'amendement mais il faut revoir les choses de fond en comble. Il conviendrait que cette assemblée éminente prenne avant tout en compte l'intérêt général de la France et des Français. On en est loin.
L'amendement n°156 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°195 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéas 5 et 7
Remplacer les mots :
pour la société française
par les mots :
grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Cet amendement remplace la notion curieuse de « menace grave pour la société » par celle de « menace grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État », pour plus de clarté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Cette définition correspond à l'article 14-4 de la directive Qualification, que transpose le Ceseda.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis. Il faut faire coïncider le droit européen et le droit national.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Mais une menace grave pour la société, cela ne veut rien dire en droit français !
M. Alain Richard. - Je regrette de me trouver en désaccord avec le rapporteur et avec la ministre. Nous avons à plusieurs reprises fait l'expérience du vocabulaire hasardeux utilisé dans les directives européennes, négociées entre les États dans des langues variées. La notion de « menace grave pour la société » ne correspond à aucune notion juridique française. Rien n'empêche de reprendre celle de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité de l'État. Il est dommageable que le vocabulaire défectueux de la directive, qui ne nous lie pas en droit, nous conduise à écrire la loi dans un langage qui n'a aucune pertinence. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Mme Laurence Rossignol. - Nous aurions pu nous laisser convaincre par les arguments du rapporteur et de la ministre, s'ils avaient été plus explicites... Qu'y a-t-il dans la notion de « menace grave pour la société » qui ne soit contenu dans la « menace grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État » ? L'opinion, la communauté que nous formons, les valeurs ? Autant de notions subjectives qui n'ont pas leur place dans la loi.
M. David Assouline. - Ne banalisons pas l'importance de ce débat. Le ministre de l'Intérieur italien vient de déclarer : « Nous avons besoin d'une épuration de masse, rue par rue, quartier par quartier ». Ce qui se passe en Europe et dans le monde est très grave.
Je regrette d'autant plus que la majorité sénatoriale ne soit pas capable de mettre à l'honneur le Sénat par une présence suffisante dans l'hémicycle. (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
Et le groupe qui soutient le Gouvernement à l'origine du texte n'est représenté que par deux sénateurs ! (Les protestations sur les bancs du groupe Les Républicains redoublent.)
Le bruit ne peut pas compenser l'absence. Nous parlons de vies humaines, de mesures qui décideront du destin d'êtres humains. (Les sénateurs du groupe Les Républicains s'impatientent et tapent sur leurs pupitres, indiquant que l'orateur a épuisé son temps de parole.) Cela mériterait votre présence dans l'hémicycle.
M. Rachid Temal. - Bravo !
M. Roger Karoutchi. - Une fois de plus, j'admire la capacité d'oubli de certains qui nous font aujourd'hui la leçon. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) Combien de fois le groupe socialiste a-t-il, naguère, recouru aux scrutins publics ?
M. Xavier Iacovelli. - C'était l'ancien monde !
M. Roger Karoutchi. - Et le jour reviendra où ce sera au tour du président Kanner d'être dans l'embarras ! Ce genre de commentaire peut facilement se retourner contre vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Exceptionnellement, je suis assez d'accord avec Alain Richard. Je ne comprends pas bien ce que serait une « menace grave pour la société française ». (Mme Marie-Pierre de la Gontrie renchérit.) Cela correspond certainement à une réalité européenne fascinante ; je ne sais pas le sens que cela revêt pour les Français moyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Je vous renvoie à l'article L. 711-6 du Ceseda, que nous avons modifié en 2015. Le statut de réfugié peut être refusé ou retiré lorsque la personne constitue une menace grave pour la sûreté de l'État ou lorsqu'elle a été condamnée en dernier ressort en France pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme à une peine de dix ans d'emprisonnement et que sa présence constitue une menace grave pour la société. La rédaction est claire. D'où notre avis défavorable.
À la demande de la commission des lois, l'amendement n°195 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°138 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l'adoption | 136 |
Contre | 206 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°196 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces infractions s'apprécient au regard du droit national.
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement précise que les notions de crime ou d'acte de terrorisme s'apprécient au regard du droit français.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur. Les infractions devront faire l'objet d'une double incrimination dans le pays tiers et en France et être examinées selon les principes du droit pénal français - ce que confirme le considérant 23 de la décision du Conseil constitutionnel n°485 de 2003. Idem pour les pays de l'Union européenne. Retrait ou avis défavorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis. Cette exigence est implicite dans la définition donnée à l'alinéa 7 de l'article 4. L'Ofpra vérifiera que ces conditions sont réunies avant toute décision de rejet ou de retrait.
L'amendement n°196 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°86, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° La personne concernée est inscrite au fichier de traitement des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste. » ;
M. Jean-Pierre Decool. - Le fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) contient environ 20 000 personnes, dont plus de la moitié est sous haute surveillance. Contrairement aux fameuses fiches S, il recense exclusivement des individus radicalisés. Il est essentiel que ce fichier puisse servir dans l'évaluation d'un dossier de délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'amendement est satisfait. Retrait ? L'article 4 permet de procéder à des enquêtes administratives pour la mise en oeuvre du refus ou du retrait du statut de réfugié pour motifs sérieux de sécurité publique. L'inscription d'un individu au FSPRT ou au fichier S sera prise en compte pour déterminer si la personne constitue une menace.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis. Je comprends votre préoccupation mais le FSPRT est un fichier administratif reposant sur le signalement. La seule inscription à ce fichier ne saurait fonder une décision de refus systématique qui serait contraire au principe de proportionnalité. Retrait ?
M. Jean-Pierre Decool. - Vous avez dit que cet amendement était satisfait dans l'esprit ; j'aurais préféré qu'il le soit dans la lettre. Cependant, je le retire.
L'amendement n°86 est retiré.
M. le président. - Amendement n°197 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la première phrase de l'article L. 713-3, après le mot : « protection », sont insérés les mots : « effective et non temporaire » ;
M. Jean-Yves Leconte. - L'article L. 713-3 permet de refuser une demande d'asile si la personne a accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine. Celle-ci doit être effective et non temporaire.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. L'article L. 713-3 du Ceseda qui transpose l'article 8 de la directive sur l'asile interne suppose par construction que la protection soit effective et non temporaire.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis. Le Gouvernement agit à l'échelon européen pour harmoniser les règles en matière d'asile. Votre amendement introduirait de la confusion, voire une contradiction avec la directive. L'Ofpra et la CNDA veillent à une application protectrice de ce dispositif.
L'amendement n°197 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°36, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 8
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 713-5 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le statut de réfugié est refusé ou retiré en raison d'une condamnation intervenue dans un État membre de l'Union européenne, la décision étrangère traduite par un expert assermenté est versée au dossier du demandeur.
« Lorsque l'Office a connaissance d'une décision de condamnation intervenue dans un État membre de l'Union européenne, il en informe, sans délai, le demandeur et le cas échéant son conseil afin de recueillir ses observations. Les observations ainsi recueillies sont consignées dans le dossier du demandeur. »
M. Pascal Savoldelli. - Faute d'un encadrement juridique suffisant, les requérants du droit d'asile se voient parfois refuser leur dossier en raison d'une condamnation intervenue dans un État membre de l'Union européenne, alors même qu'ils n'ont jamais eu connaissance d'une telle condamnation. Ce n'est pas acceptable.
Cet amendement prévoit que le demandeur soit avisé de l'existence de cette décision de condamnation. Il s'agit de respecter le droit de la défense et le principe du contradictoire.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait car cet amendement est satisfait par l'article L. 724-1 à 724-3 du Ceseda introduit au Sénat en 2015 qui prévoit que lorsque l'Ofpra entend mettre fin à une protection, la personne concernée doit pouvoir se défendre dans le respect du principe du contradictoire.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Même avis, l'amendement est satisfait.
M. Pascal Savoldelli. - Si d'autres collègues souhaitent que je retire l'amendement, soit. (« Oui ! » sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et UC)
L'amendement n°36 est retiré.
M. le président. - Amendement n°578, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois.
I. - Alinéa 10
Compléter cet alinéa par le mot :
français
II. - Alinéas 11 et 13, seconde phrase
Après le mot :
traitements
insérer le mot :
automatisés
L'amendement rédactionnel n°578, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°198 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéas 14 à 25
Supprimer ces alinéas.
M. Jacques Bigot. - Les alinéas 14 à 25 donnent l'illusion de renforcer la célérité en imposant à l'Ofpra de mettre fin, de sa propre initiative, au statut de réfugié. En réalité, on prive l'Office de tout moyen d'appréciation. Idem à l'article 712-4, 712-2 et à l'article 712-3.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Je me suis déjà exprimé sur la compétence liée de l'Ofpra. C'est à lui d'apprécier les faits et d'en tirer les conséquences ; avis défavorable.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable par cohérence.
M. Jacques Bigot. - Madame la Ministre, votre avis m'étonne. C'est donc que le Gouvernement se méfie de l'Ofpra ? Imaginez qu'un concitoyen se dise victime d'un réfugié auquel l'Ofpra aurait dû retirer ce statut : l'État français pourrait être poursuivi en responsabilité. Mieux aurait valu en rester au texte initial.
L'amendement n°198 rectifié bis n'est pas adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
ARTICLE 5
Mme Éliane Assassi . - Cet article emblématique cristallise les critiques des associations. Il réduit le délai de dépôt de demande d'asile de 120 à 90 jours pour le traitement en procédure normale ; après ce délai, elle passe en procédure accélérée, avec des garanties bien moindres puisque l'Ofpra statue alors en quinze jours. Le Défenseur des droits s'en est inquiété.
La possibilité d'accélérer l'examen de la demande est justifiée, à en croire le rapport, par l'article 8 de la directive Procédures. Mais celle-ci ne fixe pas de délai maximal : sur ce point, le droit interne va plus loin que ce qu'exige le droit européen. Et en Guyane, le délai est réduit à 60 jours ! Le Ceseda fait des outre-mer des territoires de deuxième zone.
Enfin, la convocation pourra se faire par tout moyen, y compris électronique, ce qui est défavorable aux demandeurs d'asile. Le groupe CRCE votera contre.
M. Maurice Antiste . - En procédure normale, l'Ofpra a six mois pour statuer, la CNDA cinq mois pour le recours. En procédure accélérée, respectivement quinze jours et cinq semaines. De plus, le demandeur peut être convoqué par tout moyen, y compris par voie dématérialisée ; or les demandeurs, étant donné leur précarité, n'ont pas toujours un accès à Internet ou un téléphone.
L'alinéa 6 permet d'imposer au demandeur d'asile la langue dans laquelle il sera entendu - langue qu'il ne comprend pas forcément même s'il a déclaré le contraire en préfecture pour manifester ses bonnes dispositions à l'intégration.
Le Défenseur des droits invite à abandonner ces dispositions contraires à l'esprit de la directive qui compromettent l'accès effectif du demandeur d'asile à la procédure.
Mme Esther Benbassa . - La procédure accélérée prive les justiciables de la collégialité devant la CNDA et raccourcit l'instruction au détriment de sa qualité. On peut craindre que les dossiers soient traités à la hâte et les requérants pénalisés. Les agents de la CNDA se voient imposer une logique de rendement.
Les rédacteurs du projet de loi méconnaissent-ils la réalité au point de croire que tous les réfugiés ont un téléphone, une adresse mail et postale ? Malheureusement, je ne le crois pas : on cherche cyniquement à les décourager. Ces exilés qui fuient la guerre, la misère, la dégradation climatique et l'instabilité politique méritent un traitement plus digne et plus humain.
M. Richard Yung . - Tel qu'il est rédigé, cet article risque d'affaiblir les droits des demandeurs d'asile. Il n'est pas raisonnable de penser qu'ils seront en mesure de monter un dossier complet en 90 jours. En réalité, on cherche à augmenter la proportion de procédure accélérée, qui est déjà de 40 %. La procédure normale donne six mois à l'Ofpra, la procédure accélérée quinze jours.
M. Patrice Joly . - Comment ne pas s'opposer à cet article ? On peut comprendre la volonté de réduire la durée du traitement des dossiers, mais amoindrir les garanties procédurales plutôt que d'augmenter les moyens ne sera pas efficace. Les demandeurs d'asile ont déjà toutes les peines du monde à tenir le délai de 120 jours ! Le justiciable sera privé de la collégialité. Bref, cet article méconnait les droits de la défense et le droit à un procès équitable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien.
M. Didier Marie. - La main sur le coeur, on nous affirme que l'objectif est de réduire les délais d'instruction des dossiers. Ne s'agit-il pas plutôt de décourager les demandeurs ? Comment justifier ce recul alors que la directive ne fixe aucun délai maximal ?
Pourquoi soupçonner les demandeurs qui tardent à déposer leur demande de frauder ? C'est méconnaitre leur situation. Quand on fuit un conflit, qu'on est maltraité par les passeurs, que l'on voit ses compagnons se noyer, que l'on risque à tout instant de chavirer, que l'on franchit les Alpes en hiver, on peut avoir besoin d'un répit en arrivant. Une jeune femme mauritanienne menacée d'excision a rejoint sa soeur en Seine-Maritime ; après un parcours dangereux, elle y est restée terrée plusieurs mois, incapable d'affronter les démarches. Isolement, précarité, absence de conseils : les demandeurs d'asile ont besoin de temps pour se reconstruire. Et l'on complique encore leurs démarches avec la dématérialisation et la langue imposée !
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Didier Marie. - La procédure accélérée rend encore plus précaire les conditions d'accès à l'asile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - Cet article comporte des dispositions affaiblissant considérablement les garanties et les droits fondamentaux des demandeurs d'asile, c'est pourquoi nous en souhaitons la suppression.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Sans surprise, avis défavorable. Je ne peux qu'approuver la réduction du délai de 120 à 90 jours dans lequel une demande d'asile devient tardive, je l'avais proposée en 2015.
Les convocations et notifications de décisions de l'Ofpra par tout moyen sont compatibles avec la garantie des droits de l'usager. La commission des lois a prévu un décret en Conseil d'État pour assurer la confidentialité de la transmission de ces documents et leur réception personnelle par le demandeur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable. Cet article contient des mesures destinées à réduire le délai de traitement des demandes ainsi que des mesures protectrices, comme la définition des pays sûrs ou encore la présence à l'entretien de protection d'une association spécialisée accompagnant le demandeur handicapé.
M. Jean-Yves Leconte. - Le groupe socialiste votera cet amendement. La procédure accélérée représente un réel affaiblissement des droits. Un débouté de l'Ofpra ne pourra plus bénéficier du recours suspensif auprès de la CNDA. Le passage de 120 à 90 jours pour le déclenchement de la procédure appliquée sera défavorable à des personnes qui ont subi des traumatismes multiples et qui ont besoin d'un peu de temps pour se remettre. L'affaire de l'Aquarius l'a démontré ; au traumatisme qui a motivé le départ s'ajoute le traumatisme du voyage.
L'enjeu principal, c'est l'accueil en préfecture : des rendez-vous sont donnés deux à trois mois plus tard. Il faudrait commencer par là : la directive impose trois jours. Combien de préfectures sont capables de tenir ce délai ?
M. Didier Marie. - La procédure accélérée est prévue pour les cas où aucun examen approfondi n'est nécessaire ou, au contraire, pour apporter une protection aussi rapide que possible. Il n'est pas acceptable de la généraliser.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Les délais que vous avez mentionnés, Monsieur Leconte, datent d'octobre dernier. Depuis, les préfectures ont été réorganisées, du personnel supplémentaire a été affecté et le délai moyen a été ramené à six jours ; l'objectif est trois jours dans toutes les préfectures à la fin de l'année.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°43 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.
Après l'alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...°À l'article L. 721-1, les mots : « chargé de l'asile » sont remplacés par les mots : « des affaires étrangères » ;
...°À l'article L. 722-2, les mots : « conjointe » et les mots : « et du ministre chargé de l'asile » sont supprimés ;
Mme Esther Benbassa. - Le choix du Gouvernement est de régir en même temps l'asile, qui relève du domaine humanitaire, et l'immigration. Ainsi s'inscrit l'idée que l'asile, comme l'immigration, doit être régulé.
Nous refusons la gradation des misères qui poussent des personnes à s'arracher de leur terre natale. C'est pourquoi il faut rattacher l'Ofpra au ministère des Affaires étrangères, et non au ministère de l'Intérieur, tel que cela était le cas avant 2010, afin de rétablir un droit d'asile indépendant des politiques migratoires qui relèvent du ministère de l'Intérieur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement sous-entend que l'Ofpra n'est pas indépendant. Or le Ceseda garantit, par l'article L. 721-2, cette indépendance qui est réelle.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Avis défavorable. Considérer que le ministère de l'Intérieur mène une politique restrictive par les moyens accordés à l'asile, c'est méconnaître la réalité des faits.
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement rappelle qu'il y a quinze ans, l'asile relevait du ministère des Affaires étrangères, et l'intégration de celui des Affaires sociales. Tout cela a été regroupé, en 2007, au ministère de l'Intérieur devenu ministère de l'Identité nationale par les bons soins de MM. Hortefeux et Besson. Depuis la question de l'asile est traitée exclusivement au prisme de la sécurité. Je connais la qualité de l'Ofpra, son indépendance. Mais si nous voulons une intégration réussie, tout ne peut pas passer par le ministère de l'Intérieur. Le groupe SOCR votera cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Roger Karoutchi. - C'est un faux débat. Si le Gouvernement veut donner une instruction, il le fait que ce soit par le canal du ministère de l'Intérieur ou celui des Affaires étrangères. L'Ofpra applique la loi mais avec une marge de manoeuvre considérable...
M. Jean-Yves Leconte. - ...que nous essayons de préserver !
M. Roger Karoutchi. - J'ai du mal à me retenir de vous interrompre, faites le même effort ! Madame Benbassa, le nombre des demandes a été multiplié par cinq, 30 % sont acceptées - preuve que l'asile est devenu une filière d'immigration détournée. Il est légitime que le ministère de l'Intérieur les traite.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Pour avoir assisté à beaucoup du Conseil « Justice et affaires intérieures », je peux vous certifier que, dans la plupart des pays européens, l'immigration relève du ministère de l'Intérieur.
M. David Assouline. - Justement, avez-vous entendu les ministres de l'Intérieur d'Allemagne, d'Autriche et d'Italie oser parler d'un « axe sécuritaire face à l'immigration » ? J'espère que nous n'en arriverons pas là mais évitons d'invoquer l'Europe sur ce point. D'autant que cette loi mélange immigration et asile, ce que personne n'avait jamais fait auparavant. Des débats qui semblaient inimaginables quand la droite était au pouvoir passent désormais inaperçus. Lorsque M. Hortefeux a parlé de 45 jours de rétention, des voix à droite de cet hémicycle ont dit : mais à quoi cela sert-il ? En fermant, on pense protéger ; c'est le contraire qui se passe : le populisme ne cesse de monter.
M. Pascal Savoldelli. - La question du rattachement de l'Ofpra aux Affaires étrangères renvoie finalement aux relations que la France entretient avec d'autres États.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Pas faux !
M. Pascal Savoldelli. - Dans certains États, les départs se comptent par dizaine de milliers. Cela impose de réfléchir à nos relations commerciales avec eux. Idem sur les migrations climatiques : on n'avancera pas si le problème climatique perdure. La France, qui a une belle image internationale, ferait bien d'envisager les choses sous cet angle.
Mme Esther Benbassa. - Qu'entend M. Karoutchi lorsqu'il parle d'immigration détournée ?
M. Roger Karoutchi. - J'ai parlé d'une filière d'immigration détournée à propos du droit d'asile.
Mme Esther Benbassa. - C'est une pensée complexe. J'aime la pensée complexe mais là elle est soupçonneuse !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Ces débats auraient un sens si l'Ofpra prenait des décisions discrétionnaires, sous l'autorité d'un ministre. Or son travail est celui d'une quasi-juridiction qui s'est attachée à améliorer la vérification des demandes pour faire diminuer les annulations par la CNDA. Elle y est parvenue. La question du rattachement de l'Ofpra à tel ou tel ministère est totalement dénuée d'importance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Éliane Assassi. - Pas du tout ! Rétablir la tutelle du ministère des Affaires étrangères est le meilleur moyen de rappeler la spécificité du statut de réfugié, de la protection subsidiaire et d'apatride. C'est une demande des agents de l'Ofpra qui, vous semblez l'oublier, se sont mis en grève il y a quelques semaines.
M. Alain Richard. - Ce débat comporte une part d'illusion. Heureusement, dans notre pays, l'État est un et fait appliquer une seule politique par les différents départements ministériels. Enfin et surtout, ce dont nous débattons relève d'un décret ; personne ne l'a fait remarquer sans doute par volonté de ne pas gâcher la discussion.
L'amendement n°43 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°411 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol, Blondin, Lepage, Perol-Dumont, Lubin, G. Jourda, Lienemann, Grelet-Certenais, Meunier, Préville, Ghali, Monier, Artigalas, Tocqueville et Taillé-Polian et MM. Féraud, Durain, Marie, Houllegatte, Lalande, Tourenne, Temal, Manable, Vallini, Cabanel, Daudigny et Devinaz.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le quatrième alinéa de l'article L. 722-1 est complété? par une phrase ainsi rédigée : « Ne peut être considéré? comme un pays d'origine sûr pour les femmes celui dans lequel le recours a? l'avortement est passible de sanctions pénales. » ;
Mme Laurence Rossignol. - L'Assemblée nationale a précisé la notion de pays sûr. Avec cet amendement, nous précisons que ne peut l'être un pays qui pénalise l'avortement. Au Salvador, il est passible de trente à cinquante ans de prison. Des femmes y sont emprisonnées pour des fausses couches spontanées considérées comme des avortements déguisés... Il serait juste d'accorder une protection aux femmes de ces pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission demande l'avis du Gouvernement sur cette question, qui n'est pas sans conséquences juridiques. La Convention de Genève et la directive « Qualification » tient compte des pratiques d'avortement ou de stérilisation forcés. Comment qualifier juridiquement l'avortement ?
Mme Laurence Rossignol. - C'est simple !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Plusieurs États membres de l'Union européenne, considérés comme des pays sûrs, interdisent l'avortement ou le réprime pénalement. C'est principalement le cas de la Pologne, de Chypre et de Malte. Le sujet doit être abordé au niveau européen.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - C'est effectivement une question juridique. Dans sa décision du 7 novembre 2013, la CJUE a estimé que la seule condamnation pénale d'une pratique ne suffit pas à caractériser une persécution. Pour bénéficier de la protection subsidiaire, il faut alléguer de persécutions, de tortures, de traitements inhumains et dégradants. Je demanderai le retrait.
Mme Laurence Rossignol. - Vous plaisantez ? Assumez et donnez un avis défavorable.
M. Jean-Yves Leconte. - Il n'existe pas de liste européenne des pays sûrs parce que les pays européens ne parviennent pas à se mettre d'accord ; certains considèrent même que, par définition, l'asile est une question individuelle.
Mme Laurence Rossignol. - Où est le problème juridique ? Le seul problème est l'incapacité de l'Europe à se mettre d'accord sur la notion de pays sûrs ; et plusieurs États européens sont en pleine régression sur l'avortement. La question n'est juridique que si on le veut bien ; elle est surtout politique. Toutes les quatre minutes, une femme meurt d'un avortement clandestin dans le monde. Et cela n'est pas une persécution ? Je maintiendrai mon amendement et vous assumerez votre avis défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
M. David Assouline. - Ce débat nous amène à nous interroger sur l'existence de pays qui pourraient ne pas être sûrs au sein de l'Union. Des atteintes aux libertés fondamentales risquent de se multiplier en Pologne, en Autriche, en Hongrie, en Italie. Fermerons-nous les yeux sur ces dérives ? Il était impensable que l'Italie, pays fondateur de l'Europe, parle d'une « épuration de chaque rue, chaque quartier » des Roms. (Marques d'impatience à droite) Certains ne semblent pas choqués, mais la majorité de l'hémicycle l'est. La question que pose cet amendement à propos de l'avortement se posera sur d'autres sujets.
M. Jacques Bigot. - Je suis presque scandalisé par la demande de retrait. Le président de la République a souhaité que Mme Simone Veil entre au Panthéon dans quelques jours. Et sur cette question fondamentale au sujet de laquelle elle s'est battue, vous demandez le retrait ? Je ne le comprends pas alors que nous nous apprêtons à dire le 1er juillet en quoi Simone Veil est l'honneur de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Partout, nous voyons des répressions, des tentations de recul des libertés. Si nous sommes incapables de faire rimer droits de la personne et droits de la femme, nous ne serons pas à la hauteur de notre histoire. J'entends beaucoup de commentaires lorsqu'il s'agit de certaines tendances religieuses mais quand le droit fait condamner des femmes qui veulent avorter, si la France ne prend pas position et ne dit pas haut et fort que les États concernés ne peuvent pas être considérés comme sûrs, c'est un recul pour tout le monde. À mon sens, le droit d'asile est individuel, il ne doit pas être lié à des pays sûrs ou pas sûrs mais puisqu'il existe une liste de pays sûrs, autant en exclure ceux qui répriment l'avortement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Pascal Allizard. - La capacité que nous avons à donner des leçons aux autres ne cesse de m'étonner. Nous avons siégé cet après-midi en CMP pour trouver un accord sur la loi de programmation militaire. Connaissez-vous l'amendement « élastique » ? Il concerne des femmes qui vivent une grossesse tout en étant militaires. Nous avons dû inscrire dans la loi leur droit à porter un uniforme adapté. (On s'esclaffe sur les bancs du groupe CRCE.)
Mme Cécile Cukierman. - C'est le principe de réalité !
M. Pascal Allizard. - Comment donner des leçons aux autres après cela ? Notre débat est décalé. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Xavier Iacovelli. - C'est vous qui êtes décalé !
M. Sébastien Meurant. - Je suis étonné par l'étroitesse d'esprit qui règne à gauche de l'hémicycle. Le nombre le plus élevé de féminicides, on le constate dans la Chine communiste et le sous-continent indien. Et vous, vous parlez de la Hongrie, de l'Autriche ? (Protestations sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Éliane Assassi. - On va faire un rappel au Règlement si vous continuez !
M. Sébastien Meurant. - Ouvrez les yeux ! L'Europe est un espace de liberté. (Mmes Cécile Cukierman, Éliane Assassi et Esther Benbassa interrompent l'orateur.)
M. Roger Karoutchi. - C'est intolérable.
M. le président. - Je suspends la séance, pour laisser à tout le monde le temps de reprendre ses esprits.
La séance est suspendue quelques instants.
M. Sébastien Meurant. - Intéressons-nous aux droits humains des Français avant de donner des leçons de morale. La misère est à nos portes et gagne même le VIe arrondissement. Il n'est pas besoin d'aller chercher les femmes du Salvador. Occupons-nous des Françaises, nous sommes les représentants du peuple français.
M. Jean-Yves Leconte. - Savez-vous de quoi on parle ? Du droit d'asile !
M. Sébastien Meurant. - Essayons d'abord d'être exemplaires et de prendre du recul. Nous avons d'énormes marges de progression. Le féminicide est excessivement grave, dans les deux pays que j'ai cités...
Mme Cécile Cukierman. - C'est vous qui êtes grave !
Mme Esther Benbassa. - Après la discussion que nous avons eue cet après-midi sur la transidentité, nous nous heurtons aux mêmes incompréhensions sur l'avortement. Il ne s'agit pas tant de définir ce qu'est un pays sûr que ce qu'est une persécution. Ce que subissent les transgenres ou les femmes qui avortent entre dans cette catégorie.
Mme Cécile Cukierman. - Les arguments avancés dans ce débat sont surréalistes. On parle de femmes, de grossesses, de droit à la naissance et l'on caricature cet amendement « élastique ». J'entends certains se préoccuper soudainement du droit des femmes, en citant certains pays envers lesquels ils n'ont pas les mêmes exigences quand il s'agit de business... Nous pouvons qualifier certains pays d'autoritaires mais nous accommoder de leur politique, semble-t-il.
Nous voterons cet amendement car il s'agit de préserver le droit des femmes à disposer de leur corps, quelle que soit leur origine. J'espère que la majorité sénatoriale n'est pas unanime. Certains de ses représentants ont développé des arguments qui ne sont pas recevables. Ils sont une attaque contre le droit des femmes migrantes et des femmes en général.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Nous devons tenir compte du fait qu'un certain nombre de pays réprime l'avortement. Nous ne pouvons pas renvoyer des personnes dans ces pays, quand bien même ceux-ci seraient considérés comme sûrs. Donnons-nous du temps d'ici la fin de la semaine pour réfléchir à la manière de faire évoluer l'article L. 712-1 du Ceseda et tenir compte des sanctions pénales liées à l'avortement.
M. Roger Karoutchi. - Réfléchissons à une solution d'ici jeudi en nous souvenant qu'il n'y aura pas de deuxième lecture avec la procédure accélérée.
Le droit d'asile est un droit individuel sans lien avec la liste des pays sûrs. Que chacun mesure ses propos. On peut s'inquiéter de ce qui se passe en Hongrie ou en Pologne. De là à rompre nos relations avec ces pays... Il faudrait, à ce compte, que la France se retire de l'Union européenne. Mieux vaut qu'elle fasse valoir son pouvoir d'influence. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Pascal Savoldelli. - Je partage la position de M. Karoutchi : on voit bien les limites de la procédure accélérée ! Difficile dans ces conditions de trouver une certaine hauteur de vue. J'attire l'attention du rapporteur sur le fait que l'avortement est un sujet non négociable. Quand on discrimine ou que l'on porte atteinte à des enfants, des femmes de quelque minorité culturelle, sociale ou sexuelle, il n'y a pas de négociation possible.
Monsieur Meurant, « les Français d'abord »... je n'aime pas ce discours. Notre Constitution affirme que tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur le territoire de la République : c'est cela, la France. Et si c'est vrai pour les hommes, c'est aussi vrai pour les femmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
À la demande du groupe SOCR, l'amendement n°411 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°139 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l'adoption | 114 |
Contre | 216 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Nous avons examiné 57 amendements ; il en reste 485.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 20 juin 2018, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit quarante.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mercredi 20 juin 2018
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente M. Philippe Dallier, vice-président
Secrétaires : Mme Agnès Canayer et M. Victorin Lurel
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (n°464, 2017-2018).
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n°552, 2017-2018).
Avis de M. Jacques Grosperrin, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°527, 2017-2018).
Texte de la commission (n°553, 2017-2018).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°129 sur la motion n°2, présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :345
Suffrages exprimés :345
Pour :92
Contre :253
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 144
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (77)
Pour : 77
Groupe UC (50)
Contre : 50
Groupe RDSE (22)
Contre : 22
Groupe LaREM (21)
Contre : 21
Groupe CRCE (15)
Pour : 15
Groupe Les Indépendants (11)
Contre : 11
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 5
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Stéphane Ravier
Scrutin n°130 sur la motion n°1 rectifiée bis, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :344
Suffrages exprimés :329
Pour :77
Contre :252
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 144
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (77)
Pour : 77
Groupe UC (50)
Contre : 50
Groupe RDSE (22)
Contre : 22
Groupe LaREM (21)
Contre : 21
Groupe CRCE (15)
Abstentions : 15
Groupe Les Indépendants (11)
Contre : 11
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 4
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Scrutin n°131 sur l'amendement n°23 rectifié, présenté par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues, et sur l'amendement n°502 présenté par le Gouvernement, tendant à supprimer l'article premier A du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :344
Suffrages exprimés :344
Pour :135
Contre :209
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 144
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (77)
Pour : 77
Groupe UC (50)
Contre : 50
Groupe RDSE (22)
Pour : 22
Groupe LaREM (21)
Pour : 21
Groupe CRCE (15)
Pour : 15
Groupe Les Indépendants (11)
Contre : 11
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 4
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Scrutin n°132 sur l'article premier A du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :343
Suffrages exprimés :343
Pour :209
Contre :134
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Pour : 144
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (77)
Contre : 77
Groupe UC (50)
Pour : 50
Groupe RDSE (22)
Contre : 22
Groupe LaREM (21)
Contre : 20
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Thani Mohamed Soilihi, Président de séance
Groupe CRCE (15)
Contre : 15
Groupe Les Indépendants (11)
Pour : 11
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 4
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Scrutin n°133 sur l'amendement n°34, présenté par Mme Éliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur l'amendement n°189 rectifié bis, présenté par M. Jean-Yves Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, et sur l'amendement n°512 rectifié de M. Alain Richard et les membres du groupe La République En Marche, à l'article 3 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :344
Suffrages exprimés :343
Pour :135
Contre :208
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 143
Abstention : 1 - Mme Fabienne Keller
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (77)
Pour : 77
Groupe UC (50)
Contre : 50
Groupe RDSE (22)
Pour : 22
Groupe LaREM (21)
Pour : 21
Groupe CRCE (15)
Pour : 15
Groupe Les Indépendants (11)
Contre : 11
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 4
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Scrutin n°134 sur l'amendement n°191 rectifié bis, présenté par M. Didier Marie et les membres du groupe socialiste et républicain, à l'article 3 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :344
Suffrages exprimés :343
Pour :114
Contre :229
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 143
Abstention : 1 - Mme Fabienne Keller
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (77)
Pour : 77
Groupe UC (50)
Contre : 50
Groupe RDSE (22)
Pour : 22
Groupe LaREM (21)
Contre : 21
Groupe CRCE (15)
Pour : 15
Groupe Les Indépendants (11)
Contre : 11
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 4
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Scrutin n°135 sur l'article 3 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :343
Suffrages exprimés :342
Pour :208
Contre :134
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Pour : 143
Abstention : 1 - Mme Fabienne Keller
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (77)
Contre : 77
Groupe UC (50)
Pour : 50
Groupe RDSE (22)
Contre : 22
Groupe LaREM (21)
Contre : 20
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Thani Mohamed Soilihi, Président de séance
Groupe CRCE (15)
Contre : 15
Groupe Les Indépendants (11)
Pour : 11
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 4
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Scrutin n°136 sur l'amendement n°517 rectifié, présenté par M. Guillaume Arnell et plusieurs de ses collègues, à l'article 4 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :342
Suffrages exprimés :341
Pour :99
Contre :242
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 143
Abstention : 1 - Mme Fabienne Keller
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (77)
Pour : 77
Groupe UC (50)
Contre : 49
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Nathalie Goulet
Groupe RDSE (22)
Pour : 22
Groupe LaREM (21)
Contre : 20
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Thani Mohamed Soilihi, Président de séance
Groupe CRCE (15)
Contre : 15
Groupe Les Indépendants (11)
Contre : 11
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 4
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Scrutin n°137 sur l'amendement n°194 rectifié bis, présenté par M. Jean-Yves Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, à l'article 4 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :342
Suffrages exprimés :341
Pour :114
Contre :227
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 143
Abstention : 1 - Mme Fabienne Keller
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (77)
Pour : 77
Groupe UC (50)
Contre : 49
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Nathalie Goulet
Groupe RDSE (22)
Pour : 22
Groupe LaREM (21)
Contre : 20
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Thani Mohamed Soilihi, Président de séance
Groupe CRCE (15)
Pour : 15
Groupe Les Indépendants (11)
Contre : 11
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 4
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Scrutin n°138 sur l'amendement n°195 rectifié bis, présenté par M. Jean-Yves Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, à l'article 4 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :342
Suffrages exprimés :341
Pour :135
Contre :206
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 143
Abstention : 1 - Mme Fabienne Keller
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (77)
Pour : 77
Groupe UC (50)
Pour : 1 - Mme Nadia Sollogoub
Contre : 48
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Nathalie Goulet
Groupe RDSE (22)
Pour : 22
Groupe LaREM (21)
Pour : 20
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Thani Mohamed Soilihi, Président de séance
Groupe CRCE (15)
Pour : 15
Groupe Les Indépendants (11)
Contre : 11
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 4
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier
Scrutin n°139 sur l'amendement n°411 rectifié ter, présenté par Mme Laurence Rossignol et plusieurs de ses collègues, à l'article 5 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Résultat du scrutin
Nombre de votants :331
Suffrages exprimés :330
Pour :114
Contre :216
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 143
Abstention : 1 - Mme Fabienne Keller
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (77)
Pour : 77
Groupe UC (50)
Contre : 49
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Nathalie Goulet
Groupe RDSE (22)
Pour : 22
Groupe LaREM (21)
Contre : 20
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Thani Mohamed Soilihi, Président de séance
Groupe CRCE (15)
Pour : 15
Groupe Les Indépendants (11)
N'ont pas pris part au vote : 11 - MM. Jérôme Bignon, Emmanuel Capus, Daniel Chasseing, Jean-Pierre Decool, Alain Fouché, Joël Guerriau, Jean-Louis Lagourgue, Claude Malhuret, Alain Marc, Mme Colette Mélot, M. Dany Wattebled
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 4
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier