Revitalisation des centres-villes et centres-bourgs
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs à la demande de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises.
Discussion générale
M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi . - Dès le mois de mai 2017, le Sénat s'est emparé d'un enjeu crucial pour nos territoires : la dévitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Sous l'impulsion du président Larcher et avec le soutien d'Élisabeth Lamure, présidente de la délégation aux entreprises, et de Jean-Marie Bockel, président de la délégation aux collectivités territoriales, nous nous sommes, avec Martial Bourquin, attaqués à cet enjeu de société qui transcende les clivages politiques.
Notre diagnostic, dressé en juillet 2017, est sans appel : les centres-villes et centres-bourgs meurent ; le taux de vacance commerciale atteint dans de nombreuses villes plus de 20 % jusqu'à 29 % à Calais et 26 % à Vierzon. Plus de 700 villes sont en grande difficulté, plusieurs centaines de bourgs également. C'est que nous avons autorisé beaucoup trop d'implantations commerciales : de 14 millions de m2 en France métropolitaine en 2010, on est passé à 17 millions en 2017, soit une hausse de 30 %. Ce triste état des lieux nous a conduits à auditionner près de 150 personnes, à écouter 4 000 élus qui se sont exprimés en ligne.
Vous êtes près de 240 sénateurs à avoir cosigné ce texte, ce dont je vous remercie ; vous n'êtes pas les seuls à le soutenir publiquement : l'association des maires de France, l'AMF, l'association des maires ruraux de France et l'association des petites villes de France, comme de nombreuses autres associations professionnelles, ont pris publiquement position pour. C'est la preuve que ce texte est très attendu.
Il n'a pas vocation à concurrencer le programme Action coeur de ville. Présenter un contre-projet n'est pas dans les pratiques sénatoriales. Ce texte prend le mal à la racine en s'attaquant aux causes profondes de la dévitalisation ; elles sont multiples mais ne nous y attardons pas pour en venir aux solutions car c'est cela l'urgence.
Ce texte structurel, qui vise à en finir avec la culture de la périphérie et réguler l'e-commerce, est ouvert à toutes les collectivités qui ont un coeur de ville ou de bourg méritant de s'inscrire dans le périmètre OSER. Il favorise le repeuplement des centres par la réduction du coût du logement et des normes et la préservation des services publics dans le centre ; il rénove et renforce le Fisac, qui a été complètement abandonné ; il régule les implantations en périphérie. Merci aux différents rapporteurs de l'avoir co-construit.
Nous présenterons des amendements pour lever les dernières inquiétudes sur son volet fiscal sans lequel rien n'est possible. Ce que nous proposons, c'est finalement un système de bonus-malus qui passe par l'instauration d'une contribution sur l'artificialisation des terres et une taxe sur la livraison liée à l'e-commerce. Pour cette dernière, nous avons mis au point une nouvelle méthode de calcul fondée sur un pourcentage du prix du bien commandé.
La seule question qui vaille est : quelle ville voulons-nous pour demain ? Une ville avec un coeur qui vit et qui bat ou une ville à l'américaine avec ses friches commerciales ? Adopter ce texte, c'est s'opposer à la fatalité ; c'est « oser » la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe CRCE)
M. Martial Bourquin, auteur de la proposition de loi . - Après un travail de neuf mois, je veux, avec Rémy Pointereau, pousser un cri d'alarme et d'alerte : nos centres-villes et centres-bourgs meurent, leur identité s'efface. La dignité de leurs habitants en est affectée. La culture de la périphérie, de l'étalement urbain, a fait des dégâts considérables.
Quel est l'enjeu de cette proposition de loi ? Tout simplement, que le Sénat, défenseur des territoires, propose des mesures structurelles fortes en misant sur nos petites entreprises, qui font la prospérité de nos territoires. Il s'agit d'abandonner le correctif, pour faire du structurant. Le structurant, c'est comprendre que nos centres-villes se dévitalisent parce que nous avons déplacé les flux de consommation, de services et, donc, de population vers la périphérie quand centres-villes et centres-bourgs devraient maximiser l'ensemble des activités. Si nous y parvenons, nous aurons inversé la tendance.
Ce texte est fort d'un projet et d'un financement de ce projet tout à fait crédible. Il suffit de le vouloir. René Char disait : « Notre avenir n'est précédé d'aucun testament ». Ne soyons pas la génération d'élus qui aura laissé partir nos centres-villes et centres-bourgs. Soyons celle qui agit pour défendre la ville européenne, lieu des relations commerciales, des relations de service, de la démocratie et de la sociabilité depuis la cité grecque.
Le projet de loi ELAN est, non pas concurrent, mais complémentaire. Nous avons entamé ce travail bien avant que ce gouvernement ne se mette en place. Le Sénat, avec l'expertise qui est la sienne, avec plus de 4 000 personnes entendues, invite le Gouvernement à travailler à un mixte savant entre ELAN et OSER parce qu'il faut oser élan et avoir l'élan d'oser. (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Nos centres-villes et centres-bourgs ne doivent pas rester en marge de la reprise économique et de la vague d'optimisme qui traverse notre pays. Il est d'ailleurs anormal qu'ils soient moins vivaces aujourd'hui dans une France de plus de 67 millions d'habitants qu'ils ne l'étaient en 1980 avec 55 millions d'habitants. Socialement, nous devons envoyer un signal fort à une France qui se sent oubliée. Rideaux métalliques des commerces fermés, premiers étages aux volets clos sont corrélés à la montée de la délinquance, des violences et des extrêmes.
Les centres-villes et centres-bourgs représentent plus que la somme des difficultés de logement, d'animation commerciale, ou de distorsions fiscales. L'enjeu est de civilisation et l'on ne saurait le traiter uniquement à coup de statistiques.
Ce texte a anticipé un tournant de la jurisprudence européenne : le juge européen, en janvier 2018, a fait prévaloir sur la liberté d'installation, un des piliers des traités européens, le droit d'un élu local des Pays-Bas à imposer l'implantation d'un magasin de chaussures en centre-ville. Rétrospectivement, on peut se demander si notre tendance à surtransposer les textes européens n'a pas fait de la France le pays où il est le plus facile de créer une grande surface...
Les réactions suscitées par ce texte sont enthousiastes, surtout sur sa partie normative non fiscale. Elle est une véritable bouffée d'oxygène pour les maires ruraux, pris en étau entre l'inertie des pouvoirs publics et l'inégalité de traitement qui leur est faite. La vélocité de l'action publique locale a diminué après les années 1990, on ne peut plus agir vite et simplement ; c'est indéniablement un facteur de découragement des élus. Répondons aux espoirs qu'ils placent en nous.
Des auditions, je retiens que la réussite de la revitalisation dépendra, d'abord, de la mise à disposition des territoires qui en ont le plus besoin de compétences d'ingénierie puis de l'avantage comparatif donné aux petits centres-villes en termes d'attractivité.
Sur l'article premier, la commission des affaires économiques a donné un socle à ce texte par un message rassembleur jusqu'au plan Action coeur de ville. La protection des centres-villes est érigée au rang de « motif impérieux d'intérêt général » pouvant justifier des dérogations au droit européen. Notre pays attend un desserrement de l'étau réglementaire : commençons par les centres-villes. Toujours à l'article premier, nous avons voulu mieux prendre en compte l'artisanat, l'animation culturelle et l'attractivité touristique. Nous avons également étendu le périmètre de la revitalisation pour les communes de moins de 10 000 habitants tout en conservant, pour les autres, le plafond de 4 % de la surface urbanisée.
L'article 7, sur l'intervention de l'ABF, a failli déclencher une polémique mais la sagesse sénatoriale l'a emporté. (« Bravos » et applaudissements sur les bancs du groupe UC) L'avantage fiscal Malraux serait opportunément recentré sur les petits centres-villes qui en ont le plus besoin.
Sur l'urbanisme commercial, notre rédaction ne remet pas en cause l'esprit du texte original. Notre approche est dominée par la confiance à l'égard des élus de terrain et la volonté de donner aux dispositifs toute leur capacité opérationnelle.
Cette proposition de loi donne des clés pour intervenir sur une pluralité de thématiques complémentaires. Nous sommes 230 à avoir cosigné ce texte. Je vous demande de le voter, pour nos communes, nos centres-villes et nos centres-bourgs. (« Bravos » et applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Arnaud Bazin, rapporteur pour avis de la commission des finances . - Saluons le travail approfondi de Rémy Pointereau et Martial Bourquin sur ce texte, modèle de travail parlementaire, sur un problème bien identifié. Le pacte qu'ils proposent, contrairement au plan Action coeur de ville, s'inscrit dans la rupture. À un ciblage restreint déterminé par l'État, il préfère un périmètre étendu décidé par les collectivités. À la mobilisation d'outils contractuels agrégeant les financements de plusieurs partenaires, il ajoute l'utilisation d'une palette multiple de leviers, dont des mécanismes fiscaux. C'est, à ce titre, que notre commission des finances s'est vue déléguer l'examen de neuf articles au fond et de six articles pour avis.
La mobilisation du levier fiscal répond certes à des problèmes, mais ne peut constituer qu'un outil de second rang. L'implantation d'un commerce répond avant tout à l'existence d'un marché, d'une demande ; à la présence d'infrastructures, de services, de logements. Le levier normatif doit être la clé de voûte de la revitalisation sans compter que les finances publiques sont contraintes et le principe de l'égalité devant les charges publiques doit être respecté. À cet égard, la définition actuelle du périmètre OSER pose quelques difficultés juridiques.
La commission, consciente que la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs exige des moyens financiers, a amendé cette proposition de loi en veillant à la proportionnalité des dépenses fiscales vis-à-vis de leur efficacité escomptée et à leur utilisation prudente pour ne pas alourdir la pression fiscale globale.
Notre commission des finances a supprimé l'article 3 mais c'est sur les articles 26 à 28 instituant de nouvelles taxes que se concentre le débat. Attention de ne porter préjudice à nos acteurs d'e-commerce. L'administration fiscale risque d'avoir du mal à calculer la distance parcourue par un livreur d'Amazon, moins celle d'un livreur de la Fnac ou de Darty...
Le rapport de l'IGF sera bientôt rendu public ; il complétera notre réflexion et les travaux que le Sénat a entamés de longue date sur la fiscalité numérique. (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture . - Il y a moins de deux ans, nous débattions, lors de l'examen de la loi relative à la liberté de la création, à l'avis conforme des architectes des bâtiments de France (ABF). Si l'on dépasse l'aspect parfois conflictuel que peut prendre la relation entre l'ABF et le maire, ce n'est pas un obstacle à l'aménagement local. Le fonctionnement des sites patrimoniaux remarquables et la délimitation des périmètres intelligents des abords reposent dorénavant sur des procédures transparentes et concertées, ce qui limite les risques de contentieux. Il existe en outre des instances de dialogue, la commission nationale du patrimoine et de l'architecture et ses déclinaisons régionales et locales, dont les attributions ont été revalorisées et dont la présidence a été confiée à des élus.
Le délai d'instruction des ABF est, en moyenne, de 22 jours, soit moins que les deux mois prévus. Un avis défavorable n'est rendu que dans 6,6 % des cas, taux réduit à moins de 0,1 % après dialogue. Les recours sont possibles et souhaitables, ils facilitent le rapprochement des points de vue ; leur banalisation faciliterait l'harmonisation des règles entre les ABF.
Certes, des relations conflictuelles subsistent avec certains maires. Les avis doivent être rendus plus prévisibles. La dernière instruction qu'a donné la ministre de la culture aux préfets de région est, à cet égard, de bon augure.
L'article 7 de la proposition de loi est le fruit d'un dialogue entre ses auteurs et les rapporteurs. Il constitue un bon compromis entre les enjeux financiers et patrimoniaux : l'avis conforme de l'ABF est préservé mais le maire sera écouté.
Pour finir, bravo aux auteurs de cette proposition de loi de s'attaquer à un mal qui gangrène tant de nos villes moyennes. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe CRCE)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Cette proposition de loi porte sur un sujet majeur pour l'équilibre des territoires. Le Sénat est, une fois de plus, force de proposition sur l'aménagement du territoire, comme le veut l'article 24 de la Constitution, et je veux m'en réjouir.
Élu local depuis des décennies, j'ai présidé une agglomération de 57 000 habitants de 2001 à 2017. J'ai vite compris quelles étaient les difficultés et vu comment elles étaient aggravées par certaines réformes territoriales, notamment la fusion des régions...
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Jacques Mézard, ministre. - Le Gouvernement n'entend pas bouleverser à nouveau la carte territoriale. Une chose est sûre : entre les métropoles, nous avons besoin de pôles de centralités, de villes moyennes et de petites villes qui ont la caractéristique d'être en osmose avec les territoires ruraux. Or, depuis les années 1970, aucun plan n'a été mis en place pour dynamiser nos villes petites et moyennes. Aucun ! L'urgence était donc de le faire.
J'entends bien : 222 villes retenues, ce n'est sans doute pas assez. Mais si j'avais retenu 700 villes, l'on m'aurait fait le même reproche. Nous avons beaucoup travaillé avec les associations d'élus pour aboutir à un texte qui ne prévoit pas la création d'une agence ou de structures administratives lourdes, qui rassemble des moyens existants : 1,5 milliard d'Action logement, 1 milliard en fonds propres de la Caisse des dépôts et 700 millions en prêts, 1 milliard de l'ANAH. Et il ne s'agit pas de recyclage. Pour les 222 communes retenues, et M. Leleux ne me dira pas le contraire, ce sera un vrai levier de dynamisation. Leurs caractéristiques sont similaires : vacance des commerces et des logements, activité économique entravée par des difficultés de mobilité.
Il faut agir, et vite. D'où le plan Action coeur de ville. Je ne vois pas en cette proposition de loi une concurrente mais un complément. (Marques de satisfaction) Vous le savez, j'ai l'habitude de tenir compte du travail parlementaire. Je vous propose d'intégrer certaines de vos dispositions dans la loi ELAN, à l'exclusion des dispositions fiscales car je ne suis pas ministre de l'économie et des finances...
Ce projet de loi a été rédigé dans la concertation avec les collectivités territoriales, y compris l'association des villes de France qui organise demain son congrès à Cognac où je serai présent, mais aussi avec les conseils départementaux et les conseils régionaux. J'étais la semaine dernière à Metz et à Lunéville pour lancer la première convention Action coeur de ville. J'y insiste, les opérations de revitalisation des territoires, dites ORT, s'adressent à toutes les villes, pas seulement aux 222 retenues dans le plan. Je note qu'elles sont très proches de vos opérations OSER, comme l'agence nationale dont vous envisagez la création se rapproche de l'agence nationale de la cohésion des territoires dont nous renforçons les compétences.
La proposition de loi comporte des mesures innovantes, notamment en matière d'urbanisme commercial. Là, les déséquilibres, réels, diffèrent selon les territoires. C'est pourquoi je n'ai pas été favorable à un moratoire général. Il faut des dispositifs adaptés aux spécificités locales.
Bref, faisons de la concomitance de l'examen de cette proposition de loi avec ELAN une force. Plusieurs propositions donnent aux élus la possibilité de mieux agir en matière d'urbanisme et de planification ; une ordonnance, je n'en raffole pas non plus, simplifiera et modernisera les SCOT. L'Assemblée nationale a supprimé le seuil de déclenchement de 1 000 m2 en matière d'urbanisme commercial mais je suis ouvert au débat. Autre piste à explorer : le fonctionnement des CDAC. Certains d'entre nous y ont siégé - à l'époque où nous pouvions cumuler... (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, Les Indépendants, UC et Les Républicains) Beaucoup d'idées ont été expérimentées, sans trouver la bonne solution.
Notre méthode, c'est la concertation qui a montré des positions divergentes ; je suis donc ouvert à la discussion. C'est aussi le diagnostic et le Gouvernement a diligenté plusieurs études : un rapport sur la revitalisation commerciale des petites et moyennes villes, qui m'a été remis il y a plusieurs semaines ; un autre confié à l'IGF sur l'équité fiscale des commerces physiques et en ligne qui sera bientôt remis et un autre encore au CGEDD sur les villes moyennes qui est disponible. Reste à en tirer la substantifique moelle.
Avec le plan Action coeur de ville, 222 conventions seront signées d'ici septembre. Cela fera de bons exemples de mesures opérationnelles. Le Gouvernement accueille cette proposition de loi avec sagesse et, comme la sagesse est aussi une vertu du Sénat, je ne doute pas que nous trouverons des solutions ensemble. (Applaudissements)
M. Jean-Claude Requier . - Le Sénat est pleinement dans son rôle de représentant des collectivités territoriales. Depuis des siècles, le village incarne une certaine idée de la France, paisible et immuable, celui de la force tranquille.
M. Didier Guillaume. - Très bonne référence ! (Mme Cécile Cukierman s'esclaffe.)
M. Jean-Claude Requier. - Comme l'a montré le sociologue Jean-Pierre Le Goff, nous assistons à la « fin du village » alors que Tocqueville avait bien montré l'importance du lien social. Dans nos villes moyennes, on ne croise plus personne ; on ne se parle plus guère. Il n'y a donc pas à s'étonner qu'un un sentiment d'abandon y règne et que les extrêmes y progressent.
Cette transformation s'est faite sur des décennies, lentement, par l'action comme par l'inaction. La responsabilité en est d'ailleurs partagée par les élus et gouvernements successifs. Saluons l'engagement des élus locaux qui, malgré le carcan des normes, font tout pour faire vivre leurs territoires.
Cette proposition de loi, si elle n'est pas révolutionnaire, a le mérite de poser la question de la dévitalisation des centres-bourgs et d'avancer des solutions. Sa philosophie doit être saluée : réduction des normes, généralisation de l'expérimentation... L'uniformisation des pratiques des ABF serait bienvenue car les maires des petites villes, où il n'existe pas de service d'urbanisme, sont souvent désemparés.
Certains autres dispositifs sont plus contestables, comme le calcul d'une taxe sur le dernier kilomètre de livraison de biens du commerce électronique qui pénaliserait le monde rural. De même la taxe sur les Drive pourrait, en favorisant les livraisons depuis l'étranger, pénaliser la compétitivité française.
Membre de la commission des finances, je m'interroge sur la compatibilité avec la législation communautaire sur la TVA de certaines dispositions. Renommer le Fisac, c'est bien ; l'alimenter, c'est mieux.
D'autres mesures suscitent encore notre interrogation. L'opération de revitalisation des territoires (ORT) n'est pas réservée aux 222 villes visées par Action coeur de ville ; pourquoi ? L'accent doit être mis sur la mutualisation des moyens d'ingénierie.
Félicitons-nous du rôle joué par le Sénat. La dévitalisation n'est pas une fatalité. Le groupe RDSE, partageant l'objectif de rechercher un nouveau souffle, sera attentif à la tournure des débats.
Ce texte est une première étape pour y remédier, soit, en cette période, une sorte de bac blanc, préfigurant le grand oral à venir de Monsieur le Ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
Mme Noëlle Rauscent . - Cette proposition de loi est l'occasion d'aborder un sujet qui nous est cher. Depuis des années, le bâti se dégrade, la population diminue, l'activité économique baisse, les commerces disparaissent. Le numérique a bouleversé nos habitudes, et nous avons clairement encouragé tel ou tel développement commercial. La chambre des territoires doit se saisir de ce sujet et proposer des solutions concrètes.
Je salue le travail de fond de nos collègues ; transpartisan de surcroît. Obtention d'AEC, lutte contre le départ des services publics, rôle et composition des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC), expérimentation... Ces dispositions vont dans le bon sens. D'autres sont à préciser. ORT et OSER se ressemblent.
Ce dernier ne se limite pas aux 222 territoires éligibles, comme l'affirment certains, mais pourra être étendu et mobilisé par toute collectivité souhaitant entrer dans la démarche.
À l'Assemblée nationale, l'article 54 a été enrichi par des mesures similaires à celles contenues dans ce texte. Nous marchons ensemble dans la bonne direction ! Unissons nos forces, pour nos villes et nos territoires ! Plutôt que de multiplier les véhicules législatifs, enrichissons la navette, pour dégager le meilleur pour nos villes et territoires !
Mme Michelle Gréaume . - La situation des centres-villes et centres-bourgs se dégrade ; une action transversale est nécessaire pour enrayer le départ des services publics, le recul de l'offre culturelle et la baisse de la population. La métropolisation n'est pas étrangère au phénomène qui creuse l'écart entre centre-ville, hors de prix, et périphérie.
L'objectif est de protéger les centres-villes et centres-bourgs, de lutter contre la vacance de logements et de recréer du lien social, sans oublier les enjeux écologiques, mitage, étalement urbain, etc.
Le texte va à l'opposé de la logique recentralisatrice du programme Action coeur de ville ; il laisse la main aux élus locaux. Il faut le reconnaître : il est parfois plus facile de construire en périphérie que de densifier au centre...
Sur le fond, nous partageons la plupart des propositions de ce texte, ainsi de la création d'une Agence nationale des centres-villes et centres-bourgs, ou de la création de périmètres de sauvegarde.
Nous sommes favorables à ce que Drive et entrepôts soient davantage mis à contribution, nous soutenons de même une fiscalité qui pénalise l'étalement urbain. Nous nous réjouissons que l'article 3 et l'article 12 aient été supprimés en commission.
Nous restons opposés à la simplification des normes environnementales et d'accessibilité. Nous sommes satisfaits que la commission des affaires culturelles ait rétabli l'avis conforme des architectes des bâtiments de France.
Dans un sondage récent, les habitants insistent sur la piétonisation des rues, les commerces alimentaires et les transports en commun, sujet qui n'est pas évoqué ici, hélas. Or la mobilité aurait pu être abordée par cette proposition.
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Nous voterons ce texte, comme un signal envoyé au Gouvernement sur l'attention à porter aux centres-villes et centres-bourgs, en vue de la discussion de la loi ELAN. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
M. Xavier Iacovelli . - Nos villes et villages affrontent un danger commun : la dévitalisation. C'est une urgence, à laquelle répond ce pacte national.
Cette proposition de loi n'a pas souffert de la précipitation : c'est l'aboutissement d'un riche travail mûri et posé, au service de l'intérêt général. Avec 230 cosignataires, ce texte révèle l'intérêt du Sénat, sa raison d'être. Que ses auteurs en soient remerciés.
L'intérêt général méritait ce dialogue et cette convergence des groupes politiques. Je remercie les auteurs, Martial Bourquin et Rémy Pointereau pour avoir adopté une méthode de travail qui a rendu possible cette prouesse.
Près de 4 000 élus locaux ont été consultés et c'est heureux, car ce sont eux qui font vivre nos territoires.
Les territoires OSER répondront à la question de l'attractivité et de la préservation du lien social. Cette proposition de loi fait confiance aux élus locaux : la sauvegarde de nos centres ne doit pas dépendre de la foudre jacobine.
Elle concerne de nombreux centres-villes et centres-bourgs. Le Gouvernement en a choisi arbitrairement 222 : c'est insuffisant. L'heure n'est plus à l'expérimentation. Elle est à l'action réfléchie : c'est ce que porte cette proposition de loi.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Xavier Iacovelli. - La ruralité et les territoires d'outre-mer participent de la République, ne l'oublions pas : c'est le sens des amendements que nous présenterons. Je défendrai pour ma part la consultation des chambres de commerce et d'industrie en amont des procédures d'urbanisme.
Avec OSER, nous relevons le défi du développement territorial. Faites confiance aux élus locaux, Monsieur le Ministre. Vous avez annoncé un premier pas en inscrivant dans la loi ELAN une partie de ces principes. Soyez au rendez-vous, Monsieur le Ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Claude Malhuret . - (Exclamation sur les bancs du groupe CRCE) La dévitalisation des centres-villes n'épargne aucune région de France. Cette proposition de loi part d'un constat sans appel, d'une réalité vécue par les élus et les habitants.
« Ne laissons pas s'éteindre les dernières lumières de la ville » alertaient les présidents de trois fédérations de commerce dans Les Échos récemment. Si nous n'agissons pas aujourd'hui, les enseignes clignotantes des grandes surfaces à la périphérie des villes remplaceront demain nos clochers, nos pharmacies, nos librairies...Des trompe-l'oeil peints sur la tôle grise des boutiques « à vendre » feront figure de cache-misère, tandis que les services publics s'éloigneront toujours plus des habitants, faisant de nos villes et villages des cités fantômes.
La France est l'un des pays d'Europe les plus pourvus en centres commerciaux. Le taux de vacances commerciales dans les centres-villes augmente d'un point par an, pendant que les zones commerciales s'étendent en périphérie, au détriment des terres agricoles et des zones naturelles. Aussi, est-il temps de stopper l'artificialisation du territoire. Le foisonnement des normes malheureuses, subsidiaires, décourage les initiatives et affaiblit les normes nécessaires. Notre groupe a déposé un amendement inscrivant dans la loi l'objectif de zéro artificialisation nette du territoire d'ici 2025.
Saluons l'initiative gouvernementale que constitue le programme Action coeur de ville, qui fera 222 heureux. Ce pacte le complète : incitation, régulation, responsabilités partagées des acteurs, le tout appuyé sur les élus locaux.
La création d'une agence nationale fournira l'ingénierie et les compétences techniques nécessaires à la revitalisation. Le reste du texte renforce la politique du logement et d'urbanisme afin de réorienter les flux économiques et financiers vers les centres. La mise sous convention OSER pourrait en outre refuser une norme aux conséquences disproportionnées.
Attractivité économique et richesse patrimoniale sont en outre rendues davantage compatibles.
La vitalité des centres-villes est au coeur de nos préoccupations. Aussi, les membres du groupe Les Indépendants voteront-ils cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et Les Républicains)
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il faut appréhender ces questions au prisme d'une démarche globale. Il faut agir en décloisonnant, en misant sur la complémentarité, en faisant coopérer les acteurs.
Avec ces 31 articles, le Sénat s'attaque résolument aux problèmes de fond, aux causes structurelles, et propose aux élus locaux des outils innovants susceptibles d'enclencher un cercle vertueux. J'en remercie les auteurs et salue le travail réalisé par les délégations aux collectivités territoriales et aux entreprises.
Le programme OSER s'adresse à tous les territoires ; les ingrédients d'une fiscalité innovante sont réunis pour favoriser la réhabilitation des centres-villes et l'implantation d'activités ; sur l'avis conforme de l'ABF, une solution a été trouvée en commission.
La création de l'agence de revitalisation que les auteurs proposent prouve que nos réflexions convergent, puisque figurait, l'année dernière au sein de notre rapport avec le Président Maurey, cette idée de créer un guichet unique au service des territoires ruraux et périurbains pour répondre à leurs besoins en ingénierie et en conseils.
Pour inciter l'exécutif à rationaliser les moyens, l'agence proposée par cette proposition de loi aura vraisemblablement vocation à s'intégrer dans l'ANCT.
Le seul plan Action coeur de ville ne suffit pas ; il est temps d'engager un dialogue constructif avec les territoires et de faire preuve d'audace. Il faut OSER, il faut soutenir ce texte ! (« Bravos » et applaudissements au centre et à droite)
M. Rémy Pointereau. - Très bien !
Mme Françoise Férat . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Monsieur le Ministre, le 27 mars, vous nous avez présenté le plan Action coeur de ville qui bénéficiera à 222 villes moyennes.
La recomposition sociale des territoires a en effet été puissante : commerce en ligne, effets de la mondialisation, émergence des métropoles, développement de la grande distribution, puis du commerce en ligne... Les effets ont été puissants.
La baisse de l'activité commerciale des centres-villes est préoccupante : ils ne représentent plus que 30 %. Entre 1994 et 2009, les grandes surfaces ont crû de 60 %, alors que la consommation finale des ménages augmentait de 38 % seulement.
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Pour un chiffre d'affaires de 250 millions d'euros, il faut 250 boutiques ; mais 45 grandes surfaces et seulement un entrepôt. Les boutiques emploieront 420 personnes, la distribution 170 et le e-commerce, 50 ! On marche sur la tête !
Cette proposition de loi prend les enjeux à bras-le-corps et notamment les vacances commerciales et celle des logements. Il y manque toutefois trois éléments, qui ne relèvent pas du domaine législatif.
D'abord, l'État doit reprendre la main et muscler l'aménagement des territoires, en retrouvant les vertus du Plan et de la Datar - Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale. Il faut un État stratège, régulateur et aménageur !
Puis, les commerçants et les artisans doivent s'adapter aux nouvelles habitudes des consommateurs, avec l'aide de leurs organisations professionnelles. Enfin, les consommateurs doivent devenir des « consommacteurs » et se montrer responsables. Nos emplettes sont nos emplois, dit-on.
Le groupe UC soutient cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) En 1971, la Datar présentait comme « le scénario de l'inacceptable » une France des années 2000 caractérisée par la concentration autour de quelques zones de forte polarisation. N'y sommes-nous pas ? Les coeurs des centres-villes et les centres-bourgs furent longtemps des lieux de vie et de partage. On y naissait, grandissait, produisait, négociait, échangeait. Les bâtiments que nous considérons comme patrimoniaux étaient des lieux de vie en perpétuelle transformation.
Aujourd'hui, la production y a disparu, la réparation n'y a plus droit de cité, le commerce recule, les services se retirent, la population s'en éloigne et celle qui reste se paupérise. Or quand les hommes se retirent, les pierres finissent par tomber...
Cette proposition de loi lutte contre la métropolisation, car la France ne peut devenir une suite de 14 Singapour, comme l'a dit Erik Orsenna lors de son audition par notre commission de la culture.
Halte à la « Start-up nation » ! Je soutiens cette proposition de loi, globale, transversale et novatrice, qui renverse une tendance certes lourde mais pas irréversible. Girondine et décentralisatrice, elle lutte contre un jacobinisme centralisateur dont nous avons souffert. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Elle déroge aux règles car il y a urgence. Appliquer partout les mêmes règlements est absurde. Les axes de reconquista que propose cette proposition de loi sont les bons : déroger, protéger et encourager. La variété des situations, comme celles des 258 variétés de fromages qu'évoquait le général de Gaulle, y appelle.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Un grand décentralisateur !
M. Max Brisson. - L'État doit s'y inscrire non pas dans une logique de contrôle, mais de soutien aux bonnes initiatives. Elles sont proposées en nombre dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Didier Rambaud . - Avec cette proposition de loi, nous reprenons des réflexions anciennes, qui ne nous ont jamais empêchés de défigurer nos centres-villes...
Notre commission des finances a déploré l'absence d'études d'impact, comme la taxe sur les livraisons, qui ne sera pas applicable. Différentes niches fiscales proposées complexifieraient le droit existant. Et on sait à qui de telles niches profiteraient...
J'ai cosigné cette proposition de loi, comme un appel. Il faut d'abord prendre le temps d'expertiser ses normes. Ce sera l'objet du projet de loi ELAN, et notamment de son article 54.
Le groupe LaREM vous fait confiance, Monsieur le Ministre. (Quelques applaudissements)
Mme Sonia de la Provôté . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Le pacte national de revitalisation poursuit un objectif précis : afin de renforcer l'attractivité des centres-villes et des centres bourgs, il propose un ensemble d'outils structurels pour lutter contre cette déprise des centres qui n'est pas une fatalité mais bien le résultat d'erreurs et d'une certaine passivité ou impuissance.
Les grandes surfaces de périphérie se sont étendues deux fois plus vite que la consommation ! Entre 600 et 700 villes sont en situation d'urgence. Il nous faut retrouver une culture de la centralité, autour des commerces notamment.
La tendance actuelle au retour des consommateurs en centre-ville doit être accompagnée pour être durable. Le SCOT doit être mobilisé à cet effet. Quant au rôle des ABF, l'article 7 simplifie la prise en compte de leurs avis. Une solution d'équilibre est de préserver les règles existantes tout en renforçant le dialogue avec les élus. C'est ce qu'a proposé la commission de la culture, sous la présidence de Catherine Morin-Desailly (Marques d'appréciation sur les bancs du groupe UC)
Le patrimoine est lui-même un atout touristique, et donc économique, majeur !
Cette proposition de loi fait consensus, avec 230 cosignataires. Elle est perfectible, certes. Je vous invite à y participer largement pour la rendre efficiente. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Patrice Joly . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La France se fracture. C'est le réseau si dense de nos villes petites et moyennes qui flanche. Leur perte d'activité diminue aussi les recettes fiscales. Et, comme les centres-villes et centres-bourgs participent à l'image de notre pays, ils concourent à son attractivité. Or le malaise se répand, au-delà des zones rurales, y compris à proximité des métropoles.
C'est toute une façon de vivre qui est remise en cause ! À Nevers, plus de 10 000 habitants sont partis en cinquante ans. Les Français sont inquiets de ce déclin ; 70 % d'entre eux sont préoccupés par la désertification des centres-villes.
Le plan que vous avez lancé est une première réponse, mais plus de 400 villes en sont écartées. D'où cette proposition de loi. Ses mesures fiscales en faveur des collectivités territoriales et des ménages sont équitables. Je regrette à cet égard la suppression par la commission des finances de son article 3.
Le volet fiscal de ce texte est aussi essentiel pour rééquilibrer les coûts entre les centres-villes et leur périphérie et dégager des ressources au profit des collectivités. L'article 3 de la proposition de loi malheureusement supprimé par la commission des finances proposait justement d'alléger la fiscalité sur les logements dans les périmètres des conventions OSER. Car la reconquête des centres-villes induit à la fois la construction de logements nouveaux, mais aussi la rénovation des locaux d'habitation existants pour permettre l'installation d'une population nouvelle sans la désolvabiliser par des coûts excessifs.
Les mesures fiscales rétablissant une concurrence loyale avec le e-commerce sont également bienvenues.
Il en va de l'attractivité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-Raymond Hugonet . - La dévitalisation des centres-villes est un fléau, contre lequel il est urgent d'agir. Le commerce de proximité est le poumon de nos communes : quand un rideau métallique se baisse, c'est un peu de sa vie qui disparaît.
Certaines collectivités se donnent déjà les moyens d'agir contre ce cercle vicieux. Il en est ainsi du conseil régional d'Ile-de-France, dont le programme de renouvellement urbain, mis en place dès janvier 2017, accompagne les élus locaux dans 180 projets vitaux, qui vont bientôt sortir de terre.
Je suis très heureux que le Sénat, toujours attentif à la vie des territoires et aux réalités de terrain, ait pris l'initiative.
L'article 24 de la Constitution - qu'il n'est pas prévu de modifier... (Sourires)
M. Jean-François Husson. - Pas encore !
M. Jean-Raymond Hugonet. - ... lui donne un rôle majeur en la matière. Pour paraphraser le fameux mot de Cambronne, les centres-villes se meurent, mais le Sénat ne se rend pas ! (« Bravos » et applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Le patrimoine doit être protégé, oui, mais pas au détriment des Français. Nous ne voulons pas faire de notre pays, si magnifique soit-il, un musée ! Il est donc urgent de soumettre les ABF à une seule et même doctrine, pour arrêter certains caprices locaux. Je me réjouis du compromis intelligent trouvé en commission de la culture.
Il ne s'agit nullement de cliver, mais, dans le respect de notre patrimoine, de tenir compte avec discernement des nécessités de revitalisation de l'habitat et des activités économiques et sociales, ainsi que des capacités financières des collectivités. Il y a urgence. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Jacques Mézard, ministre. - Je me réjouis que le constat fasse consensus. Le mot de jacobinisme ne me fait pas peur ; mais le plan Action coeurs de villes que nous avons mis en place n'est pas jacobin ! L'État ne fait que coordonner et faciliter la réalisation des projets des collectivités.
Vous dites qu'un milliard par an, sur 222 villes, c'est peu ! Je suis prêt à recevoir des leçons, mais le plan centres-bourgs du dernier quinquennat prévoyait 40 millions d'euros pour six ans et 55 communes...
J'entends que 222 centres-villes, cela peut paraître insuffisant ; mais je me réjouis d'avoir donné satisfaction à un certain nombre d'intervenants de ce soir. La fiscalité est un sujet difficile sur lequel il reste beaucoup de concertation à faire.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. Jean-Marie Bockel . - Je salue à mon tour le travail conjoint et transpartisan de Rémy Pointereau et Martial Bourquin, en association avec les délégations du Sénat. Les auditions, déplacements et 4 000 contributions reçues ont enrichi ce texte, assurément.
Le plan du ministre est à saluer, mais rien ne nous empêche de l'enrichir. Cet article définit les centres-villes et centres-bourgs sur des critères objectifs et pose les bases des OSER, distinctes des ORT en ce qu'elles sont dans la main des élus locaux, au lieu que les ORT répondent à une logique de sites prioritaires - et les OSER embrasseront un ensemble de mesures diverses, de la fiscalité au logement en passant par les équipements publics, ce qui autorisera une action cohérente.
M. Maurice Antiste . - Les territoires d'outre-mer sont concernés par la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs. En dix ans, la population a baissé de 6,7 % en Martinique et 2,8 % en Guadeloupe.
Des mesures ont certes été prises, je pense au programme Action coeur de ville, à la convention signée en 2017 pour revitaliser Saint-Pierre de la Martinique... Les outils pour y remédier existent. C'est une urgence, notamment dans le nord de la Martinique, où les services sanitaires et les services publics en général disparaissent - et où l'on assiste à une dévitalisation de grande ampleur.
Ce texte complète les outils actuels, en articulant bien le développement et la préservation du patrimoine architectural - c'est un atout essentiel, je pense à la Maison de la Bourse de Saint-Pierre, joyau de l'architecture créole. Notre richesse patrimoniale constitue une composante essentielle de notre identité antillaise, elle est aussi déterminante pour l'attractivité économique et touristique de nos territoires : ce texte en prend la mesure, c'est important.
Mme Viviane Artigalas . - La désertification de nos centres-villes et centres-bourgs est une préoccupation grandissante sur nos territoires. La loi du 18 juin 2014 a étendu la zone d'intervention de la politique de la ville aux zones dégradées ; le plan Action coeur de ville, lancé fin 2017, prolonge cette logique mais son périmètre est étroit. La présente proposition de loi l'élargit opportunément, tout en précisant suffisamment les critères pour éviter la dispersion des moyens.
Dans les Hautes-Pyrénées, seules Tarbes et Lourdes entrent dans le programme ORT ; avec OSER, d'autres villes moyennes seront prises en compte.
Je ne doute pas que le Sénat permettra aux élus locaux de mener enfin une vraie politique de revitalisation.
M. le président. - Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu'à minuit et demi. Il en est ainsi décidé.
Mme Élisabeth Lamure . - Le défi de la revitalisation ne sera pas relevé sans les entreprises. Je me félicite que notre délégation aux entreprises se soit engagée dans ce travail. Ce texte facilite l'installation de nouveaux commerçants, le déploiement du très haut débit, le développement des baux commerciaux, il aménage la fiscalité, les loyers commerciaux, exonère de Tascom et accompagne le petit commerce avec le FISAC...
Toutes ces mesures forment le pacte national auquel j'apporte tout mon soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Conconne . - Je remercie les auteurs de cette proposition de loi, qui offre une boîte à outils aux élus locaux pour lutter contre la mort - oui la mort de nos centres-villes, désignés par des affiches « à vendre » qui pâlissent à vue d'oeil. Oui, les habitudes commerciales ont changé, les services publics, pour plus d'espace, partent en périphérie et laissent de véritables friches urbaines en centre-ville. Mais nous savons nous mobiliser, les plus de 200 signatures portées à ce texte le démontrent !
Ce texte fait mentir ceux qui estiment que le Sénat ne sert à rien, qu'il ne serait qu'un machin inutile à supprimer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
En Martinique, cette proposition de loi est fort bienvenue. L'article premier plante le décor, fixe un cadre clair, établit les bases d'une justice qui commande de faire contribuer les GAFA, responsables de la fermeture de la dernière librairie dans une ville. Voilà une politique de gauche, qui redistribue les revenus ! (M. Martial Bourquin applaudit ; exclamations à droite.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Ce texte est essentiel pour nos territoires menacés par la métropolisation et parce que si nous ne faisons rien, nous perdrons une partie de l'âme de notre pays.
Le bilan des actions de rénovation de nos centres depuis les années 1970 est mitigé : la mixité sociale et la mixité générationnelle n'ont pas fonctionné, les couples avec enfants ne choisissent plus d'habiter dans les bâtiments anciens et souvent sombres des centres-bourgs, leur préférant des constructions souvent neuves, en périphérie.
Il faut pour y remédier renforcer l'accession sociale à la propriété dans l'ancien, mais cela exige une reconfiguration du bâti, mixte entre modernité et tradition - cela supposera de la compréhension de la part des ABF et de la créativité de la part des architectes. Un outil pour y parvenir : un prêt social location-accession repensé pour l'ancien.
M. le président. - Amendement n°21 rectifié, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 1
Remplacer les mots :
centres-villes et centres-bourgs
par le mot :
communes
M. Franck Montaugé. - Je félicite à mon tour Martial Bourquin et Rémy Pointereau. On ne peut dire que rien n'a été fait pour les centres-villes et les centres-bourgs depuis trente ans, Monsieur le Ministre, sauf à considérer que les élus locaux ont travaillé d'arrache-pied pour rien...
L'exposé des motifs indique clairement que les OSER sont ouvertes à toutes les communes, mais le dispositif du texte ne mentionne ensuite plus que des centres-villes et des centres-bourgs. Pour éviter toute ambiguïté, et assurer que toutes les communes, y compris rurales, seront éligibles, cet amendement remplace « centres-villes et des centres-bourgs » par « communes ».
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. - La question est de savoir si toutes les communes sont concernées par les conventions OSER. Or la réponse est oui : l'amendement est donc satisfait. Retrait ?
M. Jacques Mézard, ministre. - Avis défavorable. Monsieur Montaugé, la ville d'Auch est retenue dans le programme Action coeur de ville, j'imagine que vous n'y voyez pas d'inconvénient. Si l'on étend le dispositif à toutes les communes de France, on s'écarte de son esprit... Je précise que j'ai simplement dit qu'aucun plan n'avait été lancé depuis quarante ans pour les villes moyennes !
M. Franck Montaugé. - Je persiste, il y a alors une ambigüité dans l'exposé des motifs du texte, voire une contradiction.
M. Xavier Iacovelli. - Cette nouvelle formulation ne garantira pas que les communes rurales soient ciblées...
L'amendement n°21 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°40, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.
Alinéa 3, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et de la commission du développement économique de la région
M. Claude Malhuret. - Cet amendement propose un avis consultatif de la commission du développement économique de la région sur la décision d'engager une OPER.
La région détient en effet le chef de filât sur les questions économiques et définit les orientations en matière d'aides aux entreprises, de soutien à l'internationalisation, d'aides à l'investissement immobilier et à l'innovation des entreprises. En outre, elle donne les orientations en matière d'attractivité du territoire régional et de développement de l'économie solidaire.
Depuis la loi NOTRe de 2015, la région est seule compétente pour définir les aides et les régimes d'aides générales.
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. - La commission n'a pas souhaité alourdir le texte ; les régions sont associées au stade des conventions de sauvegarde, de toute façon... Avis défavorable.
M. Jacques Mézard, ministre. - Moins il y a de contraintes administratives, mieux ce sera en effet.
De plus, vous impliqueriez non pas la région, mais la commission du développement économique de la région dans les affaires des autres niveaux de collectivités... Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°40 est retiré.
M. le président. - Amendement n°49 rectifié, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson et Courtial, Mmes Lherbier, Puissat et Deromedi, MM. Savary et Revet, Mmes Garriaud-Maylam et Gruny, M. Babary, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Lefèvre et Bonne, Mme Bruguière, MM. H. Leroy, Perrin et Raison, Mmes Chauvin et Lassarade, M. Pierre, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Laménie, B. Fournier et Bonhomme, Mme Thomas et M. Daubresse.
Alinéa 3, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et d'une consultation du conseil départemental
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Certains départements comme le mien participent à la revitalisation des centres-bourgs. Ils ont en effet une connaissance humaine de leur territoire et de ses problématiques. Les consulter est de bon sens.
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. - À nouveau, n'alourdissons pas le texte : retrait ?
M. Jacques Mézard, ministre. - Même avis : s'il faut l'avis de toutes les collectivités systématiquement, on n'en sort pas... Et si l'avis est négatif ? Laissons les acteurs s'organiser librement. Avis défavorable.
M. René-Paul Savary. - L'alinéa 3 dispose bien que l'avis du préfet est recueilli... Qui va financer ? Le département marche sur deux pieds : la solidarité des hommes et celle des territoires. Il serait donc légitime que les départements soient autour de la table. Le schéma départemental est bien co-présidé par le préfet et le président du conseil départemental, que je sache. Sur l'aménagement numérique, les régions ont pris les choses en main, mais le schéma départemental est toujours géré par les départements. Ne mettons pas de côté les acteurs de proximité.
M. Max Brisson. - Le département a la connaissance, donc. Avec la loi NOTRe, on a vu que les communes et les instances étaient en phase avec lui. Il avait même le chef de filât pour la solidarité territoriale... J'aurais bien voté cet amendement, si son auteur, pour satisfaire le rapporteur, ne s'apprêtait pas à le retirer...
M. Pierre Louault. - J'avais, pour ma part, compris que départements et régions étaient intégrés à la réflexion.
Mme Françoise Gatel. - N'oublions pas la diversité des territoires : certains départements n'accompagnent pas du tout les communes. Une commune qui a un projet de revitalisation travaillera naturellement avec le département. Mais si celui-ci ne met pas un sou, pourquoi lui demander son avis ?
Mme Sophie Primas. - Je fais intégralement mien ce propos.
Mme Françoise Férat. - Ce débat me surprend. Un amendement que j'ai déposé en commission a été accepté. Le département, acteur essentiel de l'aménagement du territoire, est associé. Ce problème me paraissait avoir été réglé.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Je retire cet amendement.
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. - L'article premier dispose effectivement, à son alinéa 8 que si l'OSER est signée par la commune et le préfet, toute autre collectivité territoriale peut y être associée.
L'amendement n°49 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°22 rectifié bis, présenté par Mme Conconne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et antérieur à 1980 en outre-mer
Mme Catherine Conconne. - Cet amendement est de bon sens : il prend en compte nos territoires, sans oublier ceux éloignés du centre. L'urbanisation des départements d'outre-mer est récente et s'est faite cahin-caha. Saint-Pierre, par exemple, a été détruite en 1902. Plus aucun bâtiment antérieur au XXe siècle ! D'autres centres-villes, en métropole, ont connu le même sort. Je propose donc de faire référence non pas aux bâtiments antérieurs au XXe siècle, mais à 1980.
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. - Certes, les catastrophes naturelles fragilisent le bâti outre-mer plus fréquemment qu'en métropole. Avis favorable.
M. Jacques Mézard, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°22 rectifié bis est adopté.
M. le président. - Il reste 43 amendements.
Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 14 juin 2018, à 10 h 30.
La séance est levée à minuit trente.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus