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Table des matières
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Services de paiement dans le marché intérieur (Procédure accélérée)
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances
M. André Gattolin, au nom de la commission des affaires européennes
Ordre du jour du mardi 27 mars 2018
SÉANCE
du jeudi 22 mars 2018
68e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente
Secrétaires : Mme Agnès Canayer, Mme Françoise Gatel.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen de trois conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié.
Le projet de loi autorisant la ratification de l'accord instituant la Fondation internationale UE-ALC est adopté.
Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du protocole n° 16 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est adopté définitivement.
Le projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale sur les normes de formation du personnel des navires de pêche, de délivrance des brevets et de veille est adopté.
Services de paiement dans le marché intérieur (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance du 9 août 2017 portant transposition de la directive du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.
Discussion générale
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Ce projet de loi ratifie l'ordonnance de transposition de la directive « Services de paiement 2 », dite « DSP 2 », de 2015.
La directive « DSP 1 » du 13 novembre 2007, en accordant aux établissements de paiement un régime simplifié par rapport aux établissements de crédit, avait favorisé le développement des services de paiement en ligne. La directive « DSP 2 » complète le cadre juridique applicable aux prestataires de services de paiement, élève les standards de sécurité des transactions et apporte une reconnaissance juridique aux agrégateurs de compte et aux initiateurs de paiement.
Sa transposition dans notre droit est une opportunité pour la place financière française. Elle encouragera l'innovation, renforcera la concurrence pour dynamiser la croissance et améliorera les services rendus aux consommateurs et aux entreprises, tout en assurant un niveau de sécurité maximal des paiements. La France a toujours été pionnière des moyens de paiement - naguère avec le paiement par carte à puce, elle doit le rester. Aussi le Gouvernement a-t-il transposé la directive avec six mois d'avance, avec l'ordonnance du 9 août 2017 prise sur le fondement de la loi du 9 décembre 2016. L'ensemble des acteurs de la place auront ainsi le temps de s'approprier ces dispositions ; nous pourrons asseoir la confiance du marché et attirer les innovateurs.
Nous avons souhaité compléter cette ordonnance pour accompagner un nouveau service : la remise d'espèces en caisse par les commerçants. Cette pratique du cashback existe en Allemagne, en Belgique, en Espagne et au Royaume-Uni. La directive « DSP 2 » laisse aux États la latitude d'en définir les modalités. Ce service présente de nouveaux avantages pour tous les Français, notamment ceux qui vivent dans les territoires où l'accès aux espèces est moins aisé. Il attirera plus de clientèle aux commerçants, dont les associations professionnelles se sont dites intéressées.
Second complément, le Gouvernement propose de mettre en oeuvre sans attendre le dispositif de sécurisation des conditions d'exercice des initiateurs de paiement et agrégateurs de compte. Entre l'entrée en vigueur de l'essentiel des dispositions de la directive et celle de la norme technique réglementaire est prévue une période transitoire de dix-huit mois. Celle-ci présente des risques sur lesquels la Banque de France et l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information nous ont alertés. Sans attendre, testons la mise en place des interfaces de communication sécurisées ou « API » pour automated programming interface qui mettront fin à la pratique du web scraping. Si l'expérience est concluante, elles seront rendues obligatoires dès la fin 2018.
Des questions ont été soulevées sur l'accès aux données des comptes d'épargne. S'il faut le sécuriser, la directive ne concerne que les comptes de paiement. Le Gouvernement s'est engagé à lutter contre toute surtransposition, en particulier, sur les sujets financiers. Il serait incompréhensible d'imposer des règles qui n'existent pas ailleurs alors que nous voulons renforcer l'attractivité de notre place financière. Tout en partageant la préoccupation de votre rapporteur, un travail complémentaire nous semble indispensable pour calibrer au mieux les modalités d'encadrement de l'accès aux comptes d'épargne, et sur cette base, engager dans les meilleurs délais une modification du droit européen. Une mission d'inspection nous aidera à faire des propositions adéquates. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances . - Ce projet de loi fait l'objet d'une procédure accélérée qui devient l'habitude...
La directive « DSP 1 » de 2007 avait mis fin au monopole des banques sur la fourniture de services de paiement, ce qui a favorisé l'innovation et l'émergence de nouveaux acteurs. En témoigne l'essor du porte-monnaie électronique « Moneo » ou encore du Compte-Nickel.
La directive « DSP 2 » prend en compte les évolutions du secteur depuis 2007. Pour ne donner qu'un chiffre, 40 % des 1 400 fintech interviennent dans le secteur des moyens de paiement. Elles se sont développées rapidement hors de tout cadre réglementaire. En France, près de 4 millions de consommateurs ont déjà eu recours à un agrégateur, et 2,5 millions à un initiateur de paiement. Encadrer ces nouveaux acteurs, sécuriser l'ensemble des paiements électroniques, lutter contre le risque d'arbitrage réglementaire, garantir un meilleur niveau de protection aux consommateurs, tels sont les buts de cette directive. La commission des finances est favorable à la ratification de l'ordonnance, qui en constitue une transposition fidèle, qu'elle a améliorée par dix amendements rédactionnels ou de coordination.
La commission des finances est également favorable aux dispositions introduites par l'Assemblée nationale sur la proposition du Gouvernement. Il est, en effet, utile que le pouvoir réglementaire fixe les modalités transitoires de communication sécurisée applicables en France jusqu'à l'entrée en vigueur des exigences de sécurités européennes. Nous avons toutefois précisé que ces mesures réglementaires devraient respecter les normes techniques déjà prévues par l'acte délégué de la Commission européenne. Concernant le cashback, cette pratique peut être utile dans les zones pauvres en distributeurs automatiques : le service appréciable pour les clients, la fréquentation des magasins en sera accrue et les commerçants pourront optimiser la gestion de leur fonds de caisse. Le dispositif proposé est suffisamment équilibré pour être adopté en l'état : sont exclues les opérations professionnelles et prévus la fixation d'un plancher appliqué à l'opération d'achat ainsi qu'un plafond maximal pour la fourniture d'espèces. Les risques de blanchiment et de mise en circulation de faux billets seront limités.
J'en viens au dispositif adopté unanimement, Madame la Ministre, par la commission des finances, celui que nous avons introduit à l'article premier ter A. La restriction de la directive aux comptes de paiement représente une limite majeure : 80 % des comptes agrégés ne seraient pas des comptes de paiement. Ce vide juridique est particulièrement dommageable pour les utilisateurs qui supportent en pratique, souvent sans le savoir, tous les risques en cas de fraude ou de piratage de leurs comptes. Ces hypothèses sont loin d'être improbables, si l'on en juge par l'actualité récente : Facebook dépense prétendument des milliards pour un système de sécurité informatique qui a été pris en défaut. Aucun pare-feu n'est infranchissable. Le consommateur n'est pas protégé en cas de fraude : une entreprise fintech non assurée disposant de 50 000 euros de fonds propres ne pourrait pas indemniser les utilisateurs, en cas de fraude massive. Pour prévenir ce risque, nous aurions pu interdire l'agrégation des comptes et l'initiation de paiement pour les comptes et produits autres que les comptes de paiement ou étendre les dispositions de la directive à tous les comptes et produits d'épargne. Cela aurait été porter un coup fatal à ce secteur. D'où la solution a minima que nous avons retenue : engager la responsabilité des entreprises de fintech et les soumettre à l'obligation de s'assurer. Ainsi l'utilisateur pourra-t-il obtenir un remboursement auprès du prestataire tiers en cas de fraude. Ce n'est aucunement une surtransposition. Les fintech, elles-mêmes, ont compris que cela leur assurerait la confiance de leurs clients. Je suis surpris que le Gouvernement renonce à protéger les consommateurs. On nous reprochera de n'avoir rien fait s'il se produit un pépin majeur ; et des pépins majeurs, il y en aura. N'attendons pas une directive européenne dont la négociation n'a pas même débuté et adoptons le texte de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur le banc de la commission)
M. André Gattolin, au nom de la commission des affaires européennes . - Le 21 février dernier, la Conférence des présidents a demandé à la commission des affaires européennes d'exercer, à titre expérimental, une veille sur l'intégration des normes européennes en droit interne pour, entre autres, d'informer le Sénat sur d'éventuelles surtranspositions.
De manière générale, cette transposition était rigoureuse. Le Gouvernement a fait usage des facultés ouvertes aux États membres. Il a allégé les conditions d'agrément et les exigences prudentielles auxquelles sont soumis les petits établissements de paiement. Il a rendu obligatoire la désignation d'un point de contact central à tous les établissements de paiement agréés dans un autre État membre qui ont recours en France à des agents en libre établissement ou à des succursales. Ces points de contact faciliteront la supervision des activités transfrontalières.
La directive encadre le service d'initiation de paiement et d'information agrégée sur les comptes. L'enregistrement de ces activités est allégé mais les professionnels devront souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle. L'accès aux données utiles sera sécurisé.
La directive ne couvre pas l'information sur des comptes autres que les comptes de paiement, ce qui est logique puisqu'elle concerne les services de paiement dans le marché intérieur. Pour autant, les comptes d'épargne constituent la part la plus importante de la situation financière des personnes physiques. Les risques associés au scraping et l'absence de responsabilité des agrégateurs ont amené la commission des affaires européennes à souhaiter l'encadrement minimal de cette activité. Toute surtransposition n'est pas condamnable si elle est justifiée. Au-delà, la France devrait porter sans tarder cette question au niveau européen. Il y va de la compétitivité de nos acteurs économiques. (M. Roger Karoutchi applaudit.)
Mme Éliane Assassi . - Le débat de ce jour, s'il est nécessaire, semble très éloigné des préoccupations qui se manifestent dans la rue aujourd'hui dans un mouvement social multiforme.
Reconnaissons à la commission des finances d'avoir déposé des amendements utiles pour que la transposition se déroule dans de bonnes conditions.
Si le texte appelle peu d'observations, ce n'est pas le cas du sujet car nous sommes dans un univers bien précis, celui de la finance et des banques. Avec la nouvelle possibilité de retrait d'argent liquide, on pourra faire le plein de son porte-monnaie en faisant le plein d'essence. Quand on sait, comme moi, que les logiciels de caisse sont un peu incertains, on peut s'interroger sur la sécurité de ces opérations.
Mais revenons à l'essentiel : le secteur bancaire se porte fort bien. En 2017, la Société générale a affiché un bénéfice en baisse mais qui atteint tout de même 2,81 milliards d'euros ; le Crédit agricole, un bénéfice de 3,65 milliards d'euros - la médiocrité du revenu agricole n'est pas perdue pour tout le monde... En 2016, BNP Paribas a fait 7,8 milliards d'euros de bénéfices, soit une hausse de 6,7 %. Le premier groupe bancaire de notre pays, considéré comme hautement systémique, a présenté un résultat net de 43,4 milliards d'euros pour l'exercice 2016 - la dette publique n'est pas perdue pour tout le monde... Pour faire bonne mesure, la banque va distribuer un peu plus de 3,6 milliards d'euros de dividendes. Dans le même temps, comme dirait l'autre, s'engage un processus de réduction des implantations et des effectifs. La Société générale compte réduire de 300 le nombre de ses agents sur le territoire. Le développement de la banque en ligne est privilégié. Comme d'habitude, les acteurs traditionnels n'en sont pas éloignés : B For Bank appartient au groupe Crédit Agricole, Hello bank au groupe BNP Paribas et Boursorama est rattaché à la Société Générale. Tout se passe comme si le produit net bancaire trouvait son origine dans la dématérialisation des opérations, la réduction des réseaux « en dur » et les frais bancaires excessifs. Une intense campagne est déployée pour que soient dégagées des marges de manoeuvre indispensables à la poursuite de la rentabilité... Ainsi, après plusieurs années de travail sur l'assurance emprunteur pour mettre un terme aux ventes liées de contrats de prêts et de contrats d'assurance, nous avons vu ressurgir, dans le projet de loi sur la « société de confiance » la problématique du taux effectif global et celle du taux annuel effectif global...
La question principale de l'avenir du secteur financier, outre le financement de l'économie réelle, est l'accessibilité bancaire. Le code monétaire et financier a sans doute besoin d'une évolution pour rendre plus effectif le droit au compte qui est essentiel pour éviter l'exclusion sociale. Il serait bon que la commission des finances se penche sur cette question.
Le groupe CRCE ne s'oppose pas à l'adoption de ce projet de loi technique.
Mme Nathalie Goulet . - Les jours se suivent et ne se ressemblent pas : hier, nous débattions de la protection des données personnelles ; aujourd'hui, il s'agit d'ouvrir grand les bras au secteur financier.
Le vocabulaire utilisé dans ce texte est assez technique, les pratiques qu'ils visent le sont tout autant. Laissez-moi donc vous présenter « les services de paiement pour les nuls ». Une fintech est une entreprise technologique de finances : seuls 4 % des Français le savent. Les services d'agrégation d'information, « AIS » pour Account information services, offrent aux consommateurs disposant de plusieurs comptes bancaires une vision consolidée de l'ensemble de leurs comptes tenus par différentes banques sur une seule interface. C'est pratique, au lieu d'ouvrir trois applications sur votre téléphone, vous n'en ouvrez qu'une et vous n'avez besoin que d'un mot de passe - heureusement, car nous avons tant de mots de passe aujourd'hui qu'il faudrait bientôt se les tatouer pour s'en souvenir.
Un prestataire de services de paiement est un prestataire de services permettant à des tiers d'accepter des paiements en ligne ; en général, par carte bancaire. Ils assurent le transfert des fonds remis par les utilisateurs. Ils ont profité de l'essor du cross canal - la journée de la francophonie est finie (Sourires), c'est-à-dire le fait pour une entreprise d'écouler sa production à travers différents canaux de distribution.
Avec les services d'initiation de paiement ou PIS pour Payment initiation services - un intervenant de plus !, le consommateur peut demander à un intermédiaire de présenter et d'exécuter des opérations de paiements en son nom auprès de sa banque. Ils utilisent la double authentification qui consiste en une double vérification de l'identité du client, lors de chaque achat.
Soit, mais combien de temps nos données sont-elles conservées ? Mine de rien, nous donnons nos codes à tous ces intervenants. Pour l'achat d'un bien, c'est jusqu'à sa réception en ajoutant le délai de rétractation. Pour un abonnement avec tacite reconduction, ce peut être ad vitam aeternam. Cela pose un problème de sécurité puisque nos données sont transférées quand il y a vente et revente de l'entreprise.
Pour la gestion des réclamations, c'est treize mois suivant la date de débit, voire quinze quand est utilisée une carte de paiement à débit différé. Comment vérifier que nos données sont bien effacées ? Et que dire des intermédiaires, tel Amazon ou iTunes, qui conserve nos données pour un achat ultérieur... (L'oratrice est gênée par des conversations qui se tiennent à droite de l'hémicycle.)
Mme la présidente. - Merci d'écouter l'intervention très pédagogique de Mme Goulet.
Mme Nathalie Goulet. - Un conseil : enregistrez en ligne une carte dont la fin de validité est proche !
Bref, nous avons ouvert nos données bancaires de façon complètement déraisonnable. La question du contrôle a posteriori se pose.
Tout cela justifie amplement que nous adoptions le projet de loi assorti du dispositif proposé par la commission des finances.
Un mot, pour finir, sur le cashback. Nous cherchons à le développer alors que nos voisins européens tentent de limiter la circulation d'espèces. J'en comprends l'intérêt mais nous mesurons mal ses inconvénients. Une évaluation s'impose. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM et CRCE ainsi que sur le banc de la commission)
M. Michel Canevet. - Quel talent !
M. Claude Raynal . - Le projet de loi ratifie l'ordonnance relative aux services de paiement dans le marché intérieur. C'est une étape importante de sa consolidation : il s'agit de concilier l'ouverture du marché aux fintech et de protéger les consommateurs. Ne nous y trompons pas : si le marché intérieur est une réalité depuis vingt-cinq ans, son existence ne serait qu'illusoire sans régulation des nouveaux acteurs et des nouvelles pratiques.
L'arrivée de nouveaux acteurs de paiement modifie la relation classique entre la banque et ses clients. Les initiateurs de paiement servent d'interface entre le client et l'entreprise en supprimant les moyens de paiement classiques que sont la carte de paiement et le chéquier. Les agrégateurs, eux, synthétisent l'ensemble des informations bancaires sur une interface. Le régime juridique de ces deux opérateurs se singularise par un enregistrement simplifié et par une absence de contrainte en matière de capital minimal. La directive limite les risques d'asymétrie réglementaire en empêchant le dumping technologique, qui favoriserait les entreprises domiciliées dans des États moins-disants en termes de sécurité. Elle rend obligatoire l'authentification forte, c'est-à-dire l'authentification à deux facteurs ou avec un mot de passe à usage unique.
La directive prévoit, en outre, le développement du cashback, prisé dans les pays anglo-saxons ou en Allemagne. Une curiosité en France, la patrie de la carte bancaire... Un décret précisera le montant maximal d'espèces qui pourra être retiré ; dans notre esprit, il doit être extrêmement limité...
Le groupe socialiste approuve la démarche de transposition rapide et prudente, puisque la directive est limitée aux seuls comptes courants. Les opérateurs souhaitent l'élargir... Avant d'aller plus loin, trouvons les bons outils ; facilitons l'information des consommateurs : telle fintech est-elle autorisée ? Suit-elle la réglementation applicable ? L'ACPR les agrée, certes : encore faut-il que son agrément soit visible par tous !
Surtout, nous ne comprenons pas que les agrégateurs de comptes ne soient pas soumis à l'obligation de s'assurer. S'en remettre pour cela à une directive ultérieure nous semble risqué. Si l'amendement de la commission des finances doit être juridiquement retravaillé, que le Gouvernement s'y attelle. Pour l'y encourager, le groupe socialiste votera le texte de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE, RDSE et UC)
M. Jean-Pierre Decool . - En ratifiant cette ordonnance, nous adaptons le code des marchés financiers aux évolutions du secteur. C'est nécessaire pour les entreprises et pour les consommateurs.
La directive pose les bases d'un droit d'accès aux comptes de paiement, renforce la sécurité des données, consolide les droits des utilisateurs de services et améliore la supervision transfrontalière. Elle appuie encore le développement du cashback en loi l'encadrant. C'est une bonne mesure pourvu que le plafond soit suffisamment élevé pour rendre service aux clients tout en assurant la sécurité des opérations.
Nous avançons à grands pas vers l'union des capitaux, sous l'influence des traités et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Mais qu'en est-il de l'union des étudiants, de l'union des artistes, de l'union des chercheurs, de l'union des travailleurs ? Je salue les combats menés par la France et par une députée européenne française courageuse, Élisabeth Morin-Chartier, sur la question des travailleurs détachés. Je salue l'accord trouvé la semaine dernière sur cette directive. Enfin, nous nous rapprochons du principe « à travail égal, salaire égal » sur un même lieu de travail. Je salue la proposition de la Commission européenne de créer une Agence européenne du travail chargée de contrôler la circulation des travailleurs pour éviter le dumping social entre les États. L'intégration économique ne va pas sans l'intégration sociale et culturelle. Sans cela, nous alimenterons l'idée d'une Europe à deux vitesses.
Derrière la technique, il y a toujours de la politique. Nous, Les Indépendants, privilégierons toujours le progrès social et humain.
M. Jean-Claude Requier . - Après le projet de loi sur la protection des données personnelles, nous adaptons notre droit aux évolutions technologiques dans le domaine financier. Le RDSE est soucieux d'apporter sa pierre à l'édifice. Je me souviens des débats sur le projet de loi République numérique ou de ceux relatifs à l'intelligence artificielle : des débats passionnants qui, comme aujourd'hui, nous ont déjà contraints, par leur très haute technicité, à nous en remettre à l'expertise des rapporteurs.
La précédente directive DSP 1 de 2007 ayant été complétée et transposée, l'ordonnance qu'il s'agit de ratifier ne compte que 35 articles, bien moins que les 117 articles de la directive DSP 2 elle-même.
Je note que la moitié des États membres ne l'ont pas encore transposée. On ne peut que souscrire dans les grandes lignes aux mesures proposées, notamment le renforcement de la sécurité des clients.
Je salue l'abaissement de 150 à 50 euros de la franchise imposée aux consommateurs en cas de paiement non autorisé à l'issue d'un vol. C'est une mesure de bon sens.
L'article premier bis, introduit à l'Assemblée nationale, encadre le cashback - que j'ai découvert à cette occasion - et qui pourrait être utile dans la ruralité si l'encadrement est correct : c'est nécessaire pour prévenir les abus.
L'article premier ter concerne les mesures transitoires de communication entre prestataires de services de paiement et gestionnaires de compte.
L'article premier ter A, lui aussi issu des travaux de l'Assemblée nationale, prévoit l'engagement de la responsabilité du prestataire en cas de fraude : c'est judicieux.
Le RDSE votera ce texte particulièrement technique.
M. Jérôme Bascher . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce projet de loi vise à transposer la directive en ratifiant l'ordonnance prise en août 2016. Urgence, deux ans et demi après ? Soit.
Première incise : pour profiter du progrès, il faut avoir accès au très haut débit ; or, comme l'a fait remarquer le président Chaize, en matière de très haut débit, le Gouvernement semble avoir beaucoup reculé... pour les territoires les plus reculés. Et encore, mon département de l'Oise sera, fin 2019, le premier territoire rural, en Europe, à être complètement fibré.
Deuxième incise, sur le temps que prend la législation : s'il faut attendre la prochaine directive pour changer nos règles, alors qu'elle est à peine en son début de négociation, nous aurons toujours du retard sur l'évolution technique et celle des pratiques ; aussi faut-il peut-être accepter, en ces matières, d'emprunter davantage la voie réglementaire, qui est beaucoup plus rapide.
Ce texte doit faire avancer nos fintech et protéger nos banques, mais aussi, et surtout, protéger les consommateurs. L'essor des nouvelles technologies a fait émerger de nouveaux acteurs, qui offrent au consommateur une vue et un accès à l'ensemble de ses comptes et produits bancaires. L'Union européenne a encadré ces nouvelles pratiques dès 2007, tout en leur permettant de trouver leur place aux côtés des acteurs bancaires traditionnels, avec une réglementation allégée, ces nouveaux services n'impliquant pas de détenir de fonds, mais tout cela nécessite des tiers de confiance.
Soutenir les nouveaux acteurs est nécessaire, mais n'oublions pas les banques. Dans la querelle des Anciens et des Modernes, je rappelle que ce sont les Anciens qui ont gagné. Dans cette situation, n'oublions pas que les fintech récupèrent nos données. Stimuler le commerce, c'est bien, mais il faut aussi protéger le consommateur des risques d'escroquerie.
La directive DSP 2 actualise la directive dite « monnaie électronique » de 2009, qui a allégé les contraintes des nouveaux acteurs par rapport au régime bancaire traditionnel, tout en protégeant les consommateurs. L'essor du secteur est important : 4 millions de consommateurs ont déjà eu recours à un agrégateur de comptes en France et 2,5 millions à un initiateur de paiement - l'enjeu concerne bien l'ensemble de nos fintech, de notre système bancaire, c'est bien de l'argent des Français dont il s'agit.
La directive permet de mettre en place des mesures de proportionnalité pour les acteurs réalisant de petits volumes de transaction et permet également de diminuer, de 150 à 50 euros, les seuils de franchise qui s'appliquent aux consommateurs subissant un préjudice. Pour protéger les consommateurs, elle offre la possibilité de mettre en place des mesures de sauvegarde et permet à une autorité de supervision d'un pays, en cas de comportement douteux, de se tourner vers l'autorité de supervision du pays de résidence de l'opérateur douteux, pour une suspension d'agrément - et l'autorité peut même suspendre à titre conservatoire. Les standards de sécurité sont élevés, notamment avec la confirmation d'un code reçu par SMS pour un paiement en ligne - cependant, nous savons qu'une telle précaution ne suffit pas lorsque le portable est volé, et nous savons aussi que l'appât d'achats en ligne conduit à des enlèvements de personnes, très violents, dans des pays comme l'Ukraine par exemple.
Le cashback, que j'appellerai retrait d'argent liquide, pallie la rareté des distributeurs, notamment en zone rurale : c'est donc utile. Mais je m'inquiète de la possibilité d'ouvrir ce dispositif en ville, où les distributeurs sont à chaque coin de rue. J'y vois même un outil de blanchiment d'argent. La circulation de fausse monnaie sera facilitée. Je pose également la question de la sécurité des commerçants qui le pratiqueront.
Aujourd'hui on ne braque plus les banques, elles n'ont plus d'argent liquide, mais les bars-tabac et les stations-services. Le cashback revient à dire aux banques : « venez et servez-vous ! » Les territoires ruraux n'ont vraiment pas besoin d'un surcroît de délinquance...
L'Assemblée nationale, encore sur proposition du Gouvernement, a également prévu qu'un décret définira des modalités transitoires de communication entre les prestataires de services de paiement et les gestionnaires de compte, dans l'attente de l'entrée en vigueur en septembre 2019 des normes techniques de réglementation définissant les modalités de communication standardisée au niveau européen.
Le Gouvernement semble inciter le Parlement à s'abstenir de prendre des mesures transitoires avant que la directive soit complétée... Nous partageons l'avis des députés d'agir rapidement.
La Commission européenne a pris beaucoup de retard dans l'élaboration des normes techniques des API. Nous souhaitons que les mesures de protection des consommateurs entrent en vigueur le plus vite possible.
Faut-il étendre la directive à tous les produits d'épargne ? Les détenteurs de plusieurs comptes en banque ont généralement aussi beaucoup d'épargne : soyons prudents, il ne faudrait pas que le progrès soit synonyme de ruine. Je salue le travail très sérieux de la commission des finances qui a écouté toutes les parties. Le groupe Les Républicains votera ce texte tel que modifié par la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi.)
M. François Patriat . - Nous soutenons ce texte, d'apparence technique, car il est nécessaire. Il régule d'abord une activité mal encadrée mais répondant à une demande sociale. Les agrégateurs de comptes offrent une vision consolidée de divers comptes sur un seul terminal. La directive renforce la garantie pour les usagers en imposant l'assurance de ces nouveaux acteurs ; elle renforce la supervision par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et la supervision transfrontalière et relève les standards de sécurité en généralisant une authentification forte.
Cette directive accompagne une évolution sociale et technologique.
Nous pouvons nous enorgueillir que la France transpose la directive rapidement, sans la surtransposer - les rapporteurs l'ont souligné - se positionnant comme leader sur le marché des agrégateurs. Dans une économie de service où l'activité est facilement délocalisable, l'amendement de la commission des finances sur utilisation fraudeuse des données non couvertes par la directive montre le besoin d'une couverture uniforme par des règles européennes
Je salue les dispositions facilitant le cashback, avantage pour les consommateurs éloignés de l'accès aux espèces et pour les commerçants qui offrent par ce moyen un nouveau service.
Texte technique ? Cet argument est celui de ceux qui voient dans l'Europe une machine technocratique. Ils avaient dit de même de la CECA en 1951...
Mme Éliane Assassi. - Comparaison n'est pas raison...
M. François Patriat. - Cette directive est politique, parce qu'elle complète l'édifice qu'est le marché intérieur, parce qu'elle donne des garanties aux citoyens européens, parce qu'elle harmonise la règlementation d'un secteur en plein essor. Soyons réalistes, beaucoup des critiques adressées à l'Union européenne, sur la concurrence fiscale par exemple, viennent d'un manque d'harmonisation des règlementations qui n'est pas le fait de l'Union européenne mais des États membres eux-mêmes. La taxation des GAFA, prônée par Bruno Le Maire, en témoigne encore.
Nous sommes fiers, à LaREM, d'appartenir à un mouvement qui n'accuse pas l'Europe de tous les maux et voterons ce texte.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté de même que l'article premier bis.
ARTICLE PREMIER TER A
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Cet article a été adopté à l'unanimité par la commission des finances. Il étend l'obligation d'assurance au-delà du champ de la directive.
Nous n'avons pas pu l'expertiser mais il présente un caractère imparfait : il impose une condition d'assurance à un service non réglementé, c'est inédit ; ensuite, les agrégateurs décidant de ne pas accéder aux comptes de paiement seraient dispensés de s'assurer, de même que ceux opérant ailleurs qu'en France. Les garanties techniques de sécurité sont donc moindres, en réalité, que dans le texte du Gouvernement.
Le sujet est complexe, certes. À ce stade, nous restons défavorables à toute espèce de surtransposition qui créerait un décalage entre la France et ses partenaires européens. Ce que le Gouvernement propose accélère au contraire le dispositif applicable dans l'Union européenne, sans le déborder.
Nous réfléchissons à toute mesure transitoire pertinente, en discutant avec tous les acteurs.
Je rejoins votre souci de sécurisation. L'effort doit concerner tous les secteurs de l'épargne. C'est une mission technique et industrielle précise que nous allons conduire.
Je comprends toutefois que vous jugiez incompatibles la durée de la réglementation européenne et celle de l'encadrement des usages : je retire donc l'amendement, à ce stade de la procédure.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Merci à Mme la ministre dont je partage presque tout le propos. La CMP n'aurait lieu qu'en juin, nous avons donc le temps d'améliorer notre texte.
L'obligation d'assurance, d'ordre public, s'applique même pour des services non réglementés puisqu'on l'impose par exemple aux véhicules volés !
Nous ne surtransposons pas, en réalité, parce que nous réglons plutôt un problème que la directive n'a pas vu, mais qui existe bien dans la réalité. Nous ne pourrons guère attendre qu'une nouvelle soit votée : l'enjeu financier est considérable, les comptes d'épargne sont souvent bien plus fournis que les comptes courants et nous ne pouvons risquer la ruine de nos épargnants.
La commission des finances reste disposée à travailler à ces questions.
L'amendement n°2 est retiré.
L'article premier ter A est adopté de même que les articles premier ter et 2.
ARTICLE 3
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Après l'alinéa 1
Insérer trois alinéas rédigés :
...° Le II de l'article L. 312-4-1 est ainsi modifié :
a) Le 2° est complété par les mots : « pour les dépôts qu'elles ont effectués en leur nom et pour leur compte propre » ;
b) Les 4° et 5° sont complétés par les mots : « pour les dépôts qu'ils ont effectués en leur nom et pour leur compte propre » ;
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Cet article clarifie le fait que les comptes ouverts par les sociétés de financement, les établissements de monnaie électronique et les établissements de paiement autrement qu'à leur nom et pour leur compte propre, ne sont pas exclus du bénéfice de la garantie des dépôts. Ces dispositions s'appliquent pour les fonds reçus de leur propre clientèle. Une incertitude existe en effet sur les conditions dans lesquelles l'ayant droit de tout ou partie des sommes figurant sur un compte, qui n'est pas le titulaire nominal, peut bénéficier de la garantie des dépôts, la loi ne prévoyant de dérogation expresse qu'en ce qui concerne les comptes ouverts par les entreprises d'investissement.
Or il est important que ces comptes puissent bénéficier de la garantie des dépôts au même titre que les clients des entreprises d'investissement dont les fonds sont également déposés sur un compte de cantonnement. Dans l'hypothèse inverse, la défaillance d'un établissement de crédit teneur de compte entraînerait des effets de contagion sur ces établissements et rendrait inefficaces les mesures de protection.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Avis très favorable à cet amendement qui va dans le sens de la protection du consommateur. Cette clarification, cette sécurisation est bienvenue.
L'amendement n°1 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
L'article 4 est adopté, de même que les articles 5 et 6.
Explication de vote
M. Marc Laménie . - Madame la Ministre, j'adhère à votre propos : il faut sécuriser les consommateurs !
Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi, qui va dans le sens de l'intérêt général.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, mardi 27 mars 2018, à 14 h 30.
La séance est levée à midi dix.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mardi 27 mars 2018
Séance publique
À 14 h 30
1. Proposition de loi d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles (n° 293, 2017-2018)
Rapport de Mme Marie Mercier, fait au nom de la commission des lois (n° 372, 2017-2018)
Texte de la commission (n° 373, 2017-2018).
À 16 h 45
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
À 17 h 45 et le soir
3. Suite de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles.