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Table des matières
Prévention des conflits d'intérêts liés à la mobilité des hauts fonctionnaires
Mme Maryse Carrère, auteure de la proposition de loi
Mme Josiane Costes, rapporteure de la commission des lois
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics
ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier (Supprimé)
Exécution des peines des auteurs de violences conjugales
Mme Françoise Laborde, auteure de la proposition de loi
Mme Brigitte Lherbier, rapporteur de la commission des lois
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Retrait de la proposition de loi
Mme Françoise Laborde, auteure de la proposition de loi
Ordre du jour du mardi 6 mars 2018
SÉANCE
du jeudi 22 février 2018
59e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de M. David Assouline, vice-président
Secrétaires : M. Éric Bocquet, Mme Jacky Deromedi.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Prévention des conflits d'intérêts liés à la mobilité des hauts fonctionnaires
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la prévention des conflits d'intérêts liés à la mobilité des hauts fonctionnaires, présentée par M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
Mme Maryse Carrère, auteure de la proposition de loi . - L'administration, comme le reste de la société, est désormais confrontée à des aspirations individuelles de renouvellement professionnel tout au long de la vie, dont la durée continue de s'allonger. Entre 1946 et 2015, l'espérance de vie a augmenté de vingt ans pour chaque sexe. Selon les statistiques publiées sur le portail de la fonction publique, 40 % des agents en mobilité ont plus de 50 ans.
Si tous les agents publics ont de grandes possibilités de mobilité, les agents de la catégorie A+ sont les plus mobiles : en 2016, 24,4 % d'entre eux étaient en détachement et 7,9 % en mobilité, contre respectivement 2,6 % et 2,7 % seulement des catégories A, 2 % dans les deux cas pour les catégories B, et 5,7 % et 2,9 % des catégories C. Cet écart s'explique par le fait que les fonctionnaires A+ sont issus des écoles les plus prestigieuses - l'ENA, Polytechnique, les Mines, les Ponts. En France, où la théorie du signal se vérifie quotidiennement sur le marché de l'emploi, le profil du haut fonctionnaire est particulièrement recherché. Autre explication, certains corps encouragent la mobilité en raison des perspectives limitées de carrière. Les propositions du premier comité interministériel de la transformation publique confirment cette hypothèse puisque les élèves les mieux classés à l'ENA seraient affectés, après deux ans, « sur des postes consacrés à la mise en oeuvre des chantiers prioritaires du Gouvernement ».
Si certains insistent sur la crise d'attractivité que traverserait la haute fonction publique, la sélectivité du concours externe de l'ENA reste supérieure à celle des écoles de commerce. Le principal facteur qui découragerait les agents A+ à construire toute leur carrière dans l'administration serait la rémunération.
Parallèlement, les exigences éthiques de la société envers l'État se sont renforcées. Dès 1789, l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoyait que : « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Au fil des siècles, ce principe est devenu plus effectif avec le renforcement de la publicité des actes, puis les premières lois de lutte contre les conflits d'intérêts, l'interdiction des rétrocommissions ou encore l'encadrement des paiements en espèces. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a contribué à modifier le fonctionnement des juridictions administratives afin de lever tout soupçon de conflit d'intérêts. Ce mouvement a irradié tous les pans de la société : lois instaurant la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, et renforçant les obligations déontologiques des fonctionnaires sous le gouvernement précédent ; plus récemment, la loi pour la confiance dans l'action publique.
L'influence des hauts fonctionnaires dans la conduite de la politique de la Nation est déterminante ; depuis l'élaboration de la loi jusqu'à son application, depuis la décision d'engager des dépenses publiques jusqu'à la participation à des négociations internationales. Et ce, dans des conditions plus confidentielles que les parlementaires qui font désormais l'objet de nombreux contrôles. C'est ce qui justifie le renforcement du contrôle de leurs allers-retours entre le privé et le public.
Cette proposition de loi renforce la commission de déontologie, en en modifiant la présidence pour la prémunir contre les accusations de complaisance ; rend effectif le contrôle automatique des allers-retours effectués par certains hauts fonctionnaires entre le secteur public et le secteur privé, instaure un contrôle au moment de la réintégration après une mobilité et étend le contrôle aux agents destinés à prendre part au pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes, les AAI, et autorités publiques indépendantes, les API. Nous sommes favorables à la publication des avis de la commission de déontologie et à la fusion à terme de cette dernière avec la HATVP.
D'après l'étude « Que sont les énarques devenus ? », certains hauts fonctionnaires passent plus de la moitié de leur carrière dans le secteur privé. Raison pour laquelle nous proposons de limiter la mobilité dans le temps. Si la mobilité est mieux encadrée, une éthique de responsabilité doit être développée au sein de l'administration : les agents désirant poursuivre le reste de leur carrière dans le secteur privé doivent démissionner et rembourser le coût de leur scolarité le cas échéant.
Afin de restaurer l'attractivité de la carrière publique, des mesures réglementaires pourraient être prises : promotion interne, amélioration de la formation continue et revalorisation du traitement. Cela relève de vous, Monsieur le Ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Josiane Costes, rapporteure de la commission des lois . - « Le sentiment des hauts devoirs que la fonction publique entraîne », auquel fait référence l'ordonnance de 1945 relative à la formation, au recrutement et au statut de certaines catégories de fonctionnaires demeure largement partagé. J'ai constaté leur dévouement, en dépit de rémunérations moins élevées que dans le privé. Beaucoup voient dans la mobilité un levier d'attractivité vers la haute fonction publique. Crise ? Mieux vaudrait parler d'un sentiment de baisse d'attractivité.
La perception du pantouflage varie selon les secteurs : dans les administrations économiques, une expérience dans le privé, est profitable pour mieux pénétrer les dossiers. L'absence de définition de la notion de haute fonction publique pose difficulté. II existe bien le terme de « catégorie A+ » mais, selon les personnes interrogées, leur nombre varierait du simple au double, entre 12 000 et 34 000 personnes, si l'on exclut les maîtres de conférences. La même opacité entoure les données sur leur mobilité. Si elle a pu longtemps les protéger, elle dessert les hauts fonctionnaires à une époque où la transparence est de mise partout. À la DGAFP de développer des outils pour disposer de ces indispensables statistiques.
Si la commission de déontologie de la fonction publique a vu ses prérogatives renforcées par la loi du 20 avril 2016, elle fait toujours l'objet de nombreuses critiques. Les dispositifs relatifs au recouvrement de la pantoufle ne sont guère opérationnels, selon qu'ils interviennent après l'interruption de la scolarité ou après quelques années de service. La commission n'a pas les moyens de contrôler que tous les cas de mobilités entrant dans le champ de l'article 25 octies lui ont été soumis. De plus, ses avis ne sont pas publiés et son impartialité a été mise en doute. L'articulation enfin de cette commission avec la Haute Autorité de la transparence de la vie publique qui collecte déjà les déclarations du patrimoine de certains hauts fonctionnaires, n'est pas claire non plus.
Dans ces conditions, et soucieuse de remplir mon devoir d'objectivité, j'ai proposé, en tant que rapporteure, de modifier pour refléter la sensibilité de la commission des lois. (Sourires) Et non, ce n'est pas de la schizophrénie mais de la pensée complexe ! (Même mouvement) La suppression de certains articles ne fait pas obstacle au but poursuivi par le texte : la prévention des conflits d'intérêts. Nous avons clarifié l'article 4 qui étend la compétence de la commission de déontologie au retour d'un agent après son passage dans un organisme privé à but lucratif. Idem à l'article 5 qui concerne les secrétaires généraux et directeurs généraux des AAI et API. Nous avons introduit un article 4 bis pour prévoir la publicité des avis de la commission de déontologie. Nous avons supprimé l'article 6 car le passage des fonctionnaires dans le secteur privé s'opère désormais quasi exclusivement par la voie d'une mise en disponibilité. Enfin, à l'article 7, nous avons supprimé du champ de la nouvelle peine complémentaire obligatoire les délits détachables de l'exercice d'une fonction publique qui font l'objet de sanctions pénales spécifiques.
Cette proposition de loi ne bouleverse pas la loi de 2016, elle y apporte un utile complément. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UC)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - La déontologie est consubstantielle à l'action publique en ce qu'elle participe directement à la légitimité de l'action publique auprès de nos concitoyens. De fait, il ne peut y avoir de confiance publique que si les citoyens ont la conviction que ceux à qui la souveraineté est déléguée agissent au service de l'intérêt général. Cette exigence de probité, d'intégrité et d'impartialité, si elle n'est guère nouvelle puisqu'elle figure dans une ordonnance de 1254, s'est accrue à mesure que la demande de transparence se faisait plus forte devant la plus grande porosité et la plus grande mobilité entre public et privé.
Ne nous y trompons pas : cette mobilité est une source d'enrichissement pour les agents publics, pour le service public et la société tout entière. Avec le programme « Action publique 2022 », le Gouvernement entend d'ailleurs décloisonner le déroulement des carrières entre l'emploi public et l'emploi privé. Par conséquent, s'il faut sanctionner les manquements, il convient de ne pas créer une suspicion généralisée.
La loi du 20 avril 2016 a trouvé un bon équilibre, renforçant les exigences déontologiques et la lutte contre les conflits d'intérêts. Ses derniers décrets ont été pris il y a moins d'un an. Dès lors, cette proposition de loi est-elle utile ? Ce n'est pas la position du Gouvernement. Cette proposition de loi est prématurée. Mieux vaut suivre les conclusions de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la déontologie et les conflits d'intérêts des fonctionnaires : faire appliquer le droit existant avant d'envisager des ajustements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Loïc Hervé . - Ce texte est pragmatique donc nécessaire, je salue le travail de la rapporteure qui a affronté de nombreuses résistances. L'idée n'est pas de chercher des boucs émissaires quand nous souffrons nous-mêmes de l'antiparlementarisme...
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Très bien !
M. Loïc Hervé. - Le programme « Action publique 2022 » a fait couler beaucoup d'encre. Le Gouvernement entend banaliser le recours aux contractuels ; manière de contourner le statut des fonctionnaires, considéré trop rigide, et d'assurer une mobilité - seuls 4 % des agents changeraient de poste.
Les hauts fonctionnaires bénéficient d'une mobilité sans égale, raison pour laquelle cette proposition de loi s'intéresse principalement à eux. Si cette mobilité est essentielle, il existe des abus qui sont autant d'affronts pour les corps auxquels ces fonctionnaires appartiennent. Oui, nous devons lutter contre ces dérives qui ternissent l'image du service public et suscitent la défiance de nos concitoyens.
La mobilité est saine lorsqu'elle permet de placer les plus compétents aux postes cruciaux. L'expertise technique acquise dans le privé profite au secteur public. Où acquérir dans le public les compétences nécessaires pour travailler à l'Autorité des marchés financiers ? De plus, tout n'est pas permis, loin de là : les mobilités sont soumises au contrôle de la commission de déontologie, l'article 432-13 du code pénal prévoit un délit de prise illégale d'intérêt.
En dépit de ces garde-fous, il existe des abus de deux types. Le premier tient au fait que des anciens élèves de l'ENA, de Polytechnique ou de l'ENS ne respectent pas toujours l'engagement décennal. Le second, bien plus grave, concerne les conflits d'intérêts. Un fonctionnaire peut être tenté de favoriser une entreprise pour aider sa propre carrière - c'est la théorie de la capture bien connue de George Stigler.
Aussi, le groupe UC n'est-il pas opposé à cette proposition de loi.
La commission de déontologie doit avoir les moyens de jouer son rôle mais mieux aurait valu une réforme globale du statut de la fonction publique et un renforcement de la déontologie. Ce sera le sens des amendements que nous présenterons. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)
M. Jacques Bigot . - Est-il opportun d'ajouter une loi à la loi ? Le Conseil d'État vient de le dire, à propos de l'asile. La loi de 2016 est trop récente pour que soit venu le temps d'en faire une autre.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. Jacques Bigot. - Avons-nous en fait le bilan de cette loi ? Cette précipitation, vous l'avez-vous-même, Monsieur le Ministre, dénoncée en juillet dernier à l'Assemblée nationale, à propos de la loi sur la transparence de la vie publique. Il est indispensable de prendre le temps de la réflexion, comme l'Assemblée nationale l'a fait en élaborant un rapport d'information.
La déontologie appartient à un corps social, celui de la fonction publique. C'est le choix que nous avons effectué en plaçant auprès du Premier ministre la commission de déontologie de la fonction publique. Cette commission interne ne suffit pas, aux yeux de certains car la déontologie ne s'exerce pas dans la transparence. Le sujet est, à dire vrai, éminemment compliqué parce qu'extrêmement délicat.
L'actuel président de la République a lui aussi fait des voyages en-dehors de la haute fonction publique, il a qualifié cette possibilité de richesse. Ajoutons que c'est parfois aussi l'occasion de s'enrichir. (M. Philippe Bas, président de la commission des lois, sourit.) On peut se poser des questions lorsqu'on constate, à lire le rapport de l'Assemblée nationale, les nombreux départs de l'inspection générale des finances vers le privé...
Nos grandes écoles doivent former l'élite de la Nation, nous dit-on, à telle enseigne que nos concitoyens pensent que les hauts fonctionnaires gouvernent davantage la France que les parlementaires dont on veut réduire le nombre. Que certains entrent dans la fonction publique uniquement pour décrocher un diplôme qui leur ouvrira grand les portes du secteur privé est peut-être anormal mais c'est un autre sujet que celui du conflit d'intérêts. En 2016, le directeur général du Trésor a rejoint un fonds d'investissement. En quoi cela enrichit la fonction publique ?
Rien de tout cela ne sera réglé par cette proposition de loi. Et les conflits d'intérêts sont déjà suffisamment sanctionnés et prévenus par le droit existant. La déontologie est avant tout un état d'esprit. Le réinsuffler, voilà l'objectif ! Les mouvements public-privé sont utiles. Si, dès leur formation, les hauts fonctionnaires ont le sens de la déontologie, nul besoin de modifier la loi. Ce n'est pas en rendant la loi plus complexe et plus longue qu'on la rendra plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Claude Malhuret . - Notre pays peut compter sur un service public de qualité, qui s'inscrit dans une tradition ancienne de probité, dont je salue l'excellence. Cette proposition de loi ne relève donc pas de la culture du soupçon. Ces questions ne sont pas nouvelles, certes. Déjà, en 1254 l'ordonnance de Saint Louis s'y intéressait.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Bravo !
M. Claude Malhuret. - Nous devons rester vigilants, tout en recherchant un équilibre, en ajustant le cas échéant les dispositifs existants. C'est l'objet de cette proposition de loi. Il est difficile de quantifier la mobilité des hauts fonctionnaires dans le privé. Et la loi du 20 avril 2016 n'est pleinement applicable que depuis le 1er février 2017.
Les articles premier, 2, 3 et 6 soulèvent des problèmes juridiques. Aussi la commission des lois les a-t-elle supprimés. Elle a modifié les articles 4, 5 et 7 et introduit un article 4 bis, accroissant la transparence.
En effet, les avis de la commission de déontologie ne sont pas publiés, alors que ceux du collège de déontologie du Conseil d'État le sont - anonymisés. Je regrette que la transformation de la commission de déontologie en AAI n'ait pas été retenue. La HATVP l'est depuis 2013. Aussi ai-je déposé un amendement en ce sens. Ce serait un premier pas vers une fusion de ces deux instances.
Ce texte comporte des avancées qui ne sont pas négligeables : ainsi, de la publication des avis de la commission de déontologie et de l'extension de son contrôle aux secrétaires généraux et directeurs généraux des AAI et aux retours depuis le secteur privé. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, RDSE et UC)
M. Marc Laménie . - Le sujet est d'importance. L'été dernier, nous avons débattu de la transparence de la vie politique. Nous connaissons tous le dévouement des grands serviteurs de l'État. La mobilité concerne les trois fonctions publiques - de l'État, hospitalière ou territoriale - et il ne faut pas oublier les grandes écoles ni les universités.
L'attractivité de la fonction publique, enfin, doit être préservée. Elle est liée à la rémunération. La déontologie est essentielle et les moyens de la commission de déontologie doivent être maintenus.
Lors de l'examen de la loi de finances pour 2018, nous avons, au sein de la commission des finances, pu mesurer l'importance de la fonction publique. La mission « Administration générale et territoriale de l'État », par exemple, concerne le corps préfectoral, essentiel pour nos territoires.
Vous avez raison, Monsieur le Ministre, l'intégrité et la probité sont les piliers de la confiance, envers les élus comme envers les hauts fonctionnaires.
Le groupe Les Républicains suivra-t-il la position exprimée par M. Bas. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et RDSE)
M. Thani Mohamed Soilihi . - La France peut s'enorgueillir de posséder une fonction publique de grande qualité, de plus de cinq millions de membres.
La mobilité doit être encouragée, car elle permet de développer sa carrière, d'acquérir de nouvelles compétences, de participer ainsi efficacement à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques publiques - pour répondre aux besoins des associations par exemple - ou de développer les échanges internationaux.
Toutefois, la mobilité doit être encadrée. C'est l'objet de ce texte de renforcer la prévention des conflits d'intérêts et les pouvoirs de la commission de déontologie. Cependant, ce texte intervient soit trop tard, soit trop tôt.
En effet, la loi d'avril 2016, relative à la déontologie, n'est applicable que depuis un peu plus d'an et n'a fait encore l'objet d'aucune évaluation. Trop tôt, car dans moins d'un mois la mission de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêts, mené par les députés Fabien Matras et Olivier Marleix, rendra son rapport.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Nous ne sommes pas à la botte de l'Assemblée nationale !
M. Thani Mohamed Soilihi. - Ce n'est pas une raison ! Le groupe LaREM ne votera pas ce texte.
M. Philippe Bas, président de la commission. - C'est navrant !
Mme Françoise Laborde. - Oui.
M. Pierre-Yves Collombat . - La déontologie, c'est comme la médecine par les plantes (Sourires) : ça ne fait pas de mal mais il reste à prouver qu'elle puisse guérir de vrais malades (Rires et applaudissements).
M. Jérôme Bascher. - Excellent !
M. Pierre-Yves Collombat. - Or les institutions de notre République sont sérieusement malades comme le montrent les résultats électoraux de 2007, véritable triomphe du « dégagisme », de l'absentéisme, des votes blancs et nuls. Les autorités en place ont été élues par défaut. (M. Philippe Bas, président de la commission, sourit.) Cette « sécession » civique est issue de la transformation progressive de la Ve République en régime oligarchique, cogéré par la nébuleuse politique gravitant autour du président, par les fondés de pouvoir des milieux d'affaires, constituée en « caste », selon l'expression d'Emmanuel Macron lui-même, qui vise à se perpétuer et à assurer le maintien de la concurrence « libre et non faussée » et le bon fonctionnement du marché, non pas d'équilibres dont l'État serait le garant.
Dans ce cadre, le pantouflage assure une fonction essentielle garantissant le lien entre tous les secteurs et tous les membres de l'oligarchie. Celle-ci veut nous faire croire que le pantouflage est marginal, touchant 0,16 agent pour 10 000. C'est peu, soit, mais peut-on agréger des membres de l'Inspection générale des finances (IGF) rejoignant une grande banque, des agents hospitaliers ouvrant une pizzéria ou des professeurs de philosophie devenus bergers... (Sourires)
M. Philippe Bas, président de la commission. - ... ou sénateurs ! (On rit.)
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce n'est pas une activité privée !
De fait, dans les grands corps, le pantouflage est généralisé. Sur les 333 inspecteurs des finances recensés en 2017, plus de 55 % ont fait un passage dans le privé, et 34 % dans le secteur bancaire. Près de la moitié reviennent dans le secteur public après avoir travaillé dans le privé, les allers-retours multiples étant nombreux. Près de 40 % ont fait un .passage dans un cabinet ministériel ou ont exercé un mandat politique.
La moitié des patrons du CAC 40 sont issus de Polytechnique ou de l'ENA. Or réduire le problème du pantouflage extensif des grands corps à des conflits d'intérêts, alors que ce sont les fondements même de notre démocratie qui sont attaqués. On crée des commissions de déontologie, des chartes éthiques. « Circulez, il n'y a rien à voir ! » C'est spécieux.
De même, la seule contrainte pour un fonctionnaire passé dans le privé est d'éviter toute communication d'informations faussant la concurrence. On impose au gouverneur de la Banque de France de se déporter sur les questions intéressant BNP-Paribas, dont il fut directeur, à cette seule fin.
C'est bien mais on oublie que le risque principal est d'ordre systémique et que les conflits d'intérêts pourraient se situer ailleurs, entre ceux des banques et ceux des citoyens, par exemple. Le rôle joué par la Banque de France dans l'échec des projets de séparation des banques de dépôts et des banques d'affaires montre qu'il ne s'agit pas d'une question théorique.
Cette proposition de loi l'ignore. Elle s'en tient à quelques mesures déontologiques que l'on aurait pu soutenir, mais à l'arrivée, il n'en reste plus grand-chose : elle s'est autodétruite en vol. Difficile de s'y résoudre et de ne pas affirmer qu'il faut en finir avec ces pratiques délétères. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Stéphane Artano . - Mme Lebranchu expliquait qu'elle avait renoncé à réformer le pantouflage car les grands corps ont « assiégé » le secrétaire général de l'Élysée de l'époque. Pourtant, l'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme proclame que « le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ».
C'est le signe qu'une réforme de la haute fonction publique ne pourra venir que du Parlement, et en particulier du Sénat, où l'on trouve encore quelques esprits libres, étrangers aux atermoiements d'un microcosme bureaucratique parisien.
Mais les résistances au changement et les pratiques des grands corps restent tenaces... Elles doivent néanmoins être encadrées. Il reste encore possible de mener de belles carrières dans le public, à condition d'y entrer avec une certaine humilité. Ce texte renforce la transparence et les prérogatives de la commission de déontologie.
Nous saluons le travail de Josiane Costes, membre du groupe RDSE, qui a, en tant que rapporteure, considérablement élagué le texte dont elle est coauteure, afin de le rendre plus efficace.
D'abord, nous devons aller vers la fusion entre HATVP et commission de déontologie. C'est l'objet d'un amendement que nous avons déposé à la suite d'un amendement de Mme Di Folco, déjà adopté par le Sénat, et d'un autre que, député, vous aviez cosigné Monsieur le Ministre.
Le renvoi de la définition de périmètres des catégories A+ voire A++ à des décrets - comme celui fixant les emplois supérieurs, le laconisme de la loi sur les règles de mobilité donnent l'impression que la haute fonction publique est en autogestion et profite du système de mobilité. Tocqueville considérait déjà dans L'Ancien Régime et la Révolution que « depuis 1789, la Constitution administrative est restée debout dans les cendres des constitutions politiques ». Dans le même ouvrage, il décrit néanmoins que la haute fonction publique constituait une classe ayant une vive conscience de son rôle, se considérant comme gardienne de l'État, au risque d'exclure les citoyens.
Des hauts fonctionnaires ont publié dans Le Monde du 21 février une tribune très intéressante...
M. Philippe Bas, président de la commission. - En effet !
M. Stéphane Artano. - ... montrant que la haute fonction publique était le support du pouvoir d'Emmanuel Macron.
Ne pas légiférer aujourd'hui serait un manque de discernement. La presse et l'opinion se sont déjà emparées du sujet. Quant au respect du calendrier de l'Assemblée nationale, ce n'est pas un argument. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant les caractéristiques statutaires et indiciaires de la catégorie A+ au sein de la fonction publique d'État.
Mme Maryse Carrère. - Le périmètre de la catégorie des hauts fonctionnaires habituellement désignée comme « A+ » demeure flou, en l'absence de définition légale. Nous demandons un rapport au Gouvernement sur l'opportunité de créer une catégorie spécifique de la haute fonction publique.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - En effet, l'absence d'une définition harmonisée est source d'opacité. Avis défavorable toutefois à cet amendement : rien ne nous interdit de créer un minimum d'information sur ce sujet ou d'instaurer une commission d'enquête.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Il n'y a pas de base statutaire pour la haute fonction publique. Je rappelle que les emplois à responsabilité les plus importants sont déjà soumis à des déclarations de patrimoine et d'intérêts. L'appréhension du sujet par le seul biais statutaire n'est donc pas suffisante.
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
ARTICLE PREMIER (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article 12 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Lorsque, en application de son statut particulier comportant une période de formation obligatoire préalable à la titularisation, un fonctionnaire a souscrit l'engagement de servir pendant une durée minimale, sa mise en disponibilité avant que cet engagement soit honoré, sauf disponibilité de droit ou disponibilité pour raison de santé, entraîne une obligation de remboursement préalable des sommes fixées par la réglementation applicable, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État. »
M. Pierre-Yves Collombat. - Cet amendement rétablit la rédaction initiale : le fonctionnaire doit rembourser sa pantoufle avant de rejoindre le privé. Certes on ne sait jamais pour combien de temps on quitte le public, mais ces personnes qui partent au bout de peu d'années ont pris la place d'autres candidats aux concours qui auraient pu rester. Un engagement, cela se tient !
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Ne confondons pas démission et mise en disponibilité. En cas de démission, les règlements prévoient déjà un remboursement de la pantoufle.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Cet amendement priverait tout fonctionnaire de la possibilité d'exercer une mobilité avant d'avoir été au bout de l'engagement initial.
M. Pierre-Yves Collombat. - Non, mais qu'il paie !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - De plus, le renouvellement de la mise en disponibilité au-delà de quatre ans est subordonné à l'accomplissement de la période d'engagement initial.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je constate que, décidément, la haute fonction publique est bien protégée !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Oui.
L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.
L'article premier demeure supprimé.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant les mesures mises en oeuvre pour obtenir le remboursement du montant des traitements et indemnités perçues lors de leur scolarité par les anciens élèves de l'École normale supérieure, l'École nationale d'administration et l'École Polytechnique bénéficiant d'une mise en disponibilité et n'ayant pas souscrit à l'engagement de rester au service de l'État pendant la durée minimum prévue par décret.
Mme Maryse Carrère. - Cet amendement s'inspire d'une proposition qui avait reçu un avis favorable de la commission des lois lors de l'examen d'un texte antérieur. Je ne comprends donc pas la position de la commission des lois.
M. le président. - Amendement n°24 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport faisant le bilan des mesures mises en oeuvre pour obtenir le remboursement du montant des traitements et indemnités perçues lors de leur scolarité par les anciens élèves de l'École normale supérieure, l'École nationale d'administration et l'École Polytechnique bénéficiant d'une mise en disponibilité et n'ayant pas souscrit à l'engagement de rester au service de l'État pendant la durée minimum prévue par décret.
M. Pierre-Yves Collombat. - Défendu.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Les rapports demandés au Gouvernement sont rarement suivis d'effet. Le Parlement a ses propres moyens d'analyse et la commission des lois a une position de principe à l'égard de ces demandes : avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Le droit existant vous donne satisfaction pour l'X ou l'ENS.
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°24 rectifié n'est pas adopté.
ARTICLE 2 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le III de l'article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « L'autorité dont le fonctionnaire relève dans son corps ou dans son cadre d'emplois d'origine saisit à titre préalable la commission sans délai après avoir été informée de la demande de détachement ou de mise en disponibilité afin... (le reste sans changement) » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « le fonctionnaire ou » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le fonctionnaire exerce l'un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionnés au I de l'article 25 quinquies de la présente loi, le président de la commission saisit obligatoirement la commission dans les mêmes délais. »
Mme Maryse Carrère. - Cet amendement clarifie la rédaction du III. de l'article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983, qui décrit la procédure de saisine de la commission de déontologie et contraint les hauts fonctionnaires soumis à déclaration de patrimoine auprès de la HATVP de faire l'objet d'un contrôle de déontologie renforcé par la commission de déontologie.
Actuellement, la saisine est confiée concurremment au fonctionnaire ou à son autorité hiérarchique, puis en dernier recours, par voie d'auto-saisine, au président de la commission de déontologie lui-même.
Cette multiplication des saisines est source de confusion.
La commission de déontologie doit aussi se saisir obligatoirement des cas des hauts fonctionnaires soumis à l'obligation de transmission des patrimoines.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le III de l'article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « L'autorité dont le fonctionnaire relève dans son corps ou dans son cadre d'emplois d'origine saisit à titre préalable la commission sans délai après avoir été informée de la demande de détachement ou de mise en disponibilité afin... (le reste sans changement) » ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « le fonctionnaire ou » sont supprimés.
M. Stéphane Artano. - Amendement de repli, sans l'obligation de saisine pour les hauts fonctionnaires.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le III de l'article 25 octies de la loi n° 83-643 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « fonctionnaire », sont insérés les mots : « occupant un emploi mentionné par le décret n° 2016-1967 du 28 décembre 2016 relatif à l'obligation de transmission d'une déclaration d'intérêts prévue à l'article 25 ter de la loi n° 83-834 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations du fonctionnaires, » ;
b) Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « par le fonctionnaire ou l'administration » sont remplacés par les mots : « d'un fonctionnaire exerçant un emploi listé au paragraphe : "Ministère de l'économie, des finances et du budget" de l'annexe du décret n° 85-344 du 18 mars 1985 portant application de l'article 24 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant disposition statutaires relatives à la fonction publique de l'État, ainsi que les emplois mentionnés au 3° de l'article 2 du décret n° 2016-1967 du 28 décembre 2016 précité » ;
b) Les mots : « peut saisir » sont remplacés par le mot : « saisit ».
M. Pierre-Yves Collombat. - La saisine préalable de la commission en cas de cessation définitive ou temporaire de ses fonctions par un fonctionnaire ne doit être applicable qu'aux fonctionnaires occupant un emploi public nécessitant une déclaration à la HATVP.
La durée contrôlée par la commission de déontologie afin d'apprécier la compatibilité des activités exercées par un fonctionnaire dans le secteur privé est portée de trois à cinq ans.
Enfin, en cas de non-saisine de la commission par le fonctionnaire, le président de la commission doit pouvoir s'autosaisir pour certains emplois sensibles dans la haute fonction publique.
Il s'agit de distinguer entre les fonctionnaires qui ont un pouvoir décisionnel étendu et les autres. Le cas des fonctionnaires de Bercy qui partent dans une banque après avoir participé à la rédaction du code général des impôts n'a rien de comparable avec l'agent hospitalier qui ouvre une petite pizzéria...
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Avis du Gouvernement sur les deux amendements nos3 et 4. L'amendement n°18 rectifié propose trois modifications majeures qui, toutes, posent des problèmes.
Les hauts fonctionnaires ne sont pas seuls concernés ; les moyens de la commission de déontologie - cinq personnes - ne sont pas suffisants...
M. Pierre-Yves Collombat. - Nous voilà rassurés !
Mme Josiane Costes, rapporteure. - ...Et son président n'est pas en mesure d'appliquer une telle saisine. Retrait ou avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Sur les amendements nos3 et 4, retrait ou avis défavorable, car ils sont satisfaits par le droit existant.
Avis défavorable à l'amendement n°18 rectifié, pour les mêmes raisons. Nous ne souhaitons pas réduire la fluidité des parcours.
Mme Maryse Carrère. - Je retire l'amendement n°3 et nous maintenons l'amendement n°4.
L'amendement n°3 est retiré.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
L'amendement n°18 rectifié n'est pas adopté.
L'article 2 demeure supprimé.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du troisième alinéa du VI de l'article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots : « peut faire l'objet de procédures disciplinaires » sont remplacés par les mots : « fait l'objet d'une procédure disciplinaire ».
M. Stéphane Artano. - Cet amendement rétablit l'engagement obligatoire d'une procédure disciplinaire en cas de non-respect de l'avis d'incompatibilité ou de compatibilité avec réserve de la commission de déontologie. C'est une condition nécessaire pour s'assurer que les avis de la commission de déontologie soient bien respectés. Sinon, ce ne sont que des gadgets.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Ce serait mettre fin au pouvoir d'appréciation de l'autorité hiérarchique. Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Même avis. Le chef de service doit pouvoir apprécier au cas par cas.
M. Jacques Bigot. - Cet amendement révèle que nous n'appréhendons pas bien ce qu'est la déontologie. C'est au corps de décider. Si nous voulons un regard extérieur, il faut une autorité administrative indépendante. Sinon, la loi ne peut se substituer à l'organisation interne du corps.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
ARTICLE 3 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°19 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le VII de l'article 25 octies de la loi n° 83-643 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les deux occurrences des mots : « conseiller d'État » sont remplacés par les mots : « magistrat de l'ordre administratif » ;
2° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Un magistrat membre des juridictions financières ou son suppléant, magistrat membre des juridictions financières ; »
3° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Trois personnalités qualifiées, dont deux au moins sont connues pour leurs travaux et leurs expérience des problèmes posés par les conflits d'intérêts ou la prévention de la corruption. »
M. Pierre-Yves Collombat. - Cet amendement étend le recrutement des magistrats composant la mission de déontologie au-delà du Conseil d'État et de la Cour des comptes.
Il remplace également la personnalité qualifiée issue d'une entreprise privée par deux personnalités qualifiées connues pour leurs travaux et leur expérience des questions de conflits d'intérêts ou de prévention de la corruption - car tel est l'objet de la commission.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Vous souhaitez éviter l'entre-soi. Pourtant, la composition de la commission de déontologie ne pose aucun problème. Et les personnalités qualifiées sont très vaguement caractérisées. Enfin, cet amendement est contraire à l'amendement n°16 rectifié bis de notre commission des lois. Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Pierre-Yves Collombat. - J'ai du mal à comprendre cette réponse. En quoi l'élargissement du champ de recrutement des membres de la commission de déontologie est-il scandaleux ? Est-ce une sinécure, un monopole ?
L'objet n'est pas l'intérêt de tel ou tel recrutement pour telle ou telle entreprise, mais d'avoir l'expérience nécessaire pour déceler où peuvent se nicher les conflits d'intérêts. Ce sont des propositions très anodines !
L'amendement n°19 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3 demeure supprimé.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
dans un organisme à but lucratif,
insérer les mots :
et avant tout changement de fonction intervenant au plus tard trois ans après sa réintégration,
M. Stéphane Artano. - Cet amendement garantit l'effectivité des contrôles des conflits d'intérêts au moment de la réintégration, en aménageant en quelque sorte un « sas, qui n'a rien, non plus, d'un gadget.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Cela empêcherait l'abus consistant à utiliser la mobilité pour échapper au contrôle de la commission de déontologie. Sagesse.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - L'objectif de cet amendement est satisfait par le décret du 28 décembre 2016 qui empêche cet abus. Retrait ou avis défavorable.
M. Stéphane Artano. - Je le maintiens.
L'amendement n°6 est adopté.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 3
1° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Dans tous les cas, le fonctionnaire ne peut revenir à un emploi public recouvrant le même domaine d'activité que celui qu'il occupait auparavant dans le privé.
2° Dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les emplois soumis au présent III bis sont ceux listés au paragraphe : "Ministère de l'économie, des finances et du budget" de l'annexe du décret n° 85-344 du 18 mars 1985 portant application de l'article 24 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, ainsi que les emplois listés au 3° de l'article 2 du décret n° 2016-1967 du 28 décembre 2016 relatif à l'obligation de transmission d'une déclaration d'intérêts prévue à l'article 25 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations du fonctionnaire.
M. Pierre-Yves Collombat. - Cet amendement interdit à certains fonctionnaires, précisément désignés, de revenir exercer un emploi dans la fonction publique recouvrant le même secteur d'activité que celui qu'ils occupaient dans le privé.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Alinéa 3, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Sont soumises au présent III bis les personnes exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elles ont été nommées en conseil des ministres, les membres du Conseil d'État et de la Cour des comptes, les membres des inspections générales, les chefs de service et les sous-directeurs de l'administration de l'État et les personnes mentionnées au 6° du I de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
M. Stéphane Artano. - Cet amendement précise la liste des hauts fonctionnaires devant faire l'objet d'un contrôle. Laisser cette tâche à l'appréciation du Conseil d'État prendrait plus de temps. Cette façon de procéder a déjà été utilisée lors de la loi Sapin II notamment.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Alinéa 3, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Sont soumis au présent III bis les emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionnés à l'article 25 quinquies de la présente loi.
Mme Maryse Carrère. - Cet amendement de repli trace un périmètre plus restreint.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - La commission des lois étend le contrôle de la commission de déontologie au retour dans le secteur public.
L'amendement n°20 rectifié n'est donc pas pertinent. Seules les missions effectivement exercées par un fonctionnaire lors de son retour doivent être prises en compte. Retrait ou avis défavorable. Avis favorable à l'amendement n°7 et retrait ou avis défavorable à l'amendement n°10.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Même avis sur l'amendement n°20 rectifié pour les mêmes raisons. Le décret du 28 décembre 2016 suffit pour satisfaire les amendements nos7 et 10 pour lesquels nous demandons un retrait ou donnons à défaut un avis défavorable.
L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°7 est adopté.
L'amendement n°10 n'a plus d'objet.
M. Jacques Bigot. - Nous voterons cet article ; il faut bien qu'il en reste ! Un contrôle au moment du retour, très bien ; mais cela peut paraître dangereux. Il sera d'abord de la responsabilité de ceux qui vont nommer le haut fonctionnaire dans le poste qu'il souhaite réintégrer. S'il est néanmoins poursuivi par le Procureur pour les infractions visées par votre article, le fonctionnaire pourra s'abriter derrière l'avis de la commission de déontologie. En allant un peu trop vite sur ce texte, nous n'en mesurons pas complètement les conséquences...
L'article 4, modifié, est adopté.
ARTICLE 4 BIS
M. le président. - Amendement n°21 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Rédiger ainsi cet article :
La deuxième phrase du premier alinéa du VI de l'article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifiée :
1° Le mot : « peut » est supprimé ;
2° Le mot : « rendre » est remplacé par le mot : « rend ».
M. Pierre-Yves Collombat. - Cet amendement a tout simplement pour objet de rendre publics l'ensemble des avis de la commission de déontologie.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Cet amendement est satisfait par la rédaction de l'article 4 bis. Retrait ou avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable : il y a un risque d'incompétence négative du législateur. En effet, la commission de déontologie rend public un rapport annuel et il faut respecter la vie privée des intéressés.
L'amendement n°21 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
selon les modalités fixées par la commission
par les mots :
, après anonymisation, sous réserve de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration
Mme Maryse Carrère. - Cet amendement rend directement applicable la publication des avis rendus par la commission de déontologie, une fois anonymisés selon les règles prévues par le Code des relations avec l'administration.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Avis favorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Si cette anonymisation ne porte que sur les noms de l'agent et de l'entreprise concernés, le respect de la vie privée, énoncé à l'article 8 de la CEDH et protégé par la Constitution, ne serait pas suffisamment garanti. Avis défavorable.
L'amendement n°8 est adopté.
L'article 4 bis, modifié, est adopté.
L'article 5 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°16 rectifié bis, présenté par Mme M. Carrère.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifiée :
1° Le second alinéa du V de l'article 11 est supprimé ;
2° Après l'article 19, il est inséré un article 19-1 ainsi rédigé :
« Art. 19-1. - I. - La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique comprend une commission spécialisée à laquelle le collège délègue les attributions fixées par le présent article.
« II. - Présidée par un conseiller d'État ou par son suppléant, conseiller d'État, la commission spécialisée comprend en outre :
« 1° Un conseiller maître à la Cour des comptes ou son suppléant, conseiller maître à la Cour des comptes ;
« 2° Un magistrat de l'ordre judiciaire ou son suppléant, magistrat de l'ordre judiciaire ;
« 3° Trois personnalités qualifiées, désignées par le collège de la Haute Autorité, dont l'une au moins doit avoir exercé des fonctions au sein d'une entreprise privée, et trois suppléants, soumis à la même condition.
« Outre son président et les personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3° du présent II, la commission comprend :
« a) Lorsqu'elle exerce ses attributions à l'égard d'un agent relevant de la fonction publique de l'État, deux directeurs d'administration centrale ou leur suppléant ;
« b) Lorsqu'elle exerce ses attributions à l'égard d'un agent relevant de la fonction publique territoriale, un représentant d'une association d'élus de la catégorie de collectivité territoriale ou d'établissement public dont relève l'intéressé ou son suppléant, ainsi qu'un directeur ou ancien directeur général des services d'une collectivité territoriale ou son suppléant ;
« c) Lorsqu'elle exerce ses attributions à l'égard d'un agent relevant de la fonction publique hospitalière, une personnalité qualifiée dans le domaine de la santé publique ou son suppléant, ainsi qu'un inspecteur général des affaires sociales ou un ancien directeur d'hôpital ou son suppléant ;
« d) Lorsqu'elle exerce ses attributions en application des articles L. 531-1 à L. 531-16 du code de la recherche, deux personnalités qualifiées dans le domaine de la recherche ou de la valorisation de la recherche ou leur suppléant.
« La commission comprend un nombre égal de femmes et d'hommes.
« Selon le cas, le directeur du personnel du ministère ou de l'établissement public ou le chef du corps dont relève l'intéressé, l'autorité investie du pouvoir de nomination dans la collectivité territoriale dont relève l'intéressé, le directeur de l'établissement hospitalier ou de l'établissement social ou médico-social dont relève l'intéressé ou leur représentant respectif assistent aux séances de la commission, sans voix délibérative.
« Les membres de la commission autres que ceux mentionnés au 3° du présent II sont nommés par décret pour une durée de trois ans renouvelable une fois.
« III. - La commission est chargée :
« 1° De rendre un avis lorsque l'administration la saisit, préalablement à leur adoption, sur les projets de texte élaborés pour l'application des articles 6 ter A, 25 à 25 ter, 25 septies, 25 nonies et 28 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
« 2° D'émettre des recommandations sur l'application des mêmes articles 6 ter A, 25 à 25 ter, 25 septies, 25 nonies et 28 bis ;
« 3° De formuler des recommandations lorsque l'administration la saisit sur l'application desdits articles 6 ter A, 25 à 25 ter, 25 septies, 25 nonies et 28 bis à des situations individuelles.
« IV. - La commission est chargée d'examiner la compatibilité du projet de cumul d'activité ou de création ou de reprise d'une entreprise par un fonctionnaire sur le fondement de l'article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée avec les fonctions qu'il exerce.
« V. - A l'exception des personnes mentionnées à l'article 23 de la présente loi, l'autorité dont le fonctionnaire relève dans son corps ou dans son cadre d'emplois d'origine saisit à titre préalable la commission spécialisée sans délai après avoir été informée de la demande de mise en disponibilité afin d'apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise privée ou un organisme de droit privé, ou de toute activité libérale, avec les fonctions exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité.
« Pour l'application du premier alinéa du présent V, est assimilé à une entreprise privée tout organisme ou toute entreprise exerçant son activité dans un secteur concurrentiel conformément aux règles de droit privé.
« À défaut de saisine préalable, le président de la commission spécialisée peut saisir celle-ci dans un délai de trois mois à compter de l'embauche du fonctionnaire ou de la création de l'entreprise ou de l'organisme privé.
« La commission spécialisée apprécie si l'activité qu'exerce ou que projette d'exercer le fonctionnaire risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service, de méconnaître tout principe déontologique mentionné à l'article 25 de loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée ou de placer l'intéressé en situation de commettre l'infraction prévue à l'article 432-13 du code pénal.
« VI. - A l'issue de la mise en disponibilité et de la réintégration d'un fonctionnaire ayant exercé des fonctions dans un organisme à but lucratif, la commission spécialisée examine, à titre préalable, la compatibilité de ses nouvelles fonctions avec celles qu'il a précédemment exercées et apprécie si leur exercice risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service, de méconnaître tout principe mentionné à l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée ou de placer l'intéressé en situation de commettre l'infraction prévue à l'article 432-13 du code pénal. Sont soumis au présent VI les emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionnés à l'article 25 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée.
« VII. - La commission spécialisée se prononce également sur le recrutement du secrétaire général ou du directeur général d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante, en application de l'article 17 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
« VIII. - La commission spécialisée peut demander au fonctionnaire ou à l'autorité dont il relève dans son corps ou dans son cadre d'emplois d'origine ou dans les corps, cadres d'emplois ou emplois dans lesquels il a été précédemment détaché ou a exercé des fonctions toute explication ou tout document nécessaire à l'exercice des missions de la commission.
« La commission spécialisée peut recueillir auprès des personnes publiques et privées toute information nécessaire à l'accomplissement de sa mission. Elle peut entendre ou consulter toute personne dont le concours lui paraît utile.
« Le cas échéant, la commission spécialisée est informée par la ou les autorités dont relève le fonctionnaire dans son corps ou dans son cadre d'emplois d'origine des faits relatifs à une situation de conflit d'intérêts qui ont été relatés ou ont fait l'objet d'un témoignage en application de l'article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, dès lors que ces faits concernent les fonctions exercées ou ayant été exercées au cours des trois années antérieures par ce fonctionnaire.
« IX. - Lorsqu'elle est saisie en application des IV, V, VI ou VII du présent article, la commission rend, dans un délai de deux mois à compter de sa saisine, un avis :
« 1° De compatibilité ;
« 2° De compatibilité avec réserves, celles-ci étant prononcées pour une durée de deux ans lorsque l'avis est rendu en application du IV, de trois ans suivant la cessation des fonctions lorsque l'avis est rendu en application du V et de deux ans lorsque l'avis est rendu en application des VI et VII ;
« 3° D'incompatibilité.
« Le président de la commission peut rendre, au nom de celle-ci, un avis de compatibilité, assorti éventuellement de réserves, dans le cas où l'activité envisagée est manifestement compatible avec les fonctions antérieures ou actuelles de l'intéressé.
« Il peut également rendre, au nom de celle-ci, un avis d'incompétence, d'irrecevabilité ou constatant qu'il n'y a pas lieu à statuer.
« X. - Les avis rendus au titre des 2° et 3° du IX lient l'administration et s'imposent à l'agent.
« L'autorité dont le fonctionnaire relève dans son corps ou dans son cadre d'emplois d'origine peut solliciter une seconde délibération de la commission spécialisée, dans un délai d'un mois à compter de la notification de son avis. Dans ce cas, la commission rend un nouvel avis dans un délai d'un mois à compter de la réception de cette sollicitation.
« Lorsque le fonctionnaire ne respecte pas l'avis rendu au titre des mêmes 2° et 3°, il peut faire l'objet de poursuites disciplinaires.
« Lorsque le fonctionnaire retraité ne respecte pas l'avis rendu au titre desdits 2° et 3°, il peut faire l'objet d'une retenue sur pension dans la limite de 20 % pendant les trois ans suivant la cessation de ses fonctions.
« Lorsque l'agent est titulaire d'un contrat de travail et qu'il ne respecte pas l'avis rendu au titre des mêmes 2° et 3°, le contrat prend fin à la date de notification de l'avis, sans préavis et sans indemnité de rupture.
« XI. - Les avis et recommandations de la commission spécialisée sont rendus publics, le cas échéant assortis de la réponse de l'administration. Ils ne contiennent aucune information de nature à porter atteinte à la vie privée de la personne concernée, au secret médical, au secret en matière commerciale et industrielle ou à l'un des secrets mentionnés au 2° de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration.
« XII. - Les règles de fonctionnement et la procédure applicable devant la commission spécialisée sont définies par le collège de la Haute Autorité. » ;
3° L'article 20 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du 5° du I, après les mots : « de la présente loi », sont insérés les mots : « et des articles 25 à 25 ter, 25 septies, 25 nonies et 28 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires » ;
b) Le dernier alinéa du II est supprimé ;
4° A la seconde phrase du premier alinéa du I de l'article 23, les mots : « elle informe la commission de déontologie de la fonction publique mentionnée à l'article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée d'une telle saisine et lui communique, le cas échéant, son avis » sont supprimés.
II. - La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifiée :
1° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 14 bis, les mots : « de déontologie mentionnée à l'article 25 octies » sont remplacés par les mots : « spécialisée mentionnée à l'article 19-1 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique » ;
2° Après le mot : « commission », la fin du dernier alinéa du III de l'article 25 septies est ainsi rédigée : « spécialisée mentionnée à l'article 19-1 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. » ;
3° L'article 25 octies est abrogé.
III. - Au premier alinéa de l'article L. 531-3 du code de la recherche, les mots : « mentionnée à l'article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires » sont remplacés par les mots : « spécialisée mentionnée à l'article 19-1 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ».
IV. - Les I, II et III entrent en vigueur dans le délai d'un an après la promulgation de la présente loi.
Mme Maryse Carrère. - Cet amendement transfère les compétences de la commission de déontologie à une commission spécialisée, intégrée à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, dans l'esprit de plusieurs amendements précédemment adoptés par le Sénat.
Cette fusion est justifiée par les compétences acquises par la HATVP. Il s'agit d'arriver à un compromis dans la perspective de la navette.
M. le président. - Sous-amendement n°28 à l'amendement n° 16 rectifié de Mme M. Carrère, présenté par M. Artano.
Amendement n°16 rectifié bis, alinéa 28, première phrase
Après le mot :
lucratif,
insérer les mots :
et avant tout changement de fonction intervenant au plus tard trois ans après sa réintégration,
M. Stéphane Artano. - Il s'agit d'introduire un sas de trois ans pour la réintégration d'un haut fonctionnaire.
M. le président. - Sous-amendement n°29 à l'amendement n°16 rectifié de Mme M. Carrère, présenté par M. Artano.
Amendement n° 16 rectifié bis, alinéa 28, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Sont soumis au présent VI les personnes exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elles ont été nommées en conseil des ministres, les membres du Conseil d'État et de la Cour des comptes, les membres des inspections générales, les chefs de service et les sous-directeurs de l'administration de l'État et les personnes mentionnées au 6° du I de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
M. Stéphane Artano. - Sous-amendement de précision.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Tardivement déposés, ce sous-amendement et le suivant n'ont pas été examinés par la commission des lois. À titre personnel, avis favorable au sous-amendement n°28 ainsi qu'au sous-amendement n°29.
Avis favorable à l'amendement n°16 rectifié bis ainsi sous-amendé.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Cet amendement et ces sous-amendements tendent à confondre la Haute autorité et la commission de déontologie, alors qu'elles sont complémentaires ; de plus, elles ont déjà conclu un protocole sur l'échange d'informations
Avis défavorable aux sous-amendements nos28 et 29 ainsi qu'à l'amendement n°16 rectifié bis.
Le sous-amendement n°28 est adopté, de même que le sous-amendement n°29.
M. Jacques Bigot. - Nous ne sommes pas favorables à cet amendement qui crée une confusion sur les missions de la Haute autorité. Celle-ci a été créée pour contrôler la situation des membres du Gouvernement et des élus. Il existe d'autres dispositifs, pour les magistrats par exemple. Nul besoin, donc, d'une commission spécialisée.
L'amendement n°16 rectifié bis, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Capus, A. Marc, Malhuret, Chasseing, Guerriau, Decool et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Bignon, Wattebled et Fouché.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi rédigé :
« I. - Une commission de déontologie de la fonction publique apprécie le respect des principes déontologiques inhérents à l'exercice d'une fonction publique. Cette commission de déontologie de la fonction publique est une autorité administrative indépendante. »
M. Dany Wattebled. - Plusieurs rapports préconisent une clarification du positionnement institutionnel de la commission de déontologie, pour l'heure placée auprès du Premier Ministre. L'exigence d'indépendance inhérente à ses travaux et le fait que la Haute autorité soit devenue une autorité administrative indépendante en 2013, plaident pour ce changement de statut.
Cet amendement érige la commission de déontologie en autorité administrative indépendante. Cette transformation est un premier pas vers une fusion avec la Haute autorité.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - L'amendement n°16 rectifié bis vous donne satisfaction : retrait ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Certes, mais le Gouvernement y reste défavorable.
L'amendement n°1 rectifié ter n'est pas adopté.
ARTICLE 6 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article 51 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut se maintenir indéfiniment en disponibilité. En particulier, le recours à la mise en disponibilité pour exercer toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise privée ou un organisme de droit privé, ou toute activité libérale, ne peut excéder une durée de cinq ans, sauf dispositions plus restrictives prévues par décret en Conseil d'État. »
M. Stéphane Artano. - En lisant « Que sont les énarques devenus ? », nous avons constaté que plus de la moitié d'entre eux pouvaient faire carrière dans le secteur privé en gardant la protection du statut de fonctionnaire. Il faut donc préciser les délais légaux de pantouflage, comme l'a d'ailleurs proposé le président de la République lorsqu'il était candidat. C'est l'objet de cet amendement, qui ne vise pas les mises à disposition pour raisons familiales ou de recherche.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - La mise à disposition d'un fonctionnaire est toujours limitée dans le temps, deux ans par exemple pour la création d'entreprise. Le principe de cet amendement est donc satisfait. Retrait ou avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°11 rectifié n'est pas adopté.
L'article 6 demeure supprimé.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°22 rectifié bis, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 51 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le nombre de fonctionnaires placés annuellement en disponibilité, sous réserve des nécessités de service, ne peut dépasser 5 % de leurs corps d'origine respectifs. La disponibilité sous réserve des nécessités de service ne peut durer plus de trois ans sauf en cas d'études ou recherches présentant un intérêt général. Tout fonctionnaire qui ne réintègre pas le service de l'État au terme de cette période est considéré comme démissionnaire. »
M. Pierre-Yves Collombat. - Vu le sort réservé à mes amendements précédents, bien anodins pourtant, je me fais peu d'illusion sur celui-ci et le suivant...
M. le président. - Amendement n°23 rectifié bis, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 51 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le nombre de fonctionnaires placés annuellement en disponibilité, sous réserve des nécessités de service, ne peut dépasser 10 % de leurs corps d'origine respectifs. La disponibilité sous réserve des nécessités de service ne peut durer plus de trois ans sauf en cas d'études ou recherches présentant un intérêt général. Tout fonctionnaire qui ne réintègre pas le service de l'État au terme de cette période est considéré comme démissionnaire. »
M. Pierre-Yves Collombat. - Défendu.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Retrait ou avis défavorable aux amendements nos22 rectifié bis et 23 rectifié bis.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
Les amendements nos22 rectifié bis et 23 rectifié bis ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le VI de l'article 25 octies de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Lorsqu'il occupait l'un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionné sur une liste établie par décret en Conseil d'État, le fonctionnaire qui a fait l'objet d'un avis rendu au titre du 2° du V adresse annuellement, dans le délai cité au même 2° du V à la commission une attestation, signée de son employeur, démontrant qu'il respecte l'avis de la commission. »
M. Stéphane Artano. - En l'état du droit, rien ne prouve que les avis de la commission de déontologie sont respectés par les fonctionnaires pendant leur pantouflage dans le secteur privé.
Le rapport Matras-Marleix relève que la commission de déontologie n'a aucun pouvoir de contrôle, pas même celui d'interroger les agents. Le présent amendement reprend sa proposition n°9, mais circonscrite aux postes de fonctionnaires les plus sensibles. Il reprend, pour ce faire, le périmètre des déclarations de situation patrimoniale des fonctionnaires.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Avis favorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - L'article 35 du décret du 27 janvier 2017 dispose que l'avis de la commission de déontologie est communiqué à l'entreprise d'accueil du fonctionnaire concerné. Votre amendement créerait une charge administrative supplémentaire pour l'entreprise, ce qui freinerait le passage de fonctionnaires dans le privé, tel que le Gouvernement y encourage. À l'administration de faire respecter les règles déontologiques. Avis défavorable.
L'amendement n°9 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°27, présenté par Mme Costes, au nom de la commission.
Alinéa 16
Remplacer la référence :
1°
par la référence :
2°
L'amendement de coordination n°27, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 7, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°25 rectifié bis, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 25 decies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 25... ainsi rédigé :
« Art. 25... - Il est interdit à tout fonctionnaire ou agent public d'exercer une activité de conseil à titre onéreux auprès d'une administration, d'un établissement public, d'une société publique ou d'une société privée. »
M. Pierre-Yves Collombat. - La commission d'enquête sur les autorités administratives indépendantes a révélé la capacité de certains hauts fonctionnaires à être partout à la fois. Dans l'audiovisuel, on appelle ce moyen de s'enrichir : « faire des ménages ».
« Comment se fait-il, s'étonne l'ancien président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré,...
M. Loïc Hervé. - Référence !
M. Pierre-Yves Collombat. - ... « qu'un magistrat dont la fonction est d'être conseil du Gouvernement puisse être rémunéré en plus comme conseil d'une administration ou d'un établissement public qui, en outre, dispose déjà d'une direction juridique ? Ce cumul est insensé, non ? ». Apparemment, non.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Le cumul d'activités est déjà encadré par le II de l'article 25 octies et du III de l'article 25 septies de la loi du 19 juillet 1983. Retrait ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Texte qui concerne tous les agents publics, comme le décret du 27 janvier 2017. Avis défavorable.
L'amendement n°25 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 25 decies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 25 ... ainsi rédigé :
« Art. 25... - Il est interdit à tout ancien fonctionnaire ou agent public d'exercer une activité de conseil qui a trait directement ou indirectement aux missions de service public attachées à ses anciennes fonctions pendant un délai de trois ans. »
M. Stéphane Artano. - Cet amendement, déjà adopté par le Sénat lors de l'examen de la loi pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017 prévient l'utilisation à fins lucratives d'un réseau ou d'une clientèle constituée dans l'exercice d'une mission de service public, en introduisant un délai de trois ans pendant lequel un ancien fonctionnaire ne peut exercer une activité de conseil liée à ses anciennes missions.
Rendons à César ce qui lui appartient : cet amendement a été déposé en premier lieu par notre collègue Jacques Genest.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - L'ancien fonctionnaire qui veut exercer une mission de conseil dans ces conditions doit déjà saisir la commission de déontologie, laquelle statue sur la compatibilité, au cas par cas. Cette appréciation circonstanciée est préférable à une interdiction générale. Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable pour les mêmes raisons.
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 25 decies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 25 ... ainsi rédigé :
« Art. 25 ... - Il est interdit à tout ancien fonctionnaire ou agent public en disponibilité et ayant exercé des fonctions pour le compte d'une entreprise publique ou privée ou pour une société de conseil d'occuper une fonction impliquant une mission de service public ou l'exercice de prérogatives de puissance publique directement ou indirectement liés aux secteurs d'activités dans lesquels il est intervenu pendant un délai de trois ans. »
Mme Maryse Carrère. - Cet amendement, également adopté par le Sénat lors de l'examen de la loi pour la confiance dans la vie politique, interdit aux anciens fonctionnaires ou agents publics en disponibilité, et ayant exercé des fonctions pour le compte d'une entreprise publique ou privée ou pour une société de conseil, d'occuper une fonction impliquant une mission de service public ou l'exercice de prérogatives de puissance publique dans un même secteur d'activité, pendant un délai de trois ans. Il avait également été déposé par M. Genest.
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°15, présenté par Mme M. Carrère et M. Artano.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 9° de l'article 18-5 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° S'abstenir d'exercer toute action pour le compte ou auprès d'une personne morale de droit public dont il aurait été le fonctionnaire ou l'agent public dans les trois dernières années. »
M. Stéphane Artano. - Cet amendement, également adopté par le Sénat lors de l'examen de la loi pour la confiance dans la vie politique, limite la possibilité pour les anciens fonctionnaires ou agents publics de devenir des représentants d'intérêts auprès ou pour le compte d'une personne morale de droit public dont ils auraient fait partie. Encore une initiative de M. Genest...
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Avis défavorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°15, mis aux voix par assis et debout, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article 432-12 du code pénal, le mot : « quelconque » est remplacé par les mots : « personnel distinct de l'intérêt général ».
M. Pierre-Yves Collombat. - Le Sénat a voté cet amendement par deux fois, et à l'unanimité. Il a trait à la définition de l'intérêt « quelconque » dans la notion de prise illégale d'intérêt, qui met les élus locaux dans des situations intenables, ubuesques même. Remplaçons au moins, par souci de clarté, « intérêt quelconque » par « intérêt personnel distinct de l'intérêt général ».
Je m'étonne de la dualité de traitement : d'un côté, on ménage sans fin les fonctionnaires ; de l'autre, on accable les élus...
Mme Josiane Costes, rapporteure. - Avis favorable.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Ce texte traite de la situation des fonctionnaires, non des élus locaux.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Monsieur le Ministre, votre position me déçoit. Dans nos départements, nous voyons de trop nombreux maires qui sont mis dans les pires situations du fait de l'application du droit pénal en matière de conflits d'intérêts. Sont parfois prises en compte de simples relations amicales ou familiales indirectes, voire l'appartenance à des associations à but non lucratif !
S'engager bénévolement pour la vie de la collectivité ne peut être pénalement qualifiable !
Certes, ce texte n'est pas le bon véhicule. Mais beaucoup d'élus locaux sont découragés, contraints qu'ils sont par une accumulation d'entraves et de risques judiciaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE) Le Gouvernement s'honorerait en acceptant un amendement que le Sénat s'apprête à adopter de nouveau. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE et Les Indépendants)
M. Loïc Hervé. - Je rejoins le président Bas et remercie M. Collombat d'avoir déposé cet amendement.
Distinguons la réflexion générale sur le statut des élus locaux, engagée par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, et cette question précise et urgente posée par cet amendement, car des élus se trouvent condamnés pour des motifs tout à fait choquants. Un exemple : un maire, avocat de profession, a été condamné pour avoir défendu sa commune - le juge estimant fondée la prise illégale d'intérêt au motif de la réputation qu'aurait pu en tirer l'avocat ! Il avait obtenu l'accord de l'ordre des avocats, mais il se trouve condamné parce qu'il a mis ses compétences au service de sa commune, à titre tout à fait bénévole...
M. Philippe Bas, président de la commission. - Lamentable !
M. Loïc Hervé. - Ne tardez pas à agir, Monsieur le ministre, il y a urgence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Jacques Bigot. - L'amendement de Pierre-Yves Collombat est très révélateur. Dans les années 1990, on a voté des textes de loi au nom de la transparence qui, par la jurisprudence, se retournent contre les élus.
Voilà qui devrait nous appeler à la modestie dans notre activité législative.
Votons cet amendement d'appel : même s'il n'a pas sa place dans ce texte, Mme la garde des Sceaux en tirera les conséquences.
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce n'est pas le bon véhicule, mais c'est la bonne direction : trouvez-nous un autre véhicule plus confortable, Monsieur le Ministre. Est-il normal qu'un président d'exécutif local soit condamné parce qu'il a oublié de sortir de la réunion de tel comité au moment de telle ou telle discussion ou décision ? C'est complètement loufoque. Si l'on ne peut pas toucher aux fonctionnaires, faisons au moins un progrès dans ce domaine-là.
M. Thani Mohamed Soilihi. - En cohérence avec moi-même et mes votes passés en commission des lois, je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Philippe Bas, président de la commission, applaudit aussi.)
M. Arnaud Bazin. - Nous examinerons prochainement un projet de loi pour une société de confiance : je vous invite à exprimer votre confiance dans les élus locaux, aux maires, Monsieur le ministre, ce sont eux qui tiennent encore le pays à peu près ensemble.
Faites confiance aux élus locaux, vous ne le regretterez pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC et Les Républicains)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - J'aurais pu reprendre les propos du président Bas à mon compte, moi qui suis élu local et président d'une association d'élus.
Le compte-rendu de la commission des lois de l'Assemblée nationale du 18 juillet dernier en atteste, j'avais soulevé les mêmes difficultés que vous, devant le garde des Sceaux, sur l'interprétation de la prise illégale d'intérêt.
Mon avis reste défavorable pour des raisons légistiques mais je m'engage à ce que nous avancions sur ce sujet rapidement et à relayer vos propos auprès de la garde des Sceaux.
L'amendement n°26 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Explications de vote
M. Jacques Bigot . - Le groupe RDSE doit éprouver une forte déception. Il vote quelques articles, un rapport parlementaire est confié au groupe LaREM ; le Gouvernement suivra sans doute ses propositions et fournira une étude d'impact. Le vrai sujet, c'est la confiance de nos concitoyens dans la haute fonction publique, aussi fragilisée que la confiance dans les élus.
Cette proposition de loi contient des propositions utiles et mériterait de s'étoffer. Il faudra plus qu'une simple proposition de loi : le groupe socialiste et républicain s'abstiendra. J'espère, pour une fois, qu'En marche sera entendu pour reprendre au moins la proposition n°9 du rapport Matras-Marleix.
M. Marc Laménie . - Dans ce débat nourri, nous avons avancé sur ces sujets qui ne sont pas simples - le mérite en revient à l'excellent travail du groupe RDSE et à celui de nos collègues de la commission des lois.
Le dernier amendement est bienvenu : les élus restent les serviteurs de l'intérêt général.
M. Pierre-Yves Collombat . - L'appel à modifier la définition de la prise illégale d'intérêt est une bonne chose. Mais nous n'avons guère avancé, car on ne veut pas voir la gravité de la situation - et parce que les défenseurs des pantouflards et des portes tournantes sont nombreux.
Le problème est structurel : que devient notre République ? Le candidat Macron dénonçait lui-même la constitution des hauts fonctionnaires en castes hors du temps.
M. Loïc Hervé . - Nous remercions nos collègues du groupe RDSE pour cette préfiguration du grand débat que nous aurons sur la fonction publique en général. La qualité des échanges a montré que le rétablissement de la confiance entre les citoyens et leurs dirigeants - fonctionnaires inclus - imposait des ajustements. Le groupe UC votera ce texte.
M. Olivier Léonhardt . - Trotski - ou était-ce Lénine - disait « un pas en avant...
Mme Éliane Assassi. - Lénine !
M. Olivier Léonhardt. - ... vaut mieux que mille programmes » (Applaudissements)
M. le président. - N'était-ce pas plutôt « dix programmes » ?
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe UC)
La séance, suspendue à 17 h 15, reprend à 17 h 30.
Exécution des peines des auteurs de violences conjugales
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi sur le régime de l'exécution des peines des auteurs de violences conjugales, présentée par Mme Françoise Laborde et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
Mme Françoise Laborde, auteure de la proposition de loi . - Cette proposition de loi, soutenue par la grande majorité du groupe RDSE, répond aux difficultés de l'application des peines des auteurs de violences conjugales.
La proposition de loi est le fruit d'une réflexion personnelle tirée de mon travail à la délégation sénatoriale aux droits des femmes et de mon engagement local. J'ai en effet été saisie par des associations de Haute Garonne d'une forme d'incompréhension : un homme peut-il être placé derrière les barreaux pour des menus trafics de stupéfiants alors qu'un autre, qui a violemment frappé sa compagne, s'en sort avec une liberté surveillée ? Aménager les peines, d'accord, mais tenons compte de la détresse des familles de victimes. Quelle souffrance pour les enfants qui voient le bourreau de leur mère être libéré ! Cette situation est un contre-signal envoyé dans la lutte contre les violences conjugales. On me répondra « surpopulation carcérale », mais il faut voir que les violences conjugales ont ceci de spécifique que l'auteur comme la victime peuvent partager un même déni des faits, nourri par le phénomène de l'emprise. Dans ces conditions, il ne faut pas oublier l'avenir des enfants, premiers témoins, otages et victimes collatérales des violences conjugales.
Dès qu'il y a violence, les institutions doivent réagir pour empêcher le phénomène de s'aggraver en fréquence et intensité. Certains suggèrent la suppression des mains courantes, parce qu'elles manifestent souvent aux victimes que leur situation n'est pas prise au sérieux et que le dépôt de la main courante ne sera suivi d'aucun effet. Je ne suis pas allée jusque-là.
Je dépose cette proposition de loi pour souligner l'inadéquation des mesures alternatives à la privation de liberté aux cas des auteurs de violences conjugales. La liberté surveillée expose les victimes et leurs familles à de nouvelles violences.
Si je comprends la démarche d'aménagement des juges d'application des peines, je considère que le législateur ne peut rester sourd aux souffrances des victimes.
J'ai entendu les réserves juridiques de la commission des lois. L'article premier empêcherait le prononcé de certaines mesures probatoires encadrant les sorties de détention, qui peuvent réduire le risque de récidive ; l'article 2, lui, porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi. Je peux l'entendre. Mais c'est à la loi de mettre en place les moyens de sortir du cercle infernal des violences, de protéger les victimes.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Et les assassins ?
Mme Françoise Laborde. - La commission estime que l'inégale gravité des faits s'opposerait à l'application d'un régime dérogatoire d'exécution des peines, comme il en existe un en matière de terrorisme. Je ne mets pas sur le même plan terrorisme et violence conjugale, mais l'ampleur du phénomène doit nous amener à agir.
Entre 2006 et 2016, 12 000 femmes sont mortes sous les coups de leurs conjoints ou ex-conjoints, soit un meurtre sur quatre en France. Pas moins de 223 000 femmes sont victimes chaque année de violences conjugales.
Les chantiers ouverts sur la procédure pénale pourront être l'occasion de revoir le sens et l'efficacité des peines. Ma proposition de loi a toute sa place dans le nouveau projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles.
À la veille d'un projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes, je comprends que ma proposition de loi ne satisfasse pas les juristes les plus éminents de cette assemblée. J'espère qu'elle les encouragera à renforcer l'efficacité des peines alternatives appliquées aux auteurs de violences conjugales dans d'autres véhicules législatifs. D'expérience, je sais qu'il est parfois nécessaire de déposer une proposition de loi pour lancer un débat de société et faire bouger les lignes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Brigitte Lherbier, rapporteur de la commission des lois . - Cette loi propose un régime dérogatoire pour les seuls auteurs de violences conjugales. C'est d'abord ce qui nous gêne.
Les personnes incarcérées pour des violences conjugales ne pourraient plus bénéficier d'aménagements de peine pour motif médical, familial, professionnel ou social, ni demander de mesure de semi-liberté.
Le régime dérogatoire de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le terrorisme serait appliqué aux auteurs de violences conjugales...
Adjointe à la sécurité à la mairie de Tourcoing, j'ai été confrontée à des horreurs. Mais la commission des lois, rigoureuse, n'a pas adopté cette proposition de loi. L'homicide par conjoint n'est pas visé, contrairement au délit d'appel malveillant. Des infractions pénales nécessairement exécutées en groupe, donc hors violence conjugale, sont visées. Cela pose un problème d'égalité devant la loi.
Cette proposition de loi s'inspire du régime dérogatoire applicable au champ du terrorisme, ce qui n'est pas sans poser problème. Certaines infractions visées ne sont réprimées que d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende alors que pour le terrorisme, la peine encourue va de 7 ans de réclusion criminelle jusqu'à la perpétuité. Ce n'est pas comparable.
Nous partageons tous l'objectif. Adjointe à la sécurité à la mairie de Tourcoing, j'ai été confrontée à des horreurs mais le souci d'efficacité m'anime. La commission des lois n'a pas adopté cette proposition de loi pour raisons tant pratiques que juridiques. Nous ne voulons, sans doute pas plus que vous, Madame Laborde, céder à la démagogie - c'est d'ailleurs l'essence du travail du Sénat.
Première difficulté, le champ d'application. L'homicide par conjoint n'est pas visé, contrairement au délit d'appel malveillant. Des infractions pénales nécessairement exécutées en groupe, donc hors violence conjugale, sont visées. Cela pose un problème d'égalité devant la loi.
Certaines infractions visées ne sont réprimées que d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende alors que pour le terrorisme, régime dont s'inspire cette proposition de loi, la peine encourue va de sept ans de réclusion criminelle jusqu'à la perpétuité. Ce n'est pas comparable.
Cette proposition de loi pourrait être contre-productive. Dans les cas de violences conjugales, il faut éviter les sorties sèches. Le suivi probatoire oblige le condamné à se soigner, à se tenir éloigné de la victime, à participer à des groupes de parole.
De plus, aucune possibilité n'est donnée au juge pour aménager la peine ab initio. Et, surtout, aucune disposition n'est proposée pour modifier la procédure d'examen systématique par le juge de l'application des peines des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans des condamnés non incarcérés en vue d'un aménagement. Et c'est cette procédure qui est en réalité très critiquée. Cette proposition de loi ne changera donc rien au constat de non-exécution des petites peines d'emprisonnement.
Le Sénat a déjà adopté plusieurs réformes d'envergure de l'application des peines. En janvier 2017, il a adopté la proposition de loi Buffet-Retailleau dont l'article 20 supprime l'attribution automatique de crédits de réduction de peine. En octobre 2017, il a adopté la proposition de loi de programmation de redressement de la justice du président Bas, qui prévoit, en son article 27, la suppression de l'obligation d'examen par le juge de l'application des peines avant toute mise à exécution d'une peine inférieure ou égale à deux ans ou un an en état de récidive légale.
Beaucoup de choses doivent être faites pour améliorer la situation des victimes de violences conjugales, telles que la généralisation du dispositif « Téléphone grave danger » ou la facilitation du dépôt de plainte. Ensemble, soyons efficaces et objectifs pour protéger les personnes les plus vulnérables. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et LaREM)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je veux saluer l'initiative de Mme Laborde. Sa proposition de loi mérite toute notre attention, même si le Gouvernement ne peut pas la soutenir pour des raisons qui rejoignent celles exposées par Mme le rapporteur.
Les pouvoirs publics mènent contre les violences conjugales, ces violences inacceptables qui s'exercent parfois en présence des enfants, une politique qui s'inscrit dans la longue durée avec une grande continuité d'action.
Cette proposition de loi durcit les conditions d'incarcération des auteurs de violences conjugales puisque les personnes condamnées sur ce fondement ne pourraient bénéficier ni d'aménagements de peine ni de l'attribution de crédits de réduction de peine.
Le Gouvernement, Marlène Schiappa, et moi-même, sommes particulièrement impliqués dans la lutte contre les violences conjugales. J'accorde, en outre, une attention particulière à l'exécution des peines et à l'adaptation de notre politique pénitentiaire à la société. Nous en reparlerons lors du débat sur la loi de programmation de la justice que je vous présenterai.
Si cette proposition de loi part d'un objectif louable, nous ne souhaitons pas fragiliser une politique pénale et pénitentiaire méticuleusement construite depuis des années.
Les difficultés d'opportunité, d'abord. L'adaptation des modalités d'exécution des peines est indispensable contre la récidive, il n'y a rien de pire qu'une sortie sèche, sans accompagnement, ce que favorisent les aménagements de peine. L'individualisation du suivi est nécessaire car les faits de violences conjugales peuvent être ponctuels ou réguliers, s'expliquer par l'alcoolisme ou la structuration pathologique de la personnalité et du caractère de l'auteur. La préservation du droit et la protection des victimes font partie intégrante des éléments sur lesquels le magistrat fonde sa décision. Interdire la suspension ou le fractionnement de la peine rendrait la gestion des détenus extrêmement complexe pour l'administration pénitentiaire. L'hébergement en centre de semi-liberté ou le placement extérieur dans des associations conventionnées telles qu'Emmaüs ou l'Armée du Salut sont utiles pour faire respecter l'interdiction de s'approcher du domicile conjugal et facilitent la prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique de l'auteur. Supprimer l'attribution du crédit de réduction de peine découragerait les bons comportements.
Outre ces problèmes d'opportunité, ce texte pose des problèmes constitutionnels, puisqu'il méconnaît les principes d'égalité, de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines. Cette proposition de loi introduit une distinction difficile à justifier en droit entre des condamnés pour infractions de gravité comparables.
Une personne condamnée pour agression sexuelle sur mineur de moins de quinze ans pourra bénéficier d'une réduction de peine contrairement à une personne condamnée pour violences conjugales, infraction pourtant punie moins sévèrement. Le texte ignore, en outre, certaines infractions aggravées pour la conjugalité ; une agression sexuelle sur son conjoint donnerait ainsi lieu au prononcé d'une peine aménageable mais pas des faits de violences conjugales.
Le ministère de la justice mène une politique pénale et pénitentiaire particulièrement volontariste contre les violences conjugales. Les services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP, mettent en place un suivi personnalisé et différencié selon l'origine du passage à l'acte pour modifier les schémas comportementaux des condamnés et les sensibiliser à l'égalité femme-homme en lien avec des associations. Les « programmes de prévention de la récidive » visent à faire travailler collectivement les condamnés pour faire évoluer la représentation qu'ils se font de leur geste et prévenir sa réitération. En 2017, 135 programmes relatifs aux violences conjugales et intrafamiliales ont ainsi été organisés au bénéfice de 1360 personnes sous main de justice. En 2016, 67 « stages de responsabilisation pour les auteurs de violences au sein du couple et sexistes », créés par la loi du 4 août 2014, ont été organisés au bénéfice de 388 personnes sous main de justice.
Nous protégeons aussi les victimes en généralisant le dispositif « Téléphone grave danger ». D'une grande utilité pour les Français, il permet de contacter rapidement les forces de l'ordre et de géolocaliser la victime si elle se sent en danger. En décembre 2017, 543 étaient déployés. Ils seront bientôt 634, grâce à la passation d'un nouveau marché public. Ces mesures s'inscrivent dans le plan gouvernemental 2017-2019.
Je le redis : la politique pénale et pénitentiaire est particulièrement volontaire et aboutie. Cette politique ne peut toutefois se réduire à une approche purement sécuritaire et à un traitement purement carcéral des auteurs des faits. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Roland Courteau . - On aurait pu croire, au XXIe siècle, que les violences conjugales, mal d'un autre âge, ne seraient qu'un lointain souvenir. Il n'en est rien. Trop longtemps, elles sont restées taboues. D'où ma proposition de loi du 29 mars 2005, devenue loi du 4 avril 2006, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple. Merci à Mme Rossignol et à Mme la Ministre, pour leur action.
Les violences conjugales demeurent une triste et inacceptable réalité. Mme Laborde, pour y faire face, propose de modifier drastiquement le traitement pénal des auteurs. Les peines encourues sont déjà considérablement aggravées... Faut-il aller plus loin encore ? Le groupe socialiste et républicain ne le pense pas tout en comprenant la colère de Mme Laborde.
Plusieurs infractions ciblées par le texte étant criminelles, les auteurs ne peuvent déjà pas bénéficier d'aménagements de peine. Le juge d'application des peines peut aussi choisir de les écarter pour les infractions correctionnalisées. Laissons-le décider.
Il est nécessaire pour le condamné de suivre une thérapie, ce qu'une réduction de peine facilite. Prenons garde aux effets contre-productifs de la proposition de loi.
Madame Laborde, je comprends vos motivations. Axons plutôt nos efforts sur les priorités identifiées par la délégation sénatoriale aux droits des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR.)
M. Dany Wattebled . - En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon. S'y ajoutent les violences conjugales psychologiques, la consommation de psychotropes, les suicides. En 2016, 110 000 victimes ont déposé plainte pour de tels faits, donnant lieu à seulement 17 660 condamnations.
Cette proposition de loi part du constat que les aménagements de peine entraînent un sentiment d'impunité pour les auteurs et d'incompréhension pour les victimes.
Le champ de ce texte est une première difficulté, puisqu'il rassemble des faits d'inégale gravité, excluant l'homicide et incluant le harcèlement téléphonique. La proposition de loi porte atteinte, en outre, au principe essentiel d'égalité devant la loi. Selon Mme le rapporteur, cette proposition de loi serait sans effet sur les décisions d'aménagement des juges ab initio.
De nombreuses avancées ont été accomplies depuis que, en 1994, la conjugalité constitue une circonstance aggravante avec la loi du 4 avril 2006, la loi du 26 mai 2004, la loi du 5 mars 2007 et la loi du 4 août 2014.
Si je partage l'objectif de l'auteur de la proposition de loi, elle pose trop de problèmes juridiques. Le groupe Les Indépendants ne la votera pas.
M. Guillaume Arnell . - Cette proposition de loi porte sur un sujet d'importance qui mérite toute notre attention et toute notre implication. La violence conjugale est un vrai fléau. Il touche les deux sexes, il faut le rappeler, mais très majoritairement, c'est vrai, les femmes. Le rapport du CESE sur les violences conjugales révèle que 88 % des victimes de violence conjugale sont des femmes, et qu'elles forment 86 % des victimes de violences sexuelles. C'est une estimation, nombre d'actes ne sont pas signalés.
Les violences sont dues aux stéréotypes de sexe, ancrés dans toutes les sociétés, culturels pour ainsi dire. Il faudra beaucoup de temps pour les éradiquer. Plus tôt nous les combattrons, mieux ce sera.
La situation dans les outre-mer est bien plus affolante et le rapport du CESE souligne qu'elle n'est pas uniforme. L'insularité, la taille réduite du territoire peuvent rendre inopérante une mesure d'éviction.
Il est absolument nécessaire que le Gouvernement intensifie son action, surtout en outre-mer. La mise en sécurité des victimes reste un parcours long et complexe, qui se poursuit parfois après la condamnation de l'auteur des violences conjugales.
Les aménagements de peine peuvent, d'une part, susciter l'incompréhension de ceux qui croient ce qu'ils voient et, d'autre part, décourager les victimes de porter plainte par peur que leur bourreau ne se venge.
Cette proposition de loi n'apporte pas toutes les réponses mais elle aidera à maintenir à distance des victimes les auteurs de violences conjugales. Il nous plairait que le Gouvernement s'engage à approfondir la question spécifique du régime de l'exécution des peines des auteurs de violences conjugales dans sa globalité, en tenant compte de la spécificité de certains territoires, notamment l'outre-mer, du fait de la prégnance de certaines cultures et coutumes locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Thani Mohamed Soilihi . - Dans notre pays, en 2016, 157 personnes ont trouvé la mort sous les coups de leur compagnon ; 78 % d'entre elles étaient des femmes. Nous sommes probablement très en deçà de la réalité puisque seulement 14 % des victimes portent plainte.
Les violences conjugales sont plus nombreuses en outre-mer qu'en métropole, selon le rapport du CESE remis en décembre dernier. Il y a jusqu'à huit fois plus d'agressions en outre-mer. Ce sont souvent des drames familiaux qui se jouent, l'actualité nous l'a hélas rappelé.
Le groupe LaREM ne peut pas souscrire à cette proposition de loi, qui a cependant le mérite de soulever cette question très sensible. Hostile par principe aux lois d'exception, je crois que cette proposition de loi serait contre-productive car ses dispositions pourraient inciter les juges à prévoir des peines plus faibles.
Son inconstitutionnalité est un autre problème majeur. La solution pour lutter contre les violences conjugales réside moins dans le durcissement des peines que dans leur application, et dans la prévention.
Mme Éliane Assassi . - Cette proposition de loi aborde un sujet très sensible. En 2016, 123 femmes et 34 hommes ont été tués par leur conjoint ; 225 000 femmes sont victimes chaque année de violences physiques et sexuelles de la part de leur partenaire ou ex-partenaire, et seulement une femme sur cinq porte plainte.
Les intentions de Mme Laborde sont louables. Toutefois, la logique de sa proposition de loi est contre-productive. L'exposé des motifs indique que les aménagements de peine entretiennent un sentiment d'impunité ; ce n'est pas à la hauteur des enjeux. Il est de notre devoir de garder une hauteur d'esprit. Nous partageons les constats de la rapporteure.
Les dispositions proposées portent atteinte aux principes d'égalité, de proportionnalité. Or le groupe CRCE refuse toute exception. Ne confondons pas justice et vengeance.
Il faut d'abord libérer la parole des victimes et former policiers et magistrats à la recevoir. Les dispositifs tels que « Téléphone grave danger » et les hébergements d'urgence doivent, Madame la Ministre, être développés. La question doit être traitée dans sa globalité dans le respect de l'équilibre de notre droit pénal, et non sous l'angle de la surenchère répressive. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Thani Mohamed Soilihi. - Bravo !
M. Loïc Hervé . - La situation est alarmante : en 2016, plus de 220 000 femmes ont subi des violences et 123 sont mortes sous les coups de leur compagnon. Cela doit nous inciter à réfléchir, en amont, à la prévention de tels actes et, en aval, à la sécurité des victimes, y compris après la libération de l'auteur des faits.
L'hypothèse de créer un régime dérogatoire pour les seuls auteurs de violences conjugales doit toutefois être soumise, quelle que soit la sensibilité du sujet, à un débat serein, empreint de raison et de rigueur juridique. Si nous comprenons l'objectif, nous craignons qu'un tel régime soit contre-productif. D'abord, car il nuirait à la réinsertion. Les aménagements de peine sont bénéfiques pour la société puisqu'ils limitent la récidive.
Or cette proposition de loi semble ignorer le lien prouvé de causalité entre récidive et « sorties sèches ». Louable dans ses intentions, la proposition de loi ne prend pas la bonne direction. Elle ouvre cependant la voie à la réflexion sur le projet de loi sur le sujet de Mme Schiappa à venir. La lutte contre les violences conjugales ne passe pas que par les sanctions pénales. Seule une femme victime sur cinq porte plainte ! La sanction ne concerne donc qu'une infime partie des infractions. La parole se libère toutefois, et c'est heureux. Il faudra l'encourager - en famille notamment, où elle est étouffée. Il faudra aussi faciliter le dépôt de plainte. Les femmes sont souvent mal accueillies, le personnel chargé de recueillir leur parole mal formé.
Espérons que nos débats sur cette priorité du quinquennat enverront un message fort aux victimes et feront baisser leur nombre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit aussi.)
M. Cyril Pellevat . - Les violences conjugales sont un fléau. Les chiffres sont criants, ils ont été rappelés. Cette proposition de loi exclut les auteurs de ces violences du bénéfice des crédits de réduction de peine ou des aménagements de peine. Or cela n'apportera rien : les personnes finiront par sortir de prison, mais sans suivi ; ce qui pose un problème de risque de récidive. Si nous allions dans ce sens, nous ouvririons la boîte de Pandore. Nous touchons en outre, avec ce régime dérogatoire en matière d'exécution des peines, à des limites constitutionnelles, celles du principe d'égalité devant la loi.
Cette proposition de loi, que nous ne pouvons pas soutenir, a surtout le mérite d'ouvrir le débat, et il faut en remercier Mme Laborde. Toutes les pistes sont à envisager : nous devons veiller au droit à l'information des victimes, faciliter les dépôts de plainte, éduquer au respect des femmes, comme le fait le programme de la Fondation de l'UEFA pour l'enfance, Just Play en Asie-Pacifique, où les violences conjugales sont très répandues : songez que dans le Pacifique, 57 % des femmes ont déjà été battues par leur conjoint et 75 % des garçons adolescents interrogés jugent qu'il est acceptable de frapper sa femme.
Les mentalités changent grâce à la prévention.
Je veux enfin remercier Mme le rapporteur, Brigitte Lherbier, encourager vos travaux, Madame la Garde des Sceaux, et ceux de Marlène Schiappa, et saluer l'action de la délégation aux droits des femmes du Sénat, présidée par Mme Annick Billon.
M. le président. - Afin de tenir les délais, tout en permettant à tous les orateurs inscrits de s'exprimer, je vous propose de réduire le temps de parole de chacun de cinq minutes à trois minutes et demie. (Assentiment)
M. Jacques Bigot . - Je serai très bref car tout a été dit sur l'importance du sujet et l'impossibilité de voter ce texte. Je remercie la ministre d'avoir montré de façon très complète ce qui se met en oeuvre et Roland Courteau d'avoir rappelé le chemin parcouru. Il faut sensibiliser les femmes à ne pas se laisser faire et à porter plainte. Il faut des poursuites, des informations, des sanctions pénales.
Oui, il faut sanctionner les atteintes à l'ordre public dont les violences intrafamiliales font évidemment partie. Il faut aussi progresser dans la voie de la réinsertion...
M. Roland Courteau. - Bien sûr.
M. Jacques Bigot. - Grâce à nos travaux et aux associations, nous avons avancé sur ce terrain.
Reste que le législateur doit édicter la loi pénale. Celle-ci doit dire ce qui nuit à l'ordre public, punir le coupable et permettre la réinsertion.
Nous devons débattre de ces questions, donner les moyens à la justice d'agir. Lors de la mise en place des téléphones grave danger, certains départements, notamment en Alsace, ont dû mettre la main à la poche ! Beaucoup d'entre eux s'engagent aujourd'hui, au titre de l'action sociale, dans la lutte contre ces violences. Plus que de lois, la justice a d'abord besoin de moyens, Madame la Garde des Sceaux ! (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Marc Laménie . - Cette proposition de loi met les notions de solidarité et de prise de conscience en son coeur. Je veux aussi saluer le superbe travail de la délégation aux droits des femmes, sur ce sujet de société très sensible, mais aussi celui de la commission des lois, et l'implication de la garde des Sceaux et du ministère de la justice.
Les faits de violences conjugales sont trop peu portés à la connaissance de la police, de la gendarmerie, des procureurs de la République : il faut communiquer davantage, améliorer la prévention et la formation des agents publics.
Il faut encore protéger les victimes. Cela suppose de faire confiance à la justice, que les textes à venir renforceront. Telle est notre responsabilité à tous. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
La discussion générale est close.
M. le président. - Grâce aux efforts de tous, nous avons tenu le temps imparti. Avant de passer à l'examen des articles, je donne la parole à Mme Laborde.
Retrait de la proposition de loi
Mme Françoise Laborde, auteure de la proposition de loi . - Merci. À ce stade de la discussion, plutôt que de voir les articles de cette proposition de loi rejetés par tous les groupes, je souhaite la retirer.
Le procureur de la République de Paris, François Molins écrit dans La protection judiciaire et médico-légale sa conviction que, depuis la loi du 4 août 2014, l'arsenal législatif de lutte contre les violences conjugales suffit, et que ne manque pour les éradiquer que la volonté de le faire. J'ajouterai : et les moyens.
Vous comprendrez donc mon insistance. Mon texte n'est certes pas mûr juridiquement ; je resterai particulièrement attentive ces prochains mois à l'action du Gouvernement dans ce domaine, Madame la Ministre. Je remercie aussi le président de la commission des lois ; je suivrai les travaux d'une éventuelle mission avec la plus grande attention. (Applaudissements sur tous les bancs).
M. le président. - Je rappelle que selon l'article 26 de notre Règlement : « l'auteur ou le premier signataire d'une proposition de loi ou de résolution peut toujours la retirer, même quand la discussion est ouverte. Si un autre sénateur la reprend, la discussion continue ».
La proposition de loi est retirée.
Prochaine séance, mardi 6 mars 2018, à 9 h 30.
La séance est levée à 18 h 45.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du mardi 6 mars 2018
Séance publique
À 9 h 30
1. Vingt-six questions orales.
De 14 h 30 à 17 heures
2. Proposition de loi tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit (n° 83, 2017-2018).
Rapport de Mme Marta de Cidrac, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 322, 2017-2018).
Texte de la commission (n° 323, 2017-2018).
À 21 heures
3. Suite de la proposition de loi tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit (n° 83, 2017-2018).