SÉANCE

du mardi 13 février 2018

54e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : M. Éric Bocquet, M. Dominique de Legge.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.

Élus locaux travailleurs frontaliers

Mme Christine Herzog .  - De nombreux habitants du département de la Moselle sont des travailleurs frontaliers en Allemagne ou au Luxembourg ; plusieurs centaines d'entre eux sont des élus locaux et, à ce titre, ils ne peuvent bénéficier ni du statut de l'élu local du pays où ils sont élus, ni du statut de l'élu local du pays où ils travaillent. Malgré de multiples interventions, rien n'est fait ni globalement par l'Union européenne, ni de manière bilatérale entre la France et les pays voisins. Pourquoi la France n'a-t-elle jamais demandé l'inscription de ce dossier à l'ordre du jour du Conseil des ministres de l'Union européenne ?

Dans un courrier du 9 mars 2009 adressé aux élus locaux frontaliers, le représentant du gouvernement luxembourgeois indiquait : « Lors de la rencontre avec la plateforme syndicale de la grande région du 29 octobre 2008, j'ai indiqué que j'étais conscient de cette problématique et que je souhaitais aborder la question en marge de la réunion sectorielle grand-régionale de l'aménagement du territoire qui se tiendra le 21 avril 2009. En effet, celle-ci a pour objectif général de renforcer la mobilité et le travail transfrontaliers, de trouver des solutions aux divers obstacles administratifs et divergences entre les législations nationales. La Task Force abordera, entre autres, les problèmes dans le domaine du droit social et du travail et par conséquent, je suis d'avis que la question du congé politique des élus frontaliers peut ainsi être traitée en son sein ».

Malheureusement, pour l'instant, il n'y a pas eu de suite. De même, il n'y en a pas eu à la conférence de Sarrebruck sur la coopération franco-allemande de 2015 à laquelle la réponse ministérielle à une précédente question écrite faisait référence. Comment envisagez-vous de relancer ce dossier ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Nous savons le rôle fondamental des élus locaux dans l'exercice de la démocratie. D'où le statut particulier dont ils bénéficient en France, comme dans d'autre États de l'Union européenne, leur permettant de concilier leur vie professionnelle avec l'exercice d'une fonction élective. Cependant, il n'y a ni reconnaissance transfrontalière automatique du statut d'élu local, ni de statut européen. Il est donc possible qu'un Français, élu local et travailleur frontalier, ne se voie pas accorder le statut dont il aurait bénéficié en France par son employeur étranger. Cette absence d'harmonisation du statut local peut être préjudiciable et je vous assure de notre détermination à limiter les conséquences négatives de cette situation. Le cadre communautaire, que vous suggérez d'explorer, à travers l'inscription de ce dossier à l'ordre du jour du Conseil de l'Union européenne, n'est toutefois pas le plus adapté en raison de la grande diversité des situations dans les États membres mais aussi de l'application du principe de subsidiarité, qui renvoie le traitement de ce thème à des négociations bilatérales. C'est pourquoi nous avons placé cette question dans le cadre du dialogue bilatéral que la France mène avec ses voisins, en particulier avec l'Allemagne et le Luxembourg. Je ne suis malheureusement pas en mesure de faire état de réels progrès. Nous continuons cependant, en lien avec les ministères de l'intérieur et du travail, à travailler pour obtenir des progrès sur ce dossier.

Mme Christine Herzog.  - Voilà des années que les gouvernements successifs sont informés du problème qui concerne plus de 100 000 salariés, en vain. Le Gouvernement se désintéresse des besoins spécifiques des travailleurs frontaliers : ce n'est pas encourageant pour la coopération transfrontalière.

Situation au Togo

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - Dans son discours aux étudiants burkinabés, le président de la République a dit qu'il n'y avait plus de politique africaine de la France, laissant entendre que le temps des arrangements de ce que l'on appelait la Françafrique était révolu.

Je ne peux que souscrire à ce propos, s'il inaugure réellement une nouvelle approche de la relation entre la France et les pays africains. Trop souvent par le passé, la France a soutenu des pouvoirs autocratiques qui se sont imposés et se sont maintenus à la tête des États, par la fraude électorale, la corruption et la violence.

Le cas du Togo est particulièrement significatif. Ce pays a été dirigé pendant trente-huit ans par le dictateur Gnassingbé Eyadema qui s'est emparé du pouvoir par un coup d'état militaire et qui a été invariablement soutenu par les gouvernements français successifs. À sa mort, en mars 2005, son fils, Faure, s'empare du pouvoir par la violence et la fraude électorale.

II occupe actuellement son troisième mandat alors que la Constitution originelle, à laquelle se réfèrent les Togolais, limite à deux les mandats présidentiels.

Depuis le 19 août dernier, les forces armées du Togo appuyées par des milices répriment dans le sang des manifestations pacifiques de citoyens qui revendiquent un changement politique.

L'Union africaine a désigné deux médiateurs pour trouver une issue à la crise. La coalition de l'opposition et le président doivent se réunir jeudi à Lomé.

La France, qui a des accords de coopération avec le Togo, ne peut se contenter de laisser faire la dictature, au risque d'être associée à elle, aux yeux des Togolais, des Africains et de cette jeunesse à laquelle s'adressait le président de la République. Elle ne peut pas non plus renvoyer dos à dos ceux qui sèment la violence et ceux qui la subissent.

Si le temps de la Françafrique est vraiment révolu, quelles conditions la France met-elle désormais à sa coopération avec les gouvernements qui ne respectent pas les valeurs de la démocratie et des droits de l'Homme ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Nous suivons avec beaucoup d'attention la situation au Togo. Depuis le mois d'août 2017, l'opposition tient des manifestations régulières dans les principales villes pour demander le retour à la Constitution de 1992. Le gouvernement a proposé une réforme constitutionnelle prévoyant un scrutin présidentiel à deux tours et une limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. Il a cependant refusé que ces dispositions soient appliquées rétroactivement, comme le souhaitait l'opposition, qui a boycotté le vote du projet à l'Assemblée nationale.

La situation s'est dégradée en octobre. Des hommes en civil évoquant, comme vous l'avez dit, des milices sont intervenus aux côtés des forces de l'ordre. Le bilan est de dix morts. La France a condamné publiquement ces violences et, loin de renvoyer dos à dos les uns et les autres, a appelé le gouvernement togolais à autoriser les rassemblements pacifiques sur l'ensemble de son territoire.

Puisque vous citez la coopération française, je voudrais vous apporter quelques précisions. La France déploie douze coopérants dans le domaine de la défense et de la sécurité intérieure au Togo. Pour la défense, il s'agit de l'organisation de l'action de l'État en mer, de la préparation des déploiements des forces armées togolaises dans les opérations de maintien de la paix, notamment au Mali où servent 1 200 soldats togolais, de l'accompagnement des forces armées dans leur restructuration et de la formation des officiers, sous-officiers et médecins militaires. En matière de sécurité intérieure et de protection civile, notre priorité est la lutte contre le trafic de drogue, la criminalité et la fraude documentaire. Nous soutenons la gendarmerie maritime pour lutter contre la piraterie. Nous apportons une aide à la formation des sapeurs-pompiers. Toutes nos actions se fondent sur le respect des standards internationaux du droit international humanitaire.

La France a appelé à un dialogue entre toutes les parties pour sortir de la crise politique, avec pour base l'accord conclu en 2006 entre le gouvernement et l'opposition. Après avoir été plusieurs fois repoussé, celui-ci devrait débuter le 15 février, grâce à l'action de facilitation menée par le Ghana et la Guinée. Nous le soutenons pleinement.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Le discours du président de la République a suscité un immense espoir, mais aussi quelques doutes, en Afrique. Pour les lever, il faut passer de la parole aux actes. La France doit soutenir les demandes légitimes de la coalition de l'opposition, à savoir revenir à la Constitution originelle de 1992, réviser le code électoral en ouvrant les listes aux Togolais résidant à l'étranger notamment, déverrouiller les institutions de la République, libérer les prisonniers politiques. Ne plus avoir de politique africaine ne doit pas vouloir dire se désintéresser de l'Afrique.

Enfants franco-japonais au coeur d'un conflit parental

M. Richard Yung .  - Il y a huit ans, le Sénat avait voté une résolution invitant le gouvernement japonais à ratifier la convention de La Haye sur la défense des droits des enfants. Ce dernier l'a fait et la convention est entrée en vigueur en 2014. Cependant, son application laisse à désirer de sorte que plusieurs dizaines d'enfants franco-japonais sont actuellement privés de tout contact avec leur parent français et de liens avec la France.

Le Japon ne joue pas le jeu, il applique des délais extrêmement longs à toutes les demandes de retour, alors que la convention précise qu'ils doivent être le plus court possible, il met des obstacles au droit de visite et les parents japonais sont curieusement appuyés par les autorités locales judiciaires et policières. Après tous les efforts que nous avons faits, nous avançons encore trop lentement.

Il nous faut reprendre notre bâton de pèlerin, nous rapprocher sans doute des États-Unis et du Canada qui connaissent les mêmes problèmes, afin de faire pression sur le gouvernement japonais.

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Depuis l'entrée en vigueur au Japon le 1er avril 2014 de la convention de La Haye, l'autorité centrale française, c'est-à-dire le ministère de la justice avec l'appui du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a saisi l'autorité centrale japonaise de onze dossiers. Sur les sept dossiers de déplacements illicites d'enfants ouverts, la coopération entre nos deux pays a permis le retour des enfants en France dans deux cas. Quatre dossiers ont été clôturés à l'initiative du parent requérant ou de l'autorité centrale japonaise. Jusqu'à présent, un refus de retour a été prononcé par un juge japonais, en raison du souhait de l'enfant, en âge d'être entendu, de rester au Japon. C'est le seul cas dans lequel l'article 13 a été invoqué par un juge japonais.

Jusqu'alors, les décisions de retour ont été exécutées de manière volontaire par le parent ravisseur. Les autorités françaises restent donc vigilantes sur ce point car, dans la pratique, les autorités japonaises ne semblent pas avoir recours à la force en cas de refus d'exécution.

À ce jour, un dossier de déplacement illicite d'enfant et un concernant des droits de visite et d'hébergement restent en cours de traitement. Pour les cas ne relevant pas de la convention de La Haye, c'est la protection consulaire, telle que prévue par la convention de Vienne, qui s'applique. Les parents qui sollicitent alors notre aide sont accompagnés dans leurs démarches, dans le respect de la souveraineté japonaise et de la séparation des pouvoirs. Une liste des avocats spécialisés en droit de la famille peut leur être communiquée et une tentative de prise de contact avec l'autre parent peut être initiée.

D'une façon générale, les affaires de conflits familiaux font l'objet d'échanges réguliers avec nos partenaires lors des réunions consulaires locales. Une nouvelle réflexion sera menée afin de recenser les problématiques spécifiques au Japon et d'explorer la possibilité de mener une démarche commune auprès des autorités japonaises.

M. Richard Yung.  - Le Gouvernement va dans le bon sens, d'autant que le gouvernement japonais a horreur de la publicité autour de telles affaires. Il s'agit d'un problème de culture profonde : au Japon, l'enfant est à la garde de la mère et les juges ainsi que les policiers considèrent qu'il n'y a pas à modifier cette tradition millénaire. De là les problèmes d'exécution des décisions. Continuons à faire pression, en nous alliant aux autres pays concernés.

Réalisation du quatrième plan autisme

M. Pascal Savoldelli .  - Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, seuls 15 % des enfants autistes bénéficient d'un diagnostic et d'intervention précoce. On est donc dans une situation inquiétante, où les besoins sont très loin d'être pourvus.

Quand je rencontre les associations et les familles, je constate beaucoup de colère. Une colère qui est légitime, mais qui ne semble pas ignorée par le gouvernement. En juillet, puis en septembre, aux côtés du président de la République, vous avez en effet annoncé, Madame la Ministre, l'élaboration d'un nouveau plan autisme. Mais les familles sont inquiètes car rien n'est sorti de concret pour le moment. En attendant, le conseil départemental du Val-de-Marne s'est engagé à cofinancer 520 nouvelles places dans les structures d'accueil pour personnes handicapées, avec une priorité pour les enfants autistes.

En déplacement à Bordeaux, il y a quelques jours, vous avez dévoilé des premiers axes, concernant notamment le dépistage, mais aussi la formation des auxiliaires de vie scolaire (AVS). Mais ce n'est pas suffisamment précis d'où ma question. Qu'en est-il des mesures concrètes ? Les familles, les personnels soignants et les personnes concernées ont le droit de savoir.

Enfin, j'ai une demande particulière quant à la réforme de l'Allocation aux adultes handicapés (AAH). C'était un combat de longue date des parlementaires communistes et je me félicite que le Gouvernement ait accepté de l'augmenter de 100 euros d'ici 2019. Toutefois, avec votre réforme, un bénéficiaire verra son allocation diminuer si son conjoint dispose de 1 126 euros par mois. La dégressivité s'appliquera jusqu'à 2 200 euros. Au-delà, il n'y aura plus d'AAH. Jusqu'à 50 % des personnes handicapées seraient pénalisées. Ce n'est pas acceptable. Le Gouvernement va-t-il mettre fin à la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Oui, le président de la République a fait du handicap la priorité du Gouvernement et il a fait du plan autisme une de ses priorités puisqu'il a lancé officiellement la concertation du quatrième plan autisme le 6 juillet 2017. Cette concertation a duré six mois, le plan est en cours de rédaction et les mesures seront annoncées mi-mars, en présence du président de la République.

La prise en charge précoce fait partie des axes majeurs car les familles ne peuvent plus être en errance de diagnostic comme aujourd'hui. Il faudra également anticiper la prise en charge pour éviter du sur-handicap.

La recherche sera la seconde priorité : la France doit être remise dans les standards scientifiques internationaux. Nous rattraperons ce retard.

La prise en charge des adultes sera le troisième axe majeur : des adultes autistes sont encore aujourd'hui non diagnostiqués.

Enfin, la formation de tous les professionnels sera améliorée.

La concertation s'est remarquablement bien passée. Présidée par Claire Compagnon, elle s'est déroulée de façon sereine et efficace. Les professionnels de santé et les associations se sont mis autour de la table. Le socle des mesures a fait consensus. Nous allons faire un effort de 2,5 milliards d'euros pour l'allocation adulte handicapé à travers des augmentations en novembre 2018, puis en novembre 2019, qui concerne plus d'un million de nos concitoyens. La solidarité nationale joue et la règle de la dégressivité en fonction des revenus du conjoint, comme pour toutes les autres allocations, a été retenue.

M. Pascal Savoldelli.  - J'observerai avec attention les résultats de la concertation. Sur d'autres sujets, le Gouvernement sait aller plus vite : il a ainsi été beaucoup plus rapide pour supprimer l'ISF.

Pas moins de 85 % d'enfants autistes ne sont pas pris en charge : il y a urgence. Plus de 250 familles ont vu leur enfant entrer à l'école sans AVS. Du dialogue, certes, mais est-ce ici nécessaire ? Il faut réagir, et vite !

Quant à l'AAH, 2 200 euros par mois, ce n'est pas un revenu indécent, surtout lorsqu'on est handicapé. Il faut aller plus loin.

Systèmes participatifs de garantie en agriculture biologique

M. Alain Marc .  - La volonté d'offrir aux consommateurs une garantie sur l'origine et la production ou la fabrication des produits qu'ils achètent constitue le point commun entre la certification par tiers et le système participatif de garantie (SPG). En revanche, les SPG se distinguent de la certification par tiers en apportant une dimension sociale et locale très forte.

En effet, une des priorités des SPG est la cogestion de la « certification » entre le producteur, le consommateur et tout acteur du territoire. Ce n'est donc pas un organisme extérieur qui va certifier mais les consommateurs et les acteurs du territoire, chacun ayant un rôle dans le processus et dans la prise de décision finale. En intégrant les consommateurs aux processus de décision, la certification participative les place au centre du contrôle de production. En contact direct avec les producteurs, ils sont alors capables de vérifier et d'analyser eux-mêmes la délivrance d'une certification.

Les SPG ne se limitent pas seulement à la création d'une dynamique collective, ils sont basés sur des critères techniques contenus dans un cahier des charges et sur des critères plus globaux exprimés souvent par une charte.

La Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique (IFOAM) définit les SPG comme étant des « systèmes d'assurance qualité ancrés localement [qui] certifient les producteurs sur la base d'une participation active des acteurs concernés et sont construits sur une base de confiance, de réseaux et d'échanges de connaissances ».

Ainsi les SPG présentent de nombreux avantages : ils garantissent le respect des cahiers des charges de l'agriculture biologique ; ils réduisent les coûts de contrôle et de certification ; ils permettent une mise en réseau et un appui technique ; ils renforcent les dynamiques territoriales ; ils stimulent les démarches collectives de commercialisation et ils sensibilisent les consommateurs.

Pouvez-vous nous indiquer si une reconnaissance des SPG peut être envisagée prochainement au même titre que la certification par tiers ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Le règlement européen 882-2004 relatifs au contrôle officiel en alimentation et le règlement 834-2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques ne permettent pas aujourd'hui la reconnaissance de ces systèmes participatifs de garantie.

Les produits biologiques portent des engagements d'un mode de production respectueux de l'environnement et du bien-être animal qui doit être garanti par un système de contrôle efficace et indépendant. C'est pourquoi les contrôles réalisés en agriculture biologique sont officiels, sous la responsabilité des pouvoirs publics. En application de la règlementation européenne, ces contrôles sont réalisés par des organismes de certification. En France, ces derniers sont accrédités par le Comité français d'accréditation (Cofrac) et agréés par l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), autorité compétente en matière de contrôle.

Les systèmes participatifs de garantie permettent de contrôler les productions par un collectif de producteurs et de consommateurs et ces systèmes sont pertinents pour certains marchés et ont pu se développer autour de certains labels ou de certaines marques. Ils ne garantissent toutefois pas l'indépendance du contrôle et ne répondent pas aux exigences d'une certification officielle.

Installation d'officines de pharmacie et seuil minimal de population dans les communes rurales

M. Bernard Delcros .  - Le code de la santé publique empêche l'ouverture d'une nouvelle pharmacie dans une commune de moins de 2 500 habitants. Cette règle n'est pas adaptée à la réalité des territoires ruraux, notamment en zone de montagne. Le nombre d'habitant ne peut être le seul critère retenu. Dans ces territoires, des communes parfois de 800 habitants jouent le rôle de bourg-centre et de pôle de services pour tout un bassin de vie. Il faut aussi tenir compte des difficultés de déplacement inhérentes à l'altitude, au relief, à l'enneigement et aux distances à parcourir dans ces territoires vastes mais à faible densité de population.

L'ordonnance du 3 janvier dernier apporte un début de réponse en introduisant de nouvelles dispositions, en permettant notamment de prendre en compte la population des communes contiguës mais à condition que l'une au moins de ces communes compte 2 000 habitants. Or ce seuil ne correspond pas à la réalité du terrain dans les zones rurales.

Ainsi, la commune de Vézac, dans le Cantal, compte 1 200 habitants. Pourtant, elle offre divers services dans un bassin de vie de 4 300 habitants répartis sur neuf communes contiguës. Grâce à sa politique de développement, Vézac compte plusieurs commerces, un cabinet médical avec deux médecins, un infirmier, un masseur-kinésithérapeute. Trois candidats se sont fait connaître pour ouvrir une pharmacie, mais l'Agence régionale de santé (ARS) a mis son véto au motif d'un nombre d'habitants insuffisant. Ce n'est pas acceptable, alors que le Gouvernement entend tout faire pour lutter contre les déserts médicaux et maintenir l'offre de soin en milieu rural. Cet exemple illustre parfaitement le fossé qui existe entre la théorie d'une règle et les besoins du terrain.

Êtes-vous prêt à reconsidérer le cas de la commune de Vézac et à adapter les critères d'ouverture de pharmacies aux réalités du terrain ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Veuillez excuser l'absence de la ministre de la santé.

Le Gouvernement est soucieux de garantir l'égal accès de la population aux médicaments et aux soins sur tout le territoire. L'ordonnance du 3 janvier prévoit des mesures favorables aux territoires ruraux, avec notamment la possibilité de prendre en compte la population des communes contiguës si au moins une des communes atteint 2 000 habitants. Les ARS pourront alors autoriser l'ouverture d'une officine. En outre, les flux de population seront pris en compte, et non la seule population résidente, ce qui permettra à une pharmacie de se rapprocher d'une maison de santé ou d'un centre commercial de proximité pour mieux répondre aux besoins de la population.

De nouveaux leviers sont ainsi mis en place pour soutenir le maillage officinal. La publication des textes d'application de l'ordonnance est prévue à l'été 2018.

M. Bernard Delcros.  - Bien sûr, l'ordonnance prévoit des assouplissements, mais ils ne répondent pas aux besoins du terrain. Le seuil à 2 000 habitants ne correspond pas aux problèmes des territoires ruraux, particulièrement en zone de montagne. Il reste un petit pas à franchir pour que l'ordonnance soit en adéquation avec la réalité de la ruralité, surtout en zone de montagne.

Difficultés des correctrices et correcteurs d'édition

Mme Maryvonne Blondin .  - Depuis plusieurs années, les correctrices et correcteurs d'édition tirent la sonnette d'alarme, tentant d'alerter en vain les pouvoirs publics sur la situation de délitement que connaît leur profession. Travaillant le plus souvent à domicile, exerçant un métier largement méconnu du grand public, peu syndiqués, leurs difficultés ne sont pas visibles.

Pourtant, maillon essentiel de la chaîne du livre, ces professionnels s'avèrent indispensables à la défense de la langue française, à la qualité des textes édités et, par là-même, au rayonnement de notre littérature. Le lecteur-correcteur, premier à disposer des textes bruts, en vérifie la cohérence, la structure, et effectue un premier travail de correction syntaxique, orthographique, grammatical. Puis il vérifie les premiers changements et en affine encore la forme. Véritables orfèvres de notre littérature, travaillant de concert avec les auteurs, ils sont les garants de la transmission écrite. Victor Hugo les appelait ainsi les « modestes savants habiles à lustrer la plume du génie ».

En 2010, une cinquantaine d'entre eux avaient manifesté à Paris devant le siège du syndicat national de l'édition, criant leur désarroi face à leur précarité grandissante : l'annexe IV de la convention nationale de l'édition qui régit le statut des travailleurs à domicile n'impose aucune obligation aux employeurs d'un salaire mensuel minimum et leur protection sociale s'en trouve amoindrie. Pour la plupart en contrat à durée indéterminée « zéro heures », leur rémunération s'avère très fluctuante et ils sont soumis à des périodes de chômage non-rémunérées et non-indemnisées.

Ils réclament la possibilité de disposer d'un volume d'heures annuel garanti et de les lisser pour disposer d'un salaire mensuel constant. Cette revendication avait déjà été formulée par les représentants de ces travailleurs en mars 2016 auprès du syndicat national de l'édition, sans suite.

Quelles mesures entend mettre en oeuvre le ministère de la culture pour répondre à la précarité grandissante de ces professionnels ?

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Veuillez excuser l'absence de Mme la Ministre.

Le Gouvernement a conscience des difficultés de ce métier. Les services du ministère de la culture suivent attentivement l'évolution des négociations en cours conduites par les partenaires sociaux sous l'égide du ministère du travail.

Le point de discussion entre les syndicats des correcteurs et le syndicat national de l'édition concerne le lissage de la rémunération, afin qu'ils puissent avoir un salaire régulier et la compensation des variations de l'activité. Les partenaires sociaux ont prévu de se réunir en commission mixte paritaire début mars au ministère du travail. L'accord pourrait aboutir à une réécriture de l'annexe 4 de la convention collective de l'édition qui sécuriserait davantage la situation des correcteurs travailleurs à domicile et de leur accorder de nouveaux droits. Le Gouvernement interviendrait en cas d'échec de la négociation.

Mme Maryvonne Blondin.  - J'espère que cette négociation aboutira. Bien sûr, les corrections pourraient être assurées par l'informatique mais il ne s'agirait que de corriger l'orthographe. Ce métier d'artisanat littéraire mérite d'être préservé.

Retour en France des djihadistes de nationalité française

M. Marc-Philippe Daubresse .  - Merci, Madame la garde des Sceaux, d'être venue répondre en personne à cette importante question.

Au début de cette année, plusieurs questions ont été posées sur la vocation potentielle de la France à juger des djihadistes français arrêtés à l'étranger. Environ 1 200 Français ont séjourné dans la zone irako-syrienne où l'EI dominait il y a peu de temps. Nombre d'entre eux était des combattants, souvent accompagnés par des femmes elles-mêmes engagées dans le djihâd et des enfants. Les grands fiefs de l'État islamique tombant les uns après les autres, que vont devenir ces individus qui ont pris les armes contre la France et défié les valeurs de notre République et de notre civilisation ? D'après les informations données par votre gouvernement, on croit comprendre que la France admet que les djihadistes arrêtés soient jugés en Syrie ou en Irak, à condition qu'ils bénéficient d'un procès équitable. On croit comprendre aussi que la France pourrait s'opposer à une condamnation à mort, dans des pays ne disposant pas d'organes judiciaires constitués. Mais quelle est votre capacité d'action en la matière ? Ainsi en est-il des djihadistes français capturés par les Kurdes, qui n'ont pas d'État reconnu ni d'organes judiciaires.

Le droit international prévoit certes que des ressortissants français puissent être jugés à l'étranger, mais cette question est subsidiaire de la compétence territoriale de l'État où ils ont été arrêtés. Une clarification de la position de la France s'impose.

Au sujet des Français déjà revenus sur notre sol, combien sont incarcérés et combien dans la nature ? Nous avons constitué plusieurs missions d'évaluation des dispositifs créés en la matière. Comment comptez-vous protéger nos compatriotes si des bombes à retardement sont en liberté dans notre pays ?

Pouvez-vous clarifier la position du Gouvernement sur ces deux sujets ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le traitement des djihadistes de nationalité française doit être envisagé sous deux aspects. Pour ce qui est des Français détenus à l'étranger au titre des actes perpétrés sous le drapeau de Daech, il ne peut être fait abstraction du contexte de guerre, à laquelle ils ont volontairement et librement choisi de participer. Leur situation doit être appréciée au regard de la légalité internationale et des relations avec les États où ils sont détenus.

Les Français majeurs détenus en Irak relèvent de la justice irakienne. La protection consulaire leur garantit un droit de visite ; mais nous assurons qu'ils ne sont pas victimes de traitements inhumains.

En Syrie, avec laquelle la France n'entretient pas de relation diplomatique, et où subsistent de nombreuses zones de guerre, nous agissons via des organismes internationaux, tel le Comité international de la Croix-Rouge.

Pour les Français interpellés en Turquie, nous avons négocié un protocole d'expulsion vers la France avec une prise en charge par l'autorité judiciaire dès leur sortie de l'avion en France.

Quant à d'éventuelles condamnations à mort dans ces pays, la France intervient afin de rappeler son opposition aux autorités concernées. La France est attachée au respect des garanties offertes par le droit à un procès équitable. Les mineurs peuvent être pris en charge selon les règles de la protection des mineurs et peuvent être rapatriés. Quant aux majeurs djihadistes « revenants », ils font l'objet d'une judiciarisation systématique, avec l'engagement par le parquet de Paris de poursuites du chef « d'association de malfaiteurs terroriste ». Pas moins de 182 revenants majeurs ont ainsi été judiciarisés dont 142 ont été placés en détention, les autres faisant l'objet d'un contrôle judiciaire strict, donc nous savons précisément où ils sont et ce qu'ils font. Les mineurs font également l'objet d'une judiciarisation.

M. le président. - Il faudra veiller, pour vos prochaines réponses, au respect du temps de parole.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est une réponse importante à une question importante. Vous avez clarifié la doctrine du Gouvernement. Je vous en remercie.

Choix de la ville de la nouvelle prison de Vendée

M. Didier Mandelli .  - Au 1er janvier 2018, la France comptait 70 000 détenus pour 59 000 places en prison, où la situation n'a cessé de se détériorer. En Vendée, la surpopulation carcérale dépasse 200 %. J'ai visité à quatre reprises les établissements de mon département. En 2011, Michel Mercier, garde des Sceaux, s'était engagé à construire une nouvelle maison d'arrêt en Vendée et le Premier ministre a annoncé la construction de cette nouvelle prison en octobre 2016.

Les villes de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte s'étaient portées candidates pour accueillir cette nouvelle prison qui devrait compter 250 places. En février 2017, le ministre de la justice d'alors annonçait qu'elle serait construite à Fontenay-le-Comte.

Depuis lors, cette annonce n'a pas été confirmée, ce qui laisse de nouveau planer le doute auprès des villes concernées quant au choix définitif du site. Quelle est la décision définitive du Gouvernement quant à la ville qui accueillera cette nouvelle maison d'arrêt ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Cette décision est imminente. Effectivement, à La Roche-sur-Yon et à Fontenay-le-Comte, la densité carcérale s'élevait, en novembre dernier, respectivement à 202 % et 146 %. C'est pourquoi la direction de l'administration pénitentiaire mène une politique volontariste de transfert des personnes détenues pour limiter les effets de la surpopulation dans les prisons. Le Gouvernement a pris l'engagement de construire 15 000 places de prison supplémentaires.

L'Agence publique pour l'immobilier de la justice a lancé des études à La Roche-sur-Yon et Fontenay-le-Comte. Dans le cadre du plan Prisons, le président de la République annoncera prochainement la liste des implantations retenues, qui dépendra des besoins opérationnels et des ressources budgétaires.

L'examen du projet de loi de programmation pour la justice devrait faire avancer la situation au printemps prochain.

M. Didier Mandelli.  - Chacune des villes offre des avantages spécifiques. Fontenay-le-Comte, au sud du département, présente des avantages en termes d'aménagement du territoire. La Roche-sur-Yon accueille déjà des services judiciaires nombreux. Les élus sont impatients de connaitre la position du Gouvernement.

Insuffisance en moyens humains du TGI de Bourg-en-Bresse

M. Patrick Chaize .  - Le département de l'Ain comprend 637 000 habitants répartis sur une surface de 5 763 km2. Son territoire est très diversifié et certaines de ses zones sont influencées par la présence proche des agglomérations lyonnaise et genevoise. La proximité de ces deux grandes métropoles engendre une délinquance importante ainsi qu'une criminalité organisée inhabituelle pour un département comme l'Ain qui n'est lui-même pas pourvu de très grandes villes et qui est le premier département industriel de France, avec la quatrième plus forte croissance démographique de l'hexagone.

L'Ain est doté d'un hôpital psychiatrique de portée régionale et d'un centre pénitentiaire ouvert en 2010 à Bourg-en-Bresse, comprenant une maison d'arrêt, un centre de détention et un quartier de semi-liberté, qui est aujourd'hui à pleine capacité avec plus de 700 détenus.

Cependant, le rapport entre la population et le nombre de magistrats, montre que le tribunal de grande instance (TGI) de Bourg-en-Bresse est structurellement sous-évalué, tant pour les magistrats du siège que pour ceux du Parquet.

Le Gouvernement envisage-t-il de doter rapidement ce tribunal en moyens humains suffisants pour un meilleur fonctionnement de la justice dans l'Ain ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Pour assurer le fonctionnement optimal des juridictions, le ministère élabore chaque année une circulaire de localisation des emplois, à l'issue d'un dialogue avec les chefs de cour, au vu de l'activité des juridictions. À Bourg-en-Bresse, quatre postes ont été créés en cinq ans. Les effectifs du magistrat du Parquet sont au complet. Deux postes de magistrats du siège cependant ne sont pas pourvus.

Nos services envisagent d'ouvrir ces postes aux 373 auditeurs de justice qui prendront leurs fonctions au 1er octobre 2018.

En outre, la Cour d'appel de Lyon pourra renforcer les effectifs des juridictions de son ressort en déléguant provisoirement des juges, dits « placés ».

M. Patrick Chaize.  - Merci d'avoir pris en compte les difficultés de mon département. La semaine dernière, M. Collomb a indiqué qu'il prendrait en compte les difficultés dans les effectifs de gendarmerie. J'espère qu'il en sera de même pour les magistrats.

Situation du tribunal de Saint-Nazaire

M. Christophe Priou .  - À la suite du lancement, le 6 octobre 2017, des Chantiers de la justice, en amont du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, il apparaît urgent de signaler le rôle important du tribunal de Saint-Nazaire étant donné la démographie de son ressort.

Si le principe de création d'un tribunal de première instance par département était retenu, les conséquences seraient importantes pour le ressort du tribunal mais aussi pour l'ensemble des justiciables de Loire-Atlantique, au vu de la croissance démographique du territoire et de l'activité soutenue des tribunaux de Saint-Nazaire et Nantes. La Loire-Atlantique est l'un des départements les plus dynamiques de France, avec 81 000 habitants en plus sur cinq ans. Pour un ressort de 350 000 habitants, le tribunal de Saint-Nazaire aura rendu en 2016 un nombre élevé de décisions : 10 532 pour le tribunal de grande instance et 8 182 pour le tribunal d'instance. Cette situation s'explique par un apport élevé de population durant les congés et week-ends. Le tribunal de Nantes, déjà fortement sollicité, n'aura pas la capacité d'absorber une charge conséquente d'affaires.

Nous avons plus que jamais besoin de proximité judiciaire. Qu'envisagez-vous pour Saint-Nazaire dont le tribunal mérite de voir ses moyens renforcés ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le Gouvernement a lancé une large réflexion sur l'organisation de la justice, et en particulier sur l'adaptation de l'organisation territoriale des tribunaux. La concertation prendra fin en mars. Je consulterai les parlementaires.

La réforme vise à garantir un accès clair, simple, rapide et lisible à la justice. La loi de programmation 2018-2022 conciliera proximité, spécialisation et efficience.

À Saint-Nazaire, aucun site ne sera fermé. Les propositions dans le cadre du chantier mené par Dominique Raimbourg et Philippe Houillon prévoient en effet un tribunal par département, mais la règle peut être assouplie en fonction des besoins. La réforme sera ancrée dans la réalité de nos territoires.

M. Christophe Priou.  - Malgré vos propos rassurants, de nombreuses professions juridiques sont inquiètes de la mise en cohérence de la carte des cours d'appel avec celle des nouvelles régions, qui pourrait induire une partition judiciaire des juridictions de Loire-Atlantique entre les cours d'appel de Rennes et d'Angers. Où en est-on exactement ? Les Bretons s'étaient déjà opposés avec succès à un tel projet de démantèlement en 2007. Le Gouvernement de l'époque avait dû renoncer. Il est admis que la cour d'appel de Rennes fonctionne bien.

Les Pays de la Loire ont été traumatisés par l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Y aura-t-il des compensations, notamment dans le domaine de la justice ?

Protection de l'enfance et contrats locaux de sécurité

Mme Victoire Jasmin .  - Dans son dernier rapport intitulé « Droits de l'enfant en 2017 », le Défenseur des droits, pointait l'existence, dans notre pays, d'un « déséquilibre entre les droits consacrés par les textes législatifs et réglementaires ou les plans d'action nationaux, et les droits réalisés de manière effective pour tout un chacun ».

C'est particulièrement évident dans nos territoires ultramarins, qui s'illustrent malheureusement comme les départements les plus touchés par les violences faites aux enfants.

Or les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), les groupements locaux de prévention (GLP), ou encore les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD), permettent aux acteurs locaux de se saisir de manière obligatoire et volontariste de cette problématique, et résorber le déséquilibre entre droits théoriques et droits réels. En effet, ces dispositifs locaux de sécurité sont des lieux de partage et d'échange d'informations entre des responsables publics et privés, pour définir de façon partenariale, des plans d'action pertinents concrets et opérationnels sur chaque territoire.

Inscrire de manière obligatoire la déclinaison d'actions en faveur de la protection des mineurs au sein de tous les CLSPD/GLP/CISPD nationaux favoriserait l'effectivité des mesures nationales en faveur de la protection de l'enfance.

Ces conseils locaux de sécurité constitueraient le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l'insécurité, la prévention de la délinquance et la protection des mineurs dans toutes les communes.

Des actions concrètes et spécifiques en prévention de toutes les formes de violences auxquelles peuvent être confrontés les enfants et mineurs vulnérables - violences sexuelles, violences intrafamiliales, cybercriminalité, seraient ainsi déclinées.

Allez-vous étendre les compétences obligatoires de conseils locaux de sécurité et de prévention en la matière ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La protection de l'enfance est une prérogative des conseils départementaux, qui disposent d'instances de nature à répondre aux besoins de protection et de concertation entre les institutions.

Les cellules départementales de recueil des informations préoccupantes recueillent les signaux faibles concernant des mauvais traitements. Les informations issues de différents acteurs sont recoupées et analysées à ce niveau.

Au niveau local, le CLSPD, présidé par le maire, est le cadre de concertation pour la lutte contre la délinquance des mineurs. Le GLTD, groupe local de traitement de la délinquance, présidé par le procureur de la République, définit les politiques à mettre en oeuvre. Les CLSPD s'occupent de prévention de la délinquance. Créer une nouvelle instance introduirait de la confusion alors que le dispositif existant, placé sous la responsabilité du président du conseil départemental et pluridisciplinaire, est très complet.

Mme Victoire Jasmin.  - Ma proposition répond à un constat de carence. Il faudrait le prendre en compte.

Barreau ferroviaire Roissy-Picardie

M. Édouard Courtial .  - J'ai tenu à consacrer ma première question orale au Gouvernement dans cet hémicycle, à un projet qui me tient particulièrement à coeur : les sept kilomètres du barreau ferroviaire entre Roissy et la gare de Creil relieront notre région à un aéroport international ; sept kilomètres pour nous joindre au dynamisme d'activités riches en emplois, accroître notre attractivité, nous faire basculer dans une stratégie globale d'avenir, nous désenclaver, développer l'intermodalité.

Ces sept kilomètres sont loin d'être anecdotiques pour l'Oise et ses habitants. C'est pourquoi, ils font l'objet d'un consensus au-delà des clivages partisans de la part des parlementaires et des élus locaux qui se mobilisent.

Président du conseil départemental de l'Oise, j'avais engagé le département et fédéré les intercommunalités directement concernées pour boucler le budget du projet en mars 2017.

Je suis particulièrement inquiet du report sine die du barreau ferroviaire, toutefois récemment reconnu comme prioritaire par rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, qui fait à nouveau souffler l'optimisme. Allez-vous suivre ses recommandations ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement a pleinement conscience de l'importance de ce projet, qui mettra en lien deux bassins d'activités importants et facilitera les reports modaux.

Les études postérieures à l'enquête d'utilité publique et les premières acquisitions foncières du projet ont été inscrites dans les contrats de plan État-région (CPER) Hauts-de-France et Île-de-France 2015-2020.

La première phase du projet, évaluée à 282 millions d'euros, a été lancée le 3 mai 2017. Les Assises de la mobilité et le Conseil d'orientation des infrastructures ont mis en avant son caractère prioritaire.

Le projet de loi d'orientation sur les mobilités sera présenté au cours du deuxième trimestre 2018. Le Gouvernement construira une trajectoire pluriannuelle équilibrée entre les ressources et les besoins. L'enquête publique sur le barreau ferroviaire sera lancée dans les meilleurs délais.

M. Édouard Courtial.  - Merci, votre réponse est encourageante. Sera-t-elle gravée dans le marbre de la loi d'orientation ? Ces sept kilomètres, comme le chantait une artiste hélas récemment disparue, « c'est peut-être un détail pour vous, mais pour nous cela veut dire beaucoup... » (Sourires et marques d'appréciation)

Desserte de Digne-les-Bains par la nationale 85

M. Jean-Yves Roux .  - Je défends devant vous le projet de desserte de Digne-les-Bains, préfecture des Alpes de Haute-Provence, par la RN 85. Ce projet d'aménagement majeur s'inscrit pleinement dans la feuille de route que le chef de l'État et le Gouvernement se sont donnée. Il s'agit d'améliorer des conditions de circulation quotidienne tout en favorisant l'attractivité économique et touristique du territoire.

En effet, Digne n'étant pas desservie par le train, sa desserte par la route est un enjeu déterminant pour ce département et pour l'attractivité de la ville.

Comme l'indique très justement Mme la Ministre « quand vous êtes dans une ville moyenne mal desservie, je ne vois pas quelle entreprise va venir, il y a même des entreprises qui ont du mal à s'y maintenir ».

La desserte améliorera l'accès au TGV et à l'aéroport de Marseille-Provence.

Depuis 2014, le département des Alpes-de-Haute-Provence soutient la nécessité d'une desserte de sa préfecture par la RN 85.

Au titre du contrat de plan État-région pour 2015-2020, et plus spécifiquement pour la RN 85 entre Digne-les-Bains et Malijai, le principe de cet aménagement a été validé. La phase de concertation ainsi que le recueil des avis obligatoires préalable au dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique sont aujourd'hui clos.

Or le volet financement de cet aménagement a considérablement évolué, passant de 30 millions d'euros à 47,3 millions d'euros. Lors de sa présentation en comité de pilotage le 1er décembre 2017, la concrétisation de cette desserte, pourtant très attendue par les élus du département et les décideurs économiques, est aujourd'hui compromise. Le plan initial a enfin été fortement réduit, seules les sections 1 à 5, entre Digne-les-Bains et Malijai, étant prévues, sans abondement supplémentaire.

Lors de la clôture des Assises de la mobilité, la ministre a décrit « la réalité d'une partie de nos territoires qui se sentent déclassés, à qui on n'a pas apporté de réponses et qui voient partir entreprises et emplois ». Avez-vous l'intention de soutenir la réalisation rapide et intégrale de cet aménagement, en prévoyant le financement supplémentaire nécessaire ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Excusez l'absence de la ministre des transports. La desserte a été inscrite dans le contrat plan État-région (CPER) PACA; sa réalisation a été scindée en deux tronçons.

Entre I'A51 et Malijai, les études d'opportunité sont en cours pour définir le meilleur parti d'aménagement ; entre Malijai et Digne, 30 millions d'euros, dont 12 millions d'euros apportés par l'État, ont été inscrits au CPER pour réaliser une première phase de travaux.

Des études des services de l'État ont permis de définir un aménagement optimisé, qui devrait fiabiliser les temps de parcours.

L'enquête publique aura lieu au premier trimestre, la déclaration d'utilité publique (DUP) devrait intervenir avant la fin de l'année. La requalification de la traverse de Mallemoisson sera lancée fin 2018.

La desserte trouvera sa place dans notre stratégie de désenclavement.

M. Jean-Yves Roux.  - C'est un projet essentiel pour les Alpes-de-Haute-Provence.

Nuisances provoquées par la LGV Bretagne-Pays-de-la-Loire

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - La ligne à grande vitesse Bretagne-Pays-de-la-Loire mise en service au début du mois de juillet 2017 inflige dans la Sarthe, à près de 24 communes, des nuisances sonores importantes. Des collectifs de riverains en Sarthe, en Mayenne et en Ille-et-Vilaine ont interpellé le conseil départemental de la Sarthe, qui a formé le voeu unanime le 15 décembre que cette problématique soit traitée d'urgence par l'État et la SNCF.

Dans un document émis en 2013 par la direction régionale de Réseau ferré de France, il était précisé que la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays-de-la-Loire respecterait les seuils acoustiques de 55 et 60 décibels définis par la réglementation. Or ces seuils semblent être dépassés et atteignent parfois 90 décibels lors du passage des trains. Les dispositifs de protection sont nettement insuffisants au regard des nuisances ressenties par les habitants.

En septembre dernier, le maître d'ouvrage s'est engagé à procéder à un relevé de mesures phoniques. Toutefois, selon la réglementation en vigueur, ces expertises ne tiennent pas compte des pics sonores subis lors du passage des trains, ce qui ne traduit pas la réalité vécue par les habitants, plus particulièrement la nuit. Il est nécessaire de repenser la méthodologie des recueils sonores régie par l'arrêté du 8 novembre 1999 relative au bruit des infrastructures ferroviaires.

L'abandon du projet de construction de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes risque également de provoquer une intensification du trafic ferroviaire et de renforcer les nuisances pour les riverains qui, exaspérés, espèrent un soutien sans faille de l'État. Le ministre de la transition écologique et solidaire avait eu des propos rassurants lors d'un déplacement dans la Sarthe le 8 janvier dernier.

Quelles mesures techniques seront retenues pour réduire les nuisances insupportables liées au bruit et aux vibrations et des compensations financières pourront-elles être envisagées ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement est conscient du problème ; nous avons été saisis par des associations d'élus. Le gestionnaire d'infrastructures a une obligation de résultats. Des mesures de bruit sont en cours ; si elles révélaient des dépassements, le Gouvernement imposerait au gestionnaire d'agir sans délai. Des mesures complémentaires des pics sonores seront également menées. Le Fonds de solidarité territoriale sera également mobilisé pour financer des aménagements au-delà des exigences réglementaires.

Mme Nadine Grelet-Certenais.  - La réglementation n'est plus adaptée : les riverains attendent beaucoup des mesures techniques que vous prendrez.

Situation de l'A10 en Île-de-France

M. Jean-Raymond Hugonet .  - Située en grande couronne du sud francilien, l'autoroute A10, dans sa section en Ile-de-France, revêt un caractère urbain et périurbain ; elle est structurante pour les trajets entre domicile et travail, dans un secteur géographique où les transports en commun font défaut. Mais, alors que les autoroutes franciliennes deviennent payantes à 50 kilomètres de la capitale en moyenne, l'A10 devient payante à 23 kilomètres de Paris; les milliers d'habitants de ce territoire subissent une véritable discrimination tant cette autoroute est la voie principale pour se déplacer. Les hausses de péage successives ne se justifient pas : en dix ans, le ratio de profitabilité des concessions autoroutières est passé de 17,7 à 29,2% ! La hausse des péages relève du racket.

Au total, le péage coûte 10 millions d'euros par an aux usagers franciliens, autant aux collectivités locales qui tentent de faire face comme elles le peuvent au trafic d'évitement sur le réseau secondaire. Le péage provoque des nuisances et des agressions environnementales sur l'ensemble de la voirie locale ainsi qu'un accroissement des émissions de CO2 en raison de sa saturation matin et soir.

Il est urgent de changer de modèle, par exemple en créant une carte d'abonnement pour les usages quotidiens. Quand ferez-vous cesser ce scandale ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Un groupe de travail parlementaire a rendu un rapport sur le sujet en février 2015. Le Gouvernement a contraint, en réponse, l'évolution des péages et prévu la fin anticipée de la concession autoroutière si le chiffre d'affaires du concessionnaire excède un certain seuil. Des indicateurs de performance ont été définis.

La loi Macron de 2015 donne à l'Arafer un pouvoir de contrôle et de sanction sur les concessions autoroutières. La gestion de l'A10, assurée par Cofiroute, fait l'objet de nombreuses plaintes : les demandes de gratuité pour la section francilienne sont récurrentes. Racheter le péage coûterait des centaines de millions d'euros, ce qui est excessif. L'État a consenti des efforts importants pour améliorer les conditions d'utilisation, notamment en facilitant avec des abonnements préférentiels l'utilisation du covoiturage.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Nous n'avons pas la même notion de rééquilibrage ! Cofiroute annonce fréquemment des plans financiers et de graves difficultés ; les usagers, eux, paient la note. C'est un scandale !

Part d'énergie nucléaire dans le mix énergétique à l'horizon 2025

Mme Nelly Tocqueville .  - La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe l'objectif de réduire la part de production d'énergie nucléaire de notre pays. Le mardi 7 novembre 2017, cependant, le Gouvernement a annoncé son renoncement à atteindre la part de 50 % d'énergie nucléaire dans le mix énergétique français à l'horizon 2025. Il faudra s'appuyer sur les centrales à charbon...

Faudra-t-il prolonger l'exploitation des centrales nucléaires, qui passeront, dans mon département, le seuil des quarante ans ? Il est essentiel de connaître au plus vite les arbitrages du Gouvernement ; il semble que le choix interviendra avant le rapport de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur le sujet, c'est-à-dire sans que le gendarme du nucléaire ait pu dire son mot - et alors qu'EDF risque de connaître des difficultés financières propres à réduire ses capacités d'investissement dans la sécurité. Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour accélérer le développement des énergies renouvelables et prouver son volontarisme ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Notre stratégie énergétique repose sur le combat pour le climat. Les centrales à charbon seront fermées, quatre dans votre département et une au Havre. Il faut, et je commence par-là, libérer en parallèle les énergies renouvelables. Nous allons notamment développer l'éolien en mer, la méthanisation, le photovoltaïque avec un doublement des appels d'offres dès cette année.

L'objectif de baisse de 50 % de la part de l'atome dans le mix énergétique est maintenu, mais l'échéance de 2025, irréaliste et non sincère, a été abandonnée.

La sûreté des installations est bien sûr une priorité, l'ASN y veille, aussi bien que l'IRSN - et pour la première fois le Parlement sera associé à la réflexion sur ces sujets dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie.

Mme Nelly Tocqueville.  - Merci. J'attire votre attention sur le gisement d'emplois que représentent les énergies renouvelables : il faut anticiper les fermetures et faire en sorte que les emplois liés aux énergies renouvelables aillent pour partie aux sites touchés par les fermetures de centrales nucléaires.

Lutte contre la désertification médicale dans l'Aisne

Mme Patricia Morhet-Richaud, en remplacement de Mme Pascale Gruny .  - Mme Gruny souhaite alerter sur l'aggravation de la désertification médicale dans le département de l'Aisne ; il comptait encore 632 médecins généralistes en 2010, mais ils ne sont plus que 528 en 2017, dont une bonne partie est en fin de carrière.

Le Gouvernement a présenté le 13 octobre 2017 son plan pour lutter contre la désertification médicale, avec l'incitation financière à l'installation des médecins dans les zones sous-denses, ainsi qu'un plan de financement de 400 millions d'euros pour doubler le nombre de maisons de santé sur le territoire national dans les cinq années à venir. Il faudrait faire plus et agir en amont de la première installation des médecins post-internat, c'est-à-dire dès le choix du lieu du stage de six mois que les étudiants en médecine doivent réaliser auprès d'un médecin généraliste. Le lieu du stage effectué par l'étudiant décide à 60 % du lieu d'installation du futur praticien.

Une majorité des Axonais qui se destinent à la médecine générale vont à la faculté à Reims, c'est-à-dire dans un autre département. Sans accord pédagogique et sans possibilité de transaction financière entre les agences régionales de santé, les Axonais qui étudient à Reims ne peuvent pas faire leur stage d'internat dans l'Aisne. Il conviendrait de permettre à un médecin stagiaire de réaliser son stage d'internat dans son propre département, même s'il fait ses études dans une autre région que la sienne. Face au défi majeur de la désertification médicale, quelle est votre position sur cette proposition ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser Mme Buzyn. La désertification médicale est l'une des priorités de notre Gouvernement, qui a lancé un programme d'investissement de 400 millions d'euros pour développer la télémédecine et 200 millions pour faciliter l'installation dans les zones rurales. Les offres de stage en ville ont augmenté de 50 %.

La ministre a reçu la demande que vous évoquez pour les étudiants de la faculté de Reims venant de l'Aisne. Une réflexion est en cours. Les freins seront levés ; nous allons identifier les spécialisations à cibler et trouver des solutions pérennes et efficaces. La ministre et son cabinet restent à votre écoute.

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - C'était une question de bon sens. Le département de l'Aisne a l'une des densités médicales les plus faibles de France ; seuls 24 médecins s'y sont installés en 2016, alors que 172 médecins s'installaient dans les Alpes-Maritimes. Il y a urgence.

Aide financière de l'État au centre hospitalier universitaire de Marseille

Mme Mireille Jouve .  - Alors que la paralysie financière menace, l'État, via le Comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins (Copermo), doit apporter un soutien estimé entre 250 et 300 millions d'euros au plan de modernisation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. Je m'en félicite mais regrette que ce refinancement soit conditionné à d'importantes suppressions de postes, estimées entre 800 et 1 000 personnes, dont 400 personnels soignants. En effet, dans de multiples unités, les effectifs se trouvent déjà en tension maximale. Depuis 2015, 213 postes, dont 81 personnels soignants, ont déjà disparu.

Une restructuration trop brutale de l'AP-HM aurait des effets pervers en particulier sur l'absentéisme, qui grève le budget et trouve aujourd'hui sa justification dans l'épuisement de la plupart des équipes soignantes. Le modèle de fonctionnement actuel de l'AP-HM montre certes ses limites ; mais il faut réévaluer progressivement, à mesure de la restructuration, le niveau des réductions de postes qui vont accompagner ces mutations. Les investissements nécessaires doivent intervenir avant les ajustements d'effectifs - ou bien il y a peu de chance que le plan de modernisation ne réussisse.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Je réponds à nouveau au nom de Mme Buzyn.

Le Copermo a déclaré éligible le projet de modernisation de l'AP-HM, cela signifie que ses grands principes sont en phase avec ce que nous attendons d'une grande opération d'investissement hospitalier. C'est une première étape ; le projet doit encore, avant d'être validé définitivement, passer la contre-expertise menée par le Secrétariat général pour l'investissement.

La ministre souhaite le plein succès de ce projet et elle a toute confiance dans les équipes pour engager l'AP-HM sur la voie du redressement ; elle rencontrera prochainement les élus locaux.

Mme Mireille Jouve.  - Je vous remercie.

Conséquences de la perte de la compétence eau-assainissement dans l'Aude

Mme Gisèle Jourda .  - Les articles 64 et 66 de la loi NOTRe prévoient, à compter du 1er janvier 2020, le transfert de l'eau et l'assainissement gérés en régie municipale de la compétence communale à celle de l'intercommunalité.

Le 23 février 2017, nous adoptions à l'unanimité une proposition de loi, issue des rangs de mon groupe politique, pour donner aux communes la faculté de s'opposer à un tel transfert. L'Assemblée nationale l'a repris, mais pour en faire, avec quelques modifications, une PPL de La République en Marche, texte adopté le 31 janvier dernier.

Avec la loi NOTRe, la commune perdra la maîtrise de ce bien naturel qu'est l'eau de source qui naît sur son territoire, alimente sa population et participe fortement au développement de l'économie locale. C'est ainsi que la commune de Saint-Just-et-le-Bézu, dans l'Aude, perdra cette compétence, au profit de la communauté de communes des Pyrénées Audoises.

Symétriquement, l'intercommunalité ne dispose pas toujours de personnel qualifié et ne peut se permettre des dépenses nouvelles dans un contexte de dépenses publiques contraint. Elle risque donc de mettre en fermage ce bien, avec des répercussions sur le budget des collectivités et sur le prix de l'eau. La communauté de communes de la montagne Noire se trouverait fragilisée financièrement par l'acquisition de cette compétence et ne pourrait l'exercer dans des conditions cohérentes.

Monsieur le Ministre, ces deux propositions de loi donnent la possibilité aux communes de s'opposer, d'ici le 1er juillet 2019, au transfert de leur compétence eau et assainissement. Avez-vous l'intention de faire prospérer l'un de ces textes, en l'inscrivant à l'ordre du jour parlementaire ? Ou bien allez-vous les laisser moisir dans les oubliettes de la navette ? Les élus ruraux attendent un engagement fort ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Les compétences eau et assainissement seront optionnelles pour les communautés de communes et communautés d'agglomération jusqu'en 2020. Jacqueline Gourault, missionnée par le Premier ministre, a conduit une concertation approfondie pour identifier les difficultés de transfert. Le Sénat a voté une proposition de loi le 21 décembre 2017 maintenant définitivement ce caractère optionnel. Un texte voté par l'Assemblée nationale, le 31 janvier 2018, va dans le même sens en donnant notamment la possibilité aux communes de s'opposer au transfert jusqu'en 2026.

J'entends votre demande que ce texte soit rapidement soumis au Sénat. Le Gouvernement y est favorable, dès lors que la concertation a été conduite avec une grande efficacité.

Mme Gisèle Jourda.  - Je sais que Mme Gourault est sensible à ce sujet. Nous serons toutefois vigilants à l'occasion de l'examen du texte que vous évoquez.

Engorgement des services de l'état civil des communes sièges d'un tribunal d'instance

M. Daniel Gremillet .  - Depuis le 2 novembre 2017, les officiers civils des communes sièges d'un tribunal d'instance assurent l'enregistrement des Pacs. À Épinal, on compte 345 dissolutions par an et 120 à 180 nouvelles déclarations de Pacs.

Une partie des dossiers concerne des populations d'autres communes. Il faudrait donc prévoir une indemnisation spécifique de la ville, plutôt qu'une compensation puisque le Conseil constitutionnel a indiqué que les communes, juridiquement, n'y avaient pas droit étant donné que cette compétence ne résulte pas d'un transfert. De plus, seules les villes équipées d'un dispositif de recueil biométrique peuvent délivrer les passeports et les cartes d'identité ; à Épinal, l'aide de l'État est de 35 000 euros et 65 000 euros restent à la charge de la ville.

Que compte faire le Gouvernement pour aider ces communes ?

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - La modernisation des services publics impose le redéploiement des compétences de l'État vers les communes pour davantage de proximité et d'efficacité.

La réforme des cartes d'identité vise à simplifier les démarches, à sécuriser la procédure et à lutter contre la fraude. Les communes doivent s'équiper. Il ne s'agit pas d'une compétence nouvelle puisque cette mission est exercée par les maires depuis des décennies. Le Gouvernement, après avoir échangé avec l'AMF, a pris des engagements financiers fermes. Cette année, nous avons multiplié par deux, de 18 à 40 millions d'euros, la participation de l'État pour les titres sécurisés. Une revalorisation forfaitaire de 8 580 euros à 12 130 euros est prévue quand l'activité dépasse 1 875 titres par an. En plus des 280 stations supplémentaires installées l'an passé, 250 le seront cette année.

Quant à la loi sur la modernisation de la justice du XXIe siècle, le Conseil constitutionnel a tranché en indiquant que le changement de prénom et l'enregistrement du Pacs ne justifiait pas de compensation financière car ce sont des missions exercées au nom de l'État, il n'y a donc pas de transfert de compétence.

M. Daniel Gremillet.  - On peut certes saluer la volonté du Gouvernement de recentrer la tâche des tribunaux mais les moyens manquent. Il faudrait tripler l'aide aux villes. De plus, les services publics continuent à s'éloigner des citoyens alors que l'on taxe de plus en plus les déplacements. Ce sont les territoires et les contribuables qui paient.

Situation du logement social

M. Daniel Chasseing .  - Les bailleurs sociaux s'inquiètent de la baisse concomitante des aides personnalisées au logement (APL) et des loyers, prévu à l'article 126 de la loi de finances pour 2018.

En Corrèze, la perte pour les bailleurs sociaux s'élève à quatre millions d'euros. Le président de la République s'est engagé à ce qu'il n'y ait pas de perdant. Est-ce qu'il suffira de moduler la cotisation sur la caisse de garantie assise sur les ventes de logements et d'augmenter la TVA sur la construction et les rénovations de logements sociaux ? Prévoyez-vous d'autres mesures ?

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le Gouvernement porte une réforme ambitieuse du logement social, qui passe par l'évolution du mode de financement, la réorganisation du tissu des opérateurs de logement social et en définissant un programme nouveau en matière de politique des loyers.

L'article 126 de la loi de finances prévoit une baisse sur trois ans des loyers des ménages modestes dans le parc social, une réduction du loyer solidarité ; la baisse des APL sera mise en oeuvre progressivement, compensée par la hausse de la TVA de 5,5 à 10 % sur la construction et la rénovation des logements sociaux.

Une péréquation est prévue pour aider les bailleurs sociaux les plus fragiles. La contribution des quatre bailleurs sociaux de Corrèze sera identique à celle des autres bailleurs en moyenne nationale. De plus, le taux du livret A reste inchangé sur deux ans, à 0,75 %.

La Caisse des dépôts et consignations a mis en place une enveloppe actuarielle de trois cents millions d'euros pour aider les bailleurs. Deux milliards d'euros sont aussi destinés à soutenir les investissements sous forme de prêts garantis.

M. Daniel Chasseing.  - Merci pour ces réponses. Les bailleurs sociaux jouent un rôle essentiel dans les départements ruraux.

Finances des territoires touristiques de montagne

Mme Martine Berthet .  - Les élus des territoires de montagne sont en colère. L'équilibre économique précaire de nos stations et de nos vallées impose de prendre en compte le fait montagnard.

Loin de gommer les différences territoriales, le mode de calcul du prélèvement au titre du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) les accentue en donnant, via le coefficient logarithmique de population, un avantage aux territoires urbains qui ont profité des fusions d'EPCI.

Les territoires de montagne subissent la double peine puisque la constitution d'EPCI élargis demeure compliquée et que le dispositif ne tient pas compte des charges de fonctionnement supportées par ces collectivités - sachant que les résidences secondaires ne sont pas prises en compte dans le calcul de la population pour la DGF.

Les territoires touristiques de montagne subissent, quant à eux, la triple peine puisque le potentiel financier agrégé (PFIA) est calculé sur des recettes dont une part importante doit être réinvestie dans l'outil économique.

Il serait judicieux d'intégrer un critère d'équilibre compensant les effets négatifs de la prime à la population pour les territoires ruraux, par exemple en multipliant la population DGF par deux en zone de montagne. Que compte faire le Gouvernement à ce sujet ? Il en va de la survie de nos territoires de montagne, de nos collectivités, de leurs habitants, de leurs emplois et de leur identité.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - La répartition 2017 du FPIC confirme son efficacité péréquatrice et tient compte de la situation très hétérogène des communes de montagne. Les communes touristiques bénéficient de ressources supplémentaires, prises en compte dans les indicateurs financiers, tandis que les communes rurales sont souvent plus pauvres.

Avec un revenu moyen par habitant de 13 574 euros et un potentiel financier agrégé (PFIA) de 597 euros, les territoires de montagne se situent en dessous de la moyenne nationale, qui est de 14 304 euros et 617 euros.

Les territoires sont contributeurs au FPIC mais également bénéficiaires. Le prélèvement moyen par habitant est inférieur à la moyenne nationale. Les communes de montagne touristiques, plus riches, sont contributeurs nets tandis que les communes de montagne classées en zone de revitalisation rurale sont bénéficiaires nettes.

Le prélèvement moyen par habitant dans les communes de montagne touristiques est très élevé - 28,78 euros - ce qui confirme l'importance des ressources de ces collectivités.

Dès lors, instaurer un traitement dérogatoire des communes de montagne ne se justifie pas car la répartition du FPIC ne les défavorise pas.

Mme Martine Berthet.  - Attention à ne pas casser la corde à force de tirer dessus : les communes touristiques ont des ressources, mais aussi beaucoup de charges pour assurer l'entretien de l'infrastructure. N'oubliez pas la recette de TVA : 600 millions d'euros chaque hiver pour la Tarentaise, sans parler des emplois créés. N'abîmons pas cet outil !

Situation des greffiers des tribunaux de commerce

M. Vincent Delahaye .  - Il y a deux ans, le président de la République, alors ministre de l'économie, s'intéressait à la réforme des professions réglementées - dont celle de greffier de tribunal de commerce.

Les greffiers sont rémunérés autour de 30 000 euros nets par mois. La profession est endogamique : selon un rapport de l'Inspection générale des finances remis en mars 2013, sept familles détenaient plus de 15 % des offices.

Afin de réduire cette rémunération difficilement justifiable, la loi du 6 août 2015, dite loi Macron, a prévu une baisse de 5 % des tarifs et une gratuité d'accès aux données de la plateforme Infogreffe. Mais le droit de présentation n'a pas été réduit au profit de la libre installation, comme pour les notaires.

Où en est cette réforme ? Ne faudrait-il pas prévoir une nouvelle baisse des tarifs et accroître la concurrence par la libre installation ?

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État .  - La loi du 6 août 2015 a profondément modernisé l'activité des greffiers des tribunaux de commerce. Comme pour les autres professions juridiques, les tarifs sont désormais définis sur la base d'une approche économique. En février 2016, ils ont baissé de 5 %. Ces tarifs doivent être révisés tous les deux ans et feront donc prochainement l'objet d'un nouvel arrêté conjoint des ministres de la justice et de l'économie, sur la base d'une expertise de la DGCCRF.

La carte d'installation des greffiers est la résultante de la carte judiciaire. La liberté d'installation n'est donc pas la bonne solution. En revanche, le législateur a souhaité rendre plus méritocratique l'accès à la profession via un concours, solution recommandée par la mission présidée par Richard Ferrand. La titularisation sera conditionnée à la réussite du concours : le premier sera ouvert en 2018.

Dans le cadre du Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), une simplification est prévue avec notamment la fusion de certains registres, ce qui pose la question de la modernisation de la fonction de teneur de registre...

M. Vincent Delahaye.  - Merci pour ces réponses. Le concours est une solution adaptée. Quelles sont les conséquences de la baisse des tarifs sur la rémunération des greffiers ? J'attends de voir les mesures qui seront prises dans le cadre du Pacte. Le sujet intéresse nos concitoyens.

Utilisation de l'Eusko par la ville de Bayonne

M. Max Brisson .  - L'Eusko est véhiculée par 3 000 particuliers et 650 entreprises au Pays basque, ce qui en fait la deuxième monnaie locale complémentaire d'Europe. La loi de 2014 relative à l'économie sociale et solidaire encourage le développement des monnaies locales complémentaires qui ancrent territorialement les revenus générés par les acteurs locaux. Au Pays basque, territoire qui compte 85 % de TPE, le recours à cette monnaie est bien un levier de développement.

La ville de Bayonne a adopté une délibération lui permettant de recevoir et d'effectuer des paiements en Eusko. Cette délibération a été déférée par le préfet devant le tribunal administratif sur le fondement du décret du 7 novembre 2012 et de l'arrêté ministériel du 24 décembre 2012, qui ne mentionnent pas les monnaies locales - auxquelles la loi du 31 juillet 2014 a pourtant donné une base légale.

Que compte faire le Gouvernement pour lever cette contradiction, alors que de nombreux projets de monnaie locale sont en cours ?

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - La loi du 31 juillet 2014 a reconnu le statut des monnaies locales complémentaires et encadré leur émission, sans pour autant autoriser les collectivités territoriales à effectuer des paiements en monnaie locale. En effet, l'utilisation d'une telle monnaie remettrait en cause l'égalité devant les services publics nationaux, nécessiterait la mise en place d'une double comptabilité, sans parler des risques pour les investissements publics à être réalisés dans des monnaies potentiellement volatiles.

Attention aussi aux risques de repli sur l'activité territoriale, de perte de confiance dans la monnaie nationale, de distorsions de concurrence, de perte de pouvoir d'achat. Pour le reste, le Gouvernement ne souhaite pas se substituer au jugement rendu par la juridiction administrative.

M. Max Brisson.  - Je regrette votre réponse qui ne clarifie pas les choses. L'engouement va prendre de l'ampleur. Laisser la justice décider, c'est laisser la porte ouverte à des interprétations différentes. Le Gouvernement a manqué là une occasion d'exprimer son attachement à la diversité des territoires et à l'économie sociale et solidaire.

Démarchage téléphonique

M. Olivier Cigolotti .  - Alors que le dispositif Bloctel issu de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation est censé lutter contre le démarchage téléphonique, neuf Français sur dix se disent excédés par son inefficacité.

Il est interdit, sous peine d'amende, de démarcher par téléphone des consommateurs inscrits sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique, or les consommateurs reçoivent en moyenne quatre appels téléphoniques de ce type par semaine.

À ma question écrite du 16 février 2017, le Gouvernement avait répondu qu'il fallait laisser au récent dispositif le temps de produire son plein effet avant de revoir, éventuellement, la législation...

Les opérations de contrôle de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont manifestement peu efficaces. Le Gouvernement entend-il réviser le dispositif pour limiter le démarchage téléphonique ? Augmenter les amendes ? Intensifier des contrôles ? Ou encore mettre en place un indicatif permettant aux consommateurs de reconnaître ce type de démarchage avant de décrocher ?

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Plutôt qu'interdire le démarchage téléphonique, le législateur de 2014 a choisi d'instituer une liste d'opposition, à charge pour les entreprises de s'assurer, avant toute prospection, que les numéros ne sont pas inscrits sur cette liste.

Ce dispositif a été mis en place en juin 2016, sa gestion confiée à la société Opposetel. Le nombre de consommateurs inscrits atteint 3,5 millions, preuve que Bloctel répond à une attente des Français.

En moyenne, chaque numéro de téléphone inscrit sur Bloctel a été retiré plus de six fois par semaine des listes de prospection téléphonique. Ce dispositif a donc évité de nombreux appels, même s'ils restent trop nombreux pour les consommateurs qui ont cru que les appels cesseraient automatiquement.

Toutefois, seules 800 entreprises ont adhéré à Bloctel. Des campagnes de mailing sont menées pour les inciter à adhérer, tandis que la DGCCRF diligente des contrôles en lien avec les opérateurs et l'Arcep : 134 entreprises contrevenantes ont ainsi été sanctionnées, jusqu'à 75 000 euros d'amende.

Enfin, la moitié des appels dénoncés relève de la fraude aux numéros surtaxés, sujet distinct sur lequel la DGCCRF est également fortement mobilisée.

M. Olivier Cigolotti.  - Trop peu d'entreprises -  1 % seulement  - adhérent à Bloctel. Nos concitoyens s'agacent. Vos services doivent insister sur l'obligation faite aux entreprises de s'inscrire sur Bloctel.

La séance est suspendue à midi dix.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.