Questions d'actualité
M. le président. - Je félicite M. Patrick Kanner, élu président du groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur tous les bancs)
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. La séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook.
J'appelle au respect des uns et des autres, et des temps de parole.
Notre-Dame-des-Landes (I)
M. Jean-Claude Requier . - Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé la semaine dernière l'abandon du projet de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes. (Exclamations sur divers bancs)
Après de longues années de fuite en arrière, il était temps que la voix de l'État retrouve sa crédibilité.
M. Philippe Dallier. - C'est réussi !
M. Jean-Claude Requier. - Notre groupe salue votre décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Vous avez fixé au printemps prochain le dernier délai d'évacuation de la ZAD, qui regroupe des occupants sans droits ni titre et exigé le déblocage immédiat des routes qui la traversent. Il n'est pas acceptable qu'une minorité bloque un projet au mépris du processus démocratique. Quel est votre calendrier ?
« Je ne veux plus voir ce genre de ZAD en France » a dit le président de la République. Quelles mesures comptez-vous prendre pour maintenir l'ordre républicain et faire respecter l'autorité de l'État dans la cinquantaine d'autres ZAD identifiées ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur certains bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - J'ai pris une double décision : mettre un terme au projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes et revenir à la légalité dans cette zone.
Cela se fera en deux temps : d'abord la libération des axes routiers, qui sera effective avant la fin de la semaine, puis le départ de ceux qui occupent sans titre des terrains qui ne leur appartiennent pas. Sous la précédente législature, les conditions permettant à ces occupants d'être considérés comme résidents ont été étendues. C'est la loi, je le constate. À l'expiration de la trêve hivernale, les occupants sans titres devront avoir libéré les lieux ou seront expulsés.
La vocation agricole des terrains étant affichée, les propriétaires expropriés pourront récupérer leur terrain, s'ils le souhaitent.
Quant aux autres projets dont la réalisation pourrait être contrariée, ils font l'objet d'une contestation qui est parfois de bonne foi mais souvent, en réalité, une opposition frontale, parfois violente, à un mode de décision et à l'État lui-même.
Il faut éviter l'enracinement, l'occupation durable des terrains et les troubles à l'ordre public en agissant tôt. Nous devons réagir suffisamment tôt pour que jamais la division soit telle qu'elle condamne le projet. C'est une tâche difficile mais nous sommes déterminés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)
M. Jean-Claude Requier. - Pour restaurer l'autorité de l'État, nous serons toujours derrière vous. Mais sur les ZAD, ce sera plus difficile que de baisser la vitesse à 80 km/h. (Applaudissements et rires sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains)
Rémunération des hauts fonctionnaires
M. Pierre-Yves Collombat . - « Les hauts fonctionnaires se sont constitués en caste. Il n'est pas acceptable qu'ils continuent à jouir de protections hors du temps ». Ainsi parlait le révolutionnaire Emmanuel Macron en campagne... (Sourires)
Parmi leurs privilèges : des allers-retours lucratifs entre public et privé, de très hauts revenus. Quelque six cents hauts fonctionnaires perçoivent plus de 150 000 euros nets, soit le montant de l'indemnité du président de la République. Quand allez-vous en publier la liste ? Quand allez-vous mettre fin à cette situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - La rémunération des hauts fonctionnaires est encadrée par des règlements et des lois. (Le ministre est invité à parler plus distinctement par de nombreux sénateurs.)
L'amplitude des rémunérations dans la fonction publique varie de 1 à 11, contre 1 à 70 dans le secteur privé. Cela relativise le procès fait à la fonction publique. (Exclamations à gauche) Dans l'immense majorité des cas, les niveaux de responsabilité et de qualification justifient les traitements.
Le déploiement du régime indemnitaire a permis de progresser dans la transparence et la cohérence des rémunérations : il s'applique désormais aux sous-directeurs et chefs de service d'administration centrale, aux directeurs de l'administration territoriale de l'État et aux préfets et sous-préfets.
Un référé de la Cour des comptes a demandé qu'il soit mis fin aux irrégularités. Elles sont en résorption depuis le début des années 2000 ; ne demeurent plus que sept situations relevant d'un droit exorbitant, dont l'extinction est prévue pour le 1er janvier 2019, contre 2023.
Enfin, nous sommes en train de mettre fin à la sur-rémunération des administrateurs généraux des finances publiques, dont le nombre et la rémunération a déjà baissé. La fonction publique dans son ensemble ne saurait être la cible de critiques qui ne visent que quelques-uns et sont l'héritage du passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Pierre-Yves Collombat. - Monsieur le Secrétaire d'État, la réponse à ma question, si je comprends bien, est : touche pas à la bureaucratie céleste, touche pas au grisbi ! (Rires)
En fait de la révolution annoncée, même pas une émeute, mais un simple produit marketing pour se faire mousser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)
Opération turque en Syrie (I)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Merci, Monsieur le Président, pour vos félicitations.
Depuis samedi, plusieurs villes du nord de la Syrie, dans la région d'Afrin, sont pilonnées par l'armée turque, qui vise les positions des forces kurdes des YPG. Il y a eu de nombreuses victimes civiles, dont des enfants. La situation est dramatique, dans une zone jusqu'ici épargnée par les combats ; ce conflit charrie les germes d'un embrasement régional. En intervenant avec ses troupes au sol, le président Erdogan repousse les perspectives de paix et bouscule le rapport de force au sein des forces libres syriennes.
Pourtant les YPG ont largement contribué à la défaite de Daech : c'est un élément essentiel du front commun contre le terrorisme qui est attaqué.
Cette intervention étant en violation patente du droit international, la France a demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations Unies. Quel en a été l'issue ?
Cette opération s'appelle, de manière provocante, « Rameau d'olivier ». Que faire pour obtenir un cessez-le-feu au plus vite, alors que les États-Unis se désengagent ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE, et sur certains bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Je salue tout d'abord votre prédécesseur, Didier Guillaume, et vous adresse mes félicitations pour votre élection à la tête du groupe socialiste.
Si nous n'ouvrons pas de perspective politique crédible en Syrie, la défaite de Daech conduira à la multiplication des conflits : Turcs contre Kurdes, Kurdes contre Arabes, Israël contre Hezbollah. Nous y sommes.
Nous pouvons entendre les inquiétudes sécuritaires turques, mais la priorité reste le combat contre Daech, qui n'est pas fini. La situation humanitaire reste très fragile, alors que le régime conduit des bombardements indiscriminés. De plus, 400 000 civils sont toujours assiégés dans l'enclave de la Ghouta près de Damas.
Saisi à notre initiative, le Conseil de sécurité a appelé la Turquie à la retenue. Mais l'essentiel est de trouver une solution politique durable pour un retour rapide à la stabilité en Syrie : c'est la seule garantie pour sa population et pour ses voisins. Ce ne sera pas facile. La diplomatie française joue son rôle, en exposant clairement ses positions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Péages inversés
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Afin d'améliorer la qualité de l'air et la circulation, la métropole de Lille s'est inspirée de Rotterdam pour créer des péages inversés. Les automobilistes sont incités, à hauteur de 2 euros par trajet évité, à ne pas circuler sur les principaux axes aux heures de pointe.
Cette initiative, dénommée Écobonus Mobilité, est le projet phare du pacte État-métropole signé le 17 février 2017. En cas de succès, elle pourrait être étendue à d'autres villes. La ministre des transports s'est dite favorable à ce mécanisme, ainsi qu'aux péages urbains. Or le cadre juridique doit être précisé car le dispositif nécessite un traitement de données à caractère personnel. Comment envisagez-vous d'accompagner la métropole de Lille et d'alimenter la future loi sur les mobilités pour faciliter ces expérimentations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Veuillez excuser Élisabeth Borne. Le 30 janvier prochain, la France est convoquée par la Commission européenne pour répondre des dépassements de seuils de pollution atmosphérique. Face à ce fléau, qui cause 48 000 décès prématurés chaque année, nous sommes mobilisés, avec les territoires, en faveur d'une mobilité durable.
La loi autorise depuis 2010 les péages urbains mais seulement à titre expérimental, pour trois ans. La métropole de Lille envisage le péage inversé, inspiré par les pays nordiques. C'est très malin, il faut l'expérimenter.
D'autres mesures, telles que des voies dédiées pour le covoiturage, sont envisagées. Nous travaillons avec le ministre de l'intérieur pour développer des outils numériques respectant la vie privée. Ils seront intégrés à la prochaine loi Mobilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur certains bancs du groupe UC)
Notre-Dame-des-Landes (II)
M. Bruno Retailleau . - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, votre réponse à M. Requier ne nous a pas convaincus. À Notre-Dame-des-Landes, le chantage à la violence a payé, malgré les 179 décisions de justice, toutes favorables, malgré le suffrage universel, malgré l'engagement solennel du président de la République.
L'abandon marque le triomphe des ultras. M. Hulot est ressorti de la ZAD avec des épluchures sur la tête ! (Mouvements sur divers bancs)
C'est un terrible message vis-à-vis des élus de la République qui savent désormais qu'une minorité agissante peut bloquer un projet ; c'est un terrible message vis-à-vis de nos territoires de l'ouest et des Pays de la Loire. Notre grand port maritime n'est plus au niveau d'un port national. Pour prendre l'avion, il faudra aller à Paris. Toujours Paris ! Est-ce là votre conception de l'aménagement du territoire ?
Vous avez pris une décision, prenez donc vos responsabilités. Que ferez-vous pour désenclaver les Pays de la Loire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - J'entends de la déception, de la colère, de l'inquiétude. Je ne sais si j'apaiserai votre colère... Ma décision n'a pas été facile à prendre. Elle a été fondée sur l'ensemble des éléments en ma possession : les décisions de justice, les consultations avec les élus locaux, mais aussi une situation de division exceptionnelle - que, collectivement, notre pays a laissé prospérer.
À la différence d'autres projets où des oppositions locales existent, chacun était retranché derrière ses positions ; nous allions vers un affrontement certain. Ma décision est irrévocable. Il fallait rétablir l'État de droit sur la zone. Cela passe par le rétablissement de la circulation routière et la fin de l'occupation illégale.
Reste le problème de fond : les besoins de mobilité dans le Grand Ouest, la connexion aux grandes infrastructures aéroportuaires.
Une fois passé le temps de la colère, nous consulterons rapidement l'ensemble des acteurs. La ministre des transports se rendra en fin de semaine à Rennes et à Nantes pour rencontrer les élus.
Parmi les pistes, à court et moyen terme, figure le réaménagement de l'aéroport Nantes-Atlantique, d'abord par la construction d'une nouvelle aérogare sur l'emprise de l'aéroport, puis par l'allongement de la piste existante, ce qui entraînera des nuisances sonores dans certaines communes.
À Rennes, Nantes, Lorient, les infrastructures existantes devront être mises en réseau. Nos discussions avec les élus et les opérateurs seront suivies de décisions d'investissement pour améliorer la desserte aérienne. La France ne compte que deux plateformes d'envergure internationale : Paris et Nice. Même Lyon n'a qu'un aéroport de dimension nationale. Il faudra répondre à ces questions point par point : nous n'avons pas d'autre choix. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
M. Bruno Retailleau. - Il y avait un autre choix : celui du courage ! Avec l'abandon de Notre-Dame-des-Landes, la violence physique et symbolique a triomphé sur le pacte civique qui lie les Français et qui repose sur le droit et le vote. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains)
Vallourec
Mme Nadia Sollogoub . - Avec son déplacement à Toyota et la réception de 140 patrons de grandes entreprises à Versailles, le président de la République a montré sa volonté de défendre l'attractivité de la France, et de soutenir l'industrie française. L'industrie ne doit pas être oubliée. En 2016, le gouvernement avait recapitalisé ce groupe à hauteur de plus de 500 millions d'euros, via la BPI, en contrepartie de l'engagement pris auprès de M. Macron, alors ministre de l'économie, de ne fermer aucun site de production. Engagement verbal, certes, qui peut surprendre lorsque l'on s'est habitué, au formalisme des subventions versées aux collectivités.
Dans la Nièvre, où je suis élue, le site de Cosne-sur-Loire ne sera pas repris. Dans le Nord, sur le site historique de Valenciennes, où Vallourec est partenaire d'Ascometal, la reprise n'attend plus que l'accord de l'État. Des bassins d'emplois, des sous-traitants sont menacés, à Montbard, par exemple. L'État est devenu le principal partenaire de Vallourec.
Comment comptez-vous faire pour que Vallourec respecte les engagements pris il y a quelques mois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Vallourec compte 4 000 emplois en France. L'entreprise a été frappée par la chute du prix du pétrole et les surcapacités de production. Elle a dû s'ajuster et engager une restructuration profonde en 2016. Le plan de cession de la filière des puits de forage pétrolier, qui inclut les sites d'Aulnoye et de Tarbes, s'inscrit dans ce cadre.
Le Gouvernement a demandé à l'entreprise de trouver des repreneurs pour ces sites et d'étendre la poursuite des discussions au-delà du terme fixé par l'entreprise à fin février. Le délégué interministériel aux restructurations industrielles, M. Jean-Pierre Floris ; recevra demain les élus.
Couverture numérique en Outre-Mer
M. Antoine Karam . - Le 14 janvier, l'Arcep annonçait la signature d'un accord historique, afin de généraliser « une couverture mobile de qualité pour l'ensemble des Français ». En réalité, la France hexagonale et la Corse. Il en va différemment en outre-mer, écarté, au motif de différences de fréquences, d'obligations, etc.
Sur le site Monreseaumobile.fr, on constate que la carte, limitée à l'Hexagone et à la Corse, oublie derechef l'outre-mer. Pourtant, les besoins sont réels : si les satellites mobiles sont lancés de Guyane, le réseau y est défaillant...
L'attribution de nouvelles fréquences aux opérateurs ultramarins en 2016 a apporté une amélioration, mais c'est insuffisant.
Nous dénonçons que l'outre-mer soit exclu d'un accord ambitieux. Quelle est la stratégie du Gouvernement outre-mer pour mettre fin, une fois pour toutes, aux zones blanches ? (Applaudissements)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Je vais vous rassurer. Sur l'Internet fixe, les outre-mer sont pleinement intégrés à la feuille de route du Gouvernement dévoilée le 14 décembre à Cahors par le Premier ministre.
Quelque 90 millions d'euros de subventions de l'État sont engagés, et 40 millions supplémentaires spécifiquement pour la Guyane.
Nous travaillons avec l'Arcep pour arriver à une couverture mobile généralisée selon le même calendrier que dans l'Hexagone.
Le chantier sera inscrit aux Assises de l'outre-mer.
Les opérateurs, à compter de juillet 2018, seront tenus de publier la carte de leur couverture mobile et de leurs équipements, dans l'Hexagone comme outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Opération turque en Syrie (II)
M. Olivier Léonhardt . - Nous sommes très préoccupés par l'intervention turque dans la province d'Afrin, au nord de la ville martyre d'Alep où les forces kurdes sont bombardées, en violation du droit international. Les victimes civiles sont nombreuses dans cette ville dont le seul crime est d'être dirigée par les forces kurdes, qui ont défait Daech à Kobané et libéré Raqqa. C'était l'une des rares villes syriennes à ne pas avoir été détruite.
Monsieur le Ministre, vous avez à raison saisi le Conseil de sécurité de l'ONU, mais aucune mesure n'en est sortie. Allons-nous demander le retrait de l'armée turque ? L'appeler à la retenue est-il suffisant ? Les Kurdes sont nos alliés. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs des groupes SOCR, Les Républicains et RDSE)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - L'éradication de Daech est arrivée. Comment traduire le résultat en une libération du pays ? L'armée turque a engagé, il y a quatre jours, une opération pour assurer, légitimement, sa propre sécurité. Mais le combat contre Daech doit rester la priorité alors que la situation militaire en Syrie est très dégradée.
À Idlib, des civils sont bombardés. Dans l'enclave de la Ghouta, 400 000 civils sont assiégés.
La France appelle tous ses partenaires, dont la Turquie, à une sortie par le haut et à une solution politique. (Protestations sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
M. David Assouline. - Et les Kurdes ?
Situation dans les prisons
M. Hugues Saury . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Des incidents inacceptables ont eu lieu dans des établissements pénitentiaires, impliquant des détenus radicalisés ; les surveillants ne peuvent faire face à ces détenus trop nombreux. Il y a 488 détenus pour des faits en lien avec le terrorisme contre 390 il y a un an. Et 1 336 détenus sont en voie de radicalisation. Ils savent comment tromper les services, par la ruse et la dissimulation.
Des programmes spécifiques ont été créés à leur intention, mais l'initiative a été abandonnée à l'automne 2016 faute de résultats. L'ONU pointe la France pour la surpopulation carcérale et les conditions de détention.
Le Gouvernement a annoncé un plan global pour les prisons. Quels moyens pour faire face aux détenus violents ? Que contient-il pour éviter que les prisons deviennent des écoles de radicalisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Nathalie Goulet. - Bien dit !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Belloubet, qui discute en ce moment même avec les représentants des syndicats de surveillants. Elle s'est rendue dans plusieurs prisons, et a pu, comme vous, mesurer les difficultés. Les causes du malaise des surveillants sont multiples et anciennes. Ils assument une fonction essentielle et très difficile. Le Gouvernement y répond en proposant de créer 1 100 nouveaux emplois de surveillants, de nouveaux équipements de sécurité pour l'ensemble du personnel des prisons, des quartiers totalement séparés pour les détenus violents, des mesures indemnitaires spécifiques et ciblées, l'examen des dispositions législatives sur les feuilles des détenus. Voilà des mesures concrètes.
Les syndicats ont quitté la table des discussions. Le Gouvernement appelle à la reprise du dialogue et à la responsabilité car leur mission ne peut être interrompue. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Exposition universelle 2025
Mme Catherine Dumas . - Les élus ont appris par la presse ce week-end l'abandon de la candidature de la France à l'Exposition universelle. La décision, unilatérale et précipitée, est une mauvaise nouvelle, préjudiciable pour la France.
Un très grand nombre d'acteurs économiques étaient partie prenante. L'exposition aurait contribué au rayonnement de la France, constituant une vitrine de notre savoir-faire.
Le renoncement a-t-il pour corollaire l'abandon de la ligne 18 du Grand Paris Express entre Orly et Versailles via Saclay ? Nous sommes inquiets. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs des groupes UC et SOCR)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Le projet d'exposition universelle, ancien, a été porté par des équipes enthousiastes. Je ne méconnais pas leur déception.
Nous nous sommes intéressés très tôt à ce projet qui engageait la parole de la France.
S'il avait été soutenable sans subvention publique, nous l'aurions soutenu.
Lors du dépôt de candidature, j'ai dit très clairement que l'État se réservait le droit de ne pas le soutenir sans garanties financières privées adéquates.
Il y a quelques jours, le 18 janvier, le rapport de la direction du trésor sur le modèle économique du projet m'a été remis. Or ce modèle comportait des faiblesses. Il prévoyait une cession de foncier par un établissement public à Saclay à hauteur de 300 millions d'euros. Une cession gratuite de foncier, c'est une subvention.
Les recettes liées à la fréquentation n'auraient pas été à la hauteur.
Enfin, les partenaires privés hésitaient à s'engager, sauf si l'État se portait garant.
Le projet était peut-être beau, mais il n'était pas suffisamment solide.
Si nous étions dans une situation budgétaire où nous pouvions dire « on verra bien », nous aurions pu conclure « pourquoi pas », mais ce n'est pas le cas. Ce n'aurait pas été raisonnable.
Vous avez fait le lien avec le Grand Paris Express. Les difficultés techniques du projet sont considérables. La Cour des comptes dénonce le risque de dérive budgétaire. On ne peut pas faire comme si ce n'était pas grave.
Mon objectif est que le Grand Paris Express arrive à son terme. Aujourd'hui, les bases sont fragiles. Les travaux perturbent les transports du quotidien. Nous devrons trouver des solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Catherine Dumas. - Le président de la République avait dit que la France devrait apporter sa contribution à l'Exposition universelle. Nous avons besoin, en 2024, du Grand Paris Express. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Violences conjugales
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Votre Gouvernement a annoncé la volonté de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes sa priorité. En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. La Martinique est particulièrement touchée. Le dernier décès d'une femme tuée par son conjoint date de ce week-end à la Martinique. Le nombre de cas y est de 9,5 pour 1 000 contre 4,4 pour 1 000 dans l'ensemble du territoire français.
Une seule arme pour combattre ce fléau : la connaissance ! Or, selon un discours récurrent, les victimes de violences conjugales sont difficilement repérables. Seul un cas sur dix est porté à la connaissance de la police et de la gendarmerie. La hiérarchie souhaite-t-elle étouffer ces affaires pour ne pas faire croître les chiffres de la délinquance ?
Je vous le demande, le Gouvernement s'engage-t-il à réformer les indicateurs de la délinquance, en créant une ligne spécifique, au sein de l'état 4001, qui recense l'activité des services de police et de gendarmerie, pour répertorier les violences au sein du couple ? L'augmentation des faits constatés serait non négative, mais positive. On réduirait ainsi la zone grise. Un tel changement n'aurait que des vertus. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Vous avez rappelé un événement dramatique ce week-end en Martinique. La lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité absolue sur l'ensemble du territoire.
L'amélioration des connaissances est essentielle, en effet. C'est pourquoi le Gouvernement a engagé l'enquête Virage DOM portant sur 10 000 habitants. Les premiers résultats seront connus fin 2018.
Le 25 novembre, le président de la République a rappelé que les politiques publiques devaient être adaptées aux besoins des victimes. Un observatoire de l'égalité en Martinique est envisagé. Le CESE en a recommandé la création.
L'opération « Téléphone, grave danger » a aussi été lancée sur l'île. Le déploiement d'équipes spécialisées est une nécessité.
Dans le cadre du tour de France de l'égalité et des Assises de l'outre-mer, je vous invite à porter la parole sur les violences. Vous pourrez compter sur le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Réhabilitation d'une voie ferrée pour désenclaver le Centre Var
Mme Claudine Kauffmann . - Alors que le Gouvernement adopte des mesures drastiques à l'encontre des automobilistes pour les dissuader d'utiliser leur voiture, certaines zones de notre territoire ne se voient pas proposer de solutions alternatives. Ainsi le Centre Var se voit-il enclavé, en raison de l'absence de liaisons ferroviaires. Pourtant une ligne ferrée existe entre Carnoules, Brignoles et Gardanne, qui assurerait une interconnexion entre Marseille et Nice. Mais la ligne est restée inutilisée pendant des décennies à cause de lobbies locaux.
Le Gouvernement entend-il réhabiliter cette voie ? Va-t-il comprendre que priorité doit être donnée aux transports locaux ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Les Assises de la mobilité, organisées par Mme Borne, ont défini comme priorité la mobilité du quotidien. La circulation dans le Var est effectivement difficile, car peu d'investissements ont été réalisés, à cause de la priorité donnée aux lignes à grande vitesse. La ligne de chemin de fer existante n'est plus en mesure d'accueillir des trains. Les travaux exigés sont considérables et coûteux. Le conseil d'orientation des infrastructures, créé par la ministre, a pour but de déterminer les besoins et les lignes prioritaires avec deux objectifs : entretenir le réseau existant et faciliter les transports du quotidien. C'est sur la base de ses recommandations que le Gouvernement statuera.
Un texte de programmation sera présenté au printemps prochain.
Mme Claudine Kauffmann. - Merci. Je suivrai la suite de ce dossier avec le plus grand intérêt.