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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'anciens sénateurs

Accord en CMP

Communications

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Questions orales

Déplacement du centre de recherche et de développement de Galderma

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Prêts de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales

Mme Viviane Artigalas

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Situation des collectivités ayant signé un emprunt à taux fixe auprès de Dexia

M. André Reichardt

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Risques liés à la dématérialisation au sein de l'INPI

M. Xavier Iacovelli

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Communes sans dotation globale de fonctionnement frappées de prélèvements supplémentaires

M. Jean-Marc Todeschini

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Manque de moyens de l'hôpital Albert-Chenevier de Créteil

Mme Laurence Cohen

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Situation sanitaire dans le Pas-de-Calais

Mme Sabine Van Heghe

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Glyphosate

M. Henri Cabanel

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Réforme de l'apprentissage

Mme Marie-Thérèse Bruguière

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale

Illettrisme dans l'Aisne

M. Antoine Lefèvre

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale

Suppression des emplois aidés

M. Bernard Bonne

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale

Fonds de soutien au développement des activités périscolaires

M. Bernard Fournier

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale

Situation des réfugiés irakiens diplômés

M. Jean-Marie Bockel

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

État d'Israël

M. Gilbert Roger

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Sort d'un jeune avocat franco-palestinien

M. Fabien Gay

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Accès à la formation professionnelle continue des pâtres

M. Alain Duran

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Sécurisation du financement du monde associatif

M. Jean-Luc Fichet

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Contradictions de la réglementation environnementale

M. Cédric Perrin

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Report modal et ligne Lyon-Turin

M. Jean-Pierre Vial

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Délais de réservation du train de nuit Paris-Briançon

Mme Patricia Morhet-Richaud

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Dysfonctionnement des lignes aériennes d'aménagement du territoire

Mme Josiane Costes

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Avenir des petites communes

M. Guillaume Chevrollier

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Contrôle des conditions de la protection universelle maladie (PUMA)

M. Richard Yung

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Conséquences pour la Nièvre du transfert du centre d'appel du SAMU à Dijon

M. Patrice Joly

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées

Mise en oeuvre du service national universel

Mme Jocelyne Guidez

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées

Conséquences de la crise migratoire dans le Calvados

M. Pascal Allizard

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées

Modification de l'ordre du jour

La situation de la SNCF et son avenir

M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

M. Frédéric Marchand

M. Guillaume Gontard

Mme Dominique Vérien

M. Jean-Michel Houllegatte

M. Alain Fouché

Mme Josiane Costes

M. Daniel Laurent

M. Arnaud de Belenet

Mme Cécile Cukierman

Mme Michèle Vullien

M. Claude Bérit-Débat

M. Jean-Pierre Corbisez

Mme Fabienne Keller

M. Jean-Claude Luche

M. Philippe Madrelle

M. Cyril Pellevat

M. Olivier Jacquin

M. Jean Sol

M. Jean-Pierre Vial

M. Gérard Cornu

M. Jérôme Bascher

Communications

Commissions permanentes (Nominations)

Questions d'actualité

Accords de rupture conventionnelle collective

M. Frédéric Marchand

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Couverture numérique

M. Raymond Vall

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires

Plateforme Parcoursup (I)

M. Fabien Gay

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Taxe d'habitation (I)

M. Jean-Pierre Sueur

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances

French tech

M. Emmanuel Capus

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances

Taxe d'habitation (II)

M. Michel Savin

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances

Pêche électrique

Mme Nassimah Dindar

M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Transport ferroviaire

M. Bernard Cazeau

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Immigration - Droit d'asile

Mme Sabine Van Heghe

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Situation du lycée Joseph Gallieni à Toulouse

Mme Brigitte Micouleau

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Plateforme Parcoursup (II)

M. Stéphane Piednoir

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

L'état du service public dans les transports en région Île-de-France

Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports

Hommage à une délégation pakistanaise

L'état du service public dans les transports en région Île-de-France (Suite)

M. Fabien Gay

M. Laurent Lafon

Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Colette Mélot

M. Olivier Léonhardt

M. Roger Karoutchi

M. Arnaud de Belenet

M. Pierre Ouzoulias

M. Laurent Lafon

M. Gilbert Roger

M. Olivier Léonhardt

M. Philippe Pemezec

M. Arnaud de Belenet

M. Rémi Féraud

M. Arnaud Bazin

M. Vincent Éblé

M. Philippe Dominati

M. Pierre Cuypers

Mme Nicole Duranton

Annexes

Ordre du jour du mercredi 17 janvier 2018

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Commissions permanentes (Nominations)




SÉANCE

du mardi 16 janvier 2018

43e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : M. Éric Bocquet, M. Yves Daudigny.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

M. le président.  - Je vous souhaite une excellente année.

Décès d'anciens sénateurs

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues, Guy Besse, qui fut sénateur de l'Indre de 1982 à 1989, et Georges Othily, qui fut sénateur de la Guyane de 1989 à 2008.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur du projet de loi ratifiant les ordonnances environnementales du 3 août 2016, qui s'est réunie le mercredi 20 décembre 2017, est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Communications

Organismes extraparlementaires (Nominations)

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.

Déplacement du centre de recherche et de développement de Galderma

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Après trente-six ans de présence à Sophia-Antipolis, dans le département des Alpes-Maritimes, le plus grand centre de recherche du groupe Nestlé devrait disparaître en septembre en raison d'une restructuration annoncée par la direction menaçant 550 emplois.

Si une centaine d'opportunités professionnelles sont proposées en Suisse par un plan de mobilité internationale, nombre de salariés ne pourront pas l'accepter en raison de leurs implantations locales avec des conjoints qui travaillent et des enfants scolarisés.

Le plan actuellement négocié entre la direction et le comité d'entreprise n'apporte pas de réponse satisfaisante tant sur le plan des indemnités, de la formation pour d'éventuelles reconversions ou de la prise en compte des situations individuelles, comme pour les salariés en situation de handicap ou les salariés séniors qui ont malheureusement les taux d'embauche les plus faibles.

Si Nestlé a annoncé être prêt à céder la propriété intellectuelle pour faciliter la création de startups sur le site, ce changement de statut risque d'être un mirage : il n'offre pas les mêmes garanties professionnelles qu'une entreprise internationale surtout pour des scientifiques.

La recherche d'un repreneur s'avère plus que nébuleuse. Seule l'arrivée d'une entreprise équivalente proposant des missions consacrées aux mêmes secteurs et porteur d'une dimension sociale forte limiterait les pertes d'emplois.

La décision de Nestlé date de septembre. J'ai rendu visite aux salariés en novembre. J'avais interrogé le ministre des finances à la veille de l'examen du budget qui avait exprimé toute l'attention de l'État aux salariés de Galderma. Ils n'ont à ce jour aucune perspective sur la stratégie des repreneurs. Pourtant, depuis la loi Florange de 2014, les entreprises qui cessent leurs activités doivent rechercher des repreneurs et informer leurs salariés. L'État doit donc suivre ces dossiers. Quelles sont ses propositions ?

Les représentants des salariés ont été reçus à Bercy et au ministère du travail en novembre. Ils avaient dit alors leur difficulté à trouver un interlocuteur chez Nestlé. Où en sont les négociations du Gouvernement avec cette entreprise ? Quelles actions concrètes ont été engagées ?

Des salariés et des représentants du comité d'entreprise sont dans les tribunes : ils souhaitent entendre la réponse du Gouvernement et je salue leur combat courageux depuis plusieurs semaines.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - J'adresse mes voeux à l'ensemble des sénateurs et je salue les représentants de Galderma.

La société Galderma située à Biot à Sophia-Antipolis oeuvre dans le domaine de la R&D. Depuis 2016, Nestlé en est propriétaire à 100 %. Le projet de réorganisation mondiale lié à l'abandon des produits de type « Crème » s'accompagne par le désengagement du groupe de son site de Sophia-Antipolis. Ainsi l'entreprise a ouvert un dossier de PSE avec dans un premier temps un plan de départs volontaires portant sur 400 postes, l'entreprise proposant seulement 100 postes de reclassement au niveau de son siège en Suisse. La première consultation du comité d'entreprise a eu lieu le 2 octobre 2017.

Suite à cette annonce, le groupe Nestlé a été reçu à de multiples reprises par le Gouvernement et les services compétents de l'État. C'est ainsi que M. Jean-Pierre Floris, délégué interministériel aux restructurations d'entreprises, a reçu la direction de Nestlé France la semaine dernière pour dire une fois encore combien le Gouvernement était attaché à la recherche d'un repreneur pour l'ensemble du site et le respect des dispositions prévues par la loi Florange.

Ce projet devrait aboutir au repositionnement d'activités de pointe qui sauront tirer parti des compétences de haut niveau des salariés du site. M. Floris se rendra dans votre département le 7 février pour faire le point sur les projets de reprise du site avec la direction et les représentants du personnel. Si vous le souhaitez, vous pourrez évoquer avec lui l'état du dossier, Madame la Sénatrice.

Par ailleurs, je tiens à souligner que les salariés du site font preuve d'une grande responsabilité. De fait, un dialogue social constructif a pu s'engager avec la signature d'un accord de méthode. Cette démarche doit se poursuivre pour donner au site et à ses salariés toutes leurs chances et répondre à leurs revendications.

L'État reste extrêmement attentif à la mise en oeuvre de cette réorganisation, à la recherche d'activités nouvelles et aux mesures d'accompagnement qui seront proposées aux salariés. L'ensemble de ces démarches devra être à la hauteur des capacités qui sont celles d'un groupe comme Nestlé.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Je vous remercie. Je garde espoir et détermination quant à la restructuration des sites industriels. Je rencontrerai bien évidemment le 7 février M. Floris avec l'ensemble des représentants des salariés de Galderma.

Il faudrait encadrer le crédit impôt recherche (CIR). Galderma a perçu plus de 68 millions d'euros sans avoir à rendre de comptes à personne : aucun plan pour anticiper les effets de la fermeture du site sur les salariés. C'est une illustration parfaite du manque d'attractivité de notre pays pour les groupes industriels. Les salariés, de niveau hautement qualifié, doivent être mieux traités.

Prêts de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales

Mme Viviane Artigalas .  - Les collectivités territoriales, notamment en milieu rural, sont confrontées à la baisse des dotations de l'État qui les empêche de faire aboutir leurs projets structurants. Ces collectivités ne peuvent compter que sur leur autofinancement pour faire aboutir leurs dossiers. À la demande de l'État, la Caisse des dépôts et consignations a mis en place des dispositifs avantageux pour soutenir les investissements en équipement public des collectivités. Ainsi en est-il de prêts au taux du Livret A. Ma commune d'Arrens-Marsous dans les Hautes-Pyrénées en a bénéficié pour réhabiliter sa station d'épuration.

Le conseil départemental des Hautes-Pyrénées a bénéficié de prêts à taux zéro pour acquérir et rénover un bâtiment public afin d'y installer certains de ses services.

Enfin, la Caisse des dépôts et consignations a proposé en 2015 le préfinancement du FCTVA à taux zéro afin d'assurer le lissage des trésoreries.

Ces dispositifs sont plus intéressants pour les collectivités que les prêts des banques privées.

Certains des prêts de la Caisse des dépôts et consignations semblent aujourd'hui menacés. Est-ce le cas ? D'autres mesures avantageuses sont-elles envisagées ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le ministère de l'économie et des finances n'a aucunement l'intention de supprimer les prêts du fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales. Au contraire, le ministre a récemment confirmé au directeur général de la caisse la prolongation, jusqu'en 2020, de l'enveloppe de 20 milliards en faveur du secteur public local.

Une rationalisation des dispositifs publics de financement du secteur public local apparaissait toutefois nécessaire. En effet, la Cour des comptes a récemment appelé l'attention du Gouvernement sur la nécessité de rationaliser les dispositifs publics de financement du secteur public local, dans un contexte de taux extrêmement favorable pour les collectivités et de concurrence entre plusieurs dispositifs publics parmi lesquels le fonds d'épargne, mais aussi la SFIL, dont la CDC est un des actionnaires, et la Banque européenne d'investissement.

Dans ces conditions, l'enveloppe de financement sur fonds d'épargne destinée aux collectivités locales a vocation à constituer un mécanisme de précaution face à une éventuelle recrudescence de la défaillance du marché du financement du secteur public local, dans un contexte où l'offre de la SFIL, qui est une offre de marché et qui est aujourd'hui très compétitive, a vocation à constituer le dispositif public pivot.

Pour ces raisons, l'enveloppe est tarifée au taux du Livret A assorti d'une marge de 130 points de base et recentrée sur les prêts de long terme - vingt-cinq ans et plus - pour lesquels la ressource du fonds d'épargne, qui n'intervient qu'à taux variable, contrairement aux autres dispositifs publics et aux banques commerciales, apparaît compétitive dans la durée.

Dans le cadre de la mise en oeuvre du grand plan d'investissement, le ministre a par ailleurs souhaité ouvrir pour cinq ans une enveloppe de 2 milliards à taux préférentiel, destinée au soutien à la rénovation énergétique des bâtiments publics, conformément aux recommandations du rapport rédigé par M. Pisani-Ferry à la demande du Premier ministre. Cette enveloppe, qui remplace l'actuelle enveloppe de prêts « croissance verte » sera tarifée au taux du Livret A majoré de 75 points de base et pourra financer des projets d'une maturité minimale de vingt ans.

Vous le voyez, le Gouvernement n'a aucunement l'intention de supprimer toutes ces offres avantageuses de prêts aux collectivités.

Mme Viviane Artigalas.  - Cette réponse est satisfaisante. Le dispositif des prêts à taux zéro était cependant le plus intéressant pour les collectivités rurales.

Situation des collectivités ayant signé un emprunt à taux fixe auprès de Dexia

M. André Reichardt .  - Une commune de mon département du Bas-Rhin a contracté en 2007 auprès de Dexia un emprunt de deux millions d'euros à rembourser sur vingt ans au taux fixe de 4,72 %, taux qui était, à ce moment-là, tout à fait conforme aux prix pratiqués et ne pouvait être considéré comme toxique.

Les communes ayant souscrit, à l'époque, un tel prêt à taux fixe consacrent dès lors tous les ans plusieurs dizaines de milliers d'euros sur leur budget de fonctionnement au paiement des intérêts de ce prêt. Dans un contexte de financement contraint, leur solution a été de chercher à le renégocier afin d'obtenir un prêt plus proche des prix actuels. Contrairement aux banques ordinaires, la Société de financement local (SFIL), qui a repris la gestion des prêts aux collectivités locales suite à la déconfiture de Dexia, s'en tient strictement aux clauses du contrat signé et réclame une indemnité de sortie anticipée totalement léonine. Pour la commune dont j'ai parlé, il s'agit de plusieurs centaines de milliers d'euros, correspondant pratiquement aux intérêts à verser jusqu'à l'échéance du prêt. Cette situation est totalement inacceptable.

Ainsi, ces communes, déjà mises en difficulté par l'importance de leurs frais financiers, subissent une double peine. C'est le contribuable, au final, qui assume cette indemnité de sortie à hauteur de 75 %.

Les particuliers, pour leur part, bénéficient d'une limitation légale de l'indemnité de sortie à 3 % du capital restant dû.

Ces collectivités ont un fort sentiment d'iniquité, voire d'injustice, à leur égard car celles qui avaient souscrit un emprunt toxique ont bénéficié d'un traitement particulier.

Compte tenu de ces éléments, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour remédier à cette situation ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - La situation financière des collectivités locales a fait l'objet d'une forte attention des pouvoirs publics au cours de la période récente. S'agissant des collectivités ayant souscrit des emprunts structurés à risque, l'État a mis en place en 2014 un dispositif de fonds de soutien, qui a notamment permis d'accompagner plus de 578 collectivités souhaitant sortir de ces emprunts à risque. Pour rappel, l'État a rehaussé de 1,5 à 3 milliards le montant de ce fonds : 5,6 milliards d'encours d'emprunts à risque ont été ainsi refinancés dans ce cadre ou, au minimum, ont fait l'objet d'une transaction civile entre l'emprunteur et la banque prêteuse. Ce résultat surpasse de loin l'objectif initial assigné au fonds de soutien, qui était de 4 milliards. Les annuités sont aujourd'hui versées aux collectivités, sans difficulté, et ce jusqu'en 2028.

Au-delà de ces résultats probants, le débat public relatif à ces emprunts semble aujourd'hui plus apaisé. Je ne nie pas que des situations délicates demeurent parmi certaines collectivités qui refusèrent l'aide, ou qui héritent, du fait de la fusion des régions par exemple, de prêts toxiques.

Pour ce qui est des collectivités qui ont souscrit des prêts à taux fixes, tels que celui que vous évoquez, ils ne sont pas répertoriés comme des emprunts à risque. Il est également nécessaire de rappeler que les dispositions applicables aux prêts aux particuliers, qui plafonnent le montant des indemnités exigibles, ne sont pas applicables aux collectivités en l'état du droit. Compte tenu du niveau actuel des taux d'intérêt, les établissements de crédits sont aujourd'hui exposés à des pertes actuarielles potentiellement élevées, expliquant le niveau élevé des indemnités de remboursement anticipé demandées aux collectivités. Il ne s'agit pas ici d'une problématique propre à la Société de financement local (SIFL), cette pratique étant commune à l'ensemble des établissements de crédit. Le Gouvernement demeure bien entendu très attentif à la santé financière des collectivités territoriales et à la gestion de leur dette. Cependant, il n'a pas forcément vocation à s'immiscer dans les relations contractuelles entre un établissement de crédit et un emprunteur. La renégociation éventuelle des contrats en cours demeure, en principe, du ressort des parties prenantes que sont l'établissement de crédit et la collectivité concernée, dans le respect de leurs intérêts mutuels. Nous appelons donc au dialogue entre les collectivités et les banques.

M. André Reichardt.  - Votre réponse n'est pas satisfaisante. Les collectivités qui ont souscrit des emprunts à taux fixe ne peuvent pas être les dindons de la farce. L'État pourrait au moins intervenir au titre d'une recommandation pour que le taux de ces emprunts puisse être renégocié. Contrairement à ce que vous dites, la problématique est propre à la SFIL car les collectivités de mon département qui ont contracté avec d'autres établissements ont toutes obtenu satisfaction.

Vous nous appelez au dialogue : chiche ! Mais la SFIL refuse le dialogue. Nous ne demandons pas des emprunts à taux zéro, mais une renégociation raisonnable.

Risques liés à la dématérialisation au sein de l'INPI

M. Xavier Iacovelli .  - La direction générale de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) oblige, depuis le 16 octobre 2017, les déposants de marques, de dessins et modèles et d'inscriptions aux registres de propriété industrielle à effectuer leurs formalités uniquement par voie électronique via le site inpi.fr.

De nombreux usagers risquent d'être pénalisés dans leurs démarches, car 10 % des marques nationales, soit plus de 9 000 dépôts par an, sont encore déposées sous forme papier.

Tous les dépôts effectués sous forme papier sont désormais renvoyés aux déposants, sans enregistrement, ce qui constitue une violation du traité international sur le droit des marques, signé le 27 octobre 1994 et ratifié par la France, ainsi que des dispositions du code des relations entre le public et l'administration.

L'INPI devient le seul office, au niveau européen, voire sur le plan international, à rejeter les formalités sur support papier, alors même que le droit de l'Union européenne autorise de tels dépôts.

Le Défenseur des droits, dans son rapport sur l'accès aux droits du 30 mars 2016, rappelle clairement les risques de fracture numérique à l'égard des services publics pratiquant le « tout numérisation ».

Le Gouvernement a-t-il l'intention d'agir pour que la continuité du service public de cet établissement soit assurée par la réception, l'enregistrement et le traitement des dépôts sous forme papier de marques, de dessins et modèles et d'inscriptions aux registres de la propriété industrielle ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Dans le cadre du programme « Action publique 2022 », l'accès dématérialisé à tous les services publics est une priorité du Gouvernement. L'objectif est de simplifier et de faciliter l'accès de nos concitoyens aux services publics, en leur offrant un service plus rapide et plus efficace. L'INPI s'inscrit dans cette dynamique commune à tous les services publics. Grâce aux téléservices qui ont été mis en place, le dépôt en ligne et la suppression des formalités au format papier sont effectifs pour les indications géographiques et les demandes d'extension des marques à l'international depuis 2015, pour les oppositions de marques depuis 2016, et pour les marques, les dessins et modèles et les inscriptions modificatives depuis octobre 2017.

La dématérialisation complète de ces procédures présente de nombreux avantages. L'utilisation du support électronique rend plus fluide le traitement des demandes, ce qui bénéficie en retour au déposant, qui peut ainsi obtenir une réponse plus rapide à sa demande. Les téléservices renforcent la qualité des échanges entre l'INPI et les déposants en leur permettant notamment d'avoir accès en temps réel à l'état d'avancement de leurs demandes. Enfin, le dépôt électronique élimine le risque d'erreur de saisie des données et sécurise la procédure de traitement des dossiers.

Des mesures d'accompagnement ont été prises pour faciliter l'appropriation des téléservices par les utilisateurs. L'INPI propose à tous les déposants une assistance téléphonique personnalisée par des spécialistes pour les aider dans leur prise en main. Les équipes des délégations régionales de l'INPI, implantées dans chacune des treize régions métropolitaines, sont également disponibles pour proposer leurs services et fournir tous les renseignements utiles.

L'INPI reçoit annuellement plus de 90 000 demandes de marques françaises, dont 94 % étaient déjà déposées dans un format électronique avant octobre 2017. Trois mois après la décision de dématérialisation complète de la procédure, l'INPI reçoit moins d'un dossier par jour par voie papier sur les 400 marques déposées quotidiennement.

La dématérialisation des procédures n'a en rien affecté la continuité du service public. Cette démarche de dématérialisation et de progrès doit bien évidemment être encouragée, tout en prévoyant les mesures d'accompagnement appropriées afin d'assurer dans les meilleures conditions le passage au format numérique.

Avec votre question, vous me permettez de faire un état des lieux sur la modernisation des services publics.

M. Xavier Iacovelli.  - Certains n'ont pas la possibilité de déposer leur dossier sous forme dématérialisée. Il faudrait que l'INPI enregistre les dépôts papier, quitte à en demander ensuite la dématérialisation. Il faut les prendre en compte, surtout lorsqu'il s'agit des marques françaises.

Communes sans dotation globale de fonctionnement frappées de prélèvements supplémentaires

M. Jean-Marc Todeschini .  - Certaines collectivités sont en grande difficulté. Gandrange est ainsi confrontée à d'importantes baisses de dotation de fonctionnement et de recettes fiscales, du fait de la déconstruction de l'usine Mittal.

En 2013, la commune percevait 458 986 euros de DGF, contre 217 382 en 2014, 133 077 en 2015 et 44 651 en 2016, puis zéro euro en 2017.

Plus encore, l'État, par un arrêté du préfet en date du 2 octobre 2017, réclame à la commune un prélèvement supplémentaire de 39 643 euros. Cette commune, qui n'avait déjà plus de DGF, a désormais une « DGF négative ».

En outre, dans le même temps, la taxe sur le foncier bâti est passée de 528 536 euros à 287 413 euros.

Si rien n'est fait, la commune de Gandrange sera rapidement dans l'impasse : elle ne pourra plus investir ni même assurer ses dépenses de fonctionnement. Les élus locaux considèrent que l'État leur fait les poches et procède à ces ponctions pour assurer son propre financement en les laissant seules face aux difficultés quotidiennes.

Allez-vous étudier cette situation ? Et entendez-vous annuler ces amputations sur les budgets des communes qui ne perçoivent aucune DGF et qui devront faire face à de nouvelles baisses de recettes, notamment lorsqu'elles sont liées à des restructurations économiques entraînant la disparition d'entreprises et, par effet, des diminutions de recettes sur le foncier bâti ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Les collectivités territoriales ont été associées à l'effort de redressement des finances publiques. Compte tenu du poids des concours financiers de l'État aux collectivités dans les recettes de collectivités - 22,5 % des recettes totales des collectivités en 2015, des mesures ont été prises, dès 2008, pour encadrer leur évolution, puis à compter de 2014, pour diminuer la DGF versée aux collectivités.

L'année 2018 marquera le retour à la stabilité des dotations. Depuis 2014, une contribution au redressement des finances publiques (CRFP) a ainsi été répartie entre les catégories de collectivités proportionnellement à la part respective de leurs recettes dans les recettes totales des collectivités. Pour les communes, qui ont contribué à hauteur de 4,2 milliards d'euros entre 2014 et 2017, la répartition de l'effort a été effectuée au prorata des recettes réelles de fonctionnement, ce qui a permis de garantir que chaque commune contribuait de manière strictement proportionnelle aux ressources dont elle disposait. Ce n'est qu'en cas d'insuffisance de la dotation forfaitaire que les communes ont contribué au redressement des finances publiques via un prélèvement sur les recettes fiscales, ce qui concernait 439 communes en 2017. Le prélèvement sur la fiscalité ne pouvait donc concerner que des communes pour lesquelles la dotation forfaitaire représente une part faible des ressources. C'est le cas de la commune de Gandrange, pour laquelle la dotation forfaitaire représentait 5 % des recettes en 2014. Sur le fond, le choix d'un vecteur complémentaire d'imputation de la CRFP a été fait par le législateur dans le souci de garantir l'égalité entre les collectivités. Il aurait en effet été inéquitable que les collectivités disposant de ressources fiscales proportionnellement plus importantes que la DGF dans leur budget soient exemptées d'une partie de leur CRFP du seul fait de l'extinction de leur dotation forfaitaire. C'est également la raison pour laquelle le législateur a choisi, à l'article 159 de la loi de finances initiale pour 2018, de reconduire à compter de 2018 les prélèvements opérés sur la fiscalité des communes au titre de la CRFP. Là encore, annuler ces prélèvements après 2017 aurait conduit à ce que les communes ayant payé une partie de la contribution sur leurs recettes fiscales bénéficient d'un avantage sous la forme d'une sorte de « remise à zéro » des compteurs, tandis que pour l'immense majorité des communes la contribution a été intégrée dans la base de calcul de la DGF.

Sur le dernier point de votre question, les indicateurs financiers utilisés dans le calcul des concours financiers et des fonds de péréquation prennent bien en compte le rétrécissement des bases fiscales liées aux restructurations d'entreprises. Ainsi, la fermeture d'une usine se traduisant par la perte de bases de CFE entraînera les années suivantes, et toutes choses égales par ailleurs, une diminution du potentiel fiscal de la commune. Cette dégradation des indicateurs financiers d'une collectivité est susceptible de la rendre éligible aux dotations et fonds de péréquation.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Je n'ignore pas les procédures que vous avez rappelées, Monsieur le Ministre, mais cela ne saurait répondre aux difficultés rencontrées par certaines communes comme Gandrange.

La France a ratifié en 2007 la charte européenne de l'autonomie locale du 15 octobre 1985. N'y a-t-il pas une incohérence manifeste entre notre droit national et l'article 9 de cette charte ?

Les élus locaux mosellans qui ont connu les désastres de diverses restructurations ont le sentiment d'avoir toujours subi des décisions prises à Paris. Ils se sentent abandonnés et floués. Heureusement que le Luxembourg n'est pas loin !

Manque de moyens de l'hôpital Albert-Chenevier de Créteil

Mme Laurence Cohen .  - L'hôpital Albert-Chenevier appartient au groupement hospitalier universitaire (GHU) Henri Mondor.

Cet hôpital est composé de neuf pôles dont le pôle psychiatrique et d'addictologie, qui regroupe à la fois le service de psychiatrie sectorisée, des centres experts innovants qui travaillent sur la schizophrénie, les troubles bipolaires, le syndrome d'Asperger, un centre de remédiation cognitive et sociale et un service d'addictologie.

D'une capacité de 100 lits, le pôle psychiatrie a enregistré 41 000 journées d'hospitalisation en 2017, et se trouve aujourd'hui au bord de l'explosion : unités suroccupées, manque de lits, sous-effectifs du personnel, épuisement, turnover. Les patients se retrouvent à deux par chambre, sans armoire pour ranger leurs effets personnels. De nombreux établissements psychiatriques connaissent de pareilles situations, notamment l'hôpital psychiatrique de Rennes.

L'équipe de direction a tiré la sonnette d'alarme quant à cette dégradation des conditions de travail des soignants et de la prise en charge des patients qui demandent encore plus que d'autres attention, bienveillance, temps d'écoute et sérénité.

Cette situation dramatique et indigne s'explique en partie par la T2A, inadaptée au fonctionnement de nos hôpitaux et à la réforme de l'organisation du temps de travail mise en place par le directeur de l'AP-HP. Après avoir été longtemps novatrice, la psychiatrie française est aujourd'hui le parent pauvre de notre système de santé. Tous les professionnels de ces disciplines appellent au secours.

La ministre de la santé, dont je déplore l'absence, compte-t-elle intervenir pour dégager des moyens supplémentaires et redonner à la psychiatrie française ses lettres de noblesse ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Permettez-moi d'excuser Mme Buzyn.

Au sein des hôpitaux universitaires Henri Mondor, l'hôpital Chenevier héberge trois secteurs de psychiatrie : Maisons-Alfort, Créteil, et Bonneuil-Boissy-Saint-Léger. Ils interagissent avec trois groupements hospitaliers et territoires (GHT) : le GHT 94 Nord, le GHT 94 Est et le GHT 94 Ouest. Pour ce qui concerne les deux premiers GHT, les hôpitaux universitaires Henri Mondor sont membres associés de ces groupements.

Le pôle de psychiatrie a développé, au-delà de l'offre de soins sectorielle, une offre intersectorielle significative qui dépasse son champ traditionnel. Tout d'abord, un service d'accueil des urgences psychiatriques, qui compte 3 300 passages par an et dessert la quasi-totalité des urgences psychiatriques du Val-de-Marne. Un tiers des passages concerne les secteurs de l'hôpital Chenevier et deux-tiers concernent le Val-de-Marne. Ensuite, une psychiatrie de liaison sur l'ensemble de l'Hôpital Henri Mondor. Enfin, une offre de soins hospitalo-universitaire, bénéficiant d'un financement particulier pour les centres experts pour patients atteints de troubles bipolaires, Asperger, Schizophrénie, centre de réhabilitation cognitive et sociale.

Le pôle porte aussi un ambitieux projet d'Institut hospitalo-universitaire soutenu par l'AP-HP.

L'offre d'hospitalisation sectorielle dispose aujourd'hui de 90 lits situés sur l'hôpital Chenevier et 15 lits implantés à proximité du SAU de l'hôpital Henri Mondor dont la mission est la prise en charge des soins intriqués somatiques et psychiatriques et les primo suicidants.

Ce nombre de lits est structurellement faible. Ce taux, assez bas dès l'origine, est pénalisé avec l'accroissement de la population desservie. Le taux d'occupation est de 95 %, la durée moyenne de séjour est bonne, mais s'allonge, le taux des hospitalisations sous contrainte a été multiplié par deux en cinq ans et le taux de ré-hospitalisation est de 21,9 %.

La réponse à cette tension sur l'hospitalisation complète se trouve en partie dans le déploiement de structures extra hospitalières. Le pôle de psychiatrie dispose de trois centres médico-psychologiques (CMP) installés à Créteil et à Boissy-Saint-Leger ; d'un dispositif de soins partagés destiné à faciliter le lien avec les médecins généralistes et spécialistes de ville.

En 2018, doivent être mis en oeuvre un dispositif de rappel des primo suicidants, dit Vigilans, en lien avec le GHT 94 Nord, et une équipe mobile de soins intensifs permettant d'aller au domicile des patients récemment sortis d'hospitalisation. Les moyens humains notifiés au pôle de psychiatrie ont été substantiellement accrus en 2016 pour faire face à ces missions.

Cependant, nous notons une réelle difficulté dans les recrutements infirmiers, situation née d'un contexte général de recrutements en tension, plus aigu en santé mentale du fait de la suppression de la filière spécialisée il y a une dizaine d'années. Un plan Santé mentale sera présenté prochainement, des concertations avec les professionnels ont été menées dès la fin de l'année dernière. Nous espérons que des réponses seront apportées cette année pour répondre à vos légitimes interrogations.

Mme Laurence Cohen.  - Je connais bien l'état des lieux que vous venez de faire. Les parlementaires devraient être associés à l'élaboration du plan Santé mentale. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2018 que nous venons d'examiner prône l'austérité, ce qui asphyxiera encore davantage les hôpitaux. La psychiatrie est laissée pour compte. Votre réponse ne répond pas au cri d'alarme lancé par les professionnels. Les CMP sont regroupés, ce qui ne répond pas aux besoins et les éloigne de leurs patients. Vos réponses ne correspondent pas aux attentes. La contrôleure générale des lieux de privation de liberté a dénoncé des situations d'isolement.

Situation sanitaire dans le Pas-de-Calais

Mme Sabine Van Heghe .  - La situation sanitaire dans le Pas-de-Calais est très préoccupante. Le nombre de médecins généralistes libéraux baisse, leur moyenne d'âge augmente. Les agglomérations de Lens-Liévin et Béthune-Bruay sont moins dotées en généralistes et spécialistes que d'autres agglomérations de même importance. À terme, il y a un risque de désertification médicale.

Le territoire est sous-équipé en centres de médecine préventive et en établissements de courts et moyens séjours. La situation des hôpitaux est dramatique, comme l'illustre le week-end noir vécu par les urgences du centre hospitalier de Lens en début d'année : le service des urgences est saturé et le personnel à bout de force.

Plus largement, le personnel est inquiet des perspectives de diminution du nombre de lits au centre hospitalier de Lens à l'horizon 2020. Avec la disparition de son service pneumologie, les patients se retrouvent parfois sans prise en charge, alors que le département est particulièrement touché par les affections pulmonaires. Les menaces sur le service cardiologie de l'hôpital de Béthune augmentent le sentiment d'abandon. La situation économique et sociale a des conséquences sur les indicateurs sanitaires : l'espérance de vie est inférieure de deux à trois ans dans le Pas-de-Calais...

Le Gouvernement entend-il renoncer à sa logique purement financière ? Quelles mesures concrètes entend-il mettre en oeuvre pour répondre à l'urgence sanitaire ? Une mutualisation pourrait être envisagée autour du futur hôpital pilote de Lens, avec un regroupement multipolaire entre Lens, Béthune, Arras et Douai, pour élargir l'excellence.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - En effet, la densité de professionnels de santé dans le Pas-de-Calais est inférieure à la moyenne nationale. Le développement de l'attractivité des territoires en tension est un enjeu majeur. Nous avons identifié quatre priorités : accompagner l'installation des professionnels de premier recours, soutenir les regroupements et la télémédecine, avec une attention particulière pour les zones rurales ; diminuer le recours aux services d'urgences ; conforter l'offre de formation médicale et paramédicale de proximité ; améliorer l'attractivité du Pas-de-Calais pour les psychiatres et pédopsychiatres.

Le centre hospitalier actuel de Lens continuera à fonctionner pendant la reconstruction du nouveau pôle hospitalier de la Gohelle, projet de 280 millions d'euros, dont 102 millions de financement national et 70 millions en capital. L'établissement verra ses capacités en matière de chirurgie ambulatoire évoluer.

Le conseil de surveillance du 17 octobre 2017 a acté la fermeture des quinze lits du service de pneumologie ; il ne restait que deux pneumologues. Une astreinte 24 heures sur 24 a été mise en place ; sur le long terme, l'ARS accompagne la mise en place d'une organisation territoriale de la pneumologie comme de la cardiologie. Un financement exceptionnel de 500 000 euros a été dégagé.

L'attractivité passe par une dynamique partenariale plus forte au sein des GHT, autour de projets médicaux partagés sur le territoire. Le Gouvernement accompagne cette volonté de travail en commun.

Mme Sabine Van Heghe.  - Je suis satisfaite que le Gouvernement reconnaisse l'urgence et la gravité de la situation. J'espère que les promesses seront suivies d'effet, et j'invite la ministre dans le Pas-de-Calais pour prendre la mesure de la situation sur le terrain.

Glyphosate

M. Henri Cabanel .  - Le législateur, les agriculteurs et les citoyens doivent pouvoir connaître la dangerosité du glyphosate et assurer sa traçabilité. Face à des études scientifiques contradictoires, il faut appliquer le principe de précaution, comme le président de la République s'y est engagé. Mais cela impacte la compétitivité de notre agriculture. Si des produits importés contenant du glyphosate restent disponibles, les consommateurs comme les agriculteurs français seraient floués. C'est ce qui risque de se produire dans trois ans, quand la France interdira le glyphosate, si aucune substitution n'est trouvée. Quelles mesures seront mises en oeuvre pour assurer la traçabilité du glyphosate dans les produits importés ? Selon quelles dispositions conventionnelles, législatives ou réglementaires, avec quels moyens de contrôle et selon quel calendrier ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Les divergences entre les conclusions sur le caractère cancérigène du glyphosate ont montré les limites de l'évaluation. Son utilisation massive a des conséquences environnementales. C'est ce qui a guidé la décision française.

L'INRA a remis un rapport le 1er décembre 2017 sur les usages du glyphosate et les alternatives qui existent pour certains usages mais nécessitent encore un important travail de recherche. La feuille de route de sortie progressive des produits phytopharmaceutiques sera finalisée en mars 2018, après concertation avec toutes les parties prenantes. Elle inclura l'accompagnement des agriculteurs mais aussi le contrôle de la traçabilité des produits importés. Les changements de pratiques doivent être valorisés.

Des contrôles seront assurés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour éviter la distorsion de concurrence.

M. Henri Cabanel.  - J'ai quelques doutes. Rien dans vos propos ne me permet de croire que la transparence sera totale pour le consommateur. Comment le Français qui va acheter sa baguette à la boulangerie peut-il savoir si le blé de la farine a été cultivé avec du glyphosate ? Le Canada, avec lequel nous avons signé le CETA, exporte 15 millions de tonnes de blé...

L'OMS a classé le glyphosate comme cancérogène probable. Dans trois ans, on nous demandera de l'interdire. Pour autant, le tabac, classé en risque 1, n'est pas interdit ! (M. Pierre Louault approuve.)

Il faut un arsenal de mesures, y compris pénales, pour dissuader le contournement de la réglementation française.

Réforme de l'apprentissage

Mme Marie-Thérèse Bruguière .  - Je lance un appel à la raison. L'orientation doit s'entendre tout au long de la vie. Or, entre le contrat d'apprentissage et le contrat de professionnalisation, il y a un trou dans la raquette. À partir de 30 ans, point de reconversion possible. Les formations existent, mais les recruteurs sont freinés par les charges.

Il faut un statut unique de l'apprentissage en France. La multiplicité des accords de branche, avec coût horaire et prise en charge variables, explique la désaffection des chefs d'entreprise pour l'alternance. Il faudrait exonérer toutes les charges patronales et fixer les salaires uniquement en fonction de l'âge, et non plus en fonction des conventions de chaque branche, ce qui augmente le coût pour les entreprises.

Développer l'apprentissage nécessite un engagement de tous, État, régions et partenaires sociaux. La taxe d'apprentissage a été fléchée vers l'apprentissage plus que vers une formation continue pour tous et à tout âge. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - Veuillez excuser Muriel Pénicaud.

Les contrats d'apprentissage et de professionnalisation ne répondent pas au même but : obtention d'un diplôme en formation initiale dans le premier, formation continue à des fins d'insertion dans le second cas. La durée du second est de 13,7 mois contre 20 mois pour le premier. La banque, l'assurance, le commerce, les services aux entreprises ou le secteur sanitaire et social font plus appel au contrat de professionnalisation.

Le plafond d'âge d'éligibilité à ces deux contrats a été fortement relevé. Au-delà de l'expérimentation de l'entrée en apprentissage jusqu'à 30 ans, des dérogations permettent des reconversions plus tardives pour les travailleurs handicapés, les personnes reprenant une entreprise ou les sportifs de haut niveau. Pour le contrat de professionnalisation, la limite à 26 ans ne s'applique pas aux demandeurs d'emploi.

La rémunération des apprentis doit être simplifiée. La base conventionnelle n'est retenue que pour les apprentis de plus de 21 ans.

La concertation lancée le 10 novembre 2017 doit conduire à des propositions pour la refondation de notre système d'apprentissage. Elle est pilotée par Sylvie Brunet, présidente de la section du travail et de l'emploi du Conseil économique, social et environnemental, et associe l'ensemble des acteurs. Un projet de loi sera présenté au printemps 2018 ; il abordera la rémunération, la gestion du contrat d'apprentissage et la complémentarité entre les deux contrats, pour que l'alternance bénéficie à tous, car c'est une solution contre le chômage.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - J'espère que le diagnostic fera l'objet d'une large information du public.

Illettrisme dans l'Aisne

M. Antoine Lefèvre .  - Les chiffres de l'illettrisme en région Picardie sont catastrophiques. Dans l'Aisne, 8,3 % des jeunes connaissaient des difficultés de lecture en 2009 ; ils étaient 16 % en 2014, 16,73 % en 2015 et 17,7 % en 2017, quand la moyenne nationale est de 10,8 %. Ces chiffres sont inacceptables. Plus les indices de pauvreté sont bas, plus celui de l'éducation est faible. Il avait été annoncé, pour l'académie d'Amiens, des efforts importants, avec des actions de formation à destination des enseignants. Mais les décalages ne se sont pas estompés : 37 % de la population des Hauts-de-France n'a pas de diplôme, 39 % n'a que le Bac.

En septembre 2016, le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) publiait une étude au titre troublant : « Pour quelles raisons la France est-elle devenue le pays le plus inégalitaire de l'OCDE ? »... Nos concitoyens sont de moins en moins armés pour trouver une formation, un travail, entretenir dignement une famille. N'est-il pas temps de s'inspirer de nos voisins du nord de l'Europe, de l'Allemagne, voire de la Corée, où les taux d'illettrisme plafonnent à 3,5 % : prévention, formation des enseignants, classes de maternelle de quinze élèves maximum, prise en compte des niveaux différents, etc.

Le dédoublement des cours préparatoires dans les zones défavorisées va dans le bon sens. Il faut améliorer la détection des difficultés par les médecins scolaires, consentir un effort pour les bibliothèques - à cet égard, le projet de loi de finances prévoit une rallonge de 8 millions d'euros.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Antoine Lefèvre.  - Plus de 15 % des élèves décrochent. Un tel constat exige des moyens adéquats.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - Ces chiffres sont alarmants. L'académie d'Amiens est particulièrement touchée. Nos priorités - apprendre à lire, écrire, compter et respecter autrui - valent pour la France entière.

Ma première réponse a été le dédoublement des classes de CP en REP+, pour traiter le problème à la racine. Dans l'Aisne, 50 classes ont ainsi été dédoublées dès septembre 2017. À la rentrée 2018, 44 classes de CP et 49 classes de CE1 en REP+ et 100 classes de CP en REP seront concernées.

L'école maternelle va faire l'objet d'une transformation, pour en faire l'école de l'épanouissement et de l'apprentissage du langage. Boris Cyrulnik présidera des assises de la maternelle. Il y aura une évaluation au début du CP, pour une stratégie personnalisée. Nouveaux outils pédagogiques pour l'apprentissage de la lecture, plan de formation en lecture, action interministérielle en faveur du livre... L'académie d'Amiens est particulièrement mobilisée, avec pour priorité l'acquisition des savoirs fondamentaux et la maîtrise de la langue. Des modules de formation continue pour les enseignants ont été créés.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - L'expérience du Réseau des observatoires locaux de la lecture est un succès, et les premiers résultats de l'expérimentation de la Machine à lire sont encourageants.

M. Antoine Lefèvre.  - Il faudra aussi réfléchir au dédoublement des CP dans les zones rurales et à l'attractivité du territoire : seuls 10 % des enseignants de l'académie d'Amiens sont agrégés.

Suppression des emplois aidés

M. Bernard Bonne .  - La suppression annoncée d'un nombre significatif de contrats aidés menace de nombreuses associations, particulièrement dans le secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire. La décision d'accorder une rallonge de 30 à 40 000 emplois supplémentaires d'ici fin 2017, qui concernera essentiellement le secteur non marchand, n'est pas faite pour rassurer les responsables des centres sociaux, maisons de quartiers, maisons des jeunes et de la culture.

La diminution des dotations aux collectivités territoriales, la suppression de la taxe d'habitation et de la réserve parlementaire dont 70 % des fonds venaient soutenir des projets associatifs touchent directement les structures associatives.

Dans le département de la Loire, plusieurs structures ont dû réduire leur équipe d'animation, d'où une baisse, lors des dernières vacances, du nombre d'enfants accueillis en centres de loisirs et de jeunes en accueil journalier.

Avec 1,3 million d'associations, 13 millions de bénévoles, 1,8 million de salariés et 85 milliards d'euros de budget, les associations sont une richesse pour la nation. Le tissu associatif est indispensable pour maintenir le lien social, favoriser le vivre ensemble et le dialogue civil.

Pour la première fois depuis 1957, un ministère de plein exercice ne fait plus référence à la jeunesse et à la vie associative. Que compte faire le Gouvernement en ce domaine ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - La décision de supprimer des contrats aidés était difficile, mais ne pouvait être autre pour un Gouvernement qui veut en finir avec les budgets insincères. Quelque 280 000 contrats aidés avaient été programmés en loi de finances initiale pour 2017, mais les deux tiers de l'enveloppe ont été consommés dès le premier semestre. Le Gouvernement a accordé une rallonge de 40 000 emplois, en dépit du contexte budgétaire.

Nous avons ciblé quatre secteurs prioritaires : éducation nationale, outre-mer, urgence sanitaire et urgence sociale - ces deux derniers, essentiels en période hivernale, ont concentré les contrats aidés dans le secteur associatif. Près de 96 000 contrats aidés ont été conclus en 2017 par les associations.

Les politiques de formation et d'accompagnement doivent être ciblées. Mme Pénicaud a confié une mission à Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS, pour mobiliser les acteurs de l'insertion autour de solutions innovantes. Le Premier ministre m'a demandé de préparer une stratégie en faveur de la vie associative en harmonie avec le plan pour l'économie sociale et solidaire : les premières réunions se tiennent aujourd'hui même.

Nous voulons donner un nouveau souffle au mouvement associatif, mais avec des outils nouveaux. La suppression de la réserve parlementaire a été compensée par une dotation nouvelle de 25 millions d'euros. Notre objectif, c'est l'efficacité au service des plus fragiles.

M. Bernard Bonne.  - Les associations réclament des négociations sur l'emploi associatif, pour pouvoir rémunérer correctement leurs salariés. Les structures associatives doivent connaître suffisamment à l'avance les décisions affectant leurs finances.

Fonds de soutien au développement des activités périscolaires

M. Bernard Fournier .  - En matière d'organisation du temps scolaire, la semaine à quatre jours et demi, qui reste la règle, est source de difficultés, notamment financières, pour les maires, avec des répercussions sur la pertinence et la qualité des activités périscolaires. Le régime dérogatoire à quatre jours est souvent sollicité auprès des directions académiques. Les élus doivent pouvoir faire des choix en adéquation avec leur budget communal.

Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires est absolument indispensable pour les communes qui continuent de mettre en oeuvre la réforme et qui ont organisé les activités périscolaires dans le cadre d'un projet éducatif territorial.

Dans la Loire, les communes ont jusqu'au 10 février 2018 pour se prononcer sur l'organisation du temps scolaire. Les élus ont besoin de connaître les modalités pratiques et les montants des aides prévus dans le cadre de ce fonds de soutien spécifique.

Ces questions sont très importantes pour nos communes.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale .  - L'objectif est simple : donner de la souplesse aux communes dans l'organisation de la semaine scolaire. Celles qui sont satisfaites de l'organisation actuelle continuent, avec le soutien du fonds. Là où un consensus local a émergé en faveur d'une autre organisation, une dérogation a été possible. Vous savez à quel point les réalités locales sont diverses.

Le Gouvernement est clair, les modalités pratiques et financières de la prochaine rentrée scolaire sont connues des communes.

La pérennité du fonds de soutien a été confirmée par la loi de finances ; il ira aux communes qui conserveront une organisation comprenant cinq matinées. Le Gouvernement tient ses engagements : les acomptes ont été versés aux communes éligibles, les montants sont maintenus.

Une mesure de simplification des procédures de gestion a aussi été mise en place.

Je mène actuellement un travail avec la caisse d'allocations familiales pour apporter un appui aux communes à la rentrée prochaine.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Enfin, le plan Mercredi prévoit un accord entre les communes et l'État pour mieux préparer les activités du mercredi.

M. Bernard Fournier.  - Merci. Je prends note de la souplesse dont fait preuve le Gouvernement et de la pérennisation du fonds.

Situation des réfugiés irakiens diplômés

M. Jean-Marie Bockel .  - Le drame vécu par les réfugiés ne peut nous laisser indifférents. Tous les réfugiés irakiens n'ont pas un faible bagage académique. Parmi eux, il y a des chirurgiens, des médecins, des biologistes qui ont été formés dans l'un des systèmes éducatifs les plus performants du Moyen-Orient.

Malheureusement, ces réfugiés rencontrent de grandes difficultés à faire valoir en France leurs diplômes et leurs expériences acquises dans leur pays d'origine. Il n'y a pas d'équivalence. Les procédures de reconnaissance par comparabilité sont longues et difficiles, et varient selon qu'il s'agit ou non d'une profession réglementée.

Les réfugiés ont besoin de travailler, de se montrer utiles dans le pays qui les accueille, et d'être acceptés dans leur nouvel environnement. Qu'envisage le Gouvernement afin de reconnaître leurs titres et diplômes universitaires ? Ne pourrait-on pas passer une convention bilatérale avec le nouvel État irakien ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Face à l'urgence, plusieurs dispositifs peuvent être mobilisés. Le Programme national d'aide à l'accueil des scientifiques en exil (Pause), créé le 16 janvier 2017, sert à l'intégration des scientifiques en exil et à la poursuite de leurs travaux sur notre territoire, les grandes institutions de recherche y participent - CNRS, INSERM, INRA, INRIA -, une centaine de scientifiques en ont bénéficié.

En matière de reconnaissance de diplômes, les professionnels peuvent obtenir une attestation de comparabilité ; la comparaison se fait sur la base de dix critères définis conformément à la convention de Lisbonne, une étude au cas par cas est effectuée quand la comparaison n'est pas possible. Pour les professions réglementées, en matière de santé par exemple, des procédures spécifiques ont été mises en place, en lien avec les ordres concernés, fondées sur des tests et une phase d'observation de trois ans. Il nous appartient de mieux faire connaître tous ces dispositifs afin que les réfugiés puissent poursuivre leur carrière en France sous les meilleurs auspices.

M. Jean-Marie Bockel.  - J'ai été sollicité sur ce sujet à Mulhouse par des chrétiens d'Irak. Même si Daech a reculé, la situation en Irak et en Syrie est précaire. Les réfugiés savent qu'ils devront sans doute rester longtemps en France, même s'ils veulent rentrer. Nous devons les aider. Les personnes sont qualifiées et peuvent être utiles à la France.

État d'Israël

M. Gilbert Roger .  - Ma question porte sur un projet de loi fondamentale examiné actuellement par le Parlement israélien, la Knesset, fortement soutenu par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui définit l'État d'Israël comme le « foyer national du peuple juif » avec Jérusalem pour capitale et l'hébreu comme seule langue officielle. Le texte réserve le droit à l'autodétermination au seul peuple juif. La langue arabe, parlée par 20 % d'Israéliens issus de la minorité arabe, perdrait son statut officiel et ne serait plus une langue officielle de l'État. Une disposition du projet de loi légalise enfin une ségrégation raciale en autorisant un groupe d'une même religion à vivre en communauté séparée des autres, permettant l'établissement des communautés exclusivement juives.

Ce projet de loi, qui risque d'aggraver grandement le statut de la minorité arabe des citoyens d'Israël, va à l'encontre des principes démocratiques et institutionnalise les discriminations raciales.

Quelle est la position du Gouvernement français ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La Knesset examine effectivement ce texte de valeur constitutionnelle. Il n'appartient pas à la France de se prononcer sur les débats parlementaires israéliens. Les débats sont riches : il y a eu de nombreux amendements, notamment sur le statut de la langue arabe.

Cependant, ce projet suscite bien des préoccupations. D'abord par le risque qu'il comporte de discrimination à l'encontre des citoyens arabes.

La France est attachée au principe de non-discrimination, conformément à nos engagements internationaux - et aux engagements d'Israël.

Deuxième préoccupation : la compatibilité d'un tel texte avec la solution à deux États. Toute mesure susceptible de créer des discriminations entre citoyens juifs et arabes en Israël constituerait un obstacle supplémentaire sur cette voie. Vous connaissez en outre la position constante de la France sur Jérusalem, le président de la République l'a réaffirmée au mois de décembre. La solution au conflit israélo-palestinien passe par la création de deux États.

La France est l'amie des deux parties, ce qui lui permet de dire les choses franchement, comme le président de la République a pu le faire récemment avec M. Netanyahu. Ainsi la France porte-t-elle ses valeurs en étendard.

M. Gilbert Roger.  - Au Sénat, nous sommes très attentifs à la situation, en particulier via nos groupes d'amitié France-Israël et France-Palestine. Nous avons reçu les parlementaires de la Knesset membres de la partie arabe au cours de leur tournée européenne. Nous avons entendu leurs inquiétudes, notamment sur le statut de la langue arabe. Nous devons être vigilants sur le respect du droit international.

Sort d'un jeune avocat franco-palestinien

M. Fabien Gay .  - J'aurais aimé ne pas avoir à vous poser cette question. Salah Hamouri a été arrêté le 23 août 2017 chez lui et placé en détention administrative pour six mois, sur ordre du ministère de la défense israélien. Après avoir connu l'enfermement pendant sept longues années, notre compatriote fait face, une nouvelle fois, à une décision arbitraire et contraire au droit international. La détention administrative a été utilisée de manière systématique par plusieurs régimes répressifs pour contourner la voie judiciaire et priver les opposants politiques, résistants pacifiques ou de nombreux citoyens de la protection légale à laquelle ils ont droit. La détention administrative ne permet ni au jeune homme, ni à ses avocats d'avoir accès au dossier, pas plus que de connaître les raisons qui le conduisent à l'emprisonnement. Emprisonné, sans pouvoir se défendre ni savoir ce qu'on lui reproche, voici donc la situation de notre compatriote depuis ces longues semaines.

Le Quai d'Orsay a dénoncé « l'utilisation abusive et systématique de la détention administrative », « espéré » sa libération et « demandé » le respect de ses droits. Cependant, depuis cette prise de position fin octobre 2017, sa situation n'a pas évolué.

Le 10 décembre, lors de son entretien avec M. Netanyahu, le président Macron a mentionné cette condamnation abusive.

Le 31 décembre, à la suite d'un entretien avec les médias, Salah Hamouri a été transféré dans une nouvelle prison, plus dure. Chaque jour passé en prison est un jour de moins que Salah Hamouri passe avec sa famille, chaque jour supplémentaire en prison est une offense à la France et aux droits de l'homme.

Quel geste peut faire notre diplomatie pour obtenir la libération immédiate de notre compatriote ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Tout comme vous, le Gouvernement aurait aimé que la situation ait déjà été résolue. Nous suivons ce dossier avec attention.

Salah Hamouri bénéficie de la protection consulaire et notre consul lui a encore rendu visite le 8 janvier.

Le régime de la détention administrative porte atteinte aux droits de la défense. Je l'ai dit à l'ambassadrice israélienne. Nos échanges avec les autorités de ce pays sont réguliers. Nous attentons toujours des réponses à nos questions. Je le redis donc officiellement, en réponse à cette question, il n'est jamais trop tard pour agir !

M. Fabien Gay.  - Beaucoup de nos concitoyens se sont mobilisés dans des comités pour la libération de Salah Hamouri. Un millier d'élus aussi. N'attendons pas la fin de la détention administrative prévue pour le 23 février. Beaucoup sont détenus au-delà du délai légal : des prisonniers politiques palestiniens sont enfermés depuis des années sous cette procédure administrative. Salah Hamouri n'est pas seul dans les geôles israéliennes. Le cas de la jeune Ahed Tamimi soulève également une mobilisation citoyenne partout dans le monde.

Nous oeuvrons dans cet hémicycle pour une paix juste et durable entre le peuple palestinien et le peuple israélien, et ceci passe par la reconnaissance d'un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale, aux côtés d'un état israélien. Sous la précédente mandature, nous avions pris une résolution dans ce sens, Monsieur le ministre, tout comme l'Assemblée nationale : il est temps de reconnaître l'État palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale !

Accès à la formation professionnelle continue des pâtres

M. Alain Duran .  - Les pâtres exercent un métier qui, lorsqu'ils sont salariés, repose sur des contrats de travail saisonniers, dont la durée est celle des estives, qui varient de trois à six mois. Durant ces périodes, pendant lesquelles ils sont sous contrat de travail, ils ne peuvent s'absenter.

Souhaitant accéder à la formation professionnelle continue, ils en sont exclus, alors même que leurs employeurs cotisent pourtant à un organisme paritaire collecteur agréé, le fonds d'assurance formation des salariés d'entreprises agricoles (FAFSEA). Dans les périodes d'intersaisons, lors desquelles ils sont généralement disponibles pour suivre une formation, ils ne peuvent bénéficier d'aucun programme de formation.

Les droits associés aux contrats de travail pour ces travailleurs saisonniers, parmi lesquels celui de l'accès à la formation, sont reconduits lorsque ceux-ci sont renouvelés à chaque nouveau début de saison. Cependant, ils ne peuvent activer ces droits associés entre leurs contrats de travail successifs, car ils ne sont précisément plus sous contrat lors de ces périodes.

Quelles solutions envisagez-vous ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - L'article L. 6321-13 du code du travail prévoit un dispositif de formation particulier destiné aux travailleurs saisonniers. Sous certaines conditions, l'employeur peut conclure un CDD pendant l'intersaison afin que le salarié participe à une action de formation de même durée que le contrat. Cette solution ne permet pas de répondre toutefois aux spécificités des pâtres. Merci d'avoir attiré l'attention du Gouvernement sur ce sujet.

Pendant l'intersaison, le pâtre, qui a le statut alors de demandeur d'emploi, a accès à tous les dispositifs. Toutes les pistes seront explorées par le Gouvernement.

M. Alain Duran.  - Merci pour cette ouverture et toutes ces pistes de réflexion.

Sécurisation du financement du monde associatif

M. Jean-Luc Fichet .  - La loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire a structuré l'économie sociale et solidaire et à sécuriser le financement du monde associatif. Cependant, les baisses récentes de crédits et la suppression d'emplois aidés affaiblissent les réseaux associatifs locaux. Or l'économie sociale et solidaire représente 16 % de l'emploi salarié dans le Finistère et 14,3 % en Bretagne.

Les associations fonctionnent avec des volontaires bénévoles, leur équilibre est fragile. La réduction des emplois aidés met en péril, par exemple, une association de développement des circuits courts avec la distribution de paniers bio, à Brest. Nous sommes bien sûr convaincus que l'économie sociale et solidaire doit se développer sur le plan économique, mais les annonces récentes n'encouragent guère les entreprises concernées.

Madame la Ministre, que compte faire le Gouvernement pour sécuriser financièrement l'activité des associations ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La diminution des emplois aidés et la suppression de la réserve parlementaire auront en effet des conséquences sur les associations. Toutefois, le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) sera maintenu en 2018, pour un montant de 500 millions d'euros. Il sera relevé de deux points en 2019 et converti en réduction pérenne de cotisations patronales. Ajouté au dispositif zéro charges patronales au niveau du SMIC, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2019, c'est 1,4 milliard d'euros dégagés chaque année pour la vie associative.

Ensuite, nous avons renforcé le fonds pour le développement de la vie associative en le dotant de 25 millions d'euros supplémentaires. Une réflexion est en cours pour le réorienter vers les associations ESS et employant des contrats aidés.

De manière plus globale, le plan de développement de l'économie sociale et solidaire aidera directement les associations, qui représentent plus de 80 % des entreprises du secteur.

Enfin, le Gouvernement a lancé le 13 décembre une consultation pour répondre aux spécificités de la vie associative.

M. Jean-Luc Fichet.  - La réduction des contrats aidés a été brutale. Les mesures que vous annoncez prendront du temps. Les associations ne sont pas rassurées. Elles ont besoin de visibilité pour maintenir leur activité dans les mois à venir. Elles sont en effet victimes à la fois de la baisse des crédits locaux et nationaux.

Contradictions de la réglementation environnementale

M. Cédric Perrin .  - Ma question concerne les contradictions entre la réglementation en matière environnementale et l'interprétation qui en est faite par les Directions départementales des territoires (DDT) et l'Agence française de la biodiversité (AFB).

La loi reconnaît comme cours d'eau tout écoulement d'eau courante, dans un lit naturel, alimenté par une source. Or la DDT et l'AFB surinterprètent ces dispositions et classent largement en cours d'eau. Ainsi, il en découle un important contentieux qui conduit parfois à des situations ubuesques.

Un maire du Territoire de Belfort a ainsi été condamné pour avoir nettoyé le lavoir communal sans détenir le récépissé de déclaration de la DDT, alors que cette opération de curage était nécessaire pour prévenir les inondations. Elle a par ailleurs été réalisée de manière à ce que les incidences sur le milieu aquatique soient minimes et réversibles. Cette commune de 450 habitants n'était également pas en mesure de s'acquitter du coût exorbitant de 27 000 euros pour constituer le dossier environnemental nécessaire à l'instruction de la demande par la DDT. Aussi, si le code de l'environnement condamne ces faits, le code général des collectivités territoriales impose aux maires de tout mettre en oeuvre pour prévenir les inondations. Comment aider les maires à faire face à ces injonctions parfois contradictoires ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Les cours d'eau sont des écosystèmes fragiles qu'il faut entretenir avec soin pour garantir l'écoulement naturel des eaux.

L'instruction du Gouvernement du 3 juin 2015 a permis la diffusion de guides des bonnes pratiques à destination des propriétaires de cours d'eau : l'enlèvement des débris et l'entretien des rives ne requièrent pas de procédure préalable, non plus que les fossés qui sont des ouvrages artificiels. Les interventions qui vont au-delà peuvent avoir des conséquences et sont donc soumises à autorisation préalable.

À Belfort, les services de l'AFB ont alerté à plusieurs reprises l'élu sur la nécessité de déposer un dossier en préfecture et la procédure coûte moins cher que ce que vous dites...

La loi relative à la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) facilite l'exercice de cette compétence. Il n'y a donc pas de contradictions entre le code de l'environnement et celui des collectivités territoriales. Au contraire, le Gouvernement oeuvre pour que les collectivités locales disposent d'outils adaptés.

M. Cédric Perrin.  - Oui, les cours d'eau doivent être protégés, nous le savons tous et en sommes tous convaincus. Il n'en demeure pas moins qu'il y a une surinterprétation. Classer en cours d'eau n'importe quelle rigole a des conséquences financières lourdes à long terme. La situation est ubuesque : si l'élu de Belfort n'avait pas entretenu le cours d'eau, il aurait été condamné pour ne pas être intervenu. Enfin, la somme que j'ai indiquée est bien réelle : j'ai un devis qui le démontre.

Report modal et ligne Lyon-Turin

M. Jean-Pierre Vial .  - Les élus de la vallée de l'Arve se félicitent de l'intérêt porté par trois ministres, dont celui de la transition écologique et solidaire, à la situation de la vallée de l'Arve en septembre 2017, et des annonces faites à cette occasion en prévision de la feuille de route de mars 2018.

Ces annonces ont eu lieu le lendemain même du jour où le président de la République confirmait les engagements de l'État dans le Lyon-Turin, lors du sommet franco-italien.

Si le Lyon-Turin est une formidable infrastructure de transport, cette infrastructure se trouve aussi au coeur des enjeux énergétiques et environnementaux grâce à l'ambition du report du transport de marchandises de la route vers le rail.

Le report modal permettrait de faire diminuer les oxydes d'azote de 8 % sur la vallée de l'Arve et de 14 % sur le territoire de la Maurienne.

Entre la France et l'Italie, le volume de marchandises transportées par le rail n'arrive pas à progresser, faute d'infrastructure adéquate ; dans le même temps, le volume de marchandises transportées par le rail entre la Suisse et l'Italie a progressé de 5 % par an.

Ainsi, en 2016, le trafic de marchandises entre la France et l'Italie a été de 40 millions de tonnes, identique à celui entre la Suisse et l'Italie. En revanche, malgré la hausse du trafic, la Suisse est passée pour la première année en dessous de 1 million de poids lourds, alors qu'avec presque trois millions de poids lourds, le trafic routier continue de progresser en France.

Or l'autoroute ferroviaire alpine (AFA), qui devait traduire l'ambition du report modal de la France, ne bénéficie d'aucune véritable impulsion politique. Ainsi, l'appel d'offres en cours pour la plateforme dite de « l'ouest lyonnais » a été lancé en 2009 et n'est toujours pas attribué !

À l'heure où le Gouvernement souhaite afficher des ambitions fortes et s'engager dans une dynamique volontariste, il faut prendre des mesures concrètes et urgentes, comme le font certains de nos voisins européens.

Quels engagements le Gouvernement entend-il prendre pour être à la hauteur de ce défi qui est autant un défi économique qu'écologique ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Nicolas Hulot, Agnès Buzyn et Élisabeth Borne se sont rendus dans la vallée de l'Arve. Ils ont pu constater les problèmes. L'ouverture du tunnel limitera la congestion et les nuisances sonores et atmosphériques, elle améliorera le cadre de vie dans la vallée de la Maurienne et elle évitera l'émission de trois millions de tonnes de CO2. Ce projet est crucial pour le report modal et pour faciliter la circulation des poids lourds entre la France et l'Italie. Le trafic de l'AFA a enregistré une progression de 25 % en 2017, ce qui pousse à espérer le dépassement du seuil de 35 000 poids lourds remplacés.

L'Italie vient de ratifier, le 22 novembre 2017, l'accord de Luxembourg de 2009 sur ce projet. Un avis de concession a été publié au Journal officiel européen. La mise en concession sera donc effective en 2019. Tous les services du Gouvernement sont mobilisés sur ce dossier.

M. Jean-Pierre Vial.  - Les mots seront pesés en fonction de la réalité du terrain. En 2017, le trafic a augmenté de 25 %. L'ambition actuelle est de diminuer le trafic d'au moins un million de poids lourds. Nous n'en sommes, selon vos chiffres, qu'à un peu plus de 3 %, contre 33 % espérés. Je ne conteste pas la volonté de M. Hulot, je souhaite que l'enthousiasme dont il fait preuve se traduise dans les faits, pour illustrer notre capacité à faire monter en puissance cette infrastructure.

Délais de réservation du train de nuit Paris-Briançon

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Lorsqu'en 2015 le Gouvernement a classé la ligne de nuit Paris-Briançon au titre des trains d'équilibre du territoire, c'était faute d'une offre de mobilité alternative suffisante entre l'Île-de-France et les Hautes-Alpes.

Alors qu'il répond à un réel besoin, les réservations sur ce mode de transports sont extrêmement difficiles : ainsi, pour les vacances de Noël, elles n'ont été ouvertes que deux semaines avant le premier départ et il est actuellement impossible de réserver pour les vacances de printemps, qui commencent le 14 avril, alors que les familles pourraient l'utiliser pour accéder à Serre Chevalier et aux stations voisines.

Si SNCF mobilités voulait dissuader les voyageurs d'utiliser le Paris-Briançon, elle ne s'y prendrait pas autrement, alors qu'en période de vacances, ce produit est majoritairement utilisé par des familles qui peuvent ainsi accéder aux stations de Serre Chevalier ou Vars-Risoul, par exemple, sans rupture de charge.

Quelles dispositions ont été prises pour que la SNCF honore son contrat avec l'État ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - L'ouverture tardive des ventes a résulté de difficultés techniques à tracer des sillons exploitables pour les trains de nuit et compatibles avec les différentes plages de travaux opérés par SNCF Réseau.

Pour régulariser la situation, Mme Borne a demandé à SNCF Réseau et SNCF Intercités de garantir la circulation d'un maximum de trains dans ces périodes primordiales pour les Hautes-Alpes. Tous les trains ont été ouverts jusqu'au 16 mars. Ils ont affiché complet pour les vacances de Noël. Idem pour les week-ends de départ des prochaines vacances d'hiver des académies franciliennes. Cela prouve l'importance de ce service pour l'économie touristique des Hautes-Alpes.

Pour pallier l'arrêt de la pointe neige, la ministre a souhaité que la composition des trains soit renforcée pour les week-ends des vacances de février pour offrir des places supplémentaires nécessaires à la bonne desserte du territoire.

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - Votre réponse ne me satisfait qu'en partie. Les réservations sont ouvertes pour les vacances de février ; pas pour celles d'avril. Les Hautes-Alpes sont pénalisées par une unique voie ferrée et par une autoroute qui n'a jamais été terminée. Je regrette que notre département, contrairement à d'autres destinations de montagne, ne bénéficie pas d'une desserte ferroviaire performante.

Dysfonctionnement des lignes aériennes d'aménagement du territoire

Mme Josiane Costes .  - Plusieurs villes de province, dont Aurillac, Brive, Castres, Agen, sont desservies par des lignes dites « d'aménagement du territoire » dans le cadre d'obligations de service public (OSP) bénéficiant du concours financier de l'État qui s'ajoute aux subventions apportées par les collectivités locales. Ces concours financiers publics représentent jusqu'aux deux tiers du coût de fonctionnement de ces lignes.

Malgré ces efforts financiers considérables, le fonctionnement au quotidien des lignes concédées à la compagnie Hop, filiale d'Air France, est de plus en plus problématique - euphémisme ! Le service se dégrade avec des retards extrêmement fréquents et des annulations de vols dites techniques. La situation a empiré depuis début septembre 2017 avec plusieurs annulations de vols chaque semaine ce qui est d'autant plus problématique que sur ces lignes il n'y a déjà, par contrat, aucun vol les samedis, dimanches matin et jours fériés...

Une telle dégradation du service est inacceptable car elle aggrave la fracture avec des territoires déjà très excentrés, dont elle met en danger la vie économique.

Quelles mesures entendez-vous prendre afin de remédier à cette situation et contraindre la compagnie Hop à assurer un service digne de ce nom ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La desserte aérienne des territoires enclavés est un enjeu majeur de notre politique des transports. La ministre en charge suit avec beaucoup d'attention les lignes opérées par Hop.

Cette compagnie a récemment été confrontée à un déficit du nombre de pilotes, lié à leur évolution de carrière au sein du groupe, et à une succession de pannes techniques sur ses appareils de type ATR 42. De septembre à décembre 2017, certaines lignes ont subi un nombre d'annulations exceptionnel, allant jusqu'à diminuer de 10 % le nombre de vols réalisés par rapport à la même période en 2016.

Sur l'ensemble de l'année, entre 5 % et 6 % des vols reliant Paris à Aurillac, Brive, Castres et Agen ont été annulés pour des causes directement imputables à la compagnie, alors que la tolérance en termes d'obligations de service public ne s'élève qu'à 3 %.

La qualité de service de la compagnie a également été affectée par les travaux mis en oeuvre sur la plateforme d'Orly pour sa mise en conformité avec les règles de sécurité européenne.

Cependant, ces retards et annulations sont inacceptables ; il n'est pas admissible que cette détérioration remette en cause la politique mise en oeuvre pour améliorer l'équilibre des territoires et les désenclaver. La direction générale de l'aviation civile (DGAC) est mobilisée. La compagnie a assuré la ministre des transports avoir mis en place un plan d'action préventive pour limiter les pannes et augmenter le recrutement et la formation des pilotes, nombreux à être partis.

Une pénalisation financière est prévue dans le cadre des conventions liant la compagnie aux territoires concernés pour répondre au préjudice qu'ils ont subi. Le ministère en charge des transports restera vigilant et demandera un compte rendu régulier à Hop tant que la desserte aérienne n'aura pas une qualité de service conforme aux attentes des territoires.

Mme Josiane Costes.  - La situation qui touche des territoires déjà enclavés et fragilisés est inacceptable : huit heures pour aller en avion d'Aurillac à Paris, en passant parfois par Toulouse !

Avenir des petites communes

M. Guillaume Chevrollier .  - Le plan « Action coeur de ville », doté de cinq milliards d'euros sur cinq ans, que le Gouvernement a récemment présenté à Rodez, vise à encourager la revitalisation des centres-bourgs. Il exclut les communes les plus rurales de notre territoire et les villes de moins de 8 000 habitants n'y ont pas accès. C'est fort regrettable dans la Mayenne où 44 % des 255 communes comptent moins de 500 habitants et une seule ville dépasse les 8 000 habitants. Aucun dossier de mon département n'avait été retenu dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt « centre-bourg » de 2014.

La situation est préoccupante pour les communes rurales : désengagement de l'État, baisse des dotations, dessaisissement progressif des compétences communales, fermeture des commerces de proximité. Les maires ruraux s'inquiètent. Les habitants sont attachés à l'entité communale qui crée du lien social et favorise la proximité.

En Mayenne, beaucoup d'initiatives ont cours pour relancer le commerce rural et relancer l'attractivité de ces communes, comme le Carré de la chambre de commerce et d'industrie, concept modulable de commerce rural très original.

Que fait l'État pour soutenir les élus ruraux et favoriser I'attractivité des communes rurales ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La valorisation des territoires ruraux - 35 % de la population sur 70 % du territoire - est primordiale pour le Gouvernement qui confirme et conforte le soutien aux projets d'investissement dans les communes et intercommunalités rurales. II promeut également toute forme de coopération locale entre différents territoires visant à une plus grande cohésion au sein des bassins de vie.

Le contrat de ruralité, nouvel outil de développement local, a rencontré un franc succès : plus de 450 contrats ont été signés en 2016 et 2017 dans tous les départements et près de 500 le seront à terme.

En 2017, 425 millions d'euros ont ainsi été dégagés par l'État, dont 145 millions de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) dédiée, pour soutenir près de 5 000 actions au sein des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des pôles d'équilibre territorial et rural (PETR). En 2018, pour soutenir les capacités d'investissement, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) est maintenue à plus d'un milliard d'euros, soit le montant financier le plus élevé de l'histoire de cette dotation, en augmentation de 50 millions d'euros par rapport à 2017. La DSIL s'élève à 615 millions d'euros.

Avec l'engagement du plan « Action coeur de ville », des communes exerçant les fonctions de villes moyennes seront accompagnées financièrement pour la requalification de leur centre-ville. La contractualisation du Gouvernement avec les 340 plus grandes collectivités territoriales, afin que leurs dépenses de fonctionnement ne dépassent pas 1 % de leurs dépenses, ne concernera aucune commune rurale.

Poursuivre les efforts majeurs engagés en faveur des communes rurales, telle est l'ambition du président de la République qui souhaite accélérer le développement du plan THD pour tous les Français, d'ici à 2020. Le Gouvernement agira en faveur des territoires ruraux en co-construction avec les élus, dès ce mois de janvier.

M. Guillaume Chevrollier.  - La ruralité est essentielle. Le Gouvernement souhaite honorer les contrats de ruralité. Le Sénat y sera vigilant. Cependant, les dotations du Fisac en faveur du commerce de proximité ont baissé. Dans ce contexte, les élus ne se sentent pas soutenus par le Gouvernement. Les contraintes normatives et réglementaires favorisent les grands ensembles, pas les communes de moins de 500 habitants. Les élus et les habitants attendent des actes forts pour ne pas tomber dans la morosité.

Contrôle des conditions de la protection universelle maladie (PUMA)

M. Richard Yung .  - Le décret du 24 février 2017 précise que « les personnes qui demandent à bénéficier de la prise en charge des frais de santé doivent produire un justificatif démontrant (...) qu'elles relèvent de l'une ou l'autre des catégories suivantes (...) », parmi lesquelles les membres de la famille qui rejoignent ou accompagnent pour s'installer en France un assuré y séjournant dans les conditions prévues par le décret. Néanmoins, la plupart des caisses d'assurance maladie méconnaissent les effets de ce décret et indiquent aux conjoints des assurés sociaux, à leurs concubins ou aux personnes auxquelles ils sont liés par un pacte civil de solidarité (PACS) qu'à défaut d'être eux-mêmes assurés, ils sont soumis au critère de résidence et donc au délai de carence de trois mois pour pouvoir être affiliés.

Pouvez-vous confirmer que ces personnes peuvent bien bénéficier de la prise en charge des frais de santé sans délai de carence et serait-il possible d'envisager de rappeler aux caisses d'assurance maladie le contenu de ce décret par une circulaire ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - La protection universelle maladie, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, garantit à toute personne qui réside en France de manière stable et régulière la prise en charge de ses frais de santé. Il suffit de présenter un certificat de résidence ininterrompue de plus de trois mois.

Ce délai ne s'applique pas aux conjoints, concubins et partenaires de PACS de ces personnes qui bénéficient immédiatement de la prise en charge de leur frais de santé, à la condition qu'ils soient en situation régulière par rapport au droit français. Le Gouvernement a demandé à la CNAM de veiller à la bonne application de ce décret et d'effectuer un rappel à la règle aux caisses de son réseau dans les plus brefs délais.

M. Richard Yung.  - Je vous remercie de cette interprétation positive et de ce rappel utile.

Conséquences pour la Nièvre du transfert du centre d'appel du SAMU à Dijon

M. Patrice Joly .  - L'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté évoque, à l'occasion de l'élaboration de son projet régional de santé, la fermeture du centre 15 du SAMU de la Nièvre (58) pour le transférer au centre hospitalier universitaire de Dijon.

La population craint que cela ait un impact direct sur la prise en charge des patients nivernais, alors même que la Nièvre est un département rural, touché par le vieillissement de sa population et victime d'une désertification médicale galopante. Le 15 gère des missions d'urgence vitale, mais aussi des missions de conseil essentielles aux personnes isolées.

Cette décision de transférer le SAMU de Nevers, si elle intervenait, nuirait considérablement à la prise en charge des patients en rendant plus longs les temps d'intervention. Elle romprait les liens de proximité tissés au fil des années avec certains personnels médicaux, notamment dans le Morvan et le centre nivernais. Enfin, elle poserait la question du devenir des assistants de régulation.

Plus généralement, la question de la présence médicale dans nos départements ruraux est devenue de plus en plus cruciale. De très nombreuses communes, dans la France entière, sont confrontées à un déficit dramatique de médecins et de spécialistes, tant libéraux qu'hospitaliers.

Dans les cinq ans à venir, le département de la Nièvre sera le département le plus touché par le départ en retraite de généralistes. S'ajoute aux carences constatées le manque criant de spécialistes dont le département souffre également, en néonatologie, en pédopsychiatrie, psychomotricité....

Le droit d'être soigné constitue le premier des services que la collectivité doit rendre à ses concitoyens. L'égalité des soins est l'une des déclinaisons du principe d'égalité, qui est l'un des piliers de notre devise républicaine. Dans ce contexte, il est inimaginable d'envisager la disparition d'un service médical dans ce département. Une telle décision apparaîtrait comme un désengagement supplémentaire de l'État.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour répondre à la situation de l'urgence médicale dans le département de la Nièvre ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - L'accès aux soins est une priorité de Mme Buzyn et du Gouvernement, d'où l'annonce le 13 octobre dernier d'un plan pour renforcer l'accès territorial aux soins.

Le transfert du centre 15 de la Nièvre à Dijon ne concernera que la régulation des appels téléphoniques et rien d'autre. Le personnel et les matériels resteront sur place. Le centre 15 de Dijon assure déjà la régulation des appels pour les quatre départements de la Franche-Comté. Cette mesure favorise le redéploiement des urgentistes auprès des malades. Le SMUR restera en place 24 heures sur 24 dans la Nièvre. Seul un créneau de fermeture éventuelle de services d'urgence en nuit profonde (de 22 heures à 9 heures du matin) reste à déterminer.

L'ARS travaille à améliorer la desserte héliportée disponible dans la région afin de libérer les équipes médicales au sol. Ainsi, la gestion mutualisée permet d'envoyer l'appareil le mieux placé, indépendamment de son site de rattachement.

J'espère que ces mesures lèveront certaines de vos inquiétudes. Mme Buzyn se rendra début février dans votre département pour les États généraux de la santé.

M. Patrice Joly.  - Pourquoi ne pas centraliser les appels de Dijon à Nevers ? On renforcerait ainsi l'attractivité du centre hospitalier de Nevers, tout en répondant à la difficulté de recruter les médecins.

Au mois de décembre, la maternité de Cosne-sur-Loire a fermé précipitamment, après celles de Decize et de Clamecy, de sorte que nous n'avons plus qu'une seule maternité dans un département de plus de 7 000 km2. Le projet de suppression des urgences de nuit au centre hospitalier de Clamecy dans la période horaire dite de nuit profonde est une menace supplémentaire à la permanence des soins. Les pompiers constituent souvent le dernier recours de notre territoire.

Il faut tenir compte de la spécificité des territoires ruraux et définir des critères particuliers pour l'offre de soins, qui doit être organisée autour des hôpitaux de proximité.

Mise en oeuvre du service national universel

Mme Jocelyne Guidez .  - « Jeunesse, l'âge du possible », selon Ambrose Bierce. Aujourd'hui, la situation économique des jeunes demeure préoccupante : chômage élevé, précarisation liée à un pouvoir d'achat de plus en plus faible, etc. Il devient donc urgent de mettre en oeuvre une politique publique résolument ambitieuse pour cette génération. Aussi, parallèlement aux réformes économiques et sociales envisageables, le service national universel permettrait de recréer ce lien de confiance entre la République et la Nation, et en particulier chez les jeunes citoyens.

En outre, la commission sur le service national universel devrait formuler plusieurs propositions en juin 2018. Toutefois, à ce jour, l'aspect militaire ne serait pas retenu dans ce projet. Or un tel choix serait regrettable. En effet, une période d'un mois ne permettra pas de sensibiliser correctement les intéressés aux règles civiques et républicaines, de les accompagner avec efficacité dans leurs projets d'avenir et de les préparer convenablement au monde de la défense nationale. Par conséquent, il est préférable d'envisager une durée minimale de six mois, tout en tenant compte des problématiques liées au calendrier universitaire, à la signature de contrats de travail ou d'alternance, etc.

Bien sûr les finances sont contraintes. Cependant, on pourrait s'inspirer de l'expérience des centres du service militaire volontaire, comme celui de Brétigny-sur-Orge qui associe militaires et civils, et permet des échanges avec des élèves issus des grandes écoles.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - Le Gouvernement partage évidemment votre préoccupation quant à l'avenir de nos jeunes et au lien entre la jeunesse et la Nation.

Le président de la République s'est engagé à renforcer le lien entre l'armée et la jeunesse et à développer le sentiment d'appartenance à la Nation par la création d'un service national universel.

Un état des lieux des dispositifs existants a été effectué et le rapport a été remis début novembre.

Le dispositif contribuera à la résilience de la Nation et permettra le brassage social de la jeunesse. Il aura un caractère interministériel. Il développera l'esprit de défense et valorisera les métiers des armées tout comme l'engagement des jeunes dans la société. Un projet de société de cette envergure nécessite du temps et une concertation avec tous les acteurs directement intéressés. Nous n'en sommes qu'au début du processus d'élaboration.

Chaque tranche d'âge compte 800 000 jeunes. Il faut leur consacrer temps et moyens à la concertation sur ce projet.

À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas envisager une durée de six mois pour le service militaire universel. Le Gouvernement est mobilisé pour l'insertion professionnelle des jeunes. Enfin, le service militaire volontaire sera préservé dans son format actuel.

Mme Jocelyne Guidez.  - Nous resterons attentifs à l'évolution de ce projet, tout en vous faisant confiance pour le mener à bien.

Conséquences de la crise migratoire dans le Calvados

M. Pascal Allizard .  - Le démantèlement des campements près de Calais et le renfort des effectifs de police et de gendarmerie pour sécuriser les accès au tunnel sous la Manche n'ont pas fait disparaître les migrants mais les ont déplacés.

Dans le Calvados, des communes littorales comme Ouistreham, petite ville portuaire, voient arriver de plus en plus de clandestins, uniquement candidats au départ pour l'Angleterre, surtout depuis le démantèlement de la jungle calaisienne et le rétablissement des contrôles aux frontières.

Il s'agit de jeunes hommes, parfois mineurs, originaires du Soudan ou d'Érythrée, désireux de s'embarquer par tout moyen sur les navires de la compagnie Brittany Ferries reliant Ouistreham et Portsmouth.

Des groupes d'individus, démunis, sont régulièrement signalés errant en ville ou cachés sur des chantiers, dans des jardins ou sous des haies, ce qui provoque tensions et inquiétudes. Ils survivent dans des conditions précaires en particulier dans la période hivernale.

La situation n'est satisfaisante ni sur le plan humanitaire ni sur le plan sécuritaire.

Quant à l'économie locale, elle se détériore. Les habitants craignent une crise migratoire qui s'installe dans la durée.

Quels sont les résultats concrets obtenus à l'encontre des réseaux de traite des êtres humains opérant dans ou vers le Calvados ? Quelles mesures supplémentaires le Gouvernement entend-il prendre pour lutter plus efficacement contre ces organisations criminelles, dont les méthodes évoluent rapidement, et aider les collectivités territoriales débordées ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - Les routes et modes opératoires utilisés par les migrants varient. Les autorités françaises adaptent leur réponse pour garantir l'ordre public.

Pour contrecarrer les passeurs, l'institution judiciaire épaule les policiers et gendarmes : quinze filières ont été démantelées entre janvier et septembre 2017 sur la zone de défense ouest, soit une hausse de 36 % par rapport à la même période en 2016.

La pression migratoire s'est accrue à Ouistreham ces dernières semaines. Pas moins de 38 militaires interviennent dans l'emprise du port avec le soutien de 32 hommes, notamment réservistes et d'un demi-escadron de gendarmes mobiles et celui des militaires de Sentinelle.

Le Gouvernement a obtenu du gouvernement britannique une contribution financière pour renforcer les infrastructures de plusieurs ports de la Manche. Pas moins de 2,440 millions d'euros ont été alloués à la sécurisation du port d'Ouistreham, notamment pour l'installation de clôtures, de portails et de systèmes de vidéosurveillance.

M. Pascal Allizard.  - Les collectivités territoriales se retrouvent à gérer le ramassage des détritus ou l'accroissement des forces de police. À Ouistreham, le coût supplémentaire de ces charges s'élevait à 100 000 euros en 2017.

Des trafics s'organisent sur nos aires d'autoroute, la nuit, ce qui met en danger la sécurité des migrants mais aussi celle des usagers.

Certains migrants ont déjà été condamnés en correctionnelle à Caen pour des faits de violence sur les policiers ou gendarmes.

Une plus grande fermeté de l'Europe serait nécessaire, ainsi qu'une plus grande coopération avec les pays d'origine.

À Caen et dans sa proche périphérie se créent des regroupements de migrants dans lesquels les trafics et la misère prospèrent. L'État doit en prendre toute la mesure. La seule augmentation des effectifs de police et gendarmerie, pour bienvenue et nécessaire qu'elle soit, ne pourra pas tout résoudre.

Je souhaite que le sommet franco-britannique prévu ce jeudi encourage les Britanniques à s'engager davantage dans la prise en charge des migrants. Je crois qu'on n'évitera pas une renégociation des Accords du Touquet.

La séance est suspendue à 12 h 30.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Mercredi 31 janvier, en raison de la tenue de la Conférence des présidents à 19 heures et en accord avec le groupe Les Républicains, les commissions concernées et le Gouvernement, l'examen de la suite éventuelle de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux puis l'examen de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public commenceraient à 21 h 30.

Par ailleurs, il sera procédé au dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes jeudi 8 février à 10 h 30.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Enfin, le groupe Union Centriste a demandé de limiter à 45 minutes la durée de la discussion générale sur la proposition de loi créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap examinée au sein de son espace réservé du mercredi 31 janvier 2018.

La situation de la SNCF et son avenir

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la situation de la SNCF et son avenir à la demande du groupe Les Républicains.

M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains .  - Notre groupe a demandé ce débat après les très nombreux incidents et dysfonctionnements constatés en 2017. Avec dix minutes de temps de parole, évidemment, personne ne peut refaire la SNCF...

La situation du groupe est dramatique ; il faut faire des réformes, réorganiser l'entreprise, modifier les régimes spéciaux, envisager une réforme du statut et du rythme des rotations. Dire cela ne témoigne pas d'une guerre que la droite déclarerait à la SNCF, ce sont les propos du président de la République !

Madame la Ministre, vous avez reçu les dirigeants de la SNCF. Une expertise, un diagnostic des gares et des lignes, un engagement à mieux informer les usagers, ont été annoncés. La réalité n'en est pas moins catastrophique en Île-de-France, où se font 60 % des déplacements, et dans l'ensemble du pays.

Tous les Français, quel que soit leur attachement à la SNCF et aux cheminots, constatent des retards, des annulations, l'insécurité dans les trains, des lignes très peu ou très mal utilisées. Tous se le demandent : « Que devient la SNCF ? »

Bien sûr, dans les documents officiels, on note des signes encourageants : 5 milliards d'euros d'investissements en 2018, des efforts sur l'information aux voyageurs, la numérisation et l'utilisation des nouvelles technologies... Mais quelle est la réalité ? Les usagers sont lassés. Ce qu'il s'est passé à la gare Saint-Lazare ou encore à Marseille ou à Nice est inadmissible.

Il ne s'agit plus de faire des diagnostics, d'annoncer que l'on va prendre des mesures, mais de lancer un plan d'urgence ferroviaire, de réorganiser le système, ainsi que le proposait le candidat Macron ! Si nous ne le faisons pas, la situation n'a aucune chance de s'améliorer.

Nous ne mettons pas en cause les hommes, ni les dirigeants ni les agents de la SNCF. Le problème, c'est que l'État, quels que soient les gouvernements, s'est désengagé lorsqu'il n'imposait pas une politique favorable aux seules lignes à grande vitesse. Résultat : le réseau quotidien et le matériel sont en grande partie usés, dépassés, ce qui crée incidents et accidents, retards et dysfonctionnements.

Premier problème : ici même au Sénat, il y a cinq ans, le ministre des transports me répondait que l'ouverture à la concurrence était certes une chose difficile, mais que j'allais voir ce que j'allais voir, cinq ans plus tard, la SNCF serait prête. Aujourd'hui, la SNCF n'a pas changé, moi à peine... (Sourires)

M. Bruno Sido.  - Tu as un peu vieilli quand même !

M. Roger Karoutchi.  - Que peut faire la SNCF pour l'ouverture à la concurrence qui arrive et que Xavier Bertrand veut dès 2018 dans les Hauts-de-France ? Le groupe est-il prêt ? Y a-t-il un plan dédié ?

Deuxième problème : la dette qui atteint près de 55 milliards. L'État entend demander aux régions de participer. Régions qui financent les nouveaux matériels, soit dit en passant - ce n'est pas la SNCF qui a financé les 40 000 nouveaux trains en Île-de-France, rendons à César ce qui est à César.

Troisième problème, sur le réseau hors LGV, l'offre, aussi usée que les usagers sont fatigués, n'est pas digne de ce nom. Il faut un plan d'urgence, pour toutes les lignes ! On aurait pu imaginer que le groupe lance un diagnostic avant que le Gouvernement ne le demande...

Nul ne remet en cause les traditions de la SNCF, auxquelles les Français sont attachés, mais il ne faut pas la laisser mourir dans la dette et les dysfonctionnements. Si rien ne se fait, les choses finiront mal. Le crédit public sera épuisé et la concurrence des Allemands, des Italiens et des Espagnols sera effroyable.

Les Français tiennent beaucoup à la SNCF surtout si elle fonctionne et que ses trains leur font envie. Comment comptez-vous leur redonner envie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - D'abord, permettez-moi de vous présenter tous mes voeux.

Monsieur Karoutchi, je partage certaines de vos interrogations et de vos préoccupations mais pas nécessairement vos propos. Personne ne nie les dysfonctionnements qui ont eu lieu ces derniers mois : à la gare Montparnasse au début de l'été, à Bercy à Noël ou encore le drame de Millas sur lequel une enquête est en cours.

J'ai reçu les dirigeants de la SCNF qui m'ont présenté leur nouveau plan de management et leur plan de travaux sur les réseaux. Le lancement de l'audit des grandes gares du pays arrive peut-être un peu tard, il n'en représente pas moins un progrès car tout problème dans les grandes gares, des zones particulièrement sensibles, a des répercussions sur des dizaines de milliers de voyageurs.

L'État a clairement sa part de responsabilité dans le sous-entretien du réseau, lié à une politique du tout TGV - qui, au passage, a beaucoup de soutiens. D'où l'annonce par le président de la République le 1er juillet dernier de faire de l'entretien du réseau une priorité. C'est une décision courageuse, qui ne fait pas que des heureux dans les territoires. En 2018, 5,2 milliards d'euros seront consacrés à la régénération du réseau. Personne ne peut toutefois dire qu'il n'y aura plus aucun dysfonctionnement car des décennies de retard ne peuvent pas être rattrapées en quelques mois.

Cela étant, il n'y a pas que des trains en retard. Je veux à ce propos saluer le formidable engagement des agents de la SNCF. En 2017, le trafic a atteint des records, preuve de l'attachement des Français au train : plus 10 % de fréquentation dans les TGV, 8 % dans les Intercités - pour lesquels 3,7 milliards d'euros d'investissement seront engagés par l'État - et une hausse de 4,7 % dans les TER. C'est la preuve que la santé économique de notre pays s'améliore, que la croissance est là.

Si nous ne voulons pas seulement des TGV, nous voulons aussi des TGV accessibles à tous, allant partout ; ce choix, auquel les Français sont attachés, sera assuré.

À partir des travaux confiés à Jean-Cyril Spinetta et au Conseil d'orientation des infrastructures, le Gouvernement proposera une stratégie ferroviaire ambitieuse, dont nous débattrons au printemps sur la base d'un projet de loi de programmation, pour ouvrir le secteur à la concurrence, traiter le problème de la dette - 3 milliards d'euros de dettes supplémentaires par an, ce n'est pas soutenable - et rassurer les cheminots sur leur avenir. Ma méthode sera simple : concertation avec tous les acteurs. Parce que les mobilités sont une question d'aménagement du territoire, nous travaillerons avec vous, les élus. Le TER doit être un transport de masse. Plus globalement, le rôle du ferroviaire dans nos territoires doit gagner en importance, ce qui n'exclut pas, bien au contraire, l'ouverture et l'attention aux nouvelles mobilités - véhicules autonomes, covoiturage, ouverture des données. J'ai confiance dans le modèle ferroviaire français, sa capacité à évoluer ; j'ai foi dans le modèle historique français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC ; Mme Fabienne Keller applaudit également.)

M. Frédéric Marchand .  - Question à grande vitesse : les péages représentent plus de 5 milliards d'euros par an. À la demande de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), SNCF Réseau s'est engagé en 2015 à remettre les tarifs à plat à l'horizon 2018. Ils sont, en effet, peu lisibles et peu conformes aux règles européennes qui imposent une tarification « au coût direct ». SNCF Réseau doit rétablir de bons signaux économiques incitant à optimiser l'utilisation du réseau et à rationaliser les choix d'investissement. La dette de SNCF Réseau atteint plus de 45 milliards d'euros, l'opérateur doit sortir de cette impasse financière. Que comptez-vous faire, Madame la Ministre ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La capacité à maîtriser l'évolution de la dette est un sujet majeur de préoccupation pour le Gouvernement. Le contrat qui lie l'État à l'opérateur prévoit une stabilisation de la dette à 53 milliards d'euros en 2026. La règle d'or interdit à SNCF Réseau d'investir tant que le ratio dette/marge opérationnelle n'est pas inférieur à dix-huit - en bref, tout investissement de développement. Nous devons tous avoir cela à l'esprit.

Jean-Cyril Spinetta, dans le cadre de sa mission, se penche sur l'assainissement de la dette de SNCF Réseau ainsi que sur la progression très dynamique des redevances qui n'apparaît pas soutenable à terme.

M. Guillaume Gontard .  - La privatisation du rail imposée par Bruxelles n'est pas souhaitable si l'on veut un véritable service public ferroviaire pour tous et si l'on entend lutter contre le réchauffement climatique. On oublie souvent de dire que l'Allemagne et la Suède, que l'on cite en exemple de libéralisation réussie, subventionnent très largement leur réseau.

J'ai déjà eu l'occasion de saluer le choix du Gouvernement de redonner la priorité au réseau secondaire, essentiel à la vitalité de nos territoires. L'étoile ferroviaire de Veynes, seule liaison entre le nord et le sud du massif alpin, se dégrade lentement, comme tant d'autres lignes. Les régions, qui subissent une baisse des dotations, sont sollicitées. C'est comme si les locataires prenaient à leur charge les travaux incombant à un propriétaire défaillant. Madame la Ministre, comptez-vous donner aux régions les moyens d'exercer leurs nouvelles missions ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le cas de cette ligne alpine illustre les défauts d'entretien et d'investissement dans le réseau des dernières décennies. Les ralentissements affectent quelque 5 300 kilomètres de lignes.

Le Gouvernement a prévu 5 milliards d'euros d'investissements en 2018, 34 milliards d'euros sur dix ans, pour rénover le coeur du réseau, c'est-à-dire le réseau le plus circulé. Les lignes secondaires, elles, relèvent des contrats de plan État Région ; 1,5 milliard d'euros est prévu entre 2015 et 2020, nous savons que le besoin s'élève à 5 milliards. État et régions devront trouver la meilleure manière de faire face à cette situation avec, pour objectif, le maintien de l'accessibilité à tous les territoires.

Mme Dominique Vérien .  - Depuis 2009, l'Arafer formule des avis juridiquement contraignants sur les tarifs appliqués par SNCF Réseau. Le dernier était défavorable. Par un décret du 7 septembre 2017, le Gouvernement est venu au secours de l'opérateur, contre l'avis des collectivités, en particulier des régions.

Madame la ministre, vous avez annoncé le 8 janvier dernier un énième audit. On ne voit pas en quoi cela va régler la question. Êtes-vous prête à revenir sur le décret du 7 septembre 2017 et à donner à l'Arafer les moyens de contrôler les engagements contractuels de SNCF Réseau ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le Gouvernement n'a disposé que de quelques semaines pour revoir en profondeur les principes de la tarification applicable en 2018. D'où le décret du 7 septembre qui assure une simple indexation de la tarification applicable en 2017 pour 2018. Le projet de tarification pour 2019, adopté le 30 novembre dernier, a été soumis à l'Arafer qui rendra ses conclusions début février. Cette nouvelle tarification suppose une adaptation du cadre réglementaire, un projet de décret sera prochainement soumis à l'Arafer.

M. Jean-Michel Houllegatte .  - L'ouverture prochaine à la concurrence n'est pas sans susciter de vives inquiétudes chez les employés de la SNCF. Les périmètres concernés par l'ouverture doivent être précisément définis, de même que leur impact évalué avant chaque appel d'offres. Une ouverture progressive serait d'ailleurs préférable. Les agents, en cas de transfert, demandent le maintien de leur statut ainsi qu'un droit d'option - qui témoigne de leur attachement au groupe public ferroviaire. Quelles sont les démarches engagées pour anticiper l'ouverture à la concurrence, notamment sur les aspects sociaux ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - L'ouverture à la concurrence, si elle n'est pas une surprise, représente une transformation profonde à préparer dans la concertation avec toutes les parties prenantes. D'où la mission confiée à Jean-Cyril Spinetta qui prendra le temps d'y réfléchir dans une approche globale. La question est : « quelle place la Nation souhaite-t-elle donner à ses trains dans un monde où ils coexistent avec les compagnies aériennes low cost et les cars Macron ? » Il s'agit de nous organiser, sans attendre le dernier moment, ce qui rassurera les agents sur leur avenir. Les conclusions de Jean-Cyril Spinetta seront connues dans quelques jours, nous en débattrons très prochainement dans l'hémicycle.

M. Alain Fouché .  - L'année 2017 a été marquée par une série d'incidents dans les grandes gares. Des améliorations sont nécessaires, nous le savons. D'ailleurs, la SNCF a déjà lancé un programme en ce sens. Les critiques dont elle fait l'objet ont des conséquences sur ses exportations.

La SNCF, ce n'est pas que des retards. C'est aussi 14 220 trains sur le réseau par jour avec un taux de ponctualité de 88 % sur les Transiliens, 89 % sur le TGV et 91 % sur le TER. C'est aussi 30 000 kilomètres de lignes exploitées, dont 2 600 en grande vitesse. C'est enfin la responsabilité de 5 millions de voyageurs par jour.

J'ai siégé plusieurs années au conseil d'administration de RFF où j'ai pu me rendre compte du rôle que jouait l'État. Des préoccupations parfois étrangères à l'intérêt général s'y expriment. Les pannes et les retards sont à imputer aux politiques qui ont préféré investir dans les LGV plutôt que dans les transports du quotidien. Quelque 200 millions d'euros ont été consacrés en dix ans à une seule voie, le Poitiers-Limoges, un projet à l'arrêt qu'a initié Jacques Chirac et que François Hollande a relancé !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Oui, il y a urgence à réorienter les investissements sur l'entretien du réseau et à éviter de donner au groupe des injonctions contradictoires. On ne peut pas ignorer les difficultés des usagers quotidiens. C'est l'objet du diagnostic lancé par SNCF Réseau pour identifier les points de fragilité dans les grandes gares. Il importe d'évaluer le service offert par la SNCF, n'oublions pas que l'écrasante majorité des trains arrivent à l'heure, et heureusement. Pour cela, sera mis au point un indicateur de gravité des incidents, comme il en existe un pour le transport aérien ou le nucléaire. La SNCF s'est également engagée à manifester la plus grande transparence sur la qualité de son service à J+1.

Mme Josiane Costes .  - J'ai lu avec attention le compte rendu de votre entretien avec Guillaume Pepy et Patrick Jeantet. Vous annoncez 5,2 milliards d'investissements pour 2018, comment seront-ils fléchés ? Dans nos territoires ruraux, particulièrement ceux enclavés comme le Cantal, le train est essentiel. Si rien n'est fait, la vitesse sera réduite à 60 km/heure sur la ligne Aurillac-Clermont et la ligne Aurillac-Brive, suspendue en 2020. Il faut désormais plus de six heures pour se rendre à Paris depuis Aurillac, il en fallait 5 h 30 en 1990. La revitalisation des petites lignes est une question d'égalité.

M. Jean-Claude Requier.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Oui, d'autant plus qu'il faut une heure et demie pour rejoindre l'autoroute depuis Aurillac mal desservi par l'avion. Nous en reparlerons à l'occasion du projet de loi de programmation des infrastructures. Quoi qu'il en soit, quelque 65 millions d'euros seront investis pour la desserte d'Aurillac.

M. Daniel Laurent .  - Les dysfonctionnements que nous avons connus la semaine dernière ont eu un mérite, qui est de mettre en lumière ce sur quoi nous alertons depuis des années, les infrastructures à bout de souffle. La SNCF n'est pas seule responsable ; l'État n'a pas été à la hauteur. Le manque de moyens n'explique pas tout. Il y a aussi une perte de compétences à la SNCF. Les métropoles ont capté l'essentiel de la croissance et les territoires se dévitalisent. La fracture territoriale ne peut perdurer. Le 9 décembre dernier, nous avons été contraints de bloquer les trains entre Saintes et Bordeaux. Je regrette que nous ayons dû faire entendre nos voix sur les voies pour être entendus... Le désengagement de SNCF Réseau vis-à-vis des lignes hors réseau structurant continue de nous inquiéter. Je reste circonspect : nous attendons des réponses concrètes.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Vos propos illustrent la fragilité d'un réseau qui a souffert de sous-investissement pendant des décennies. D'où l'investissement de 34 milliards d'euros sur les dix prochaines années dans le cadre du contrat État-SNCF Réseau sur le coeur du réseau. On ne pourra pas répondre à la totalité des besoins sur le réseau secondaire avec 1,5 milliard d'euros, il faudra définir des priorités. Une réflexion a été engagée en Nouvelle-Aquitaine avec le préfet.

M. Arnaud de Belenet .  - Je salue l'outil formidable qu'est la SNCF. Malgré la croissance des exigences en matière de qualité et la baisse des effectifs, 15 000 trains circulent normalement et plus de 5 millions de voyageurs arrivent à destination chaque jour.

L'organisation elle-même de la SNCF en trois entités pose problème car il n'y a ni relations hiérarchiques, ni vision partagée, ni financement commun. À l'approche de l'ouverture à la concurrence, l'enjeu est de conserver un modèle de qualité sans la hausse des tarifs qui caractérise la Grande-Bretagne.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La réorganisation de 2014 a créé effectivement trois entités. L'architecture découle des règles européennes qui imposent une dissociation entre le gestionnaire du réseau et l'opérateur de transport. posteriori, on peut penser que cela n'a pas simplifié la modernisation du réseau. Des questions sur la place des gares ont été soulevées, les parlementaires ont fait des propositions, nous y reviendrons en discutant les conclusions de la mission de Jean-Cyril Spinetta.

Mme Cécile Cukierman .  - Ce débat, voulu par Les Républicains, vise à nous faire croire que tout fonctionnerait mieux si la SNCF était privatisée.

M. Philippe Dallier.  - Nous n'avons jamais dit cela !

Mme Cécile Cukierman.  - Sornettes libérales : cela conduirait surtout à une baisse du service rendu, une hausse des tarifs et une baisse de la sécurité. Nous ne voulons pas de ce modèle pour notre pays.

La SNCF, dont on fête les 80 ans, est confrontée à des injonctions de baisse des coûts et de rentabilité qui la conduisent à renoncer aux trains de nuit et à abandonner des dessertes. L'État ne finance qu'à 32 % les infrastructures ferroviaires, contre 50 % en Allemagne et 90 % en Suède. Demain, il faudra supprimer deux mille emplois ; les infrastructures sont en mauvais état, la maintenance est en souffrance, ce qui entraîne trop de dysfonctionnements.

Si la SNCF se comporte comme un opérateur privé - avec des idées aussi coûteuses qu'inutiles, comme rebaptiser le TGV « InOui » - c'est que le Gouvernement veut casser toute référence au service public pour laisser la place à de nouveaux entrants. Nous craignons l'abandon des lignes capillaires.

Madame la ministre, comment comptez-vous engager le redressement de l'entreprise publique ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je ne peux laisser dire que la Nation délaisse le transport ferroviaire. Ce sont 11 milliards d'euros de concours publics qui sont affectés chaque année au secteur ferroviaire, pour des recettes estimées à 10 milliards d'euros, ce qui est comparable aux ratios de nos voisins européens. Le contrat entre l'État et SNCF Réseau donne une vision pluriannuelle des investissements.

À la suite de la mission conduite par Jean-Cyril Spinetta, des ajustements seront apportés, sur la soutenabilité des péages par exemple ; on vérifiera que les 3 milliards d'euros dédiés à l'entretien et à la régénération du réseau répondent bien aux besoins. On ne peut laisser croire à un manque d'investissement public dans le secteur.

Le modèle économique doit être remis sur ses pieds. Il faudra retrouver une trajectoire soutenable - la dette du groupe progresse de 3 milliards d'euros par an et atteint 50 milliards en 2018. Le soutien financier au secteur est à la mesure de son importance dans notre politique des transports.

Mme Michèle Vullien .  - Madame la Ministre, vous avez organisé les Assises de la mobilité, lancé la réflexion sur les infrastructures, vous ne vous êtes pas dérobée face aux médias lors des récents incidents en gare. Ce débat vient sans doute un peu tôt, mais les acteurs de la mobilité ont besoin de lignes directrices.

Quel rôle pour la SNCF demain ? Doit-elle se concentrer sur la grande vitesse ou bien être un acteur majeur de l'aménagement et du désenclavement des territoires, la colonne vertébrale de la mobilité sur le territoire national ? Dans cette seconde hypothèse, les autres acteurs de la mobilité - y compris les nouvelles mobilités tels le covoiturage ou l'auto-partage - n'auront qu'à se greffer au réseau pour compléter le maillage territorial. La SNCF sera-t-elle demain l'axe central de l'intermodalité ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La large consultation organisée dans le cadre des Assises de la mobilité a débouché sur des constats qui nous interpellent. Un Français sur quatre a refusé une formation ou un emploi faute de solution pour s'y rendre ; 80 % du territoire, représentant 30 % des Français, n'est pas couvert par une autorité organisatrice de transport.

Il faut répondre aux besoins de l'ensemble des territoires, en combinant toute la palette des nouvelles mobilités que permet l'ère digitale avec les modes plus structurants comme le chemin de fer, irremplaçable notamment dans la périphérie des agglomérations. La future loi devra structurer les réponses de mobilité.

M. Claude Bérit-Débat .  - J'apprécie votre volontarisme, Madame la ministre. Dans cette équation complexe, il y a plusieurs inconnues, comme la réduction de la dette de SNCF Réseau et le financement de projets ferroviaires régionaux.

En Dordogne, nous attendons des décisions d'importance au sujet de la ligne Libourne-Bergerac-Sarlat. Je vous ai déjà interpellée à plusieurs reprises sur le sujet. Le plan de financement est-il bouclé ? Quelle sera la participation de l'État ? J'espère une réponse aussi claire que celle que vous avez faite à ma collègue du Cantal, car la Dordogne est elle aussi enclavée.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La ligne Bergerac-Libourne accuse un retard important en termes d'entretien. Nous avons inauguré quatre LGV au cours des dix-huit derniers mois ; 5 300 kilomètres de lignes souffrent de ralentissements. Il faudra 5 milliards d'euros sur les dix prochaines années pour assurer la pérennité des lignes secondaires.

Un travail est en cours au sein de la région Nouvelle-Aquitaine pour définir, avec l'État, les priorités d'investissement. Je ne doute pas que le caractère prioritaire de la ligne Libourne-Bergerac-Sarlat sera reconnu, compte tenu de sa fréquentation et de sa compétitivité par rapport aux alternatives routières. Cependant, il nous faut attendre les résultats de la réévaluation des travaux effectués par SNCF Réseau pour dégager les financements nécessaires.

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Je vous souhaite pour 2018 santé, bonheur et trains à l'heure ! (Rires)

Lors de son audition, le PDG de SNCF Réseau s'est félicité des 500 millions d'euros affectés aux lignes régionales et a annoncé vouloir atteindre 1 milliard d'euros au terme du contrat de performance, signé pour dix ans. Quelle sera la progression annuelle du budget dédié au cours des dix prochaines années ? Quelle est la sincérité des ambitions affichées, sachant que les engagements financiers de l'État et des régions ne sont aucunement garantis ? L'avis des régions sur le contrat n'a pas été pris en compte, et l'Arafer a rendu le 29 mars dernier un rapport faisant état d'hypothèses fragiles et peu crédibles...

Dans le Pas-de-Calais, le Réseau Express Grand Lille qui doit relier Lille à Hénin-Beaumont est primordial. L'État honorera-t-il ses engagements ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Un contrat ambitieux a été signé entre l'État et SNCF Réseau pour les dix prochaines années. Il prévoit des investissements de régénération à hauteur de 34 milliards d'euros sur dix ans sur le coeur du réseau. Pour ce qui est du réseau secondaire, il doit être financé par l'État et les régions, et non pas par SNCF Réseau. Les priorités seront définies région par région. La pause annoncée sur les grands projets d'infrastructures ne concerne pas les CPER, car il s'agit de trains du quotidien.

Mme Fabienne Keller .  - Je veux dire mon soutien aux cheminots, qu'il s'agisse de ceux qui exploitent les lignes ou de ceux qui travaillent sur les chantiers pour remettre à niveau le réseau.

Vos arguments budgétaires sont lourds. À en croire la presse, Sélestat, Colmar, Épinal ou Charleville-Mézières pourraient ne plus être desservies par le TGV, en dépit des engagements pris envers les territoires lors de la construction de ces lignes, qu'ils ont contribué à financer.

La liaison Strasbourg-Saint-Dié, qui traverse une vallée, est un bon exemple du maillage territorial par les trains régionaux. Elle peut bénéficier de rabattement pour désenclaver certains territoires. Encore faut-il que les niveaux d'exploitation soient suffisants. Comment y contribuer ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je veux vous rassurer : le TGV continuera à desservir les grandes métropoles mais aussi à irriguer le territoire. Il dessert 230 villes. Ce choix n'est pas remis en cause ; il a cependant un coût.

Le TGV doit rester un mode de transport accessible à tous. On ne peut lui demander à la fois une desserte fine des territoires, des tarifs abordables et en même temps lui imposer des péages très élevés... Bref, on ne peut pas demander tout et son contraire ! Les LGV ont bénéficié du financement des collectivités locales en contrepartie d'un engagement de desserte : celui-ci n'est pas remis en cause.

M. Jean-Claude Luche .  - Il n'y aura bientôt plus de liaison directe entre l'Aveyron et Paris. Le train de nuit, qui met huit heures entre Rodez et Paris, est sur le point d'être supprimé. Les difficultés s'accroissent d'année en année ! Le train, qui est pourtant un formidable outil d'aménagement du territoire, s'éloigne progressivement de nos réflexes de transports. Or les ruraux financent aussi, par leurs impôts, le déficit de la SNCF. Ils ne peuvent pas être les grands oubliés du train. Nous exigeons une vraie solidarité nationale, là où des territoires sont à deux heures de route de la gare TGV la plus proche. Régler les problèmes de la gare Montparnasse, oui, mais n'oublions pas Rodez, Millau ou Séverac-le-Château.

Quelle perspective nous donnerez-vous pour améliorer la desserte ferroviaire de nos territoires ruraux ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Il n'est pas question de supprimer le train de nuit entre Paris et Rodez. Malheureusement, la ligne doit faire l'objet cette année de travaux de modernisation, d'où un allongement du temps de parcours et une modification de l'itinéraire. Je suis consciente du désagrément pour les voyageurs. Peut-être faut-il envisager une fermeture temporaire sur une période plus longue ?

Vous pouvez compter sur mon engagement à maintenir les trains de nuit qui restent sous la responsabilité de l'État. Votre département conservera son train de nuit.

M. Philippe Madrelle .  - L'association de défense des consommateurs Que choisir dénonce une dégradation de la qualité de service dans les trains du quotidien et des conditions très inégales d'indemnisation des retards et annulations.

Le caractère spectaculaire des incidents géants ces derniers mois nous a distraits des difficultés quotidiennes auxquelles se heurtent les usagers pour se rendre à leur lieu de travail : 11 % des TER annulés et 15 % de retards aux heures de pointe, 59 % des retards imputables à la gestion de la circulation par la SNCF Mobilités, hors travaux.

Le dispositif d'indemnisation de la SNCF est extrêmement procédurier donc décourageant ; les deux tiers des régions n'ont pas mis en place un tel système pour les usagers des TER. C'est une curiosité nationale que les droits des usagers soient mieux assurés dans des trains commerciaux que dans les trains qui assurent le service public !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La priorité du Gouvernement va, je le redis, aux transports du quotidien, donc à l'entretien et à la régénération du réseau.

Les indicateurs sont importants ; ceux de l'Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST), sans masquer les difficultés, ne dessinent pas un paysage aussi noir...

L'indemnisation des voyageurs est une question de responsabilité : il appartient aux Autorités organisatrices de transport (AOT) de définir des régimes de pénalités applicables à leurs opérateurs et d'indemnisation de leurs voyageurs. Pour sa part, la SNCF a mis en place une indemnisation plus généreuse que ce qu'imposent les règles européennes. Ce n'est pas à elle d'assurer l'indemnisation pour le compte des AOT.

M. Cyril Pellevat .  - Le réseau ferroviaire français s'étend sur 30 000 kilomètres, ce qui en fait le deuxième d'Europe. Je ne reviendrai pas sur les dysfonctionnements récents...

En 2008, à Allinges, la Haute-Savoie a connu un drame similaire à celui de Millas. Ne serait-il pas opportun de permettre aux régions qui le souhaitent de cofinancer la sécurisation des passages à niveau ?

Vous connaissez notre combat pour le désenclavement du territoire du Chablais : le Gouvernement peut-il affirmer son soutien au projet franco-suisse du RER Sud-Léman, dont je préside le comité de pilotage ? SNCF Réseau a donné son feu vert, la région confirmé son engagement. Ce serait un bon signal envoyé à nos voisins suisses.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je vous répondrai par écrit sur ce dernier point.

Chaque jour, 16 millions de véhicules traversent nos 15 000 passages à niveau. Les victimes, encore trop nombreuses, représentent 1 % des tués sur les routes. L'État est engagé depuis longtemps dans un programme de sécurisation pour renforcer la signalisation et traiter le cas des passages les plus dangereux.

L'État se substitue à SNCF Réseau pour financer les travaux. Je réunirai le 15 février le comité ministériel sur la sécurité ferroviaire pour réaffirmer l'engagement de l'État. Il faut aussi renforcer la sensibilisation des automobilistes car 90 % des accidents sont liés au non-respect des règles de la sécurité routière.

M. Olivier Jacquin .  - Le président de la République a annoncé souhaiter réformer le régime spécial de retraite des cheminots en contrepartie d'un allègement de la dette de la SNCF - irréalisable tour de passe-passe ! Cette proposition disruptive de notre président-manager est-elle une tentative d'embellir à peu de frais la corbeille de la mariée dans la perspective d'une vente à la découpe de la SNCF ?

J'apprécie votre compétence, votre patience, Madame la Ministre. Merci de nous donner plus d'informations.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La situation du ferroviaire appelait une réflexion globale. Personne ne peut se satisfaire d'une dette qui croît de 3 milliards d'euros par an, d'un modèle économique du TGV fragilisé, d'une chute de 30 % du fret en quinze ans. C'est le sens de la mission confiée à Jean-Cyril Spinetta : une approche globale, pour une stratégie ferroviaire soutenable et adaptée aux besoins. Je vous invite à patienter quelques jours en attendant ses conclusions qui traiteront de tous ces sujets. L'ouverture à la concurrence doit être abordée avec sérénité, dans la concertation, pour qu'elle se fasse au bénéfice des régions et des voyageurs tout en rassurant les cheminots sur leur avenir.

M. Jean Sol .  - Le 14 décembre dernier, une collision impliquant un car scolaire, à Millas, faisait six morts et de nombreux blessés. Je pense naturellement aux familles et salue le maire, exemplaire, de la commune meurtrie.

Le Premier ministre a mis l'accent sur le nécessaire désenclavement des territoires. Je suis favorable à un nouveau dispositif de programmation des investissements pour les transports de demain, à condition de garantir l'égalité de tous face à la mobilité. Perpignan est encore à plus de cinq heures de la capitale. La LGV s'arrête à Montpellier, alors que l'Espagne a une LGV reliant Madrid, Barcelone et Figueras.

Les arguments en faveur du projet sont nombreux : attractivité, transformation urbaine, tourisme, compétitivité. La multiplication des camions sur les routes est l'un des premiers facteurs d'insécurité routière et de pollution atmosphérique.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai.

M. Jean Sol.  - Ce projet est attendu depuis plus de trente ans. Nous demandons une plus grande justice territoriale pour la France d'en bas, des oubliés, des abandonnés.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - C'est tout l'enjeu des travaux menés en ce moment au sein du Conseil d'orientation des infrastructures. La priorité est donnée à l'entretien et à la modernisation du réseau, ainsi qu'au désenclavement des territoires - j'ai parlé d'Aurillac, mais l'on pourrait évoquer Prades. Il faut désaturer les lignes ferroviaires à l'origine des difficultés.

Je n'ignore pas les besoins et attentes exprimés en Occitanie, en Normandie, en Bretagne, autour des 36 milliards d'euros de lignes nouvelles promises. Il faut sortir des promesses non financées et prendre des engagements réels, assortis de financements, pour restaurer la confiance. C'est un exercice de vérité.

M. Jean-Pierre Vial .  - En France, seuls 10 % du transport de marchandise sont assurés par le rail, et le fret ferroviaire est passé de 350 à 315 milliards de tonnes-kilomètres alors qu'il augmentait partout en Europe... Le Havre ne compte pas parmi les cinquante premiers ports mondiaux.

La Chine, pendant ce temps, après avoir mis la main sur le Pirée, multiplie ses liaisons ferroviaires en Europe, construisant une nouvelle route de la soie. Notre retard est à relier à la désindustrialisation de notre pays. L'excédent de la balance commerciale de l'Allemagne est de 240 milliards d'euros quand le déficit de la France est de 60 milliards d'euros.

Le fret marchandises n'a pas besoin de rouler très vite. À 40 kilomètres/heure, on traverse la France en vingt-quatre heures. La responsabilité de l'État dans l'abandon de ce secteur depuis vingt ans est entière. Songeons qu'il faut réserver les sillons deux ans à l'avance !

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Vial.  - J'ai interrogé le ministre de l'écologie sur le projet d'autoroute ferroviaire alpine. Quelle est la volonté du Gouvernement en matière de fret ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - On ne peut certes se satisfaire de la situation du fret. (MM. Charles Revet et Roland Courteau renchérissent.) Le trafic a baissé d'un tiers en quinze ans, alors que des files de poids lourds traversent notre pays.

Ce sujet sera abordé par les travaux de réflexion en cours. La compétitivité de nos ports est un enjeu connexe - la ligne Serqueux-Gisors devra ainsi contribuer à dynamiser le port du Havre. Il faut améliorer la planification des sillons car les chargeurs ont besoin de garanties.

Les consultations sont en cours sur l'autoroute ferroviaire alpine et un appel à manifestation d'intérêt a été lancé pour l'autoroute ferroviaire atlantique.

M. Gérard Cornu .  - Les incidents et bugs informatiques de décembre sont préoccupants, mais moins que la situation financière du groupe. La dette, de 50 milliards d'euros, devrait atteindre 60 milliards en 2025, au point que la question de sa reprise par l'État se pose. Qu'en pensez-vous ?

Notre réseau vieillit, et des investissements s'imposent. J'approuve votre vision politique et l'opération vérité que vous avez lancée. Moderniser notre patrimoine ferroviaire n'est pas tout, il faudra une nouvelle vision, un assainissement financier de SNCF Réseau et une ouverture à la concurrence pour stimuler SNCF Mobilités et améliorer le service aux usagers. Sur tous ces aspects, quelle est votre vision ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je vous rejoins : il faut aborder simultanément tous les sujets : état des infrastructures, modèle économique, ouverture à la concurrence, prévue par les textes européens et demandée par les régions... Jean-Cyril Spinetta travaille précisément sur ces aspects, avec pour objectif de dessiner une stratégie d'ensemble. Nous débattrons prochainement de ses conclusions.

M. Jérôme Bascher .  - Une partie du réseau au nord de l'Île-de-France est totalement saturé. D'où le projet Roissy-Picardie, avec des TGV entre Amiens et Roissy et des trains du quotidien à partir de Compiègne, Creil ou Amiens. Nous avons besoin d'un nouvel accès à l'Île-de-France, car l'augmentation de la desserte de la gare du Nord n'est plus possible en heure de pointe - je peux témoigner que le service est déplorable et les usagers, excédés, de véritables galériens modernes.

Le projet de 340 millions d'euros, inscrit dans les contrats de plan État-région d'Île-de-France et des Hauts-de-France, consiste en un tronçon de 7 kilomètres entre le nord de l'aéroport et la ligne Paris-Creil. Il améliorerait les déplacements quotidiens vers le hub de Roissy et développerait l'intermodalité air-rail.

Le président du conseil départemental de l'Oise, Édouard Courtial, en lien avec Xavier Bertrand, a pris l'initiative de réunir les financements des collectivités concernées. Comptez-vous donner une suite favorable à ce projet, qui ne saurait avancer à un train de sénateur ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Plus qu'un projet de LGV, il s'agit d'un projet d'infrastructure du quotidien pour relier les bassins d'habitat aux bassins d'emploi - l'aéroport de Roissy par exemple, très mal relié. Ce projet est examiné par le Conseil d'orientation des infrastructures. D'ici le 31 janvier, nous disposerons du rapport Duron et nous verrons quelle place réserver à ce projet de la programmation de nos investissements.

Communications

Commissions permanentes (Nominations)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de plusieurs commissions permanentes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

La séance est suspendue à 16 h 30.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle onze questions d'actualité au Gouvernement. Même si nous avons eu d'autres occasions d'échanger des voeux, je saisis celle-ci pour souhaiter une bonne année au pays, au Sénat, comme à chacune et chacun d'entre vous.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook. Chacun sera attentif au temps, ainsi qu'au respect des uns et des autres.

Accords de rupture conventionnelle collective

M. Frédéric Marchand .  - L'accord de rupture conventionnelle collective a été adopté l'an dernier dans le cadre des ordonnances réformant le droit du travail. Deux entreprises se sont saisies de cet outil dans le Nord, PSA et Pimkie, la presse s'en étant fait largement l'écho. Trois conditions sont nécessaires : l'accord doit être adopté à la majorité des syndicats représentant plus de 50 % des salariés ; il doit fixer le nombre de départs envisagés, avec des critères départageant les salariés volontaires, fixant les indemnités et les mesures de reclassement ; l'accord doit être homologué par l'administration ; j'y insiste, les salariés doivent être volontaires.

Il permet aux salariés de bénéficier, en plus des indemnités chômage, de toutes les mesures qui seront négociées dans l'accord, par exemple des indemnités spécifiques, des mesures de reclassement et d'accompagnement, dont le régime social et fiscal est favorable, comme lors d'un plan de départs volontaires.

Les salariés concernés s'interrogent cependant sur les possibilités d'un usage abusif. Pouvez-vous nous confirmer qu'il ne s'agit en aucun cas de licenciements déguisés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs des groupes Les Indépendants et UC)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Merci de me faire l'honneur de me poser la première question d'actualité de l'année ! La rupture conventionnelle collective s'inspire de la rupture individuelle qui permet le licenciement lorsque tout le monde est d'accord, c'est-à-dire lorsque l'entreprise et les syndicats sont favorables et les salariés volontaires. Le dispositif évite le choc terrible du licenciement collectif contraint. L'accord majoritaire des syndicats, le strict volontariat des salariés et le visa conforme de l'administration, la Direccte, constituent trois verrous, que vous avez rappelés, rendant cette démarche très positive.

Dans le cas de PSA, les syndicats et les salariés sont volontaires. Ce n'est pas le cas dans d'autres entreprises concernées. Cela prouve que nous avons tout prévu dans notre dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Couverture numérique

M. Raymond Vall .  - L'accès aux réseaux mobiles est primordial pour nos concitoyens, surtout en zone rurale, où ils ont entendu bien des promesses depuis longtemps et le président de la République s'est engagé à généraliser une couverture mobile du territoire de qualité d'ici 2020.

Aux côtés de Jacques Mézard, vous avez annoncé dimanche avoir abouti à un accord avec les opérateurs de télécommunications prévoyant 3 milliards d'euros supplémentaires : mesure de justice indispensable à la cohésion de notre pays et surtout à l'égalité des territoires.

De telles promesses ont déjà été faites, sans guère de résultat... Qu'apportera le présent accord, en quoi pourrait-il réussir, là où les initiatives précédentes n'ont pu aboutir et quelles simplifications administratives seront introduites ? Quel sera le rôle des élus locaux, qui se découragent, tant ils sont dépourvus de prise sur les décisions des opérateurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires .  - La fracture numérique est l'une des principales inégalités dans notre pays. Il n'est pas acceptable que certains villages demeurent en zone dite blanche.

Avec Jacques Mézard, Bruno Le Maire et Mounir Mahjoubi, nous avons donc conclu un nouvel accord avec les opérateurs. Il porte sur 3 milliards d'euros d'investissements supplémentaires en effet, dans les zones les moins denses, pour remédier à ces zones blanches. L'équivalent des infrastructures des quinze dernières années sera implémenté en trois ans. La 4G sera déployée dans plus de 10 000 communes et nous renforcerons la couverture des axes routiers.

Cet accord portera ses fruits car il est contraignant, ce qui est un changement de paradigme. Comment ? Il conditionne l'attribution de fréquences aux opérateurs au respect de leurs obligations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Raymond Vall.  - Nous en prenons acte.

Plateforme Parcoursup (I)

M. Fabien Gay .  - Les lycéennes et les lycéens peuvent accéder, depuis hier, au portail Parcoursup, qui a remplacé le dispositif « Admission post bac » (APB). Les lycéens pourront prochainement mettre en ligne leur dossier qui seront examinés par les universités en fonction d'attendus qu'elles élaborent en ce moment.

Celles-ci, en dehors de tout cadre légal, demandent des lettres de motivation, des attestations de stage ou des diplômes supplémentaires comme le BAFA. Elles ont compris le sens profond de votre réforme, avec une sélection drastique que vous n'assumez pas.

Tout se passe comme si les dispositions de votre loi étaient appliquées avant même d'avoir été discutées par notre assemblée qui en débattra les 7 et 8 février prochains. Je vous le dis solennellement : respectez au moins le droit constitutionnel ! Le projet de loi n'a été ni examiné ni adopté ! Suspendez les actes d'application de cette loi non encore votée !

À défaut, notre groupe défèrera devant les juridictions administratives les actes des universités concernées contraires aux dispositions actuelles du code de l'éducation. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Oui, nous remplaçons le dispositif connu sous le nom d'APB. Vous évoquez une sélection qui ne dirait pas son nom. Cette sélection, elle existait hier, elle existe encore aujourd'hui. Les IUT, les classes préparatoires sont des filières sélectives. Dans les filières non sélectives, la sélection se fait par l'échec, de 60 % de ceux qui s'inscrivent en première année et n'obtiennent pas la licence en quatre ans. Cette sélection par l'échec est due à un défaut d'orientation. Il a été choisi il y a quelques années de procéder par tirage au sort, solution injuste et scandaleuse...

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Vous vous souvenez de l'émotion des Français, lorsqu'ils ont découvert l'an dernier l'extension du tirage au sort. Nous avons décidé de créer un dispositif qui informe au mieux les lycéens sur leurs compétences et leurs chances de réussite. Ceux-ci connaissent très exactement les attendus pour réussir dans la filière choisie. S'ils n'ont pas le niveau, les universités devront leur indiquer un parcours qui leur correspond. C'est plus d'information pour une meilleure orientation et plus d'accompagnement.

Nous avons ouvert la plateforme hier, non pas pour les inscriptions, mais pour que chaque lycéen puisse la connaître.

Les lycéens auront jusqu'au 13 mars pour formuler dix voeux d'accès à l'enseignement supérieur. Les résultats arriveront en mai et personne ne sera laissé au bord du chemin. D'une procédure, voire d'un tirage au sort, mécaniques, nous progressons vers une orientation qui prenne en compte l'ensemble des demandes. Je crois que c'est un progrès et vous pourrez en débattre, au Sénat, en février : nul doute que ce sera un beau débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Fabien Gay.  - Monsieur le Premier ministre, vous n'avez pas répondu sur la méthode. Je le regrette. Sur le fond, nous avons toujours refusé la sélection, tout comme le tirage au sort. Il faut un milliard d'euros d'investissement pour apporter une solution aux 40 000 nouveaux bacheliers qui arrivent à l'université. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Taxe d'habitation (I)

M. Jean-Pierre Sueur .  - La taxe d'habitation est un sujet qui préoccupe les maires et les élus locaux. (Marques d'approbation sur les bancs du groupe Les Républicains) On a annoncé sa suppression pour tous les contribuables. Dès lors, nous posons plusieurs questions. Comment compenser les quelque 19 milliards d'euros que cela coûtera ? Le président de la République a annoncé la constitution d'un groupe de travail animé notamment par Alain Richard et Dominique Bur.

Cependant, Mme Gourault, qui connaît bien ce sujet, comme ancienne sénatrice, a annoncé sur LCP la création d'un nouvel impôt plus juste, (Exclamations sur divers bancs ; Mme Jacqueline Gourault, ministre, sourit.) aussitôt contredite, néanmoins, par le ministre des finances, M. Le Maire.

Allez-vous donc augmenter l'un des impôts existants ? Si oui, lequel ?

M. Philippe Dallier.  - Excellente question ! (On approuve sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et sinon, comment compenserez-vous les 19 milliards d'euros ? (Applaudissements nourris sur la plupart des bancs, sauf sur ceux des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - (Vives exclamations sur divers bancs) Ne surinterprétez pas les propos de Mme Gourault. (Sourires sur de nombreux bancs)

M. Philippe Dallier.  - Ce n'est pas gentil !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il n'y aura pas de nouvel impôt pendant la durée de ce Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; expressions dubitatives et exclamations ironiques sur la plupart des autres bancs) La suppression de la taxe d'habitation est surtout un sujet de préoccupation pour 80 % des contribuables dont le revenu est inférieur à 2 500 euros par mois, qui ont hâte qu'elle s'applique. La suppression de la taxe d'habitation est parfaitement financée. (On s'exclame sur les bancs autres que ceux du groupe LaREM.) Oui, le déficit budgétaire de 2017 est même moindre que prévu, de 6 milliards d'euros : les comptes publics sont bien tenus par le Gouvernement d'Édouard Philippe ! (On invoque, sur les bancs du groupe SOCR, l'action des gouvernements précédents.)

Trois pistes sont ouvertes pour compenser la suppression de la taxe d'habitation : la première, que vous n'évoquez pas, consiste à réduire la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains ; protestations sur plusieurs bancs des groupes CRCE et SOCR)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Autre piste : affecter une partie d'un impôt national aux collectivités territoriales...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Il serait temps de s'y mettre !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Enfin, refondre la fiscalité locale. (Protestations sur tous les bancs, sauf ceux des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE)

M. Philippe Dallier.  - Mme Gourault avait raison !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le Ministre, vous savez très bien que vous ne nous avez pas convaincus. (Applaudissements sur de nombreux bancs, sauf ceux des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE) Vous suggérez de tirer parti d'un impôt national, mais celui-ci est tout de même payé par le contribuable ! Ou bien une refonte de la fiscalité locale. Mais s'il faut dégager une nouvelle recette, c'est bien, si l'on n'en crée pas, qu'on augmente un impôt ! Nous n'y croyons pas. (Vifs applaudissements sur tous les bancs, sauf ceux des groupes LaREM et Les Indépendants) L'autonomie garantie pour les communes, qu'est-ce que cela signifie ?

M. le président.  - Il faut conclure. D'autant que nous aurons l'occasion d'y revenir... (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est fini ! (Rires)

French tech

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La 52e édition du Consumer Electronic Show (CES) s'est tenue à Las Vegas la semaine dernière. C'est un évènement mondial pour les nouvelles technologies. La France, avec 320 start-up, était la deuxième Nation représentée, derrière les États-Unis. De nombreux territoires, régions, métropoles y étaient représentés. Ainsi, une délégation angevine a capitalisé sur l'élan du Forum mondial de l'électronique, organisé avec succès à Angers en novembre dernier. Oui, nous demeurons une grande Nation d'innovation.

Toutefois, notre déficit commercial extérieur atteint 60 milliards d'euros sur douze mois. Notre innovation peine à se traduire concrètement et notre compétitivité s'érode. Nos PME exportent peu et peinent à trouver les finances nécessaires à leur croissance.

Comment faire pour que la French Tech, au-delà de l'opération de communication, mette la France aux premiers rangs de l'économie de demain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Vous avez raison de vanter les succès de la French Tech qui a encore montré au salon de Las Vegas qu'elle était le fer de lance de la haute technologie française.

Personne ne peut se résigner à voir se dégrader notre balance commerciale. On ne peut faire mieux pour notre économie. C'est le sens de la politique menée par le Premier ministre, afin de réduire le coût du travail, comme sur le plan de la compétitivité hors coûts, réforme de l'ISF, PFU qui facilitent les investissements des entreprises, fonds pour l'innovation de rupture, que nous venons de lancer, abondé à hauteur de 10 milliards d'euros.

L'Allemagne a plus de 230 milliards d'euros d'excédent commercial, nous avons plus de 60 milliards de déficit. Nul ne peut s'en satisfaire.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous gagnerons cette bataille-là également. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)

Taxe d'habitation (II)

M. Michel Savin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Difficile d'intervenir après M. Sueur car j'ai la même question. Monsieur le Ministre, votre réponse nous laisse dans le flou. L'histoire budgétaire le montre : toute compensation reste fragile. On ne sait pas comment le versement aux collectivités territoriales de ces 20 milliards d'euros va être assuré. Il est étrange que l'État, en manque de ressources, continue à étrangler les collectivités territoriales pourtant en difficulté, à rebours du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Même s'il a validé la loi de finances, le Conseil constitutionnel a tout de même émis de sérieuses réserves.

Il y a besoin de ressources nouvelles pour les collectivités territoriales. Les discussions auraient déjà débuté. Avec quelle instance représentant les collectivités territoriales le Gouvernement compte-t-il discuter ?

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Michel Savin.  - Y aura-t-il ou non nouvel impôt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Il n'y a pas de flou dans ce que nous faisons. Le Conseil constitutionnel, que vous citez, a validé la totalité de la loi de finances initiale pour 2018... (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Si vous êtes contents de la taxe d'habitation, dites-le à nos concitoyens ! Elle est incompréhensible, injuste et inéquitable. (Même mouvement) Il fallait la réformer en profondeur. (Idem)

C'est l'honneur de ce Gouvernement de redonner 200 euros de pouvoir d'achat aux Français. Si vous avez des solutions à proposer, faites-le ! Faites donc vos propositions à MM. Bur et Richard, dont le travail est parfaitement transparent.

Il n'y a qu'une proposition que nous n'accepterons jamais, c'est la création d'un nouvel impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; protestations sur divers bancs, notamment ceux des groupes SOCR et Les Républicains)

Une occasion nous est donnée de réformer enfin la fiscalité locale, nous vous tendons la main pour ce faire : saisissez-la ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)

Pêche électrique

Mme Nassimah Dindar .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Ce midi, le Parlement européen s'est prononcé contre la généralisation de la pêche électrique, ce qui est une avancée considérable, mais ne représente qu'une étape. La pêche électrique, procédé redoutable, interdit depuis 1998, consiste à paralyser le poisson en envoyant un courant dans un filet pour le capturer plus facilement.

Les Pays-Bas ont obtenu depuis 1998 une dérogation pour continuer à l'utiliser. En refusant d'y avoir recours, nos pêcheurs français en subissent les conséquences sur la ressource, car la mer du Nord se transforme en un vaste cimetière marin.

Le Gouvernement s'engage-t-il à apporter la même vigilance pour que ces méthodes ne s'implantent pas dans l'océan indien ? Les flottes se déplacent vers les mers du sud encore poissonneuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - En matière de folie, le pire n'est jamais certain. Et je tiens la pêche électrique pour une folie absolue. Je vous prie d'excuser le ministre de l'agriculture, qui est en train de rencontrer l'ensemble des acteurs de la filière laitière.

Après le conseil des ministres en mai dernier, le Parlement européen s'est en effet prononcé à son tour pour une interdiction totale de cette pratique d'un autre âge. C'est une très bonne nouvelle. Je remercie l'association Bloom qui nous a bien alertés. La France salue cette décision et continuera à s'engager contre cette pratique néfaste dont elle dénonce le double danger, dans la phase de négociation qui s'ouvre à présent. La pêche électrique, qui n'opère aucun discernement, est nocive pour le milieu marin et pénalise nos pêcheurs qui n'y recourent pas puisque la ressource halieutique se raréfie. Soyez rassurée, la France prônera le maintien d'une interdiction totale en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Nassimah Dindar.  - Vous ne m'avez pas répondu au sujet de l'hémisphère Sud où doivent s'appliquer les mêmes règles que dans l'hémisphère Nord.

Transport ferroviaire

M. Bernard Cazeau .  - L'année 2017 a de nouveau révélé la vétusté de nos infrastructures ferroviaires avec de nombreuses avaries techniques, notamment sur le réseau Montparnasse.

Vous avez annoncé que la modernisation du réseau secondaire serait une priorité du quinquennat. La mobilité infra-régionale ne devra pas être oubliée, je pense à la ligne Libourne-Bergerac-Sarlat.

À court terme, quelles mesures concrètes seront prises pour assurer la fiabilité des horaires ainsi qu'une information sûre et rapide en cas d'incident exceptionnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - La section Libourne-Bergerac-Sarlat fait partie des nombreuses sections souffrant d'un défaut d'entretien depuis des années. Alors que 4 LGV ont été ouvertes dans les 18 derniers mois, près de 5 300 kilomètres de lignes ferroviaires sont ralentis car sous-entretenus, en raison des sous-investissements dont elles souffrent depuis de nombreuses années. D'où la priorité affichée par le Gouvernement. Je ne me risquerai pas à dire que nous réglerons en quelques mois les problèmes concernés par des décennies de sous-investissements. Mais 5,2 milliards d'euros d'investissements nouveaux seront débloqués, et un travail spécifique sera conduit en Nouvelle Aquitaine, comme dans d'autres régions, pour définir des priorités.

Je ne doute pas que la ligne Libourne-Bergerac sera considérée comme primordiale. Comptez sur ma détermination pour trouver des solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Immigration - Droit d'asile

Mme Sabine Van Heghe .  - La visite du président de la République ce jour à Calais intervient alors que 27 associations ont décidé de déférer au Conseil d'État la circulaire Collomb, qui remet en cause le principe de l'accueil inconditionnel dans les centres d'hébergement d'urgence. Or c'est l'honneur de la France d'aider tous les réfugiés.

Les associations reprochent au Gouvernement un manque d'écoute et de dialogue ; certaines boycotteront d'ailleurs la rencontre avec le président de la République.

Derrière cette politique, il y a des femmes et des hommes en souffrance. Il faut moins de démagogie et plus de pédagogie. Quelque 7 000 à 8 000 personnes vivent à Calais dans des conditions épouvantables. Les migrants doivent être secourus et accueillis dans des conditions dignes d'un grand pays moderne, c'est une exigence républicaine...

M. le président. - Veuillez conclure.

Mme Sabine Van Heghe.  - Quelles mesures pour répondre à cette situation ? Nos parents ou grands-parents ont été parfois réfugiés et nous-mêmes ne sommes pas à l'abri. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, est lui aussi à Calais. Cette visite a pour but de rencontrer les acteurs sur place. Toutes les associations ont été reçues par le Premier ministre et le ministre de l'intérieur et entendues sur ce futur projet de loi. Le dialogue avec les associations existe, le lien est là.

Humanité d'abord, efficacité ensuite, voilà les maîtres mots de notre politique. C'est l'honneur de la France. L'accueil inconditionnel des migrants est assuré dans notre pays.

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas vrai !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le nombre de demandes d'asile a dépassé les 100 000 en 2017 et 85 000 ont fait l'objet d'une non-admission.

Je veux dire la confiance du Gouvernement dans les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et des préfectures. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)

Situation du lycée Joseph Gallieni à Toulouse

Mme Brigitte Micouleau .  - Je relaie l'appel au secours des enseignants du lycée Joseph Gallieni à Toulouse qui accueille un millier d'élèves, du CAP au bac professionnel et au bac technologique. Le lycée est en grève car 150 élèves très difficiles y font régner la terreur et ont pris le pouvoir : agressions, coups, jets de pierre, humiliation des élèves, exclusion des filles de certains espaces, déclenchement d'incendies, trafic de drogue... Les surveillants sont dépassés et les enseignants viennent travailler la peur au ventre dans ce lycée professionnel pourtant quasiment neuf puisque reconstruit entièrement en 2008 après la catastrophe AZF. C'est la preuve que le cadre de vie ne suffit pas. Tous les élèves qui souhaitent travailler voient leur avenir remis en cause. N'est-il pas temps de prendre le problème à bras-le-corps, de poser la question de la création d'établissements adaptés à ces situations, et de repenser en profondeur les parcours des élèves les plus difficiles pour que les élèves qui souhaitent travailler et leurs professeurs ne vivent plus l'enfer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Quelque 70 enseignants sur 135 se sont mis en retrait. Ce phénomène n'est pas nouveau. L'établissement a une capacité d'accueil de 1 400 places mais les effectifs sont largement en deçà en raison de la situation.

L'an dernier, des équipes de sécurité spécialisées de l'académie sont intervenues, ainsi que des cellules d'écoute à destination du personnel. Un établissement scolaire doit être un lieu de paix, de calme, d'écoute, d'éducation et de partage. Ce n'est pas le cas. Les représentants des enseignants seront reçus ce soir à l'inspection d'académie et au rectorat pour trouver une solution et pour que le calme revienne. Le besoin d'investissement dans l'éduction est massif, celle-ci étant la clef de l'émancipation dans ces quartiers difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Plateforme Parcoursup (II)

M. Stéphane Piednoir .  - Parcoursup a été présenté lundi à grand renfort de relais médiatiques. Certes, APB et le tirage au sort ont montré leurs limites. Mais dans les préconisations de la Cnil et de la Cour des comptes, il n'était nullement question d'une refonte totale du système et le dispositif suscite de l'inquiétude chez les lycéens et les enseignants. Pire, il a été déployé dans la précipitation, sans débat de fond, au mépris de la démocratie et du Parlement. La plateforme est déjà lancée avant même l'examen du texte au Sénat ! C'est un déni de démocratie. Pourquoi voter une loi qui est déjà en application ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Vous semblez nous reprocher de ne pas accepter le statu quo. (On se récrie sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse et Mme Éliane Assassi.  - Respectez le Parlement !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État.  - Nous avons pris un engagement lors de la dernière rentrée scolaire : celui de revenir sur le système actuel, sélectif par l'échec !

Nous aurions certes pu nous retrouver tous ensemble pour réfléchir et attendre... pour donner rendez-vous aux lycéens l'année prochaine ! Non, il était urgent d'agir pour mettre fin, dès cette année, pour la prochaine rentrée, à un système injuste qui condamne les jeunes à l'échec.

Nous nous battrons pour faire réussir le nouveau système. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Stéphane Piednoir.  - Cessez de brandir la menace du statu quo, saisissez les propositions du Sénat ou, au moins, acceptez le débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 17 h 50.

L'état du service public dans les transports en région Île-de-France

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur l'état du service public dans les transports en région Île-de-France.

Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste .  - Les Franciliennes et les Franciliens ne supportent plus la galère des transports du quotidien : les retards, annulations et incidents divers nourrissent le stress et l'exaspération, un sentiment de déclassement et d'abandon. Le personnel de la RATP et de la SNCF, lui, est en souffrance en raison des conditions de travail de plus en plus difficiles.

La dégradation des transports publics se pose sur tout le territoire, mais elle est cruciale dans la région capitale où transitent 5 millions de voyageurs chaque jour.

Depuis des décennies, l'Île-de-France souffre d'un aménagement déséquilibré du territoire, avec des logements à l'est et des bureaux à l'ouest. Le développement urbain a créé de nouveaux besoins en termes de mobilité qui rendent nécessaire un rééquilibrage. L'enjeu est également environnemental et sanitaire : trop de camions, de voitures sur les routes !

Quelque 6 000 morts par an sont dues à la pollution, avec des coûts induits de 100 milliards par an à l'échelle du pays. Ces chiffres devraient encourager un report modal vers le transport fluvial et ferroviaire. Pourtant, en Ile-de-France, à peine 3 % de marchandises passent par le rail. Et en Val-de-Marne, c'est seulement un train de marchandises par jour pour Rungis !

Pour respecter nos engagements de l'accord de Paris, il nous faut donc appliquer des politiques qui favorisent le rail face à la route, le collectif face à l'individuel.

L'accessibilité des transports en commun est également un enjeu social. Trop de nos concitoyens subissent une discrimination à l'embauche liée à leur lieu de résidence. C'est un frein pour la compétitivité de nos entreprises.

Tout ceci est dû au désengagement de l'État. On se demande même si cela n'a pas été réfléchi pour justifier l'ouverture à la concurrence et la privatisation des transports en commun. Or comment laisser entendre que cette ouverture résoudrait les problèmes, quand on sait bien qu'elle ne fera qu'accentuer les déséquilibres, les investissements privés allant se concentrer sur les secteurs rentables, donc pas en grande couronne où les problèmes sont aujourd'hui criants ?

Nous plaidons plutôt pour la complémentarité des modes de transport : le ferré, le bus, les vélos, pour une offre cohérente et maillée sur tout le territoire - ce qui suppose une maîtrise publique du secteur. Au lieu de quoi, l'ouverture à la concurrence c'est également le dumping social et environnemental - et davantage de risques pris avec la sécurité des usagers et des personnels.

Il faut abandonner le CDG Express, dont le billet sera de 24 euros pour rejoindre l'aéroport. D'un côté, des transports de qualité pour ceux qui peuvent payer - l'État vient d'y mettre 1,7 milliard d'euros ! -, de l'autre, un service au rabais et non financé.

Le CDG Express est un véritable serpent de mer, que la mobilisation citoyenne est parvenue à repousser, de même que c'est la mobilisation citoyenne qui a fait changer le Grand Paris Express, qui ne faisait au départ que rejoindre entre eux les pôles de compétitivité en ignorant les habitants des territoires traversés.

Madame la Ministre, quels sont les retards de calendrier du Grand Paris Express ? Des lignes seront-elles abandonnées ? Nous serons intransigeants sur la pleine réalisation de ce projet : elle désengorgera les transports si elle est réalisée dans son entier, nous y veillerons !

Si personne ici ne se satisfait des transports publics franciliens, nous divergeons sur les actions à engager. Pour notre part, nous dénonçons les choix politiques consistant à faire des économies sur les matériels et sur les personnels, au détriment des 5 millions d'usagers quotidiens.

Comment espérer des améliorations du service en annonçant toujours plus de suppressions de postes ? Pour un service de qualité à un tarif accessible, il faut renforcer le service public des transports. Le matériel roulant doit être renouvelé, même si beaucoup a été fait sous la mandature régionale précédente. Il faut investir massivement sur les lignes du RER, véritable point noir du réseau régional, poursuivre le maillage par les bus, renforcer le service aux usagers par une politique d'embauche. Sur le fret, il faut utiliser les équipements et préserver les réserves foncières - et il serait intéressant de mettre à l'étude la création d'une rocade autour de Paris.

Il faut arrêter de demander aux usagers de payer toujours plus. Au conseil régional d'Île-de-France, nous avons demandé et obtenu un pass Navigo à tarif unique. Il faudrait aussi prendre en compte les difficultés de nos concitoyens en situation fragile dans la tarification. Au lieu de cela, la majorité régionale n'a de cesse d'augmenter les tarifs ; on ne peut pas nous reprocher notre inconstance. Heureusement, dans certains départements comme le Val-de-Marne, une tarification spéciale a été instaurée pour les retraités.

Le groupe CRCE estime que les entreprises qui bénéficient du bon maillage territorial doivent participer davantage au développement de l'offre de transport, par une augmentation du versement transport à Paris et dans une partie des Hauts-de-Seine, ainsi que par une réforme de la taxe sur la construction de bureaux.

D'autres mesures sont possibles telles qu'une taxe sur les parkings des centres commerciaux ou une TVA à 5,5 % pour dégager les marges de manoeuvre. L'Île-de-France bénéficierait de financements nouveaux à hauteur de 5 milliards d'euros. (M. Philippe Pemezec se moque.)

Mme Laurence Cohen.  - Vous pouvez vous gausser : vos propositions alternatives ne résolvent aucun des problèmes posés !

Mme Éliane Assassi.  - Très bien !

Mme Laurence Cohen.  - Quelles sont vos propres alternatives ? Il faut donner la parole à ceux qui ont une expertise importante.

Nous souhaitons que ce débat enrichisse le projet de loi Mobilité, pour donner un coup d'arrêt aux galères quotidiennes et redonner sa place au fret ferroviaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Je partage certaines de vos interrogations mais pas toutes vos conclusions.

Mes précédentes fonctions m'ont amenée à connaître ce dossier. Je ne me satisfais bien sûr pas du réseau structuré historiquement en radiales. L'État a pleinement conscience des enjeux et est pleinement engagé pour des objectifs de moyen terme tels que les Jeux olympiques en 2024 et la coupe du monde de rugby en 2023.

L'État souhaite améliorer les conditions de transport, lutter contre la pollution de l'air et aider les collectivités territoriales à opérer la transition écologique, favoriser une politique des transports qui protège les personnes, répondre à l'enjeu de cohésion sociale et d'accessibilité à tous.

Une meilleure cohésion territoriale est essentielle pour le vivre-ensemble mais aussi pour l'activité économique. Dans le cadre du Contrat de plan État-Région actuel, l'État consacre 1,4 milliard d'euros à améliorer le transport en Île-de-France, en sus des moyens engagés par la Société du Grand Paris.

La RATP et la SNCF vont consacrer 1,6 milliard d'euros en 2018 à la régénération de leur réseau. Le trafic augmente en Ile-de-France, c'est une bonne nouvelle, l'État accompagne les collectivités territoriales, qui sont les autorités organisatrices des transports (AOT).

Le Grand Paris Express est engagé, la réalisation des études et le passage à la phase opérationnelle nous permettent de préciser les choses. Le calendrier présenté jusqu'à présent était trop ambitieux. Une mission a été confiée au préfet d'Île-de-France sur le rythme du projet et son financement. Rassurez-vous, l'intégralité du schéma du Grand Paris Express sera maintenue.

Avec la présidente d'Île-de-France Mobilités, nous avons réuni les acteurs pour leur demander de mieux se coordonner. Bien qu'il ne soit pas une AOT, l'État s'engage, constatez-le !

Mme Laurence Cohen.  - C'est normal, quand même ! (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La loi d'orientation sur les Mobilités offrira un cadre incitant à plus d'innovation dans la mobilité. C'est un enjeu majeur tant au plan économique que social et environnemental.

Hommage à une délégation pakistanaise

Mme la présidente.  - Je suis heureuse de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d'honneur, d'une délégation du Sénat pakistanais, conduite par le Général Abdul Qayyum, qui effectue une mission en vue de développer nos coopérations bilatérales, en particulier dans le domaine de la défense et de l'économie.

La délégation est accompagnée par notre collègue Pascal Allizard, président du groupe d'amitié France-Pakistan.

Cette visite s'inscrit dans le prolongement d'un échange interparlementaire particulièrement dense et dynamique, avec la visite récente au Pakistan de délégations des groupes d'amitié de l'Assemblée nationale et du Sénat, mais aussi de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

La richesse de cette relation interparlementaire nous rappelle que les vertus du bicamérisme vont bien au-delà de la seule fonction législative.

Lors de son séjour, la délégation s'entretiendra en particulier avec notre collègue Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et effectuera plusieurs visites à caractère économique.

Nous souhaitons à nos collègues pakistanais un fructueux séjour, en formulant le voeu que cette session de travail interparlementaire contribue à l'approfondissement de nos coopérations et à l'éclosion, autour de valeurs partagées, d'opportunités réciproques.

Nous leurs souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Mmes et MMles sénateurs se lèvent et applaudissent.)

L'état du service public dans les transports en région Île-de-France (Suite)

M. Fabien Gay .  - Alors que les transports devraient être des facilitateurs du quotidien, ils sont de véritables plaies. Pas une semaine sans qu'un usager du RER B ne soit en retard à son travail ou à la crèche de son enfant. Il en résulte du stress, des pertes d'emploi et une fatigue chronique. Personne n'a intérêt à ce que des dizaines de milliers de Franciliens se détournent du transport public pour prendre la voiture. La pollution tue chaque année 2 500 personnes à Paris, soit soixante fois plus que le nombre de morts par accident de la route.

Vous n'avez rien dit des engagements financiers de l'État pour améliorer les transports du quotidien. On nous pose souvent la question des moyens. Le Gouvernement consacre des sommes fabuleuses au CDG Express alors que les usagers du RER B attendent avec impatience le doublement du tunnel du Châtelet ou le rehaussement des ponts pour des trains à deux niveaux. Madame la Ministre, êtes-vous disposée à orienter les crédits de l'État vers les transports du quotidien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La priorité du Gouvernement, ce sont les transports du quotidien, l'entretien et la régénération des réseaux : c'est ce qu'a dit très clairement le président de la République dès le 1er juillet dernier, annonçant une pause sur les grands projets d'infrastructure, c'est un choix politique courageux.

Le Conseil d'orientation des infrastructures y travaille et c'est le Parlement qui votera les investissements. Je rappelle les chiffres : 1,4 milliard du contrat de plan État-région pour 2015 à 2020, 2,5 milliards en 2017-2020 par la société du Grand Paris, auxquels s'ajoute 1,6 milliard de la SNCF et de la RATP : c'est un effort conséquent !

M. Laurent Lafon .  - Le Grand Paris Express est indispensable à la région Île-de-France. Deux inquiétudes préoccupent les élus : d'une part le calendrier lié aux Jeux olympiques et de manière plus large le calendrier en général, d'autre part la dérive financière à laquelle donnerait lieu le Grand Paris Express, chantier que la Cour des comptes vient tout juste d'évaluer à 38,5 milliards d'euros contre 20 milliards initialement prévus. À quel chiffre nous arrêterons-nous ? Une parole forte de l'État rassurerait les élus locaux sur la poursuite de ce projet.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je vous rassure sur l'importance du Grand Paris Express pour le Gouvernement. Le développement des territoires en Île-de-France s'est fait sur des radiales, depuis Paris : c'est ce qui fait du Grand Paris Express un projet crucial pour la région. Le Gouvernement n'envisage nullement d'en modifier le schéma global. Cependant, des délais peu réalistes ont été annoncés pour un chantier si important et complexe - deux cents kilomètres de voies nouvelles, souvent souterraines, dans le sol francilien, c'est particulièrement difficile... - , les coûts sont revus à la hausse, il faut en tenir compte. Le Gouvernement présentera prochainement un calendrier plus réaliste.

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Le schéma est maintenu, certes, mais le calendrier nous inquiète : il ne faudrait pas repousser trop loin ce projet indispensable pour les Franciliens.

Selon l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, quelque 267 000 personnes ont été victimes d'atteintes sexuelles dans les transports en 2014-2015 ; six femmes sur dix craignent une agression ou un vol - contre trois hommes sur dix. Si l'anonymat des transports en commun favorise les comportements des agresseurs, c'est surtout la tolérance sociale qui les légitime.

Les pouvoirs publics ont communiqué sur le sujet ces dernières années. Des systèmes d'alerte ont été mis en place, la brigade de lutte contre les atteintes à la sécurité dans les transports (BLAST) oeuvre avec efficacité. Il faut amplifier ces mesures.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La sécurité dans les trains en Île-de-France, comme partout, est la première garantie que nous devons assurer aux voyageurs. Je peux vous rassurer sur les moyens engagés. Le réseau Île-de-France bénéficie d'une unité de police dédiée qui travaille en étroite collaboration avec le Groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR). Les agents sont présents au quotidien. La vidéosurveillance est également très développée et des solutions de vidéos intelligentes sont en cours de développement. À cela s'ajoutent les systèmes d'alerte avec les numéros 3117 et 31117.

La population féminine est particulièrement touchée par ces agressions. Je lancerai un appel à projet pour trouver des solutions innovantes à ce problème.

Mme Colette Mélot .  - Ce matin, j'ai pris le train à Melun jusqu'à la gare de Lyon : 27 minutes, c'est idéal par comparaison à la voiture, qui demande au minimum une heure, quand ce n'est pas le double.

Malheureusement, en Île-de-France et particulièrement en Seine-et-Marne, les réseaux sont peu fiables. La multiplication des incidents l'a montré l'an dernier : après trente années de sous-investissements, c'est d'un véritable plan Orsec dont nous avons besoin, comme le réclame Valérie Pécresse, ou bien la situation ne changera pas. En Seine-et-Marne, la voiture reste le premier mode de déplacement. La ligne P est le symbole de l'abandon de mon département : retards, incivilités, pannes et voilà que le Gouvernement retarde la mise en place de la ligne 17, vitale pour 420 000 habitants !

Quelles seront les priorités du Gouvernement en matière de transport en Seine-et-Marne ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - En effet, nos réseaux ont souffert de sous-investissement et de sous-entretien pendant des décennies. Il nous faut faire des choix pour moderniser et régénérer nos lignes. Il s'agit d'abord de mettre à niveau notre réseau, ce que nous faisons en nous engageant sur un calendrier ambitieux mais réaliste pour le Grand Paris Express. Nous devrions tenir compte du fait que les travaux peuvent engendrer des difficultés imprévues. Par exemple, les travaux d'interconnexion des lignes du RER D avec les lignes du Grand Paris Express ont provoqué des perturbations. La Seine-et-Marne a besoin de nouvelles solutions de mobilité comme le covoiturage, le transport à la demande, tous les outils utiles à rabattre les flux vers le réseau ferré - la présidente de France Mobilités est très investie sur ces chantiers, l'État aidera les collectivités et les AOT à se saisir des outils nouveaux de la loi d'orientation.

M. Olivier Léonhardt .  - Après la Seine-et-Marne, l'Essonne, où l'on considère que les transports en commun sont répartis de manière scandaleuse entre Paris et les départements de la grande couronne - lesquels, avec 4 millions d'habitants sont plus peuplés que les dix premières villes de France où l'on trouve partout des transports en sites propres et des transports en commun efficace.

Le Grand Paris Express bénéficiera de 20 milliards d'euros et même plus, au-delà de 40 milliards d'euros avec les dérives financières à prévoir. Tout cela sans aucune réalisation concrète pour les habitants de la grande couronne. Nous concevons les territoires de demain comme il y a trente ans ! D'autres projets, comme le développement du tramway ou de bus en site propre, pourraient répondre à l'urgence du quotidien. Y êtes-vous favorables ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je partage votre volonté d'offrir des solutions adaptées à chaque territoire : elles ne peuvent être les mêmes selon qu'on est proche ou éloigné de Paris. L'enjeu de la loi Mobilités est que les AOT se saisissent de nouveaux outils propres à tirer parti des nouvelles mobilités rendues possibles à l'ère digitale en les combinant aux transports existants. Dans l'Essonne, nous avons inauguré une voie dédiée aux transports par car et au co-voiturage. C'est une solution rapide que nous apportons à nos concitoyens.

M. Roger Karoutchi .  - Tout cela est sympathique, mais c'est du bricolage. Le président de la République veut réorganiser l'Île-de-France, faire la révolution et j'en passe. En matière de transport, rien de nouveau. Nous avions suggéré la création d'une entreprise publique unifiée des transports. Si l'on veut réformer les transports, il faut commencer par leur organisation car on ne peut plus continuer avec les compétences croisées de la RATP et de la SNCF, de la région, etc. Valérie Pécresse a raison de dire qu'il faut un plan Orsec des transports en Île-de-France.

Trop longtemps, tandis que la RATP vendait son métro à Rio, la SNCF déployait des TGV...

Je ne doute pas de votre bonne volonté, mais ou bien vous réformez intégralement l'organisation des transports en commun en Île-de-France, ou bien il ne se passera rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Olivier Léonhardt applaudit aussi.)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La RATP a entretenu son réseau avec détermination et constance. Je ne peux pas laisser dire qu'elle s'est désintéressée du métro parisien pour construire celui de Rio. Cependant, le rythme des investissements doit être soutenable pour les transports de la vie quotidienne. Cela signifie que les travaux se font souvent de nuit. Le souhait du Gouvernement est de remettre le réseau en état au plus tôt. Mais il faut tenir compte des contraintes. Je ne suis pas certaine qu'une réorganisation favoriserait le bon fonctionnement des territoires.

M. Roger Karoutchi.  - Loin de moi l'idée de critiquer le personnel de la RATP et de la SNCF. Mais il a fallu quatorze ans pour construire une station à Montrouge ! Pardon, mais il faut faire la révolution !

Mme Laurence Cohen.  - ça alors !

M. Roger Karoutchi.  - Mais non, pas la vôtre !

M. Arnaud de Belenet .  - Je me réjouis du plan d'investissement que le Gouvernement consacre aux transports du quotidien. Toute bonne règle a une exception. La Seine-et-Marne est singulière car elle a commencé son développement tardivement et a une croissance démographique forte. Elle a toujours été le parent pauvre de l'aménagement du territoire. Elle manque d'infrastructures routières, d'interconnections. Les lignes des RER et du Transilien dysfonctionnent.

Paul Delouvrier a initié le développement de l'Est parisien, il y a quarante ans. Au-delà du plan d'investissement, nous avons besoin d'un nouveau Delouvrier. Serez-vous celui-là ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La grande couronne doit prendre sa part dans l'amélioration des territoires. À nous de trouver des solutions nouvelles et rapides pour que les investissements dans la zone agglomérée profitent à tous les habitants d'Île-de-France. L'État mettra à la disposition des autorités organisatrices les innovations existantes pour dévier des voies quand cela sera nécessaire.

M. Pierre Ouzoulias .  - Effectuant régulièrement le trajet de Nanterre à Bourg-la-Reine, j'ai le triste privilège d'emprunter souvent les lignes A et B du RER, qui sont les plus surchargées d'Europe. C'est une véritable souffrance, qui rend littéralement malade - et il est absurde de devoir passer par Paris pour aller du sud au nord des Hauts-de-Seine... La ligne 15 apportera la solution, mais elle ne sera pas opérationnelle avant que je ne prenne ma retraite - puisque vous annoncez, Madame la Ministre, qu'on ne peut compter dessus avant, au moins, 2025.

Nos migrations, insupportables, sont imposées par la concentration du travail à l'ouest et du logement à l'est. Voilà vingt ans que le déséquilibre s'accroît, et votre Gouvernement, Madame la Ministre, l'a encore aggravé en autorisant l'extension du quartier d'affaires de La Défense sur un tiers de la commune de Nanterre. (M. Vincent Éblé approuve.)

Ces problèmes sociaux appellent des réponses sociales, et pas seulement techniques... Comment résorber ce déséquilibre structurel ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - On s'éloigne un peu du sujet des transports...

Mme Laurence Cohen.  - Pas du tout !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - ... mais les deux sont liés.

Le schéma directeur d'Île-de-France est l'outil à la disposition des collectivités territoriales pour coordonner le développement de la région avec le déploiement de ses infrastructures.

M. Pierre Ouzoulias.  - Vous ne l'avez pas respecté !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Il s'impose à tous les documents d'urbanisme.

J'entends votre déception, mais il faut être réaliste : non, les 36 milliards d'euros de LGV ne seront pas réalisés dans les cinq prochaines années, non plus que les 200 kilomètres du Grand Paris Express.

M. Roger Karoutchi.  - Absolument. Il faut dire les choses.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - C'est restaurer la crédibilité de la parole de l'État que de le dire : on ne fait pas de telles infrastructures en claquant des doigts. Nous abordons ces sujets avec volontarisme mais aussi réalisme et sincérité.

M. Laurent Lafon .  - Les Franciliens ont souffert de la politique donnant la priorité aux LGV. Sur les 78 milliards d'euros investis en vingt-cinq ans, 13 % seulement l'ont été dans le réseau francilien, alors que celui-ci enregistre 850 millions de trajets par an, contre 110 millions pour le TGV. D'où une saturation du réseau. Selon la Cour régionale des comptes, 40 % des voies et 30 % des aiguillages ont plus de trente ans, alors que leur durée de vie est de vingt-cinq ans.

Les effets des 800 millions d'euros investis pour la régénération du réseau ne sont pas encore visibles. À quel horizon temporel les Franciliens constateront-ils une amélioration de leurs conditions de transport ? (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je ne sais pas vous le dire avec précision. Aujourd'hui, les usagers paient les conséquences du sous-investissement.

SNCF Réseau lance avec détermination les programmes les plus efficaces, produisant les effets les plus rapides. Il s'agit de cibler les investissements là où la rentabilité sera la plus grande pour les voyageurs, car les retards se chiffrent en dizaines de milliards. Les grandes gares, dans ce rapport, sont un enjeu prioritaire. Je ne vous promets pas que les problèmes seront réglés en dix-huit mois

Le comité d'orientation des infrastructures et la mission de Jean-Cyril Spinetta nourriront utilement la réflexion.

M. Gilbert Roger .  - La création du Grand Paris Express, qui procède d'un accord historique entre l'État et les collectivités territoriales, est très attendue par nos concitoyens. Pour ma part, j'emprunte quotidiennement les RER B et E...

Financé exclusivement par les contribuables franciliens depuis 2010, et non par le budget national, le projet desservira la petite et la grande couronne.

La construction des lignes 15 et 16 complèteront une offre de transports particulièrement défaillante en Seine-Saint-Denis. La ligne 15 Est doit relier Champigny à Saint-Denis Pleyel en passant par Bondy. Mais la perspective des Jeux olympiques imposera sans doute des arbitrages, ou un report après 2024... Pouvez-vous nous donner l'assurance que les lignes 15 et 16 seront bien réalisées, comme le président de la République s'y était engagé à Clichy-sous-Bois ?

Avec l'ouverture de la nouvelle branche de la ligne T4 en 2019, la gare de Bondy accueillera 19 000 déplacements pendulaires supplémentaires par jour. Est-il prévu d'accroître la fréquence du RER E en conséquence pour absorber l'arrivée massive de nouveaux usagers ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je vous confirme l'engagement du Gouvernement de mener à terme le réseau du Grand Paris Express.

Le schéma de développement de la région parisienne, comme on disait à l'époque de Paul Delouvrier, a permis le développement de villes nouvelles appuyées sur le RER mais fait l'impasse sur toute une zone agglomérée. Il faut aujourd'hui des infrastructures pour développer ces zones oubliées, d'où les prolongements de ligne, les interconnexions prévues avec la nouvelle infrastructure.

Le schéma d'ensemble n'est pas remis en cause. Le Gouvernement a conscience des attentes, mais nous voulons sortir des calendriers irréalistes et des promesses non financées. Le Gouvernement fera prochainement des annonces sur le calendrier.

M. Olivier Léonhardt .  - Si rien n'est fait, les inégalités entre Paris et la grande couronne continueront de progresser ; des gens vont continuer à subir les retards et suppressions de train, à perdre leur emploi, à voir leur vie familiale en pâtir.

S'y ajoute une politique égoïste visant à exclure les voitures de Paris sans augmenter pour autant l'offre de transports en commun pour les habitants de grande banlieue travaillant à Paris. Et ce alors que la population baisse dans Paris intramuros et augmente dans les départements de grande couronne, particulièrement dans l'Essonne et en Seine-et-Marne.

La pollution s'arrêterait-elle aux limites du périphérique ? Le meilleur moyen d'éviter les embouteillages et la pollution, c'est d'investir massivement pour les transports en grande couronne. Il est inacceptable que le produit de la taxe du Grand Paris, payée par tous les contribuables franciliens, bénéficie quasi exclusivement à la zone dense - sans parler des recettes de la vignette.

Madame la Ministre, êtes-vous favorable à un rééquilibrage significatif des investissements au niveau régional ? (M. Jean-Claude Requier approuve.)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - On ne peut opposer la grande couronne et la zone agglomérée. Assurons-nous que les équipements du Grand Paris Express bénéficient à l'ensemble des territoires. IDF-Mobilités et les présidents des conseils départementaux ont beaucoup d'idées en matière offres de mobilité - transport à la demande, covoiturage, voies dédiées. On peut améliorer les conditions de déplacement en provenance de la grande couronne avec des réponses rapides, sans passer par des investissements lourds. S'il y a deux personnes par voiture au lieu d'une, il y a deux fois moins de voitures. La loi à venir s'efforcera d'encourager les solutions innovantes.

M. Philippe Pemezec .  - Je salue votre courage, Madame la Ministre. Difficile en effet de réaliser tous les investissements en si peu de temps.

En 2024, se tiendront les Jeux olympiques, puis l'Exposition universelle en 2025 sur le plateau de Saclay. Nous avons attendu 45 ans pour Vélizy et Chatillon. J'espère qu'il n'en ira pas de même pour Saint-Quentin-en-Yvelines et la ligne 18. Il faut une action forte et des investissements importants pour répondre aux difficultés des déplacements en Île-de-France.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le Gouvernement est conscient des besoins en Île-de-France - comme autour des métropoles de province - et des enjeux soulevés par l'organisation des Jeux olympiques. Il s'engage à réaliser le schéma du Grand Paris Express dans son ensemble.

Les Assises de la mobilité ont révélé que la région parisienne n'avait plus le monopole des difficultés de transport. Il faut désaturer le réseau, en Île-de-France mais aussi en province, en imaginant sans attendre des solutions innovantes pour une amélioration rapide et visible.

M. Arnaud de Belenet .  - Le rattrapage du sous- investissement ne compensera pas la dynamique économique et démographique en Seine-et-Marne, liée à des opérations d'envergure nationale. Les contribuables de ce département paient la taxe sur le Grand Paris, mais la ligne 17 l'effleure à peine. L'incompréhension est totale, et appelle des réponses opérationnelles immédiates : bus, parkings de rabattement ou, pourquoi pas, suppression du péage de Coutevroult...

En outre, partagez-vous nos préoccupations sur l'accueil et la sécurité des touristes, notamment asiatiques, dans les transports ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - J'ai bien noté vos préoccupations sur l'équilibre et l'affectation des ressources de la SGP.

L'accueil des touristes est un enjeu, car l'Île-de France compte plusieurs grandes destinations touristiques. Les opérateurs fournissent des applications multilingues, les offices du tourisme s'efforcent de proposer des titres de transport. La préoccupation majeure reste la sécurité : brigade spécialisée, renforcement des services de sécurité de la SNCF et de la RATP, de la présence humaine comme de la vidéosurveillance. Le gestionnaire du grand parc d'attractions de votre département s'est ainsi doté d'outils innovants de vidéosurveillance intelligente. Le Gouvernement accompagne les AOT dans ce sens.

M. Rémi Féraud .  - En 2015, à l'initiative de Jean-Paul Huchon, a été instauré le pass Navigo au tarif unique de 70 euros pour tous les Franciliens. En 2016, Valérie Pécresse a entamé un bras-de-fer avec le Gouvernement, menaçant, malgré sa promesse de campagne, de porter le pass Navigo à 80 euros si l'État ne lui versait pas 300 millions d'euros. Elle a abouti à un accord avec le Gouvernement. Depuis, les comptes de la région ont révélé que 300 millions n'avaient pas été consommés - or le prix du pass Navigo passe à 77,45 euros, soit une hausse de 10 % en trois ans. Quelles conséquences le Gouvernement en tire-t-il dans son dialogue avec la région ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je me garderai de me prononcer sur les comptes d'IDF-Mobilités, d'autant que ce n'est pas dans mes attributions. Les entreprises financent 50 % des transports en Île-de-France, les voyageurs moins de 30 %, part qui a baissé de dix points en dix ans. Dès lors, la question de la soutenabilité du modèle se pose, sachant les tensions qui pèsent sur les ressources publiques et les collectivités territoriales en particulier. Il faut aussi poser la question du financement du fonctionnement des nouvelles lignes. Je suis pour des transports publics accessibles à tous. (Mme Laurence Cohen s'exclame.) Ce n'est pas incompatible avec la tarification solidaire appliquée dans les métropoles de province ; si nous voulons des politiques ambitieuses, il faudra réfléchir à la contribution des usagers.

M. Arnaud Bazin .  - Je suis surpris d'entendre que les délais du Grand Paris Express seraient techniquement impossibles à tenir. Il y a quelques mois, au conseil de surveillance, il s'agissait de chiffrer le coût de la tenue des délais, estimé à 200 millions d'euros. L'affaire n'était pas technique, mais purement financière...

Le RER A est arrivé à Cergy dix ans après la construction de la préfecture et de l'Essec. L'artère enregistre 1,3 million de voyages par jour. Malgré les investissements de la région, la nouvelle grille horaire acte la baisse du nombre de trains. À Cergy, le matin, toutes les places assises sont prises alors qu'il reste sept stations avant La Défense ! Je passe sur les retards sans la moindre explication ni excuse - ce matin encore, un arrêt de dix minutes... Depuis toujours, la branche de Cergy subit un traitement inique : avec ses 50 000 voyageurs, elle est traitée comme la branche de Poissy qui n'en véhicule que 9 000. Quand la SNCF et la RATP vont-elles rattraper trente ans de sous-investissement ? Le tabou de la réparation de l'offre de RER entre Cergy, Poissy et Saint-Germain sera-t-il un jour levé ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le RER A est sans doute la ligne la plus chargée d'Europe. Nous avons avec le RER un outil de déplacement extrêmement puissant, mais il faut en assurer la robustesse. C'est l'objet du programme de rénovation mené par la SNCF et la RATP.

Si les améliorations d'infrastructure prennent du temps, les voyageurs peuvent d'ores et déjà voir le progrès des matériels roulants. L'énorme chantier d'Éole a pu causer des désagréments pour les usagers du RER A. On évaluera mieux la situation lorsqu'il sera achevé.

M. Vincent Éblé .  - Le choix du tout-TGV a fait prendre un retard considérable aux transports du quotidien franciliens, qui accueillent pourtant bien plus de voyageurs.

Avec le Grand Paris Express, une dynamique a été enclenchée en Île-de-France. Le projet est entièrement financé par les ressources des contribuables franciliens. Il porte une ambition sans équivalent. Ses atouts, notamment pour les lignes 16, 17 et 18 sont de desservir des territoires défavorisés, d'ouvrir des réserves foncières comme le plateau de Saclay, de favoriser le développement économique en assurant une meilleure accessibilité aux emplois.

La mise en connexion avec les lignes existantes est fondamentale. Le Grand Paris Express ne peut pas être un manège forain en double boucle que les usagers de grande couronne ne pourront emprunter faute d'interconnexions avec les lignes radiales ! En Seine-et-Marne, les gares de Vert de Maisons et de Bry-Villiers-Champigny doivent être reliées ; or les financements font défaut. Les habitants de la grande couronne seraient exclus de ce projet qu'ils financent pourtant. Le précédent Gouvernement s'était engagé à ce que les deux gares soient réalisées en même temps que le Grand Paris Express. Quelles sont vos intentions ?

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - La capacité à interconnecter le nouveau réseau et l'existant est fondamentale. L'interconnexion avec le RER D est bien prévue à Vert de Maisons. Une interconnexion avec la ligne R coûterait 250 millions d'euros... Le problème se pose surtout à Champigny où le coût serait très important. Des études ont été lancées pour ne pas retarder la construction des gares d'interconnexion, tout en poursuivant la discussion entre l'État et les collectivités territoriales sur les modalités de financement. Sur 68 gares du Grand Paris, 44 sont en interconnexion avec le réseau existant.

M. Philippe Dominati .  - Merci au groupe CRCE d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour car il montre l'état du service public en Île-de-France. Je n'ai pas entendu un seul propos exprimant de la satisfaction !

Madame la Ministre, vous n'avez pas répondu à la question de Mme Cohen : pourquoi cette politique libérale ? Vous auriez dû lui répondre que dans aucune autre métropole européenne l'État n'est aussi pesant ! Ce sont les contribuables franciliens qui financent le système. Quand une société d'État n'a plus d'argent, on en crée une deuxième, puis une troisième... Depuis des décennies, on n'écoute ni les élus ni les usagers.

Il faut décentraliser, libéraliser la politique de transport. On pourrait déjà s'intéresser au réseau de surface. Les bus de la RATP devraient être immédiatement privatisés et soumis à la concurrence.

Enfin, c'est la connivence Hidalgo-Huchon qui fait que les Parisiens paient beaucoup trop cher le service rendu dans le centre de l'agglomération. (M. Vincent Eblé s'amuse, Mme Céline Boulay-Espéronnier applaudit.)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Les transports en Île-de-France sont totalement décentralisés : ils sont gérés par le syndicat des transports d'Ile-de-France, devenu IDF-Mobilités.

Vous avez résumé le débat à une expression d'insatisfaction générale. J'entends les difficultés de nos concitoyens qui effectuent quotidiennement de longs déplacements, mais je ne peux laisser dire que le service serait à ce point dégradé. Notre réseau de transports, certes centré sur Paris, est le plus dense au monde ! Il s'agit d'en faire bénéficier aussi les habitants les plus éloignés du coeur de l'agglomération. Avec 12 millions de voyageurs par jour, notre système a peu d'équivalents dans le monde. Cela explique les difficultés, mais aussi la détermination du Gouvernement à investir dans l'entretien et la régénération.

M. Pierre Cuypers .  - Les franciliens consacrent en moyenne 92 minutes par jour à leurs déplacements ; trois quarts de ces flux sont des trajets de banlieue à banlieue.

La ligne 17, qui aura son terminus au Mesnil-Amelot, en Seine-et-Marne, représentera 5 000 voyages par jour et 1 100 emplois dans un rayon d'un kilomètre. Elle est donc vitale pour 420 000 habitants. Cette ligne sera la garantie d'une cohérence du Grand Paris Express.

Or la Cour des comptes s'interroge sur la capacité à respecter les échéances avant les Jeux olympiques. Il serait inacceptable de sacrifier la ligne 17 au profit du CDG Express. Ce serait privilégier les transports internationaux au détriment des trajets quotidiens.

Enfin, les interconnexions doivent permettre aux Seine-et-Marnais d'accéder au Grand Paris Express, notamment en gare de Vert de Maison et Bry-Villiers-Champigny, si l'on veut éviter de creuser les écarts entre petite et grande couronne.

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le montant consacré à la modernisation du réseau francilien - 800 millions d'euros - a été triplé. Le schéma d'ensemble du Grand Paris n'est pas remis en cause. Nous élaborons un phasage réaliste pour nous engager sur un calendrier crédible. Nous allons arrêter de promettre des infrastructures non financées !

Il faut cesser d'opposer les transports du quotidien et le CDG Express. (Mme Laurence Cohen proteste.) Ce dernier se fait sans concours publics, sous forme de concession ; il sera financé par les billets et par une taxe sur les passagers aériens.

Mme Laurence Cohen.  - Et un prêt !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Un prêt n'est pas un don.

M. Philippe Dominati.  - Allez voir gare de l'Est !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - C'est un moyen d'éviter de payer des intérêts élevés aux banquiers. (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE)

Mme Éliane Assassi.  - Hérésie ! Qui peut vous croire ?

Mme Laurence Cohen.  - Vous auriez pu prêter 1,7 milliard pour les transports du quotidien !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Je le redis, ce prêt évitera des frais financiers et n'entre pas en concurrence avec le projet d'investissement du Grand Paris Express.

Mme Nicole Duranton .  - Au Moyen-Âge, la voie romaine reliant Beauvais à Chartres desservait déjà Gisors, qui compte aujourd'hui 12 000 habitants. Gérée par IDF-Mobilités, la ligne J du Transilien dessert Gisors et Vernon. Elle est en crise. Le maire de Gisors m'a dressé un tableau calamiteux de la situation : retards, trains mal entretenus, toilettes condamnées... Les nouveaux horaires, censés améliorer la ponctualité et la fréquence, n'ont fait qu'empirer la situation.

La ligne J voit passer chaque jour 110 000 voyageurs, dont 1 300 Gisorsiens qui ont choisi la Normandie pour sa proximité avec leur lieu de travail. Imaginez leur sentiment d'abandon en constatant que les gares normandes sont sacrifiées sur l'autel des intérêts franciliens ! Les élus provinciaux sont purement et simplement méprisés. Comment comptez-vous améliorer la desserte des gares hors Ile-de-France par les transports franciliens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Les villes autour de l'Île-de-France peuvent en effet vivre des barrières tarifaires et mal accepter les choix en matière de trains directs ou semi-directs et de nombre d'arrêts. Ces questions sont vraiment du ressort des AOT. Nous mettons l'expertise et la méthode de la commission nationale du débat public au service de celles-ci : les choix doivent être concertés et tenir compte des différentes populations dont les besoins ne sont pas forcément alignés.

Prochaine séance mercredi 17 janvier 2018 à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 45.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 17 janvier 2018

Séance publique

À 14 h 30

Présidence : M. David Assouline, vice-président Secrétaires : Mmes Agnès Canayer et Mireille Jouve

1. Nomination des 21 membres de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure.

2. Désignation des 37 membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance.

3. Débat sur les conclusions du rapport d'information « Une crise en quête de fin - Quand l'histoire bégaie ». (Demande de la délégation sénatoriale à la prospective)

À 16 h 30

4. Débat sur la prise en charge des mineurs isolés.

Organismes extraparlementaires (Nominations)

M. Bruno Sido est membre titulaire de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires.

M. Gilbert Bouchet est membre titulaire et M. Jean-Marie Bockel membre suppléant du conseil d'administration de l'Agence française de développement.

M. Richard Yung est membre titulaire du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Commissions permanentes (Nominations)

M. Jérôme Bascher est membre de la commission des finances.

M. Yves Bouloux est membre de la commission des affaires économiques.

Mme Dominique Vérien est membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Mme Évelyne Perrot est membre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.