Projet de loi de finances rectificative pour 2017
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2017.
Discussion générale
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Le projet de loi de finances rectificative s'inscrit dans la démarche de sincérisation des comptes publics du Gouvernement. Il concrétise le respect de nos engagements, avec un déficit à moins de 3 % du PIB, en s'appuyant sur une hypothèse de croissance raisonnable à 1,7 %. Le texte confirme les 840 millions d'annulations de crédits. Trois milliards d'euros sont ouverts pour couvrir des dépenses sous-budgétisées par le précédent gouvernement, notamment la prime d'activité, l'Allocation aux adultes handicapés (AAH) ou les contrats aidés.
Le projet de loi de finances rectificative rééquilibre les recettes. Les dettes sont apurées, notamment celle du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à l'égard d'Areva, ou la créance de Pôle Emploi pour l'allocation demandeur d'asile : la dynamique de ces dernières années est stoppée.
Le dossier de l'écotaxe est enfin soldé - arrêt du contrat, reclassement du personnel - et la liquidation d'Écomouv' est en cours. L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement affectant 339 millions d'euros de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Ce projet de loi de finances rectificative comprend des mesures de lutte contre la fraude : harmonisation et simplification du recouvrement forcé ; clause anti-abus - ce sera aux contribuables de prouver que leurs comptes à l'étranger dans des pays hors convention fiscale n'ont pas de visée fiscale.
Le texte confirme le report au 1er janvier 2019 du prélèvement à la source, afin de procéder à l'expérimentation et aux ajustements qui s'imposent pour les contribuables et les collecteurs.
Ce projet de loi de finances rectificative comporte également des mesures sectorielles, en matière d'éducation ou de logement notamment. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) pourra accorder jusqu'à 2 millions d'euros aux bailleurs sociaux.
La révision des valeurs locatives des locaux professionnels est codifiée ; et l'entrée en vigueur de la révision permanente des tarifs de ces locaux est reportée à 2019.
Ce projet de loi de finances rectificative garantit financièrement les jeux Olympiques et jeux Paralympiques.
Un amendement introduit à l'Assemblée nationale modifie le barème de la taxe de séjour et en améliore la cohérence, en soumettant à cette taxe les hébergements non classés - c'est une mesure de justice fiscale. Un autre amendement auquel le Gouvernement a été favorable prévoit la collecte de la taxe par les plateformes numériques. Un abattement exceptionnel de la taxe sur les plus-values de cession des terrains à bâtir a aussi été décidé, en cohérence avec la stratégie en matière de logement dans les zones tendues : 70 %, voire 85 % en cas d'engagement à construire des logements sociaux. Les exonérations pour les cessions aux organismes de logements sociaux sont prorogées jusqu'à 2020. Un fonds de 100 millions d'euros aidera les départements les plus en difficulté sur les finances sociales. Dix-neuf départements ou collectivités territoriales seront concernés.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - Après Cahors, retour au palais du Luxembourg... Le temps est le même partout !
Je vais revenir sur l'amélioration du solde public, et les prévisions. L'estimation de croissance est inchangée à 1,7 % même si la hausse du dernier trimestre, 0,2 %, aurait pu justifier de retenir 1,8 %.
Les prévisions de solde structurel et effectif sont inchangées par rapport aux précédents projets de loi de finances.
Le Gouvernement a révisé à la hausse l'hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires, mais la hausse des dépenses d'investissement est plus importante. Cette évolution positive de l'investissement des collectivités et des administrations publiques locales est saluée, mais elle fait suite à une baisse sans précédent, de 17 %, soit 10 milliards d'euros entre 2013 et 2016.
Des incertitudes persistent sur la recapitalisation d'Areva. Tout dépendra du jugement qu'en fera Eurostat. La présence d'investisseurs japonais en tout cas nous rassure.
La comptabilisation du contentieux sur la taxe à 3 % est de 5 milliards en 2017 et autant en 2018.
Le déficit budgétaire s'établirait à 74,1 milliards d'euros, soit une amélioration de 2,8 milliards d'euros par rapport au premier projet de loi de finances rectificative, mais une dégradation de 4,8 milliards par rapport à la loi de finances initiale... alors même que la croissance était au rendez-vous.
L'amélioration des recettes fiscales nettes provient essentiellement des produits de la TVA et de la TICPE. On constate aussi une nouvelle baisse, 2,6 milliards d'euros, de la contribution à l'Union européenne, qui s'établit à 16,4 milliards en 2017.
L'ampleur des réallocations de crédits en cours d'année tient à une sous-budgétisation initiale importante. Nous constatons une volonté de sincérité des comptes, qu'il faut saluer. Espérons que les engagements du Gouvernement de ne plus recourir aux décrets d'avance seront respectés.
De 36 articles, ce projet de loi de finances rectificative est passé à 92. Nous sommes souvent saisis de dispositions de dernière minute. Pourquoi les mesures sur la libération du foncier, annoncées en septembre par MM. Mézard et Denormandie, sont-elles examinées seulement maintenant ? Faut-il bouleverser le régime fiscal de l'immobilier à Mayotte par un amendement de séance à l'Assemblée nationale ?
Les méthodes doivent changer. L'épisode de la taxe à 3 % montre que la précipitation engendre parfois des conséquences catastrophiques.
Vous connaissez la position du Sénat sur le prélèvement à la source. J'ai étudié les rapports. L'audit de l'IGF a pointé des difficultés restées à ce jour sans réponse, sur les particuliers employeurs par exemple. Certes le projet de loi de finances rectificative procède à des aménagements mais, trop marginaux, ils ne répondent pas au problème.
Le prélèvement mensuel contemporain que je défends serait plus avantageux pour le contribuable, qui ne sera pas exempt de démarches pour choisir le taux individualisé, ou le taux neutre, ou déclarer un changement de situation familiale.
C'est pourquoi la commission des finances proposera un nouvel article 9 et vous proposera d'adopter le projet de loi de finances rectificative assorti de ses amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances . - Il n'est pas normal que la commission des finances ait disposé de seulement cinq jours pour examiner 56 articles, d'autant que trois des cinq jours étaient consacrés au projet de loi de finances pour 2018.
M. Philippe Dominati. - C'est bien vrai !
M. Vincent Éblé, président de la commission. - Nous avons assisté à un grand acte de contrition de M. Le Maire, qui nous a écrit qu'il fallait revoir la méthode d'écriture de la loi fiscale pour éviter la précipitation. Et pourtant ! Nous sommes face à un scandale législatif. L'une des réformes les plus urgentes est celle du collectif budgétaire de fin d'année : le Gouvernement doit renoncer à y inscrire des mesures fiscales et se contenter des ajustements budgétaires nécessaires en fin d'exercice. Monsieur Darmanin, vous avez courageusement annoncé renoncer aux décrets d'avance, vous privant de cet outil de pilotage. Je vous en félicite.
L'imagination n'est pas toujours au pouvoir en matière de fiscalité. Les réformes - le prélèvement à la source et la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales - sont celles du précédent gouvernement.
Le Gouvernement a surfé sur la reprise économique pour contenir le déficit à 3 %, qui aurait sinon été bien supérieur. Il tire ainsi le fruit des efforts de compétitivité qui ont été engagés par la précédente majorité.
Le déficit structurel baisse de 0,3 point en 2017. La gestion du premier semestre 2017 a été sérieuse. Depuis le nouveau Gouvernement, les redéploiements n'ont rien de révolutionnaire. Les recettes fiscales seront de 291,7 milliards contre 292,3 milliards dans la loi de finances initiale : la différence sur de tels montants n'est guère que l'épaisseur du trait. Le gouvernement précédent n'avait donc pas tant sous-budgétisé. C'est une année électorale classique où le nouveau Gouvernement noircit le bilan précédent tout en engrangeant ses fruits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Philippe Dallier. - C'est merveilleux !
M. Julien Bargeton . - Et si ce dernier texte nous mettait enfin tous d'accord ? (Rires sur tous les bancs)
Premier défi : les jeux Olympiques et Paralympiques, dont le Gouvernement a pris la mesure dans ce texte, avec la garantie des sommes engagées par le CIO. Le budget est de 7 milliards dont un milliard à la charge de l'État.
M. Philippe Dallier. - On en reparlera !
M. Julien Bargeton. - Deuxième défi : la fiscalisation des plateformes pour les locations saisonnières, avec la possibilité pour les collectivités territoriales de fixer leur taxe de séjour entre 1 et 5 % du prix des nuitées. Sans déclarer la guerre à telle ou telle plateforme, il faut rétablir l'équité fiscale avec les hôteliers. Nous devons aussi lutter contre les conséquences néfastes sur le marché immobilier, par exemple dans les arrondissements centraux de Paris.
Troisième défi : la simplification. Un amendement bienvenu du Gouvernement prévoit la mise en place du paiement en ligne dans la plupart des administrations publiques. Même chose pour la division par deux des intérêts de retard pour les contribuables.
Sur le prélèvement à la source, le Gouvernement ne travaille pas sans filet. Il s'appuie notamment sur l'audit mené par l'Inspection générale des finances (IGF). Cette réforme déconcerte, bien sûr... tout comme l'impôt sur le revenu lorsqu'il a été créé par Joseph Caillaux.
Le bénéfice principal du prélèvement à la source sera, pour les redevables, de payer en 2019 leurs impôts sur les revenus de 2019.
Le contribuable devra démontrer que la présence de fonds dans des pays hors convention fiscale n'a pas de visée fiscale. Les Paradise papers ne sont malheureusement pas le dernier épisode de cette mauvaise série.
Le groupe LaREM soutiendra ce texte cohérent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, applaudit aussi.)
M. Éric Bocquet . - Ce qui peut étonner, c'est qu'il y ait encore de quoi produire un texte de près de 100 articles... La capacité des gouvernements à rendre la loi de plus en plus complexe n'est pas éteinte !
Il a fallu qu'une nouvelle classe politique arrive aux commandes pour que les fantômes du passé reviennent hanter les couloirs des chambres du Parlement : prélèvement forfaitaire unique qui nous rappelle l'avoir fiscal, placement pierre contre investissement boursier...
Certaines dépenses auraient été sous-évaluées dès le début en 2017 ? Il a fallu ouvrir des crédits pour financer des contrats aidés : insincérité, ou incapacité des chefs d'entreprise à créer de l'emploi, notamment pour les handicapés ? Insincérité ou manque de courage politique pour encadrer les loyers et donc éviter la diminution des APL ? Qu'y a-t-il derrière ces chiffres comptablement satisfaisants, sinon une somme de frustrations et d'injustices ?
L'accession à la propriété est financée par des prêts à taux zéro : on pourrait faire de même pour les nouveaux entrepreneurs.
Le compte n'y est pas pour la lutte contre la fraude fiscale : l'article 4 porte la tache indélébile de la composition fiscale négociée par HSBC, qui ne verse que 300 millions d'euros pour avoir dissimulé 1,6 milliard d'actifs. On voit, avec ce coup d'éponge, toutes les limites de la loi Sapin 2. C'est un encouragement à frauder désolant pour les lanceurs d'alerte, qui ont pris de très grands risques.
Ce texte étant fondé sur des orientations qui ne nous conviennent guère, le groupe CRCE craint de ne pouvoir le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Vincent Capo-Canellas . - Je retiendrai de ce texte un acquis, une certitude, une interrogation. Un acquis d'abord : la croissance, dont chacun se félicite.
La sous-budgétisation initiale, dénoncée par le Sénat, était une certitude : elle a été confirmée, il a fallu y remédier. L'interrogation, elle, porte sur l'ampleur de l'effort pour maîtriser la dépense publique.
La conjoncture a du bon, qui produit 2,1 milliards de recettes en plus. Vous auriez été dans une situation plus difficile dans le cas contraire. Si l'on retient une hypothèse de 1,8 %, on peut conclure que le Gouvernement s'est réservé des marges. Le 1,7 % préféré ici est prudent, et l'acquis de croissance pourrait se révéler bienvenu si Eurostat décidait de rattacher à l'exercice 2017 les 11 milliards correspondant à l'annulation de la taxe de 3 %. Cela ferait remonter le déficit au-dessus des 3 %. C'est un risque à 5 milliards !
Vos corrections en cours d'année en témoignent, le budget 2017 était artificiel. Continuez dans le sens de la sincérité. Reste à mieux maîtriser les dépenses et sur ce plan, il y a encore du travail, nous sommes loin d'un rétablissement durable de nos comptes.
Avant-dernière en matière de solde budgétaire, avec une dette parmi les plus élevées de l'Union européenne, la France est championne des dépenses publiques, qui représentent 56 % du PIB. Pour les réduire durablement, il faudra des réformes structurelles. La volonté du Gouvernement d'abandonner la logique du rabot va dans le bon sens. Des réformes substantielles ont été entreprises, comme sur le travail et le dialogue social. L'effet sur la dépense cependant ne se fera pas sentir avant deux ans. Le déficit budgétaire a été amélioré, certes, mais il demeure supérieur à son niveau de 2016.
Le prélèvement à la source, point majeur de ce projet de loi de finances rectificative, avait été reporté à juste titre par le Gouvernement. Il a un coût, et il peut comporter des effets d'aubaine. Bien des gouvernements y ont pensé, vous souhaitez aller au bout : c'est courageux. Mais il faudra améliorer le texte. Nous voyons d'un bon oeil la contemporanéité entre les revenus et le paiement de l'impôt. La principale difficulté tient au modèle français de l'impôt sur le revenu, avec la notion de foyer fiscal, le barème progressif, les nombreuses niches fiscales. Tout cela complique le prélèvement à la source et peut le rendre contre-productif. La commission des finances a une proposition satisfaisante à faire !
Les modifications apportées à l'Assemblée nationale, souvent à l'initiative du Gouvernement, font des projets de loi de finances rectificative des projets de loi de finances bis ; il faudra corriger ce travers.
Le groupe UC salue le travail du rapporteur général ; le Sénat apportera une amélioration au texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM et Les Indépendants)
M. Claude Raynal . - Souvent commission des finances varie ! La croissance prévue dans le projet de loi de finances initiale pour 2017, « optimiste » selon le Haut Conseil des finances publiques, « inatteignable » selon la commission, devient aujourd'hui « prudente »... Du reste les chiffres relativisent les critiques adressées au gouvernement précédent sur la gestion des premiers mois de l'année.
Une remarque sur les conditions d'examen : ce projet de loi de finances rectificative est toujours aussi technique, et le temps qui nous est laissé pour l'examiner toujours aussi réduit.
Les aménagements concernant le prélèvement à la source sont positifs. L'article 16 ter, qui crée un abattement exceptionnel sur les plus-values sur les terrains à bâtir, est pertinent - il s'agit du reste d'une proposition du groupe Nouvelle Gauche de l'Assemblée nationale reprise par le Gouvernement. La révision des valeurs locatives, à l'article 17, va dans le bon sens.
Pour l'encouragement aux travaux et donc à la rénovation des centres-villes, les mécanismes de planchonnement et de lissage sont utiles. En revanche, le report de la mise à jour permanente ne doit pas dépasser cette année ; sinon cela annulerait les bienfaits de la réforme. (M. Gérald Darmanin le confirme.)
D'autres aspects sont en revanche critiquables : l'engagement confirmé du Gouvernement pour le bassin minier du Pas-de-Calais est positif, mais que devient celui pris pour le bassin ferrifère de Lorraine ?
Pour ces raisons, le gel des crédits de la DETR diminue. Nous nous préparions à nous abstenir, mais je crains toutefois que les apports de la majorité sénatoriale ne nous amènent à voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Emmanuel Capus . - Ce projet de loi de finances rectificative nous permettra, j'espère, de solder une fois pour toutes l'héritage d'insincérité, pour ne pas dire d'irresponsabilité, du dernier quinquennat. (Protestations sur les bancs du groupe SOCR)
Il a fallu pour cela 6,2 milliards d'euros d'ouverture de crédits, soit une ampleur inédite. Que cela vous serve d'avertissement, de contre-exemple, Monsieur le Ministre. La sincérité budgétaire est une vertu qui s'entretient.
Les prévisions macroéconomiques demeurent inchangées. L'exercice 2018 ne sera pas exempt de cadeaux empoisonnés...
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est tout à fait ça.
M. Emmanuel Capus. - Le rapporteur général nous a justement alertés sur l'appréciation par Eurostat des imputations sur 2017 et 2018 des frais exceptionnels liés à Areva et la taxe à 3 %.
Les délais d'examen restreints sur ce type de texte ne permettent pas la même vigilance que pour un projet de loi de finances initiale.
Nous ne sommes pas opposés au prélèvement à la source. Mais quid de la répartition du contentieux entre prud'hommes et tribunal administratif ? Quid des PME, pénalisées ? Enfin, la remise en question de la familiarisation de l'impôt sur le revenu est regrettable.
Je salue le tirage spécial du loto pour le patrimoine. Actuellement, un quart des monuments sont mal conservés et 5 % sont jugés en péril grave.
Ce texte est une mosaïque constituée de points satisfaisants et de points qui nous inquiètent.
M. Yvon Collin . - Un projet de loi de finances rectificative sur le budget d'un gouvernement précédent n'est pas un exercice facile. Les nouveaux gouvernements sont prompts à dire qu'ils héritent du passé, pour ne pas dire du passif. L'annulation de la taxe de 3 % sur les dividendes, instituée en 2012, coûtera à l'État 10 milliards d'euros. Autre héritage encombrant, les sous-budgétisations qui n'ont cessé de croître entre 2012 et 2017 pour atteindre un peu plus de 6 milliards d'euros. J'ai noté l'effort du Gouvernement pour les contenir, notamment par la hausse des provisions pour les actions les plus sujettes à la sous-budgétisation : OPEX, prime d'activité et AAH. La baisse du taux de mise en réserve de 8 à 3 % traduit également cette volonté de sincérité budgétaire.
Le déficit budgétaire se situerait à 2,9 % mais cela s'explique principalement par un bonus de 2 milliards de recettes fiscales. Quoi qu'il en soit, la France remplira ses obligations européennes en 2017. Du chemin reste néanmoins à parcourir pour s'éloigner du seuil fixé par le Pacte de stabilité et de croissance. Avec l'Espagne, nous sommes les plus mauvais élèves. Pour la zone euro, le déficit moyen était de 1,7 % l'an dernier.
Parmi les mesures techniques éparses de ce texte, saluons l'article 13 bis sur les extensions d'exonérations en cas de première transmission familiale dans les zones de revitalisation rurale, l'article 16 qui proroge le dispositif « DEFI Forêt » et l'article 23 ter généralisant la collecte de la taxe de séjour « au réel » par les plateformes en ligne.
Le prélèvement à la source, à l'article 9, suscite des inquiétudes. La nouvelle rédaction de la commission des finances simplifie les choses, le projet de loi de finances rectificative n'allait pas assez loin. Je souscris au principe du prélèvement à la source, puisque c'est le voeu d'une majorité de nos concitoyens. En revanche, je note que là où il existe, il a été mis en place depuis des décennies, voire au début du siècle dernier. La France l'avait d'ailleurs expérimenté brièvement dans les années quarante sous la dénomination « stoppage à la source ». Le prélèvement à la source sera nécessairement aussi compliqué que l'est notre fiscalité et source de contentieux.
La charge que cela représentera pour les TPE-PME nous inquiète. Le coût serait de 300 millions d'euros pour les collecteurs. Une partie du coût de collecte serait prise en charge par les entreprises, a expliqué le ministre. Pourquoi une partie alors que le Gouvernement porte une ambition générale d'allégement des charges et de simplification pour les entreprises ?
Le groupe RDSE approuve les grandes orientations techniques de ce projet de loi de finances rectificative qu'il votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le collectif budgétaire de fin d'année est l'occasion de dresser un bilan. Nous nous réjouissons du retour de la croissance ; elle demeure toutefois, avec 1,7 %, bien en deçà de la moyenne dans la zone euro qui se situe à 2,2 %.
Le léger rebond actuel repose sur un cycle européen favorable mais aussi sur la hausse de l'investissement des entreprises, la forte reprise du marché immobilier et la très bonne tenue de la consommation des ménages en 2017- laquelle s'explique par des facteurs conjoncturels : organisation de l'Euro 2016 en France, dépenses de chauffage et changement de standard de diffusion télévisuelle.
Le déficit commercial reste très élevé, à 61 milliards contre 48,2 milliards en 2016, année qui avait marqué un coup d'arrêt à l'amélioration du solde depuis 2011. Dans ces circonstances, il importe de soutenir l'innovation dans nos PME et ETI industrielles, seul moyen de réduire nos importations. C'est le sens des amendements que nous avions déposés sur le projet de loi de finances.
La France repasse tout juste sous la barre des 3 % de déficit en 2017. Ce ne peut être mis au crédit ni du Gouvernement actuel ni du précédent mais à une conjoncture favorable sans laquelle il s'établirait à 3,3 %. Pour sortir de la procédure de déficit excessif, dans laquelle la France se trouve seule avec l'Espagne, elle doit rester au-dessous des 3 % pendant au moins deux années consécutives. Le remboursement de la taxe sur les dividendes et la recapitalisation d'Areva fait craindre qu'elle n'y reste, selon les termes mêmes de la Commission européenne qui prévoit d'ailleurs un déficit de 3 % pour la France en 2018.
Quant au solde public structurel, son amélioration ne serait que de 0,1 point en 2017. La France est six fois en dessous de l'objectif assigné par nos partenaires européens, épuisant ainsi en une seule fois la marge de manoeuvre autorisée par Bruxelles. Ce n'est guère rassurant.
Entre le projet de loi de finances pour 2017 et ce projet de loi de finances rectificative, le déficit structurel est passé de 1,1 à 2,2 %. Du fait de l'absence de réforme structurelle engagée dès 2017, l'OCDE et le FMI prévoient son aggravation en 2018, respectivement de 0,3 et 0,4 point. Quant à la dette publique, elle atteint 96,8 % en 2017, un niveau record ! Si les taux remontent, le choc sera très rude : la France empruntera 195 milliards d'euros en 2018.
Pourtant, ménages et entreprises contribuent largement au financement de la dépense publique. Le rapport qu'Eurostat a publié il y a une semaine démontre que la France est la championne d'Europe de la pression fiscale. Le ratio entre recettes fiscales et PlB est de 47,6 %, contre 41,3 % dans la zone euro.
Dernière pièce à ce tableau bien sombre, La France a l'un des taux de chômage les plus élevés de l'Union européenne : 9,8 % contre 3,7 % en Allemagne et 7,7 % dans l'Union européenne. Nous sommes vingt-deuxième sur vingt-sept.
Cette situation appelle des décisions courageuses. Le comité « Action publique 2022 » y travaille ; charge au Gouvernement de mettre en oeuvre ses préconisations.
Il faut provoquer un choc de confiance, de compétitivité, de finances publiques, sans quoi il n'y aura pas de nouveau monde.
Ce projet de loi de finances rectificative utilise les vieilles recettes du passé puisque le Gouvernement a déposé des dizaines d'amendements à la dernière minute à l'Assemblée nationale. Trente et un créent des articles additionnels pour court-circuiter le Conseil d'État et la commission des finances de l'Assemblée nationale. Est-ce une façon sérieuse de travailler ?
Ce texte fourre-tout sans ambition n'appelle ni rejet ni enthousiasme. Le groupe Les Républicains adoptera le texte amendé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Élisabeth Lamure . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La délégation aux entreprises s'est réunie ce matin pour examiner ce texte. L'article 9 nous préoccupe au plus haut point puisque c'est entièrement sur les entreprises que le prélèvement à la source reposera.
À notre demande, le cabinet d'avocats fiscalistes Taj a établi une évaluation du coût de la réforme qu'il nous a présentée le 28 juin dernier. Le 10 octobre 2017, le Gouvernement nous a transmis le rapport de l'inspection générale des finances, établi avec le concours du cabinet d'audit privé Mazars. Le chiffrage des coûts récurrents, c'est-à-dire des coûts annuels, est comparable : entre 60 et 100 millions. En revanche, les coûts de mise en oeuvre seraient compris entre 310 millions et 420 millions d'euros selon l'IGF contre 1,2 milliard d'euros pour le cabinet Taj. La quasi-totalité de l'écart concerne les TPE. Cela reflète la différence d'appréciation entre le Gouvernement, résolument optimiste, et la délégation, qui anticipe les questions. Le Gouvernement veut croire les experts-comptables quand ils affirment qu'ils ne répercuteront pas sur leurs clients le prix du prélèvement à la source.
Il ne fait aucun doute que le prélèvement à la source engendrera des frictions. Le climat dans l'entreprise sera gâté par la transmission à l'entreprise des informations sur l'imposition des salariés. Monsieur le Ministre, il est encore temps de renoncer. Le modèle fiscal des pays voisins n'a rien à voir avec le nôtre. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Thierry Carcenac . - L'article 9 dont je vous parlerai exclusivement ne concerne nullement le principe du prélèvement à la source, acquis depuis le projet de loi de finances pour 2017. Le groupe socialiste est certain que cette modalité de recouvrement n'est pas l'horreur décrite par ses détracteurs. La complexité du prélèvement à la source est liée à celle de notre système fiscal. Le tiers verseur se verra communiquer un taux d'imposition par l'administration fiscale ou appliquera un taux neutre. Cette méthode simplifiera la vie de nos concitoyens. Entre 2014 et 2015, 38 % des foyers fiscaux ont vu leurs revenus baisser dont 2 % ont connu une baisse supérieure à 30 %. Il n'y aura plus de décalage entre revenus et impôts mais adaptation, y compris à l'évolution du foyer fiscal.
Cette méthode a l'avantage de la simplicité, elle assure la confidentialité. Le tiers verseur reversera le montant d'impôt sur le revenu collecté à l'administration comme il y procède déjà dans le secteur social. Chaque année, le contribuable assurera une régularisation pour solder, s'il y a lieu, l'impôt définitif de l'année précédente.
Un système coûteux pour les entreprises ? Non, pour toutes celles qui ont déjà externalisé l'établissement de la paie. Pour les très petites entreprises, les sommes sont modestes.
Pour l'administration fiscale, le coût informatique et de formation des agents est déjà engagé. Un suivi plus attentif des systèmes d'information doit être effectué.
Les entreprises collectent déjà des impôts comme la TVA et le versement transport ; ce ne serait guère une nouveauté.
Quant aux agents administratifs libérés, ils pourraient utilement être affectés à la lutte contre la fraude fiscale. Qui a peur de l'administration fiscale ? Pas les personnes et entreprises qui respectent leurs obligations.
Pour l'année blanche, crédits d'impôts et déductions fiscales doivent être mieux pris en compte, y compris les travaux effectués dans l'immobilier locatif. Le rapporteur général a raison de vouloir améliorer la déductibilité des travaux effectués en 2018.
Le report d'un an du prélèvement à la source est une montagne qui accouche d'une souris, il permet d'afficher une hausse de salaire par la baisse des cotisations sociales. Les rapports de l'administration fiscale et des cabinets privés ne sont là que pour faire pièce à la proposition de la majorité sénatoriale d'un prélèvement mensuel contemporain.
Le prélèvement à la source décidé sous le précédent gouvernement entrera en vigueur avec seulement quelques modifications de bon aloi.
M. Marc Laménie . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Établir un projet de loi de finances rectificative est toujours complexe. Le scénario macroéconomique reste inchangé. Le déficit s'améliore de 2,8 milliards d'euros mais il convient de rappeler que la charge de la dette s'élève à 41,2 milliards d'euros. La situation reste grave et préoccupante.
Les recettes fiscales nettes sont révisées légèrement à la hausse pour s'établir à 291,7 milliards d'euros. Nous le devons au dynamisme de la TVA et de la TICPE.
À souligner, les plus de 6 milliards d'euros de sous-budgétisation en 2017.
Ce projet de loi de finances rectificative compte 92 articles que nous avons à peine pu examiner. Or ils recèlent des mesures très techniques. Un exemple, l'article 2 : il ajuste les ressources affectées au compte d'affectation spéciale consacré aux services nationaux conventionnés de transport de voyageurs, que je mentionne car je suis un ardent défenseur du rail, et à l'Afitf. Autre exemple, l'article 13 crée une exonération fiscale pour les entreprises se créant dans les bassins à redynamiser, tels que mon département des Ardennes.
La lutte contre la fraude reste une priorité. Il convient de lui consacrer des moyens humains. Dans un département frontalier comme le mien, nous sommes très attachés à nos trésoreries et à nos douanes.
Nous nous inquiétons du financement de nos collectivités territoriales, de leurs aides à l'investissement et de leurs dotations de fonctionnement.
Le prélèvement à la source inquiète les entreprises, cela a été dit.
Le groupe Les Républicains étudiera ce projet de loi de finances rectificative avec une particulière attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Prochaine séance, demain, vendredi 15 décembre 2017, à 9 h 30.
La séance est levée à 19 h 55.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus