Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale.
Seconde partie (Suite)
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances . - La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est constituée aux trois quarts par l'administration fiscale et celle des douanes, le reste étant composé de diverses structures transversales ou d'état-major.
Les crédits sont stables, à environ 11 milliards d'euros, la programmation budgétaire sincère. La masse salariale représente 80 % des crédits.
Les ministères économiques et financiers contribuent le plus fortement à la réduction des dépenses publiques, avec la suppression de 1 450 emplois en moins contre 2 000 en moyenne les années précédentes. Pour l'administration fiscale, toutefois, la nécessité de préparer le prélèvement à la source implique la création de nombreux postes.
L'administration fiscale des douanes aura 200 postes en plus, pour faire face aux conséquences du Brexit et participer au plan de lutte antiterroriste.
Pour l'administration fiscale, le point le plus marquant est la réduction du nombre de trésoreries : 55 services des impôts et 125 trésoreries rurales seront fermés. C'est un mouvement nécessaire, mais mené sans concertation.
Des territoires peuvent ainsi perdre d'un coup plusieurs services publics.
L'administration fiscale comme la douane subissent deux mouvements parallèles : d'une part, les nouvelles priorités, qui justifient les créations de postes ; d'autre part, le chantier de plus longue haleine, la rationalisation de leur réseau territorial.
La DGFiP compte plus de 4 000 implantations, et les regroupements se sont accélérés depuis deux ans. Il en va de même pour les quelque 840 brigades et bureaux de douane : un service ne peut pas fonctionner correctement avec quatre ou cinq agents.
Le Gouvernement pourrait-il s'engager à ne pas fermer de services avant de voter des schémas d'accessibilité aux services publics prévus par la loi NOTRe et de donner une visibilité à son action ?
Un mot sur la mission « Crédits non répartis », dont les crédits sont de 124 millions d'euros. Le Gouvernement en augmentera les crédits afin d'absorber partiellement la baisse du taux de mise en oeuvre des crédits par mission de 8 % à 3 %.
Nous recommandons de voter les crédits.
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances . - Un mot sur l'évolution de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), très sollicitée par les réformes du prélèvement à la source, du prélèvement forfaitaire unique (PFU), de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), etc. Cela semble peu anticipé.
Il n'y a plus de surcoûts ou de retards dans la mise en place des systèmes d'information, notamment des systèmes de GRH. C'est avant tout parce que les projets les plus importants sont terminés... ou qu'ils ont échoué, tel l'Opérateur national de paye (ONP), mené en pure perte avant d'être interrompu en 2014. Plusieurs projets actuels, notamment en matière de gestion des ressources humaines, visent à réparer les conséquences de cet accident.
L'objectif est de renforcer la gouvernance, réduire la dépendance aux prestataires extérieurs notamment et développer l'expertise interne. L'un des grands enjeux porte sur la capacité à recruter des profils de haut niveau dans le numérique.
Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier » représente seulement 10 % des dépenses immobilières de l'État. Il participe du principe essentiel de distinction entre l'État propriétaire et les ministères occupants.
L'intégration du programme 309 a modifié les dépenses du compte. Mais l'enveloppe diminue de 30 %. Monsieur le Ministre, pourriez-vous nous donner votre analyse là-dessus ?
La stabilité des crédits n'est qu'apparente. Les crédits immobiliers disponibles sur le compte sont en réalité en baisse de 12 %. Avec notre ancien collègue Michel Bouvard, nous avons proposé une feuille de route pour renouveler la gestion de l'immobilier de l'État. Dix ans après la création du compte, il nous faut évoluer de la rationalisation initiale à la recherche d'une meilleure valorisation du patrimoine immobilier. La création de la direction immobilière de l'État est un signe positif. Pouvez-vous nous indiquer vos projets, Monsieur le Ministre ?
La mission « Action et transformation publiques » doit participer au grand plan d'investissement annoncé, dont les crédits, de 1,7 milliard d'euros seront ouverts en 2020.
La commission des finances propose l'adoption des crédits de la mission ; mais à titre personnel, au vu des amendements de la majorité sénatoriale, je ne pourrai les adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je relève le défi de présenter un compte de 65 milliards d'euros en quelques minutes. Les régimes spéciaux de la mission « Régimes spéciaux » et « compte d'affectation spéciale Pensions » regroupent les 6,5 milliards d'euros versés par l'État pour équilibrer les régimes spéciaux de retraite déficitaires (SNCF, RATP, Marins, Mines, etc...), et les 58,4 milliards d'euros pour les pensions de certains fonctionnaires. La subvention d'équilibre de l'État représente 68 % du financement des retraites des régimes spéciaux. Pour mémoire, I'ensemble des régimes spéciaux compte 500 000 actifs pour 1,1 million de pensionnés et le régime général compte 18 millions d'actifs pour 15 millions de pensionnés.
La contribution augmente de 0,4 % en 2018 pour des raisons démagogiques et à cause de la revalorisation du point d'indice. La subvention d'équilibre représente 68 % de financement des retraites de ces régimes - 1,8 million d'actifs pour 500 000 pensionnés.
L'âge de départ en retraite est de 50 puis 52 ans pour les cheminots, le déséquilibre du régime de retraite de la SNCF se serait réduit, de 4 milliards à 2,5 milliards d'euros annuels d'ici 2050 ; les réformes successives de ces dernières années l'atténuent mais le déficit perdure. La grande question sera celle de l'équité ainsi que le défi économique de l'ouverture à la concurrence.
Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » représente 58,4 milliards d'euros dont 93,5 % pour les pensions civiles et militaires de la fonction publique d'État ; 3,3 % pour les ouvriers des établissements industriels de l'État et 3,2 % pour les pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre et du terrorisme. Les dépenses du régime des anciens combattants augmentent fortement depuis 25 ans.
Les pensions des fonctionnaires s'élèveront à 54 milliards d'euros. Le Gouvernement ne revalorisera pas les pensions, pour une économie de 155 millions. Les retraités seront en outre touchés par la hausse de la CSG.
Le solde cumulé du CAS « Pensions » atteindrait 5,6 milliards ce qui est excessif. Les engagements financiers de l'État hors bilan en titre des retraites ont été brusquement relevés de 1 535 milliards en 2015 à 2 139 milliards d'euros, en raison d'un changement des modes de calcul et d'un nouveau taux d'actualisation.
Peut-il continuer à sur-financer le CAS en abaissant le niveau de vie des retraités ? L'État « très employeur » était devenu « mieux employeur ». Enfin, il convient que le Parlement soit tenu informé des travaux de Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire à la réforme des retraites.
La commission des finances vous propose d'adopter les crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - Mes propositions seront moins chiffrées. Le CAS « Pensions » s'élève à 68 milliards d'euros. Cela ne couvre pas tous les régimes de retraite de la fonction publique : notamment la fonction publique territoriale n'est pas dans le périmètre.
Quel avenir pour les régimes de départ à la retraite des régimes spéciaux ? Cela s'entend pour les militaires, moins pour la SNCF ou la RATP.
Quel avenir pour le mécanisme de contribution employeur au sein des régimes de la fonction publique, qui ne permet pas actuellement de distinguer la part « patronale » de l'employeur public d'une part, la compensation au déséquilibre démographique de ces régimes d'autre part, et le financement de dispositifs de retraite dérogatoires ?
Il est impossible de distinguer la part de l'employeur et la compensation des déséquilibres dans le calcul du rendement du point.
Enfin, le paysage des retraites est très morcelé, avec 35 régimes de base ! Or le coût de gestion des 310 milliards d'euros de prestations en 2016 s'est élevé entre 5 milliards et 6 milliards d'euros.
La réforme aura pour enjeu de comprendre la complexité du système de retraite. En attendant cette réflexion, la commission donnera un avis favorable aux deux missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois . - La gestion de la masse salariale de l'État sera marquée par l'intention annoncée de supprimer 120 000 emplois sur cinq ans, dont 50 000 dans la fonction publique de l'État et 70 000 dans la fonction publique territoriale. Nous en sommes seulement à 1 600 ETP dans la fonction publique de l'État dans ce budget 2018, dont seulement 324 dans les ministères, ce qui est très insuffisant.
L'État n'a pas vocation à dicter le schéma d'emplois des collectivités territoriales. Cependant, force est de constater qu'une réduction des dotations de l'État aux collectivités les oblige à réorganiser leurs services, voire à diminuer les services au public.
Nous serons vigilants sur le travail du comité « Action publique 2022 » chargé d'examiner les pistes d'évolution du service public et de ses effectifs.
Le programme 148 consacré à la fonction publique d'État est doté de 239 millions d'euros, en baisse de 0,3 %. La formation bénéficie de 84,4 millions d'euros. Près de 90 % des crédits sont destinés à l'ENA, dont la subvention baisse de 2,75 %, et aux IRA, qui font l'objet d'un effort significatif, avec une hausse de 10,7 %. Les plateformes régionales d'appui à la gestion des ressources humaines (PFRH) jouent un rôle essentiel.
Les fonds alloués à l'action sociale sont réduits de 3,55 %.
Les crédits de l'apprentissage baissent de 3 millions d'euros, en contradiction avec l'objectif d'intégrer 10 000 apprentis dans la fonction publique.
L'information des agents dans la gestion de la carrière est améliorée, mais ils ont des difficultés à actionner leur droit à la formation à travers leur compte personnel de formation. Les employeurs publics sont donc appelés à jouer un rôle majeur dans sa mise en oeuvre.
La commission des lois a recommandé l'adoption des crédits du programme 148. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Josiane Costes . - Les missions que nous examinons portent sur l'État employeur et l'État propriétaire.
Avec près de 2 millions de fonctionnaires, l'État est un employeur de premier plan. La réduction des effectifs est contenue à moins de 2 000 suppressions de postes. Le travail, la santé et le logement sont les plus touchés.
Les retraites des régimes spéciaux tardent à converger avec le régime général. Le compte d'affectation spéciale « Pensions des fonctionnaires » est très excédentaire.
Les déploiements de programmes informatiques connaissent des difficultés importantes. Souvenons-nous de l'échec de Louvois, logiciel de paie des armées.
La gestion des ressources humaines appelle elle aussi des améliorations. L'IFI, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), la révision des bases locatives et surtout le prélèvement à la source ; le pilotage de ces réformes sera crucial.
Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est sollicité dans le cadre du plan « Action publique 2022 » ; mais aussi pour la modernisation des cités administratives, une priorité, et pour le regroupement d'établissements sur le plateau de Saclay. À plus long terme, l'enjeu est la valorisation du patrimoine existant de l'État.
Le programme 348 finance la rénovation des sites occupés par les fonctionnaires d'État et certains opérateurs.
Le programme 349 finance la réforme numérique de l'État.
Le projet « Action publique 2022 » en rappelle d'autres comme la RGPP ; la réforme de l'État est aussi vieille que l'État - il conviendra d'y associer les fonctionnaires.
Sur les quatre missions et deux comptes spéciaux, et l'article 55 ter rattaché, le vote du groupe RDSE sera globalement favorable.
M. Didier Rambaud . - La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » comprend le budget fonction publique. Les concertations du Gouvernement en la matière vont dans la bonne direction, avec la sincérité budgétaire par aiguillon.
La gestion de carrière des agents de la fonction publique ne doit pas être négligée, mais le temps des promesses non financées est passé. On a aussi critiqué un rythme jugé trop faible de réduction d'effectifs ; je n'ai pas entendu de propositions alternatives.
Le rétablissement de jours de carence pour les fonctionnaires, déjà en vigueur de 2012 à 2014, est juste et permet de lutter contre l'absentéisme.
« Action publique 2022 » a été lancée en octobre ; les parlementaires en sont les parties prenantes et les passeurs dans les territoires. Le forum de l'action publique fera remonter les préoccupations de terrain. La méthode est nouvelle.
Je salue la transformation numérique de l'administration, avec pour objectif 100 % de démarches dématérialisées d'ici 2022. Plus d'efficacité, moins de migraines, cela devrait nous rassembler.
Le Sénat vous accompagnera dans ces transformations ; son expertise sera un appui précieux.
Le groupe LaREM se prononcera pour l'adoption des crédits en discussion.
Mme Laurence Cohen . - L'évolution des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraites » suit la baisse du nombre de cotisants. Les effectifs de gestion se réduisent, au détriment des conditions de travail. Le Gouvernement a reporté la réforme des régimes spéciaux des fonctionnaires et des militaires.
La pension moyenne a diminué ; la revalorisation est reportée à 2019. 2018 sera une année blanche ! Enfin la CSG augmente de 1,7 point sans compensation claire.
Dix ans après la RGPP, le Gouvernement reprend la marche des suppressions de postes, alors que les Paradise Papers ont montré la nécessité d'une administration fiscale forte.
La réduction du réseau de la DGFiP et la numérisation créent des inégalités.
Le rétablissement de la journée de carence pour les arrêts maladie des fonctionnaires est d'autant plus malvenu que l'Insee a montré qu'entre 2012 et 2014, les absences de longue durée ont augmenté... Un alignement avec le privé ? Non car deux tiers des salariés du privé disposent d'une couverture.
Le Gouvernement s'attaque à la logique même de service public. Notre groupe s'y opposera par son vote.
M. Claude Malhuret . - Les évolutions de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » sont positives. La maîtrise des effectifs des ministères économiques et financiers est réelle et doit être saluée.
Un service public diligent et de qualité est possible avec moins de fonctionnaires. Saluons le sens du service de notre fonction publique. C'est son honneur d'avoir traversé les réformes successives, de la RGPP à la MAP, en adaptant son action pour servir avec la même efficacité et le même dévouement. Des effectifs réduits n'enlèvent rien à cette excellence, bien au contraire.
Le groupe Les Indépendants soutient la suppression de 120 000 postes sur cinq ans ; mais les prévisions de 2018 sont très en deçà de la trajectoire.
Il faut y associer une réflexion sur les dépenses inutiles, et le périmètre et la nature de l'État que nous voulons.
Il serait dommage que la mission « Action et transformations publiques » se limite à une revue de dépenses comme on en a déjà connu par le passé avec peu de succès. Le comité « Action publique 2022 » que vous pilotez devra être ambitieux
Il faut s'affranchir des tabous, qui ont vidé de leur substance les initiatives des précédents gouvernements : en premier lieu le statut des fonctionnaires, mais aussi la grille salariale et les retraites qu'il convient de rapprocher du régime du secteur privé, comme le rappelle la Cour des comptes régulièrement. Les retraites, justement : l'autofinancement des régimes spéciaux devient impossible, ce qui nous contraint à une réforme profonde. Le président de la République et le Premier ministre se sont engagés à mettre en place un système universel et plus juste ; nous l'y aiderons.
Le groupe votera les crédits en discussion, avec une vigilance particulière sur Action publique 2022.
M. Joël Guerriau. - Très bien !
M. Olivier Henno . - Aborder ces missions dans le temps de deux chansons de Johnny Hallyday est une gageure.
La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est en stabilité ; nous saluons la réduction assumée des effectifs. L'effort est très important pour la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), au vu de l'extension de ses missions à cause de l'accroissement des contrôles à cause de la menace terroriste.
Nous saluons aussi la rupture avec le rabot au profit d'une réflexion sur le périmètre de l'action publique.
Notre groupe défend depuis longtemps le jour de carence pour maladie, gage d'équité entre le privé et le public.
Les crédits d'investissement pour les projets informatique et numérique sont en hausse de 52 millions ; mais attention à ne pas accentuer la fracture territoriale ni à déshumaniser les services publics.
Je remercie Sylvie Vermeillet de ses rapports sur la mission « Régimes sociaux de retraite ». Les crédits sont assez stables ; il y a des régimes en extinction - les mines - les besoins de financement de ceux de la SNCF et de la RATP augmentent sensiblement.
La réforme annoncée pour 2019 doit aboutir à un système universel. Financer des régimes spéciaux ne rime pas avec égalitarisme ; mais il est inacceptable que la réforme de l'âge de départ en retraite votée en 2010, commence à peine à s'appliquer à la SNCF et à la RATP.
Notre groupe votera les crédits en discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Jérôme Durain . - Comme socialiste, nos élus ont accompli des efforts importants dans la gestion de leurs effectifs. Nous saluons la volonté de créer un environnement de travail modernisé. Mais attention à ne pas imposer une logique comptable.
Sur le jour de carence, je rappelle que d'après l'Insee, cette mesure, entre 2012 et 2014, a fait augmenter de 25 % la prévalence des arrêts maladie de plus d'une semaine, même si les arrêts d'un jour ou deux ont baissé.
Serait-ce une revanche des fonctionnaires ? Je ne le pense pas ; en tout cas ce n'est pas une bonne nouvelle.
On peut se féliciter de l'augmentation des crédits de formation. Monsieur Dussopt, quand vous étiez encore socialiste, vous aviez interrogé le Gouvernement sur la compensation de la contribution des collectivités territoriales à la formation. Je vous interroge à mon tour sur la compensation de la hausse de la CSG. Notre groupe votera contre l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». (« Très Bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Nadine Grelet-Certenais . - Les régimes spéciaux souffrent d'un déséquilibre démographique obligeant l'État à intervenir. Créés avant 1945, ils répondaient surtout à des considérations de pénibilité. Il convient de réviser ces derniers, mais aussi de prendre en compte l'héritage sans opposer les uns aux autres. Les cheminots ne sont pas des privilégiés.
Le Gouvernement semble compter sur une transition en douceur pour ne pas perturber le déroulement des carrières.
Les cotisations nettes ne sont pas une charge mais une épargne qui donne droit à un revenu futur, garanti par l'État. L'essentiel est d'assurer la pérennité et l'équité du système. Nous sommes très attachés au système par répartition. Le groupe socialiste sera très attentif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Je remercie vos rapporteurs pour leurs observations.
La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte les moyens de fonctionnement et d'investissement des ministères économiques et financiers. Avec 11 milliards d'euros, ses crédits sont stables.
Cette mission contribue de façon importante à la maîtrise des effectifs de la fonction publique de l'État, puisque les effectifs de Bercy diminuent de 1 450 ETPT. La DGFiP a déjà fortement contribué à cette baisse grâce à la numérisation, sans sacrifier ses missions essentielles grâce au redéploiement des moyens humains : ainsi, les effectifs des douanes augmenteront pour faire face aux conséquences du Brexit.
L'année prochaine aura lieu la réforme du prélèvement à la source. La DGFiP l'a préparée, depuis l'été 2015, en mode projet. Les textes d'application ont été publiés, l'informatique a été déployée, le changement accompagné ; des correspondants prélèvement à la source ont été nommés au sein de chaque service ; une campagne de formation initiée.
S'agissant des réformes du PFU, de la taxe d'habitation et de l'IFI, la DGFiP, associée en amont, a anticipé les travaux informatiques et organisationnels. Les éléments de calcul de l'IFI et du PFU seront pris en compte dans les avis de l'été 2018, la réforme de la taxe d'habitation, dans ceux de l'automne.
La DGFiP et les Douanes mènent une vaste restructuration de leur réseau territorial pour assurer le meilleur service aux usagers et aux collectivités territoriales. Ainsi les fermetures de trésoreries sont décidées en concertation avec les collectivités territoriales. La rationalisation du réseau est pensée en fonction de la carte de l'intercommunalité, des permanences seront assurées dans les maisons de service au public.
Le contrôle fiscal est assuré indépendamment de l'implantation géographique des agents. De même, l'examen de comptabilité n'a pas vocation à remplacer les contrôles sur place. Enfin, les directions du contrôle fiscal à périmètre interrégional voient leur rôle renforcé.
La DGFiP s'est dotée en 2013 d'un outil d'analyse des données pour mieux cibler les contrôles fiscaux, avec pour objectif d'être à l'origine de 20 % d'entre eux. Il est vrai qu'il est difficile de recruter certains profils particuliers, data scientists ou experts immobiliers : outre la question de la rémunération, l'administration doit développer d'autres facteurs d'attractivité.
J'insiste sur le fait que les crédits de fonctionnement sont maintenus : 2,75 milliards d'euros hors masse salariale, en hausse de 3,5 % par rapport à 2017, tandis que les crédits d'investissement qui portent les projets informatiques et numériques augmentent, eux, de 38 %. L'administration des ministères économiques et financiers, pionnière dans la dématérialisation des relations entre l'usager et l'administration, est un modèle de transformation numérique.
La nouvelle mission « Action et transformation publiques » se compose de deux programmes. Le fonds pour la transformation publique doté de 200 millions d'euros a été créé pour financer les investissements qui permettront les économies de demain.
Les travaux du comité Action publique 2022 permettront d'identifier des chantiers prioritaires, pour une mise en oeuvre opérationnelle des plans de transformation à partir de mars 2018.
Le compte d'affectation spéciale « Opérations immobilières de l'État » est doté de 582 millions d'euros, en hausse de 11 %. La nouvelle direction de l'immobilier de l'État, la réforme de la gouvernance avec la création de la CNIP, la meilleure intégration des outils budgétaires marquent la volonté du Gouvernement d'améliorer sa gestion immobilière. La charte de gestion a été diffusée, la circulaire sur la PIE est en cours d'examen, le suivi de la performance s'améliore.
L'État finance les 55 milliards d'euros que le régime de retraite des fonctionnaires de l'État versera en 2018 à ses deux millions de retraités et verse une subvention d'équilibre de 6,3 milliards aux régimes spéciaux. Il finance ainsi 20 % des dépenses du système de retraite français. L'information du Parlement est en outre améliorée.
Un dernier mot sur la mission « Crédits non répartis » : la provision initiale pour compenser la hausse de la CSG a été finalement ventilée entre différentes missions. La hausse de la CSG sera compensée par la suppression de la cotisation exceptionnelle de solidarité pour les agents publics, par une provision de 290,5 millions d'euros pour le versement d'une prime de compensation, ou des baisses de cotisations dans le privé. L'intégralité des coûts liés à cette hausse sera bien compensée.
J'aurais aimé, et M. Durain aussi, j'en suis sûr, que la réforme du périscolaire soit compensée de la même manière. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC ; M. Jérôme Durain applaudit également.)
EXAMEN DES CRÉDITS ET DES ARTICLES RATTACHÉS
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
M. le président. - Amendement n°II-233, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local dont titre 2 |
|
216 000 000
216 000 000 |
|
216 000 000
216 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières dont titre 2 |
|
|
|
|
Facilitation et sécurisation des échanges dont titre 2 |
|
|
|
|
Fonction publique dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
216 000 000 |
|
216 000 000 |
SOLDE |
-216 000 000 |
-216 000 000 |
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - C'est un amendement qui revient chaque année.
L'économie liée à la réinstauration d'un jour de carence s'élèvera, pour la seule fonction publique d'État, à 108 millions d'euros. Porter ce délai à trois jours se traduira donc, par hypothèse, par une économie supplémentaire de l'ordre de 216 millions d'euros.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable. À l'exception du groupe CRCE du Sénat et du groupe de la France insoumise à l'Assemblée nationale, aucun groupe n'a voté contre le rétablissement du jour de carence. Dans le privé, les deux autres jours de carence sont très souvent couverts par les employeurs dans le cadre des conventions collectives. C'est pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà d'un jour par équité.
M. Claude Raynal. - Cet amendement est un vieux marronnier de la majorité sénatoriale, une simple provocation qu'il faut traiter comme telle. Il est vrai que l'an dernier, le Sénat ayant refusé de débattre, il nous avait été évité ! Espérons que nous ne le reverrons plus.
Mme Laurence Cohen. - Des années de RGPP, de transfert de charges et de baisse d'effectifs, gel du point d'indice, blocage des promotions, précarisation du personnel... et la majorité sénatoriale propose de faire encore porter l'effort sur les fonctionnaires ! Vous omettez de rappeler que pour les deux tiers des salariés du privé, les trois jours de carence sont pris en charge par l'entreprise. Trois jours de carence, et, à l'amendement suivant, augmentation du temps de travail de 2 heures 30, non rémunérées : votre philosophie, c'est de demander aux fonctionnaires de travailler plus pour gagner moins !
Une fois n'est pas coutume, nous sommes en accord avec le Gouvernement et nous voterons contre.
Mme Françoise Gatel. - La meilleure manière de couper les marronniers est de voter l'amendement, Monsieur Raynal !
De grâce, évitons les caricatures. Tous ceux qui ont géré une collectivité savent que les fonctionnaires ont un sens aigu du service public. Il n'est pas exact que toutes les entreprises compensent le jour de carence. Point de discrimination ici, mais de l'équité. Je comprends que vous marchiez lentement, Monsieur le Ministre, mais personnellement, je voterai l'amendement.
M. Michel Canevet. - Je n'ai jamais compris pourquoi Mme Lebranchu avait supprimé le jour de carence, qui avait fait la preuve de son efficacité en faisant sensiblement baisser l'absentéisme dans la fonction publique. Dans un souci d'équité, il est légitime de le rétablir. On ne peut gérer les ressources humaines sans outil ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Le point d'indice a été gelé de 2010 à 2016, puis revalorisé en 2016 en deux temps. La reconduction du gel du point en 2017 ne se traduit pas par une stagnation des rémunérations car l'application des mesures catégorielles a fait progresser la rémunération mensuelle des agents publics de 4 %, avec donc un gain de pouvoir d'achat.
À la demande du groupe CRCE, l'amendement n°II-233 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°38 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 134 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - Amendement n°II-232, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local dont titre 2 |
|
2 200 000 000
2 200 000 000 |
|
2 200 000 000
2 200 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières dont titre 2 |
|
|
|
|
Facilitation et sécurisation des échanges dont titre 2 |
|
|
|
|
Fonction publique dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
2 200 000 000 |
|
2 200 000 000 |
SOLDE |
-2 200 000 000 |
-2 200 000 000 |
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Selon l'Insee, la durée habituelle de travail des salariés du secteur privé serait de 37,5 heures par semaine.
Dans son enquête sur la masse salariale de l'État réalisée en 2015, la Cour des comptes estimait qu'une augmentation de 1 % du temps de travail dans la fonction publique se traduirait par une économie de 700 millions d'euros pour l'ensemble de la fonction publique et ses 5,4 millions d'agents.
L'alignement sur le temps de travail habituel dans le privé permettrait par conséquent une économie de 5 milliards, dont 2,2 milliards d'euros pour la seule fonction publique d'État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Cet amendement fait porter au seul programme 156 une économie qui porterait sur tout le périmètre de l'État. La masse salariale de la DSGFiP serait amputée de 32 %, cela risque de ne pas être soutenable. Vous indiquez en outre que les économies correspondantes seraient réparties sur toutes les missions. Cela méconnaît les exigences de la LOLF et en particulier de son article 12.
Sur le fond, nous ne partageons pas votre analyse. D'après la Cour des comptes, la durée hebdomadaire dans la fonction publique d'État est légèrement supérieure à celle du secteur privé. Votre amendement suppose de supprimer des dizaines de milliers de postes et menacerait la continuité du service public. Nous préférons adapter le niveau des effectifs aux taches et aux missions. C'est l'esprit du plan Action publique 2022 : maintenir la qualité de service tout en interrogeant les effectifs.
M. Claude Raynal. - Encore un amendement déjà vu... Les responsables de collectivités territoriales savent que la question du temps de travail ne se pose pas ainsi, de manière purement comptable ! Nous avons tous connu des fonctionnaires qui faisaient bien plus que 35 heures ; en cas de nécessité, tout le monde est sur le pont, et personne ne réclame d'heures supplémentaires. Le rôle du management est de faire en sorte que les agents soient heureux de travailler : il faut un travail en commun, positif, pas une vision comptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jérôme Durain. - Très bien.
Mme Laurence Cohen. - La présentation du rapporteur est comptable et désincarnée, sans lien avec la réalité des conditions de travail. Une précision : le groupe CRCE est d'accord avec le Gouvernement pour refuser la création de trois jours de carence mais reste opposé à l'instauration de ne serait-ce qu'un jour de carence...
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Nous demandons une brève suspension de séance.
La séance, suspendue à 23h15, reprend à 23h20.
À la demande du groupe CRCE, l'amendement n°II-232 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°39 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l'adoption | 189 |
Contre | 140 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - Amendement n°II-231, présenté par M. Carcenac, au nom de la commission des finances.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local dont titre 2 |
700 000 |
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières dont titre 2 |
|
1 400 000
1 400 000 |
|
1 400 000
1 400 000 |
Facilitation et sécurisation des échanges dont titre 2 |
700 000 |
|
700 000 |
|
Fonction publique dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
1 400 000 |
1 400 000 |
1 400 000 |
1 400 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. - Cet amendement vise à permettre à la DGFiP et à la DGDDI de recruter une vingtaine de data scientists et data analysts contractuels d'un haut niveau de compétence en matière d'analyse et d'exploitation de données de masse. Ces compétences sont devenues cruciales, or l'administration éprouve des difficultés à recruter et fidéliser ces profils atypiques car les rémunérations ne sont pas attractives en dépit de la circulaire du Premier ministre.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - J'entends que c'est un amendement d'appel sur l'attractivité des métiers numériques au sein de l'État. Une circulaire permet d'ajuster les crédits et l'État recrutera une vingtaine de data scientists.
La DGFiP s'est dotée en 2013 d'un service d'analyse de données pour mieux cibler les contrôles fiscaux. Sa montée en puissance nécessite encore certains investissements humains et matériels, en matière de logiciels par exemple.
Les Douanes se sont dotées d'un service similaire qui développe les techniques de data mining pour mieux repérer les schémas de fraude.
Il ne paraît pas pertinent de ponctionner la masse salariale du programme 218 dont certains services, comme Tracfin, luttent également contre la fraude fiscale. Retrait ?
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. - C'était bien un amendement d'appel. La difficulté de recrutement existe, à cause de l'écart de rémunération avec le privé. Les directeurs généraux de la DGFiP et de la DGDDI nous l'ont confirmé, ainsi que le directeur de la Dinsic.
L'amendement n°II-231 est retiré.
Les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », modifiés, sont adoptés.
L'article 55 ter est adopté.
Article additionnel après l'article 55 ter
M. le président. - Amendement n°II-230 rectifié, présenté par M. Carcenac, au nom de la commission des finances.
Après l'article 55 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l'opportunité de créer un indicateur de performance de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » rendant compte de l'attractivité de la filière des métiers du numérique et des systèmes d'information et de communication au sein de l'État. Il formule, en outre, des propositions pour faciliter le recrutement et la fidélisation de compétences rares et recherchées. Il fournit également des éléments de comparaison avec les conditions de recrutement et de fidélisation offertes par le secteur privé et par d'autres États, notamment en matière de rémunération, de conditions de travail et d'évolution des carrières.
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. - Cet amendement demande un rapport d'information sur l'opportunité de créer un indicateur de performance rendant compte des progrès de l'administration en matière de recrutement de personnes avec des compétences rares.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Le Gouvernement travaille à améliorer l'attractivité de la fonction publique pour les compétences rares. Outre la circulaire du Premier ministre, des groupes de travail ont été créés sur les compétences, le recrutement, la mobilité, la formation. Attendons leurs conclusions, courant 2018.
Plutôt que de demander des rapports, les parlementaires peuvent utiliser leurs prérogatives dans le cadre de missions de contrôle.
L'amendement n°II-230 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Les crédits de la mission « Crédits non répartis » sont adoptés, de même que les crédits de la mission « Action et transformation publiques », du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte spécial « Pensions ».
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. - Afin de permettre à Mme Gény-Stephann, qui est toujours à l'Assemblée nationale, de rejoindre le Sénat pour l'examen de la prochaine mission, je demande une suspension de séance. (Vives protestations)
M. Jean-François Husson. - Ce n'est pas sérieux !
M. Jackie Pierre. - Vraiment pas !
M. le président. - Soit, mais ce n'est guère apprécié, surtout vu l'heure tardive. Le Sénat passe après l'Assemblée nationale...
La séance, suspendue à 23 h 35, reprend à minuit.
Rappels au Règlement
Mme Sophie Primas . - Madame la Ministre, M. Dussopt est parti précipitamment à l'Assemblée nationale pour vous remplacer, vous arrivez parmi nous avec une demi-heure de retard - alors que quatre ministres s'occupent de cette mission et que le Gouvernement compte un ministre des relations avec le Parlement. Cet incident de séance est inadmissible. Il s'agit de la dette de la France ! (Applaudissements sur tous les bancs)
Mme Françoise Gatel . - Nous sommes heureux de vous accueillir au Sénat, qui mérite néanmoins - et la dette de la France davantage - un minimum de respect. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. le président. - Acte vous est donné de ces rappels au Règlement.
Engagements financiers de l'État
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la commission des finances . - La mission « Engagements financiers de l'État » regroupe, pour 99 %, les crédits liés à la charge de la dette. Je salue la démarche de nos collègues députés rapporteurs, Bénédicte Peyrol et Dominique David, qui m'ont associée à leurs réflexions pour élaborer leur rapport.
En 2017, les pays de l'OCDE ont emprunté 9 200 milliards de dollars. La charge de la dette baisse mais c'est grâce à la faiblesse des taux d'intérêts et l'endettement progresse ; cette situation faussement rassurante ne doit pas nous leurrer : et il faut donc se préparer à une hausse des taux d'intérêts, qui sera insoutenable pour nos finances publiques. Une hausse de 1 % des taux coûterait 14 milliards à la France en 2020 ! D'ailleurs le processus a déjà commencé.
Les amortissements progressent de 10 %, à 143,3 milliards d'euros, en raison de l'arrivée à échéance de dettes importantes émises lors de la crise de 2008.
C'est une tension en plus sur le financement du budget de l'État. C'est aussi un problème pour l'Europe, puisque nous ne respectons pas nos engagements. Cette mission mériterait mieux que dix minutes bâclées.
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
Mme Nathalie Goulet rapporteur spécial de la commission des finances. - Au rythme où nous remboursons notre dette, il faudra quarante ans pour rattraper l'Allemagne...
Plusieurs pistes d'amélioration : des fonds sectoriels abondés par les États pour refinancer certaines dettes de façon mutualisée, par exemple la dette de défense ; une mutualisation des emprunts au niveau de la zone euro - mais l'Allemagne n'en veut pas ; la participation du mécanisme européen de stabilité au paiement des intérêts des dettes de certains États.
Nous n'avons guère le temps, mais quelques questions cependant.
Pourquoi cette mission ne pourrait-elle pas faire l'objet de plafonds limitatifs, plutôt que d'estimations ?
Que pensez-vous des mesures de désendettement qui pourraient être mises en oeuvre au niveau européen ?
Quelles pistes pour le traitement prudentiel de la dette ?
Les agences de notation, que nous avons entendues, scrutent avec attention nos promesses non tenues.
La commission des finances propose d'adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et les comptes d'affectation spéciale attachés ; nous aurions eu besoin de plus de temps, mais j'attends des réponses aux questions que je vous ai posées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial de la commission des finances . - La commission des finances a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », qui représente 140 milliards répartis entre l'Agence des participations de l'État, Bpifrance et la Caisse des dépôts.
Le compte doit par construction être équilibré. Les crédits ne sont en outre qu'indicatifs. Dès lors, une autorisation du Parlement relève de l'exercice de style puisque, en la matière, nous devons attendre la loi de règlement pour savoir ce que l'État a fait de l'autorisation... En vérité, c'est un blanc-seing du Parlement au Gouvernement.
En janvier 2014, le Gouvernement s'était assigné une doctrine d'intervention de l'État stratège. On n'en trouve plus la trace. Voyez les affaires Alstom et STX. Où est l'État stratège ?
On nous dit : il faut financer l'innovation. C'est l'objet du programme 192 et d'un ensemble d'actions. Mais ce n'est pas assez : vous avez créé un fonds d'innovation, devenu fonds pour l'industrie et l'innovation, il est doté de 10 milliards d'euros et doit en rapporter 200 millions. Le Premier ministre nous a éclairés le 20 novembre en disant que tout est potentiellement stratégique - même le yaourt, dès lors qu'il porte le label France ! - ce qui justifie l'intervention de l'État.
Où est le recentrage stratégique ? Quelles sont les priorités ?
Ensuite, comment va fonctionner ce fonds doté immédiatement de 2 milliards, auxquels s'ajoutent 8 milliards qui seront prêtés ? Ne peut-on pas passer par une procédure plus classique, quitte à réviser la LOLF ?
Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la commission des finances . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Rien d'étonnant donc de discuter du programme d'investissement d'avenir (PIA) à cette heure matinale ! (On apprécie sur tous les bancs)
La mission « Investissement d'avenir » est dotée de 10 milliards en autorisations d'engagement qui s'ajoutent aux 47 milliards des deux précédents programmes d'investissements d'avenir (PIA) de 2010 et 2014. Il n'y avait, l'an passé, pas de crédits de paiement : c'était une astuce comptable pour ne pas grever le déficit en 2017, comme l'avait souligné Albéric de Montgolfier.
Le PIA 3 est sécurisé par son intégration au grand plan d'investissement, mais 6 milliards d'euros, soit plus de la moitié de l'effort financier, sont reportés sur la fin du quinquennat.
L'inscription de crédits de paiement est un mieux ; mais ce sera la contrainte budgétaire qui dictera les décaissements, pas la réalisation des projets et la gestion des crédits par les opérateurs est rendue plus complexe. Ensuite, une bonne part des crédits iront à des prises de participation - c'est avantageux pour répondre aux critères de Maastricht, mais certains opérateurs se demandent s'ils trouvent assez de projets à financer par fonds propres.
L'intégration du PIA 3 au GPI n'a en rien changé sa structure : les programmes et les actions financés, la répartition des autorisations d'engagement, la répartition entre les différents modes de financement, les opérateurs chargés de la mise en oeuvre demeurent. L'intervention d'un sous-opérateur est source de complexité.
Le versement des crédits aux opérateurs, ainsi que les décaissements de ces derniers vers les bénéficiaires, continuent de ne pas être intégrées dans les normes de dépense, contrairement à la recommandation de la Cour des comptes dans son rapport public thématique de décembre 2015.
Le risque que le Gouvernement procède à des débudgétisations reste important.
Sur le fond, certaines actions s'inscrivent dans les axes définis par le Gouvernement, notamment toutes celles relatives à la qualification de la main-d'oeuvre, à l'innovation ou à la transition écologique. Cependant, le coup d'arrêt à l'appel de projets « Nouveaux instituts hospitalo-universitaires » est malvenu, même si une remise à plat peut se justifier. Nous avions des questions sur le contenu du nouveau plan numérique à l'école, le ministre de l'Éducation nationale n'a pas pu nous répondre.
Nous ne manquons pas, également, de nous interroger sur le contenu de l'action « Grands défis » du programme « Accélération de la modernisation des entreprises ». Un retard a été pris dans les signatures des conventions entre l'État et les huit opérateurs. Avec l'écart entre autorisations d'engagement et crédits de paiement, le PIA 3 fait figure de variable d'ajustement. C'est dommage.
J'invite ce matin le Sénat à voter les crédits de la mission, avec une certaine vigilance. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial de la commission des finances . - La mission « Remboursement et dégrèvements » progresse de 6 % pour atteindre un niveau record de 115,2 milliards, en raison des augmentations des dépenses liées au CICE et au crédit d'impôt recherche : en crédits, c'est la mission la plus importante de l'État.
Les remboursements et dégrèvements représentent un manque à gagner de 28,5 % des recettes fiscales, 5 points de plus qu'en 2013. La politique fiscale repose de plus en plus sur des réductions fiscales, alors que notre économie se financiarise.
D'autres facteurs que la taxe d'habitation réduisent les recettes de l'État. CICE et CIR, c'est 27 milliards d'euros, mais nous ne disposons pas d'informations sur la répartition géographique, c'est inquiétant d'un point de vue démocratique.
Or le CICE n'a pas eu d'impact sur les investissements, la recherche, les exportations ni l'emploi.
Que faire du solde positif des entreprises ? Faut-il toujours répondre aux appétits des actionnaires ? Ils ont eu 50 milliards l'an dernier ; pendant ce temps, on veut geler le SMIC...
La décision du Conseil constitutionnel relative aux modalités de calcul du dégrèvement barémique, coûtera 450 millions d'euros en 2018 à l'État. Les contentieux qui seront engagés par les entreprises se traduiront par un coût de 300 millions d'euros en 2017 et de 150 millions d'euros en 2018, tandis que la hausse du coût du dégrèvement pour 2018 atteindra 300 millions d'euros supplémentaires.
Le dégrèvement de la taxe d'habitation, que le Sénat a supprimée, s'appliquera de manière très différenciée en fonction des stratégies d'optimisation des contribuables. C'est aussi un risque pour les ressources des communes. Il aurait été préférable de plafonner la taxe d'habitation en fonction des revenus et de réviser les bases locatives.
La taxe d'habitation n'est d'ailleurs pas déductible de l'impôt sur le revenu, au contraire de la contribution économique territoriale pour les entreprises...
La commission des finances recommande l'adoption des crédits, avec une réduction de 3,2 milliards tenant compte des votes de la première partie.
Pour ma part, je ne les voterai pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE).
Mme Sophie Primas, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Il convient de revenir sur les modalités du contrôle du Parlement sur le CAS « Participations financières de l'État » y compris en amendant la LOLF. Ce débat est aujourd'hui très insuffisant. On ne sait pas à l'avance quels titres seront achetés ou vendus par l'Agence de participations de l'État (APE).
Nous sommes d'autant plus dans l'embarras cette année, que l'État actionnaire a revu sa doctrine et qu'il a créé un fonds pour l'innovation de 10 milliards et dont la logique reste floue.
Le montant des enveloppes est purement conventionnel, les décisions opérationnelles de cessions et d'achat seront confidentielles, les principes vont être redéfinis en cours d'année : le Parlement n'exerce pas un contrôle, on lui demande un blanc-seing ! La commission a donné un avis de sagesse.
Alain Chatillon vous interroge sur la situation de l'aéroport de Toulouse-Blagnac ; les intentions du repreneur potentiel chinois, étant tournées vers les dividendes bien plus que vers le développement du territoire, Alain Chatillon est défavorable à toute cession de la part résiduelle de l'État à l'actionnaire chinois. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Marc Gabouty . - C'est dans un esprit constructif que j'aborde les missions et comptes d'affectation spéciale en discussion.
Mme Françoise Gatel. - Ah !
M. Jean-Marc Gabouty. - Le groupe RDSE en approuvera les crédits ; à quelques interrogations près. La charge de la dette est en baisse de 0,76 % grâce à des taux d'intérêts très bas alors que l'encours de dette progresse, à rebours de l'évolution de la zone euro et de l'Allemagne. Le besoin de financement augmente en conséquence et avec l'arrivée à échéance des titres émis pendant la crise financière de 2007-2010. La probable remontée des taux d'intérêts est une épée de Damoclès.
Le désendettement de l'État est une pure fiction : il faudrait parler de remboursements.
La mission « Investissements d'avenir » illustre la volonté des gouvernements successifs de soutenir les actions porteuses d'avenir. Les trois programmes d'investissements d'avenir (PIA) ont été intégrés dans un grand plan d'investissement doté de 57 milliards. Les montants à ce titre pour 2018-2020 sont pourtant très modestes : on passe à une logique budgétaire.
La mission « Remboursements et dégrèvements » est en forte hausse, le comité de suivi a du mal à se prononcer sur les effets du CICE ; pour nous, c'est une condition nécessaire mais pas suffisante du développement des entreprises. Les mesures proposées ici donnent une meilleure visibilité au monde économique.
La base de l'impôt sur les sociétés sera élargie, alors que le taux sera abaissé.
Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » est la traduction de l'État actionnaire. Pour améliorer la sincérité budgétaire, je suis favorable à inscrire dans son bilan la moyenne des cessions des trois derniers exercices. Concernant la stratégie d'ensemble, des signaux contradictoires ont été donnés.
M. Didier Rambaud . - Pour votre première entrée - un peu rude - au Sénat, Madame la Ministre, je vous adresse tous les voeux de réussite.
Le niveau d'endettement public approche des 100 %, la France qui s'était engagée à contenir la dette sous les 60 % n'a pas tenu ses engagements, laissant filer les déficits en haut de cycle. Elle s'est ainsi privée de marges de manoeuvre lors de la crise. Les gouvernements successifs ont laissé filer la dette au gré des intérêts particuliers dont certains, ici, se font les rapporteurs - on l'a vu avec les 7 milliards de dépenses supplémentaires inscrits par le Sénat en PLFSS.
Le rapporteur général a pointé le risque d'une hausse des taux. Il est en réalité modéré : la maturité de la dette est assez longue. Une étude d'Olivier Blanchard s'appuie sur l'exemple du Japon pour montrer que l'incidence est plus faible que l'on craint y compris pour ce pays où la dette publique dépasse 200 % du PIB et le déficit primaire, 4 %; de plus, l'accroissement du PIB nominal avec la croissance réduira mécaniquement les ratios d'endettement.
Une mutualisation d'une partie des dettes au niveau européen peut toujours être envisagée.
Le président de la République a proposé de transformer le mécanisme européen de stabilité (MES) en un vrai fonds monétaire européen assurant une vraie coordination macroéconomique de la zone, comme le souhaite le président de la République et la Commission européenne.
La mission « Investissements d'avenir » traduit budgétairement le PIA 3. Contrairement à l'an passé, la mission est dotée de crédits de paiement : on sort de l'affichage.
Les douze programmes ont pour point commun la prise en compte des besoins de l'économie.
Mme Laurence Cohen . - La ligne d'émissions de dette autorisées pour 2018 est de 195 milliards en obligations de moyen et long terme. C'est une sorte de rente perpétuelle des marchés financiers sur la France.
IFI, PFU, taxe d'habitation, allègements de cotisations patronales : au total, 50 à 55 milliards de pertes de recettes fiscales. C'est un hold-up d'un nouveau style : les impôts de tous au profit de quelques-uns ! Or la précarisation de notre société démontre l'échec des politiques conduites depuis des années.
La dette en soi n'a rien de répréhensible car il n'est pas d'économie sans crédit. La dette privée, qui atteint 140 à 150 % du PIB, interpelle autant que la dette publique.
Quand il s'agit d'investissement pour l'avenir, la dette est source de progrès. Si c'est pour alléger la fiscalité du capital ou amortir les décisions antérieures, ce n'est pas vertueux.
Il est temps de mener un audit citoyen de la dette pour nous libérer de la soumission aux marchés financiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Claude Malhuret . - Il est paradoxal et un peu triste d'examiner ensemble la mission « Engagements financiers de l'État » et celle des « Investissements d'avenir », la première représente le poids du passé et obère nos politiques publiques, la seconde prépare notre avenir. (Marques d'approbation sur les bancs du groupe Les Républicains)
Le programme 117 contient nos charges d'intérêts : en légère baisse, avec 41,6 milliards d'euros, c'est le deuxième poste de dépenses du budget ; c'est aussi six fois plus que la Justice ou 10 milliards de plus que le budget de la Défense ... Surtout, la dette continue à s'accroître inexorablement et les déficits se résorbent trop lentement.
Les efforts du Gouvernement vont dans le bon sens, mais malgré cela, ils sont insuffisants et l'écart s'accroît avec l'Allemagne : le différentiel de PIB est de 28 points. Il atteindra 39 points de PIB en 2022, ce qui est sans précédent dans l'histoire de l'Europe et réduira notre capacité d'influence. Si nous ne parvenons pas à résorber nos déficits à réduire notre dette, c'est notre statut politique en Europe et dans le monde qui en pâtira. Il ne s'agit pas que de chiffres, mais bien de la capacité du politique à agir encore au service des Français et des valeurs de la République. L'endettement de l'État n'est pas de votre fait, Madame la Ministre, c'est une plaie française qui dure depuis trente ans. Profitons de la conjoncture favorable pour nous désendetter, assainir les finances publiques et relancer l'économie. Nos voisins le font, vous le faites plus timidement. Nous allons vous aider à le faire plus fort. Il en va de la société que nous léguerons à nos enfants.
Les crédits de la mission « Investissements d'avenir » nous rendent plus optimistes. Le PIA est dû à l'intelligence d'Alain Juppé et de Michel Rocard, dans l'idée de préparer la France aux défis de demain. Ils seront intégrés au grand plan d'investissement voulu par le président de la République ; ils gagneraient à être mieux articulés avec le plan Juncker. Il faudrait parvenir à bâtir ensemble une union de financement et d'investissement en Europe comme le prône M. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.
Le groupe Les Indépendants votera les crédits de cette mission, tout en souhaitant avoir encore plus de raisons de les voter l'année prochaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, LaREM et UC)
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet . - En dépit de l'heure tardive, ces missions sont importantes, en raison de leur volume budgétaire et de leurs implications pour l'avenir.
Le groupe UC est attaché à une gestion rigoureuse des finances publiques. Chacun connaît la situation : 2 200 milliards de dettes, près de 100 % du PIB. Il est donc urgent de réduire le déficit ; or en 2018, ce déficit sera encore supérieur à celui de 2017. Les recettes liées au retour de la croissance ne suffiront pas. Malgré nos efforts, nous demeurons parmi les plus mauvais élèves de l'Union européenne. La route sera longue ! La charge d'intérêts s'élève à 40 milliards d'euros. Elle a diminué alors que l'encours de dette a augmenté. Nous avons profité de taux d'intérêts extrêmement bas. Attention, cela ne durera pas. En 2018, la France sera, après l'Italie, le plus gros emprunteur sur le marché. Attention à notre note financière !
Autre question importante, celle de l'État actionnaire. L'action de celui-ci a maintenu des fleurons industriels sur notre territoire.
Le groupe UC n'est pas pour une intervention forcenée de l'État dans l'économie. Ses participations ont pu être utiles, mais une stratégie est nécessaire : s'agit-il de se procurer des dividendes ou de soutenir des filières ? De même, ne faudrait-il pas unifier la stratégie des opérateurs gérant les participations de l'État ? Nous soutenons le PIA 3, qui traduit l'attention du président de la République au soutien à l'investissement.
Il est dommage que les crédits de paiement restent très inférieurs aux engagements du PIA 3, alors que nous sommes loin d'avoir atteint les objectifs de la stratégie de Lisbonne définie en 2000. Le groupe UC est aussi attaché à la pérennisation du CIR. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Martial Bourquin . - Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » est marqué par l'incertitude et la confidentialité qui dessaisissent le Parlement de son pouvoir de contrôle.
Le chiffre de 5 milliards d'euros est très hypothétique. On décèle toutefois deux infléchissements extrêmement préoccupants. Bruno Le Maire a annoncé que le Gouvernement allait céder des participations non stratégiques. Encore faudrait-il préciser les termes, débattre de l'État stratège et de son périmètre ! Ces cessions atteindront 10 milliards pour financer les innovations de rupture : cela revient à céder 10 % du portefeuille de l'État pour abonder un dispositif représentant seulement 2 % des dépenses annuelles d'innovation en France. Ensuite, c'est se priver aussi de dividendes qui ont atteint 3,26 milliards d'euros entre 2012 et 2016 au bénéfice du budget général de l'État.
Or 1,5 milliard d'euros de cessions ont déjà été réalisés. Où seront trouvés les 8,5 milliards restants ?
Autre objectif affiché du compte d'affectation spéciale, le désendettement de l'État : pourtant, alors que nos participations nous rapportent 3,5 % nets par an, l'État perdrait de l'argent. C'est une absurdité, et c'est surtout une menace sur les capacités de réaction de l'État face à une difficulté sectorielle.
L'industrie surtout, ce n'est pas que du court terme, mais du moyen et long terme. PSA était en quasi-faillite en 2012, avec des pertes historiques de 5 milliards d'euros, son action avait chuté de 80 euros à 5 euros la part. L'intervention de l'État l'a redressé. Barack Obama a agi de même aux États-Unis en sauvant Chrysler et en nationalisant General Motors. A contrario, la décision d'offrir Alstom à Siemens prive l'État de tout moyen d'agir ! Nous aurions préféré un Airbus du ferroviaire.
Bruno Le Maire réduit la politique économique de l'État à la baisse des charges. Rien sur l'État stratège. C'est une vision purement financière et court-termiste. Je crains un État stratège rabougri... (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Je veux tout d'abord vous assurer de mon plein respect pour vos débats. J'aurais aimé comme vous examiner avec vous ces missions dans de meilleures conditions. Celles-ci ne sont pas de mon fait.
L'essentiel de la mission « Engagements financiers de l'État » - qui recouvre les crédits nécessaires à l'État pour assurer son financement en toutes circonstances - concerne le programme 117, donc la charge de la dette, pour 41,2 milliards d'euros.
La période de taux d'intérêts très bas ne durera pas éternellement, la BCE ayant engagé ces derniers mois un processus de resserrement monétaire progressif. Notre estimation de la charge des intérêts intègre une remontée des taux à moyen terme. Conformément aux orientations fixées par le président de la République, ce budget constitue une première étape dans l'affermissement de la crédibilité budgétaire et financière de la France, qui passe d'abord par des réformes structurelles indispensables à notre économie et permettant une modernisation de nos services publics.
Deuxième étape, la baisse du poids des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises et les ménages. À cet égard, la courbe de progression de la dette sera interrompue à partir de 2018 pour s'inverser jusqu'à la fin du quinquennat. La dette publique serait ainsi ramenée à 91,4 % du PIB en 2022 contre 96,8 % prévus pour la fin de l'exercice 2017.
Madame Goulet, le président de la République a déclaré que la mutualisation des dettes passées n'était pas souhaitable. Nous sommes opposés à toute modification des règles prudentielles pour augmenter la part de titres d'État dans le bilan des banques. Quant à notre notation de crédit, elle est bonne (AA ou AA2) avec une perspective stable.
Sur le programme 114, l'information sur les engagements hors bilan s'est améliorée. Pour 2018, comme l'indique Mme Goulet dans son rapport spécial, ils augmentent sous l'effet de l'inscription de 63 millions d'euros au titre des procédures de soutien financier au commerce extérieur, qui n'avaient pas fait l'objet d'inscription de crédits en 2017 dans le cadre du transfert à BPI Assurance Export de la mission précédemment assurée par la Coface. Cette réforme qui fait de la BPI l'interlocuteur public privilégié des entreprises pour leur financement va dans le sens d'une meilleure efficacité et d'un moindre coût tant pour les entreprises que pour les finances publiques.
Le programme 145 « Épargne » retrace les primes d'épargne logement versées par l'État lors de la mobilisation de comptes épargne logement (CEL) ou de la clôture de plans d'épargne logement (PEL). Le Gouvernement parachève cette année la réforme de ce dispositif, peu incitatif et devenu au fil des ans un produit d'épargne défiscalisé, en mettant un terme à la prime versée par l'État pour tous les nouveaux PEL ouverts à compter du 1er janvier 2018.
Le programme 168, « Majoration de rentes » doté de 141,8 millions d'euros, retrace les crédits destinés aux remboursements de rentes légales et viagères. Après soixante-cinq ans de remboursement des majorations de rentes par l'État aux débirentiers, il est proposé de mettre un terme au dispositif, qui a atteint ses objectifs, ce qui va dans le sens des recommandations de votre commission des finances.
Le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » est destiné au financement du fonds de soutien en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements ayant souscrit des emprunts structurés et instruments financiers sensibles. Le Gouvernement n'est pas favorable, pour des raisons d'équité et de coût financier à la réouverture de ce guichet.
L'engagement des crédits du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce » se fera dans un cadre européen, en fonction de l'issue du troisième programme grec, qui court jusqu'à l'été 2018.
Le compte d'affectation spéciale « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » contient le préfinancement des aides de la PAC et est donc neutre au regard du déficit.
J'en viens au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». Depuis 2015, l'État actionnaire mène une politique dynamique de cessions et d'investissements pour protéger nos intérêts essentiels : restructuration de secteurs stratégiques, dont relèvent les recapitalisations d'EDF ou d'Areva ; actions en vue de peser dans les négociations pour maintenir notre savoir-faire et l'emploi sur notre territoire - voyez STX -, actions stratégiques dans le ferroviaire, à travers le rapprochement entre Alstom et Siemens. Je précise qu'aucune décision n'a encore été prise concernant l'aéroport de Toulouse.
Quant à la stratégie de l'État actionnaire, qui fait l'objet de fortes attentes, le Gouvernement souhaite recentrer le portefeuille vers trois priorités : les entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de notre pays (défense et nucléaire), les entreprises participant à des missions de service public ou d'intérêt général pour lesquelles l'État ne détient pas de leviers non actionnariaux suffisants pour préserver les intérêts publics, ainsi que les interventions dans les entreprises lorsqu'il y a un risque systémique. Le Parlement sera bien entendu associé à la réflexion du Gouvernement.
Ce recentrage passera par un plan de cession d'actifs dont le produit sera consacré à doter le fonds pour l'innovation à hauteur de 10 milliards d'euros conformément à l'engagement du président de la République. Ce fonds préparera l'avenir de notre économie, en partenariat avec des investisseurs privés. Opérationnel dès 2018, Il sera alimenté par les produits de récentes cessions de participations dans Engie et Renault et par les dividendes des participations n'ayant pas vocation à être cédées mais versant des dividendes réguliers.
Pour financer les innovations, il faut s'inscrire dans le long terme. L'État a sollicité l'expertise de trois personnalités qui doivent rendre leurs conclusions en janvier : Stéphane Distinguin, PDG de l'agence d'innovation Fabernovel, Jacques Lewiner, directeur scientifique de l'ESPCI et Ronan Stephan, directeur scientifique de Plastic Omnium.
Le PIA 3 est une composante essentielle du grand plan d'investissement.
Enfin, les crédits des programmes 200 et 201 augmentent fortement.
M. le président. - Madame la Ministre, Il est tard et il nous reste plusieurs amendements à examiner. Veuillez conclure.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - J'ai terminé. Merci.
EXAMEN DES CRÉDITS ET DES ARTICLES RATTACHÉS
Engagements financiers de l'État
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. - Il nous reste dix minutes, jusqu'à 1 h 30, pour examiner dix amendements. C'est trop juste. Je vous propose de finir vendredi matin l'ensemble de ces missions, si nous ne parvenons pas à le faire ce soir.
M. le président. - Nous pouvons prolonger la présente séance de quinze minutes, jusqu'à 1 h 45 environ. Soyez tous très concis.
Article 55
M. le président. - Amendement n°II-45 rectifié bis, présenté par M. Husson, Mme Bories, M. Charon, Mme Deromedi, MM. P. Dominati et B. Fournier, Mme Imbert, MM. Laménie et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Morisset, Rapin et Dallier et Mme Procaccia.
Supprimer cet article.
M. Jean-François Husson. - Cet article supprime la majoration pour l'État des rentes viagères qui a été instituée il y a soixante-huit ans pour protéger les rentes de l'inflation. L'État aide les assureurs à tenir leurs engagements. Ce système de solidarité a été institué de manière non contractuelle.
L'article 55 transfère en fait une charge aux assureurs. Pour la Cour des comptes, le montant total sera de 1,8 milliard d'euros. C'est confiscatoire pour les assureurs, et il y a un risque d'inconstitutionnalité.
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. . - Retrait au profit de l'amendement n°II-636 rectifié qui prévoit un étalement sur six ans.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Le Gouvernement souhaite supprimer le système des rentes viagères. Avis défavorable à l'amendement n°II-45 rectifié bis. Avis favorable à l'amendement n°II-636 rectifié.
M. Jean-François Husson. - L'Assemblée n'a pas vu ce problème. La navette a du bon.
L'amendement n°II-45 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-636 rectifié, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. - Les organismes débirentiers mentionnés au III peuvent répartir, sur une période de six ans au plus et de façon linéaire, à compter des comptes établis au titre de l'exercice 2017, les effets du I et du II sur le niveau des provisions mathématiques prévues par l'article R. 343-3 du code des assurances. Les modalités de constitution de la provision déterminées par les organismes concernés en application du présent alinéa font l'objet d'une explication dans l'annexe des comptes.
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. . - Il est défendu.
Mme Laurence Cohen. - Je proteste contre ces conditions de travail et d'examen législatif. Nous nous épuisons. Ce n'est pas une manière de faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)
L'amendement n°II-636 rectifié est adopté.
L'article 55, modifié, est adopté.
Article 55 bis
M. le président. - Amendement n°II-300, présenté par Mme N. Goulet, au nom de la commission.
Remplacer les mots :
de la prime d'État
par les mots :
du régime fiscal dérogatoire de l'épargne logement
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Cet amendement élargit le champ du rapport demandé au Gouvernement à la totalité de la réforme du régime fiscal de l'épargne logement.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Avis favorable.
L'amendement n°II-300 est adopté.
L'article 55 bis, modifié, est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°II-137 rectifié bis, présenté par MM. Mouiller et D. Laurent, Mmes Malet et Dindar, MM. Pierre, Paul et Kern, Mme Deromedi, MM. Gilles, Longeot et Morisset, Mmes Gruny, Joissains et Di Folco, MM. Bonhomme, Karoutchi, B. Fournier et Vogel, Mme Deseyne, MM. Canevet, Paccaud, Brisson, Chatillon, Leleux, Husson et Louault, Mmes Garriaud-Maylam et Férat, MM. Bonne, Genest, Piednoir et Revet, Mmes Imbert et Lherbier et MM. Rapin et Gremillet.
Après l'article 55 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les personnes physiques titulaires d'un plan d'épargne-logement prévu aux articles L. 315-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation peuvent, avant le 31 décembre 2018 et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, affecter une fraction de cette épargne exclusivement à l'acquisition de meubles meublants à usage non professionnel. Ce retrait partiel n'entraîne pas la résiliation du plan. Ce dernier est cependant réputé résilié pour la détermination du droit à versement de la prime d'épargne-logement.
II. - L'article L. 315-2 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « , et d'acquisition de meubles meublants à usage non professionnel » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , et d'acquisition de meubles meublants à usage non professionnel » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La fraction du prêt d'épargne-logement utilisée pour financer l'acquisition de meubles meublants n'est pas prise en compte pour l'octroi de la prime d'épargne-logement mentionnée à l'article L. 315-4. »
Mme Jacky Deromedi. - Le marché de l'ameublement est dépendant de celui de l'immobilier. Depuis trois ans, il a chuté de 10 % provoquant de nombreux sinistres économiques et sociaux, tant en fabrication qu'en distribution spécialisée d'ameublement.
En l'absence de toute perspective de reprise de l'activité immobilière, les 125 000 salariés de la filière meuble française sont menacés.
Cet amendement autorise, afin de soutenir la consommation française d'ameublement et les emplois induits, les ménages français à prélever une partie de leur épargne logement pour l'achat de meubles.
Des mesures identiques ont été adoptées précédemment, notamment dans la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Avis défavorable. Cet amendement rendrait le PEL trop complexe alors que nous voulons le rendre plus lisible.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Cette mesure n'est pas opportune. Le PEL aide les ménages à se constituer une épargne régulière, afin de constituer un apport personnel couplé à un prêt à taux fixe dans le cadre d'un projet immobilier. Un retrait au cours de la vie du PEL est contraire à la logique même de ce produit.
L'amendement n°II-137 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-438, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 55 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La garantie de l'État est accordée à la Banque de France au titre des prêts que celle-ci consent à partir de 2018 au compte « Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance » du Fonds monétaire international. Cette garantie porte sur le principal et les intérêts, dans la limite d'un montant cumulé en principal de 2 milliards de droits de tirage spéciaux. Cette garantie couvre le non-respect de l'échéancier de remboursement de chaque tirage par le gestionnaire du compte.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Cet amendement accorde la garantie de l'État au prêt de la Banque de France au compte « Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance » (FRPC) du Fonds monétaire international (FMI).
Le compte FRPC finance les principaux instruments de prêts concessionnels du FMI, qui se sont nettement développés à la suite des difficultés économiques traversées par les pays à faible revenu après la crise de 2008-2009. La France accueille très favorablement cet effort renforcé du FMI en matière de promotion du développement et de lutte contre la pauvreté.
Afin de faire face à ces engagements financiers accrus, le FMI sollicite les États contributeurs potentiels pour de nouvelles ressources empruntées. Cet amendement permet la mobilisation d'un prêt de la Banque de France en faveur de cette action.
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Avis favorable.
L'amendement n°II-438 est adopté et devient un article additionnel.
Les crédits du compte spécial « Participations de la France au désendettement de la Grèce » sont adoptés.
Les crédits du compte spécial « Participations financières de l'État », sont adoptés.
Article 68
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Je ne vois pas l'intérêt d'un rapport sur les sociétés autoroutières. Nous avons rédigé avec Jean-Jacques Filleul un rapport sur le sujet. Il suffit de demander à l'Arafer de faire son travail et de superviser les sociétés autoroutières, comme nous le recommandions. Je voterai contre cet article.
Mme Laurence Cohen . - Au contraire, c'est un excellent article. La privatisation des autoroutes a été l'une des décisions publiques les plus critiquables de ces quinze dernières années. Les redevances ne cessent d'augmenter. Cela pose la question des liens entre industrie et décideurs publics. Un rapport serait intéressant.
De même, j'aimerais savoir quelles ont été les conséquences de la privatisation progressive d'Orange sur le réseau. Nous voterons cet article.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - La commission des finances a donné un avis favorable.
L'article 68 est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°II-416, présenté par Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 68
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'information au moins trente jours avant toute opération concernant les participations financières de l'État qui aurait pour effet de faire perdre a? l'État, ses établissements publics ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public, la majorité? des titres ou des droits de vote d'une société?.
M. Jean-Claude Tissot. - Vu l'heure tardive et le rythme de nos discussions, celles-ci ressemblent plus à une vente aux enchères qu'à un débat parlementaire !
Pourtant, cet amendement d'appel mérite un peu de temps : il prévoit la remise d'un rapport au moins trente jours avant toute opération sur le capital d'une entreprise publique qui implique que la sphère publique en perde la majorité?.
Le Parlement pourra ainsi se saisir de la question, et la commission des finances travailler sur l'opportunité de l'opération.
La doctrine de l'État stratège n'est pas claire. La cession d'Alstom est problématique et prive l'État de ce droit de regard. Au bénéfice de qui ? Un ancien ministre a observé que les privatisations appauvrissaient l'État actionnaire et pourraient être le prétexte « pour céder à quelques amis les parts de sociétés ». De plus, les entreprises cédées rapporteraient plus au budget de l'État en dividendes !
Le ministre de l'économie a dit que le rôle que l'on a fait jouer à l'État jusqu'à présent n'était pas le bon. Très bien, mais le Parlement doit être informé sur les cessions et la stratégie de l'État actionnaire.
M. le président. - Veuillez conclure !
M. Jean-Claude Tissot. - J'aurai terminé mais nous avons attendu la ministre une demi-heure...
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Favorable.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Le cadre légal prévoit déjà que le Parlement doit autoriser les privatisations des grandes entreprises. Généraliser cette pratique pour toutes les entreprises ne semble pas opportun.
Quant à la stratégie de l'État actionnaire, le Gouvernement entend rester actionnaire des entreprises de défense, de sécurité, des entreprises qui présentent un risque systémique, des entreprises pour lesquelles d'autres voies de contrôle ne sont pas possibles. Retrait ?
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Il s'agirait de 8 milliards d'euros de cessions, d'après le montant révélé par le Premier ministre au cercle de l'industrie, revus à la baisse par rapport aux 10 milliards initialement annoncés : c'est tout de même un tiers du portefeuille cessible de l'APE et 10 % du total des participations de l'État.
On ne pourra le faire en un an. Où seront versés les dividendes ? Les produits de cessions ? Dans quels programmes ou quels fonds ?
La loi prévoit l'information obligatoire du Parlement pour trois entreprises. Il serait légitime que le Parlement soit aussi informé des autres opérations. Cela fuitera de toute façon dans la presse ! L'information du Parlement ne nuira donc pas au secret des affaires, que l'on pourrait nous opposer. C'est un amendement bordé.
L'amendement n°II-416 est adopté et devient un article additionnel.
Article 69
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial . - Cet article nous inquiète car il manque de vision à long terme. Il transforme l'APE en club d'investissement, en cénacle de patrons, en un boursicoteur public chargé de générer des plus-values et de percevoir des dividendes, du genre : « cher ami, vous avez un portefeuille de 100 milliards d'euros en valeur boursière ou non de titres divers, vous devez nous apporter cette année 4 milliards, ou pourquoi pas si ça marche, 5 milliards ? »
Non, ce n'est vraiment pas notre vision de l'actionnariat public. L'APE n'est pas un vendeur de titres opportuniste ou, surtout à l'heure qu'il est, un « dodu dormant » ! (Sourires)
L'article 69 est adopté.
Les crédits du compte spécial « Accords monétaires internationaux » sont adoptés.
Les crédits du compte spécial « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services financiers sont adoptés.
Les crédits de la mission « Investissements d'avenir » sont adoptés.
Remboursements et dégrèvements
M. le président. - Amendement n°II-439, présenté par le Gouvernement.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs) |
4 700 000 000 |
|
4 700 000 000 |
|
Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs) |
|
3 206 000 000 |
|
3 206 000 000 |
TOTAL |
4 700 000 000 |
3 206 000 000 |
4 700 000 000 |
3 206 000 000 |
SOLDE |
1 494 000 000 |
1 494 000 000 |
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Cet amendement tire les conséquences de deux amendements adoptés lors de la discussion de la première partie du projet de finances pour 2018, en minorant les crédits du programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » de 3 206 millions d'euros en AE et CP.
L'amendement n°I-97 a supprimé l'article 3 sur le dégrèvement de la taxe d'habitation sur la résidence principale, ce qui minore les remboursements et dégrèvements du programme 201 de 3 040 millions d'euros.
L'amendement n°I-99 a supprimé l'article 3 ter qui prévoyait que pour les impositions établies au titre de 2018 ou de 2019, les contribuables qui respecteraient les conditions de revenu pour l'application du nouveau dégrèvement de taxe d'habitation créé par l'article 3 du projet se verraient appliquer un dégrèvement de la cotisation calculée au taux de 100 % pour les années 2018 et 2019, ce qui minore les remboursements et dégrèvements du programme 201 de 166 millions d'euros.
Compte tenu des décaissements anticipés au titre du contentieux sur la taxe de 3 % sur les dividendes, il convient de majorer les crédits du programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » de 4 700 millions d'euros en AE et CP, soit la différence entre les 5 milliards de décaissements prévus et les 300 millions d'euros initialement provisionnés dans le projet de loi de finances pour 2018.
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. - C'est un amendement de constatation du vote de la majorité sénatoriale. Au nom de la commission des finances, avis favorable. À titre personnel, avis défavorable.
L'amendement n°II-439 est adopté.
Les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », modifiés, sont adoptés.
Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 7 décembre 2017, à 10 h 50.
La séance est levée à 1 h 50.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus