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Table des matières
Projet de loi de finances pour 2018
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture
Politique européenne de la pêche
Impact de la réforme du logement sur les collectivités
M. Édouard Philippe, Premier ministre
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Sortie de l'Aide sociale à l'enfance
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale
Proposition de loi sur la stabilisation du droit de l'urbanisme
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires
Situation politique au Cambodge
Situation des territoires ruraux
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires
Taxe sur les dividendes et taxe foncière
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Discussion des articles de la première partie
M. Patrice Joly, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes
Ordre du jour du vendredi 24 novembre 2017
SÉANCE
du jeudi 23 novembre 2017
22e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
Secrétaires : Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.
La séance est ouverte à 11 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Projet de loi de finances pour 2018
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale.
Discussion générale
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Vous transmettrez au rapporteur général tous mes souhaits de prompt rétablissement.
Ce projet de loi de finances pour 2018 est le premier du nouveau quinquennat. Il traduit la stratégie économique du nouveau Gouvernement et s'inscrit dans la volonté du président de la République, annoncée pendant sa campagne, de transformer le modèle économique de notre pays.
La reprise mondiale se confirme avec une croissance de 3,6 % pour 2017, qui se poursuivra sans doute en 2018. Le continent européen est dans le peloton de tête avec une croissance de 2 % en moyenne cette année dans l'Union monétaire.
Les principaux indicateurs économiques se redressent : création de 300 000 emplois marchands, rythme soutenu de l'investissement et de la création d'entreprise, retour de la confiance chez les entrepreneurs. J'estime que la croissance française est désormais solide.
Dans cette conjoncture favorable, nous voulons transformer le modèle économique de notre pays : parce que les choses vont mieux, permettons au pays d'exploiter ses atouts.
La réforme du marché du travail, ce budget, la réforme de la formation professionnelle et demain celle de l'assurance-chômage, y concourent. La détermination du président de la République, du Premier ministre et de tout le Gouvernement à aller jusqu'au bout de la transformation nécessaire, est totale. Le monde, la Chine, les puissances de demain, ne nous attendront pas. Si nous ne saisissons pas notre chance, nous serons rejetés aux marges.
Première exigence : permettre à nos entreprises d'investir, et pour cela, leur rendre de la profitabilité en allégeant la fiscalité sur le capital. Les solutions du passé, la redistribution avant la création de richesses, cette stratégie a échoué. Regardez les taux vertigineux d'imposition sur le capital : 62 % sur les intérêts, 44 % sur les dividendes, contre 26 % en Allemagne ! Comment investir avec un tel boulet aux pieds ? Sans capital, pas d'investissement ; sans investissement, pas d'innovation ; sans innovation, pas d'emplois.
Nous renverserons la dynamique. Nous voulons rompre avec des habitudes qui ont affaibli les Français et la souveraineté de la France. Pour alléger la fiscalité sur le capital, nous avons pris une décision historique, en mettant en place le prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30 % sur tous les revenus du capital. 80 % des pays européens ont déjà une fiscalité proportionnelle de ce type.
Pour récompenser le travail, nous renforcerons aussi l'épargne salariale. Il faut redonner sa valeur au travail. Car travail et capital vont de pair : il faut à la fois alléger la taxation du capital pour ne pas le faire fuir dans un monde où il est de plus en plus mobile ; et redonner sa valeur au travail. (M. Jean-Paul Émorine approuve.)
Tous les Français doivent percevoir la récompense de leurs efforts. Nous préserverons les produits d'épargne populaire plébiscités par les Français : livret A, livret de développement durable resteront entièrement défiscalisés pour les ménages français. Nous maintenons les avantages des produits fortement investis en actions comme le PEA, par cohérence avec le besoin de financement de notre économie.
S'agissant de l'assurance-vie, seuls les futurs versements et les encours supérieurs à 150 000 euros seront concernés par les mesures nouvelles, soit 6 % des contrats. Le prélèvement forfaitaire unique (PFU) demeure une option : les contribuables préférant choisir le barème peuvent continuer à être imposés sur ce fondement si cela est plus avantageux pour eux.
Nous supprimons l'ISF (Mme Christine Prunaud le regrette.) car il faut attirer les investisseurs européens, récompenser le risque. Arrêtons avec l'idéologie, regardons ce qui marche ! C'est une manière de respecter le travail des Français et le goût du risque.
Chacun sait que notre tissu de PME est trop fragile, qu'elles dépendent trop de la dette ; redonnons-leur du capital pour conquérir les marchés qui fourniront de la croissance à la France et des emplois aux Français. Pourquoi, en lieu et place de l'ISF, créer un impôt sur la fortune immobilière (IFI) ?
Parce qu'un euro investi dans l'immobilier, ce n'est pas la même chose qu'un euro investi dans nos entreprises. L'IFI ne fera aucun perdant. Il aura les mêmes caractéristiques que l'ISF sur l'immobilier : l'abattement de 30 % sur la résidence principale est conservé. On viserait les classes moyennes ? Mais nous n'avons pas les mêmes définitions de la classe moyenne ! L'IFI concerne les biens immobiliers de plus de 1,3 million d'euros, avec un abattement de 30 %, donc il touchera ceux qui possèdent une maison de plus d'1,7 million d'euros...
L'exonération de la plus-value sur la vente de la résidence principale, le prêt à taux zéro, les dispositifs Pinel, dont bénéficie le secteur du logement, seront pérennisés. On nous accuse d'instaurer un système plus inégalitaire. Je crois exactement le contraire.
Je n'accepte pas que l'on prétende que le budget du président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement serait un budget pour les riches (Murmures sur certains bancs des groupes SOCR et CRCE) : c'est un budget pour les Français, pour le travail, pour l'emploi.
La première des inégalités, c'est le chômage. La meilleure arme contre le chômage, c'est la récompense de l'effort, celle des salariés, de ceux qui travaillent, prennent des risques, c'est la souveraineté financière d'une Nation qui cesse de taxer et qui permet de créer des richesses.
Je rappelle que 66 % de la redistribution provient des prestations sociales, que 10 % des contribuables paient 70 % de l'impôt sur le revenu. Regardons l'ensemble de l'architecture de notre modèle social.
Nous baisserons l'impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 % d'ici la fin du quinquennat. Nous abaissons les charges sur les entreprises de 11 milliards. C'est un choix structurant, que nous revendiquons. Nos entreprises doivent redevenir profitables. Leur taux de marge s'est redressé, mais pas suffisamment. Nous commencerons avec un taux de 28 % dès 2018 sur la fraction de bénéfice inférieure à 500 000 euros. Nous baisserons ensuite le taux à 31 % pour tous les bénéfices à partir de 2019, tout en maintenant le taux de 28 % pour les bénéfices inférieurs à 500 000 euros.
Ce sera ensuite 28 % en 2020 pour tous les bénéfices, 26,5 % en 2021 et 25 % en 2022, soit le taux le plus faible depuis plusieurs décennies. Le taux réduit de 15 % pour les PME, qui ont le plus besoin de notre soutien, sera maintenu.
Je n'évoquerai pas à nouveau la contribution exceptionnelle, qui ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt, parce qu'elle est... vraiment exceptionnelle. (Marques d'incrédulité sur certains bancs du groupe Les Républicains) Pour 2007, point barre ! Puis nous retrouverons le cap du soutien à nos entreprises.
Nous transformons le CICE en allégement de charges pérenne, avantage fiscal considérable. Il passe de 7 % à 6 % en 2019, mais la même année ce sont plus de 24 milliards d'euros d'allégements dont bénéficieront ces entreprises !
Le président de la République a souhaité ouvrir le débat de l'allégement des charges au-dessus de 2,5 SMIC. C'est un changement majeur car il faut, au-delà de l'emploi, réfléchir à la compétitivité de notre industrie.
N'oublions pas que nous avons perdu 1,4 million d'emplois en vingt-cinq ans dans l'industrie. Celle-ci représentait 25 % de notre PIB il y a vingt-cinq ans, contre 13 % aujourd'hui. Le statu quo n'est pas une solution. Le redressement passe par l'allégement des charges sur les plus qualifiés. Nous le ferons après que les comptes publics auront été redressés.
Le CIR, efficace, sera renforcé. Un fonds de 10 milliards, financé par des cessions d'actifs, sera créé pour investir car il vaut mieux investir qu'entrer au capital d'entreprises que nous ne contrôlons pas pour toucher des dividendes.
Je suis prêt à une évaluation d'ici deux ans de notre politique fiscale. La mission qui en aura la charge sera composée de parlementaires, de membres de la Cour des comptes, de représentants des administrations compétentes - Trésor et Insee, de personnalités qualifiées - et pourquoi pas d'entrepreneurs ? Ils examineront les effets de notre réforme sur l'orientation de l'épargne des Français, sur l'investissement des entreprises, sur l'attractivité du territoire, sur l'emploi et sur les inégalités de revenus et de patrimoine. Elle examinera les effets de notre politique sur l'emploi, la compétitivité, les inégalités, le pouvoir d'achat. Nous rendrons des comptes, assumerons avec honnêteté les effets de notre politique.
Nous travaillerons avec les banques pour améliorer les produits qu'elles proposent à leurs clients. Un travail a été lancé sur ce thème par des députés dont Amélie de Montchalin. Un premier rapport sera remis l'an prochain.
J'ai lu comme vous hier les remarques de la Commission européenne sur les déficits et la dette. Je veux redire ici la détermination totale du président de la République, du Premier ministre, de l'ensemble du Gouvernement, à tenir nos engagements européens. Nous serons sous les 3 %, limite que nous avons nous-mêmes choisi de respecter.
La France qui se moque de ses engagements européens, c'est fini ! La France qui balaie les critiques de ses partenaires, c'est fini. La France qui ne se soucie pas de bien tenir ses finances publiques, c'est fini. La France qui vote des budgets insincères, c'est fini. (Murmures sur les bancs du groupe SOCR, ainsi que sur quelques bancs du groupe CRCE) La France qui ment, c'est fini. (Murmures croissants sur la plupart des bancs, sauf sur ceux du groupe LaREM) La France qui trompe, la France qui triche, c'est fini ! (Exclamations sur les bancs du groupe SOCR, quelques sifflets sur les bancs du groupe Les Républicains, applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Didier Guillaume. - Attention aux mots trop forts qui peuvent blesser !
Mme Sophie Taillé-Polian. - Oui, parce qu'ils sont excessifs !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous avons dû absorber, dès 2017, 8 milliards d'euros de dépenses dont nous avons hérité et qui n'avaient pas été budgétées. (Murmures sur les bancs du groupe SOCR) Le contentieux de la taxe de 3 % sur les dividendes, à hauteur de 10 milliards d'euros, s'y est ajouté. C'est ce fardeau de 18 milliards d'euros qu'il nous a fallu intégrer à nos comptes pour 2017.
Je ne suis pas là pour juger. (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe SOCR) Mais je le redis : un fardeau de 18 milliards pèse sur nos comptes. Malgré cela, nous respecterons nos engagements. (M. Martin Lévrier applaudit, ce que l'on observe avec ironie sur certains bancs des groupes SOCR et Les Républicains.)
La Commission européenne a confirmé que nous sortirons en 2018 de la procédure pour déficit excessif dans laquelle nous sommes depuis 2009.
Je le redis, je ne juge personne, je ne suis pas là pour évaluer le passé... (Exclamations sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-François Husson. - Retirez vos propos alors !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous vous proposons de sortir de la procédure de déficit excessif et comptons sur votre soutien. Nous vous avons proposé, dans des délais très courts, une loi de finances rectificative pour tenir compte de la taxe à 3 %, les obligations européennes nous imposant de réduire graduellement notre déficit structurel. Cette baisse sera de 0,1 % en 2018. La Commission européenne a une autre appréciation, mais il est arrivé que notre jugement se révèle plus proche de la réalité que le sien. Nous en discutons avec elle, pour faire converger nos chiffres.
La Commission doit aussi prendre en compte les réformes structurelles engagées sur la fiscalité, la formation professionnelle, l'assurance-chômage, etc. En respectant nos engagements européens, nous restaurons la crédibilité de la parole de la France en Europe. Grâce à cela, le président de la République a obtenu une révision de la directive sur les travailleurs détachés, et a ouvert le débat sur la taxation juste et équitable des géants du numérique qui opèrent en France et en Europe...
M. Didier Guillaume. - C'est bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Sur ce point, nous ne lâcherons rien, car la situation est injuste pour les autres entreprises. (Applaudissements et marques d'approbation sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE et UC, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)
Nous sommes également déterminés à lutter contre le dumping fiscal et social. Certains pays objectent : « C'est notre modèle ». Mais pas plus que le modèle français de dépenses publiques élevées, le dumping fiscal, ni le dumping social ne peuvent être des modèles pour l'Europe. Parce que nous avons entendu nos partenaires européens, nous avons fourni des efforts, nous baissons le taux de l'IS, créons le PFU. Ce n'est que si chacun fait des efforts que tous les citoyens européens bénéficieront pleinement de l'Europe.
Nous transformons notre modèle économique pour que tous les Français bénéficient des résultats que nous obtiendrons. Le travail doit payer pour tous les Français. Les salariés verront leur salaire augmenter grâce à la suppression des cotisations chômage et maladie. Les indépendants auront accès à un régime simplifié.
Je vous engage à compléter votre lecture du projet de loi de finances par celle du projet de loi de financement de la sécurité sociale, présenté par Agnès Buzyn et Gérald Darmanin. Celui-ci contient un rehaussement du minimum vieillesse, de l'AAH, des mesures pour les familles monoparentales. Avec le plan d'accès territorial aux soins, nous protégeons les Français les plus fragiles car on peut concilier croissance économique et réduction des inégalités. C'est même en retrouvant la croissance que nous y parviendrons.
J'ai réuni au ministère des chercheurs et des entrepreneurs pour réfléchir ensemble à la lutte contre les inégalités. Comment faire en sorte que la nouvelle économie n'entraîne pas une hausse des inégalités ? Comment l'Europe peut-elle retrouver sa place demain dans le monde alors que les cinq GAFAM sont américains et deux autres géants du numérique sont chinois ? Comment éviter la division des pays entre ceux qui deviennent toujours plus riches et ceux qui s'appauvrissent ?
M. Éric Bocquet. - C'est mon propos !
Mme Sophie Taillé-Polian. - Attendez et écoutez nos propositions !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Ce n'est certainement pas en distribuant l'argent que nous n'avons pas que l'on y parviendra ! (Protestations sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean-Paul Émorine. - Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. - En agissant comme nous nous y efforçons, en vous présentant ce budget au service de nos priorités, nous voulons rendre à la France sa voix en Europe et dans le monde, celle de la justice et de la liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - J'ai à mon tour une pensée pour Albéric de Montgolfier, à qui je souhaite un rapide rétablissement.
Le projet de loi de finances s'inscrit dans le prolongement de la loi de programmation des finances publiques.
J'évoquerai quatre points. La « sincérisation » du budget, tout d'abord. Je sais et j'apprécie combien le Sénat est attaché à la sincérité des comptes publics. Il reste du travail à faire tant la marche est haute. Vos rapporteurs, le Haut Conseil des finances publiques ou la Commission européenne, ont salué notre effort. La Cour des comptes a relevé une sous-budgétisation de 7 milliards d'euros, concernant des dépenses « de guichet » - AAH, allocations logement - mais aussi des budgets insincères - ministère de l'agriculture - dans le budget précédent. Nous rebudgétons donc 7 milliards Il est normal de cesser cette pratique et de fournir des chiffres crédibles au Parlement qui contrôle les comptes. Je serai ouvert à toute proposition à cet égard.
Je plaide pour une révision de la procédure d'examen parlementaire du budget et je souhaite consulter les présidents Larcher et de Rugy. Ne serait-il pas opportun d'examiner ensemble les volets recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances ? Pour les Français, elles sortent de la même poche !
De même, est-il bon pour la démocratie de passer des semaines, des mois d'automne à débattre et voter des crédits, pour expédier en une demi-journée estivale la discussion de la loi de règlement ? Peut-être un peu moins de débat budgétaire a priori, un peu plus de contrôle de l'action budgétaire a posteriori ou en train de se faire, seraient utiles. Je souhaite donc un travail avec vos commissions des finances, avec vos rapporteurs spéciaux plus fréquent, plus en amont et plus en aval.
Nous voulons limiter la croissance de la dépense publique. Essayons de tenir la promesse du Premier ministre, dans son discours de politique générale, de la limiter, voire de la diminuer ! Un éditorialiste écrivait ce matin, dans Les Échos, que la France était droguée aux dépenses publiques. La hausse de ce projet de loi de finances sera de 0,5 %. C'est toujours trop, c'est plus de zéro, mais c'est tout de même deux fois moins que ces deux dernières années et cela montre le courage du Gouvernement. Trop de dépenses publiques, c'est trop de fiscalité, trop de déficit et trop de dettes. Nous voulons renverser cette dynamique : diminuons les dépenses pour réduire la fiscalité, baisser le déficit, contracter la dette.
Dernier point, les collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous proposons une autre relation entre État et collectivités territoriales. Les élus souhaitent que l'effort des collectivités territoriales soit proportionné à leur part dans la dépense publique. C'est vrai qu'elles ont fait un effort important...
M. Philippe Dallier. - C'est bien de le reconnaître !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Oui, puisque nous ciblons une augmentation de 1,2 % des dépenses, soit le double de la progression des dépenses de l'État. Au total, les efforts obtenus seront dus pour un sixième aux collectivités locales et pour un cinquième à l'État.
Il est vrai que la nature des dépenses de l'État et celle des collectivités territoriales n'est pas la même. La voie choisie est celle de la contractualisation avec les collectivités territoriales. Seules les dépenses de fonctionnement seront visées par l'investissement. Les élus seront ainsi maîtres de gérer leur GVT. Nous n'augmentons pas le point d'indice et rétablissons le jour de carence, conformément aux attentes des élus.
La réforme des collectivités locales est fondée sur la confiance. Au total, les dotations augmentent légèrement, la DETR et DSIL sont maintenues à leur niveau et la dynamique de baisse est stoppée.
Pour la première fois, une ligne budgétaire, de 700 millions d'euros, est dédiée à la transformation numérique de l'État et des services publics. Aux mesures uniformes, nous préférons une réflexion, ciblée, au cas par cas. Trois grandes transformations de nos politiques publiques sont prévues. Sur le logement d'abord : 40 milliards d'euros sont dépensés chaque année. Or nous avons encore 4 millions de mal-logés.
Sur le travail ensuite, la formation professionnelle, qui sera rendue plus qualifiante, et les emplois aidés diminués. Sur les transports enfin, car il faut comprendre que la suppression de l'écotaxe a réduit les recettes. Mais ce n'est pas parce qu'un budget baisse qu'il est mauvais ! Nous augmentons ceux des priorités régaliennes : les armées, avec une hausse sans précédent depuis le général de Gaulle, l'Intérieur, la Justice, de même qu'une augmentation sans précédent depuis les années quatre-vingts concerne l'Éducation nationale et les Universités qui accueillent 40 000 étudiants de plus cette année.
D'autres ministères ont lutté contre leur inertie tendancielle à la hausse et viendront vous convaincre, s'il était besoin, qu'il n'est point nécessaire d'augmenter son budget pour progresser... (Sourires)
Enfin, la question du pouvoir d'achat. Le dégrèvement de la taxe d'habitation concernera 80 % des Français. Même s'il baissera pour 10 millions de nos concitoyens, gagnant moins de 2 500 euros par personne, cet impôt restera injuste et 20 % le paieront toujours.
M. Philippe Dallier. - En effet !
M. Gérald Darmanin, ministre. - La fiscalité locale devra être reconsidérée. Voilà quarante ans que les valeurs locatives n'ont pas été revues. Et il y aurait urgence ? Nous ne saurions le faire en quelques mois ! De même la fiscalité sur les valeurs locatives des locaux commerciaux est complexe ! En moyenne, grâce à cela, les Français gagneront ainsi 200 euros par an.
L'AAH et le minimum vieillesse augmenteront aussi. Le Gouvernement sera ouvert à toutes les propositions du Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)
M. le président. - Je salue la présence sur nos bancs de M. le président Larcher.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. - La commission des finances a décidé ce matin que M. Longuet s'exprimerait en remplacement de M. de Montgolfier à qui je souhaite un prompt rétablissement.
M. le président. - Je m'associe à ce souhait.
M. Gérard Longuet, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - J'ai une pensée pour Albéric de Montgolfier, dont je partage les convictions, mais pas l'aisance sur ces questions, ce dont je vous prie de m'excuser. Les indicateurs économiques se sont améliorés. L'économie européenne va mieux. Nous pouvons espérer une croissance de 1,7 %, de meilleures recettes fiscales et voir le déficit passer sous la barre des 3 %.
Le rapporteur général ne conteste pas les prévisions macro-économiques. Vu ce contexte porteur, on peut toutefois s'étonner que le déficit structurel ne baisse pas plus, de 0,1 % seulement. Avec un déficit courant proche des 3 %, nous resterons le mauvais élève de l'Europe, et la dette ne diminuera pas.
La Commission européenne nous a d'ailleurs adressé une petite remontrance vigilante. Beaucoup d'efforts sur la dépense publique sont reportés en fin de mandat. Le Gouvernement rompt avec le matraquage fiscal ! On ne peut s'en plaindre. Le PFV est bienvenu et renforcera notre attractivité.
J'en viens aux points de divergence. D'abord, vous continuez à matraquer les familles, on le voit sur la prestation d'accueil du jeune enfant. Aussi proposerons-nous de relever le plafond du quotient familial pour enfin envoyer un signal positif aux familles.
Deuxième élément : l'innovation. Le rapporteur général conteste non l'existence de rentes immobilières. Encourager l'investissement mobilier est une bonne chose pour attirer les investisseurs, mais ce que vous faites sur l'immobilier méconnaît la réalité même de notre pays et risque de casser le léger renouveau.
Troisième désaccord : la hausse de la fiscalité sur l'énergie, car elle pénalisera les nombreux Français qui ont besoin du diesel pour aller travailler, tout simplement, parce qu'ils habitent loin des réseaux de transports en commun.
Le ministre du budget souhaitait stabiliser la dépense publique en volume. Initialement, l'objectif était une baisse de 20 milliards d'euros par rapport à l'évolution tendancielle. Finalement, la baisse ne sera que de 14 milliards : c'est dire quel cas vous faites de la baisse des dépenses publiques - et vous en faites supporter le principal sur les collectivités locales.
Vous plafonnez à 0,5 % la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités locales, c'est en contradiction flagrante avec leurs missions sociales. Quant à la maîtrise des dépenses sociales, vous l'engagez avec le PFLSS mais sans identifier ni flécher précisément les économies : vous risquez d'en rester au voeu pieux.
Il y a un progrès, cependant, sur la sincérité des prévisions - vos quelque 4,2 milliards d'euros de rebasage démontrent au passage l'ampleur des turpitudes du Gouvernement précédent, que nous dénoncions à l'époque et qui avaient motivé notre refus de voter le budget.
Seules trois missions voient leurs crédits baisser de plus de 100 millions. Travail et emploi d'abord, avec une baisse de 1,5 milliard d'euros. Sur les emplois aidés, nous ne contesterons pas l'analyse - ils ne sont pas ma solution durable -, mais la brutalité de la décision qui pose des problèmes sérieux à la vie locale et associative. Même chose sur la baisse de 1,7 milliard à la cohésion des territoires, qui va poser des problèmes insolubles. Il est certes toujours difficile de réduire les dépenses publiques (On ironise sur les bancs socialistes.), mais sur le logement par exemple, il aurait été bon de réfléchir à des solutions globales plutôt que de donner des coups de pied dans la fourmilière.
Vous ne faites ainsi rien de significatif sur la masse salariale des fonctionnaires, qui va continuer à progresser. Emmanuel Macron candidat avait annoncé une baisse d'effectifs de 50 000 fonctionnaires d'État sur les 2,2 millions que compte notre pays, ce sera 1 600 équivalents temps plein pour l'an prochain, soit le huitième à peine de l'engagement pris. C'est pourquoi la commission des finances proposera d'augmenter le temps de travail dans la fonction publique, pour le faire converger avec le privé, et nous vous proposerons également de porter le délai de carence de un à trois jours, ce qui augmentera mécaniquement la force de travail dans le secteur public.
Votre réforme de la taxe d'habitation, enfin, est injuste et précipitée. D'abord parce que vous reportez aux calendes grecques la révision des valeurs locatives, vétustes, alors qu'on aurait pu attendre d'un gouvernement qui se dit « en marche » qu'il fasse quelque chose sur ce sujet devenu un vrai serpent de mer. Injuste, parce que comme l'ont établi les services de la commission, votre réforme va faire que dans quelque 3 200 communes, il n'y aura plus, au maximum, que cinq contribuables qui acquitteront cette taxe - et parfois un seul : imaginez le climat d'injustice que propagera cette décision ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains).
M. Julien Bargeton. - C'est déjà le cas dans bien des communes !
M. Gérard Longuet, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier rapporteur général. - Les quelque 20 % de contribuables qui paieront la taxe d'habitation, acquittent déjà 80 % de l'impôt sur le revenu... Sans compter que 22 milliards de taxe d'habitation, cela représente un tiers des recettes du bloc communal. Vous dites que l'exonération de taxe d'habitation augmentera le pouvoir d'achat de ceux qui en bénéficieront, mais c'est un tour de passe-passe car la dépense des collectivités territoriales n'étant pas appelée à diminuer et l'État s'engageant à compenser la perte de taxe, vous devrez bien augmenter l'impôt - je n'insiste pas, le congrès des maires s'en charge légitimement.
J'aimerais dire également à nos collègues députés, en particulier à ceux qui s'enthousiasment en découvrant la vie publique, la vie parlementaire (On ironise sur les bancs du groupe LaREM.), je veux dire qu'un débat parlementaire, cela prend du temps, et qu'il est bon que cela en prenne non seulement parce qu'on y décide de sommes colossales, mais également parce qu'on y confronte des visions différentes de la vie en collectivité.
Et puisqu'en plus de débattre au Sénat, on y consulte, on y écrit aussi beaucoup - voyez les 41 rapports de contrôle budgétaire pris ces six derniers mois - j'invite le Gouvernement à explorer nos travaux et à y découvrir les très nombreuses pistes que nous y traçons pour réduire la dépense publique.
Sous réserve de l'adoption d'amendements concernant les familles, l'investissement et la réduction de certaines dépenses - modestes - la commission des finances préconisera l'adoption de ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances . - Nous poursuivons une session budgétaire au cours de laquelle nous avons déjà examiné beaucoup de textes. La réouverture du débat sur l'organisation des discussions budgétaires au Parlement est bienvenue, la commission des finances jouera son rôle. Les pratiques doivent évoluer. Le Parlement, pour être éclairé, doit bénéficier de toute l'information utile. Je salue les 76 rapporteurs pour avis et les 48 rapporteurs spéciaux.
Le Gouvernement bénéficie des efforts engagés par le précédent gouvernement pour redresser notre économie, en particulier sa compétitivité : le CICE, le pacte de compétitivité, la modernisation du marché du travail ont porté leurs fruits. Les parts de marché à l'export et les projets d'investissement internationaux sont au plus haut.
Le Gouvernement a dramatisé l'analyse de la Cour des comptes sur le déficit pour, ensuite, se contenter de surfer sur la reprise, qui facilite grandement l'objectif de 3,2 milliards d'économies. Même chose pour la taxe sur les dividendes : le Gouvernement commence par dramatiser, puis fait des propositions technocratiques que seule l'embellie conjoncturelle rend possibles.
Le Gouvernement profite de la reprise pour reculer sur la maîtrise des dépenses, au risque de se trouver en porte à faux. Avec une progression des dépenses de 0,5 %, on est loin de la stabilité - et le Gouvernement reporte les économies à la fin du quinquennat. La réduction du déficit structurel est loin de vos engagements : - 0,1 point au lieu de - 0,6 point. Cela porte atteinte à notre crédibilité en Europe. La France est le seul grand pays dont le ratio d'endettement dépasse 80 % et ne se réduira pas.
Le Gouvernement ne se prive jamais de fustiger la précédente majorité alors qu'il profite des mesures prises depuis 2012 : la moitié des améliorations qu'il revendique, ne font que prolonger l'élan du quinquennat précédent.
Le projet de loi de finances ne porte pas la marque du sérieux budgétaire. Le déficit avait baissé sans interruption depuis 2012, pour atteindre 69,3 milliards d'euros. À 76,9 milliards en 2017 et 82 milliards en 2018, il se dégrade à nouveau ! Depuis six mois, deux fonds de 10 milliards ont été annoncés, financés par des cessions. Le flou règne sur leurs missions. Je crains que l'on brade notre patrimoine pour débudgétiser certaines missions.
La loi de programmation institue une nouvelle contractualisation mais, au 23 novembre, les collectivités territoriales ne savent rien des intentions de l'État : elles vont devoir voter leur budget sans aucune visibilité. La péréquation progresse moins, la dotation aux investissements perd 200 millions et la réserve parlementaire a été supprimée. La fiscalité locale est à bout de souffle. Arrêtons le bricolage, osons une réforme globale, changeons de logiciel.
Le pouvoir d'achat n'est pas revalorisé ! Les réformes paramétriques consistent à reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre. Hors logement, les leviers d'économies ne sont pas identifiés. Si la réforme de la taxe d'habitation franchit l'obstacle du Conseil constitutionnel, le gain par foyer est estimé à 166 euros ; mais il faut le rapporter aux hausses de la facture énergétique, entre autres...
Les ménages modestes ne seront pas épargnés. La politique fiscale du Gouvernement se résume à des gains relatifs ou inexistants pour les ménages modestes, et à des gains certains pour les plus aisés. Je m'opposerai à l'IFI, qui fera gagner 1,1 milliard à ceux qui en bénéficieront, alors qu'on en attend, au mieux, quelques milliers d'emplois.
Ce budget est moins celui du nouveau monde que celui des vieilles ficelles. Le groupe socialiste ne le soutiendra pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Question préalable
M. le président. - Motion n°I-358, présentée par MM. Bocquet et Savoldelli, Mmes Assassi, Cohen, Cukierman, Gréaume et Prunaud et MM. Collombat, Foucaud, Gay, Gontard, P. Laurent, Ouzoulias et Watrin.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale.
Mme Éliane Assassi . - Tous mes voeux de prompt rétablissement au rapporteur général.
Pierre Moscovici, pour la Commission européenne, a alerté sur un risque de non-conformité - mais à quoi, et qui pour en juger ? On se le demande. Il s'agit encore de ces critères libéraux des traités de Maastricht et de Lisbonne, refusés par le peuple en 2005 parce qu'ils font primer la rentabilité financière sur les besoins humains, en particulier l'accès à des services publics de qualité.
Le Gouvernement répond avec zèle aux souhaits de Bruxelles, aux préceptes du Traité de Lisbonne en réformant les cotisations sociales, en diminuant les APL, en rendant l'université plus sélective, notre commission des finances enfonce le clou de l'austérité en proposant d'aller plus loin dans la casse des services publics. M. Macron a-t-il été élu pour cela ? Nous ne le pensons pas.
Seul groupe d'opposition à cette politique faite « au bonheur des riches », comme l'a écrit un journal non complaisant, nous refuserons ce budget - puisque cette motion a peu de chances d'être adoptée, au moins servira-t-elle à l'expression de l'opposition.
Le projet de loi de finances s'inscrit dans un système idéologique qui prospère depuis des années. Mais où vivons-nous ? Voilà trente ans que les salariés pâtissent de la flexibilité, que l'on cède aux sirènes du Medef, offrant à la majorité des Français la précarité des contrats courts, des petits boulots et de l'intérim.
Les allégements de charges rapprocheront le SMIC français de celui des pays de l'Est de l'Europe : quel progrès ! Les cadeaux aux plus riches doivent cesser. Oui, le chômage coûte cher à la Nation. Mais ce qui plombe les finances publiques, c'est la priorité donnée aux intérêts financiers, pas à l'humain.
Réduction de l'ISF, PFU.... Ces débats sont éloignés de la situation des neuf millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté.
Dans notre pays, 300 entreprises génèrent 1 620 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit 80 % du PIB du pays et s'acquittent de 94 % de l'impôt sur les sociétés, soit 30 milliards. Les chiffres disent tout. Hélas, le Gouvernement aggrave les travers du passé : année après année, on allège toujours plus la fiscalité des entreprises, mais pas au bénéfice des petites entreprises et encore moins à celui des collectivités territoriales... Et dire que certains soutiennent que notre économie manque d'argent à investir. Notre impôt sur les sociétés pèse ce que pèse l'impôt sur les sociétés perçu par l'Irlande !
Le taux de l'impôt sur les sociétés n'a pas été baissé pour aider les PME mais accélérer l'attractivité pour les grands groupes. Et notre président de la République de vanter les premiers de cordée : les Bernard Arnault et sa retraite chapeau, les Marc Ladreit de Lacharrière et ses relations douteuses dans le Golfe, les Patrick Drahi et ses dettes que vont acquitter les 5 000 suppressions de postes chez SFR...
Le temps me manque pour évoquer le scandale de l'évasion fiscale. Il faut sanctionner ces pratiques, réunir une COP sur ce sujet planétaire !
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
Mme Éliane Assassi. - Les mêmes qui profitent de l'évasion fiscale, bénéficient de la réforme de la fiscalité, de la baisse de droits. Relayant l'appel de Grigny, nous ne laisserons pas faire ce Gouvernement qui s'attaque aux collectivités territoriales, aux fonctionnaires, sans apporter aucune réponse aux problèmes sociaux dans notre pays. Tout cela justifie notre question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Gérard Longuet, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous pouvons et nous voulons débattre : avis défavorable.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Même avis.
M. Claude Raynal. - Je partage l'avis de M. Longuet mais je suis surpris qu'il n'ait pas eu le même avis l'an passé ! (Sourires)
M. Didier Rambaud. - Certains souhaitent le statu quo. Ce budget est un budget de transformation qui baisse pour la première fois depuis longtemps la fiscalité sur les ménages ou les entreprises - et qui augmente le pouvoir d'achat des ménages. Je vous invite à rejeter cette question préalable.
M. Michel Canevet. - Le groupe UC ne votera pas non plus cette question préalable.
M. le président. - Un scrutin public ordinaire est de droit.
La motion tendant à opposer la question préalable est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°29 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l'adoption | 14 |
Contre | 328 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion générale (Suite)
M. Julien Bargeton . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Comme tout projet de loi de finances, ce texte n'est pas anodin. Il intervient dans un moment très particulier : Brexit, crise en Espagne, incertitudes en Italie, en Allemagne... Notre pays est à présent un îlot de stabilité dans un continent secoué par les frissons et nous pouvons contribuer au retour de la France dans l'Europe.
L'avis de la Commission européenne est un aiguillon. Nous devons avoir un regard critique sur notre budget, nos politiques.
Le contexte économique est favorable. Profitons-en pour supprimer les dépenses inefficientes. Il n'est pas rare de voir ceux qui s'opposent à la baisse de la dépense publique en première partie réclamer des hausses de dépenses en deuxième partie.
Entre 2002 et 2008, la dépense publique a progressé de 2,1 % par an. Le Sénat a creusé le déficit du projet de loi de financement de la sécurité sociale de 7 milliards. Son attitude sur le projet de loi de finances va dans le même sens. Étonnant, non ? aurait dit Pierre Desproges, que le ministre du budget affectionne.
Âgé de 44 ans, je n'ai vécu que deux ans dans un pays en excédent puisque depuis 1975, le budget est systématiquement en déficit. Ne scions pas la branche sur laquelle nous sommes assis. Le Sénat - et je le regrette - n'est plus une évidence pour les Français. Soyons responsables !
La commission des finances a ajourné l'exonération de la taxe d'habitation pour 80 % des Français.
M. Philippe Dallier. - C'est inconstitutionnel !
M. Julien Bargeton. - Au contraire, le groupe LaREM soutiendra la réforme de la fiscalité locale. De même, le PFU ne vise pas à faire des cadeaux aux entreprises mais à soutenir l'investissement. L'ISF est un épouvantail pour les investisseurs et l'investissement immobilier, hors résidence principale, ne contribue guère à l'économie de la connaissance et de l'innovation. Je salue aussi la transformation du CICE en baisse de charges.
Quelques jours après le transfert de l'Agence bancaire européenne à Paris, la suppression de la surtaxe sur les hauts salaires va dans le bon sens. La hausse de la TVA frapperait tout le monde, à l'inverse de la hausse compensée de la CSG.
Ce projet de loi de finances, en définitive, réunit l'eau et le feu de la politique fiscale française de ces vingt dernières années...
M. Philippe Dallier. - C'est beau comme l'antique, mais c'est too much !
M. Gérard Longuet. - Le rouge et le noir... (Rires à droite)
M. Julien Bargeton. - ...conciliant efficacité et solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Éric Bocquet . - Liberté, égalité, fraternité : notre devise est en contradiction flagrante avec la réalité de la vie quotidienne des Français. Le Gouvernement aurait dû commencer par un état des lieux avant de légiférer. Les données ne manquent pas.
Les 10 % les plus riches détiennent 56 % des richesses quand 50 % des plus pauvres n'en détiennent que 5 % ; un tiers des Français a connu la pauvreté. Le seuil de pauvreté - 1 015 euros - se rapproche dangereusement du niveau du SMIC.
La pauvreté s'enracine dans notre pays. Beaucoup de Français doivent renoncer à des soins car ils sont trop coûteux : 20 % aux soins dentaires, 12 % à acheter des lunettes, 16 % à consulter un spécialiste. Mais il est vrai que si l'on regarde le haut de la cordée, on découvre que certains sont très aisés.
Selon un magazine en papier glacé, le patrimoine des 500 premières fortunes de France a été multiplié par sept depuis 1996, passant de 80 milliards à 570 milliards. Les milliardaires sont passés de 11 à 92 ! Et le président de la République de conseiller aux jeunes de vouloir devenir milliardaires...
Les 3 250 ménages les plus riches ont transféré 340 milliards d'euros dans les paradis fiscaux. Mais silence... le scandale continue.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Éric Bocquet. - Il faut pourtant lutter sans faiblesse contre ces pratiques. Le Gouvernement s'est soumis à de nombreux carcans : RGPP, TSCG, dogme de la réduction de la dépense publique, etc...
La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages est démagogique et suscite des inquiétudes. Il y avait pourtant lieu de revoir les bases locatives. L'État compensera dites-vous, - mais chacun se souvient que la suppression de la taxe professionnelle n'a pas été compensée comme il avait été promis... Quelles conséquences pour les collectivités territoriales ? Qui paiera, sinon nos concitoyens, via la fiscalité locale et la tarification des services publics ? Les collectivités territoriales représentent 70 % de l'investissement public et seulement 9 % de la dette publique : faites-en un levier, plutôt qu'une variable d'ajustement. Qui plus est, cette réforme devrait être sanctionnée par le Conseil constitutionnel.
Le PFU n'est pas une idée nouvelle, il était dans le programme de François Fillon ; il est contraire à la progressivité de l'impôt ; il profitera aux plus aisés, facilitant l'optimisation fiscale du travail vers le capital, moins taxé. Vous transformez une fiscalité déjà injuste en une gigantesque machine à redistribuer à l'envers !
L'IFI remplacera l'ISF. Symboliquement, le mot de solidarité disparaît. Ni Sarkozy, ni Hollande n'avaient osé y toucher : Emmanuel Macron l'a fait - alors qu'en 2014, il qualifiait ce projet de « lubie du Medef ».... La perte de ressources pour l'État sera de 3,2 milliards par an, mais les plus riches en profitent.
Selon vos propres services, Messieurs les ministres, les cent premiers contribuables à l'ISF gagneront chacun, via le PFU, 582 000 euros par an, 44 % du gain de la réforme iront au 1 % des plus gros revenus. Et les cent premiers contribuables à l'ISF gagneront chacun 1,5 million d'euros par an grâce au cumul des réformes de l'ISF et du PFU, soit un montant supérieur à leur ISF d'aujourd'hui ! Et vous retirez les yachts et les lingots de l'assiette, autre symbole éclatant. Vous ressemblez à Don Salluste de la Folie des grandeurs ! (M. Gérald Darmanin, ministre, s'en amuse.) Un PDG possédant un appartement de 1,5 million et 15 millions d'actions paiera 3 900 euros à l'IFI au lieu de 190 000 euros à l'ISF !
La taxe sur les transactions financières avait été élargie de haute lutte aux opérations intraday. C'est fini ! Il s'agit de donner un signal aux banques. On nous annonce un nouveau monde. Mais la théorie du ruissellement ou des « Premiers de cordée » n'est pas nouvelle : elle remonte à Mme Thatcher ! Elle n'a jamais fait la preuve de son efficacité. Moins de 2 % des transactions financières dans le monde ont un lien avec l'économie réelle...
Ce budget aurait dû être l'occasion de s'attaquer frontalement à des inégalités devenues criantes, au nécessaire renforcement des services publics, à la domination insolente des marchés. Ce n'est pas le chemin que vous avez choisi. Dès lors, le groupe CRCE ne pourra pas soutenir ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. Bernard Delcros . - La ligne qui guidera les choix du groupe UC en toute indépendance durant les prochaines années repose sur deux idées simples. D'abord, mettre un coup d'arrêt à l'endettement sans limite de notre pays : 2 200 milliards ! Au-delà de nos engagements européens, au-delà de la crédibilité de la France dans le monde, il y va de notre responsabilité à l'égard des générations qui viennent. Les conditions politiques et économiques sont réunies pour prendre des décisions courageuses. Nous serons toujours à vos côtés sur ce sujet, Messieurs les Ministres.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Merci !
M. Bernard Delcros. - Ensuite, la réduction de notre déficit et de notre endettement ne doit en aucun cas avoir pour corollaire d'aggraver les fractures sociales et territoriales. Nous le devons à nos concitoyens, nous le devons aux territoires. Redresser la situation financière de la France tout en veillant avec exigence à réduire les inégalités, voilà la ligne de crête où nous nous tiendrons.
La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages ? Le candidat s'était engagé, le président honore cet engagement - c'est primordial pour réconcilier nos concitoyens avec l'action publique. Sur le fond, nous sommes favorables à un allégement de charges pesant sur les plus modestes, surtout si la CSG augmente. Les avis sont partagés, je le sais. À titre personnel, je soutiens cette mesure tout en m'interrogeant : peut-on maintenir cette taxe pour 20 % des Français si elle est injuste ? Les collectivités s'inquiètent de la perte de leur autonomie fiscale. Dégrèvement et possibilité d'augmenter les taux, leur avez-vous répondu. Soit, mais que se passera-t-il après 2020 ? À mon sens, cette mesure amorce une réforme plus globale pour bâtir une fiscalité locale juste et garantissant l'autonomie fiscale. Le Sénat, représentant des territoires, devra y être associé.
Concernant les dotations, je le dis comme je le pense, les collectivités ne peuvent pas ne pas participer à l'effort de redressement. Elles y ont d'ailleurs largement contribué : ces dernières années, 11 milliards d'euros de DGF en moins chaque année. Vous proposez, pour 2018, un pacte cohérent : fin de la baisse de la DGF, attribution d'une part de la ressource dynamique que constitue la TVA aux régions, hausse de la péréquation verticale qui s'accompagne cependant d'un élargissement de l'assiette des variables d'ajustement à la DCRTP du bloc communal, maintien de la péréquation horizontale avec un FPIC stabilisé, maintien de la DSIL créée en 2016 bien qu'à un niveau moindre que 2017 et, enfin, contrat avec les plus grandes collectivités pour plafonner leurs dépenses de fonctionnement - attention, pour les départements, à tenir des comptes de leurs dépenses de solidarité sur lesquelles ils n'ont pas prise.
Si nous partageons ces grandes orientations, nous voulons répondre à l'inquiétude des élus, en particulier ceux des plus petites communes. Ils ont besoin de visibilité sur la fin de leur mandat. Rassurez-les, Monsieur le Ministre, en garantissant le maintien de l'enveloppe DGF durant les trois prochaines années.
Ce texte traduit une volonté de réforme que nous approuvons, tout en considérant que certaines mesures devront être complètement revues - c'est le cas de celles sur le logement, qui pénalisent les territoires ruraux.
L'Union centriste sera un partenaire exigeant et attentif pour répondre aux enjeux de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Emmanuel Capus . - L'examen de ce premier budget du quinquennat représente un moment politique fort, un moment de dialogue entre l'exécutif et la représentation nationale. Le groupe Les Indépendants espère une discussion franche et pragmatique guidée par le seul intérêt général.
Ce texte a déjà été abondamment commenté ; il a fait l'objet de critiques, voire de caricatures. Un budget pour les riches ? C'est oublier où nous a menés la frénésie fiscale sous le quinquennat précédent.
Mme Éliane Assassi. - Nous n'y sommes pour rien.
M. Emmanuel Capus. - Nous saluons, nous, un budget équilibré, qui restaure en partie l'attractivité de notre pays, relance l'investissement dans l'économie réelle et rend du pouvoir d'achat à ceux qui en ont le plus besoin. Le prélèvement forfaitaire unique nous rapproche du niveau européen de la fiscalité sur le capital.
Un budget insincère ? C'est oublier que nous sortons d'une ère d'insincérité et d'irresponsabilité budgétaires sans précédent.
M. Bruno Le Maire, ministre. - En effet.
M. Emmanuel Capus. - Nous saluons, nous, l'un des budgets probablement les plus sincères depuis dix ans. Ceux qui se croient autorisés à donner des leçons de courage politique oublient les renoncements du passé. À la tiédeur du pouvoir succède soudain le jusqu'au-boutisme de l'opposition
Mme Éliane Assassi. - Où étiez-vous, vous ?
M. Emmanuel Capus. - Madame le président...
Mme Éliane Assassi. - LA présidente !
M. Emmanuel Capus. - Madame la présidente, je ne fais que reprendre votre argumentation sur la droite...
Mme Éliane Assassi. - Où étiez-vous ?
M. Emmanuel Capus. - À Angers, je n'étais pas encore élu...
Nous saluons, nous, un budget courageux où l'on aborde de front de vieux problèmes français. Nous voyons d'un bon oeil la suppression des trois quarts de l'ISF. Nous veillerons à ce que l'IFI ne pénalise pas à outrance l'investissement immobilier.
Quelques points de vigilance, néanmoins. Si les efforts budgétaires sont réels, ils ne doivent pas nous tromper : le Gouvernement profite de la relance, l'effort structurel est faible tandis que les dépenses publiques restent élevées. Le plan Action publique 2022 apparaît bien modeste.
Les maires sont les piliers de la République. Nous veillerons à ce que la refondation de la fiscalité locale ne se traduise pas par une moindre autonomie financière des collectivités territoriales, ne se fasse pas au détriment de leur liberté et de leur capacité d'action. La révision des bases locatives, vieux prétexte à l'inaction, est indispensable.
Le groupe Les Indépendants est prêt à vous aider, Messieurs les Ministres, à améliorer ce texte, en responsabilité, sans complaisance, avec pour souci l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et LaREM)
M. Stéphane Ravier . - Je souhaite au rapporteur général un prompt rétablissement.
Marseillais, j'irai droit au but. Ce budget est contraire à notre philosophie...
Mme Éliane Assassi. - Heureusement !
M. Stéphane Ravier. - Je ne suis pas de ceux qui compartimentent les travailleurs dans des catégories ou dans des classes ; ceux qui veulent diviser les Français sont déjà trop nombreux, y compris dans cet hémicycle. Vous vous attaquez aux classes moyennes et caressez dans le sens du poil les grandes puissances financières. Privilégier la détention de valeurs boursières au détriment des biens immobiliers, comme vous le faites avec la création de l'IFI, c'est détruire les attaches et les liens qui forment la France durable, celle des petits propriétaires. La fin de l'ISF vient pénaliser ceux qui n'ont qu'un bien immobilier, fruit d'une vie de labeur ou d'un héritage familial. La protection du patrimoine est pourtant vitale à l'heure du grand déracinement ! Même chose pour le prélèvement forfaitaire unique, vous favorisez les plus aisés.
Vous choisissez non seulement de ne pas lutter contre l'immigration de masse mais de la favoriser...
Mme Éliane Assassi. - ...il fallait que ça sorte !
M. Stéphane Ravier. - L'aide médicale d'État augmente. Contrairement aux annonces du président de la République, la France continuera d'accueillir toute la misère du monde.
Vous fermez les yeux sur les vrais problèmes de nos quartiers : immigration et insécurité, le communautarisme, la haine de la police et de tout ce qui peut représenter la France. Vous poursuivez une politique de la ville ruineuse et inefficace. Le budget de l'armée reste insuffisant.
Permettez-moi une digression sur un événement survenu la semaine dernière lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Alors que je défendais des amendements, notre collègue Alain Milon, du groupe Les Républicains mais dont le coeur est en marche, s'est demandé comment ces amendements qui seraient discriminatoires avaient pu arriver jusqu'ici.
Mme Éliane Assassi. - Il a bien fait !
M. Philippe Dallier. - M. Milon est absent.
M. Stéphane Ravier. - Je dénonce cette tentative de censure. Qu'en est-il de la liberté d'expression dans ce pays ?
Mme Éliane Assassi. - Il ne tolère pas le racisme !
M. Stéphane Ravier. - Nous ne sommes ni à Pyongyang ni à La Havane, Madame Assassi !
Sur 577 députés et 348 sénateurs, 10 seulement représentent le Front national, dont le poids de l'électorat est bien plus grand. Les Français, et eux seuls, décideront de leur destin, pas des Fouquier-Tinville d'opérette !
Ce budget est mauvais ; nous le pensons, le disons et continuerons de le faire, si M. Milon et Mme Assassi nous y autorisent !
Mme Claudine Kauffmann. - Très bien !
M. Philippe Dallier. - Attaquer une personne en son absence, cela ne se fait pas.
M. Yvon Collin . - J'ai, moi aussi, une pensée pour notre rapporteur général. L'embellie économique marque un changement après ces années de croissance atone. Vous restez pourtant sur une prévision de croissance sage, quel luxe, alors qu'elle a été revue à la hausse. Le Haut Conseil des finances publiques salue un scénario prudent pour 2017 et raisonnable pour 2018. Je souscris à cet effort de sincérité budgétaire, nous ne sommes pas à l'abri d'un aléa - on l'a vu avec le fiasco de la taxe de 3 % sur les dividendes. Si la France profite de la bonne santé de la zone euro, reconnaissons aussi que certaines des mesures prises sous le précédent quinquennat, tel le CICE, portent leurs fruits.
Qu'attendre de ce projet de loi de finances ? De l'audace, de la justice, de l'efficacité. La maîtrise des dépenses, insuffisante, repose sur les traditionnels outils que sont le toilettage, les aménagements et le rabotage. Le prélèvement à la source est reporté... L'audace réside surtout dans la création de l'IFI, le prélèvement forfaitaire unique et dégrèvement de la taxe d'habitation dont on s'en serait bien passé... L'autonomie fiscale des collectivités territoriales est de plus en plus attaquée. Puisse le président de la République trouver les moyens de rassurer les élus locaux cet après-midi Porte de Versailles.
Justice ? Revalorisation de la prime d'activité, de l'AAH, baisse des cotisations salariales mais réduction des emplois aidés qui représentaient pourtant une opportunité d'embauche pour les plus fragiles.
Efficacité ? Seul l'avenir nous le dira. Le PFU et l'IFI sont un signe fort en direction des entreprises ; il faut souhaiter que l'épargne soit réinvestie. Nous regrettons l'insuffisante prise en compte des besoins de l'agriculture - les amendements de mon groupe y remédient, notamment en faveur du micro bénéfice agricole.
La majorité des membres du RDSE considère ce budget avec bienveillance, elle sera bien sûr attentive aux débats qui vont suivre.
La séance, suspendue à 13 h 30, reprend à 15 heures.
présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente
Questions d'actualité
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Audiovisuel public
M. David Assouline . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Étant donné l'impact des médias sur la vie de nos concitoyens et le contexte de révolution technologique, un débat national s'impose sur la place du service public de l'audiovisuel, dont le financement ne sera plus assuré par une redevance assise sur les téléviseurs - « l'actionnariat populaire » cher à Jack Ralite.
Bref, il faut un Valois de l'audiovisuel pour donner au service public de l'audiovisuel les moyens d'être fort, créatif et d'assumer ses missions d'intérêt général. Or l'État manque à sa parole en privant France Télévisions de 79 millions d'euros.
Un document de trajectoire budgétaire qui a fuité du ministère rejoint le vieux rêve de la droite : réduire le périmètre et les moyens de l'audiovisuel public. (Huées sur les bancs du groupe Les Républicains)
Pouvez-vous nous dire, Madame la Ministre, si ce document est votre base de travail ? Comptez-vous toujours porter plainte pour la fuite dans Le Monde, au mépris du secret des sources ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture . - Cher David Assouline,... (Rires et exclamations à droite)
M. Philippe Dallier. - Collusion !
Mme Françoise Nyssen, ministre. - Merci de me donner l'occasion de m'exprimer devant la représentation nationale.
Je l'ai déjà dit : ce document n'est pas une ébauche de stratégie mais un recensement des pistes avancées depuis des années dans différents rapports, émanant de la Cour des comptes ou du Parlement. C'est un document provisoire, que je n'ai pas validé.
Dialogue et transformations sont nos mots d'ordre. J'ai demandé des contributions à toutes les sociétés de l'audiovisuel public ; elles me sont parvenues, et je recevrai à partir de demain chaque dirigeant de l'audiovisuel public.
La transformation doit être engagée pour que l'audiovisuel public ne subisse pas mais soit acteur de la révolution numérique. Pour jouer son rôle de média universel et populaire, il lui faut offrir une information de référence, à l'heure où se répandent les fausses nouvelles, investir dans la création et les formats originaux, s'adresser à la jeunesse et participer au rayonnement international de la France. Le chantier achevé, nous aborderons les questions de financement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur certains bancs du groupe SOCR)
Politique européenne de la pêche
M. Jean-Pierre Decool . - Le Premier ministre a réuni vendredi dernier un conseil interministériel de la mer, preuve de l'intérêt du Gouvernement pour ces problématiques qui représentent une opportunité pour notre économie et pour le développement durable.
Mais le 27 novembre prochain, des marins-pêcheurs français bloqueront le port de Calais pour protester contre la pêche électrique pratiquée par les Néerlandais, qui profitent d'une dérogation incompréhensible quand on sait les ravages de cette pratique sur les stocks de poissons et sur l'environnement.
Cet exemple illustre les dilemmes de la politique commune de la pêche, tiraillée entre gestion durable des ressources et déficit commercial abyssal.
Quelle position la France défendra-t-elle au niveau européen pour concilier protection de l'environnement, autosuffisance alimentaire et revenu décent pour les pêcheurs français ? Ce sont les pêcheurs de Bretagne et des Hauts-de-France qui auraient le plus à perdre avec le Brexit. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et RDSE)
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - La pêche au chalut électrique est interdite mais les règles communautaires prévoient des dérogations pour 5 % des navires. La commission a proposé en mars 2017 de supprimer cette limite, la France s'y est opposée. Faute d'évaluation précise de son impact, ce mode de pêche doit être strictement limité. Le Gouvernement continuera à défendre cette position devant le Parlement européen et Stéphane Travert évoquera la question avec son homologue néerlandais lors du conseil des 11 et 12 décembre.
La pêche est un sujet prioritaire dans la négociation autour du Brexit. Dès que l'on aura suffisamment avancé sur la première phase de discussion avec le Royaume-Uni, nous pourrons en parler. Le Premier ministre a fait de la pêche une priorité dans les négociations, et nous soutenons M. Barnier dans sa tâche. Nous sommes déterminés à concilier protection de l'environnement et niveau de vie des pêcheurs.
Impact de la réforme du logement sur les collectivités
Mme Sophie Primas . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) J'associe Mme Estrosi-Sassone et M. Dallier à ma question.
Monsieur le Premier ministre, le logement est au coeur des préoccupations et des obligations des maires dans les quartiers sinistrés, les centre-bourgs, la ruralité. Les maires sont inquiets face à une mesure du projet de loi de finances annoncée sans aucune concertation avec les élus locaux. La ponction sur les bailleurs sociaux aura des effets sur la construction, l'entretien et la rénovation du parc existant. Elle semble destinée à pallier la baisse précipitée et impopulaire des APL. Ce Gouvernement s'inscrit dans la lignée du précédent : toujours plus d'obstacles à la construction, de contraintes pour les maires.
Ne vaudrait-il pas mieux, sur ces sujets, une concertation préalable avec les maires qui sont en première ligne ? Le Sénat y est prêt. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et sur plusieurs bancs du groupe RDSE)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Je salue votre engagement sur ce sujet. L'article 52 du projet de loi de finances est une invitation pressante à la discussion.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Une convocation plutôt !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Ce n'est pas une cathédrale, mais une porte d'entrée. La cathédrale, ce sera la réforme du logement que nous proposerons et qui reste à discuter. La porte d'entrée, c'est la volonté de réduire les crédits des APL de 1,5 milliard d'euros. J'assume cet objectif.
M. Marc-Philippe Daubresse. - C'est un objectif comptable.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Cela ne résume pas notre politique du logement, bien entendu. Il faut réorganiser le tissu des bailleurs sociaux ; mieux valoriser le capital amorti en permettant certaines cessions ; simplifier les règles de la commande publique qui s'appliquent aux organismes de logement social. Tels sont nos objectifs à trois ans pour développer le logement social, sans mettre en péril les finances des collectivités territoriales, sachant que le montant des garanties d'emprunt au logement social est égal au montant de leur endettement.
La Cour des comptes a souligné qu'il y a des marges de manoeuvre, des « dodus dormants », comme disent certains connaisseurs du secteur. Vous les connaissez comme moi. On peut améliorer le logement social tout en diminuant les crédits budgétaires. J'ai fait des propositions pour réduire l'impact sur les bailleurs : modulation du taux de TVA, plan de 6 milliards d'euros pour accompagner les efforts d'investissement.
Les discussions sont en cours, elles avancent. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE)
Mme Sophie Primas. - La conférence de consensus que propose le président Larcher est une belle opportunité.
N'oubliez pas que c'est à la porte de la mairie du Havre que frappent les mal-logés, pas à celle de Matignon ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Malaise policier
Mme Sophie Joissains . - Semaines tragiques pour nos policiers et nos gendarmes, touchés par une vague de suicides. Le taux de suicide avait décru en 2015 et 2016 ; cette baisse est finie. Certes, leur métier les expose à la mort, à la violence, à la misère humaine, mais le stress depuis la mise en place de l'état d'urgence a accru leur malaise et leur détresse. Le manque de reconnaissance et le manque d'effectifs n'y sont pas non plus étrangers. Selon un syndicat, 70 % des policiers estiment ne pouvoir faire face à leur charge de travail ; les formations seraient inadaptées.
Le précédent gouvernement annonçait en 2015 un plan de prévention prévoyant le recrutement de psychologues ou la refonte des cycles de travail. A-t-il été mis en oeuvre ? S'est-il révélé inefficace ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Il est toujours difficile d'expliquer de tels gestes, dont les raisons sont souvent intimes. La dureté des tâches des policiers et gendarmes ne peut cependant pas être éludée, car ils sont confrontés à la part la plus sombre de notre société. Ils connaissent une tension et un stress extrêmes.
C'est pourquoi nous avons renforcé le soutien par l'embauche de psychologues cliniciens dans la police et la gendarmerie et développé la sensibilisation des futurs policiers et gendarmes dans les écoles.
J'ai rencontré ces psychologues à la sous-direction de l'action sociale de la police nationale : ils font un travail remarquable. Nous créons 2 000 postes supplémentaires dans les forces de l'ordre pour 2018, et ces nouveaux effectifs atteindront 10 000 avant la fin du quinquennat. Nous restituons à la police et à la gendarmerie leurs capacités d'action tout en les modernisant.
Mme Sophie Joissains. - Ils espèrent, nous espérons.
ASCO industries
M. Michel Amiel . - La filière sidérurgique est en crise. La société Asco industries, placée en redressement judiciaire le 7 mars 2014, avait été reprise, onze mois plus tard, par Frank Supplisson et Guy Dollé, ex-directeur général d'Arcelor. Or ce beau projet bat de nouveau de l'aile et la société, qui compte 1 500 employés avec une dette de plus de 40 millions d'euros, cherche à nouveau un repreneur. D'après Le Monde, trois sociétés ont déposé une lettre d'intention.
Les fournisseurs et sous-traitants sont aussi concernés, au point que certains risquent le dépôt de bilan : je pense à la société Comfer et de ses 30 employés directs, ou à la société Daddi.
Quelle est la position du Gouvernement face à cette situation qui met en danger un pan entier de notre économie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Je connais bien les difficultés d'Asco. Les services du ministère et mon cabinet y sont très attentifs. Je salue les 1 600 salariés qui, malgré les inquiétudes, poursuivent avec détermination le travail.
Depuis sa reprise en 2014, la société continue d'enregistrer des pertes massives. Face aux besoins de financement, il a été décidé de rechercher un repreneur. Plusieurs candidats se sont fait connaître. L'objectif est que le groupe soit repris rapidement et la pérennité de l'emploi et de l'activité garantie. Hier, le TGI de Strasbourg a ouvert une procédure de redressement judiciaire pour pallier l'impasse de trésorerie. Cela facilitera la reprise. Le calendrier sera connu dans les jours qui viennent. Il faut que la reprise s'appuie sur un projet crédible sur le plan industriel, social et financier. Enfin, je suis très attentif à l'impact sur les fournisseurs et sous-traitants de l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Michel Amiel. - Merci de ne pas les oublier.
Sortie de l'Aide sociale à l'enfance
Mme Josiane Costes . - Les mineurs en danger sont pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou, pour les délinquants, par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Il s'agit de favoriser leur intégration sociale, scolaire et professionnelle, voire à protéger la société.
Tant qu'ils sont en famille d'accueil ou en établissement, les résultats sont bons mais, à 18 ans, ils se retrouvent brutalement dans la nature, au risque de replonger dans la délinquance, voire la radicalisation. C'est un gâchis humain et financier, sachant d'une journée en centre éducatif fermé coûte 570 euros par jeune !
Ne pourrait-on envisager une sortie progressive des dispositifs et un accompagnement transitoire afin de consolider les progrès comportementaux de ces jeunes ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Merci pour votre question ; je vous sais attentive à ce sujet. Il existe plusieurs dispositifs d'accompagnement des jeunes majeurs. En matière pénale, les jeunes de la PJJ peuvent bénéficier d'une mesure de protection judiciaire dont la durée peut, avec l'accord du jeune, aller au-delà de la majorité. La loi Justice du XXIe siècle autorise les tribunaux à prononcer cumulativement une peine et une mesure éducative, ce qui assure la continuité du placement dans une structure de la PJJ.
En matière civile, beaucoup de départements ont mis en place des contrats jeunes majeurs pour aider les jeunes qui sortent du dispositif, sachant que la PJJ peut intervenir à titre exceptionnel.
Malgré ces dispositifs, les ruptures sont encore trop brutales. La loi du 14 mars 2016 ouvre la possibilité de contrats de partenariat entre départements et protection judiciaire de la jeunesse. J'ai demandé à la PJJ de contractualiser avec les collectivités territoriales et de mieux préparer les sorties, avec progressivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Josiane Costes. - Merci de ces propos rassurants. La sortie de ces dispositifs est toujours une période délicate.
Enseignement supérieur
Mme Michelle Gréaume . - La France, avec d'autres pays européens, s'était fixé l'objectif de devenir « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde », en rattrapant son retard structurel par l'effet de levier de l'investissement dans l'enseignement supérieur et la recherche. Cet objectif n'a pas été atteint.
L'accroissement du nombre de bacheliers (d'environ 35 000 personnes sur une décennie) aurait pu être vu comme un aiguillon ; las, obnubilé par la réduction de la dépense publique, vous avez décidé de détourner ce flux de nouveaux étudiants en filtrant l'entrée à l'université, au risque de multiplier le nombre de jeunes sans formation. Les risques sont grands de rendre la prochaine rentrée universitaire plus chaotique encore que la précédente.
Il est encore temps de renoncer à votre projet : faites confiance en notre jeunesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale . - La teneur de votre question m'étonne ! Vous décrivez le passé récent, beaucoup plus que le futur. (Marques de perplexité sur les bancs du groupe CRCE) Oui, elle se rapporte à la situation que nous avons trouvée...(Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes UC et Les Républicains)...marquée par des inégalités très graves, (Protestations sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR),où le tirage au sort est la sélection par le hasard, une situation créée par la pseudo-égalité qui inspire votre propos et qui aboutit à 60 % d'échec en licence (Applaudissements nourris sur la plupart des bancs, depuis ceux du groupe LaREM jusqu'à ceux du groupe Les Républicains ; exclamations sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOCR, où l'on désigne au ministre la partie droite de l'hémicycle)
N'hésitez pas à applaudir, si vous êtes pour une vraie égalité ! (Nouvelle salve d'applaudissements sur les mêmes bancs) Si la vérité vous dérange, dites-le ! (Même mouvement et protestations redoublées sur les bancs du groupe CRCE)
Avec Mme Vidal, nous avons commencé par une concertation (Exclamations sur les bancs du groupe CRCE), afin de préparer un système beaucoup plus humain que le précédent.
Dès maintenant, et je l'ai constaté ce matin lors d'un déplacement dans un lycée près de Nancy, il y a deux professeurs principaux dans chaque classe de Terminale. Dès maintenant, les conseils de classe donnent les bons conseils. Dès maintenant, ceux-ci disposent d'informations accessibles en ligne sur le site « Terminales 2017-2018 ». Dès maintenant, de nouveaux BTS accueilleront les bacheliers technologiques afin qu'ils réussissent leur insertion professionnelle.
Enfin, les moyens sont au rendez-vous : près d'un milliard d'euros de plus sont consacrés aux universités, car nous voulons rétablir l'égalité ! (Applaudissements nourris et prolongés depuis les bancs du groupe LaREM jusqu'aux bancs du groupe Les Républicains)
Esclavage en Libye
M. Xavier Iacovelli . - Monsieur le Premier Ministre, nous étions choqués par l'image d'Aylan, retrouvé face contre terre, sans vie sur une plage turque. Nous sommes à nouveau choqués par les cas, mis en lumière par plusieurs médias, d'esclavage en Libye, où femmes, hommes, enfants sont vendus comme du bétail sur les marchés.
Ne faisons pas semblant de le découvrir. Nous le savons tous, 45 millions d'humains sont asservis d'après l'ONU : c'est l'équivalent de la population espagnole ! Il y a 170 ans, la France abolissait l'esclavage ; il y a 16 ans, nous reconnaissions ici l'esclavage comme crime contre l'humanité. Et pourtant, les camps de réfugiés dans lesquels se passent ces horreurs, financés par l'Europe, se développent avec notre aval, en dépit du scandale humanitaire qui s'y déroule.
Si les réfugiés réchappent des viols, tortures et traitements inhumains qu'ils y subissent, ils se noient en Méditerranée. Le trafic d'êtres humains est le troisième trafic le plus lucratif au monde, après la drogue et les armes.
L'heure n'est plus seulement à l'indignation : le temps de l'action doit venir, en particulier pour la France, pays des droits de l'homme. Le ministre des affaires étrangères a indiqué qu'il avait demandé une réunion expresse du Conseil de sécurité de l'ONU. Pouvez-vous nous préciser la position de la France lors du prochain sommet Union européenne-Afrique ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Vous avez raison, les images de ces actes constitutifs de traite des êtres humains sont inadmissibles. Oui, il s'agit de crimes contre l'humanité. Le président de la République les a qualifiés comme tels.
Hier, Jean-Yves Le Drian a appelé à une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations Unies. La France prend ses responsabilités.
En revanche, ces camps ne sont pas financés par l'Union européenne. L'Union européenne aide le Haut-Commissariat pour les réfugiés pour améliorer la situation des migrants en Libye, qui ne connaît pas d'État stable.
Nous allons, en outre, au Niger, au Tchad, pour identifier ceux qui devraient bénéficier du droit d'asile et leur permettre de rejoindre l'Europe.
Il y aurait 300 000, voire 700 000 migrants. On ne pourra pas traiter cette situation tant qu'il n'y aura pas d'État en Libye. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe SOCR ; Mme Michèle Vullien applaudit aussi.)
Proposition de loi sur la stabilisation du droit de l'urbanisme
M. Rémy Pointereau . - Notre président Gérard Larcher a évoqué hier au Congrès des maires la simplification des normes. Depuis 2014, le Sénat s'est engagé dans une ambitieuse action afin de simplifier celles applicables aux collectivités locales.
Notre proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme, fruit d'un travail transpartisan et élaborée après une consultation nationale des élus locaux ayant reçu 10 000 réponses, adoptée au Sénat à l'unanimité le 2 novembre 2016, n'a pu parcourir toutes les étapes de la navette parlementaire en dépit de nos requêtes répétées et de son caractère consensuel...
En cette période rare, où le Gouvernement s'intéresse aux collectivités territoriales (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM, exclamations sur plusieurs bancs du groupe SOCR ; M. le Premier ministre lève les yeux au ciel.)... voici ma question : que comptez-vous faire pour limiter la frénésie normative et inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur les bancs du groupe UC)
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires . - Je salue cette proposition de loi votée à l'unanimité au Sénat. Elle portait les mêmes objectifs que le projet de loi que vous présentera bientôt le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Troendlé. - Eh bien alors ?
M. Charles Revet. - Présentez donc notre proposition de loi à l'Assemblée nationale ! (Vives exhortations adressées au ministre en ce sens depuis les bancs du groupe Les Républicains)
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. - Construire plus et mieux et moins cher, là où c'est nécessaire. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Le texte que nous proposerons avec M. Mézard répond à vos attentes : sécurisation et simplification des procédures, actualisation des actes d'urbanisme... Nous allons plus loin sur l'hébergement d'urgence avec un bail mobilité pour les personnes en formation professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Rémy Pointereau. - Il est regrettable de remplacer à nouveau un texte parlementaire par un projet gouvernemental. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Réforme du dispositif Pinel
Mme Catherine Fournier . - La loi Pinel sera reconduite en 2018, mais de manière restreinte sur les zones A bis, A et B1 ; exclure les zones B2 et C revient à pénaliser les villes moyennes et leurs périphéries, pour privilégier les grandes concentrations urbaines. Pourtant le revenu des habitants de zone C n'est pas très élevé et y encourager l'accession à la propriété serait utile. La ville de Calais est ainsi exclue, parmi 211 communes de mon département ! Mauvaise nouvelle dans le contexte migratoire qui fait fuir les investisseurs ! Que va-t-il rester à ces communes évincées alors que leurs marges de manoeuvre ne cessent de se réduire et que les capacités d'investissement des bailleurs sociaux sont érodées ?
Il faut veiller à ne pas accentuer les déséquilibres actuels. Monsieur le Ministre, envisagez-vous des expérimentations ou des dérogations à défaut d'une réintégration des zones B2 dans le dispositif ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires . - Nous n'oublions pas les zones « détendues ». Les dispositifs du projet de loi de finances et Pinel sont prolongés ; le Pinel ne le sera que dans certaines zones afin de favoriser la construction de logements nouveaux et d'aider à l'aménagement du territoire.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Vous n'y êtes pas, cela se voit ! Votre réponse est technocratique !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. - La solution est de revisiter les zonages, ce sera fait au premier semestre 2018 et de favoriser une territorialisation de la politique du logement. Cela prendra du temps mais c'est le sens de l'histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Situation politique au Cambodge
M. André Gattolin . - Monsieur le Ministre Lemoyne, la France et le Cambodge entretiennent des relations privilégiées, fruit d'une histoire particulière, pendant laquelle la France a accueilli près de 300 000 réfugiés cambodgiens fuyant le régime des Khmers rouges, et a organisé les accords de Paris de 1991 qui ont apporté la paix et engagé la transition, vers un État de droit.
Le régime usé de Hun Sen a réalisé un putsch en supprimant le parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC) et en éliminant de l'Assemblée législative 55 députés sur 123. Près de 1 500 collectivités territoriales sont aussi menacées. Des maires élus en juin dernier ne peuvent plus exercer leur mandat...
La Suède, les États-Unis, le service européen d'action extérieure ont pris des sanctions. Que fera la France ? Prévoit-elle aussi des sanctions ? Le pays garant des accords de Paris entend-il convoquer la vingtaine d'États membres de la Conférence qu'il a coprésidée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Oui, la France a parrainé les accords de 1991 ; elle est très préoccupée par la situation politique au Cambodge à l'approche des élections législatives de juin 2018. La suppression du PSNC, qui avait obtenu la moitié des suffrages dans un contexte de forte mobilisation, est de nature à remettre en cause le processus démocratique lancé il y a vingt-cinq ans. L'arrestation de son dirigeant Kem Sokha est en effet très préoccupante.
Le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères s'en est entretenu avec son homologue cambodgien le 20 novembre dernier. Je réitérerai cette préoccupation lors de la prochaine réunion de l'Organisation internationale de la francophonie, dont le Cambodge est membre et qui repose sur un socle de valeurs communes et partagées. Le régime préférentiel concédé par l'Union européenne au Cambodge doit s'accompagner du respect des droits fondamentaux.
Merci aux sénateurs et à la diplomatie parlementaire, très active. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)
Situation des territoires ruraux
M. François Bonhomme . - La France n'est pas faite que de métropoles et de centres urbains qui concentreraient les actifs et les surdiplômés, Monsieur le Ministre !
M. Philippe Dallier. - Eh oui !
M. François Bonhomme. - Plus de la moitié de la population vit dans des petites communes. Ces habitants ont le sentiment d'être délaissés par l'État : fermetures régulières des services publics et de commerces, d'usines, déserts médicaux, faible couverture numérique... La ruralité est pourtant essentielle pour la France. Les élus locaux se découragent, se désespèrent, alors qu'ils ont souvent les seuls et derniers interlocuteurs publics...
N'est-il pas temps de rééquilibrer les politiques publiques entre les territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires . - Vous avez mille fois raison. (On ironise sur les bancs du groupe Les Républicains.) Le sentiment d'abandon est là, mais il ne date pas d'hier. (Exclamations sur divers bancs ; marques d'approbation sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants)
Le Gouvernement ne veut en aucun cas opposer les territoires entre eux, les quartiers périphériques et les centres urbains, ni la ruralité et les villes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; protestations à droite)
Votre département, le Tarn-et-Garonne, est l'un de ceux où la croissance démographique est la plus élevée. Les territoires ruraux sont dynamiques. Nous devons réduire la fracture territoriale et numérique. C'est l'objectif du plan numérique sur lequel Mounir Mahjoubi et moi passons nos journées, afin d'équiper en haut débit tous nos territoires (Exclamations et marques d'incrédulité sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), des Assises des transports centrés sur le quotidien, de la création des internats ruraux, de la préservation de la capacité d'investissement des communes. Mais, tant que la perception des Français n'évoluera pas, nous n'avons pas gagné la partie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. François Bonhomme. - Nous n'opposons personne. Vous non plus en un sens puisque vous avez pris cet été un décret d'avance pour supprimer des crédits de la DETR et de la politique de la ville.
Les élus sont sortis éreintés des réformes territoriales...
M. Pierre Laurent. - ...que vous avez votées ! (On renchérit sur plusieurs bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. François Bonhomme. - Ils ne veulent plus que la ruralité soit une variable d'ajustement. Ils réclament simplement une relation plus équilibrée entre les territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Taxe sur les dividendes et taxe foncière
M. Sébastien Meurant . - L'encadrement des ressources et dépenses des collectivités territoriales, la baisse des contrats aidés, le non-respect des engagements inquiètent les élus locaux, qui craignent de ne plus pouvoir répondre aux demandes des populations les plus fragiles.
L'autonomie financière des collectivités territoriales, garantie par la Constitution, est battue en brèche.
La réforme de la taxe d'habitation en est une nouvelle illustration. L'État reprend aussi la main sur les collectivités territoriales ; les inégalités entre communes riches et pauvres s'accroîtront, le lien entre le citoyen et le financement des services publics communaux sera distendu : ainsi, 8 000 communes auront moins de dix contribuables ! Dans 3 000 communes, il y aura moins de trois contribuables !
Pourquoi ne pas toucher la taxe foncière, dont les bases de calcul sont similaires ? Quel manque de cohérence et de vision !
Pourquoi se précipiter dans une réforme mal ficelée ? Ne craignez-vous pas que l'histoire se répète et qu'elle subisse le même sort que la taxe sur les dividendes, censurée par le Conseil constitutionnel ? (Bravos et applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Cette réforme visant à augmenter le pouvoir d'achat a été approuvée massivement par les Français lors des élections présidentielles et législatives. (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur divers autres bancs) C'était un engagement primordial d'Emmanuel Macron dans sa campagne.
Nous nous sommes engagés à mener une réforme en profondeur de la fiscalité locale. Qui peut trouver juste que la taxe d'habitation soit trois fois inférieure à Paris de ce qu'elle est à Argenteuil, pour un appartement de même surface ?
Nous étalerons cette réforme sur trois ans. Nous sommes déterminés à rendre du pouvoir d'achat à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 15.
Projet de loi de finances pour 2018 (Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale.
Discussion générale (Suite)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue le retour d'Albéric de Montgolfier (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) qui fait mentir l'adage selon lequel tout mal se guérit par la patience... C'est l'impatience d'être parmi nous qui l'a guéri, comme s'il y avait eu un miracle démocratique ! (Sourires)
Un budget, c'est une politique avant d'être une arithmétique. Celui-ci plus que les autres : c'est le premier du quinquennat, donc le point de départ d'une trajectoire économique et politique.
Vous pouvez compter sur le Sénat pour l'examiner sans complaisance, mais sans a priori, avec objectivité : ce budget est sincère, contrairement à celui de l'an passé. (Mme Elisabeth Lamure le confirme.)
Pour être objectif, il faut des critères. Je vous en propose deux : ce budget apporte-t-il à la France des réponses à la hauteur des défis ? Est-ce un budget de transformation, comme le prétend le président de la République ?
La France a deux handicaps, ses déficits accumulés. Déficit budgétaire d'abord. Le Premier ministre disait qu'il s'agissait d'une addiction française. Y mettrez-vous fin ? Non. Vous n'êtes pas comptable de la dérive passée, mais vous êtes comptable des responsabilités que vous ne prenez pas ! Vous supprimez seulement 324 postes dans la fonction publique d'État...
Nous sommes le seul pays de l'Union dont le ratio d'endettement ne baisse pas et nous sommes, avec l'Espagne, les seuls à être en procédure pour déficit excessif - la Grèce ne l'est plus depuis septembre dernier !
Notre déficit commercial, ensuite, exprime la dégringolade de l'entreprise France - mais ce budget n'apporte aucune réponse ; pire, vous aggravez leurs charges de 3 milliards et, avec le prélèvement à la source, vous allez en faire des collecteurs d'impôts ! Vous avez préféré la CSG à la TVA, seule susceptible pourtant de taxer les produits chinois et de lutter contre le dumping social. (Mme Dominique Estrosi-Sassone le confirme.)
Ce n'est pas non plus un budget de transformation, mais de continuation. Comme à l'habitude, vous ferez les efforts dans les deux derniers exercices du quinquennat. Comme à l'habitude, la France sera en déficit - et nous resterons champions des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires.
Ce budget ne fait pas peser sur tous les Français des charges équivalentes. Il y a des gagnants : les patrimoines les plus élevés. Il y a des perdants : les familles, comme sous François Hollande, les ruraux, les propriétaires, ceux qui doivent prendre leur voiture diesel pour travailler, les classes moyennes et moyennes supérieures.
Au mépris de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'impôt direct est hyperconcentré. Les collectivités territoriales subissent une extrême injustice. J'attends les déclarations du président de la République devant les maires. Vous le savez, votre réforme est anticonstitutionnelle. (M. Antoine Lefèvre le confirme.) Les communes riches s'enrichiront et les pauvres s'appauvriront. C'est le summum de l'injustice. Nous ferons des propositions sur le logement, sur les économies budgétaires.
M. Julien Bargeton. - Ah bon !
M. Bruno Retailleau. - Ne gâchez pas une fenêtre exceptionnelle : la croissance revient. Demain, le prix du pétrole, les taux d'intérêts peuvent remonter.
Ne gâchez pas cette chance. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Claude Raynal . - Je voulais partager avec vous une première satisfaction : celle de faire enfin mon travail de parlementaire. L'année dernière...
M. Philippe Dallier. - On l'a fait !
M. Claude Raynal. - Tout à votre primaire, vous aviez prétexté...
M. Philippe Dallier. - Et le rapport de la Cour des comptes ?
M. Claude Raynal. - Une insincérité budgétaire dont vous disiez, Monsieur le rapporteur général, qu'elle frôlait « l'irréalisme », je me souviens très bien de ce terme, alors que la Cour des comptes a établi depuis l'imprécision à 4 milliards, sur 236 - et que la croissance estimée à 1,5 %, s'est établie à 1,7 voire 1,8 %...
Je le sais bien : quand la croissance est faible, c'est la faute du Gouvernement ; quand elle se redresse, c'est la conjoncture.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Parlez du PLF !
M. Claude Raynal. - N'est-il pas plus facile de faire un budget avec 3 % de déficit public et 1,8 % de croissance plutôt qu'en 2013, avec un déficit à 5,2% et une croissance à 0,2% ? Qui plus est, vous y parvenez aujourd'hui grâce aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale... Cela doit, nous espérons que notre pays pourra sortir de la procédure pour déficit excessif.
Ce projet de loi de finances est marqué par une réduction de la fiscalité du capital, gagée par une aggravation des charges et une économie de dépenses.
La mesure majeure est la réforme de la fiscalité du capital avec le PFU et l'IFI conduisant à une perte de recettes de 4,5 milliards d'euros en 2018 et 5,5 milliards en 2019.
Nous ne saurions adhérer aux motivations idéologiques, libérales qui fondent ces mesures. Elles rompent l'égalité instituée en 2013 entre revenus du capital et du travail. Elles favorisent les plus gros revenus, pour qui le capital mobilier est le plus fort. Les cent plus gros contribuables économiseront ainsi 150 millions d'euros d'impôt par an ! Vous prétendez qu'ils les réinvestiront dans l'économie réelle ? Cela relève de la foi du charbonnier !
Partageant le même constat sur l'IFI, la majorité sénatoriale veut supprimer l'ISF, ce qui ferait perdre 1 milliard d'euros. LaREM s'acquitte d'une promesse que cette majorité n'a jamais osé tenir. Or 5 milliards par an ne seraient-ils pas mieux utilisés à doter la banque publique d'investissement, dont l'activité est unanimement saluée, ou l'Agence des participations de l'État ?
Non à l'IFI, mais oui à l'ISF. Ne parlons pas des taxes cosmétiques sur les yachts ou les voitures de luxe, dont l'Assemblée nationale aurait pu se passer : quand on fait des choix, il faut les assumer... (M. Philippe Dallier le confirme.)
Les socialistes ont toujours considéré la taxe d'habitation comme injuste pour les Français et les collectivités territoriales. Nous ne voterons pas l'amendement de suppression de la majorité sénatoriale. Mais les collectivités territoriales ne doivent pas être touchées par cette mesure. Le Premier ministre a dit que la Conférence nationale des territoires aurait son mot à dire : qu'en est-il, Monsieur le Ministre ?
La réforme en profondeur de la fiscalité locale de 2018 fera de cette année une année décisive.
Les socialistes sont hostiles à la réforme de l'ISF, consternés par la brutalité des décisions sur les emplois aidés, favorables aux dégrèvements de taxe d'habitation, sous réserve d'une réforme globale et concertée, en 2018, de la fiscalité locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Philippe Dallier . - Il y a dans ce budget peu de baisses de dépenses... sauf sur le logement. C'est incompréhensible. Chacun s'accorde sur la crise du logement. Il n'y a qu'une solution à cette crise, pour paraphraser Clemenceau : « construire, construire et encore construire ».
M. Bruno Retailleau. - Bravo !
M. Philippe Dallier. - Construire, mais quoi, pour qui, et où ? Le Gouvernement appelle à un « choc de l'offre » de logements, mais il ne propose que des mesures de rendement budgétaire. Je sais que les résultats des 40 milliards que nous consacrons au logement ne sont pas à la hauteur : c'est bien pourquoi, plutôt que des mesures de rendement, il faut une réforme de fond, qui parte d'une vision pour le logement dans notre pays !
Vous supprimez l'ISF mais gardez l'IFI qui ne touchera que les classes moyennes. Vous ne conservez que la taxe foncière, vous supprimez l'aide aux maires bâtisseurs, vous remettez en cause le Pinel et le PTZ, vous supprimez la prime d'État dans le plan d'épargne logement, vous taillez dans l'aide à l'accession... Je ne comprends pas la logique d'inciter à la vente des HLM tout en les taxant et en leur supprimant des moyens pour entretenir le parc.
Vous pérennisez le coup de rabot sur les APL, mesure « inintelligente » selon le président de la République, pour 400 millions d'euros en 2018. Enfin, vous ponctionnez 1,5 milliard sur les APL, à quoi s'ajoutent 200 millions de baisses de loyers pour les HLM...
Avec tout cela, vous pensez déclencher un choc d'offres et stabiliser les collectivités territoriales très inquiètes ?
Vous avez beau simplifier les normes, réorganiser les bailleurs sociaux - ce qui prendra du temps - vous risquez de donner un sérieux coup de frein. Qu'est-ce que l'économie française y aura gagné ?
N'avez-vous pas mis la charrue avant les boeufs ? Le maillon faible de ce budget, c'est le logement social dont les bailleurs seront pour certains en autofinancement négatif : deux cents d'entre eux pourraient mettre la clé sous la porte l'an prochain et un bon nombre n'aura pas les moyens d'entretenir leur parc.
Je connais la petite musique de Bercy, selon laquelle les offices HLM sont assis sur un tas d'or. Pas tous ! (M. Antoine Lefèvre le confirme.) Les « dodus dormants » sont loin d'être majoritaires et il y en a peu en zone tendue. C'est en fin de compte la veuve de Carpentras qui prendra la différence entre le taux à 0,75 % du livret A et le taux bancaire de 1,25 %. Cette différence, quelque 800 millions d'euros, les banques l'empocheront !
N'oubliez pas que les collectivités territoriales garantissent les emprunts. Jusqu'à présent, la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) a évité les catastrophes. Pour combien de temps encore ? Jusque quand la garantie d'emprunt par les collectivités territoriales continuera-t-elle à ne pas être prise en compte par les banques ? Le Sénat ne peut ne pas conserver ce budget en l'état.
Le compromis ne pourra passer que par une participation plus grande de l'État. Nous proposons de trouver 600 millions d'euros en augmentant le taux de TVA à l'article 52 sur la construction.
En seconde partie, nous n'avons pas encore trouvé de compromis. La balle est dans le camp du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. Georges Patient . - L'effort financier consacré en 2018 aux territoires ultramarins s'élève à 17,2 milliards contre 16,6 en 2016 et 16,2 en 2015. Les dépenses fiscales étant de 4,2 milliards, l'effort total est de 21,6 milliards d'euros. Cela s'inscrit avec une certaine continuité. C'est un budget de responsabilité ; mais aussi de transition, en attendant les assises de l'outre-mer et le livre bleu qu'elles produiront d'ici le printemps.
Les ultramarins auront-ils la patience alors que les voyants - emploi, sécurité, situations sanitaire, éducative - sont au rouge ? Les élus sont en ébullition ; ils appellent à une action urgente pour éviter l'explosion sociale. Je sais le président de la République très attentif. La suppression brutale des emplois aidés, des dispositions spécifiques seraient prises - à préciser.
Pourquoi le CICE outre-mer ne serait-il pas maintenu ? Que dire des finances locales : la Cour des comptes a signalé que la péréquation était défavorable aux outremers. Un moratoire sur les mesures de défiscalisation outre-mer serait opportun. Je proposerai des amendements sur ces points.
Il est nécessaire d'affirmer un développement propre aux outremers pour sortir de la dépendance budgétaire. Le président de la République veut donner un nouveau souffle ; il le faut aussi pour les outremers qui doivent sortir de l'économie de transfert. Il ne saurait y avoir égalité réelle sans émancipation réelle, comme l'a dit Serge Letchimy à l'Assemblée nationale.
M. Michel Canevet . - Je me réjouis d'examiner le budget cette année. L'audit confié par le nouveau Gouvernement a confirmé l'insincérité du précédent budget pour 8 milliards d'euros - nous disions la dérive de la masse salariale, des dépenses de sécurité et de défense, des grands travaux.
Un nouveau souffle est arrivé avec l'élection du nouveau président de la République qui a annoncé des mesures de soutien à l'économie. Le groupe UC partage la volonté de réforme.
La dette de la France a augmenté de 32 points de PIB en dix ans. Pour l'État, on en est à 1 750 milliards en 2018 : il y a de quoi s'inquiéter. Le Venezuela, pour 150 milliards, a failli se retrouver en cessation de paiement...
Depuis 2014, les intérêts de la dette ne cessent de diminuer : ils pèsent 40 milliards d'euros dans le budget 2018, contre 43 milliards d'euros en 2014. Le déficit est préoccupant, à 83 milliards l'an prochain, cela appelle les réformes. Sur le premier semestre de cette année, notre déficit commercial est de 34 milliards mais l'Allemagne est en excédent de 110 milliards - cela alors que le pétrole est peu cher. Il faudra encore baisser les charges sociales pour donner de la compétitivité à nos entreprises.
Oui, nous sommes préoccupés par la dépense publique : elle représente 56 % du PIB, dix points de plus que la moyenne de la zone euro. La seule croissance ne nous permettra pas de réduire ce déficit.
Je salue aussi la volonté de réduire les prélèvements obligatoires : il faut remédier au ras-le-bol fiscal. Je salue la mise à niveau européenne de l'impôt sur les sociétés notamment.
En revanche, l'IFI ne me semble pas la meilleure solution. Il aurait été plus astucieux de conserver l'ISF en enlevant les éléments d'investissement productif. (M. Philippe Dominati le nie.) Il faut tenir compte de l'état du déficit.
Il faut restaurer la confiance. Le choix de Paris pour le siège de l'Agence bancaire européenne en est un premier signe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Thierry Carcenac . - Le vivre-ensemble auquel vous êtes, nous sommes attachés, passe par les institutions et notamment par les collectivités territoriales.
L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est bien malmené lorsque vous supprimez l'ISF. Je préfère d'ailleurs le terme d'impôt sur la grande fortune, l'IGF - j'en profite pour rendre hommage au président Mitterrand, qui connaissait le sens des mots. (M. Jean-Pierre Sueur renchérit.) C'est un mauvais signal. Il deviendra plus intéressant d'alimenter un compte bancaire plutôt que de construire. Dans nos territoires, l'adage « quand le bâtiment va, tout va » garde pourtant tout son sens. Les collectivités territoriales sont inquiètes. Comment évoluera le dégrèvement ? L'argument de l'injustice de la taxe d'habitation perdurera pour les 20 % non exonérés et pour la taxe foncière et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM).
La suppression de la taxe d'habitation pourrait être de plus inconstitutionnelle. C'est un grand risque.
Les dépenses des départements ne sont pas maîtrisables. La règle d'or renforcée les conduirait à ne plus investir. Or il faut bien entretenir les routes et les collèges.
Soutenir les 19 départements les plus en difficultés avec un fonds de 100 millions d'euros n'est pas à la hauteur. Certains départements reporteront le paiement du RSA aux CAF - ce qui n'a l'air de préoccuper personne.
Le transfert d'un point de TVA aux régions est une bonne chose mais le compte n'y est pas.
Nous entrerions dans une phase IV de la décentralisation ? Elle ressemble fort à la phase I de la recentralisation : le préfet reprend la main, il pourra même sanctionner par une mise sous tutelle, et j'en passe. Les collectivités territoriales respectent la règle d'or, contrairement à l'État.
L'État fixe un objectif d'évolution des dépenses locales, que le Sénat a heureusement baissé.
Ne pourrait-on pas envisager un panier moyen de dépenses ? Pour le département, le reste à charge serait plus juste.
Les ressources sont inégalement réparties. En dépit de la péréquation, les DMTO sont trop inégales.
Des rapports, comme celui de MM. Carrez et Thénault de 2010, mériteraient d'être réexaminés.
Si vous continuez sur cette voie, le contrat social serait mis à mal.
Je partage donc le rejet de MM. Eblé et Raynal de ce budget injuste pour les collectivités territoriales.
M. Claude Malhuret . - Le premier projet de loi de finances d'un quinquennat est important pour la nation : il témoigne des grandes orientations. Il pouvait baisser l'addiction à la dépense publique, préparer les réformes difficiles et nécessaires, mettre en acte les promesses du président de la République pour préserver la crédibilité de la parole publique.
Nous avons à coeur d'être force de propositions en faveur de la justice sociale d'abord : le travail doit fournir à ceux qui travaillent de quoi vivre.
La responsabilité budgétaire, c'est viser la sortie de la procédure de déficit excessif. Malgré les efforts présentés dans la loi de programmation des finances publiques et ce projet de loi de finances, l'écart de trajectoire avec l'Allemagne est préoccupant. Sans crédibilité budgétaire, il n'y aura pas de crédibilité politique en Europe.
L'efficacité économique passe aussi par la rupture avec la fiscalité punitive, pour donner envie d'investir - nous ferons des propositions pour restaurer la confiance des acteurs économiques.
Il faut encore préparer la transition de notre économie vers un modèle de production et de consommation plus responsable. Fiscalité énergétique et incitation à l'innovation sont des leviers importants.
Le président de la République s'exprime en ce moment devant le Congrès des maires, que le Gouvernement s'est employé à rassurer. Certains points demeurent flous, notamment sur la contractualisation. Nous serons attentifs à préserver la liberté d'action des collectivités territoriales.
Notre groupe participera aux discussions avec un esprit constructif et sera force de propositions. Nous avons la volonté d'agir, en responsabilité, au service de l'intérêt national. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
M. Jean-Marc Gabouty . - Replaçons l'examen de ce texte dans son contexte. L'Europe a retrouvé une croissance plus soutenue, autour de 2 %, mais la croissance en France reste inférieure à la moyenne de la zone euro. Notre endettement, lui, est très supérieur à la moyenne européenne et frise les 100 % du PIB. Nous ne faisons guère mieux en matière de déficit public et de balance commerciale. Voilà qui devrait inciter ceux qui ont gouverné ces dernières années à la modestie. Cet endettement est une épée de Damoclès. La charge de la dette représente une quarantaine de milliards, autant que le budget de l'Éducation nationale, et exploserait si les taux d'intérêt devaient remonter.
Nous devons rendre notre économie plus compétitive et créatrice d'emplois en réduisant les charges sociales et en allégeant la pression fiscale pour permettre aux entreprises d'innover et d'investir. Un programme de réformes sans précédent a été lancé : droit du travail, formation professionnelle, apprentissage, indemnisation du chômage... Nous devons aussi agir pour le pouvoir d'achat et pour la solidarité envers les plus fragiles. C'est une équation difficile, mais le pari est tenable.
Le Gouvernement propose un équilibre reposant sur la maîtrise des dépenses, non sur la hausse des prélèvements obligatoires. Le retour de la confiance des partenaires économiques est la clé : n'en déplaise aux grincheux, jamais l'envie d'entreprendre n'a été aussi forte !
Nous soutenons la politique budgétaire du Gouvernement, sans nous interdire d'ajuster certaines dispositions.
Le Gouvernement a fait des choix clairs, consacrés dans la loi de programmation des finances publiques. Les budgets de la défense, de la santé, de la sécurité, de la justice, de l'éducation nationale, sont renforcés ; les capitaux sont orientés vers l'économie productive avec la réforme de l'ISF. Le choix de privilégier l'activité à la rente est assumé.
La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages sera neutre pour les collectivités territoriales et préservera leur autonomie financière. Mais la pérennité incertaine du dispositif nous inquiète : qui nous garantit que le dégrèvement sera toujours là en 2022 ?
Oui à la contractualisation, mais la base de négociation est inacceptable : le Gouvernement propose une évolution tendancielle des dépenses de fonctionnement de 1,2 %, or la réalité est plus proche de 1,9 %. La maîtrise des dépenses des collectivités territoriales passera par des réformes structurelles : il faut donner plus de souplesse et de liberté aux élus locaux, réhabiliter le principe de subsidiarité. Les réformes territoriales des décennies passées ont engendré plus de surcoûts que d'économies et éloigné les citoyens des décisions.
Attention, en matière de logement, à ne pas accentuer les fractures territoriales. Certains opérateurs sociaux risquent d'être fragilisés par la baisse des APL ; il faudra y remédier et réfléchir à l'atterrissage du dispositif Pinel.
Le groupe RDSE n'approuve pas toutes les modifications votées par la commission des finances, quand elles remettent en cause les lignes directrices de ce budget ; il a une vision positive des orientations de ce texte même s'il souhaite quelques inflexions. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Jean-François Husson . - Premier projet de loi de finances du nouveau quinquennat, dans un contexte politique nouveau et inédit, avec des ambitions nouvelles pour sortir des errements du passé et favoriser la réussite de la France. Inflation faible, taux très bas, matières premières bon marché, croissance plus élevée que prévu : la conjoncture est bonne.
La reprise de l'investissement privé est un signal positif. Malgré cela, notre déficit commercial et notre endettement sont préoccupants. Or la France ne réduit toujours pas sa dépense publique...
Pour les collectivités locales, le mandat a mal commencé. Le président de la République avait annoncé un pacte de confiance, avec un effort de 10 milliards d'euros, subitement passé à 13 milliards... Coupe de 200 millions d'euros dans les dotations en faveur de l'investissement local dans les territoires ruraux, de 450 millions d'euros dans les ressources des régions, baisse de 100 millions du fonds d'urgence en faveur des départements, de 380 millions d'euros des dotations de compensation prétendument sanctuarisées, baisse de 50 millions des subventions aux communes, baisse de 100 millions d'euros de la péréquation verticale, suppression brutale des contrats aidés, suppression de la taxe d'habitation, principale ressource des communes, contractualisation aux contours flous, volonté de réduire le nombre d'élus locaux, qui sont des bénévoles engagés pour la réussite de notre pays... La liste est longue.
Je vous conseille, Monsieur le Ministre, d'écouter avec attention les propositions du Sénat. Nous devrons réajuster les efforts demandés aux collectivités territoriales, sans quoi l'investissement public sera mis sous tutelle. Dans 7 300 communes, moins de cinq habitants paieront la taxe d'habitation. Dans 500 d'entre elles, il n'y aura qu'un seul contribuable ! Cessons de jouer avec le feu. N'opposons pas la légitimité des maires, élus préférés des Français, avec celle, toute récente, du président de la République. Offrons-nous plutôt l'opportunité de trouver les bonnes solutions pour que la France retrouve sa pleine souveraineté financière et la place qui lui revient : dans le peloton de tête. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et sur plusieurs bancs du groupe RDSE)
Mme Jacky Deromedi . - Le Gouvernement baisse les subventions de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) de 33 millions d'euros - alors que le ministère de l'Éducation nationale voit son budget augmenter de 1,3 milliard. La commission des finances proposera de rétablir 30 millions ; ce sont 33 millions qu'il faudrait rétablir.
Le président de la République s'était engagé à ne pas réduire les crédits de l'AEFE en 2018 et 2019. On ne peut pas défendre la francophonie sans s'en donner les moyens, disait-il, juste avant l'annulation de crédits au titre de 2017. Cela pénalisera bon nombre de lycées français à l'étranger, qui gèrent leur budget au plus juste pour limiter la charge sur les familles. Ils risquent d'être tentés par le déconventionnement... Ce serait une perte d'influence pour notre pays, car nos établissements sont aussi prisés par les populations locales.
Il aurait fallu, au contraire, augmenter les crédits, pour aider les parents à payer une assistante de vie scolaire et organiser un dépistage précoce pour les enfants à besoins particuliers. Faute de quoi, nous continuerons à avoir des enfants déscolarisés, à la charge de leurs parents et de la société...
Un peu d'humanité, Monsieur le ministre, pour les Français vivant à l'étranger, le plus souvent parce que la France n'a pas su leur donner les moyens de nourrir correctement leur famille !
Mme Nathalie Goulet. - Allons !
M. Marc Laménie . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'examen du projet de loi de finances est un temps fort, chaque année, après celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale, voté ce mardi.
Le projet de loi de finances et ses nombreuses missions ont fait l'objet d'un examen remarquable des rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis. Établir un budget est un exercice complexe. En 2018, le déficit budgétaire atteindra 83 milliards d'euros et la dette publique un niveau record de 1 752 milliards, en hausse de 4,5 % par rapport à 2017, après une hausse de 17 % entre 2012 et 2016.
La situation est grave. Les recettes s'élèvent à 356 milliards. La TVA constitue la première d'entre elles, à 206 milliards d'euros. Il faut donner la priorité au développement économique.
Les dépenses totales s'élèvent à 441 milliards, tout confondu. Comment les maîtriser ? La tâche est immense. Les moyens humains sont inégalement répartis sur le territoire. Les fonctions publiques hospitalière et territoriale méritent une particulière attention.
Les élus locaux sont inquiets devant l'évolution de la DGF, ils redoutent que la suppression de la taxe d'habitation mette à mal l'autonomie financière des communes et intercommunalités. Des incertitudes subsistent aussi sur l'avenir des dotations : DETR, DSIL, etc... Or l'investissement local est indispensable pour relancer le BTP. La suppression de la réserve parlementaire - 140 millions - est aussi préoccupante, tout particulièrement pour les communes rurales. Souhaitons que le Sénat soit entendu ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants et RDSE.)
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Je ne pourrai malheureusement pas répondre en détail à toutes les interventions, mais nous approfondirons tous ces sujets dans les semaines à venir. Le Gouvernement aborde l'examen de ce texte avec un sens aigu des responsabilités, une grande sincérité et la certitude que le débat sera de haut niveau.
Vos préoccupations font l'objet de notre totale attention. Les élus locaux sont les soldats de la République, toujours en première ligne, surtout en ces temps difficiles. Les maires, élus préférés des Français, dont l'anagramme est « aimer », seront toujours considérés à leur juste valeur.
Mme Nathalie Goulet. - Très joli !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - Nous tâchons de tenir la promesse présidentielle de rendre du pouvoir d'achat et de protéger les plus fragiles. Suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages, crédit d'impôt pour l'emploi à domicile, sans oublier la revalorisation, dans le PLFSS, du minimum vieillesse, de l'AAH ou le plan d'accès territorial aux soins : nous avons la conviction que nous ne viendrons pas à bout des inégalités avec des réponses strictement financières. La bataille se mène aussi sur le front de la mobilité, de l'éducation, de la vie quotidienne, de l'accès au très haut débit...
D'après les prévisions, six ménages sur dix seront gagnants - à hauteur de 850 euros par an à la fin du quinquennat.
Le vrai problème de notre économie réside dans la santé de nos PME. Leurs besoins de financement sont en partie couverts par la BPI, mais cela ne suffit pas pour les aider à investir et innover. D'où la réforme de la fiscalité du capital pour sortir le capital de l'ISF et le réorienter vers l'économie productive. Cela ne se fera pas d'un coup, il faudra aussi engager une bataille culturelle, car les Français ont toujours privilégié la pierre. D'où le travail engagé par la députée Amélie de Montchalin auprès des banques pour trouver des outils orientant l'épargne vers l'appareil productif.
Nous débattrons longuement de la réforme de la taxe d'habitation. L'exonération concernera 80 % des contribuables, jusqu'à 27 000 euros de revenus pour une personne seule. Je sais l'inquiétude des élus locaux. Nous voulons donner aux collectivités territoriales la liberté de choisir où faire porter l'effort. M. Raynal a cité François Mitterrand. Petit-fils de morvandiau, je me souviens qu'il a dit aux élus locaux, après son élection, qu'il leur rendrait le pouvoir qu'il venait de se voir confier. C'est cet esprit de liberté et de responsabilité partagée entre l'État et les collectivités territoriales que nous voulons restaurer. Et c'est un ancien élu local qui vous le dit !
Pour ma part, je n'ai jamais connu un budget à l'équilibre : en 1974, je n'étais pas né...
Mme Nathalie Goulet. - Quelle chance !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - L'objectif, c'est un budget à l'équilibre à la fin du quinquennat, une baisse de cinq points de la dette publique, une baisse de trois points de la dépense publique, une baisse d'un point des prélèvements obligatoires, car la pression fiscale sur nos concitoyens est trop forte.
En matière de déficit commercial, le combat est double. Pour améliorer la compétitivité-prix, nous avons choisi de baisser de manière pérenne les charges sur les entreprises, jusqu'à 2,5 SMIC. Faut-il aller au-delà, comme l'envisageait le rapport Gallois en 2012 ? Il faudra y réfléchir. Si nous voulons une industrie qui monte en gamme et investisse, il faut aussi développer les compétences, c'est-à-dire des salaires élevés. Nous agissons donc en même temps sur la compétitivité prix et la compétitivité hors prix, par la formation, l'investissement dans l'économie de la connaissance, de la compétence, de l'innovation. D'où la sanctuarisation du crédit impôt recherche, d'où le fonds de 10 milliards pour les innovations de rupture, financé par la cession de participations de l'État, que nous assumons. Dans un monde qui bouge, l'État ne peut rester le seul acteur inactif !
Dans le cadre du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises, Richard Yung travaille sur la rationalisation de nos outils à l'export. Les signaux sont bons, à commencer par l'implantation de l'Autorité bancaire européenne à Paris, après plusieurs banques et fonds qui quittent la City. (M. Aymeric de Montgolfier, rapporteur général, applaudit.) Ces signaux ne sont pas suffisants, mais ils sont significatifs.
Le regard sur notre pays a changé. Nous offrons aux investisseurs un cadre politiquement plus stable que l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Notre compétitivité se renforce, la conjoncture est bonne, mais tout cela est fragile. Nous voulons réconcilier capital et travail ; à privilégier l'un ou l'autre au gré des alternances politiques, nous nous sommes privés des deux : nos entreprises peinent et nous avons 10 % de chômeurs...
Lorsque nous consacrons au logement 40 milliards d'euros par an, soit 2 % de notre richesse nationale, soit deux fois plus que la moyenne européenne, pour des résultats qui ne sont pas deux fois meilleurs, il faut se poser des questions. (M. Philippe Dominati renchérit.) En subventionnant les bailleurs et en solvabilisant les locataires, nous avons organisé un système inflationniste par nature.
Il faut repenser le système, en englobant le Pinel et le PTZ. On le sait, certains territoires, dont le mien, ont fait des choix parfois malheureux, optant pour l'étalement urbain au détriment du développement durable. Sans doute peut-on, sur ce sujet comme sur les autres, travailler intelligemment. La prolongation par les députés de certains dispositifs est bienvenue, mais je crois profondément au recentrage de ces politiques.
Le Gouvernement trouvera une solution pour ne pas pénaliser davantage les territoires d'outre-mer, où la suppression du CICE est complexe en raison des dérogations déjà existantes.
Ce budget est un budget de justice sociale, car il n'y a pas de croissance juste si elle n'est pas partagée ; c'est aussi le moyen pour la France de retrouver sa voix en Europe. Le Brexit et la montée de l'euroscepticisme nous poussent à occuper à nouveau la place que la France n'aurait jamais dû abandonner sur le continent. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC)
La discussion générale est close.
Discussion des articles de la première partie
ARTICLE LIMINAIRE
M. Didier Rambaud . - Cet article fixe la prévision de solde structurel et de solde effectif des administrations publiques. Je suis fier de défendre ce budget de sincérité, qui repose sur des hypothèses macroéconomiques solides.
Ce texte est un texte de responsabilité. L'effort structurel sur les dépenses est inédit. Oui, c'en est fini des hausses d'impôts pour éviter de faire des réformes. Il y a eu beaucoup à faire, à commencer par trouver les milliards pour compenser la taxe sur les dividendes. Je déplore le double langage de la majorité sénatoriale qui a alourdi le déficit du projet de loi de financement de la sécurité sociale de 7 milliards. Nous voterons ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
Mme Sophie Taillé-Polian . - Avec la suppression de l'ISF et le prélèvement forfaitaire unique, vous épuisez les faibles marges de manoeuvre que nous autorisent les traités européens. Les mesures en matière d'emploi et de logement sont une charge contre les plus défavorisés, ceux qui n'ont d'autre capital que les services publics. D'autres coupes suivront, quand il faudra, en 2019, transformer le CICE et rattraper le différentiel observé. Vous prônez la société du risque ? Oui, pour les plus modestes !
La révision du mode de calcul du solde structurel a fait l'objet de travaux qui n'ont pas été validés par les ministres des finances, nous a dit Pierre Moscovici. Nous n'avons pas entendu le Gouvernement sur ce dossier, pourtant essentiel pour tenir nos engagements tout en répondant à l'urgence sociale. À quoi sert un Gouvernement de la zone euro si l'action publique de l'État, premier vecteur de redistribution, est étranglée ? À l'examen de la situation sociale, vous préférez un calcul baroque du solde structurel. Vous ne cherchez pas à exploiter les souplesses du TSCG. Addiction à la dépense publique, dites-vous ? Nous avons plutôt une addiction à la pauvreté, et vous ne faites rien contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur plusieurs bancs du groupe CRCE)
M. Pascal Savoldelli . - Je salue les propos de ma collègue du Val-de-Marne.
Vous fustigez les donneurs de leçons, monsieur Rambaud ? Viseriez-vous le groupe CRCE ? Cet article liminaire porte la marque du traité de 2012. Quelle est la marge restant aux parlements nationaux dans ce cadre imposé ?
Quelqu'un, ce matin, dénonçait les postures et les caricatures - jamais je ne stigmatiserais ainsi un collègue, soit dit en passant. Selon la DGFiP, en 2015, les exilés fiscaux représentaient 0,2 % des assujettis à l'ISF ! (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, s'exclame.)
La plaquette de Bercy indique qu'un contribuable qui gagnait 11 millions d'euros et payait 108 000 euros d'ISF, ne paiera plus rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur certains bancs du groupe SOCR)
Mme la présidente. - Amendement n°I-485 rectifié, présenté par MM. Requier, Collin, Gabouty, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Vall.
Alinéa 2, tableau, dernière colonne
1° Avant-dernière ligne
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- 0,1
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2° Dernière ligne
Remplacer le nombre :
- 2,6
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- 2,8
M. Jean-Claude Requier. - Dans un souci de sincérité budgétaire, cet amendement tire les conséquences de l'annulation de la taxe additionnelle sur les dividendes sur la prévision du solde 2018.
Mme la présidente. - Amendement identique n°I-599, présenté par le Gouvernement.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - C'est le même, je le retire au profit de celui de M. Requier.
Mme Sophie Primas. - Quelle élégance !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - La commission des finances n'a pas examiné ces amendements de conséquence. À titre personnel, avis favorable.
Il ne faut pas pour autant se glorifier des déficits : nous sommes avec l'Espagne les deux seuls pays restant en procédure de déficit excessif, et le nôtre est le plus élevé...
M. Claude Raynal. - Il s'agit de prendre acte de ces chiffres. Nous nous abstiendrons généreusement. (Sourires)
L'amendement n°I-599 est retiré.
L'amendement n°I-485 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°I-138, présenté par Mme N. Goulet.
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
En euros courants et selon les hypothèses, les méthodes et les résultats des projections sur la base desquelles est établi le présent projet de loi de finances, décrits dans le rapport prévu par l'article 50 de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la prévision de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques pour 2018, de l'exécution de l'année 2016 et la prévision d'exécution de l'année 2017 s'établissent comme suit :
(en milliard d'euros courants)
Exécution 2016 |
Prévision d'exécution 2017 |
Prévision 2018 |
|
Solde structurel (1) |
-55,7 |
-50,2 |
-49,3 |
Solde conjoncturel (2) |
-17,8 |
-13,7 |
-9,4 |
Mesures exceptionnelles (3) |
-2,2 |
-2,3 |
-2,3 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-75,8 |
-66,2 |
-61,1* |
*L'écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s'explique par l'arrondi au dixième des différentes valeurs
Mme Nathalie Goulet. - Les Français font leurs courses en euros et non en points de PIB. Cet amendement exprime en euros les données du tableau, pour les rendre compréhensibles.
Mme la présidente. - Amendement n°I-293 rectifié bis, présenté par MM. Leroux et Bonhomme, Mmes Bories et Deroche, MM. Grand et Karoutchi, Mme Lavarde, MM. Magras, Paccaud et Paul, Mme Deromedi et M. Kennel.
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
(En milliards d'euros)
Exécution 2016 |
Prévision d'exécution 2017 |
Prévision 2018 |
|
Solde structurel (1) |
-55,7 |
-50,2 |
-49,3 |
Solde conjoncturel (2) |
-17,8 |
-13,7 |
-9,4 |
Mesures exceptionnelles (3) |
-2,2 |
-2,3 |
-2,3 |
Solde effectif (1+2+3) |
-75,8* |
-66,2 |
-61,1* |
*L'écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s'explique par l'arrondi au dixième des différentes valeurs.
Ces soldes correspondent aux valeurs suivantes :
(En milliards d'euros)
2016 |
2017 |
2018 |
|
PIB |
2 229 |
2 284 |
2 349 |
Ensemble des administrations publiques (APU) |
|||
Dépenses |
1 257 |
1 280 |
1 305 |
Recettes |
1 181 |
1 213 |
1 244 |
M. Sébastien Leroux. - Même chose. Le tableau tel qu'il est présenté est illisible. Nous proposons donc que l'article liminaire comporte, à titre d'information, la traduction en euros des informations prévisionnelles qu'il donne en ratios de PIB. C'est une exigence de sincérité.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Avis plutôt favorable. Les engagements de la France sont exprimés en points de PIB mais par clarté, il n'est pas inutile de les traduire en euros. Toutefois, les montants sur les tableaux ainsi proposés doivent être corrigés pour tenir compte des amendements que nous vous proposons d'adopter. Donc, sagesse ; car il faudra préciser la rédaction pendant la navette.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. - Le seuil de 3 % est bien connu ; quand je suis né, il existait déjà. Pour modifier le tableau, il faudrait modifier auparavant la LOLF. Certes, les Français ne font pas leurs courses en points de PIB, mais évoquez des masses de milliards d'euros, est-ce plus parlant ? Comment faire de la pédagogie ? Songez que depuis que nous débattons, notre dette s'est accrue de 17,4 millions d'euros. Avis défavorable.
Mme Nathalie Goulet. - Jongler avec les milliards n'est peut-être pas à la portée de tout le monde, mais cet amendement est tout de même plus clair, surtout pour les contribuables qui, en définitive, doivent s'acquitter de la dette.
Mme Sophie Primas. - Ces 17,4 millions d'euros que vous venez de mentionner, ça me parle : c'est le budget de la ville dont j'étais maire il y a quinze jours. Je voterai ces amendements.
L'amendement n°I-138 est adopté.
L'amendement n°I-239 rectifié bis est sans objet.
M. Emmanuel Capus. - Je ne comprends pas pourquoi les esprits s'échauffent. L'enjeu de ce texte est de sortir de la procédure de déficit excessif.
L'article liminaire, modifié, est adopté.
La séance est suspendue pour quelques instants.
ARTICLE 27
Mme la présidente. - Nous allons maintenant examiner l'article 27 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial de la commission des finances . - L'article 27 prévoit le montant de la contribution française au budget européen.
L'année 2018 s'inscrit dans un contexte particulier : le Brexit, l'arrivée à mi-parcours du programme 2014-2020 et la pré-négociation du programme de l'après-2020.
La France, étant le deuxième contributeur net du budget en volume, en est le troisième bénéficiaire en volume après l'Espagne et l'Italie.
Le budget est souvent mal perçu par une population défiante à l'égard de l'Union européenne ; pourtant la PAC garantit les revenus agricoles, concourt à l'aménagement de notre territoire et accompagne les agriculteurs vers la transition écologique. La France, avec 57 projets soutenus sur l'ensemble de son territoire, est l'un des premiers bénéficiaires du plan Juncker d'investissements stratégiques.
L'article 27 évalue notre contribution à 20,2 milliards d'euros, en hausse de 3,8 milliards d'euros par rapport à ce qui sera effectivement payé en 2017.
Le montant de ce prélèvement sur recettes sera-t-il ajusté à la baisse pour tenir compte de l'évolution du budget européen ? Comment contrôler la sortie du Royaume-Uni ? Comment financer la politique migratoire ou en faveur de l'emploi des jeunes sans compter la politique de cohésion ?
Il est urgent que l'Europe se dote de ressources propres. Un projet d'harmonisation de l'assiette pour prélever l'impôt là où l'activité est réaliste est la politique la plus ambitieuse, et la plus efficace pour lutter contre l'évasion fiscale des géants du numérique, les GAFAM. Après le Brexit, occasionnant une perte nette de recettes de 10 milliards d'euros par an pour l'Union européenne, nous devrons être particulièrement vigilants sur la politique de cohésion : l'une des pistes les plus sérieuses pour y remédier consisterait en effet de diminuer de 15 % à 30 % cette politique. Les crédits de la politique de cohésion sont débloqués avec retard. Cela pénalise les porteurs de projet, pourtant cette politique est essentielle pour réduire les inégalités entre territoires.
Le budget européen doit assurer la prospérité, permettre de lutter contre les inégalités et permettre à l'Union européenne d'exprimer une souveraineté indispensable. Je vous propose d'adopter cet article sans modifications. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Comme le rapporteur spécial, dont je salue le travail, je constate la progression de la contribution de la France. Le budget européen doit relever trois défis.
Le premier défi tient aux priorités nouvelles que l'Union européenne doit assumer : contrôle aux frontières, sécurité, terrorisme, défense, etc...
Deuxième défi : construire un budget adaptable à l'imprévu, voire à l'imprévisible. Ensuite, la crise migratoire a montré que l'Union européenne devait disposer d'une souplesse d'action, en matière budgétaire, pour être efficace.
Enfin, avec le Brexit, les ressources programmées du budget européen baisseront, et la contribution de la France augmentera mécaniquement.
Il faut en conséquence réinventer le cadre budgétaire.
S'agissant des recettes, il est nécessaire désormais que l'Union européenne dispose de ressources propres, échappant, comme le rappelait M. Monti, à la logique du « juste retour ».
Le moment est également venu d'établir des priorités et de les hiérarchiser. Le critère de la valeur ajoutée européenne doit prévaloir. Deux politiques européennes sont particulièrement concernées.
La PAC est un mécanisme essentiel de gestion des marchés et des crises, et un outil de prévention. Elle n'a jamais été aussi pertinente.
L'utilité de la politique de cohésion n'est pas en doute ; mais nous avons besoin d'un choc de simplification pour plus de visibilité et de cohérence entre les nombreux fonds. Il faut rationaliser les règles d'audit et de contrôle avec en contrepartie une logique de performance. (Applaudissements)
M. André Gattolin . - « La France est solidaire de l'Europe, quoi qu'elle fasse et quoi qu'elle veuille. Elle l'a été dans la souffrance, elle l'est dans son économie, elle le sera dans son destin. La France a une tâche européenne qu'elle ne peut éluder ». Il est bon de citer Albert Camus, penseur incisif et visionnaire de l'Europe, sortie exsangue de la seconde guerre mondiale, même si certains pourraient ironiser, sur le caractère un peu décalé de ses superbes mots, lorsqu'il s'agit de donner chair à un article 27 un peu aride. (Sourires)
Oui, ses mots sont d'actualité, à l'heure où notre continent est traversé de multiples crises, et où l'article 27 est aussi concis que peu clair : 34 mots pour plus de 20 milliards d'euros, soit environ 594 millions d'euros par mot ! Derrière cet article se pose la question de l'Europe que nous voulons et des moyens dont nous voulons nous doter pour y parvenir.
La reconstruction de la France augmente de 8 % par rapport à 2017.
Je m'en réjouis : c'est le signe que notre PIB progresse et que les données de la commission européenne témoignent d'une confiance retrouvée dans notre économie.
La France est, après l'Allemagne, le deuxième contributeur, mais ce que ne peut montrer la présentation de notre budget, et pour cause, puisqu'il s'agit de celui de l'État, c'est qu'elle est le troisième bénéficiaire du budget de l'Europe. La France reste un contributeur net d'environ 9 milliards d'euros, mais la solidarité est le fondement de l'Europe, et donc de la paix.
À ceux qui, de gauche comme de droite, surtout à l'Assemblée nationale, sont tentés de reprendre à leur compte l'antienne thatchérienne « I want my money back », je rappelle que ces chiffres n'incluent pas les efforts positifs du plan Juncker et des actes politiques de l'Union. Que ceux qui en douteraient encore se penchent sur ce qui commence à se passer outre-Manche...
Dans un rapport, commis pour la commission des affaires européennes il y a quatre ans, j'avais proposé que le Gouvernement produise annuellement un rapport largement publicisé détaillant les apports concrets de l'Union européenne...
M. Simon Sutour. - Excellent rapport !
M. André Gattolin. - Merci, mais resté sans suite, hélas ! Sans doute le gouvernement de l'époque considérait-il que parler d'Europe, c'était automatiquement prêter le flanc à la critique.
Alors qu'une large consultation s'annonce en Europe sur notre avenir commun, une telle publication serait utile. Surtout, le budget de l'Union européenne dépasse les enjeux financiers, il a avant tout une dimension politique, au sens noble. Comment refonder l'Europe sans nous doter des moyens de le faire ?
Le malthusianisme du précédent budget 2014-2020 nous a profondément handicapés. Trop rigide, il n'a pas permis de s'adapter aux crises imprévues.
N'est-il pas aberrant de construire un budget pour sept ans ? Qu'en pense le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Simon Sutour applaudit également.)
M. Pierre Ouzoulias . - Permettez-moi de ne pas descendre de ma montagne pour m'exprimer... (Sourires) Ce débat intervient alors que la Cour des comptes européenne a dressé le 16 novembre un bilan accablant des trois plans soi-disant destinés à « aider » la Grèce. La BCE a réalisé 7,8 milliards d'euros de plus-values de 2012 à 2016, qui seront redistribuées aux banques centrales de la zone euro.
De même que Kronos, « le dieu aux pensées fourbes », dévorait ses enfants pour assurer son pouvoir, la croissance européenne se réalise au détriment des populations. La saignée imposée à la Grèce a été aussi efficace que les purges du pseudo-médecin Diafoirus de Molière, dont les patients mourraient guéris...
La Cour des comptes estime aujourd'hui que ces politiques étaient totalement inappropriées. Sa conclusion est sans appel : la stratégie d'ajustement budgétaire « n'a pas été propice à la croissance ».
Songez-y alors que ce projet de loi de finances s'en inspire ! Les plus riches auront beaucoup d'exonérations mais les pauvres paieront. Le FMI et l'OCDE préconisent l'arrêt de la politique de l'offre pour engager une politique volontaire de soutien de la demande. Le Portugal a eu le courage de le faire, en augmentant le salaire minimum de 15 %, en réduisant le temps de travail des fonctionnaires, en bloquant les privatisations et en relançant des grands projets d'aménagement. Il est entré en conséquence dans un cercle vertueux, la croissance est revenue, et il respecte les critères de Maastricht avec un déficit public ramené à 1 % en 2018 !
Une autre politique budgétaire est donc possible. La France, par le poids de sa contribution au budget de l'Union européenne, est légitime à demander une évaluation de l'efficacité des politiques exigées. Il y a urgence, comme le montre la montée des partis d'extrême droite racistes et xénophobes, y compris en Allemagne, et les mesures ouvertement contraires aux valeurs humanistes européennes par lesquelles plusieurs États de l'Union y répondent, qui sont autant de symptômes de la crise sérieuse traversée par l'Europe.
Celle-ci est de moins en moins perçue comme un horizon d'attente d'une construction politique au service de la paix et de plus en plus à un empilement de structures bureaucratiques au service du pouvoir économique. Il est temps de refonder l'Europe autour de valeurs partagées. La froideur comptable de cet article 27 n'en compte aucune. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; Mme Sophie Tallié-Polian et M. Jean-Claude Tissot applaudissent également.)
Mme Anne-Catherine Loisier . - L'Europe est souvent jugée trop faible, trop bureaucratique, trop rigide... Combien de fois avons-nous entendu ces discours critiques ? C'est vrai mais le contexte semble évoluer après le Brexit, moins important, comme l'a dit Mme Merkel, que l'avenir de l'Europe.
Voulons-nous, comme le Royaume-Uni, moins d'Europe ou voulons-nous, selon la vision ambitieuse du président de la République, que beaucoup partagent, une Europe de la confiance, de la convergence, qui s'occupe davantage des grands sujets et moins des petites choses comme le dit M. Juncker ?
L'Europe est nécessaire, pour lutter contre le terrorisme avec un parquet européen, réguler les flux migratoires avec un office européen pour harmoniser les procédures de police aux frontières, lutter contre le dumping social, taxer les géants du Net, assurer la transition écologique et énergétique... Bref, nous voulons une Europe unie, démocratique et souveraine, dans le cadre d'un marché unique alliant protection, exigences sociales, environnementales et stratégie commerciale. La France et l'Allemagne ont un rôle éminent à jouer à cet égard.
Le rapport des commissions des Affaires européennes et des Affaires étrangères du Sénat sur la relance de l'Europe propose une série de mesures propices à renforcer la légitimité démocratique de l'Union européenne et à renouer la confiance. Il préconise l'association et la reconnaissance des parlements nationaux, voire des citoyens. La reconstruction doit partir des peuples pour insuffler l'envie d'Europe. Aujourd'hui simples gardiens du principe de subsidiarité, les parlements nationaux pourraient, demain, déléguer à une convention restreinte, chargée de statuer souverainement à la majorité qualifiée sur les mesures économiques et financières, lorsqu'elles impliquent une modification du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
La Commission européenne doit devenir un gouvernement responsable devant le Parlement européen.
L'initiative de la France pour revoir la directive sur les travailleurs détachés est un bon exemple d'une stratégie de convergence, prônée par le président de la République, permettant de lutter contre les inégalités, de promouvoir une politique économique commune et puissante.
Ce gouvernement économique de la zone euro serait un outil précieux pour cela, tout en réaffirmant notre place sur la scène internationale et en sécurisant nos ressources.
La PAC qui représente 43 % du budget, dont 17 % pour la France, est indispensable pour assurer à nos concitoyens une alimentation de qualité, dans une logique de développement durable, prenant en compte la perspective d'un changement climatique.
Le budget européen de 168 milliards sera insuffisant pour répondre aux enjeux. Comme Michel Barnier, le groupe UC est convaincu que seule l'Union européenne a la masse critique et l'autorité légitime pour porter les valeurs de la France dans le monde.
Mais avant tout, il faut bien négocier le deal du Brexit. Les 27 ont su sortir du flou du début des négociations et juguler la vague de populisme qui s'annonçait. Pas question de payer à 27 ce que nous faisions à 28 ! C'est à nous, Européens, de décider. Comme nous le déclarait le négociateur lors de son audition ici, « ce que nous ne ferons pas ensemble pour construire notre avenir, personne ne le fera à notre place » (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Très bien !
Mme Colette Mélot . - Le sujet est de première importance. Notre participation au budget européen représente 13 % de l'ensemble des contributions nationales. En retour, la France a bénéficié de 11 % des dotations européennes accordées aux États membres, notamment avec la PAC, pour 9 milliards d'euros ou l'abondement du fonds français de politique de recherche et développement de recherche, à hauteur de 2,2 milliards d'euros. Le budget européen est en effet redistribué largement aux États membres, les frais de fonctionnement sont faibles, de l'ordre de 6 % des dépenses européennes.
Depuis trente ans, les appels se multiplient pour renforcer le budget européen, pour accroître nos capacités d'action. Un groupe de travail a été créé il y a trois ans pour rechercher de nouvelles ressources propres. Le rapport Monti de janvier 2017 a aussi tiré la sonnette d'alarme. L'Union européenne a d'ailleurs multiplié les fonds hors budget, comme le mécanisme européen de stabilité (MES) créé en 2012, le fonds européen pour les investissements stratégiques ou le fonds d'accueil des réfugiés turcs.
Vingt États européens ont signé le 6 novembre un pacte de défense prévoyant l'achat en commun de matériels militaires ou une force d'intervention permanente. Cela s'inscrit dans la continuité de la coopération structurée permanente signée en juillet dernier.
Le départ du Royaume-Uni entraînera une perte de recettes du budget européen à court terme de 6 % à 7 %. Il importe que le Royaume-Uni respecte ses engagements financiers conclus dans le cadre du cadre financier pluri-annuel 2014-2020. Face aux défis actuels, l'Europe est la seule voie.
Le groupe Les Indépendants souhaite accroître la contribution française au budget et développer le budget européen afin de doter l'Union européenne des moyens nécessaires à son développement. Nous souhaitons que le Gouvernement continue à s'engager en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ; Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean Bizet, Simon Sutour et Franck Menonville applaudissent également.)
M. Stéphane Ravier . - L'Europe est une réalité géographique, économique, historique, culturelle, cultuelle, réelle, charnelle. Elle doit respecter l'identité des peuples qui la composent. Que vous soyez nés à Brest ou à Vladivostok, vous êtes Européens ; vous ne le saurez jamais si vous résidez à Istanbul.
Nous sommes pour l'Europe des Nations libres et des peuples souverains, contre cette union européiste, véritable machine à broyer les libertés, les souverainetés, les identités nationales, ce monstre technocratique qui ignore la volonté des peuples pour imposer une Europe de la finance.
À chaque fois que les peuples de Paris à Londres, en passant par Vienne, Varsovie ou Budapest, et même à Berlin, se dressent pour dire non à cette Europe antidémocratique, quelle est votre réponse ? Une incarcération toujours plus dure décidée par les geôliers de la Commission européenne, avec la complicité de la Cour européenne des droits de l'homme, jamais des droits du citoyen.
Les politiques européennes sont des chimères inefficaces. La PAC a miné l'agriculture, la directive Travailleurs détachés - malgré l'agitation médiatique d'Emmanuel Macron - continue de miner l'industrie. Frontex est un échec qui n'empêche pas la déferlante migratoire ni les attentats islamistes...
M. André Gattolin. - Quelle caricature !
M. Stéphane Ravier. - L'Union européenne, pour passer outre et faire disparaître les États Nations, encourage les grandes régions, ce qui n'est pas étranger à la crise espagnole actuelle. Pourtant nous continuons de verser une somme en continuelle augmentation, 20 milliards d'euros aujourd'hui, à nos geôliers, pour quel résultat ?
M. Simon Sutour. - Et la solidarité ?
M. Stéphane Ravier. - L'Europe n'est ni un marché, ni un grand supermarché où la France occuperait le rayon « bronze-cul ».
L'Europe est le berceau de la civilisation helléno-chrétienne, un héritage, un équilibre entre Nations qui coopèrent tout en préservant leurs libertés. Notre groupe est hostile à l'Europe technocratique. La France est européenne, oui ; mais Française d'abord !
M. Franck Menonville . - Le 26 septembre, à la Sorbonne, le président de la République a justement rappelé que l'Europe était notre histoire, notre identité et notre horizon. Je partage ce diagnostic qui nous éloigne de l'Europe comptable.
Nous devons néanmoins, de façon plus terre à terre, examiner la contribution française au budget européen. En avons-nous pour notre argent ? Troisième bénéficiaire, la France touche 9 milliards au titre de la PAC, même si ces concours baissent, dans le cadre de l'actuelle programmation financière pluriannuelle. La PAC restera-t-elle une priorité ? Nous comptons sur le Gouvernement pour la défendre dans le prochain budget.
La France est aussi le principal bénéficiaire du « plan Juncker », avec 15 milliards d'euros, sans compter les externalités non quantifiables liées à l'appartenance au marché unique. Le Brexit privera le budget de 10 milliards de recettes.
Un groupe de haut niveau plaide pour des recettes plus simples et plus lisibles. Il est nécessaire de supprimer les rabais, gages d'opacité. De la souplesse est aussi indispensable pour gérer les crises imprévues. L'effort de défense ira croissant dans le contexte international actuel.
Le fonds européen de défense est une bonne initiative, un pas vers l'Europe de la défense, même si le chemin reste long. En attendant, la France joue son rôle. Il serait opportun de tenir compte de ces dépenses dans les contributions nationales.
Le groupe RDSE est l'héritier de Maurice Faure, cher au président Requier, signataire du Traité de Rome, qui déclarait que l'Europe était une idée, un esprit, une communauté de valeurs, et aussi une réponse à des situations géopolitiques dévastatrices successives. L'élu de la Meuse que je suis en est pleinement conscient. Sachons nous mobiliser pour assurer l'avenir de l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Gérard Longuet applaudit aussi.)
M. Simon Sutour . - Exercice très contraint que le nôtre, puisque les discussions sur le prochain cadre pluriannuel sont déjà engagées. Le budget actuel s'élève à 160 milliards d'euros. Le prélèvement sur recettes en France s'élève à 20,2 milliards en 2018.
De nouveaux défis sont apparus comme le terrorisme. Les mesures prises vont dans le bon sens. La commission des affaires européennes du Sénat a été en pointe (M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, le confirme.), votant de nombreuses résolutions en ce sens pour appeler à une politique de sécurité commune. La Commission européenne a mobilisé avec pragmatisme et souplesse, c'est assez nouveau pour être signalé, les crédits nécessaires. Il conviendra toutefois de demeurer vigilant sur d'éventuelles réaffectations dont pourraient souffrir d'autres politiques.
Cette souplesse doit être institutionnalisée. Le cadre financier actuel est trop rigide, peine à s'adapter aux imprévus. On ne peut continuer de la sorte. Résultat, six budgets rectificatifs ont été votés en 2017. De même, la non-consommation des crédits budgétaires atteint 7,7 milliards d'euros notamment pour la politique de cohésion.
L'Europe doit être une assurance-stabilité, mais elle doit aussi être capable de réagir vite face aux défis multiples.
La montée en puissance de plan Juncker est satisfaisante. Une Europe des citoyens doit d'abord les protéger. Il est temps de changer de logiciel. La négociation budgétaire sera difficile. Le groupe de M. Monti propose des sources de financement intéressantes. Il est temps de passer à l'action, nous le disons chaque année.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - C'est vrai !
M. Simon Sutour. - Pour la PAC, le budget est préoccupant, avec une baisse due au Brexit de 10 milliards d'euros dont 4 au moins pour la PAC. Les crédits de la politique de cohésion sont sous-consommés. Le septième rapport sur la cohésion adopté par la commission le 9 octobre indique des tentations de bouleverser cette politique : fonds unique d'investissement, plus de conditionnalité, hausse du taux des cofinancements nationaux, régionalisation pays par pays, possibilité de nouveaux critères... Ce serait la victoire des partisans de la conditionnalité, contre l'avis de la France.
Chacun doit se mobiliser pour la politique de la cohésion. Il ne faut pas remplacer les subventions par des prêts, comme certains le réclament pour Erasmus et Erasmus +.
Mme la présidente. - Veuillez conclure...
M. Simon Sutour. - Nous souhaitons que l'Europe se réforme, qu'elle réussisse, qu'elle redevienne une idée populaire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et LaREM)
M. Pierre Cuypers . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce débat que nous menons ne fait pas exception : c'est un moment essentiel du budget. À la lumière des explications du rapporteur spécial, le groupe Les Républicains votera cet article.
L'Union européenne doit faire face à des défis. Le Brexit occasionne un manque de 10 milliards d'euros nets. La défense, la sécurité, la lutte contre le terrorisme, le contrôle des migrations semblent devoir devenir de nouvelles priorités, il leur faudra 10 à 15 milliards d'euros. Avec le Brexit, cela fait donc 20 à 25 milliards d'euros à trouver. L'Union ne pouvant émettre de dettes, ce besoin ne peut être couvert que par une réduction des dépenses ou une hausse des recettes.
Les dépenses devraient toujours être revues, à l'aune de la subsidiarité : l'Union européenne n'a pas à gérer des éléments d'intérêt national, voire local. Chaque euro dépensé devra faire la preuve de son efficacité, et que le financement européen est indispensable.
Cela accentuera nécessairement la pression sur la politique de cohésion et de la PAC, à laquelle mon groupe est attaché ; il faudra donc les faire évoluer.
Pour notre pays, pour lequel la contribution est le quatrième poste de dépense, une hausse serait difficile. Il faudra engager une réflexion sur la place de la contribution dans le calcul du déficit excessif. (M. Jean-Claude Requier renchérit.)
Tous les rabais et corrections doivent être supprimés. Il y va du principe d'équité. Il serait malaisé de mobiliser encore les contributions directes. Le temps est venu de retrouver des ressources.
Le groupe de haut niveau de M. Monti a rappelé des points intéressants : la TVA pourrait participer beaucoup plus, si la fraude - 150 milliards d'euros par an - était plus combattue de même que l'évasion fiscale. Les ressources propres ne sauraient être assimilées à une taxe européenne, car le pouvoir fiscal doit demeurer du ressort national.
L'objectif premier doit être de stabiliser, voire réduire les contributions des États et non d'augmenter le budget.
Les impôts des citoyens doivent rester au même niveau. Une taxe carbone aux frontières ou une taxe anti-dumping robuste serait intéressante. En tout état de cause, les parlementaires nationaux devraient être davantage associés.
Le groupe Les Républicains votera cet article mais sera vigilant pour l'avenir.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Très bien !
(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit aussi.)
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Merci pour ce débat, moment démocratique important. Un accord a été trouvé sur le budget européen, à 160,1 milliards d'euros en crédits d'engagement et 144 milliards d'euros en crédits de paiement.
Ce budget permettra de dégager les financements pour la croissance, l'emploi - oui, Monsieur Ouzoulias, ce sont nos priorités - ou la jeunesse, avec le programme Erasmus +.
Les montants pour la croissance et l'emploi ont été accrus par rapport au projet de la commission. Des crédits pour la Turquie ont été mis en réserve en fonction de l'évolution de l'État de droit, de la liberté de la presse et des droits de l'Europe, dans ce pays.
La France est le deuxième contributeur net en valeur. Notre solde est négatif et nous l'assumons, Monsieur Ravier : nous faisons partie des moteurs de l'Europe et, à ce titre, nous exprimons notre solidarité et travaillons au rattrapage des économies moins avancées.
Nous ne réduisons pas notre débat à un chiffre qui dit peu de choses des avantages d'être membre de l'Union européenne : l'appartenance à un grand marché de 500 millions d'Européens, ce que nos entreprises ressentent chaque jour - et dont le Royaume-Uni se rend compte en voyant des opérateurs financiers le quitter.
L'impact du Brexit devrait être nul. Toutefois, dans l'hypothèse d'un Hard Brexit, l'impact budgétaire pourrait se faire sentir dès 2019.
De nouvelles priorités apparaissent : défense, sécurité, migrations. Elles seront prises en compte dans les perspectives financières, mais la politique de cohésion et la PAC resteront centrales.
La PAC, le président de la République l'a dit, doit être rénovée. N'ayons pas peur de la conditionnalité pour la politique de cohésion, Monsieur Sutour : respect de l'État de droit (M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, le confirme.) ou respect des normes sociales. Cohésion veut dire transmission des valeurs auxquelles nous sommes attachés.
Deux aspects concrets relèvent de 2018-2019 : 90 millions dont 40 en 2018 pour la recherche sont portés par le Fonds européen de défense.
Plus largement, si le départ de Londres est une contrainte, c'est une opportunité de réformer, tant pour les dépenses que les recettes.
La France a accueilli favorablement le rapport du groupe de haut niveau sur les ressources propres. L'ensemble des chèques et rabais disparaissent avec le départ du Royaume-Uni.
Le président de la République a évoqué des taxes européennes dans les domaines du numérique ou de l'environnement, avec une fraction de l'impôt sur les sociétés une fois harmonisé - puisque les bases devraient l'être.
Après le discours de la Sorbonne du président de la République, je vous demande d'autoriser le prélèvement sur recettes pour 2018. Ces crédits formalisent notre attachement à l'Union européenne, qui nous donne l'accès au plus grand marché du monde et qui permet de porter les valeurs démocratiques.
C'est à l'échelle de l'Europe que nous pourrons garantir notre souveraineté. (Applaudissements sur la plupart des bancs, depuis ceux du groupe SOCR à ceux du groupe Les Républicains)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Très bien !
Mme la présidente. - Amendement n°I-396, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Remplacer le montant :
20 212 000 000
par le montant :
18 909 000 000
M. Éric Bocquet. - Je suis surpris que nous soyons les seuls à déposer un amendement : 20 milliards d'euros, ce n'est pas rien, on ne parle pas d'une subvention à une association de pêcheurs à la ligne... Il s'agit bien sûr, au-delà des chiffres, d'interroger le modèle d'Europe libéral, de concurrence libre et non faussée.
Nous ne voulons plus d'une Europe qui divise, qui inquiète. Nous voulons une Europe humaniste de la coopération, de la paix, mutuellement avantageuse pour les nations et les peuples, une Europe de l'harmonisation fiscale et sociale. Si le traité de Rome avait fixé cette harmonisation comme objectifs, nous les aurions soixante ans après. Au lieu de cela, on a privilégié le marché, et le marché ne règle pas tout. Voici donc l'objet de cet amendement symbolique.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - La commission des finances considère que la France doit tenir ses engagements. Avis défavorable.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Même avis.
M. Michel Canevet. - Le groupe UC est particulièrement attaché à l'Europe. Il ne faut donc pas lui enlever des moyens, nous devons tenir nos engagements. Nous ne ferions rien qu'unis.
M. Claude Raynal. - Le groupe SOCR se rangera à l'avis de la commission. En 1957, si nous avions mis la fiscalité au centre, je doute que nous aurions eu le moindre traité. Je suis surpris par cette proposition de diminuer les moyens, alors que nous voulons plus d'Europe.
M. Marc Laménie. - Je voterai cet article. 20 milliards, c'est important, mais c'est un engagement de solidarité. Les enjeux sont trop importants pour qu'on ne vote pas cet article 27.
L'amendement n°I-396 n'est pas adopté.
L'article 27 est adopté.
Prochaine séance, demain, vendredi 24 novembre 2017, à 14 h 30.
La séance est levée à 19 h 45.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Annexes
Ordre du jour du vendredi 24 novembre 2017
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président Secrétaires : MM. Joël Guerriau et Dominique de Legge
Suite du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale (n°107, 2017-2018).
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n°108, 2017-2018).
Avis fait au nom de la commission des affaires économiques (n°109, 2017-2018), tomes I à VIII.
Avis fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°110, 2017-2018), tomes I à XI.
Avis fait au nom de la commission des affaires sociales (n°111, 2017-2018), tomes I à VIII.
Avis fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°112, 2017-2018), tomes I à VI.
Avis fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n°113, 2017-2018), tomes I à IX.
Avis fait au nom de la commission des lois (n°114, 2017-2018), tomes I à XIV.
Suite de l'examen des articles de la première partie.
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°29 sur la motion n°I-358 présentée par M. Éric Bocquet et plusieurs de ses collègues, tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2018, adopté par l'Assemblée nationale
Résultat du scrutin
Nombre de votants :342
Suffrages exprimés :342
Pour :14
Contre :328
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (145)
Contre : 144
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Groupe SOCR (78)
Contre : 78
Groupe UC (49)
Contre : 49
Groupe LaREM (21)
Contre : 20
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Thani Mohamed Soilihi, Président de séance
Groupe RDSE (21)
Contre : 21
Groupe CRCE (15)
Pour : 14
N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Esther Benbassa
Groupe Les Indépendants (11)
Contre : 11
Sénateurs non inscrits (5)
Contre : 5