Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Demande d'avis sur une nomination au Conseil constitutionnel
Commission des affaires européennes (Nomination)
Demandes d'inscription à l'ordre du jour
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Prise en charge des mineurs non accompagnés
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
États généraux de la politique de la ville
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
États généraux de l'alimentation
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Réforme du droit des contrats (Suite)
Discussion des articles (Suite)
Ordre du jour du mercredi 18 octobre 2017
Nomination à la commission des affaires européennes
SÉANCE
du mardi 17 octobre 2017
6e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann, vice-présidente
Secrétaires : Mme Françoise Gatel, M. Guy-Dominique Kennel.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Demande d'avis sur une nomination au Conseil constitutionnel
Mme la présidente. - Conformément aux articles 56 et 13 de la Constitution, M. le président du Sénat a saisi la commission des lois pour qu'elle procède à l'audition et émette un avis sur la nomination de Mme Dominique Lottin qu'il envisage de nommer aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel, en remplacement de Mme Nicole Belloubet.
Commission des affaires européennes (Nomination)
Mme la présidente. - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires européennes a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Demandes d'inscription à l'ordre du jour
Mme la présidente. - Par lettre en date du 12 octobre 2017, M. Hervé Marseille, président du groupe Union centriste, a demandé l'inscription dans son espace réservé du jeudi 26 octobre d'un débat sur le thème : « Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ? ».
Ce débat sera inscrit, au sein de cet espace réservé, avant l'examen de la proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d'eau potable.
Le président du groupe Union centriste a également demandé que la durée de la discussion générale sur cette proposition de loi soit réduite d'une heure à trente minutes.
Il en est ainsi décidé.
Par lettre en date de ce jour, M. Claude Malhuret, président du groupe République et Territoires / Les Indépendants, a demandé l'inscription de deux débats dans l'espace réservé à son groupe du mercredi 25 octobre, sur les thèmes suivants : l'intelligence artificielle, enjeux économiques et cadres légaux ; la participation dans l'entreprise, outil de croissance et perspectives.
Les débats inscrits dans ces espaces réservés pourraient être organisés sous la forme de questions / réponses, selon le principe retenu par la Conférence des présidents réunie le 5 octobre dernier.
L'organisation proposée par la Conférence des présidents pourrait faire l'objet d'un ajustement. Le nombre de questions passerait de 17 à 21, avec la répartition suivante : Les Républicains : 6 questions, SOCR : 4 questions, UC : 3 questions, LaREM : 2 questions, RDSE : 2 questions, CRCE : 2 questions, RTLI : 1 question, non-inscrits : 1 question.
Si les non-inscrits n'utilisaient pas leur question, elle serait attribuée au groupe Les Républicains.
Il en est ainsi décidé.
Enfin, le Sénat ne siègerait pas le soir du mardi 31 octobre.
Il en est ainsi décidé.
Réforme du droit des contrats
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Discussion générale
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - L'ordonnance du 10 février 2016 dote la France d'un droit des obligations modernisé, accessible et attractif. Le Gouvernement vous propose en effet, comme il s'y était engagé en 2015, de ratifier cette ordonnance, même si le Sénat s'était alors opposé fermement au principe même de l'habilitation sur ces questions. Une réforme historique était devenue urgente et indispensable.
Alors que des pans entiers de notre code civil ont été rénovés et que les pays qui s'étaient inspirés du code Napoléon ont modifié leur législation, le droit français des obligations restait régi par des dispositions inchangées depuis 1804.
Cette contradiction mise au jour lors du bicentenaire du code civil n'a rien déclenché. L'habilitation donnée au Gouvernement en 2015 a remédié à cela.
Le texte de l'ordonnance de 2015 s'appuyait sur les travaux des professeurs Catala et Terré, réalisés entre 2005 et 2011, enrichis par les apports des acteurs publics.
Une large consultation ouverte par la Chancellerie pendant plus de deux mois a recueilli 300 contributions, soit plus de 3 200 pages. De nombreuses réunions de travail ont été organisées.
L'ordonnance du 10 février 2016 n'a pas été élaborée dans le secret d'un bureau ministériel.
La comparaison entre l'avant-projet d'ordonnance et celle qui a été publiée montre que le Gouvernement a amélioré le texte en fonction des contributions apportées.
Ainsi, le champ d'application de la prohibition abusive a été restreint ; le mécanisme de la subrogation conventionnelle a été supprimé. Un rapport au président de la République substantiel a été réalisé, qui constitue un guide précieux d'interprétation pour les praticiens. Il aura fallu attendre près de douze ans, riches de projets et de débats, entre le lancement des travaux, à l'occasion du bicentenaire du code civil, et la publication de l'ordonnance.
Entrée en vigueur le 1er octobre 2016, cette ordonnance n'est donc pas une révolution, mais le fruit d'un travail collectif incessant, en collaboration étroite entre les praticiens et la Chancellerie. La réforme a été menée selon un double objectif : améliorer l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi et rendre le droit plus efficace et plus attractif sans sacrifier les intérêts des parties les plus faibles.
Par essence fluctuantes et sources d'insécurité juridique, les solutions jurisprudentielles ont été inscrites dans le droit civil. Formulations plus claires et plus simples, vocabulaire rénové, ont renforcé l'intelligibilité de notre droit, sans sacrifier à la tradition de concision de notre code civil, garant de sa pérennité.
Pour rendre ce droit plus attractif, au-delà de l'abandon formel de la notion de cause, incomprise de nos partenaires européens notamment, l'ordonnance consacre dans la loi certains mécanismes issus de la pratique comme la cession de contrat ou la cession de dette.
Dans le souci de limiter le contentieux, l'ordonnance développe les remèdes unilatéraux à la disposition du créancier, de sorte qu'il évitera ainsi une perte de temps et d'argent préjudiciable à l'exercice de son activité. Les actions interrogatoires permettent de mettre fin à une situation juridique incertaine.
Nous n'avons pas pour autant renoncé aux valeurs traditionnelles et humanistes qui caractérisent notre justice contractuelle. L'ordonnance sanctionne l'exploitation abusive d'une situation de dépendance par un contractant ou les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Elle introduit la révision du contrat pour imprécision.
Cette ordonnance qui a intégré notre régime juridique depuis le 1er octobre 2016 vous est aujourd'hui soumise pour ratification. Son entrée en vigueur est trop récente pour que l'on en mesure l'influence sur ce contentieux ; elle rétablit cependant un équilibre intéressant entre modernisation et maintien des grands principes fondateurs de notre droit des contrats.
Cette ratification s'impose en raison de la confiance accordée par le Parlement pour mener à bien cette réforme historique qui porte sur plus de 300 articles de notre code civil, socle des échanges économiques pour le simple particulier comme pour la grande entreprise ou la très petite entreprise qui ne dispose pas de service juridique.
Elle est aussi un exercice qui suppose un grand esprit de responsabilité.
En vigueur depuis le 1er octobre 2016, le texte s'applique aux seuls contrats conclus depuis cette date. Les professions du droit et des entreprises ont dû adapter leurs pratiques. Le Gouvernement avait prévu une entrée en vigueur différée des nouveaux textes au 1er octobre 2016. L'enjeu de stabilité de notre droit est puissant. Évitons de créer un nouveau délai transitoire qui nuirait à la lisibilité et à la sécurité de notre droit.
Je rends hommage à l'état d'esprit qui a présidé au travail de votre commission des lois et de son rapporteur qui a su veiller à préserver la sécurité de l'ordre juridique établi depuis un an. Sur certains points qui ne modifient ni le sens ni même l'esprit des textes, l'ordonnance a été améliorée Les commentateurs nombreux de cette ordonnance ont surtout fait porter leurs critiques sur les difficultés d'interprétation du texte. Puissent nos débats éclairer nos intentions et lever ces difficultés, nul besoin pour autant de modifier substantiellement le texte.
« Il faut laisser le bien si on est en doute du mieux, qu'en corrigeant un abus, il faut encore voir les dangers de la correction même, qu'il serait absurde de se livrer à des idées absolues de perfection, dans des choses qui ne sont susceptibles que d'une bonté relative ; qu'au lieu de changer les lois, il est presque toujours plus utile de présenter aux citoyens de nouveaux motifs de les aimer » disait Portalis.
Donnons à cette ordonnance la valeur symbolique que seule la ratification pourra lui apporter. Vous la ferez ainsi mieux connaître et peut-être aimer de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Je ne vous le fais pas dire...
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois . - Le projet de loi de ratification que nous examinons propose de ratifier une ordonnance qui réforme en profondeur le droit des contrats, le régime général des obligations et le régime de la preuve des obligations.
Le Sénat s'était opposé à ce que le Gouvernement légifère par ordonnance sur ces sujets car la réforme du droit des obligations pose des questions politiques majeures qu'il revient au Parlement de trancher, comme le soulignait Thani Mohamed Soilihi dans son rapport.
Notre attitude restera la même face à ce travail d'une indéniable qualité. Régime de l'imprévision, sanction des clauses abusives, renforcement de l'unilatéralisme, accroissement du rôle du juge, tels sont les choix politiques, et non pas techniques, sur lesquels le Parlement aurait aimé être consulté. Le régime de l'imprévision va d'ailleurs au-delà de ce qui figurait dans l'habilitation. Passons...
Pour autant, cette réforme est absolument nécessaire. Il a fallu une bonne décennie de réflexion française, aiguillonnée par des tentatives inabouties d'harmonisation européenne, le travail de nombreux experts, dont les professeurs Catala et Terré, un avant-projet de réforme publié par le ministère de la justice en 2008 et 2011, des consultations publiques en 2015, plus de 300 contributions adressées à la Chancellerie, mais aussi la consultation par la commission des lois de l'ensemble des professions, juridictions, universitaires et organismes intéressés, pour rafraîchir un droit ancien et inactuel, qui « n'était plus dans le code ».
Moyennant quelques réserves tenant aux « droits acquis », le Conseil constitutionnel nous laisse la possibilité d'exercer l'intégralité de notre pouvoir de législateur.
Le Sénat ratifiera cette ordonnance pour ne pas créer un granule de droit mort-né, il ne réformera pas la réforme ! Nous respectons par exemple la suppression de la cause...Consolider la sécurité juridique du droit des contrats, renforcer l'attractivité du droit français, tels sont nos objectifs.
Des incertitudes demeurent sur l'interprétation de certaines dispositions ; des doutes subsistent sur la portée de certaines règles contenues dans la réforme.
La commission des lois propose d'expliciter les textes qui pourraient susciter des hésitations jurisprudentielles, voire des lois interprétatives. Elle a validé toutes les interprétations qui figurent dans le rapport, par exemple sur l'article 1171 sur les clauses abusives. Lorsqu'il s'agit de définir le contrat de gré à gré, d'encadrer les pouvoirs du juge face à des situations contractuelles compliquées par l'ordonnance, les discussions restent très ouvertes.
Les professionnels sont quasiment unanimes : les travaux sur la réforme ont été bien menés. Nous pouvons la parachever ensemble. Cette tâche aurait été plus aisée si l'on avait définitivement renoncé à appliquer les ordonnances avant leur ratification. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes Les Républicains, UC, RTLI, LaREM et SOCR)
M. Pierre-Yves Collombat . - Je ne saurais oublier de saluer le travail approfondi et la synthèse remarquable de notre rapporteur. Réformer le code civil doit être l'affaire du Parlement, pas celui des fonctionnaires du ministère de la justice, aussi brillants soient-ils.
Ce n'est pas tant le recours à l'ordonnance qui pose problème que sa mise en oeuvre avant sa ratification ; cela bride la volonté du législateur. Il ne faudrait pas que cette méthode devienne un moyen de pression sur le Parlement.
Cela posé, le groupe CRCE ne s'opposera pas à la simplification mise en oeuvre par cette ordonnance, qui renforce la protection de la partie faible en introduisant la notion de bonne foi à toutes les étapes de la conclusion du contrat, celle de vice du consentement pour tenir compte de la violence de la vie économique ; en corrigeant les éventuels déséquilibres entre les parues ; en consacrant le devoir général d'information.
En revanche, rendre notre droit plus attractif est un objectif d'affichage désormais obligatoire de la France start-up qui me laisse rêveur, car les chefs d'entreprise anglo-saxons eux-mêmes n'ont pas l'air d'y être sensibles, vantant même la prévisibilité de notre droit, qu'ils sont donc loin de dédaigner.
Nous sommes en désaccord avec la suppression du pouvoir de révision par le juge à l'article 1195, car cette mesure favorise le déséquilibre. Il ne nous parait pas opportun de modifier les premiers alinéas de l'article 1233, car la formule initiale est tout aussi souple et équitable.
Réviser intelligemment le code civil n'est qu'un préalable. L'application de cette révision suscitera un surcroît de contentieux.
L'union syndicale des magistrats attire à ce propos l'attention de la Chancellerie sur le manque de moyens dévolus à la justice et souligne l'absolue nécessité de comptabiliser le temps dévolu aux modifications des textes de loi. Comment ne pas s'associer à ces réserves ?
Je donne donc rendez-vous au Gouvernement au projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOCR, RDSE et UC)
Mme Anne-Catherine Loisier . - À la suite des inquiétudes formulées par les chefs d'entreprises, la délégation sénatoriale aux entreprises m'a chargée d'examiner l'impact de cette ordonnance sur les entreprises. Je remercie le rapporteur François Pillet pour sa collaboration et ses apports fructueux.
Cette réforme était attendue par le monde économique. La chambre de commerce de Paris la réclamait déjà en 2006, puis en 2008, soulignant l'enjeu de compétitivité et d'attractivité. L'impact de cette réforme est loin d'être négligeable.
Les pouvoirs du législateur ont été limités pour modifier cette ordonnance. Il s'agissait d'éviter un droit transitoire que les entreprises ne souhaitaient pas.
Le Medef a salué un plus grand équilibre entre la modernisation du droit français et le respect de ses principes fondamentaux : liberté contractuelle, force obligatoire et effet relatif du contrat Des imperfections demeurent, mises en évidence par les auditions.
Le groupe UC partage les propositions de la commission des lois pour clarifier le sens de la loi. Universitaires, magistrats, tous n'ont cessé de réclamer plus de précisions. Ainsi, l'article 1171 du code civil ne doit pas s'appliquer dans des champs couverts par d'autres codes.
L'article 1195 du code civil est amendé en privant le juge de son pouvoir de révision du contrat. En revanche, en cas de désaccord entre les parties, il pourra mettre fin au contrat. Telles sont quelques-unes des bonnes mesures prises par la commission des lois.
L'objectif de sécurité juridique est essentiel pour nos entreprises. Le texte trouve un équilibre entre la stabilité d'un droit déjà en vigueur et les nécessaires clarifications attendues par les professionnels du droit. Je remercie notre rapporteur d'être parvenu à cette délicate synthèse.
Ce débat aurait dû se tenir en amont, avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance. Contourner le Parlement, c'est créer une situation d'insécurité. Le Sénat a choisi de privilégier l'intérêt des entreprises et du droit français. Nous souhaitons cependant que ce passage en force ne se répète pas.
Le groupe UC demeurera attentif aux réalités et aux besoins des acteurs économiques, notamment des PME, ainsi qu'aux retours du terrain et aux effets collatéraux de cette réforme. Il suivra également les effets internationaux de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Jacques Bigot . - Finalement, le Sénat va se montrer bon enfant à l'égard du Gouvernement, alors même qu'il était peu favorable au transfert de ses compétences par une loi d'habilitation. Il aurait pu souhaiter modifier le texte. Dans sa grande sagesse, sous le regard de Portalis, il ne l'a pas fait. D'aucuns ont changé d'avis au fil du temps. Le précédent rapporteur, M. Thani Mohamed Soilihi, était totalement opposé à cette loi d'habilitation. Entre-temps, il est devenu « Marcheur » et il estime désormais qu'une loi d'habilitation pour modifier le droit du travail est tout à fait envisageable. (Sourires)
L'histoire du code civil montre qu'il a fallu régulièrement le modifier par des lois spécifiques. Le texte de 1804 ne régit plus le droit du travail, ni les baux commerciaux. Le législateur est en effet intervenu.
Sans trop bouleverser la situation car les professionnels du droit ont déjà fait leur ordonnance, il serait bon que nous tenions compte du travail accompli dix ans durant par les experts. La compilation de la jurisprudence rendait une clarification nécessaire. Le Gouvernement a eu le courage de se lancer dans cette entreprise et il a abouti.
Certains concepts obsolètes ont ainsi été abandonnés. La distinction subtile entre l'objet et la cause du contrat était devenue impraticable et difficilement explicable aux étudiants en droit. Nous avons abandonné la cause, c'est une bonne chose.
Les principes doivent rester : ainsi en est-il des notions de liberté et de sécurité contractuelles. Celle de bonne foi est certes un peu désuète, mais essentielle. Parvenir à ce que les juges veillent à son respect est important.
On peut regretter que le Parlement n'ait pas pu travailler davantage sur ces textes. Le monde économique a besoin de sécurité, de contrats efficaces mais aussi d'équité. Il convient aussi d'éviter les contentieux et les interprétations complexes.
L'équité ne consiste pas seulement à défendre le faible du fort. Portalis en parlait déjà. Elle concerne aussi la manière dont on construit un contrat.
La résolution du Conseil de l'Europe de 1976 sur les clauses abusives montre qu'il reste du chemin à parcourir en la matière. Toute clause qui crée un déséquilibre dans les contrats d'adhésion est réputée non écrite.
Quel rôle doit avoir le juge lorsqu'il n'y a pas d'accord entre les parties ? Doit-il mettre fin au contrat ou procéder à sa révision ? Le juge pourra désormais jouer un rôle de conciliation, car il n'est pas forcément de l'intérêt des parties de résilier le contrat.
Le groupe SOCR, tout en regrettant l'habilitation, approuvera votre ordonnance pour éviter toute insécurité juridique. Les parlementaires auront fait leur travail sous contrainte. La jurisprudence continuera à faire évoluer le droit. Les commentateurs auront encore du travail ; peut-être nous aussi. (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et sur quelques bancs du groupe LaREM)
M. Alain Marc . - « Ma vraie gloire n'est pas d'avoir gagné quarante batailles. Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n'effacera, ce qui vivra éternellement, c'est mon code civil », disait Napoléon. Il avait raison : 200 ans après, son code civil est toujours là.
En 2015, le Sénat s'était opposé à ce que le Gouvernement procède par ordonnance à la réforme la plus ambitieuse du code civil depuis 1804.
L'ordonnance est entrée en vigueur il y a un an. Le rapporteur a estimé qu'il fallait la ratifier sans modification majeure, pour éviter la coexistence de trois droits successifs, mais la stabilité du droit gagnerait à ce que l'on ratifie ces ordonnances avant leur entrée en vigueur.
Cette réforme de grande ampleur du droit des contrats et des obligations effectuée par ordonnance sera suivie d'une toute aussi grande réforme du droit de la responsabilité civile qui fera l'objet d'un projet de loi, ce dont nous nous félicitons.
Sanction des clauses abusives dans les contrats d'adhésion, intégration de la théorie de l'imprécision, faculté de remplacement sans autorisation du juge, telles sont quelques-uns des changements introduits par cette ordonnance.
La commission des lois a adopté quatorze amendements de clarification, de précision ou de mise en cohérence. Elle a également mieux articulé les règles en matière de capacité et de représentation avec le droit des sociétés. Elle a supprimé le pouvoir de révision du contrat par le juge en cas de changement imprévisible de circonstances. Enfin, elle a affirmé clairement que cette loi nouvelle ne s'appliquerait pas aux contrats conclus antérieurement.
Je remercie notre rapporteur. Cette réforme est nécessaire. La commission a apporté les modifications utiles. Le groupe RTLI votera le texte, tout en regrettant cette loi d'habilitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RTLI ; M. Alain Richard applaudit également.)
Mme Maryse Carrère . - Lors de la publication de l'ordonnance du 10 février 2016, beaucoup ont rappelé la nécessité de modifier le texte du Livre III du code civil. Pendant des siècles en effet, le syndrome de la « main tremblante », moqué par Montesquieu, a tenu ce Livre III hors de portée du législateur.
Il faut féliciter ceux qui, à la suite du professeur Catala, se sont attachés à cette tâche.
Une actualisation était nécessaire : l'évolution parallèle des droits de la consommation et de la concurrence, d'une part, et de la jurisprudence en matière civile, d'autre part, ont généré un autre défaut dénoncé par l'auteur des Lettres Persanes : « Quelques-uns ont affecté de se servir d'une autre langue que la vulgaire : chose absurde pour un faiseur de lois. Comment peut-on les observer, si elles ne sont pas connues ? »
Ratifier des ordonnances sans nous laisser la possibilité d'en débattre menace notre devoir de législateur.
Le groupe RDSE souhaite que les modifications introduites ne s'éloignent pas de l'esprit de 1804, tel que résumé par Portalis : « Un homme qui traite avec un autre homme doit être attentif et sage ; il doit veiller à son intérêt, prendre les informations convenables, et ne pas négliger ce qui est utile. L'office de la loi est de nous protéger contre la fraude d'autrui, mais non pas de nous dispenser de faire usage de notre propre raison ».
La promotion du principe de la liberté contractuelle est essentielle. L'effort d'actualisation est incontestable.
Dans le Livre III, de nouveaux concepts comme les contrats d'adhésion ou les contrats conclus par voie électronique constituent des nouveautés qui vont dans le bon sens.
Nous saluons le renforcement de la protection de la partie faible.
Nous considérons aussi que l'introduction de la théorie de l'imprévision au sein du code civil permettra d'apaiser les relations contractuelles en garantissant mieux l'équilibre financier du contrat : la théorie de l'imprévision garantira ce point. Protéger c'est sanctionner la fraude, mais aussi la prévenir.
Bien entendu, on ne réécrit pas près de trois cent articles sans créer quelques incertitudes, et certains ajustements seront peut-être nécessaires par la suite.
Dans l'ensemble, nous sommes favorables à cette ratification.
Nos inquiétudes sont ailleurs, à l'approche de l'examen du budget. Des moyens supplémentaires devraient être prévus afin que les magistrats puissent appliquer les réformes que nous votons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE).
M. Arnaud de Belenet . - Avec l'humilité qu'induit mon récent mandat, je salue ce long travail de refonte du droit des contrats. Il répond à des impératifs d'efficience, d'attractivité du droit français. On tirerait toutefois vanité de l'affirmer aujourd'hui alors que l'ordonnance est si récente. Néanmoins, ce texte est largement approuvé par les universitaires et par les praticiens du droit.
Le texte innove par la suppression de la cause du contrat. Il répond en cela à la situation actuelle, notamment le développement du numérique.
« Le tamis parlementaire a des vertus intrinsèque » disait Guy Carcassonne. Le travail de la commission des lois a été essentiel sur nombre de points telles que la clarification et la bilatéralisation des définitions respectives du contrat de gré à gré et du contrat d'adhésion, l'exclusion de la perte de chance des préjudices réparables ou encore la détermination du délai raisonnable susceptible d'interprétations. La commission a également prévu la saisine du juge, en cas de prix abusif, mais aussi pour qu'il prononce la résolution du contrat, pour couvrir l'hypothèse où l'exécution de celui-ci n'est pas achevée.
Notre rapporteur a réaffirmé l'importance de ne pas laisser prospérer une jurisprudence controversée. Le groupe LaREM votera la ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. François Pillet applaudit également.)
Mme Muriel Jourda . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous débattons ici d'un projet ambitieux et nécessaire. Le droit des obligations est issu du code civil et d'une jurisprudence abondante. La prévisibilité étant essentielle pour les acteurs économiques, une réforme était nécessaire et elle a fait l'objet de nombreux travaux. L'objectif de clarté est en grande partie atteint. La réforme renforce la cohérence de notre droit des contrats en codifiant la jurisprudence. Elle inclut également des innovations telles que la violence économique ou des précisions sur la théorie de l'imprévision, ou les actions interrogatoires. En outre, le juge pourra intervenir sur les contrats en cours. La commission des lois a choisi la ratification de cette ordonnance qui a reçu un bon accueil.
Toutefois, rappelons que cette réforme est marquée par un certain mépris du législateur, en raison du choix de recourir à l'ordonnance. Le Sénat avait rappelé l'importance d'un débat public sur cette réforme aux innombrables conséquences, qui ne sont pas que techniques, mais aussi politiques.
La marge de manoeuvre du Sénat est plus que jamais limitée, sauf à créer encore plus d'insécurité juridique. La commission des lois a néanmoins estimé nécessaire d'apporter quelques correctifs.
Tout en regrettant la méthode, le groupe Les Républicains votera la ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Le Sénat, bon enfant ? Je juge l'expression familière. J'ai plus de respect pour le Sénat qui, une fois encore, fait ici preuve de responsabilité. J'ai rappelé la concertation, le travail de nombreux experts.
Notre Constitution prévoit le recours aux ordonnances, nous sommes donc tout à fait respectueux de nos institutions et le Gouvernement respecte pleinement le Parlement - aussi le recours aux ordonnances ne mérite-t-il pas l'opprobre.
Monsieur Collombat, merci pour votre soutien. Quoique éloignées du sujet qui nous occupe aujourd'hui, vos préoccupations sur le fonctionnement de la justice ont été notées. Le budget de la justice augmentera de 4 % en 2018 comme en 2019 et 2020.
Madame Loisier, merci de votre soutien à un texte effectivement équilibré. Le classement du rapport Doing Business de la Banque mondiale montre que la France améliore sa réputation dans le monde des affaires, mais aussi que nous avons encore beaucoup à faire. Pour être plus attractifs, nous avions tout intérêt à réformer notre droit des contrats - et il serait utile, pour aller plus loin, d'installer une juridiction des brevets ou encore de traduire les jugements en anglais.
Mme Loisier a déploré le délai d'examen du texte. N'oublions pas qu'il y a eu une élection entre-temps.
Merci à M. Bigot d'avoir souligné le courage nécessaire à cette oeuvre de réforme. Vous avez raison, l'histoire ne s'arrête pas là, les acteurs s'empareront de ce texte.
Merci aussi à Alain Marc pour son soutien et son sens de la mesure.
J'ai apprécié les propos de Mme Carrère sur le fait que la rationalité l'emporte sur l'émotion. Vous avez souligné l'importance d'accompagner la réforme. Le rapport au président de la République représente un vade-mecum. Des fiches pratiques ont également été établies pour les acteurs de terrain.
Monsieur de Belenet, votre hommage à M. Carcassonne m'a touchée. Merci aussi de votre soutien.
Madame Jourda, l'ordonnance a été très bien reçue par les acteurs.
Encore une fois, aucun mépris du Gouvernement à l'égard du Parlement, au contraire.
Nous aurons à retravailler ensemble sur la responsabilité, dernier chantier du code civil.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté.
L'article 2 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
L'amendement n°26 rectifié est retiré.
L'article 3 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1112-1 du code civil est ainsi modifié :
1° Au début, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque contractant est tenu de se renseigner sur les éléments du contrat qui sont déterminants de son consentement. » ;
2° Au premier alinéa, les mots : « ou fait confiance à son cocontractant » sont supprimés.
Mme Colette Mélot. - Cet amendement vise, comme les huit autres que je présenterai, à renforcer l'attractivité du droit français.
Le nouvel article 1112-1 du code civil introduit un devoir général d'information, d'ordre public, subordonné à plusieurs conditions : l'importance déterminante de l'information pour le consentement de l'autre partie, la connaissance de l'information par le créancier, l'ignorance de l'information par l'autre partie.
Le devoir de se renseigner ne saurait annihiler l'obligation d'information : il reviendra au juge de trouver le juste équilibre entre ces deux obligations.
Cet amendement incite le juge à tenir compte de la situation particulière des parties.
M. François Pillet, rapporteur. - Les auditions ont bien montré que le devoir de s'informer était un point saillant de la réforme, j'en ai tenu compte dans mon rapport. Je rappelle que j'ai proposé à la commission des lois de ne modifier l'ordonnance que lorsque c'était indispensable, préférant éclairer le texte grâce à nos travaux préparatoires - qui ont valeur législative.
Le texte consacre bien un devoir de s'informer. Lorsque l'information est accessible, son ignorance ne sera plus légitime et n'emportera pas la nullité du contrat. Inversement, en cas de lien de confiance entre les parties, le devoir d'information est accru.
Cet amendement est donc satisfait par la rédaction du texte et nos débats. Retrait, sinon rejet.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je partage l'avis du rapporteur. Le devoir d'information trouve bien sa limite dans le texte. Le manquement à ce devoir ne peut être sanctionné que lorsque c'est légitime. Le devoir de se renseigner sera modulé.
Mme Colette Mélot. - Merci à Mme la ministre et M. le rapporteur. Je retire mon amendement.
L'amendement n°7 est retiré.
L'amendement n°27 est retiré.
ARTICLE 4
Mme la présidente. - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'article 1117 clarifie le sort de l'offre de contracter en cas d'incapacité ou de décès de son auteur avant son acceptation. Il est désormais prévu que l'offre devient alors caduque, que l'offre comporte ou pas de délai.
En revanche, prévoir, comme le propose la commission des lois, que l'offre est également caduque en cas de décès du destinataire de l'offre ne nous semble pas opportun.
La personne du cocontractant est déterminante dans certains cas - lorsque le contrat est intuitu personae, par exemple le recrutement d'une personne pour ses compétences - mais pas dans d'autres, par exemple une promesse de vente immobilière. Laissons le juge se prononcer au cas par cas.
M. François Pillet, rapporteur. - Avis défavorable.
Certes, l'offre deviendrait caduque quand le contrat dépend d'une personne. Mais le silence de la loi est regrettable et source d'insécurité juridique. Les héritiers d'une personne décédée devraient s'en remettre au tribunal. Ce n'est ni protecteur ni stable.
M. Jacques Bigot. - Le groupe SOCR soutient le rapporteur. Il est important pour le cocontractant d'avoir une sécurité sur son contrat.
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Cet article concerne le doute sur l'existence d'un pacte de préférence. Le tiers peut interpeller pour avoir confirmation : si le bénéficiaire présumé du pacte ne répond pas, alors il ne pourra plus s'en prévaloir. La commission des lois a fixé un délai de deux mois.
Songeons au franchiseur, qui doit pouvoir examiner l'opportunité d'un rachat. Le délai de deux mois peut être soit trop long, soit trop court. Revenons à la rédaction initiale du délai raisonnable.
M. François Pillet, rapporteur. - Quid du délai raisonnable ? La Cour de Cassation s'est penchée dessus, dans un délai peu raisonnable...
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Cela a été sanctionné par la Cour de justice européenne.
M. François Pillet, rapporteur. - La commission des lois a fixé ce délai pour éviter des contentieux.
Pourquoi le bénéficiaire éventuel du pacte de préférence n'aurait-il pas le temps de répondre, en deux mois ? Des cas de procédure autrement plus compliqués, existent déjà, en particulier devant la Cour de Cassation, sans que personne ne s'en alarme... Avis défavorable.
M. Jacques Bigot. - Merci de ce débat en séance. Mme la ministre a raison. Le délai doit être donné par le tiers qui interroge. Si ce délai est jugé insatisfaisant, la justice peut être saisie. La souplesse est plus adaptée à la pratique. Le groupe SOCR suivra la ministre.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le groupe CRCE suivra le rapporteur, préférant tout ce qui apporte de la précision.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
ARTICLE 5
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À l'article 1132 du code civil, les mots : « de droit ou » sont supprimés ;
Mme Colette Mélot. - Le nouvel article 1132 du code civil introduit l'erreur de droit, jusqu'à présent inconnue en droit français. Ce faisant, il porte atteinte à la règle selon laquelle nul n'est censé ignorer la loi. Le risque est que le justiciable invoque cette erreur. En outre, l'erreur de droit n'est pas définie.
Supprimons toute référence à cette erreur.
M. François Pillet, rapporteur. - L'ordonnance ne fait que consacrer la jurisprudence établie sur ce sujet, sans élargir aucunement l'erreur de droit. L'application en a toujours été mesurée. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Colette Mélot. - Je retire l'amendement n°4 rectifié bis.
L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°16, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
1° L'article 1137 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. » ;
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le Gouvernement a délibérément souhaité ne pas lier devoir précontractuel d'information et réticence dolosive, c'est-à-dire le fait de retenir sciemment une information dont on sait le caractère déterminant pour que l'autre partie signe le contrat - et qui, du fait de ce caractère déterminant, entraîne la nullité du contrat. Ce faisant, nous sanctionnons plus gravement le dol, qui implique l'intention de tromper, que la simple négligence.
Or la commission des lois fait dépendre la réticence dolosive de la violation d'un devoir légal d'information préexistant.
Le Gouvernement souhaite donc un retour à la rédaction initiale du deuxième alinéa de l'article 1137.
Cependant, pour ne pas pénaliser la vie des affaires, nous supprimons la principale difficulté que pouvait susciter cette déconnexion entre dol et devoir d'information : nous proposons d'exclure de la réticence dolosive, l'estimation de sa propre prestation.
M. François Pillet, rapporteur. - Vous consacrez la jurisprudence Baldus, ce à quoi je suis favorable ; mais votre rédaction fait subsister des incohérences.
Le dol implique une dissimulation intentionnelle, or celle-ci l'est nécessairement.
Je précise que la rédaction de la commission des lois reprend exactement celle de l'avant-projet d'ordonnance.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Justement.
M. Jacques Bigot. - Ces échanges techniques démontrent bien que nous avions besoin d'un débat. Dès lors qu'une partie savait que l'information était déterminante pour le consentement de l'autre partie, elle devait la communiquer : la notion importante ici est celle de la bonne foi, qui disparaît dans la rédaction de la commission des lois. Ce n'est pas un hasard si la rédaction a évolué entre l'avant-projet et le projet.
M. François Pillet, rapporteur. - La bonne foi couvre tout le texte. Elle n'est donc pas exclue.
L'amendement n°16 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° L'article 1139 est ainsi rédigé :
« Art. 1139. - L'erreur qui résulte de manoeuvres ou de mensonges constitutifs d'un dol est toujours excusable. L'erreur qui résulte de la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie n'est excusable qu'à condition que cette dernière ignore légitimement ladite information.
« L'erreur qui résulte d'un dol est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat. » ;
Mme Colette Mélot. - Le nouvel article 1139 du code civil, qui précise que l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable, ne prend pas en compte la réticence dolosive. Une telle omission donne la possibilité à la partie qui s'en prétend victime, d'obtenir la nullité d'un contrat alors même qu'elle aurait failli à son devoir de se renseigner.
M. François Pillet, rapporteur. - Il n'est nul besoin de modifier l'article 1139 du code civil, dans la mesure où notre rédaction subordonne déjà la position du dol à la violation d'un devoir légal d'information. Retrait.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Colette Mélot. - Merci pour ces explications. Je le retire.
L'amendement n°8 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
M. Pierre-Yves Collombat. - La commission a réduit la notion de dépendance, à la dépendance « économique » : mieux vaut le terme général, nous réformons ici le code civil, quand bien même tel ou tel code protège les individus dans des cas de faiblesse ou de handicap. Je vous propose de rétablir le texte de l'ordonnance.
Mme la présidente. - Amendement identique n°15, présenté par le Gouvernement.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'article 1143 du code civil constitue l'une des innovations essentielles de la réforme. Il consacre la jurisprudence sur le vice de violence économique en prévoyant de sanctionner, à côté de la violence au sens classique, l'exploitation abusive de la situation de dépendance dans laquelle se trouve une partie vis-à-vis de son cocontractant.
La commission a modifié cet article pour y préciser que la dépendance devait être économique.
Cet abus de dépendance a effectivement été reconnu par la Cour de Cassation. Toutefois, l'intention du Gouvernement était précisément de ne pas restreindre le champ de cette disposition à la seule violence économique.
Limiter l'abus de dépendance aux seules relations économiques reviendrait à exclure les abus commis à l'égard des personnes âgées en situation de dépendance, des personnes illettrées ou sous l'emprise d'une secte par exemple.
La rédaction initiale était volontairement large. Revenons-y. Si j'entends les inquiétudes sur les notions d'abus et de dépendance, le texte du Gouvernement en assure une définition objective.
M. François Pillet, rapporteur. - Les exemples que vous prenez sont déjà couverts par la loi, en particulier dans le code pénal et dans le code de la consommation. Qui plus est, lorsque le juge condamne pénalement les conditions dans lesquelles le contrat a été signé, on n'imagine guère qu'il n'annule pas le contrat lui-même...
En revanche, sans l'adjectif « économique », le caractère de la dépendance devient incertain, l'expression devient imprécise. La notion de dépendance économique est bien encadrée par la jurisprudence, tenons-nous y. Avis défavorable.
M. Jacques Bigot. - Le code civil est d'inspiration libérale, ses rédacteurs se sont d'abord réglés sur la figure de sujets autonomes ; puis on s'est rendu compte qu'il y avait des personnes dépendantes, que le droit a protégées par divers outils - en particulier les vices de consentement, les abus de faiblesse, qui entrainent nullité du contrat.
Le droit protège les personnes vulnérables et l'adjectif « économique », ici, restreint cette protection. Or cette ordonnance a été écrite en février 2016, sous un gouvernement de gauche - avant le tournant libéral que nous connaissons aujourd'hui. Nous voterons l'amendement de M. Collombat et du Gouvernement - lequel, pour une fois est plus de gauche que de droite... (Sourires)
M. Pierre-Yves Collombat. - Dans quelle situation se trouve une personne âgée, incapable de décider pour elle-même ? Ce n'est pas clair ! L'enjeu est de protéger les personnes vulnérables. Je ne comprends pas les réticences de la commission des lois. Le travail approfondi qu'elle a fait, devait servir la clarté et la précision du texte, voire à le rééquilibrer si nous constations un déséquilibre. Nous parlons ici de protection : il y a celle qu'offrent les divers codes, celui de la consommation en particulier, mais nous traitons ici du code civil, du principe général. Pourquoi la commission des lois se bloque-t-elle ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le juge pénal n'a pas toujours la capacité de prononcer la nullité du contrat. Revenons à la rédaction initiale.
M. François Pillet, rapporteur. - Je suis conscient du problème. Il ne s'agit pas d'introduire subrepticement des dispositions libérales dans le texte. Mais notre droit comporte déjà des dispositions protectrices, comme le vice de consentement. Je propose de revenir sur ce point lors de la navette - mais je maintiens mon avis défavorable.
Les amendements identiques nos1 et 15 ne sont pas adoptés.
L'article 5 est adopté.
La séance est suspendue à 16 h 35.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook. J'appelle chacun de vous à respecter son temps de parole - j'y insiste avant de passer, s'il le faut, à des mesures coercitives - et à observer le respect de la parole de l'autre.
Expulsion des clandestins
Mme Brigitte Lherbier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Sur le site internet du ministère de l'intérieur, on peut lire : « Présent sur le territoire national sans titre de séjour valable, l'étranger est (...) en situation irrégulière. » Cette loi, comme c'est malheureusement souvent le cas, est peu ou pas appliquée. L'assassin des deux jeunes filles sauvagement tuées à Marseille était un clandestin qui avait commis des délits à répétition. On estime à plusieurs centaines de milliers les étrangers en situation irrégulière sur notre territoire.
Lors de son intervention télévisée de dimanche, le président de la République a promis l'expulsion de tous les étrangers en situation irrégulière ayant commis un délit quel qu'il soit. La langue du président de la République a-t-elle fourché ? A-t-il cultivé une savante ambiguïté ? Cela mérite quelques éclaircissements quand la loi française prévoit l'expulsion de tous les clandestins, qu'ils aient commis ou non un délit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Les services de l'État sont pleinement mobilisés pour éloigner les étrangers en situation irrégulière qui présentent une menace pour l'ordre public. Le président de la République a confirmé cette orientation prioritaire, le ministre de l'intérieur a envoyé le 10 octobre aux préfets une circulaire en ce sens en insistant sur l'attention à porter aux sortants de prison. Notre droit prévoit à leur encontre une obligation de quitter le territoire français et le placement en rétention s'il existe un risque de fuite. Pour les sortants de prison, il faudra mieux anticiper les éloignements durant la phase d'emprisonnement.
Pour faciliter l'identification des interpellés, un système biométrique sera déployé dans les prochains mois. En 2018, les forces de l'ordre seront dotées d'équipements pour prendre les empreintes digitales sur place et effectuer des consultations mobiles des fichiers.
Notre politique est ferme. (On en doute sur les bancs du groupe Les Républicains.) Cela ne nous empêche pas d'accueillir, au titre de l'asile, les réfugiés menacés dans leur propre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. Yves Daudigny et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
Prise en charge des mineurs non accompagnés
Mme Élisabeth Doineau . - Le 5 septembre, le président de la République a demandé à revoir la prise en charge des mineurs non accompagnés. Dans le rapport d'information que j'ai présenté avec notre ancien collègue Godefroy, nous annoncions une explosion des prises en charge : 13 000 mineurs à la fin 2016, 25 000 à la fin de cette année. Tous les départements sont touchés, ces records n'ont jamais été atteints. Les agents départementaux sont dépassés, ils sont proches du burn-out professionnel. Notre mission historique de protection de l'enfance est en danger.
Embolie des structures d'accueil, difficulté à évaluer la minorité, difficulté à identifier les documents administratifs quand il y en a, difficulté à bénéficier d'interprètes, difficulté à retracer des parcours migratoires souvent chaotiques... Que pouvons-nous proposer à ces jeunes, sinon l'apprentissage ? Là encore, c'est un parcours du combattant. Et je ne parle pas de la prise en charge des traumatismes, du lien avec les parquets...
M. Alain Fouché. - Ce sont les départements qui paient !
Mme Élisabeth Doineau. - L'État doit prendre ses responsabilités. Les conseils départementaux attendent des mesures concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Vous avez raison, madame la sénatrice, de souligner l'urgence de la situation. Le 15 septembre dernier, un comité de pilotage s'est tenu avec Mme Buzyn. Le Fonds national de la protection de l'enfance a été abondé à hauteur de 6,5 millions d'euros. L'État tiendra son engagement de rembourser aux départements 30 % du coût de la prise en charge des enfants au titre de l'aide sociale à l'enfance pour l'an passé.
La phase d'évaluation et de mise à l'abri de ces jeunes pose une grande difficulté. Certains jeunes déclarés majeurs dans un département vont ailleurs retenter leur chance. Nous devons tout faire pour éviter cela et harmoniser nos procédures.
M. le Premier ministre sera vendredi à l'Assemblée des départements de France pour présenter un plan d'action très concret. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
États généraux de la politique de la ville
M. Frédéric Marchand . - La politique de la ville est née il y a quarante ans. Malgré les progrès réalisés, le regard porté sur les quartiers populaires reste trop souvent négatif et stéréotypé.
Les habitants de ces quartiers ne veulent pas être assignés à résidence, ils revendiquent la dignité et, bien sûr, du travail. Maire d'Hellemmes pour quelques jours encore, je suis conscient de la difficulté à faire vivre la promesse républicaine de l'égalité. Au-delà du dédoublement des classes de CP en REP+, que fera le Gouvernement pour soutenir ces territoires en souffrance qui ont des besoins en matière de logement, d'emploi, d'éducation, de sécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - J'entends le message des élus locaux. Depuis quarante ans, la politique de la ville a connu des hauts et des bas. Si elle avait été une réussite totale, elle n'existerait plus. Nous faisons face à des situations très diverses. Les habitants de ces quartiers veulent les mêmes droits, les mêmes chances que les autres ; le droit commun, en somme.
Le Gouvernement a pris l'engagement de reconduire cette année et les suivantes les 430 millions d'euros de la politique de la ville et de mettre 80 millions supplémentaires pour la dotation de solidarité urbaine.
L'éducation est une priorité : 2 500 classes ont été dédoublées en REP+ ; c'est un geste fort. Des emplois francs seront créés dans les quartiers de la politique de la ville. La sécurité n'est pas oubliée : la police de proximité sera rétablie, ce qui permettra aussi de lutter contre le communautarisme. Si la République recule, d'autres prendront sa place et ils se tiennent prêts. Nous avons besoin d'une politique forte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ainsi que sur quelques bancs du groupe UC)
Assises des outre-mer
M. Stéphane Artano . - Les Assises des outre-mer seront lancées jeudi prochain à Saint-Pierre-et-Miquelon. J'espère qu'elles ne connaîtront pas le triste sort des états généraux et seront un succès.
En posant comme postulat que les assises permettront de réinventer les outre-mer, certains laissent penser que les élus ultramarins n'ont rien fait. Pourtant, nos territoires sont en mouvement. À Saint-Pierre-et-Miquelon, en 2009, nous avons adopté un schéma de développement économique à 20 ans qui a reçu le soutien de l'Union européenne ; en 2015, nous avons adopté avec l'État notre feuille de route qui comprend 38 mesures concrètes.
Comment organiserez-vous l'articulation entre les assises, les projets États/collectivités territoriales et les programmes de convergence de la loi sur l'égalité réelle ? Comment financerez-vous les nouvelles mesures ? L'État fera-t-il in fine payer la facture aux collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer . - Le président de la République a souhaité que ces assises soient organisées dès le début du quinquennat pour développer des politiques innovantes et inventer des outils. Les priorités varient selon les territoires : jeunesse en Nouvelle-Calédonie, priorités développées avec les élus locaux à Saint-Pierre et Miquelon. Elles seront décidées avec les élus, la société civile, mais aussi avec tous les citoyens qui seront consultés à travers une plate-forme numérique.
L'objectif n'est pas de tout oublier et de tout reconstruire, nous voulons remettre en perspective et apporter des réponses. Notre ambition est de bâtir un écosystème économique pour aider au développement outre-mer et, bien sûr, d'accompagner les projets sociaux. Prenons en main ces assises pour apporter une réponse efficace et co-constructive. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Stéphane Artano. - Il existe des initiatives dans les territoires. Les programmes existent. Il suffit que le Gouvernement les respecte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Logement social
M. Pascal Savoldelli . - Les déclarations du président de la République dimanche dernier ont suscité une profonde indignation. Il y aurait de l'argent dans certains organismes HLM... On aurait construit une forme de rente... Quel est le montant de cette rente ? Peut-on me citer un chiffre à l'appui de ces graves accusations ? Le mouvement HLM ne pratique pas la distribution des dividendes, les moyens des offices sont réinvestis dans l'économie réelle pour bâtir et réhabiliter des logements.
Après la manifestation de samedi pour le maintien des APL, plusieurs rassemblements se tiennent aujourd'hui pour la défense du logement social. Si la rue ne fait pas la loi, elle est aussi la République sociale inscrite dans notre Constitution.
À quoi serviront, les 3,2 milliards d'euros pris au logement social et aux bailleurs durant deux ans ? À financer les cadeaux faits aux riches qui coûteront la bagatelle de 4 milliards ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - L'État consacre plus de 40 milliards d'euros au logement, notre pays compte encore plus de 4 millions de mal-logés. Il y a là une responsabilité collective qui ne date pas d'aujourd'hui.
Je ne m'abriterai pas derrière les rapports de la Cour des comptes mais quand même... Dans cet hémicycle, j'ai parfois entendu parler de « dodus dormants ». Toutes les structures ne sont pas dans ce cas mais cela signifie qu'il y a une grande diversité et donc nécessité de restructuration et de mutualisation.
M. Pierre Ouzoulias. - Pour les riches, 4 milliards !
M. Gilbert Roger. - Où est la rente ?
M. Jacques Mézard, ministre. - Ma porte est ouverte. M. le Premier ministre a fait des propositions de compensation qui ne sont pas neutres. Je poursuivrai le dialogue pour trouver des solutions constructives - c'est le cas de le dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Pascal Savoldelli. - L'État doit 2 milliards d'euros aux organismes HLM. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE) Voilà une politique de classe. Pour reprendre les mots de Jules Renard, « si on doit fêter votre politique du logement, la plus grande pièce sera la salle d'attente ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Lutte contre la pauvreté
M. Yannick Vaugrenard . - Ce mardi a lieu la journée mondiale de la lutte contre la misère. Les neuf millions de nos concitoyens qui en souffrent subissent la double peine : ils sont pauvres et stigmatisés. Trop souvent, ils sont objet de méfiance, voire de défiance, quand on devrait leur accorder la confiance. Trop souvent, on parle d'assistés quand ce sont des ayants droit. Trop souvent, l'isolement est le compagnon de la misère. La complexité des procédures administratives aboutit à un non recours estimé à 10 milliards d'euros par an. Un enfant sur cinq en France est pauvre, un sur deux en zone urbaine sensible. Des avancées ont eu lieu, certes, mais insuffisantes. Nous avons besoin d'un plan de lutte contre la pauvreté, en lien avec les associations caritatives et humanitaires. Cette politique ne doit pas être l'oubliée de la politique budgétaire, ni servir de variable d'ajustement. Victor Hugo disait : « L'homme n'est pas fait pour traîner des chaînes mais pour ouvrir des ailes ». Lutter contre la pauvreté, c'est redonner des ailes à notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, CRCE et LaREM)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement . - La lutte contre la pauvreté, où que nous siégions dans l'hémicycle, nous rassemble : un enfant sur cinq vit dans la grande pauvreté, 36 % des familles monoparentales. Nous fêtons aujourd'hui tristement le trentième anniversaire de la journée mondiale pour l'élimination de la pauvreté.
Le Gouvernement agit et il agit à tous les niveaux : dans les réseaux d'éducation prioritaire avancée (REP+), nous dédoublons les classes. Nous développons le logement social.
M. Roland Courteau. - Et vous supprimez l'ISF ! (On renchérit sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. - Victor Hugo le disait, il faut savoir limiter la pauvreté sans limiter la richesse. (Marques d'ironie sur les bancs des groupes SOCR et CRCE) Sans richesse, pas de distribution !
J'attends votre soutien à l'amélioration de l'allocation adulte handicapé et à la revalorisation des minima sociaux, qui ne l'avaient pas été depuis cinq ans, lors du projet de loi de finances. Ce matin, le président de la République a réuni l'ensemble des acteurs de la lutte contre la grande pauvreté pour définir avec eux un plan d'action qui doit tous nous mobiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Déserts médicaux
M. Daniel Chasseing . - Ma question s'adresse à la ministre des solidarités et de la santé.
L'absence de médecins condamne les territoires à la désertification. Les progrès technologiques comme la télémédecine sont un plus pour le médecin mais ne sauraient le remplacer. Vous avez proposé un plan d'action qui va dans le bon sens, entre poursuite des incitations et actions nouvelles.
J'émettrai quelques propositions complémentaires : augmenter le numerus clausus, sachant que 20 % des diplômés ne s'installent pas ; instaurer un internat par faculté ; prévoir un stage de six mois chez un médecin généraliste en deuxième cycle ; faire intervenir dans les maisons de santé des médecins salariés par une association hôpital-mairie ou par un groupement hospitalier de territoire ; étudier des solutions plus contraignantes comme le non-conventionnement pour ceux qui s'installent en zone hyperdense ou l'engagement de l'État pour qu'aucune maison de santé ne reste sans médecins... La République doit garantir l'accès aux soins de premiers recours sur tout le territoire. Les zones rurales l'attendent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RTLI et sur certains bancs du groupe SOCR)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - (« Encore ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) Vous représentez le département de la Corrèze, béni des présidents de la République, où il y a manifestement un manque de médecins (Exclamations sur divers bancs). Ce problème touche autant les territoires ruraux que les quartiers fragiles.
Le plan que Mme Buzyn a présenté correspond à vos demandes : trois cents postes d'assistants partagés, salariés par l'hôpital, qui pourront exercer en ambulatoire dans les zones sous-denses, doublement des maisons de santé sur le quinquennat, renforcement des aides à l'installation avec un budget de 200 millions d'euros, possibilité pour les médecins retraités d'avoir une activité à temps partiel, contrats d'adjoint pour les étudiants en zone sous-dense. D'autres mesures pourront s'y ajouter. Nous réfléchissons à l'augmentation du numerus clausus, mais cela ne produira pas d'effets à court terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Daniel Chasseing. - Soyez pour la santé ce que Jules Ferry a été pour l'école, en permettant l'accès à un médecin dans toutes les maisons de santé du territoire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RTLI, RDSE et UC)
Notre-Dame-des-Landes
M. Christophe Priou . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains). Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur l'aéroport du Grand Ouest. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains)
Les élus locaux sont confrontés à des citoyens qui, devant l'inertie de l'État, s'affranchissent de la réglementation, notamment en matière d'urbanisme. Comment comptez-vous rétablir l'État de droit face à ce phénomène contagieux de désobéissance civile ?
Les médiateurs dits indépendants n'ont pas auditionné les collectivités membres du syndicat mixte de l'aéroport. Seul le maire de Saint-Nazaire a été appelé, à 15 heures pour un rendez-vous à Nantes à 17 heures ! Comment ces médiateurs ont-ils été choisis ? Comment les cabinets d'études ont-ils été sélectionnés et mandatés ? Quand aurons-nous les résultats des études ? Nous avons un devoir de vérité envers une population et des élus qui se sentent abusés après un référendum au résultat pourtant incontestable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Je salue le travail considérable réalisé par la mission de médiation sur le projet de transfert de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes. Plus de 150 personnes ont été auditionnées, de tous bords. Sa méthode est celle du dialogue. (M. Bruno Retailleau s'exclame.)
J'ai pris note des cas particuliers que vous signalez. La mission mène un travail d'analyse technique impartial. Elle recourt à des expertises sur la base d'un protocole strict, dans le respect des règles de la commande publique ; leurs conclusions seront rendues publiques.
Je sais que ces travaux sont suivis avec attention tant par les partisans que les opposants au projet. J'entends l'impatience mais nous en sommes encore à la phase de l'analyse et de l'écoute. (M. François Grosdidier s'exclame.) Le Gouvernement fait preuve de diligence et de transparence. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains). La mission rendra son rapport en décembre, le Gouvernement prendra alors ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. Christophe Priou. - Deux des trois experts étaient notoirement opposés au projet avant leur nomination ; ils sont aussi indépendants que Mme Duflot ou M. Mamère !
Les déclarations médiatiques du ministre de la transition écologique et solidaire, qui met sa démission dans la balance, ne nous rassurent guère. Il ferait mieux de méditer l'adage de Jean-Pierre Chevènement sur le temps du silence et la parole ministérielle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
Finances locales ultramarines
M. Georges Patient . - La Guyane n'est pas encore apaisée et deux sujets restent brûlants. L'immigration clandestine d'abord, qui se poursuit à un rythme effréné : 11 000 demandes d'asile pour 250 000 habitants, à tel point que certains parlent de génocide par substitution. Le respect des accords de Guyane ensuite, qui n'apparaissent pas dans le projet de loi de finances et le grand plan d'investissement. J'espère que le président de la République apportera des réponses lors de sa venue la semaine prochaine.
Le dernier rapport de la Cour des comptes est d'une violence inédite à l'égard des élus d'outre-mer. Dans la foulée, le président de la chambre régionale des Antilles-Guyane va jusqu'à appeler la population à sanctionner les élus ! Que d'erreurs grossières et de comparaisons infondées pour mieux démontrer que les difficultés des collectivités ultramarines ne seraient dues qu'à une mauvaise gestion !
Au contraire, elles sont dans une impasse budgétaire structurelle. La Cour reconnait tout de même les lacunes de la péréquation.
M. le président. - Votre question ? (Sourires)
M. Georges Patient. - J'en ai deux. (Sourires) Quel train de vie peuvent mener les communes des DOM dans un tel contexte ? Et quelles mesures comptez-vous prendre pour qu'elles bénéficient d'une péréquation juste et équitable dès 2018 ? (M. Alain Bertrand applaudit.)
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer . - Je ne commenterai pas un rapport de la Cour des comptes, qui est dans son rôle. Les DOM font face à des défis propres que le débat sur leur situation financière ne peut occulter, comme l'explosion démographique en Guyane, face auxquels les collectivités locales ne sont pas armées.
Les accords de Guyane ont traduit l'engagement et la solidarité du Gouvernement en 2017, avec 89 millions d'euros de plus pour les collectivités territoriales et, à terme, un surcroît de recettes de 27 millions d'euros lié à l'octroi de mer.
L'outre-mer souffre de l'éloignement, de l'insularité, d'un taux de pauvreté et de chômage supérieur à la moyenne. Je veillerai à ce que la mission lancée par la conférence nationale des territoires chargée de proposer aux collectivités un contrat de mandature prenne en compte ses particularités. J'ai demandé un rapport sur la structure de charges et de recettes des collectivités ultramarines. Il sera remis au premier semestre 2018. Rien ne sera tabou. Posons le diagnostic en toute transparence, et débattons des solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
États généraux de l'alimentation
M. Pierre Cuypers . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
En 2016, un tiers des agriculteurs français a gagné moins de 350 euros par mois, selon la MSA.
M. Bruno Sido. - C'est un scandale !
M. Pierre Cuypers. - Le président de la République a formulé un certain nombre de propositions : permettre aux agriculteurs de proposer eux-mêmes des contrats aux groupes agroalimentaires avec une prise en compte des prix de production, soutenir le relèvement du seuil de revente à perte, ce qui serait possible, à l'en croire, grâce à la structuration en filières et interprofessions fortes. Permettez-nous d'en douter.
Changer des modèles productifs, peut-être, mais arrêter certaines productions au motif qu'elles ne seraient pas concurrentielles serait catastrophique ! Il faut au contraire donner à l'agriculture les moyens de la compétitivité.
Comment le Gouvernement entend-il donner suite à ces propositions, et selon quel calendrier ? Renvoyer les modes d'application à plus tard serait un mauvais signal.
M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Le discours du président de la République redonne du souffle aux agriculteurs, qui doivent pouvoir vivre dignement de leur métier. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Il comprend plusieurs volets, à commencer par l'inversion du mode de fixation des prix, en partant des prix de revient des producteurs. Le regroupement en organisations professionnelles leur donnera plus de force. Nous voulons que le triptyque producteurs-transformateurs-distributeurs soit gagnant-gagnant-gagnant !
Nous présenterons d'ici la fin de l'année un plan de restructuration des filières pour les aider à construire une vision d'avenir, à investir et à innover. C'est le visage de la Ferme France que nous souhaitons pour demain.
Nous avons déjà bouclé le premier chantier de la répartition de la valeur ; nous ouvrons le deuxième, celui d'une alimentation saine, durable et accessible. Cela signifie miser sur la qualité, le premium, sans altérer le budget du consommateur.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Stéphane Travert, ministre. - Un projet de loi verra le jour au premier semestre, pour que la Ferme France soit au rendez-vous des défis de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; MM. Alain Bertrand et Didier Guillaume applaudissent également.)
M. Pierre Cuypers. - Nous n'avons pas entendu la même chose. L'enjeu primordial est que tous les agriculteurs vivent de leur travail, que la politique les soutienne plutôt que de les entraver ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Harcèlement sexuel
Mme Angèle Préville . - Longtemps les femmes se sont tues : c'est un moyen de survie en milieu hostile... Aujourd'hui, leur parole se libère. À travers des milliers de tweets, leur cri est enfin audible. Il doit être entendu, pris en compte, accompagné de mesures rapides.
Il faut s'attaquer aux racines du mal. Peut-on envisager un débat de moralisation générale qui questionne la pornographie, la publicité, la pédagogie en direction des filles mais aussi des garçons ? Qu'envisager vis-à-vis des hommes de pouvoir qui abusent de leur position dominante ? Je fais ce rêve subversif que dans les entreprises ou les administrations, le fautif soit systématiquement remplacé par une femme.
Chaque année, 130 femmes sont victimes de violences conjugales : c'est un crime de masse passé sous silence. Peut-on envisager une médiatisation accrue ? En Espagne, les silhouettes et noms des victimes sont rappelées sur la place principale...
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Angèle Préville. - Ce scandale nous interpelle et nous oblige. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes . - Vous avez bien posé la question, merci de votre engagement. Que pouvons-nous faire ? Les femmes parlent. Encore faut-il que la société les entende, que les pouvoirs publics leur répondent. C'est pourquoi le président de la République a décidé de faire de l'égalité femmes-hommes une grande cause nationale du quinquennat, et le budget des droits des femmes a été augmenté et sanctuarisé.
Le 4 octobre, le Premier ministre a lancé un tour de France de l'égalité. En 2018, je présenterai avec la garde des sceaux une grande loi citoyenne, qui associera le Parlement, les territoires, les experts, les victimes, les associations pour assurer une juste condamnation sociétale et judiciaire des violences sexistes et sexuelles.
« Il n'y a pas de phénomènes moraux, rien qu'une interprétation morale des phénomènes » dit Nietzsche. Il ne s'agit pas ici de morale mais de droit et c'est cela que nous devons faire évoluer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, LaREM et RDSE)
La séance est suspendue à 17 h 40.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
La séance reprend à 17 h 50.
Réforme du droit des contrats (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 6
L'amendement n°28 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Au second alinéa de l'article 1145, les mots : « aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des » sont remplacés par les mots : « par les » ;
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Cet amendement rédactionnel précise que « la capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d'entre elles ». Avec cette rédaction, le Gouvernement entend apaiser les craintes de certains praticiens sur la portée du texte.
M. François Pillet, rapporteur. - De nos échanges avec la Chancellerie, je croyais que notre rédaction lui convenait. Tel ne semble plus être le cas et le Gouvernement nous présente un amendement dont le champ est plus restrictif. La rédaction de la commission des lois est plus large, plus adaptée, plus ciselée. Toutefois, ce point n'est pas de nature à planter une écharde dans la relation que nous entretenons avec vous, madame la ministre. Sagesse positive.
L'amendement n°17 est adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.
I. - Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 1128 du code civil est ainsi modifié :
1° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; »
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Une cause licite dans l'obligation. »
II. - Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À l'article 1162, les mots : « ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties » sont remplacés par les mots : « ni par son objet, ni par sa cause, que celle-ci ait été connue ou non de toutes les parties » ;
III. - Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article 1167, il est inséré un article 1167-... ainsi rédigé :
« Art. 1167-... - Toute obligation doit avoir une cause et la cause du contrat elle-même doit être licite. La cause de l'obligation réside dans la contre-prestation, dans l'intérêt recherché ou dans le mobile déterminant entré dans le champ contractuel. Tous les autres mobiles relèvent de la cause du contrat. » ;
IV. - Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° L'article 1171 est abrogé.
Mme Colette Mélot. - Le nouvel article 1128 du code civil supprime la référence à la cause et à l'objet du contrat, remplacés par la notion de « contenu du contrat ». Les nouveaux articles 1162 à 1171 du code civil déclinent cette notion, reprenant une partie des différentes fonctions que la jurisprudence avait assignées à la cause et à l'objet.
Il s'agit ainsi de concepts précis, définis par une abondante jurisprudence.
L'ordonnance les remplace par une notion floue et incertaine, celle de « contenu du contrat », qui ne manquera pas de générer un abondant contentieux.
Il convient donc de rétablir les notions d'objet et de cause à la place de celle de « contenu ». Le nouvel article 1162 du code civil doit également être modifié pour faire référence à l'objet et à la cause du contrat.
Mon amendement n°9 rectifié est défendu.
L'amendement n°29 rectifié est retiré.
M. François Pillet, rapporteur. - L'amendement n°10 rectifié rétablissant la notion de « cause » dans le droit des contrats. Séquence nostalgie... Tous ceux de ma génération peuvent le regretter, mais je dois avouer que je ne sais pas toujours en donner une définition exacte. En Amérique latine et au Liban, on s'est fortement inspiré de notre droit et on nous reproche aujourd'hui d'abandonner cette notion, mais le Gouvernement a décidé de valider l'évolution, voire la modernisation de notre droit.
En outre, comme l'article 1128 précise qu'un contrat doit avoir un contenu licite et certain, la jurisprudence n'en sera pas bouleversée. Comme je l'ai dit ce matin en commission, la cause est sortie côté jardin pour revenir côté cour.
Le Sénat était hostile à une telle réforme par ordonnance. Nous devons faire preuve de responsabilité et ne pas bouleverser cette réforme en vigueur depuis plus d'un an : les praticiens nous le reprocheraient. Retrait, sinon avis défavorable à l'amendement n°10 rectifié ainsi qu'à l'amendement n°9 rectifié.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
Les amendements nos10 rectifié et 9 rectifié sont retirés.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Fouché, Lagourgue et Wattebled.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Au premier alinéa de l'article 1164, les mots : « l'une des parties » sont remplacés par les mots : « le fournisseur de biens ou le prestataire de services » ;
Mme Colette Mélot. - Afin d'éviter toute ambiguïté relative à l'identité du cocontractant qui peut se voir octroyer une prérogative de fixation unilatérale du prix, il convient de préciser que, dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par le fournisseur de biens ou le prestataire de services.
M. François Pillet, rapporteur. - La logique du code civil est que c'est le débiteur qui fixe unilatéralement le prix. L'inverse est rare... Cet amendement a le mérite de clarifier notre volonté. Laissons les parties s'entendre librement. Retrait.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°11 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) À la première phrase, le mot : « créancier » est remplacé par les mots : « prestataire de services » ;
Mme Colette Mélot. - Je persiste. Afin d'éviter toute ambiguïté relative à l'identité du créancier qui peut se voir octroyer une prérogative de fixation du prix dans les contrats de prestation de service, il convient de préciser que le prix peut être fixé par le prestataire de services.
M. François Pillet, rapporteur. - Retrait pour les mêmes raisons.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°5 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'article 1166 est relatif à la qualité de la prestation, lorsqu'elle n'est pas déterminée ni déterminable dans le contrat. L'ordonnance introduit une nouvelle disposition inspirée des projets européens d'harmonisation du droit : en cas d'indétermination de la qualité de la prestation, celle-ci doit correspondre aux attentes légitimes « des parties ». La qualité de la prestation doit être appréciée au regard des attentes de toutes les parties au contrat et pas seulement celles du créancier.
La formulation adoptée par la commission instaure un déséquilibre en faveur du créancier. Il est donc proposé de revenir à la rédaction initiale du texte.
M. François Pillet, rapporteur. - Je ne comprends pas. Le débiteur connaît la nature de sa prestation. C'est bien au créancier qu'il appartient de préciser ses attentes. L'attente légitime est bien celle de celui qui commande son portrait à un peintre, non celle du peintre !
Le rapport remis au président de la République est clair : l'attente légitime quant à la qualité de la prestation est bien celle que le créancier peut espérer. Retrait ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je maintiens mon amendement.
L'amendement n°18 n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°30 rectifié bis, présenté par MM. de Belenet et Richard.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du premier alinéa de l'article 1183 du code civil est supprimée.
M. Arnaud de Belenet. - Nous supprimons la phrase « La cause de la nullité doit avoir cessé », car cette notion est superfétatoire.
M. François Pillet, rapporteur. - Je me suis posé la même question mais, après réflexion, j'ai renoncé à modifier cet article.
Une action interpellative existe. Dans ce cas, la cause de la nullité doit avoir cessé. L'objectif est de protéger la partie qui pourrait se prévaloir de la nullité et d'éviter la forclusion. Il me paraît préférable d'en rester là. Retrait.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Pour une fois, je ne suivrai pas le rapporteur. L'article 1183 sécurise la transaction. L'exigence selon laquelle la cause de nullité doit avoir cessé peut être mal comprise dans certains cas. L'amendement lève l'ambiguïté et prend en compte l'article 1182. Avis favorable.
L'amendement n°30 rectifié bis n'est pas adopté.
ARTICLE 8
L'amendement n°31 est retiré.
M. le président. - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - La première phrase du premier alinéa de l'article 1195 du code civil est ainsi modifiée :
1° Les mots : « rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie » sont remplacés par les mots « prive de cause l'engagement d'une des parties » ;
2° Après les mots : « le risque », sont insérés les mots : « , de sorte que cette partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes si elle avait prévu ce changement de circonstances ».
Mme Colette Mélot. - Le nouvel article 1195 du code civil introduit la théorie de l'imprévision qui permet de réviser les conditions contractuelles en cas de circonstances imprévisibles : c'est une bonne chose. Cependant, il faut l'encadrer strictement, car elle affaiblit la sécurité juridique du contrat : c'est l'objet de cet amendement.
M. François Pillet, rapporteur. - Cet amendement réintroduit la notion de « cause »... Retrait. Je salue le travail de Mme Mélot et son accord pour retirer ses amendements - en précisant que le retrait est souvent un signe de responsabilité.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°12 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 1 à 3
Supprimer ces alinéas.
M. Pierre-Yves Collombat. - La théorie de l'imprévision est une nouveauté importante de ce texte, elle vise à rétablir l'équité entre les contractants lorsque les conditions d'exécution du contrat ont changé de manière imprévisible et tout à fait indépendante de leur volonté. Cependant, la commission des lois en a changé la procédure, en prévoyant, en particulier, l'accord des deux parties pour recourir au juge : nous préférons la rédaction initiale de l'ordonnance.
En revanche, nous suivrons le rapporteur pour exclure du champ de l'imprévision les contrats portant sur les produits financiers.
M. le président. - Amendement identique n°19, présenté par le Gouvernement.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'article 1195 du code civil introduit la théorie de l'imprévision en France, théorie déjà appliquée dans beaucoup de pays et par le juge administratif. L'idée, c'est qu'en cas de circonstances imprévisibles, le contrat soit rétabli tel que voulu par les parties lorsqu'elles l'ont conclu. L'imprévision est très encadrée : il faut que les circonstances soient imprévisibles, qu'elles rendent l'exécution du contrat excessivement onéreuse et que la partie lésée n'ait pas accepté par avance de consentir à des modifications en cas de telles circonstances.
Votre commission s'alarme de ce que l'ordonnance fasse intervenir le juge à la demande d'une seule partie, plutôt que des deux parties. Mais l'intervention du juge est très encadrée par la procédure civile : il ne peut réviser le contrat d'office, le champ de son intervention est lié à la demande des parties. Votre commission a conditionné l'intervention du juge à la demande des deux parties : ce serait amoindrir la portée de l'imprévision et, dans les faits, la résolution judiciaire supplanterait la révision des contrats - et la réforme même perdrait son intérêt. C'est pourquoi cet amendement revient à la rédaction initiale de l'ordonnance.
En revanche, le Gouvernement ne s'opposera pas à l'exclusion des instruments financiers, telle que proposée par la commission des lois.
M. François Pillet, rapporteur. - Le Gouvernement me semble avoir excédé le champ de l'habilitation, qui portait ici sur la définition par les deux parties contractantes, des outils propres à régler les situations d'imprévision.
Ensuite, ces amendements modifient radicalement le rôle du juge qui est d'interpréter les contrats et de trancher les litiges, non de récrire les contrats. Le juge n'est ni sociologue, ni économiste, ni fiscaliste. Quand, par exemple, le juge administratif apprécie la notion d'acte normal de gestion, il fait toujours preuve de la plus grande prudence, car il entre alors dans ce qui est la décision de l'entreprise, donc sur un domaine de responsabilité qui n'est pas le sien et je crois qu'il ne faut pas que nous lui confions de rôle qui l'oblige à sortir de son rôle.
Troisième argument contre : cet article, tel que rédigé, ne renforcera pas notre attractivité juridique. Quand vous direz à des responsables d'entreprises anglo-saxonnes qu'en France non seulement l'imprévision change le contrat, mais aussi qu'un juge peut être saisi par l'autre partie et que ce juge, alors, peut refaire le contrat, je peux vous assurer... que le droit suisse l'emportera !
Quatrième argument contre, je puis vous assurer qu'une fois cette disposition prise, tous les contrats comporteront une clause par laquelle les parties y renonceront, puisqu'elle est supplétive - et la théorie de l'imprévision n'aura, dans les faits, aucune consistance.
L'accord des deux parties est nécessaire à la redéfinition du contrat, ou bien vous pouvez également être certain que, redéfini contre l'accord d'une partie, il ne sera jamais appliqué...
M. Pierre-Yves Collombat. - Veut-on introduire la notion d'imprévisibilité, ou pas ? Elle est utile, autrement c'est la loi du plus fort. Le juge ne fait pas n'importe quoi. Le consentement des deux parties n'est pas toujours possible : le plus fort n'a rien à y gagner !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je ne partage pas l'analyse du rapporteur et je crois que c'est plutôt l'obligation de l'accord des deux parties qui empêchera la saisine du juge et videra la réforme de son contenu. La possibilité pour une seule partie de saisir le juge, sera un puissant levier pour la négociation, dans le sens d'une riposte graduée. Du reste, si ce dispositif était aussi inefficace que le dit le rapporteur, il ne serait pas celui qu'ont choisi nos voisins allemands...
Mme Nathalie Goulet. - Je soutiens la position du rapporteur, fidèle à l'esprit du droit des contrats exprimée par Philippe Malaurie... On ne voit pas très bien comment le juge récrirait les contrats, surtout quand on connaît la surcharge des tribunaux.
M. François Pillet, rapporteur. - Le texte de la commission est déjà un grand progrès. Le juge pourra allouer des dommages et intérêts. Nous sommes hostiles à l'intervention du juge si une partie n'est pas d'accord.
Les amendements identiques nos2 rectifié et 19 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°32, présenté par M. Pillet, au nom de la commission.
Alinéa 5
Remplacer le mot :
des
par les mots :
d'opérations sur les titres et contrats financiers mentionnés aux
M. François Pillet, rapporteur. - Amendement rédactionnel.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°32 est adopté.
L'article 8, modifié, est adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À l'article 1221, après les mots : « disproportion manifeste », sont insérés les mots : « et déraisonnable » ;
Mme Colette Mélot. - L'article 1221 nouveau du code civil consacre le droit à l'exécution forcée en nature d'une obligation. Ce droit est cependant limité en cas d'impossibilité d'exécution ou de « disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier ».
La proposition de la commission des lois de limiter la condition de disproportion manifeste au cas où le débiteur est de bonne foi va dans le bon sens. Nous l'encadrons davantage.
M. François Pillet, rapporteur. - L'adjectif « déraisonnable » est redondant. Retrait, sinon rejet.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Colette Mélot. - Cet amendement visait à renforcer l'attractivité de la place de Paris. Retiré.
L'amendement n°6 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le Gouvernement partage votre objectif madame Mélot. L'article pose le principe du droit à l'exécution forcée en nature, avec des garde-fous lorsque l'exécution forcée est excessivement onéreuse pour le débiteur, sans que le créancier y ait intérêt. C'est le cas, par exemple, de l'obligation faite de détruire entièrement puis de reconstruire un édifice construit trop haut, aux frais du débiteur et sans que le créancier y ait un intérêt.
Ainsi encadré, le droit à l'exécution forcée en nature limite l'abus de droit. Votre commission y a ajouté la condition de la bonne foi du débiteur, ce n'est guère utile, puisque le principe commande à l'intégralité du contrat, c'est l'article 1104 - elle vaut pour les deux parties.
M. François Pillet, rapporteur. - La commission a ajouté cette précision de la bonne foi pour que le débiteur ne soit pas tenté par ce que nous avons appelé une « faute lucrative ». Cependant, étant sensible à cet argument que la bonne foi court sur l'ensemble des relations contractuelles, je veux bien travailler à une meilleure rédaction dans la navette - mais je maintiens l'avis défavorable de la commission.
L'amendement n°20 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le texte de la commission des lois est déséquilibré en faveur du créancier. Nous rétablissons le texte du Gouvernement.
M. le président. - Amendement identique n°21, présenté par le Gouvernement.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'article 1223 introduit dans le code civil la faculté pour le créancier d'accepter une exécution non conforme de la prestation par le débiteur, moyennant une réduction proportionnelle du prix. Le créancier peut effectivement avoir intérêt à accepter cette exécution imparfaite en contrepartie d'une réduction du prix.
La rédaction de la commission ne permet pas de saisir ce nouveau mécanisme. Le créancier pourra décider unilatéralement de la réduction du prix dans la seule hypothèse où il n'aura pas encore payé.
M. François Pillet, rapporteur. - La rédaction de la commission a le mérite de la clarté. Celle de l'ordonnance diffère complètement selon que le créancier a payé ou non le prix de l'obligation : s'il a déjà payé, il ne pourrait que « solliciter » la réduction alors que s'il n'a pas encore payé, il pourrait l'imposer. Il n'y a aucune justification à établir une différence dans le pouvoir de réduire le prix, à partir d'un critère qui ne l'explique pas. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos3 et 21 ne sont pas adoptés.
L'article 9 est adopté.
ARTICLE 10
M. le président. - Amendement n°22, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° L'article 1304-4 est complété par les mots : « ou n'a pas défailli » ;
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'article 1304-4 consacre la règle jurisprudentielle selon laquelle la partie dans l'intérêt de laquelle la condition a été stipulée, peut y renoncer tant que cette condition n'est pas accomplie. Je partage le souhait de la commission d'expliciter le sens du texte, ce que, du reste, les praticiens demandent. D'où cet amendement précisant l'hypothèse de la défaillance de la condition.
M. François Pillet, rapporteur. - Cette précision ne semble pas utile mais si le Gouvernement y tient... Sagesse avec beaucoup de réserves.
L'amendement n°22 est adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
ARTICLE 11
M. le président. - Amendement n°23, présenté par le Gouvernement.
Supprimer cet article.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'ordonnance a introduit dans le code civil la cession de dette. Faut-il exiger un écrit à peine de nullité de la cession ? Les praticiens ne le pensent pas, la sécurité juridique ne l'impose pas. Le principe du droit français est le consensualisme. Il vaut pour les instruments concurrents, telle la délégation.
M. François Pillet, rapporteur. - Un écrit est imposé pour la cession de créance et la cession de contrat, mais non pour la cession de dette. La commission a souhaité harmoniser la procédure. On pourrait aussi envisager qu'il n'y ait aucun écrit dans les trois cas, comme le demandaient les praticiens auditionnés. Avis défavorable.
L'amendement n°23 n'est pas adopté.
L'article 11 est adopté.
L'article 12 est adopté.
ARTICLE 13
Mme Anne-Catherine Loisier . - L'article 1343-3 du code civil autorise le paiement d'un contrat dans une monnaie autre que l'euro. Or une transaction effectuée hors du territoire américain tombe sous le coup du droit américain dès lors qu'elle est réalisée en dollars. N'y a-t-il pas là un risque ? Je vous renvoie au rapport de l'Assemblée nationale sur l'extraterritorialité du droit américain. La projection du droit européen est motivée par la défense d'intérêts politiques et économiques. Plusieurs entreprises européennes se sont vu infliger des amendes colossales. Comment appréhender ces pratiques extraterritoriales américaines ?
M. le président. - Amendement n°24, présenté par le Gouvernement.
I. - Supprimer les mots :
s'il s'agit de procéder à une opération à caractère international ou
II. - Après le mot :
procède
insérer les mots :
d'une opération à caractère international ou
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je répondrai à Mme Loisier à la fin du débat. Pour éviter des interprétations restrictives, nous précisons la rédaction de l'article 1343-3 du droit civil.
M. François Pillet, rapporteur. - La commission des lois avait ajusté sa rédaction pour tenir compte des suggestions du ministère de l'économie et des finances, elle accepte de la modifier à la demande de la Chancellerie. Avis favorable.
Mme Nathalie Goulet. - Cette disposition est extrêmement importante : Mme Loisier a rappelé le problème posé par les transactions en dollars, reste qu'il s'agit d'un instrument de souplesse dont nous avons besoin pour renforcer l'attractivité de la place de Paris. Combien y aura-t-il de transactions en monnaie étrangère sur le sol français ? C'est le prototype de la mesure excellente qui nécessite une évaluation rapide ; disons après dix-huit mois à deux ans d'application.
L'amendement n°24 est adopté.
L'article 13, modifié, est adopté.
L'article 14 est adopté.
ARTICLE 15
M. le président. - Amendement n°25, présenté par le Gouvernement.
Supprimer cet article.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Ce texte ne s'appliquera qu'aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016, l'article 9 est clair. Seules trois exceptions sont prévues, pour les actions dites interrogatives. La précision que la commission des lois propose me semble inutile. La Cour de Cassation se contente d'interpréter les règles anciennes non écrites à la lumière de la loi nouvelle. Restons-en aux règles fixées par les dispositions transitoires de l'ordonnance.
M. François Pillet, rapporteur. - Nous sommes entièrement d'accord sur la portée de l'article 9. En revanche, pour protéger l'intention des parties au moment où elles ont conclu le contrat, le texte ne suffit pas. Plusieurs arrêts laissent penser que la Cour de Cassation, interprétant les règles anciennes au regard de la loi nouvelle, changerait leur portée : ceux du 16 novembre 2011, du 24 février 2017 et du 21 septembre 2017. Vous pensez que le texte suffit ; je crois qu'il faut ajouter une garantie. Retrait ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je maintiens l'amendement.
L'amendement n°25 n'est pas adopté.
L'article 15 est adopté.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je comprends la préoccupation de Mme Loisier. Toutefois, la réforme dont nous parlons n'a pas vocation à résoudre cette difficulté ; elle vise à renforcer l'attractivité de la place de Paris. Madame Goulet, je suis ouverte à une évaluation de l'article 1343-3 du code civil.
Je remercie la commission des lois, et plus particulièrement le rapporteur Pillet, d'avoir compris le souci du Gouvernement de stabiliser le droit et salue son attitude constructive.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance demain, mercredi 18 octobre 2017, à 14 h 30.
La séance est levée à 19 h 15.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du mercredi 18 octobre 2017
Séance publique
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
Secrétaires : M. Éric Bocquet - M. Dominique de Legge
1. Scrutin pour l'élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de la justice de la République.
Conformément à l'Instruction générale du Bureau, le délai limite pour la transmission des délégations de vote expire à 12 h 30.
Ces délégations doivent être transmises dans le délai précité à la direction de la Séance (divisions des dépôts, des publications et des scrutins).
2. Désignation :
- des 18 sénateurs membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ;
- des 36 membres de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- des 36 membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ;
- des 36 membres de la délégation sénatoriale à la prospective ;
- des 21 membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer autres que les 21 sénateurs d'outre-mer, membres de droit ;
- et des 42 membres de la délégation sénatoriale aux entreprises.
3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (n° 17, 2017-2018).
Rapport de M. Philippe Bas (n° 16, 2017-2018).
Nomination à la commission des affaires européennes
M. Pierre Cuypers, en remplacement de M. Jean-Pierre Vial.