Évaluation environnementale (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant les ordonnances du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement.
Discussion générale
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Tout d'abord, je veux adresser à chacune et chacun d'entre vous mes plus sincères félicitations pour votre élection ou votre réélection ; je suis honoré de vous présenter ce premier texte de la session ordinaire.
En dépit du calendrier d'examen de ces textes resserré, le travail effectué jeudi dernier en commission a été particulièrement riche : quinze amendements ont été examinés et onze adoptés. Nous devrions trouver facilement un point d'équilibre sur ce sujet complexe que les élus locaux, et j'en ai fait partie, connaissent bien.
Les ordonnances prises le 3 août 2016 sur le fondement de la loi Macron clarifient les règles de l'évaluation environnementale et réforment les procédures d'information et de participation du public.
Un mot de la méthode, d'abord : ces ordonnances sont le fruit d'une riche concertation menée par le sénateur Alain Richard à la tête de la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique (CNTE) qui a permis de trouver un large consensus maintenu à l'Assemblée nationale.
L'ordonnance n°2016-1058 conforme notre droit au droit européen - la directive 2014/52/UE, en l'espèce - en définissant des critères d'évaluation en matière de santé, de biodiversité ou encore d'impact visuel sur le paysage et le patrimoine ; en séparant davantage les phases d'instruction et d'évaluation ; enfin et surtout, en simplifiant, l'étude d'impact. Désormais, les projets seront appréhendés dans leur ensemble ; c'en est fini de la logique de silo qui ajoutait du délai au délai. Nous développons les procédures au cas par cas en élevant le degré d'exigence environnementale.
Monsieur Dantec, les députés ont traduit le triptyque éviter-réduire-compenser, consacré par la loi Biodiversité, dans l'ordonnance. Cette remise à niveau était effectivement nécessaire.
L'ordonnance n°2016-1060 sur l'information et la participation du public constitue une réponse du Gouvernement au changement de mentalité dans notre société survenu après le drame de Sivens. « Apprendre à perdre du temps en amont d'un projet ou d'une procédure pour ne pas en perdre ensuite » : cela parait logique mais nous n'avons pas toujours raisonné ainsi.
Certes, la participation du public n'est pas une nouveauté dans notre droit : Convention d'Aarhus de 1998, loi Barnier de 1995, article 7 de la Charte de l'environnement de 2005 ou encore Grenelle de l'environnement... Néanmoins, cette ordonnance crée des droits nouveaux pour nos concitoyens. J'y vois un moyen de réduire la défiance du public par rapport aux procédures menées par les pouvoirs publics. Il ne suffit plus que ces derniers décrètent un projet légitime pour qu'il le soit aux yeux du public. Nos concitoyens pourront désormais participer à la décision mais encore faut-il les associer au bon moment.
Cette ordonnance constitue une réponse pour protéger l'environnement mais aussi pour libérer les porteurs de projets, publics comme privés - sans malice, j'y vois le libérer-protéger du président Macron. Ils auront davantage de visibilité en amont de la procédure, ils pourront aller au-devant des problèmes pour les traiter le plus tôt possible.
Les droits créés sont concrets et nouveaux : droit d'accès aux informations pertinentes, droit à disposer de délais raisonnables pour faire des propositions, droit au suivi des propositions faites.
La Commission nationale du débat public (CNDP) sera obligatoirement saisie sur l'opportunité du débat pour les plans et programmes nationaux - auparavant, elle ne l'était que s'ils dépassaient les 300 millions d'euros.
Pour les projets entre 150 et 300 millions d'euros, les citoyens pourront saisir la CNDP. Il leur faudra réunir 10 000 signatures à l'échelle de l'Union européenne.
Ce droit d'initiative citoyenne est également ouvert pour les projets sous maîtrise d'ouvrage publique ou privée percevant au moins 10 millions d'euros d'argent public. Les députés ont réduit ce seuil à 5 millions d'euros pour que des projets tels que celui de Sivens soit inclus dans le dispositif ; vous préférez renvoyer sa définition à un décret en Conseil d'État par respect de la séparation entre la loi et le règlement. Je ne doute pas que nous trouverons une solution pour régler ce problème de forme.
À l'Assemblée nationale, le délai offert pour exercer un droit d'initiative a été allongé de deux à quatre mois à la demande des députés ruraux. Monsieur le rapporteur, accorder ce même délai aux collectivités et aux associations paraît tout à fait légitime. L'ancien élu local que je suis salue cette avancée.
Enfin, l'ordonnance rend possible un débat public national sur les projets relatifs à des politiques publiques ayant un effet important sur l'environnement avec une saisine ouverte à 500 000 citoyens de l'Union européenne, à 60 députés ou 60 sénateurs ou au Gouvernement. Le seuil de la saisine a fait débat à l'Assemblée nationale, je suis défavorable à son abaissement, monsieur Gontard. Le seuil de 500 000 personnes correspond à celui fixé dans la loi organique de 2010 pour saisir le Conseil économique, social et environnemental ; nous sommes dans une démarche d'alignement. Nous ne pouvons pas parler de simplification à longueur de temps sans la faire. J'ajoute que 500 000 personnes est devenu un objectif facile à atteindre avec les réseaux sociaux.
La CNDP veillera à la bonne organisation du débat public. Celui-ci répondra aux exigences d'un État moderne et sera largement dématérialisé. La concertation préalable ne dépassera pas trois mois, et la durée minimale de l'enquête publique sera réduite de trente à quinze jours. Monsieur le rapporteur, vous avez fait le choix de revenir sur l'allongement du délai, de quatre à six mois, durant lequel l'illégalité pour vice de forme ou de procédure peut être invoquée ; la cohérence entre le code de l'urbanisme et de l'environnement reste toutefois en débat.
À l'Assemblée nationale, je me suis engagé à procéder à évaluer ce texte dans deux à trois ans. Voyons comment citoyens et porteurs de projets s'empareront de ces nouveaux droits ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
M. Alain Fouché, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je suis heureux d'inaugurer cette session ordinaire. Je ne reviendrai pas dans le détail sur le contenu de ces deux ordonnances - je vous renvoie à mon rapport. Très techniques, elles touchent à des domaines fondamentaux du droit de l'environnement en conjuguant l'exigence de protection de l'environnement et nécessaire simplification des contraintes et procédures.
La commission n'a pas apporté de modifications substantielles à la première ordonnance ; un équilibre a été trouvé et la simplification qu'elle apporte est réelle. Elle se traduira concrètement par moins d'études d'impact pour les entreprises et les petites collectivités.
Certains maîtres d'ouvrage dans la production d'énergie s'inquiètent toutefois de la nouvelle définition du projet ; elle pourrait être source d'incertitude juridique et, donc, de contentieux.
Sur la question des coûts et des délais induits par ces études d'impact, les ordonnances n'apportent pas de solution. Je salue la proposition de M. Richard d'aller progressivement vers une normalisation de ces études ; en attendant, les délais restent excessifs.
Enfin, monsieur le ministre, disposez-vous d'une comparaison européenne un peu solide sur l'évaluation environnementale chez nos voisins européens ?
Sur la seconde ordonnance, le Sénat s'est montré attentif aux empiètements sur le domaine réglementaire. Il convient de fixer les différents seuils par décret ; le faire par la loi est dangereux sur le plan constitutionnel et rend plus complexe toute modification ultérieure.
Avant la séance publique, notre état d'esprit a été d'intégrer au mieux des modifications issues de deux rapports récents du Sénat, qui ont tous deux été adoptés à l'unanimité : celui de M. Bonnecarrère sur la démocratie coopérative et celui de M. Dantec sur la compensation des atteintes à la biodiversité. Nous y reviendrons dans la discussion des articles et vous invitons à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RTLI, Les Républicains, LaREM et SOCR)
M. Ronan Dantec . - Ces deux ordonnances procèdent d'un long chantier de modernisation du droit de l'environnement engagé sous la précédente mandature. Nous sommes bien conscients de la difficulté de conduire des projets en France : contestation, drames humains, durée d'instruction des dossiers deux fois plus longue en France que chez nos voisins dénoncée de colloque en colloque... Il y a donc un consensus pour avancer sur ces sujets. Je salue le long travail de concertation réalisé sous l'égide de M. Alain Richard et de M. Jacques Vernier.
L'étude d'impact se fait plus précise : l'incidence sur le climat sera désormais prise en compte, seront décrites les mesures envisagées pour respecter la séquence éviter - réduire - compenser et définir plus précisément ainsi que leur suivi. Il faudra, comme nous l'avions préconisé au sein de la commission d'enquête sur la compensation écologique, ne pas oublier l'impact sur l'agriculture, en particulier sur la consommation du foncier agricole - M. Rémy Pointereau y tenait beaucoup.
Pour éviter que les concertations naturalistes ne surviennent après la première enquête publique, nous proposerons aussi que l'avis de l'autorité environnementale soit complété par une réponse écrite du maître d'ouvrage à ses éventuelles objections dans le dossier d'enquête publique.
La rédaction de la clause dite « filet » ou de rattrapage me semble fragile : selon la jurisprudence européenne, tout projet ayant un impact important sur l'environnement doit être évalué, même si les seuils d'évaluation ne sont pas atteints.
L'accès à l'information est un droit essentiel, lié à la convention d'Aarhus, qui reste néanmoins très mal appliqué dans notre pays : nous proposerons de renforcer le texte, en créant un référé-communication et en donnant davantage de pouvoirs à la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA).
Les ordonnances ne répondent pas à tout mais posent les bases d'un débat public apaisé. Ce sont les faiblesses du débat qui nourrissent les contestations. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe LaREM)
M. Gérard Cornu . - Je salue le travail mené par Alain Fouché dès juillet et la présentation qu'il a faite de ces textes en commission. Le Sénat poursuit ainsi son engagement en faveur de la rigueur juridique. Un mot à propos de l'empiétement du législateur sur le pouvoir réglementaire : il découle de la tendance qu'a le Gouvernement à s'écarter, dans les décrets d'application, de l'intention du législateur... (Marques d'approbation sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Nous avons manqué de temps pour approfondir l'examen de ce texte, la consultation des citoyens est un sujet inépuisable. La réduction des études d'impact obligatoires et une consultation plus en amont seront bénéfiques pour tous les territoires qui ont parfois vu des projets leur échapper. Je salue les simplifications effectuées. Cependant, un meilleur équilibre entre principe de précaution et principe d'innovation reste à trouver. Les élus locaux, que nous représentons et que nous avons été, sont exaspérés par la rigueur des règles ; ils n'en comprennent pas le sens sans compter qu'elles entraînent des dépenses quand on leur demande de faire toujours plus d'économies. Pourquoi se montrer plus tatillons que nos voisins ? Nous y perdons en compétitivité. Pourquoi surtransposer systématiquement les directives européennes ? (Même mouvement)
M. Marc-Philippe Daubresse. - C'est toute la question.
M. Gérard Cornu. - Une synthèse comparée des règles d'évaluation environnementale et d'association du public serait utile, la procédure accélérée nous prive de la possibilité d'en disposer. Converger sur ce sujet serait un moyen de renforcer l'Union européenne.
Globalement, le texte du rapporteur va dans le bon sens : nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs des groupes RDSE et LaREM)
M. Alain Richard . - Les évolutions qu'entraîne ce texte vont dans le bon sens, même si elles sont d'une ampleur mesurée ; la gestion des projets sera améliorée mais dans le champ du droit de l'environnement seulement.
Nous avons créé une étape nouvelle de consultation du public en amont, cela a été jugé nécessaire après Sivens. Sommes-nous arrivés à une solution satisfaisante ? Ma réponse sera mesurée... Le compromis auquel nous étions parvenus au sein du groupe de travail était plus sobre dans sa rédaction et son dispositif. Cela étant dit, je ne suis pas là pour dire mes regrets.
Le dialogue est facilité en début et en cours de projet, pour éviter conflits et blocages. Le formalisme est réduit, la souplesse préférée, grâce à l'intervention d'un tiers garant de la procédure, dans le respect du maître d'ouvrage, y compris pour les projets de taille moyenne. Soit. Cela garantit-il l'absence de conflit ? La réponse est clairement non. Certes, nous pourrons réduire ainsi les incompréhensions ; en revanche, il existera toujours des adversaires déterminés à tel ou tel projet provenant des écoles de pensée autour de la décroissance.
Le principe « éviter » me semble avoir été trop hâtivement et non sans légèreté traduit dans notre droit, se prêtant ainsi à des manoeuvres d'obstruction. Les procédures d'autorisation restent globalement trop formalistes, ce qui alimente le contentieux. Ce dernier devrait être vidé à la fin de la concertation préalable. Les études d'impact restent par trop encyclopédiques. Le président Hollande avait déjà souhaité, jadis, leur normalisation. Et je ne dirai rien, enfin, de la nécessité d'établir une comparaison sérieuse des procédures au sein de l'Union européenne. Continuons à travailler pour alléger ces procédures trop lourdes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Guillaume Gontard . - Sur la méthode d'abord : on ne peut se satisfaire des conditions d'examen de ce projet de loi. Les ordonnances modifient soixante articles du code de l'environnement.
Au sein du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, on ne cesse de dénoncer le recours aux ordonnances, qui fait du Parlement une chambre d'enregistrement. Et pour favoriser la démocratie environnementale en plus, ce qui est cocasse... On ne nous laisse le temps de corriger ce texte qu'à la marge.
Sur le fond, recueillir l'approbation de 500 000 citoyens dans un délai de quatre mois, cela semble impossible. Nous regrettons que notre amendement abaissant ce seuil à 250 000 ait été déclaré irrecevable.
Le maître d'ouvrage n'aura pas obligation de tenir compte des remarques faites durant la consultation. Autrement dit, on cherche à renforcer l'acceptabilité de projets contestés, voire contestables, sans donner la possibilité de les transformer. La participation des citoyens, droit constitutionnel et conventionnel, est insuffisamment protégée. Et le travail en commission au Sénat est revenu sur toutes les améliorations apportées par les députés. Quelle sera la portée réelle de ce droit d'initiative ? Nous n'avons même pas pu évoquer le référendum en matière environnementale, sujet abordé par le rapport Richard. Vous risquez de créer plus de frustration que d'enthousiasme.
Quant à la seconde ordonnance, elle comporte des dispositions dangereuses dans la ligne de la véritable dérégulation entreprise par ce Gouvernement. L'ambition est de libérer les porteurs de projets de contraintes jugées excessives. Et la baisse des moyens de l'administration ne nous rassure pas.
Nous avons déposé des amendements, espérons que le Gouvernement et la majorité sénatoriale sauront nous entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
M. Philippe Bonnecarrère . - La manière de décider a changé : une décision n'est pas bonne intrinsèquement mais si ceux à qui elle s'applique la juge telle, c'est un progrès incontestable. Nous devons passer d'une légitimité de position à une légitimité de décision, comme le dit Marcel Gauchet. C'était l'intuition qui a présidé à la création de la mission d'information sur la démocratie représentative, participative et paritaire qui a adopté son rapport à l'unanimité en mai 2017.
Quatre ordonnances ont été prises en 2016 et 2017. Nous n'évoquons que les deux qui ont été prises le 3 août 2016 pour sortir de dossiers très douloureux.
En consultant le plus en amont possible, il doit être possible de dédramatiser les choses et de prendre des décisions. C'était l'esprit du rapport rendu par notre collègue Richard.
Convention d'Aarhus de 1998, article 7 de la Charte de l'environnement, directive européenne de 2003... Les bases juridiques de ces exigences ne sont pas nouvelles. L'élargissement de la saisine de la CNDP et les autres mesures prévues par ces ordonnances vont dans le bon sens, afin de « prendre du temps pour mieux en gagner ».
L'équilibre prévu visait à augmenter la concertation en amont et à alléger les charges pesant en aval de la procédure ; or l'Assemblée nationale a ajouté des délais, on peut le regretter - de même que nous pouvons faire mieux sur l'harmonisation du code de l'urbanisme et du code de l'environnement et qu'il ne faut pas oublier la simplification et l'expérimentation. En tout état de cause, le groupe Union centriste votera ce texte.
Enfin, les comparaisons étrangères sont riches d'enseignement, notamment les exemples canadiens qui ont une tradition de concertation et hollandais qui ont choisi de réduire les délais. (Applaudissements au centre, sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Mme Nelly Tocqueville . - L'article 106 de la loi dite Macron est à l'origine de ces ordonnances, qui sont à nos yeux essentielles. Leur rédaction est l'aboutissement d'un consensus dépassant les clivages partisans - c'est la continuité républicaine à laquelle nous sommes attachés. Les travaux du Conseil national de la transition écologique (CNTE), notamment, et le rapport remis en mars 2015, ont largement inspiré les mesures qu'elles contiennent et qui donne un sens concret au dialogue environnemental, reconnu par l'article 7 de la charte de l'environnement.
Nous nous félicitons du renforcement de la transparence, avec la dématérialisation de la concertation et le plus grand rôle reconnu à la CNDP. La participation du public voit ses procédures modernisées et simplifiées, elle sera possible plus en amont, dès l'élaboration des projets concernés : c'est une très bonne chose. Le texte renforce le rôle de la CNDP et consacre des garanties veillant à la bonne concertation. Notre groupe proposera un amendement dans ce domaine pour modifier les seuils de dépenses entraînant une concertation des citoyens.
Élément essentiel, ce texte transpose une directive européenne, répondant ainsi à l'exigence de conformité. Le groupe socialiste et républicain votera ce projet de loi équilibré, dans un état d'esprit constructif et vigilant. Nous proposerons deux amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et LaREM et sur quelques bancs du groupe UC).
M. Jérôme Bignon . - Le texte est dense, technique, complexe. C'est normal, car les deux sujets qu'il traite sont à la base du droit de l'environnement. Je ne reviendrai pas sur l'excellent rapport de M. Fouché, qui comporte une analyse à la fois historique, technique et juridique : ce sera, c'est déjà un document de référence sur cette matière naturellement complexe, technique et dense.
De quoi parle-t-on ? L'évaluation environnementale améliore la prévention des atteintes à l'environnement : c'est l'application de l'article 3 de la Charte de l'environnement. Notre rapporteur a relayé les inquiétudes des maîtres d'ouvrage sur la définition par trop « englobante » de la notion de projet qui doit faire l'objet d'une évaluation environnementale, nous devrons effectivement y veiller. La première ordonnance simplifie et allège les contraintes sur les petits projets et pour les petites collectivités territoriales : nous y sommes évidemment très sensibles, ces mesures vont dans le bon sens - et nous suivrons le rapporteur. Reste, cependant, le problème du coût et des délais des études d'impact, qui pèse sur les maîtres d'ouvrage : il serait utile, comme l'a proposé Alain Richard, de mettre en commun des données, pour leur réutilisation au fil des projets successifs.
La seconde ordonnance renverra au principe de participation. La protection de l'environnement est, comme le souligne le professeur Michel Prieur, non seulement une obligation de l'État, mais aussi un devoir des citoyens - si chacun fait sa part, même petite, l'ensemble se portera mieux, selon la légende du colibri cher à Pierre Rabhi, c'est l'esprit de l'article 2 de la Charte de l'environnement, ainsi que de son article 7, au fondement de cette ordonnance.
Les outils se sont multipliés depuis au moins la loi Bouchardeau de 1983, au service d'un droit effectif à l'information - voyez la loi Barnier de 1995 sur le principe de précaution, la convention d'Aarhus de 1998 : cette ordonnance s'inscrit dans cette filiation, elle renforce et modernise la démocratie environnementale.
Nous saluons la concertation qui a prévalu sur ce texte, nous souscrivons aux amendements du rapporteur : c'est dire que nous ratifierons ces ordonnances qui renforcent des principes essentiels de notre droit et qui mettent notre droit en conformité avec les normes européennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RTLI, ainsi que sur les bancs du groupe LaREM)
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce texte est l'occasion de commencer cette législature dans la sérénité. Depuis le premier Grenelle de l'environnement, le législateur n'a pas ménagé ses efforts pour faire de la protection de l'environnement un préalable à toute politique publique - c'est bien un domaine, parmi d'autres, où le clivage droite-gauche est parfaitement inopérant et j'ai, pour ma part, toujours condamné l'instrumentalisation politicienne de la question écologique. Je le dis donc sans détour : je voterai la ratification de ces ordonnances - et vous ne trouverez personne, parmi Les Républicains, pour s'opposer à une réforme qui simplifie la vie quotidienne de nos collectivités tout en associant mieux nos concitoyens aux projets.
L'étude d'impact, par projet et non plus par procédure, est renforcée. Nous y souscrivons. La première ordonnance distingue les projets soumis à évaluation systématique de ceux soumis à évaluation au cas par cas. Là encore, c'est une avancée, en particulier pour les porteurs de projet.
Mieux associer nos concitoyens en amont pour gagner du temps en aval : tel est l'esprit de la seconde ordonnance. Seul accroc, la volonté de la majorité de marquer son territoire vis-à-vis d'une administration jugée omnipotente : la fixation d'un plafond légal pour le budget prévisionnel n'est pas légitime. L'équilibre entre transparence et lourdeur administrative, il est vrai, est difficile à trouver...
Je me réjouis donc de commencer nos travaux avec un texte qui allège les contraintes administratives pesant sur les collectivités territoriales, tout en diminuant les dépenses publiques. Restera, cependant, à rationaliser notre code de l'environnement, pour lui donner la cohérence que les trop nombreux ajouts lui ont fait perdre, depuis l'ordonnance du 18 septembre 2000 : les collectivités territoriales attendent et seront particulièrement attentive à ce travail devenu nécessaire de codification. Je ne doute pas que le Gouvernement en soit conscient. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Olivier Jacquin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR). Nouvel élu de la République, c'est un honneur pour moi de m'exprimer, pour la première fois ici, sur un sujet aussi essentiel que celui de la participation des citoyens au débat public. Ces ordonnances résultent d'un travail de plusieurs années, elles contiennent des mesures très importantes à nos yeux. D'abord, le rôle accru de la CNDP, un outil pertinent et dynamique - je le dis en connaissance de cause puisque j'y ai siégé. Ensuite, la consécration d'un droit d'initiative citoyenne pour l'organisation d'une concertation préalable à certains projets. Troisièmement, le renforcement de la transparence. Enfin, la clarification des procédures organisant cette participation.
En commission, le projet de loi a fait l'unanimité. Je regrette toutefois le seuil de 5 millions d'euros pour l'ouverture du droit d'initiative citoyenne. Les amendements qui revenaient dessus ont été rejetés, mais soutenus sur le fond.
La possibilité d'une procédure de conciliation, portée par un amendement, est bienvenue. Un autre amendement distingue à bon escient le garant du commissaire enquêteur.
En l'état, notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État . - Je le redis, je m'en remettrai à la sagesse du Parlement sur l'opportunité de fixer le seuil de 5 millions d'euros par voie législative ou réglementaire. L'important, c'est qu'un seuil existe, pour l'engagement de fonds publics.
Le code de l'environnement et celui de l'urbanisme sont de véritables chantiers pour ce quinquennat. Donner le temps aux élus de prendre connaissance des projets est essentiel : c'est le sens de l'extension de quatre à six mois, je le dis pour avoir été élu rural, cette extension de deux mois sera utile sur les territoires pour qu'on se rende compte, quand c'est utile, qu'il faut se mobiliser, mieux évaluer les impacts environnementaux.
Monsieur Cornu, vous avez pointé, à juste titre, le risque de sur-transposition : soyez rassuré, il n'est pas présent ici.
Monsieur Dantec, j'ai installé la semaine dernière, dans les Ardennes, le groupe de travail de la CNTE sur l'éolien, pour concilier protection des paysages et développement de l'éolien. Des simplifications devraient résulter de ses travaux, je me tiens à votre disposition pour toute connaissance que vous souhaiteriez y porter.
Monsieur Richard, vous êtes en quelque sorte le père de ces ordonnances, je prends acte de nos désaccords sur leur rédaction mais le statu quo n'était plus acceptable. Nous partageons la conviction qu'il faut apprendre à perdre du temps avant, pour ne pas en perdre davantage ensuite, en procédure. Avons-nous pu aller assez loin ? Probablement pas, mais parce que nous avons visé un équilibre, qui nous permet d'avancer.
Sur les études d'impact, la simplification que vous souhaitiez n'a pas été mise en oeuvre par le Gouvernement précédent. Nous y travaillons. En 2018, nous allons mettre en ligne l'intégralité de leur contenu pour faciliter leur réemploi éventuel.
Monsieur Gontard, sans esprit de polémique, dépassons le débat sur le principe des ordonnances. Elles sont arrivées tard en raison du calendrier électoral, puis les délais fixés par la loi Macron nous obligeaient à aller vite, c'est pourquoi nous commençons la session avec ce texte. On ne peut laisser penser que l'étude au cas par cas est une procédure au rabais : vous ne le dites pas, mais je tenais à le préciser, au nom même des agents de l'État qui ne comprennent pas qu'on oppose le cas par cas aux études d'impact.
Monsieur Bonnecarrère, la faisabilité de l'infrastructure, dites-vous, compte autant que la concertation. C'est bien pour cela que nous mettons en avant le cas par cas, meilleur rempart contre la logique en silo.
Madame Tocqueville, Messieurs Bignon et Jacquin, nos services, comme ceux de la CNDP, se tiennent à la disposition du Parlement, y compris pour évaluer le droit que nous créons aujourd'hui. Il n'y a pas plus humain que la concertation ; c'est pourquoi ses modalités varient beaucoup suivant les pays européens, selon les États selon leur degré de centralisation, selon leurs territoires...
Monsieur Chevrollier, nous recherchons un subtil équilibre entre les acteurs économiques et les associations environnementales. Écouter tous les acteurs n'a rien d'incroyable pour des ordonnances de ce type. Ce n'est ni de gauche ni de droite, nous en sommes d'accord.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté.
Article 2
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Au second alinéa du IV de l'article L. 120-1, les mots : « , du secret industriel et commercial » sont supprimés ;
M. Guillaume Gontard. - La Charte de l'environnement pose comme principe que toute personne a le droit de participer aux décisions publiques qui ont une incidence sur l'environnement. Limiter ce principe au respect du secret industriel et commercial, c'est excessif : c'est une atteinte à la démocratie environnementale. Nous proposons de supprimer cette limitation.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Cette mention est au contraire un élément important du dispositif, puisqu'elle assure au maître d'ouvrage que des informations sensibles sur le plan commercial ou industriel, ne seront pas diffusées à l'occasion de la concertation ou de l'évaluation environnementale. Ce point n'a pas été soulevé par les parties prenantes, et le supprimer remettrait en cause l'équilibre du texte. Avis défavorable.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. - Même avis. Le secret est parfois nécessaire, dans une économie compétitive et concurrentielle.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère, Cabanel, Raison et Kern.
I. - Alinéas 13 à 16
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéas 29 à 31
Supprimer ces alinéas.
M. Philippe Bonnecarrère. - Dans sa rédaction initiale, cette ordonnance dispensait la concertation « code de l'environnement » lorsque la concertation « code de l'urbanisme » était obligatoire, comme c'est le cas pour les zones d'aménagement concerté et pour les quartiers ANRU de la politique de la ville. Or l'Assemblée nationale a décidé que, pour ces territoires où la procédure du code de l'urbanisme est obligatoire, la CNDP serait désormais saisie pour savoir si elle doit être mise en oeuvre ou bien si la concertation du code de l'environnement lui est préférable. Cet aiguillage par la CNDP est source de complexité et il fait comme si la concertation prévue par le code de l'environnement était préférable, plus sérieuse, mieux garantie - ce qui n'est nullement le cas. Avec cet amendement, nous revenons au texte initial de l'ordonnance, en respectant mieux les champs respectifs des deux codes.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Fouché, au nom de la commission.
I. - Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b) L'article L. 121-9 est ainsi modifié :
- après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
II. - Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- la première phrase du 3° est complétée par les mots : « du présent code » ;
M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement n°19 est rédactionnel.
L'Assemblée nationale a fait prévaloir le code de l'environnement sur le code de l'urbanisme : c'est pertinent, car les obligations du code de l'environnement sont plus précises. Seuls quelques projets sont visés, qui relèvent des deux codes, et l'intervention de la CNDP n'allongerait les délais que de deux mois, c'est raisonnable pour de tels projets d'importance : avis défavorable à l'amendement n°3 rectifié.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. - Même avis. On ne va pas imposer une double concertation... La distinction protège mieux le porteur du projet. Avis favorable à l'amendement n°19.
M. Henri Cabanel. - Je voterai l'amendement n°3 rectifié. En 2015, la CNTE a mis en avant le sérieux des concertations « code de l'urbanisme ».
La redondance est source de complexité. Seuls un petit nombre de grands projets, certes, sont concernés par la double procédure. Sur le fond, une question comme l'artificialisation des terres agricoles mérite la clarté des procédures, que vise précisément l'amendement.
M. Alain Richard. - Une explication est nécessaire. Les deux codes ont un champ d'application distinct, dont les limites ont été bien circonscrites par la jurisprudence. Le degré de garantie de l'information et de la participation du public est équivalent dans les deux procédures. Il est logique de donner à la CNDP, dans les cas où elle est consultée d'office, soit les projets de plus de 300 millions d'euros, le pouvoir d'orienter la concertation. Je crains que la rédaction retenue ne brouille la délimitation entre les deux codes en ajoutant certains cas de saisine. Une vérification s'imposerait d'ici à la fin de la séance car nous sommes en deuxième lecture.
M. Michel Raison. - Une mission du Sénat sur le sujet a rendu son rapport avant l'été. Nous étions convenus de mettre à profit sa réflexion pour améliorer la démocratie participative et simplifier la vie de nos concitoyens. Le fait que l'amendement n°3 rectifié soit cosigné par des sénateurs de groupes différents est un témoignage de l'attitude constructive du Sénat, sans qu'il nous soit besoin de créer des groupes bizarroïdes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Alain Fouché, rapporteur. - Les projets concernés sont de très grande ampleur. Il convient de préserver le champ d'intervention de la CNDP.
L'amendement n°3 rectifié est adopté.
L'amendement n°19 devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Fouché, au nom de la commission.
Après l'alinéa 40
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) La sous-section 2 est complétée par un article L. 121-16-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-16-2. - Lorsqu'un projet mentionné au 1° bis ou au 2° de l'article L. 121-15-1 a fait l'objet d'une concertation préalable organisée selon les modalités prévues aux articles L. 121-16 et L. 121-16-1, la Commission nationale du débat public peut, à la demande du maître d'ouvrage ou de l'autorité compétente pour autoriser le projet, désigner un garant chargé de veiller à la bonne information et à la participation du public jusqu'à l'ouverture de l'enquête publique. La Commission détermine alors les conditions dans lesquelles le garant et le maître d'ouvrage la tiennent informée. Elle assure, si nécessaire, la publication de rapports intermédiaires. Le rapport final du garant est rendu public. L'indemnisation de ce garant est à la charge du maître d'ouvrage. » ;
M. Alain Fouché, rapporteur. - Cet amendement reprend l'expérimentation proposée par M. Bonnecarrère pour améliorer la continuité de l'information et de la participation du public.
Toutefois, cette disposition ne s'applique qu'aux projets faisant l'objet d'un débat public, ou d'une concertation préalable décidée par la Commission nationale du débat public (CNDP). Le présent amendement vise ainsi à étendre à titre facultatif cette disposition aux projets hors CNDP et faisant l'objet d'une concertation préalable avec garant. Cette désignation pourra être demandée par le maître d'ouvrage ou par l'autorité compétente pour autoriser le projet.
On comble ainsi le vide entre la fin de l'enquête préalable et le début de l'enquête publique.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. - Avis favorable.
L'amendement n°18 est adopté.
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.
La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 45.
présidence de M. Gérard Larcher