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Table des matières
Modification de l'ordre du jour
Question prioritaire de constitutionnalité
Engagement de la procédure accélérée
Accaparement des terres agricoles (Procédure accélérée)
M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques
Explications de vote sur l'ensemble
Prescription en matière pénale (Deuxième lecture)
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois
Mise au point au sujet d'un vote
Statut de Paris et aménagement métropolitain (Nouvelle lecture)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois
M. Jean-Michel Baylet, ministre
M. Mathieu Darnaud, rapporteur
Ordre du jour du mercredi 8 février 2017
SÉANCE
du mardi 7 février 2017
52e séance de la session ordinaire 2016-2017
présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente
Secrétaires : Mme Corinne Bouchoux, M. Christian Cambon.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Modification de l'ordre du jour
Mme la présidente. - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé l'inscription à l'ordre du jour du jeudi 16 février, après l'examen de trois conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié, de la proposition de loi relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d'agglomération issues de la transformation de syndicats d'agglomération nouvelle, sur laquelle il a engagé la procédure accélérée. Il a aussi demandé l'examen, le même jour, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la sécurité publique, ou sa nouvelle lecture, avant l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la Corse, ou sa nouvelle lecture.
La commission des finances se réunira pour examiner le rapport sur la proposition de loi relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d'agglomération issues de la transformation de syndicats d'agglomération nouvelle le mardi 14 février après-midi. Le délai limite de dépôt des amendements sur ce texte pourrait être fixé au mercredi 15 février à 17 heures.
Le Gouvernement a également demandé d'avancer à 10 h 30, le jeudi 23 février, le débat sur le bilan du « choc de simplification » pour les entreprises, qui était initialement prévu à 11 heures.
Il en est ainsi décidé.
Accord en CMP
Mme la présidente. - La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique est parvenue à un texte commun.
Dépôt d'un rapport
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport annuel relatif aux chiffres de la politique de l'immigration et de l'intégration. Il a été transmis à la commission des lois et à celle des affaires sociales.
Question prioritaire de constitutionnalité
Mme la présidente. - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 2 février 2017, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui a adressé un arrêt de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime (Redressement et liquidation des exploitations agricoles - Exclusion des personnes morales).
Engagement de la procédure accélérée
Mme la présidente. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen de la proposition de loi relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d'agglomération issues de la transformation de syndicats d'agglomération nouvelle, déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 2 février 2017.
Accaparement des terres agricoles (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle.
Discussion générale
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Un recours devant le Conseil constitutionnel nous oblige à reprendre aujourd'hui un débat que nous avons déjà eu.
À la suite de l'acquisition de 1 700 hectares de terres dans le Berry par un fonds chinois, la loi Sapin 2 avait en effet étendu le droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), afin que les mouvements de ce type à l'intérieur de groupements fonciers puissent désormais être détectés et bloqués. Sur une question brûlante, j'espère que ces dispositions, que le Conseil constitutionnel n'a censurées que pour des raisons de procédure, feront à nouveau consensus.
La question des produits phytosanitaires soulève d'autres débats. Annulée elle aussi pour des raisons de forme, par le Conseil d'État, l'ordonnance instaurant à titre expérimental des certificats d'économie des produits phytopharmaceutiques (CEPP) visait à responsabiliser tout le monde. Les résultats du plan Écophyto 2 montrent que l'utilisation des phytosanitaires, si elle augmente globalement, peut être enrayée. Des baisses notables ont été enregistrées dans les fermes Dephy, aussi bien en grande culture qu'en arboriculture, en maraîchage ou dans le domaine des productions tropicales. Nous souhaitions éviter de taxer ces produits, car en définitive, ce seraient les agriculteurs qui paieraient. En revanche, il faut aider au développement de nouveaux modèles de production, et responsabiliser les vendeurs. Il est trop facile de s'en prendre toujours aux agriculteurs ! Moins ils achèteront de phytosanitaires, meilleurs seront leurs résultats.
M. Jean Desessard. - Très bien.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Je vous demande de ne pas remettre en cause les CEPP. Je sais bien que la question des sanctions fait débat. Nous avons prévu qu'elles s'appliquent après cinq ans, si les ventes n'ont pas baissé de 20 % conformément à l'objectif fixé ; leur montant, négocié avec la profession, a été ramené de 11 à 5 euros par NODU (nombre de doses unitaires). Ces sanctions ont été acceptées par le comité de pilotage du plan Écophyto.
M. Bruno Sido. - De guerre lasse !
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Monsieur le sénateur, si nous ne prenons pas de décisions, elles s'imposeront à nous et ce seront les agriculteurs qui paieront ! Je ne rappellerai pas que le Grenelle de l'environnement avait proposé d'abaisser de 50 % la consommation des phytosanitaires, sans aucun effet puisqu'elle avait augmenté de 12 % en 2012... Doit-on laisser faire, ou se donner les moyens de nos ambitions ? Allez donc dire aux agriculteurs qu'ils doivent être seuls tenus responsables !
Ne remettez pas en cause l'accord trouvé avec la profession. Notre action porte ses fruits puisqu'en 2014-2015, le recours aux phytosanitaires a baissé de 2,7 %. Nous devons continuer, pour les agriculteurs de France !
Réduire la consommation de phytosanitaires suppose d'encourager les alternatives : c'est le troisième volet de ce texte, qui élargit les dispenses d'agrément pour les produits de biocontrôle. Ces pratiques se développent dans les fermes Dephy et donnent d'excellents résultats. Pourquoi s'en priver ? Les agriculteurs comme les consommateurs y trouvent leur intérêt.
Pour progresser, le Gouvernement fait le choix de l'engagement collectif plutôt que d'imposer des normes ou des taxes. J'espère que les dispositions sur les CEPP feront l'objet du même consensus que les autres, afin que chacun assume les responsabilités qui lui reviennent. (Applaudissement à gauche)
M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques . - Cette proposition de loi fait l'objet d'un examen à grande vitesse, mais discussion rapide ne veut pas dire discussion bâclée : j'ai procédé à quatorze auditions et nous avons déjà traité d'une partie de ces questions dans le cadre de la loi Sapin 2. Nous étions alors parvenus à un accord ambitieux et réaliste sur la question des terres agricoles, mais le Conseil constitutionnel y a, hélas, vu un cavalier législatif. D'où la proposition de loi Faure-Potier, qui reprend les dispositions agricoles de la loi Sapin 2 mais y ajoute des mesures relatives au biocontrôle et aux CEPP - celles-ci introduites par amendement du Gouvernement.
J'avais fait un choix différent en ne reprenant dans ma proposition de loi que les dispositions relatives au foncier agricole. Toutefois, j'aborde ce texte avec le même esprit constructif que les précédents.
La maîtrise des terres est indispensable à l'agriculteur. Or le faire-valoir direct ne cesse de baisser et les investisseurs se multiplient, alors que le prix du foncier est assez bas en France par rapport à nos voisins. Les fermages rapportent peu mais la perspective d'une hausse du prix des terres attire les spéculateurs.
Les Safer, bras armé du remembrement, ont été confortées par la loi agricole de 2014 avec pour objectif d'accompagner l'installation des jeunes agriculteurs et de consolider les exploitations. Leur droit de préemption a été étendu aux cessions totales de parts de société, mais cela n'aurait pas suffi à empêcher l'acquisition de 1 600 hectares de terres dans le Berry par un fonds chinois, car il s'agissait là d'une cession partielle.
La proposition de loi oblige donc les sociétés à acquérir des terres par le biais d'une société dédiée au portage agricole, et étend le droit de préemption des Safer aux cessions partielles de parts sociales. La filialisation des acquisitions foncières ne sera pas obligatoire pour les GFA, GFR, GREC ou EARL. Nous avons ajouté en commission une exception pour les sociétés agricoles qui rachètent les terres dont elles sont déjà locataires. La filialisation ne sera pas non plus obligatoire pour les petites acquisitions de terres, en dessous des seuils du contrôle des structures. Seules les opérations importantes y seront en fait soumises, pour plus de transparence.
L'idée d'un droit de préemption sur une cession partielle est critiquée par des juristes, car elle pourrait obliger des partenaires à faire partie ensemble d'une société sans l'avoir choisi. Mais cela existe déjà pour les sociétés civiles immobilières.
Bien sûr, ce texte ne règle pas tous les problèmes. Nous aurons à travailler à un grand texte foncier, pour revoir les relations entre investisseurs extérieurs et monde agricole. L'apport de capitaux extérieurs peut alléger le fardeau des agriculteurs, mais ceux-ci doivent se voir garantir un droit d'exploitation pérenne.
Ont également été réintroduites ici d'autres dispositions censurées de la loi Sapin 2 : l'obligation de conservation des parts sociales détenues suite à des apports de terre durant cinq ans, la suppression du répertoire des valeurs des terres agricoles au profit du barème, et l'attribution facilitée de conventions d'occupation précaire des réserves foncières des collectivités territoriales. La commission a en revanche supprimé l'article 7 bis, qui supprimait la commission nationale paritaire des baux ruraux et les comités techniques départementaux et ne faisait pas consensus. Que les agriculteurs puissent s'adresser à une commission est moins coûteux pour eux et désengorge nos tribunaux.
Le texte contient donc aussi des dispositions relatives au biocontrôle. Les auditions m'ont convaincu qu'il y avait un accord large sur l'assouplissement du droit en vigueur, mais attention, un produit naturel n'est pas forcément inoffensif...
Si les auteurs de cette proposition de loi y ont inscrit un volet sur les phytosanitaires, c'est, me semble-t-il, afin de réintroduire le cas échéant les dispositions de l'ordonnance sur les CEPP, annulée depuis par le Conseil d'État... C'est ce qui fut fait en séance, par amendement du Gouvernement. La commission n'a pas remis en cause le principe des CEPP, souhaitant encourager les méthodes alternatives aux phytosanitaires. En revanche, elle a supprimé les sanctions financières - qui, soyons honnêtes, seraient payées en fin de compte par les agriculteurs.
Les CEPP sont utiles pour mesurer les efforts réalisés et subventionner les projets les plus prometteurs, mais nous ne voulons pas qu'ils soient un instrument de contrainte.
J'ai enfin fait introduire un article 8 A afin de mieux lutter contre le dépérissement du buis. Le traitement par phytosanitaires est interdit aux collectivités dès 2017, aux particuliers à compter de 2019. Mais il n'existe, dans ce cas, aucun traitement alternatif ! Pouvons-nous laisser dépérir le buis, socle du jardin à la française ?
C'est donc dans un esprit constructif et pragmatique que nous avons travaillé, comme nous travaillerons à une prochaine loi foncière. Vous pouvez compter sur ma détermination, car il y va de l'avenir de nos campagnes. En attendant, la commission vous invite à adopter cette proposition de loi, moyennant quelques amendements techniques. (Applaudissements à droite)
M. Daniel Dubois . - Cette proposition de loi est la conséquence de la censure par le Conseil constitutionnel de dispositions de la loi Sapin 2. Elle reprend d'abord les mesures de protection du foncier agricole relatives aux Safer, plutôt consensuelles. Je veux saluer les efforts accomplis. Le rachat de 1 600 hectares de terres dans l'Indre par des investisseurs chinois a choqué. On ne s'était pourtant guère ému du rachat de célèbres vignobles !
M. Bruno Sido. - Personne n'avait rien dit.
M. Daniel Dubois. - L'émotion est à géométrie variable...
La terre est le premier outil des agriculteurs, aussi importe-t-il de limiter la spéculation foncière : c'est la mission des Safer, que nous devons doter de toutes les prérogatives nécessaires pour éviter tout contournement de la loi. J'avais moi-même déposé en 2014 un amendement autorisant les Safer à préempter une minorité de blocage ou une majorité de gestion, rejeté après avoir reçu l'avis défavorable de la commission et du Gouvernement...
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. - L'amendement était irrecevable au titre de l'article 40...
M. Daniel Dubois. - Le groupe UDI-UC soutient donc le titre I, tout en regrettant le morcellement des textes, qui fait obstacle à une vision globale du sujet et alimente l'angoisse liée à l'instabilité du droit. Une loi globale couvrant tous les enjeux du foncier agricole serait bienvenue.
Quant au titre II, les agriculteurs doivent inévitablement concilier les impératifs écologiques et économiques. Nous approuvons les modifications apportées par le rapporteur, qu'il s'agisse des CEPP ou de l'usage de phytosanitaires en l'absence de produits de substitution. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean Desessard . - Le texte examiné aujourd'hui a fait l'objet d'un large consensus lors de la discussion de la loi Sapin 2, mais la censure du Conseil constitutionnel nous force à y revenir. Il répond à la perte de contrôle et de souveraineté sur les terres agricoles, qu'a illustré l'achat de 1 600 hectares de vignobles par une entreprise chinoise, profitant d'une faille juridique.
M. Bruno Sido. - Terres qui appartenaient à des Hollandais !
M. Jean Desessard. - Le texte renforce donc le droit de préemption des Safer, sans mettre en péril la sacro-sainte affectio societatis.
Sur le biocontrôle, on enregistre quelques petites avancées, mais l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) n'a toujours pas établi de protocole pour une autorisation de mise sur le marché (AMM) simplifiée. Un certain nombre d'entreprises compétitives et qui embauchent nous rapportent que leurs dossiers d'AMM sont bloqués à l'Anses depuis des années. Un peu plus d'empressement serait bienvenu, monsieur le ministre, pour la transition agro-écologique que vous défendez. Les entreprises rapportent aussi que les administrations chargées de les contrôler font preuve à leur égard d'un zèle qu'elles ne manifestent sans doute pas à l'égard de Bayer ou Monsanto... C'est d'autant plus gênant que des produits autorisés dans d'autres pays d'Europe circulent en France en vertu du principe de reconnaissance mutuelle... Tous ces freins sont un aiguillon à la délocalisation de nos entreprises innovantes...
Cela dit, le groupe écologiste votera ce texte, en cohérence avec la position prise sur la loi Sapin 2.
M. Henri Cabanel . - Je salue l'initiative des députés Potier et Faure sur ces deux enjeux majeurs.
Le foncier d'abord. Le rachat de 1 600 hectares par une société chinoise, pour un prix deux fois supérieur à la moyenne, a choqué... et le phénomène n'est pas nouveau, qui fait monter les prix, ni spécifique à la France puisque les Chinois ont investi 20 milliards d'euros en Europe en 2015 !
Toutefois, les Chinois préféraient jusqu'ici le vignoble. Le rachat de terres céréalières du Berry est une première.
M. Bruno Sido. - Ils en achètent aussi à Madagascar...
M. Henri Cabanel. - Le texte répond au problème de la spéculation en améliorant la transparence des transactions : c'est l'article premier. L'article 2, lui, renforce le droit de préemption des Safer, qui doivent pouvoir acquérir la totalité des parts des groupements fonciers agricoles ou ruraux ; l'article 3 l'étend à la cession partielle des parts d'une société agricole, lorsque l'acquisition aurait pour effet de donner au cessionnaire la majorité des parts ou une minorité de blocage.
Dans la continuité de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014, le pacte d'avenir de mars 2015 a conforté les missions des Safer. C'est bien, mais avec quels moyens ? Les préemptions ne représentent aujourd'hui que 7 % de la surface et 5 % de la valeur des acquisitions. Il reste donc, comme je l'ai proposé, à réformer le financement des Safer, via la taxe spéciale d'équipement.
Les départements, depuis la loi de 2005, disposent avec les périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN) d'outils performants pour sanctuariser les terres, encore faut-il qu'ils y recourent. Pourquoi les Safer ne les y aideraient-elles pas ?
La proposition de loi aborde aussi la question du biocontrôle, pour faire baisser la consommation de phytosanitaires dont les agriculteurs sont les premières victimes. Dans un livret sur l'agriculture durable, j'avais laissé le champ libre à des dessinateurs de presse, et l'un d'eux a choisi pour légende : « Tu emploies de la chimie, tu finis en chimio »... Les attentes sociétales sont fortes, et la politique du Gouvernement porte ses fruits, puisque les ventes de phytosanitaires ont baissé de 2,7 % entre 2014 et 2015.
Les CEPP incitent les vendeurs de produits phytosanitaires à encourager l'usage de produits alternatifs. Les sanctions prévues ne seront applicables qu'en 2021, ce qui donnera aux acteurs le temps de s'adapter. Agriculteur moi-même, j'ai toujours dit qu'interdire sans qu'il y ait de produit de substitution, c'était sacrifier une filière - surtout quand les mêmes produits sont autorisés chez nos voisins...
Il faut avoir en vue l'intérêt collectif du monde agricole. Vendre ses terres pour faire une grosse plus-value repose sur un raisonnement à court terme : être paysan, ce n'est pas faire de la spéculation, c'est assumer un devoir de transmission aux générations futures. Encore faut-il vivre de sa profession, c'est un autre débat... Merci, monsieur le ministre, de votre inlassable volonté de promouvoir une stratégie audacieuse et moderniste pour une agriculture durable. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)
M. Michel Le Scouarnec . - Après la forêt et les vignobles, les spéculateurs s'attachent aujourd'hui aux terrains intermédiaires, contribuant à l'affaiblissement du modèle de l'exploitation familiale. La Chine n'est pas seule en cause : voyez la ferme des mille vaches. Au-delà même des investisseurs étrangers, on voit se multiplier les grandes exploitations sociétaires et le recours à des entreprises de travaux agricoles. En vingt ans, les personnes morales ont vu leur part dans la surface agricole multipliée par deux et demi... En 2015, les sociétés ont réalisé 10 % des transactions foncières agricoles, acquis 13 % des surfaces vendues pour 26 % de la valeur. La financiarisation de la terre est en marche.
Le contournement du contrôle exercé sur ces transactions par les Safer est possible, comme en témoigne la récente acquisition de 1 750 hectares de terres de l'Indre par un fonds chinois.
C'est dans ce contexte qu'il faut appréhender cette proposition de loi car, nous le savons, la politique foncière est un pilier de toute politique agricole et alimentaire. Elle est aussi un enjeu pour l'installation de nos jeunes agriculteurs. Il en va du foncier agricole comme des autres secteurs économiques : les montages financiers et techniques qui encouragent la spéculation se multiplient. Ils s'appuient sur la spécialisation territoriale des productions et le désarroi des agriculteurs qui acceptent de vendre pour améliorer leur retraite de misère : 736 euros par mois !
Notre groupe CRC aurait préféré un grand projet de loi à des mesures ponctuelles et éparses. Cela étant, nous approuvons l'article premier : seules des sociétés dont l'objet principal est la propriété agricole pourront désormais acquérir du foncier agricole. Le renforcement du droit de préemption des Safer constitue une avancée importante à condition de redéfinir les moyens d'action et le statut de ces structures et de mieux les contrôler pour éviter leur financiarisation. Il est indispensable d'encadrer le prix des terres agricoles de sorte qu'il soit en corrélation avec le revenu agricole que l'on peut en tirer.
Nous sommes favorables au titre II sur le biocontrôle. Il ne faut sous-estimer aucune disposition en la matière.
Le groupe CRC est très attaché à notre modèle d'exploitation familiale, à taille humaine, qui facilite l'ancrage territorial et la transmission. Pour nous, la terre doit appartenir à ceux qui la travaillent. Nous défendons une politique publique forte, une politique foncière rénovée pour lutter contre l'hyperspécialisation des productions et la concentration des terres. Nous voterons ce texte, malgré ses limites. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et socialiste et républicain)
M. Alain Bertrand . - Beaucoup de choses ont été dites. Les agriculteurs doivent faire face à l'arrivée des capitaux étrangers. Rien de nouveau : une centaine de propriétés du Bordelais ont été rachetées par des Chinois depuis 2008. Le phénomène ne touche pas la seule viticulture ; les terres céréalières, l'élevage et la production laitière sont aussi concernés. Il entraîne mécaniquement une déformation des prix du foncier et de notre capacité de production. Pour décrire l'activité des agriculteurs en Camargue, Geneviève Nguyen et François Purseigle emploient le terme de « métayage » ou de « servage ». C'est un véritable retour en arrière devant lequel nous ne pouvons pas rester sans réagir.
Il est urgent de rétablir la situation en faveur des agriculteurs. Limiter les possibilités d'acquisition du foncier, lutter contre la spéculation, tels sont les moyens pour préserver notre modèle d'agriculture à la française.
La proposition de loi étend le droit de préemption des Safer. Si ces structures sont souvent critiquées, elles jouent un rôle décisif en matière d'emploi et de développement économique. Elles ne disposent pas d'un budget suffisant.
Encourager l'interdiction des produits phytosanitaires est une bonne chose, tant que cela ne met pas en difficulté les agriculteurs. C'est pourquoi je souscris entièrement à l'article additionnel introduit par notre commission des affaires économiques, visant à autoriser l'utilisation des produits phytopharmaceutiques conventionnels lorsqu'il n'y a pas d'alternative. Les articles 8 et 9 allègent les exigences qui pèsent sur les professionnels s'ils utilisent des techniques de biocontrôle. Enfin, une mesure intelligente - elles sont rares dans la loi française.
Enfin, l'article 10 ratifie l'ordonnance relative à l'expérimentation des CEPP sur laquelle le ministre a insisté.
Nous voulons protéger nos productions, nos exportations, nos agriculteurs, nos paysans et nos terroirs. L'agriculture est capable de relever tous les défis, à commencer par celui d'une agriculture propre. Nous voterons majoritairement ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Pierre Cuypers . - Le Sénat examine une proposition de loi sur des questions qui ne sont pas nouvelles. Le contrôle des cessions foncières rurales est une spécificité française qui depuis les années soixante favorise l'installation des jeunes agriculteurs et la préservation des paysages.
L'affaire des 1 600 hectares achetés par les Chinois dans l'Indre a révélé les failles de notre arsenal juridique. Le groupe Les Républicains, sans tarder, a jugé nécessaire de les combler. C'est l'objet de la proposition de loi de notre rapporteur Gremillet.
Les Safer font l'objet de critiques récurrentes : activités peu transparentes selon le rapport de la commission des lois de 2014.
Nous devrons mener une réflexion d'ensemble sur le rôle des Safer, sur le foncier agricole, sur l'équilibre entre droit d'exploiter et droit de propriété.
Le rapporteur, Daniel Gremillet, a réalisé un travail remarquable...
M. Bruno Sido. - C'est vrai !
M. Pierre Cuypers. - ... sur cette proposition de loi. En commission, nous avons décidé que l'ensemble des formes sociétaires seraient dispensées de créer une société de portage foncier pour l'achat de terres, dès lors qu'elles en sont déjà locataires. Ainsi, les sociétés civiles d'exploitation agricole titulaires d'un bail rural, pourront exercer leur droit de préemption prioritaire en tant que locataire. Je crois que nous sommes parvenus à un point d'équilibre.
Quant au biocontrôle, nous avons maintenu les CEPP mais sous la forme d'une expérimentation et supprimé le régime des sanctions. Je m'en félicite : oui à une écologie incitative et positive plutôt que punitive. Les CEPP sont très critiquables dans leur principe : ils introduisent une distorsion de concurrence entre distributeurs français et étrangers.
Toutefois, parce que le texte favorise une meilleure maîtrise du foncier rural, le groupe Les Républicains, dans sa majorité, le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Franck Montaugé . - Souveraineté nationale, autonomie alimentaire, tels sont les enjeux auxquels nous a brutalement renvoyés l'acquisition des 1 600 hectares dans le Berry par une société chinoise.
L'extension des EPFR qui existaient avant la création des nouvelles régions, comme c'est le cas en Occitanie, se traduira par des prélèvements fiscaux supplémentaires effectués directement auprès des contribuables des territoires ruraux et hyper-ruraux. Les sommes prélevées tous les ans, de près de 15 euros par habitant, serviront surtout à porter des opérations foncières situées en milieu urbain. C'est une bonne chose à condition que la solidarité s'exerce également de l'urbain vers le rural. Si, dans le Gers, des sociétés de portage foncier au capital desquelles figurent adhérents coopérateurs et salariés non coopérateurs facilitent l'installation de jeunes viticulteurs, ce serait un juste retour des choses que les Safer bénéficient d'une partie des fonds prélevés par les EPFR.
M. Jean-Louis Carrère. - Très bien !
M. Franck Montaugé. - La mise en oeuvre expérimentale des CEPP prévue à l'article 10 est justifiée. Je salue l'action du ministre qui a engagé notre agriculture dans la voie de l'exploitation durable. Pourquoi ne pas miser sur l'innovation plutôt que sur la sanction ? Déjà, 70 fiches-actions ont été déposées, dont 20 ont été approuvées par le comité d'évaluation. Ce n'est pas à l'agriculteur d'endosser seul la responsabilité de l'emploi des produits phytosanitaires. Cette responsabilité, de même que la valeur ajoutée, doit être répartie tout au long de la chaîne, de l'amont à l'aval.
Voilà nos propositions, elles sont marquées du sceau de la solidarité et du bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et sur quelques bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Bruno Sido . - Je n'aborderai pas la question du biocontrôle et des CEPP, il y aurait trop à dire.
Dans le Petit Robert, l'accaparement est défini comme « le fait de prendre pour soi seul ». Est-ce mal de posséder exclusivement un bien ? Comment équilibrer le droit de propriété et les objectifs d'intérêt général à commencer par la nécessité de produire pour nourrir la population ?
Agriculteur depuis 1977, je constate depuis quarante ans la nécessité d'adapter notre agriculture aux défis du monde contemporain. Le monde change, il ne nous attend pas. Les agriculteurs, dont on sait le désarroi...
M. Jean-Louis Carrère. - Revoilà les violons...
M. Bruno Sido. - ... ont besoin d'une parole politique forte. Notre agriculture n'est plus nationale ; elle s'insère dans un cadre mondial. Le prix des céréales est fonction de la récolte en Australie, en Ukraine ou encore au Brésil. Prenons acte plutôt que d'entretenir des illusions. Était-ce d'ailleurs vraiment « mieux avant » avec des exploitations de petite taille ?
Nous devons garantir à notre monde agricole une concurrence équilibrée. Quand le prix de revient de la tonne de blé est de 90 euros en Ukraine contre le double en France, que faut-il faire ? Sortir de l'Europe et de la PAC ? Refuser la mondialisation ? Ériger un mur ? Je vous laisse imaginer les conséquences pour nos agriculteurs.
Pour faire face, les agriculteurs, quand ils le peuvent, augmentent la taille de leurs exploitations ; accompagnons-les dans ce mouvement.
De nombreux agriculteurs travaillent incroyablement dur pour gagner si peu...
M. Charles Revet. - C'est vrai.
M. Bruno Sido. - ... parce que le système n'encourage pas la compétitivité. Les exploitations ne sont pas des lieux de visite pour citadins en vacances ; ce sont d'abord des entreprises où l'on investit, où l'on innove, où l'on crée de la valeur. Je n'ai rien contre les Safer, elles sont indispensables et le texte les conforte. Mais il nous revient de repenser les conditions de développement économique des exploitations agricoles.
Augmenter la taille de son exploitation, est-ce accaparer des terres ou chercher à garantir sa pérennité ? Quid des investissements étrangers ? Quelles conditions faire aux investisseurs ? La règle clef doit être celle de la réciprocité effective. Oui aux relations commerciales ; non au libre-échange à sens unique.
La loi française s'applique à tous sur notre territoire, qu'on soit Français, Hollandais ou Chinois. Attention à maintenir le cap sur l'essentiel : le soutien à la compétitivité de notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Dominique de Legge . - Un investisseur chinois a acheté 1 700 hectares de terres et voici que nous sommes appelés à légiférer pour renforcer les Safer après les lois de 1980, de 1990 et de 2014. La Cour des comptes ne cesse de dénoncer les dérives de ces structures, pointant les opérations de substitution qui ne facilitent en rien l'installation des jeunes. Représentant 68 % de l'activité des Safer, ces opérations, sur lesquelles elles prélèvent une commission, représentaient un coût fiscal de 45 millions en 2012, aux dépens des communes, des départements et de l'État. Sans compter que cet avantage fiscal s'applique de plus en plus à des opérations portant sur des biens ruraux bâtis. La Fédération nationale des Safer gère un site internet « propriétés-rurales.com », similaire à ceux des notaires ou des agences immobilières. En 2012, 10 % d'hectares seulement ont été consacrés au renouvellement de l'installation des jeunes. Un recentrage s'impose.
Quand les Safer ont été créées en 1960, la France comptait 2 millions d'exploitations, contre moins de 500 000 aujourd'hui. Les régions étaient des établissements publics ; elles sont désormais des collectivités territoriales et ont vu leurs compétences économiques renforcées, ce qui leur permet de développer des dispositifs d'accompagnement pour les exploitants. Il faudrait que les Safer s'adaptent à ces changements. Sans jeter le bébé avec l'eau du bain, la maîtrise du foncier devrait être appréhendée de manière plus globale. Les moyens et les missions des Safer devraient être revus pour plus de transparence.
J'appelle à une réflexion sans tabou sur ces sujets et déplore que nous soyons appelés à légiférer par le petit bout de la lorgnette.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme la présidente. - Amendement n°10, présenté par M. Revet.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À la demande de la personne morale de droit privé mentionnée ci-dessus, le préfet de région peut déroger, par décision motivée, au seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles lorsque l'acquisition ou l'apport concourt à un projet compatible avec un plan, schéma, programme ou document de planification.
M. Charles Revet. - Ce texte réserve l'acquisition de terres agricoles aux structures juridiques dont l'objet principal est la propriété agricole au-delà de certains seuils. Or le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles, qui varie d'un département à un autre, peut se révéler très restrictif. Autorisons chaque préfet de région à déroger à ce seuil si nécessaire. Dans la loi Littoral, on a constaté l'impossibilité de construire des stations d'épuration pour certaines collectivités. C'est la même chose ici. Le préfet doit pouvoir intervenir.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - L'amendement crée de la complexité alors que la constitution d'une société de portage n'est pas insurmontable. Je rappelle que l'obligation ne porte que sur les opérations importantes. Cet amendement pourra être intégré à une réflexion plus large à l'occasion d'une grande loi sur le foncier. En attendant, avis défavorable.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Même avis.
La part liée au coût du foncier n'est jamais prise en compte dans la compétitivité de l'agriculture française. Remettre en cause les Safer en laissant penser que l'arrivée de capitaux favoriserait la compétitivité de notre agriculture est dangereux. Pensez à l'installation de nos jeunes agriculteurs. Les Safer, dont nous avons revu la gouvernance après le rapport de la Cour des comptes, jouent un rôle incontestable.
M. Charles Revet. - Je ne mettais pas en cause le rôle des Safer, je cherchais à débloquer des situations telles que j'en ai vu dans mon département. On y a besoin d'un silo à blé, impossible de le bâtir.
L'amendement n°10 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°11, présenté par M. Revet.
Alinéa 4
Après le mot :
limitée
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, ou une association dont l'objet principal est la propriété agricole, ni aux acquisitions effectuées par les sociétés dont l'objet principal est l'extraction de substances minérales. Il en est de même des apports effectués à ces sociétés, groupements et associations.
M. Charles Revet. - Cet amendement va dans le même sens : n'empêchons pas les entreprises d'extraction minière de constituer des réserves foncières.
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 4, deuxième et troisième phrases
Rédiger ainsi ces phrases :
Il en est de même des apports effectués à ces sociétés, groupements et associations. Il ne s'applique pas non plus aux acquisitions, par des sociétés, de terres agricoles sur lesquelles ces sociétés sont titulaires d'un bail depuis au moins six ans ou mises à leur disposition, depuis au moins six ans, dans les conditions prévues par les articles L. 411-2 ou L. 411-37.
M. Henri Cabanel. - Cet amendement reprend l'amendement adopté en commission qui exclut de l'obligation de création d'une société de portage les sociétés titulaires d'un bail ou bénéficiaires d'une mise à disposition. Il ajoute une condition de détention ou de mise à disposition du bail depuis au moins six ans, ce qui correspond aux deux tiers de la durée minimale d'un bail rural.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Les Safer sont gouvernées par un conseil d'administration où siègent les collectivités. Elles doivent obtenir l'accord du commissaire du Gouvernement. À M. Revet, je dirai que son amendement ouvre un sujet de débat. Notre idée est de remettre au centre du débat le statut de l'agriculteur. Avis défavorable à l'amendement n°11.
Le statut du fermage reconnaît le droit de préemption. Autrement dit, les locataires bénéficient d'un droit de préemption. Avis défavorable à l'amendement n°4 mais nous en reparlerons peut-être en CMP.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Dans la mesure où la société de portage est obligatoire, les opérations devraient se dérouler correctement. Avis défavorable à l'amendement n°11. Quant à l'amendement n°4, une durée minimale d'obligation de location de six ans, pour un bail de neuf ans, évitera la spéculation. Cela me semble sain. Avis favorable.
M. Alain Bertrand. - M. Gremillet se trompe lorsqu'il dit que le conseil d'administration et le commissaire du Gouvernement gouvernent les Safer. Seul le conseil d'administration prend les décisions, le commissaire du Gouvernement n'a qu'un rôle de conseil technique : il donne son avis sur la valeur vénale définie à partir de terres de comparaison. Jamais il ne prend l'initiative de préempter. Je le sais pour avoir exercé la fonction pendant plus de vingt ans.
Les Safer doivent pouvoir suivre la totalité des marchés fonciers agricoles grâce à leurs agents sur le terrain. Or elles disposent de financements très modestes. C'est cela qu'il faudrait améliorer si l'on veut étendre leur droit de préemption.
M. Bruno Sido. - Si vous me le permettez (applaudissements sur les bancs du groupe RDSE), on se raconte des histoires par rapport à la réalité du monde. C'est vrai : les Safer ont été créées dans les années soixante pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs. Mais aujourd'hui, les agriculteurs n'arrivent déjà plus à vivre de leur métier ; quant à acheter des hectares de terre...
Les Safer ont changé de fonction : elles ne sont plus là pour aider les jeunes agriculteurs mais pour mieux répartir les terres de manière à encourager l'agrandissement des exploitations.
Dans les Safer, siègent deux commissaires, celui à l'agriculture et celui des finances. Ces deux commissaires sont les vrais patrons, et singulièrement celui des finances.
Ne nous racontons pas d'histoires : à la fin, c'est toujours une question d'argent.
M. Marc Laménie. - Il est important de rappeler le rôle des Safer. Le comité technique est important. Les deux commissaires du Gouvernement jouent objectivement un rôle. Les Safer relaient les préoccupations du monde rural qui évoluent : foncier, aménagement rural... Je m'en remets à l'avis du rapporteur, dont je salue le travail.
M. Alain Vasselle. - Je suivrai le rapporteur. Je comprends les préoccupations de M. Revet. Cependant, des représentants des collectivités siègent dans les Safer. La procédure d'utilité publique leur permet d'acquérir des hectares de terres. Dans mon département, la Safer a mis à disposition de l'intercommunalité les terres dont celle-ci avait besoin. Le rôle des Safer est d'assurer la régulation du marché foncier agricole, pour éviter l'explosion des prix.
Le Gouvernement devrait s'interroger : comment les Danois sont-ils compétitifs avec des terres à 50 000 euros l'hectare quand nous ne nous en sortons pas avec des terres à 6 000 euros l'hectare ?
M. Charles Revet. - Dans mon département aussi, nous travaillons en coopération avec les Safer. Je retire mon amendement.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - C'est bien le comité technique de la Safer qui prend la décision finale.
Sur l'amendement n°4, monsieur le ministre, vous vous trompez. Dès lors qu'un propriétaire vend à son locataire, celui-ci a l'obligation d'exploiter pendant neuf ans. C'est la loi en vigueur. De plus, on ne peut bénéficier du droit de préemption qu'après trois ans de location. L'amendement porte cette durée à six ans. Les choses sont claires. Avis défavorable.
M. François Pillet. - C'est clair !
L'amendement n°11 est retiré.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°13, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission.
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - C'est un amendement de cohérence. L'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions foncières des articles 1er à 5 est renvoyée à un article additionnel en fin de texte.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Reporter de six mois l'entrée en vigueur de ces articles au nom de la cohérence ne me semble pas aller dans le bon sens. Appliquons tout de suite, si vous voyez ce que je veux dire... Avis défavorable.
L'amendement n°13 est adopté.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
M. Michel Le Scouarnec . - Le président de la Fédération nationale des Safer, Emmanuel Hyest, dit que « La Safer n'empêche pas, elle permet ». Elle a vocation à accompagner les futurs retraités agricoles dans le portage foncier contre l'appétit des spéculateurs ; nous avons besoin de systèmes de contrôle et de vigilance, dotés de moyens humains et financiers adaptés. Un outil de régulation, c'est un outil qui permet. Sans une Safer forte, pas de régulation, pas de développement agricole.
L'idée d'une loi sur le foncier est une voie d'avenir. La terre doit appartenir à ceux qui la travaillent. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que du groupe RDSE)
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Courteau, Mme Bataille et M. Vaugrenard.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le sixième alinéa de l'article L. 143-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le droit de préemption mentionné au sixième alinéa ne peut s'exercer lorsque l'acquisition partielle des parts ou actions d'une société dont l'objet principal est la propriété agricole concourt à la réalisation des objectifs de l'article L. 143-2. »
M. Roland Courteau. - Cet amendement exclut de la préemption des Safer les cessions partielles de parts ou d'actions de sociétés dont l'objet principal est la propriété agricole, et qui par ailleurs respectent les objectifs légaux poursuivis par les Safer.
Les coopératives peuvent faire du portage de foncier afin d'aider des coopérateurs à s'installer ou à consolider leurs exploitations. Il n'est pas souhaitable que ces opérations soient compromises par le droit de préemption de la Safer, alors même que leurs objectifs sont exactement ceux qui autoriseraient celle-ci à préempter.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - J'ai été sensibilisé au sujet que vous évoquez lors des auditions. Avis défavorable néanmoins, car la rédaction de l'amendement complique les choses. La constitution d'une société à part n'est pas en soi un problème ; c'est l'objectif qui compte. Intervenir contre une coopérative qui fait du portage pour l'installation d'un jeune n'aurait pas de sens. Mais la loi protège déjà les jeunes agriculteurs contre une éventuelle intervention de la Safer.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Les Safer préemptent en tant que délégataires de service public. Il ne convient pas que d'autres opérateurs reçoivent une telle délégation. La composition du conseil d'administration, dans lequel la loi d'Avenir a ajouté les représentants des collectivités territoriales et des associations, garantit que l'intérêt général prévaudra.
M. Alain Vasselle. - Il arrive que des Safer se comportent en agences immobilières ou en marchands de biens, se préoccupant de leur marge sur les opérations conduites, sans prendre en compte l'intérêt de l'agriculteur. Nous ne sommes pas assurés que les Safer restent dans leur rôle, c'est pourquoi cet amendement est intéressant. Certaines vont jusqu'à se faire payer cher pour rendre un avis dans un délai inférieur à deux mois !
M. Gérard César. - J'ai présidé pendant vingt ans une coopérative qui achetait des terres pour y installer de jeunes agriculteurs, sans que les Safer s'y opposent. Cet amendement est satisfait.
L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°8, présenté par M. de Nicolaÿ.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le I entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Mon amendement est satisfait par le report de six mois de l'entrée en vigueur des articles 2 à 5.
L'amendement n°8 est retiré.
L'article 3 est adopté, de même que les articles 4, 5, 6, 7.
L'article 7 bis demeure supprimé.
ARTICLE ADDITIONNEL
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Revet, Chaize et Mayet.
Après l'article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre IV du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l'article L. 451-2 est supprimé ;
2° L'article L. 451-12 est abrogé ;
3° L'article L. 471-5 est abrogé.
M. Charles Revet. - Cet amendement abroge diverses mesures obsolètes liées aux modes de location des terrains agricoles, concernant notamment le bail emphytéotique et les locations de jardins familiaux.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Retrait ou avis défavorable. Ne toilettons pas tout le droit dans le cadre de cette loi, même si c'est par endroits nécessaire, sans avoir mesuré toutes les conséquences. Dans certains départements au moins, cela fonctionne encore.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Sagesse.
M. Charles Revet. - Le rapporteur demande une loi globale sur l'ensemble de ces sujets. Voilà qui est sage.
L'amendement n°2 rectifié est retiré.
ARTICLE 8 A
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Supprimer cet article.
M. Jean Desessard. - Cet article crée une nouvelle dérogation à la loi Labbé qui interdit les usages non agricoles des produits phytopharmaceutiques, ménageant toutefois des exceptions.
Concernant les menaces qui pèsent sur le buis, deux sites, le manoir d'Eyrignac et les jardins de Marqueyssac, qui en comptent beaucoup, sont traités exclusivement avec des procédés naturels. Ce n'est pas rendre service à l'environnement ou à notre patrimoine que d'étendre les dérogations à la loi Labbé.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Certains champignons et la pyrale sont en train de détruire tous les buis de notre pays, sans qu'existe aucune solution de biocontrôle. Dans l'agriculture biologique, lorsqu'on n'arrive plus à soigner les vaches de manière naturelle, on autorise l'emploi ponctuel d'un antibiotique. Laissons prévaloir le bon sens. Avis défavorable.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Sans alternative pour les collectivités, il convient en effet d'introduire une dérogation puisque l'interdiction des produits phytosanitaires entre en vigueur dès le 1er janvier 2017. En revanche, les particuliers auront le temps de trouver d'autres solutions, puisque l'entrée en vigueur n'est qu'en 2019. Sagesse.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - La pyrale et à peu près circonscrite ; mais pour le traitement des champignons du buis, il convient d'allonger les délais. Les solutions de biocontrôle proposées par l'Anses ne pourront être mises en oeuvre avant deux ou trois ans. Il convient d'autoriser l'usage des produits phytosanitaires pour que les domaines concernés restent ouverts au public, je pense à Vaux-le-Vicomte, à Villandry.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par M. Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
aux II et III
par les mots :
au II
M. Franck Montaugé. - Cet article permet l'utilisation des produits phytopharmaceutiques conventionnels lorsque l'application de produits de biocontrôle ou de préparations naturelles peu préoccupantes ne permet pas de lutter contre une maladie végétale connue. Il s'agit de traiter les buis.
La rédaction retenue en commission est trop large puisqu'elle ouvre la dérogation aux particuliers. Cet amendement la limite aux personnes publiques.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Nous proposons une solution exceptionnelle pour une situation exceptionnelle. Dès qu'une solution de biocontrôle sera trouvée, ces dispositions n'auront plus de raison d'être. Les produits concernés font l'objet d'une AMM : ils ne sortent pas de nulle part ! Avis défavorable.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Je suis pour ma part plutôt favorable à l'amendement. La dérogation retenue par l'article est très large, au risque de compromettre le développement de stratégies alternatives en produits phytosanitaires. Les espaces dont les buis sont menacés sont publics.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - L'amendement voté par la commission des affaires économiques n'est pas une porte ouverte à toutes les dérives et l'encouragement au biocontrôle subsiste. Mais la recherche n'ayant pas permis de développer des solutions agréées pour le traitement du buis, nous proposons cette dérogation exceptionnelle.
M. Alain Vasselle. - L'argument du rapporteur est imparable. Le Gouvernement ne se donne-t-il pas la possibilité d'aller au-delà de la loi par voie réglementaire ? Les récents propos de Mme Royal sur l'interdiction du glyphosate pour les particuliers semblent le suggérer...
M. Didier Guillaume. - Je soutiens l'amendement, mais la plupart des territoires publics sont privés, les buis sont dévastés, brûlés. Il y a ce que l'on apprend dans les livres, l'idéologie, le dogmatisme, et ce que l'on constate sur le terrain - sur lequel j'invite tout le monde à venir voir.
M. Jean Desessard. - Où est le dogmatisme ? Votre défense de cet amendement est curieuse. Il convient de maintenir des principes généraux, au lieu de multiplier les dérogations.
M. Franck Montaugé. - Je comprends la démarche du ministre. Nous retirons cet amendement.
L'amendement n°5 est retiré de même que l'amendement n°6.
L'article 8 A est adopté, ainsi que les articles 8 et 9.
ARTICLE 10
M. Martial Bourquin . - La commission a supprimé l'expérimentation des CEPP. Dans mon département, le Doubs, magnifiquement peint par Courbet, les rivières du Doubs, du Dessoubre ou de l'Ognon, paradis des pêcheurs à la mouche de toutes nationalités, sont dévastées. En hiver, par temps de gel, on a voulu supprimer l'épandage ; mais quelques agriculteurs continuent à le faire, polluant la nappe phréatique et les sols karstiques.
La loi est équilibrée ; l'article 10 doit être maintenu. Il y va de la qualité de notre environnement, de la pérennité du tourisme et des réserves en eau de nos départements.
M. Alain Bertrand. - Très bien !
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par M. Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 13
Rétablir l'article L. 254-10-4 dans la rédaction suivante :
« Art. L. 254-10-4. - À l'issue d'une procédure contradictoire, les obligés qui, au 31 décembre 2021, n'ont pas satisfait à l'obligation qui leur a été notifiée, doivent verser au Trésor public une pénalité proportionnelle au nombre de certificats d'économie de produit phytopharmaceutique manquants pour atteindre l'objectif dont le montant est arrêté par l'autorité administrative.
« Le montant de cette pénalité par certificat d'économie de produit phytopharmaceutique manquant est fixé par décret en Conseil d'État.
« Le montant total des sommes qu'une même personne physique ou morale peut être tenue de verser à ce titre ne peut excéder cinq millions d'euros.
« Les titres de recettes sont émis par l'autorité administrative et sont recouvrés comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Une majoration de 10 % du montant dû est appliquée pour chaque semestre de retard dans le paiement de la pénalité.
M. Henri Cabanel. - Cet amendement rétablit les pénalités financières applicables en cas de non-respect des objectifs des CEPP. Le simple volontariat ne suffit pas. Imagine-t-on des radars routiers sans amendes ? Le régime de sanction ne sera applicable qu'à partir de 2021 : les agriculteurs sauront s'adapter.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Nous aurions pu supprimer l'article 10, si nous avions agi de manière politicienne. Nous ne l'avons pas fait, choisissant de conserver les fiches conseil et l'encouragement des bonnes pratiques. Mais ne reproduisons pas les effets pervers de la législation sur le tabac. Les agriculteurs français seraient les seuls pénalisés par les sanctions. Qu'en ira-t-il de leur concurrence avec les Allemands et les Espagnols ?
Vous faites référence aux radars ; précisément, il y a de radars pédagogiques. Faisons confiance aux agriculteurs au lieu de les pénaliser. C'est le sens de notre amendement à l'article 10.
M. Bruno Sido. - Très bien.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Pendant cinq ans, j'ai voulu intégrer la dimension environnementale comme un enjeu économique pour l'agriculture française. Les CEPP sont inspirés du rapport de l'ancienne présidente de l'INRA, Marion Guillou, nommée sous le gouvernement précédent. J'ai dit ici, dès mon arrivée au ministère, qu'il serait illusoire de réduire la consommation de produits phytosanitaires à l'horizon 2018. Mais la réduction de leur consommation bénéficie à tous. M. Gremillet était au Grenelle, à un autre titre ; il peut témoigner que l'engagement pris était de diminuer de 50 % l'usage des produits phytopharmaceutiques d'ici à 2018 et je constate une augmentation de 12 % ! Pourtant, rien qu'en utilisant un autre matériel, on pourrait réduire de 30 % l'usage des produits phytopharmaceutiques en viticulture !
Ce sont les producteurs et les vendeurs de produits, mais aussi malheureusement les coopératives, qui se sont opposés devant le Conseil d'État à nos tentatives de limitation de leur usage. Que se passera-t-il si nous ne développons pas les alternatives et si nous ne sanctionnons pas ? Un gros industriel aura, c'est vrai, plus d'un million d'euros à payer au titre de cette sanction. Mais si les vendeurs font leur travail, il n'y aura aucune sanction !
J'ai négocié celle-ci avec la FNSEA, acceptant de la réduire de 11 à 5 euros par certificat. J'ai été particulièrement fâché par le recours au Conseil d'État contre les CEPP.
La concurrence étrangère ? Aujourd'hui, nous faisons figure de modèle en Europe. Cela signifie des activités exportatrices. Citez-moi le nom d'un industriel français des produits phytopharmaceutiques ! Il n'y en a pas un seul ! En revanche, il y a de petites entreprises françaises en pointe sur le biocontrôle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) C'est pourquoi je suis pour cet amendement. Les CEPP, c'est un vrai débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Bruno Sido. - Personne ne prétend qu'il faudrait utiliser des produits phytopharmaceutiques. Mais vous voulez répondre au problème en taxant et en taxant encore... Soyons réalistes : les agriculteurs sont l'une des professions les mieux formées. Voilà longtemps qu'ils n'écoutent plus les préconisations des vendeurs ou des organismes stockeurs : ils s'en remettent aux chambres d'agriculture, indépendantes.
Il ne faut plus labourer, dites-vous, monsieur le ministre, et vous voulez en même temps interdire le glyphosate.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Je n'ai jamais dit cela !
M. Bruno Sido. - À la fin des fins, c'est l'agriculteur qui paiera. Je préfère pour ma part l'incitation à la punition !
M. Jean Desessard. - Merci, monsieur le ministre, de votre discours sincère et passionné. Vous vous efforcez de tenir l'équilibre entre écologie et économie, et je comprends que vous vous sentiez aujourd'hui floué...
Peut-être le rapporteur n'est-il pas élu depuis assez longtemps pour s'être rendu compte de la multiplication exponentielle des enseignes bio à Paris : il faut encourager le mouvement, faute de quoi la demande sera couverte par les importations, donc par le déficit de notre balance commerciale...
D'aucuns opposent l'écologie punitive à l'écologie incitative. En réalité, c'est l'absence d'écologie qui sera punitive, et très bientôt ! Réfugiés climatiques, sols appauvris, pollution dans les villes : pourra-t-on vivre dans ces conditions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Le texte de la commission n'enlève rien aux obligations des distributeurs, rien, et je connais le territoire comme vous, monsieur Desessard. Les distributeurs continueront à faire évoluer les pratiques, à conseiller les agriculteurs, à réaliser des fiches techniques !
M. Gérard César, vice-président de la commission. - Comme notre rapporteur, je suis pour l'encouragement plus que pour la sanction : c'est ce qui se pratique déjà, et les agriculteurs sont heureux de pouvoir économiser des produits coûteux !
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Soit, mais peut-on se contenter de dire : « Voici les alternatives aux phytosanitaires », sans que l'objectif soit sanctionné ? Je rappelle que la sanction éventuelle n'interviendra qu'en 2022, et qu'elle sera modique : 5 euros par NODU ! Bien sûr, pour un gros négociant, la sanction pourrait en théorie atteindre 1,025 million d'euros, mais il faudrait qu'il dorme tout ce temps-là !
De quoi avez-vous peur ? Que le coût repose in fine sur l'agriculteur ? Vous raisonnez à l'envers : songez à ce que gagnent les agriculteurs si le système fonctionne, en réduisant leur consommation de phytosanitaires ! Votre raisonnement ne tient pas d'un point de vue économique : permettez-moi de vous le dire, même si je n'ai pas fait l'ENA ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°12, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission.
Alinéa 17
Avant les mots :
dans les conditions prévues
insérer les mots :
du présent article
L'amendement rédactionnel n°12, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
Mme la présidente. - Amendement n°14, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission.
Avant l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 1er à 5 entrent en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Cet amendement de conséquence reporte de six mois l'entrée en vigueur des articles 1 à 5.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Six mois de perdus : avis défavorable.
L'amendement n°14 est adopté et devient un article additionnel.
L'article 11 demeure supprimé.
Explications de vote sur l'ensemble
M. Henri Cabanel . - Le groupe socialiste votera ce texte, qui va dans le bon sens, malgré nos désaccords sur l'article 10.
M. Jean Desessard . - Le groupe écologiste votera pour, malgré des amendements malvenus, qui ne vont dans le sens ni de l'histoire ni de l'économie. Ce nouveau retard est bien dommage.
M. Alain Bertrand . - Le groupe RDSE votera lui aussi ce texte important, y compris pour l'aménagement du territoire, pour nos exportations, pour la ruralité et l'hyper-ruralité. Tout cela est fondamental pour notre pays.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
Prescription en matière pénale (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière pénale.
Discussion générale
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice . - Il n'était pas prévu que le Sénat soit à nouveau saisi de ce texte. En juin dernier, votre commission des lois avait voté une motion de renvoi en commission. Hostilité de principe et volonté d'approfondir le sujet ? La question s'était posée et le rapporteur avait répondu par la seconde hypothèse. Le Sénat a finalement adopté en octobre un texte qui modernisait notre droit de la prescription tout en intégrant ses préoccupations.
Une réunion avait été organisée à la Chancellerie, sorte de pré-CMP, destinée à rapprocher les points de vue. Le Gouvernement avait alors, selon l'expression de Philippe Bas, « béni » le compromis, entériné par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Malheureusement, en séance, les députés ne l'ont pas suivie...
Je n'en salue pas moins le travail spectaculaire accompli par les deux assemblées. Nombreux sont ceux qui pensaient que nous n'aboutirions pas sur un tel sujet. Un esprit transpartisan a soufflé, qui honore le Parlement. Ce texte renforcera la sécurité juridique et la lisibilité du droit de la prescription pénale.
Reste une disposition en débat, relative à la prescription pour les délits de presse. Le Gouvernement n'y a jamais été favorable, ni lors de l'examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté » ni dans le présent texte, car il tient au fragile équilibre trouvé dans la loi de 1881. Il préfère donc insister sur l'importance des dispositions initiales de cette proposition de loi, et souhaite un vote qui dépasse les clivages. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE ; M. Michel Mercier applaudit aussi)
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois . - Le texte voté en commission le 5 octobre était en effet équilibré. Il doublait le délai de droit commun de prescription de l'action publique, donnait un fondement légal aux innovations jurisprudentielles - sur les abus de biens sociaux notamment - et revenait sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre.
Lors d'une réunion le 11 octobre, nous avions trouvé un accord avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, qui avait accepté la proposition de François Pillet de porter de trois mois à un an la prescription de l'action publique pour les délits de presse sur internet. Hélas, les députés sont revenus sur ce compromis en séance publique, à l'invitation de Patrick Bloche.
Cette disposition est pourtant attendue par les victimes des abus de la liberté d'expression sur internet, comme l'a mis en évidence le rapport d'information sénatorial La loi du 29 juillet 1881 à l'épreuve d'Internet. Un message publié sur internet peut être partagé et diffusé bien plus largement que sur un magazine. Le trouble à l'ordre public est bien plus grand. On dit qu'internet facilite l'information des victimes, mais un message faux, injurieux, diffamant, attentatoire à la vie privée peut être publié sur un blog confidentiel avant que des mois plus tard, des dizaines voire des centaines de tweets ou de posts Facebook ne pointent un lien vers cet article. Et l'infraction est alors prescrite...
J'ajoute qu'aucun écrit ne disparaît d'internet.
L'allongement du délai de prescription des abus de la liberté d'expression commis sur internet est donc indispensable pour donner aux victimes le temps nécessaire pour constater l'infraction, identifier le responsable des propos et mettre en mouvement l'action publique ou civile : bref, pour garantir leur droit à un recours effectif. La loi de 1881 prévoit déjà un délai d'un an dans certains cas : il n'y a là nulle innovation. Le rapport de la commission de l'Assemblée nationale a relevé que cette disposition tenait compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le délai d'un an reste inférieur au droit commun, et le Conseil juge que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes soient soumises à des règles différentes.
N'opposons pas la presse écrite à internet. Il s'agit seulement de protéger les victimes. (Applaudissements à droite)
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Mme Esther Benbassa . - Nous examinons en seconde lecture la proposition de loi Tourret-Fenech réformant la prescription en matière pénale. Et plus précisément le seul article restant en discussion, qui allonge de trois mois à un an la prescription des délits de presse commis sur internet, sauf si les propos délictueux ont aussi été publiés sur support papier.
Alain Tourret et Georges Fenech, constatant que les interventions erratiques du législateur et les interprétations prétoriennes avaient brouillé les règles de la prescription pénale, s'étaient proposé de les clarifier et de les moderniser, pour parvenir à un équilibre entre répression et sécurité juridique. Le groupe écologiste souscrit entièrement à cet objectif. Dès lors, quel sens y aurait-il à prévoir deux délais de prescription distincts pour une même infraction, selon qu'elle est commise sur internet ou sur un support papier ? Nous proposerons la suppression de ces dispositions qui entachent la cohérence de la loi.
De plus en plus, internet est considéré comme une circonstance aggravante. C'est témoigner une réelle incompréhension des outils numériques. Il est en réalité, grâce à un système d'alerte élémentaire, plus facile d'avoir connaissance d'éventuelles diffamations dont on ferait l'objet sur internet que sur un support papier.
Faut-il adapter la loi de 1881 à l'ère numérique ? Voilà la vraie question qui exige une vision d'ensemble et une réflexion approfondie. Convaincu que légiférer par petits bouts n'est pas opportun, le groupe écologiste réserve son vote, en attendant de connaître le sort qui sera fait à son amendement...
M. Alain Richard . - Nous discutons en deuxième lecture d'une proposition de loi qui clarifie et rationnalise les règles de la prescription, cet élément clé de notre droit pénal. Rappelons que la prescription de l'action publique ne s'explique pas par une forme de clémence ou de pardon, mais par la nécessité pour la justice de disposer de suffisamment de preuves exploitables. Elle reste nécessaire malgré le progrès des techniques et de l'écrit. Assemblée nationale et Sénat se sont accordés sur l'allongement substantiel de la prescription des crimes et délits et le maintien du délai de prescription bref des contraventions. Nous avons aussi refusé d'introduire dans notre droit de nouvelles imprescriptibilités, incompatibles avec les limites de la mémoire humaine.
Reste la question des infractions dites de presse, sur laquelle demeure une certaine confusion puisqu'il ne s'agit plus, en réalité, que des délits d'injure, de diffamation ou d'incitation à la haine commis sur internet par d'autres que des organes de presse. Si le délit est commis par un organe de presse, le délai de droit commun s'applique.
Le groupe socialiste n'y est pas favorable. Un certain nombre d'entre nous useront cependant de leur liberté de vote, jugeant que l'ubiquité propre à internet justifie un délai de prescription adapté. Notre groupe réserve son vote final, tout en approuvant les dispositions principales de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Cécile Cukierman . - Les délais de prescription pénale : véritable serpent de mer... Le parcours du texte a été rappelé : les députés ont finalement repoussé en séance l'allongement du délai de prescription pour les délits de presse. Jean-Yves Dupeux, président de l'Association des avocats praticiens du droit de la presse, a déclaré l'article en question « ni fait ni à faire », et a été rejoint par les syndicats de journalistes.
C'est une réflexion d'ensemble qu'il faut mener sur l'évolution des usages du numérique, de la diffusion des informations, de leur vérification... Pour le groupe communiste républicain et citoyen, il est prématuré et peut-être un peu maladroit de modifier ici la loi de 1881. La sécurisation du métier de journaliste à l'ère numérique, en particulier, mérite une réflexion bien plus large.
Pour le reste, nous réaffirmons notre opposition au doublement des délais de prescription. Nous nous abstiendrons donc sur l'article relatif aux délits de presse et voterons contre l'ensemble du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean-Claude Requier . - Notre code pénal, notre code de procédure pénale se caractérisent par le fait que des modifications a priori minimes, comme de changer un trois en six, peuvent avoir des effets considérables. Il convient donc de faire preuve de prudence.
Le groupe RDSE a abordé ce texte avec méfiance, parce qu'il tient à la cohérence de notre droit, qu'on ne saurait réformer par petites touches au rythme des faits divers impliquant des chiens dangereux... La révision des délais de prescription aurait dû être menée de front avec celle de l'échelle des peines, comme y insistait le rapport Hyest-Portelli-Yung. La proposition de loi dépasse d'ailleurs les recommandations qui y étaient formulées, à savoir un allongement des délais de prescription de trois à cinq ans pour les délits et de dix à quinze ans pour les crimes.
Il est regrettable que ce débat ait lieu dans les derniers jours de la législature, en-dehors d'une réflexion globale.
Certes, nos règles de prescription sont devenues trop hétérogènes, et leur application donne parfois aux victimes le sentiment d'un déni de justice. L'imprescriptibilité a, d'ailleurs, été réintroduite dans notre droit depuis 1945, et la convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité date de 1968. D'aucuns enfin justifient la réforme par le fait que les délais de prescription sont plus courts en France qu'ailleurs en Europe.
II faut cependant rappeler que notre régime de prescription est lié à notre histoire, à la volonté des révolutionnaires de 1789 de rompre avec l'imprescriptibilité qui caractérisait la justice royale - une époque où l'on ne légiférait pas en France dans le seul but de s'aligner sur le droit des États voisins ! Un adage de l'Ancien régime disait : « Qui a mangé l'oie du roi, cent ans après en rend la plume... » (On apprécie)
Une peine qui vient plus tôt corrige plus facilement les comportements criminogènes et satisfait mieux les victimes. La prescription est aussi le moyen de se prémunir contre le dépérissement des preuves et de garantir la fiabilité des témoignages. Les magistrats devront faire face à de nouvelles espérances avec des moyens constants ; l'allongement des délais de prescription procède d'une forme de résignation à un système judiciaire sous-doté...
La priorité serait plutôt de mieux détecter les crimes sexuels, de mieux accueillir les mineurs qui en sont victimes.
Pour des raisons de principe, la majorité des membres du groupe RDSE ne soutiendront pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Yves Détraigne . - En première lecture, le groupe UDI-UC s'est opposé à l'imprescriptibilité de l'action publique pour les crimes de guerre connexes à des crimes contre l'humanité : le droit à l'oubli contribue à la pacification de notre société, et il ne faut pas banaliser les crimes contre l'humanité.
Notre commission a également amélioré le texte sur plusieurs autres points, revenant par exemple sur l'intégration des plaintes simples à la liste des actes interruptifs de la prescription, qui ouvrait la voie à des manoeuvres abusives.
Mais l'adoption définitive du texte a achoppé en séance à l'Assemblée nationale. Au nom de la défense de la liberté de la presse, le groupe socialiste s'est opposé à l'allongement du délai de prescription des délits de presse sur internet, porté par le Sénat de trois mois à un an. Le rapport de François Pillet et de Thani Mohamed Soilihi a pourtant démontré l'insuffisante protection des victimes de ces infractions.
À la différence d'un écrit publié sur un support papier, un message peut être publié une première fois sur un réseau social, puis reproduit des mois plus tard sans que la jurisprudence puisse distinguer ces infractions. Nous le savons bien pour avoir travaillé, en commission des lois, sur les traces laissées sur internet : des messages effacés peuvent ressurgirent longtemps après. Dès lors, une personne peut être victime de diffamations, d'injures ou de provocation à la haine ou à la discrimination qui, tout en étant réelles et actuelles, sont prescrites. Étendre la prescription est essentiel pour protéger le droit à un recours effectif, cela laissera le temps d'identifier, auprès d'hébergeurs situés à l'étranger, l'auteur du délit qui est souvent un anonyme. Éclairé par le travail de François-Noël Buffet, le groupe UDI-UC maintient sa position qui est également celle du Sénat : une prescription d'un an pour les messages publiés sur internet. Le groupe UDI-UC, dans sa grande majorité, votera ce texte.
M. François Pillet . - Le constat que dressait notre récent rapport d'information sur l'équilibre de la loi de 1881 est indiscutable : les victimes des abus de la liberté d'expression commis sur internet sont insuffisamment protégées. Leur courte prescription, déjà dérogatoire, ne se justifie plus.
À la différence de la presse écrite, où le directeur de la publication est responsable de l'ensemble des contenus publiés, le régime de détermination de la personne responsable de propos publiés sur internet est particulièrement complexe.
Le délai de prescription court dès la première publication, peu importe si le message est retweeté des années après. Cette jurisprudence de la Cour de cassation, que la Cnil critique largement dans son rapport annuel de 2015, s'applique également aux assignations fondées sur le droit à l'oubli reconnu par la Cour de justice de l'Union européenne ou sur le droit de rectification ou de modification des données à caractère personnel consacré par la loi du 6 janvier 1978.
Comme le rappelle le rapporteur Buffet, une simple assignation à un moteur de recherche à des fins de suppression de lien hypertexte est soumise au même formalisme que les citations directes aux fins de répression pénale et à la même prescription.
La prescription trimestrielle ne protège pas la liberté d'expression, elle favorise l'impunité des délinquants. La loi de 1881 n'est pas un totem intangible. En 2004, le Conseil constitutionnel, tout en rejetant le report du point de départ du délai de prescription au regard du support, a retenu que les contenus numériques pouvaient faire l'objet d'un traitement spécifique.
Le législateur prend depuis longtemps en compte le fait qu'internet représente un outil facilitant les infractions.
L'apologie du terrorisme, le viol, les atteintes à la propriété intellectuelle ne sont pas punis de la même manière lorsque l'acte a été commis en recourant aux services d'internet.
Quel temps laisser aux victimes pour porter plainte ? Pourquoi ceux qui veulent utiliser internet pour informer et débattre s'opposent-ils à ce que l'on sanctionne ceux qui l'utilisent pour injurier et diffamer ? Comment expliquer à nos concitoyens, déjà profondément méfiants vis-à-vis des médias, que les organes de presse sont à ce point hostiles à l'allongement de la prescription ? Le délai de prescription serait de six ans pour les délits involontaires sans intention de préjudice et de trois mois seulement pour un acte volontaire qui a poussé un homme, atteint dans son honneur, à perdre la vie au bord d'un canal près de Nevers ?
Ne cédons pas aux pressions, aux groupes d'intérêt obscurs qui se font un masque de la liberté d'expression. Notre vote révélera le coefficient de courbure de nos échines ! (Applaudissements à droite et au centre)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
M. David Assouline. - Ne confondons pas tout. La liberté de la presse représente une liberté fondamentale de notre droit. On nous propose de différencier presse papier et presse en ligne quand nous avons toujours défendu la neutralité du support. Je ne nie pas que la révolution numérique provoque de nouveaux problèmes. Ne touchons pas pour autant à la liberté de la presse. Un article numérique publié l'après-midi même en version papier sera l'objet d'un délai de prescription d'un an. Ce n'est pas possible !
Pas moins de 140 entreprises de presse sont sur le net. Leur appliquer une réglementation différente ne va pas dans le sens de l'avenir !
M. le président. - Amendement identique n°2 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Mme Esther Benbassa. - Le groupe écologiste considère que rien ne justifie un traitement différencié des infractions commises en ligne. Ce serait contreproductif dans un texte dont l'ambition est de remettre de la cohérence. Toute réforme de la loi de 1881 doit être menée avec rigueur et au terme d'une réflexion approfondie.
M. le président. - Amendement identique n°3, présenté par le Gouvernement.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Il serait dommage de ne pas voir l'important travail que le Parlement a fourni pour harmoniser le délai de la prescription, ne pas aboutir à cause d'un sujet connexe.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. M. Assouline constate qu'il existe un problème sans proposer de solution. Le support numérique modifie la diffusion de l'information. Voulons-nous protéger les journalistes ou les victimes de diffamation ? L'allongement de la prescription permet à la victime d'agir dans un délai suffisant pour faire prospérer son action.
M. David Assouline. - Je reconnais tout à fait la révolution numérique. Nous avons à chaque fois acté la neutralité du support : pas deux presses mais une seule. Les mêmes dispositions juridiques doivent s'appliquer au papier et au numérique. On ne peut pas toucher à une loi aussi fondamentale que celle de 1881 sans une immense prudence.
Aux États-Unis, des organes de presse papier sont déjà passés entièrement au numérique. Cela arrivera aussi en France.
Je reconnais que tous ceux qui ne sont pas assujettis à la déontologie professionnelle du journalisme - les vengeurs autoproclamés qui sévissent sur internet - doivent faire l'objet d'un encadrement. Pour ceux-là, il aurait fallu proposer des solutions concrètes, plutôt que de s'attaquer à la presse et au journalisme !
Les réseaux sociaux, Facebook, Twitter, voilà ceux qu'il faut encadrer : les hébergeurs, trop souvent, se lavent les mains des infractions commises sur leurs réseaux ! Pas touche à la liberté de la presse !
Mme Catherine Morin-Desailly. - Protéger les victimes des propos injurieux sur internet est important. Cependant, l'amendement n°3 introduit une différence injustifiée entre la presse numérique et la presse papier. Les journalistes publient sur les deux supports et de plus en plus sur le support numérique uniquement.
On dit qu'il faut garantir aux victimes un délai plus long pour faire prospérer leur plainte. Or rien de plus facile à quiconque, grâce aux algorithmes et aux moteurs de recherche, que de repérer ce qui est publié en ligne à son propos.
Si les contenus injurieux prospèrent, c'est que les plateformes et les hébergeurs les maintiennent en ligne. C'est ce sujet technique qu'il faudrait traiter. On confond souvent les individus lambda qui publient sur internet et la presse officielle.
L'article 3 pose un vrai problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; M. David Assouline ainsi que Mme Claudine Lepage applaudissent également.)
M. François Pillet. - Ce débat est surréaliste. Aucun de mes collègues, Les Républicains, les socialistes et républicains, les députés communistes comme les sénateurs RDSE ne m'a jamais accusé de vouloir mettre un terme à la liberté de la presse. Qui protégez-vous ?
M. David Assouline. - Les journalistes !
M. François Pillet. - La liberté de la presse n'est pas celle d'injurier ! N'avez-vous jamais rencontré dans vos permanences des artisans obligés de mettre la clé sous la porte et de licencier à cause d'une rumeur sur internet ? Eux n'ont pas les moyens de se payer une bordée d'avocats pour se défendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos1 rectifié, 2 rectifié et 3 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°94 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Pour l'adoption | 117 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°95 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 108 |
Le Sénat a adopté.
Intervention sur l'ensemble
M. Jean-Pierre Sueur . - Dans la logique des votes intervenus sur notre amendement, et pour cette seule raison, le groupe socialiste et républicain s'abstiendra sur l'ensemble du texte.
La proposition de loi est adoptée.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Esther Benbassa. - Je souhaite rectifier le vote du groupe écologiste sur l'article 3. Nous votons contre.
M. le président. - Acte vous est donné de cette mise au point, qui sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse du scrutin.
La séance, suspendue à 19 h 15, reprend à 19 h 25.
Statut de Paris et aménagement métropolitain (Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la nouvelle lecture du projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.
Discussion générale
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales . - Le 7 novembre 2016, j'ai souligné l'importance de ce texte dont le Sénat commençait alors l'examen : rationalisation de la gestion municipale avec la fusion du département et de la collectivité de Paris, amplification de la décentralisation en rapprochant Paris du droit commun en matière de police municipale, amélioration de la déconcentration en élargissant les compétences des maires d'arrondissement, renforcement de la démocratie électorale en fusionnant les quatre premiers arrondissements, élaboration de nouveaux instruments d'aménagement spécifiques à l'Île-de-France, renforcement du maillage territorial par la création de sept métropoles.
Ce projet de loi poursuit, comme tous ceux qui ont concerné les collectivités territoriales durant ce quinquennat, l'objectif d'une action publique plus performante à l'heure de la raréfaction des ressources publiques.
Malgré de nombreuses heures de discussion, y compris nocturnes, le Sénat a décidé de choisir l'opposition systématique. Certains orateurs sont allés jusqu'à reprendre dans les mêmes termes les positions exprimées lors de la concertation, c'est dire qu'ils étaient peu réceptifs à toute argumentation.
M. Philippe Dallier. - Vous n'avez pas d'arguments !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Le Sénat a supprimé toutes les avancées du texte à l'exception de la fusion entre départements et communes et du renforcement des maires d'arrondissement.
Le 14 décembre, l'Assemblée nationale les a rétablies tout en reprenant certaines améliorations apportées par le Sénat.
Le 21 décembre, la CMP, sans surprise, n'a pas abouti à un accord. Les députés ont mis à profit la nouvelle lecture pour améliorer la rédaction du texte.
Aujourd'hui, nous discutons une dernière fois de ce texte. Je ne désespère pas car je ne désespère jamais de trouver une entente, au moins sur les grands objectifs.
Or, même si vous y souscrivez, monsieur Bas, il semble que votre rapporteur s'apprête à défendre une motion déposée par votre commission, tendant à opposer la question préalable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Ce serait funeste !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Cela mettrait un terme définitif à nos débats. Ce projet de loi ne serait pas discuté, pas plus que ne l'a été ici le projet de loi de finances pour 2017...
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Pour des raisons de même nature, uniquement politiques. Il serait regrettable que le Sénat se départisse de son rôle de législateur sur un texte relatif aux collectivités. J'y reviendrai. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean-Claude Requier applaudit également)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois . - Après l'échec de la CMP, nous repartons du texte voté par l'Assemblée nationale. Trois remarques au préalable.
D'abord, nous avons regretté que ce texte essentiel passe en procédure accélérée. De plus, il est déséquilibré puisque la quasi-totalité de ses dispositions porte sur le statut de Paris, alors que le seul article 41 créant de nouvelles métropoles traite de la question centrale de l'aménagement du territoire. Enfin, je déplore l'introduction de nombreux cavaliers par le Gouvernement et l'Assemblée nationale.
Nos assemblées se sont accordées sur la fusion de la commune et du département de Paris en une collectivité territoriale unique ; sur des dispositions introduites par l'Assemblée nationale au bénéfice des maires d'arrondissement sur les espaces verts de proximité ; sur les modalités de transfert de polices spéciales et d'agents de la préfecture de police vers la commune de Paris ; enfin, sur l'extension, proposée par M. Capo-Canellas, du périmètre des pouvoirs du préfet de police à l'aéroport d'Orly, par décret, au plus tard dans trois ans.
De fortes divergences subsistent sur le statut de Paris. Ainsi, l'Assemblée nationale a supprimé le volet ajouté par le Sénat pour renforcer les pouvoirs des maires d'arrondissement. Nous avons supprimé le regroupement des quatre premiers arrondissements car l'étude d'impact n'était pas assez explicite. Nous avons souhaité confier davantage de prérogatives au maire de Paris en créant notamment une véritable police municipale, en s'inspirant du régime des maires de la petite couronne. Roger Karoutchi a proposé la régionalisation de la gestion des voies sur berge.
Le Sénat a donc fait oeuvre utile et a joué pleinement son rôle en expertisant les mesures proposées et en complétant le texte.
Enfin, j'en viens à la création de sept métropoles dans le fameux article 41.
M. Jean-Pierre Sueur. - Sept métropoles, ce n'est pas maigre !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Orléans et Dijon se sont agrégées à la liste initiale. Or la question méritait un texte à part entière.
Nous regrettons enfin la suppression du scrutin distinct pour l'élection des conseillers métropolitains.
Les dispositions introduites par l'Assemblée nationale sur la métropole et Aix-Marseille n'ont pas, à nos yeux, de lien avec le texte initial.
Nos propositions auraient mérité un meilleur sort. L'Assemblée nationale a refusé de donner davantage qu'un faible écho à notre travail, aggravant la fuite en avant vers une métropolisation de nos grandes villes. Voilà une occasion manquée.
Je rappelle avec force que ce texte concerne les collectivités territoriales.
Prenant acte du rejet quasiment en bloc des apports du Sénat, du refus de tout compromis par l'Assemblée nationale, je défendrai une motion opposant à ce texte la question préalable à l'issue de la discussion générale. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Pierre Sueur. - Le bicamérisme est malade quand le Sénat refuse d'examiner un texte !
M. Roger Madec . - Ce texte, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en août 2016, a fait l'objet d'un riche débat en première lecture, auquel la majorité sénatoriale a pu exposer sa vision du statut de Paris qui n'avait pas été modifié depuis 1982. La CMP ayant échoué, le texte nous revient.
Le choix de la majorité sénatoriale et du rapporteur est incompréhensible voire dangereux. Il donne du grain à moudre aux détracteurs de notre assemblée. Pourquoi ne pas même tenter d'amender ce texte ?
Avec la motion préalable, vous pratiquez la politique de la chaise vide, dont on sait qu'elle n'apporte jamais aucun avantage ni bénéfice, qui plus est sur un texte relatif aux collectivités territoriales que nous représentons.
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
M. Roger Madec. - Le Sénat ne joue donc pas son rôle. Dois-je rappeler que ce texte a fait consensus au sein du Conseil de Paris ? Quarante articles réforment le statut de Paris, et un quarante-et-unième aménage celui de métropole, en transformant quatre EPCI à fiscalité propre. La fusion de la commune de Paris et du département en une collectivité unique au sens de l'article 72 de la Constitution a fait l'objet d'un consensus entre les deux assemblées.
Ce projet renforce la démocratie locale en transférant aux maires d'arrondissement de nouvelles compétences de proximité. Le texte regroupe aussi les quatre premiers arrondissements en un secteur unique, ce qui est nécessaire en raison des écarts démographiques, qui ont amené le Conseil constitutionnel à censurer le tableau de répartition des conseillers de Paris par arrondissement lors des élections municipales de 2014. Vous êtes opposé à la création de ce secteur, alors qu'il en existe un analogue à Marseille. Qualifier cela « d'opération électorale » n'a pas de sens.
Ce texte approfondit le transfert de pouvoirs de la préfecture de police vers la mairie de Paris, au profit de celle-ci, pour mieux recentrer les missions de la première sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme.
Le maintien du traitement dérogatoire de Paris n'a plus lieu d'être ; Paris, ville-capitale, doit aussi redevenir une commune de plein exercice.
Ce texte répond aux aspirations des Parisiens à une meilleure répartition et à une gestion plus efficace des moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur ceux du groupe RDSE)
M. Christian Favier . - Il était grand temps de voter ce texte. Faire des communes le pivot de notre démocratie a toujours été le combat des forces de progrès. Mais cette idée est défigurée par un projet de loi devenu un tel fourre-tout que les cavaliers qui s'y sont introduits posent des problèmes démocratiques et constitutionnels. La droite parisienne a mis à mal les compétences sur le logement, les écoles, les politiques de solidarité, éléments socle d'une vraie mixité qu'elle tente d'effacer, bien qu'elles forment l'âme de la capitale depuis 2001. Nous déplorons la méthode suivie par le Gouvernement, qui a refusé une consultation locale.
La création de sept nouvelles métropoles procède d'un véritable démantèlement de nos institutions républicaines. Les citoyens sont mis devant le fait accompli, sans discussion préalable. Loin de simplifier, l'on accentue la complexité. Enfin, le Gouvernement a fait voter la fusion entre le département des Bouches-du-Rhône et la métropole d'Aix-Marseille Provence. Comment les citoyens des Bouches-du-Rhône pourraient-ils comprendre que vous liquidiez ainsi leur département ?
Ce texte honorable est ainsi devenu une mauvaise bouillabaisse...
Les parlementaires CRC et Front de gauche ont pourtant abordé cette discussion dans un esprit constructif, afin de veiller à ce que les droits des agents, de la mairie comme de la préfecture, soient respectés dans les transferts de compétences et nous avons été entendus ; nous avons également voulu rendre au peuple de Paris les pouvoirs qui lui reviennent de droit et là aussi, nous avons obtenu satisfaction sur les compétences de police du maire. Nous souhaitions construire une métropole plus solidaire, sur un modèle fédératif, et tel est le modèle proposé. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont maintenu le consensus construit ici sur ce point. C'est dans le même esprit, loin de toute querelle de chapelle, que nous abordions cette deuxième lecture.
Nous avons ainsi déposé des amendements qui pouvaient faire consensus sur l'aménagement du Grand Paris, sur la gestion du quartier de La Défense. La motion hélas déposée par la droite sénatoriale nous empêcherait de travailler en commun sur ces sujets primordiaux. C'est couper les élus locaux de leurs représentants, contrairement aux voeux du président du Sénat, que d'empêcher le débat ici et abaisser ainsi notre Haute Assemblée. La démocratie et la République n'en sortent pas grandies.
Notre groupe refuse de participer à cette mascarade. Nous rejetterons la question préalable, et réaffirmons la nécessité d'engager la décentralisation pour une nouvelle République qui redonne le pouvoir aux citoyens et aux territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean-Claude Requier . - Professeur émérite de droit public, Jacques Caillosse a écrit, dans une étude sur la métropole lyonnaise : « Les métropoles projettent sur l'espace européen en voie de distribution un désir exacerbé de compétition afin d'occuper des positions plus fortes dans l'économie, mais aussi dans l'imaginaire social », au détriment des zones interstitielles.
Nous regrettions déjà en première lecture le choix de la procédure accélérée sur un texte aussi divers. Il s'est encore alourdi depuis, jusqu'à devenir protéiforme. Or la procédure accélérée complique la conciliation des divergences entre les deux assemblées, au mépris du travail en commun, d'expertise et de concertation qui s'imposait. Les députés ont porté de quatre à sept le nombre de métropoles nouvelles. Le Sénat, au titre de l'article 24 de la Constitution, représente les collectivités...
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
M. Jean-Claude Requier. - Il n'a pu apporter sa pierre à l'édifice.
« Nous avons déjà plus de communes que l'Europe réunie, on va finir par avoir plus de métropoles que le monde entier. Ça finit par ne plus avoir aucun sens » aviez-vous confié, monsieur le ministre, au Monde le 12 août dernier.
En dépit de cette réticence initiale, vous avez déclaré, lors de la discussion de l'article 41 à l'Assemblée nationale le 15 décembre 2016, que « voir des parlementaires, de droite et de gauche, la main dans la main, venir plaider avec talent, avec conviction, avec flamme, le dossier de leur territoire vous avait fait changer d'avis et prendre conscience qu'il fallait, pour aménager harmonieusement le territoire, avoir un maillage convenable des métropoles ».
Nous demandons une vision équilibrée de notre territoire, en mettant en relief l'articulation entre zones urbaines et rurales. Les métropoles entreront en compétition directe avec les départements, que vous avez pourtant toujours ardemment défendus, monsieur le ministre, de même que le Sénat.
L'article 48, en fusionnant la métropole Aix-Marseille Provence et le département, envoie un signal inquiétant. Les dotations des communautés d'agglomérations et de communes sont mises à mal par l'appel d'air des financements des métropoles et des communautés urbaines.
Malgré les avancées sur le statut de Paris, notre groupe s'oppose à ce texte dans sa très grande majorité mais s'abstiendra, à quelques exceptions près, sur la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Yves Pozzo di Borgo . - En décembre dernier, les deux assemblées n'ont pu s'entendre sur un texte de compromis et la CMP a échoué. Là où le Sénat avait proposé une vraie réforme du statut de Paris, renforçant la décentralisation et les pouvoirs des maires d'arrondissement. Dois-je rappeler que les vingt mairies d'arrondissement ont 140 millions d'euros de budget et la Ville de Paris 8,5 milliards !
L'Assemblée nationale a conservé un texte dont on perçoit mal les objectifs et dépourvu de toute vision cohérente. Trois ans après la loi Maptam, ce projet de loi concerne surtout les 2,2 millions de Parisiens sur les 6,5 millions d'habitants de la métropole du Grand Paris et les 12,3 millions de la région capitale. Comment séparer les deux ensembles ?
M. Philippe Dallier. - Bien dit !
M. Yves Pozzo di Borgo. - D'autant que le déclin de Paris n'est pas seulement démographique, mais aussi économique et financier. Paris ne figure qu'au 37e rang mondial, derrière Johannesburg ; les investissements y sont à l'arrêt, alors qu'ils augmentent de 14 % en Europe. Paris est-il encore une ville-monde ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Oui
M. Yves Pozzo di Borgo. - L'agglomération de l'Île-de-France est la 28e agglomération du monde avec ses 12,3 millions d'habitants, contre 45 millions d'habitants pour Tokyo.
Et vous, vous faites un petit texte pour 2,2 millions d'habitants : un grand village de Chine ! (Mouvements divers) Encore une occasion manquée. Une fusion de la commune et du département, une fusion des quatre premiers arrondissements, un transfert limité de certains pouvoirs de police... Le Sénat a pourtant fait des propositions. Nous avions déposé avec Philippe Dominati et Pierre Charon une proposition de loi afin de confier la compétence de police générale au maire de Paris... comme dans toutes les autres communes de France ! Nous avions proposé de renforcer les pouvoirs des maires d'arrondissement, mais nous aurions pu encore aller plus loin, afin de franchir cette véritable frontière institutionnelle que constitue le périphérique.
Comment pouvez-vous défendre, monsieur le ministre, un texte aussi manifestement dénué d'ambition, aussi humiliant pour les arrondissements ? Il aurait pourtant été logique de doter ces derniers de maires de plein exercice, comme leurs homologues de petite couronne. J'en viens à l'article 41, à ces « métropoles », enfin, ces petites métropoles, « pitchounettes » dirait-on dans le Sud...
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est assez méprisant !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Ce texte est vraiment dénué de vision. Paris est trop petit pour la compétition mondiale. C'est à travers l'Île-de-France qu'il faut résolument s'y engager.
Dans ces conditions, le dialogue étant impossible, il faut être pragmatique et la motion est la bonne option. Notre groupe la votera. (Applaudissements et « bravos » sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Quelle énergie, quelle fougue !
Mme Esther Benbassa . - En effet ! Ce nouvel examen du texte par notre assemblée n'ira donc pas plus loin que la question préalable. Procédure accélérée, désaccord avec les modifications du texte par l'Assemblée nationale qui n'a repris aucune des propositions du Sénat : certains des motifs invoqués par le rapporteur à l'appui de la motion qui clôturera notre discussion sont recevables, notamment le recours à la procédure accélérée que les écologistes ont souvent déploré.
Mais la question préalable dégage le Sénat de sa responsabilité de légiférer dans un contexte où nos concitoyens demandent des garanties sur le travail parlementaire.
Les écologistes sont pour un projet de loi ambitieux afin de faire progresser l'égalité entre Parisiennes et Parisiens. La fusion de la commune et du département, ainsi que des quatre premiers arrondissements, est bienvenue. Les écologistes seront aussi favorables en renforcement de la décentralisation.
Ce projet s'inscrit dans le prolongement des lois du 29 décembre 1986 et du 27 février 2002 en poursuivant l'extension des pouvoirs du maire de Paris. Cette réforme recentrera l'activité de la préfecture de police sur la protection des personnes, introduisant ainsi davantage de cohérence dans l'action des services de sécurité, dans le contexte de la menace terroriste.
Notre groupe s'opposera à la motion du rapporteur et regrette que la majorité sénatoriale refuse, une fois de plus, après le budget 2017, de remplir sa mission parlementaire. (MM. Roger Madec et Jean-Pierre Sueur applaudissent)
M. Pierre Charon . - Le désaccord flagrant entre l'Assemblée nationale et le Sénat qu'illustre l'échec de la CMP montre que ce texte fourre-tout et hétéroclite relève de la panique. C'est un texte timoré, sans vision d'ensemble. Je tiens à vous rassurer, monsieur le ministre, qui avez cru bon de regretter, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, de ne pas m'avoir entendu sur ce texte... J'ai déposé dix amendements en commission des lois, qui ont été adoptés par celle-ci et donc, conformément à la procédure parlementaire que vous êtes censé assez bien connaître, été intégrés au texte de la commission. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que votre Gouvernement ne nous a pas écoutés !
Un toilettage du statut vétuste de la loi PLM s'imposait. C'est pourquoi le Sénat, mais aussi mes collègues députés Nathalie Kosciusko-Morizet, Philippe Goujon et Claude Goasguen ont proposé en première lecture de mieux prendre en compte la spécificité de Paris. Les maires d'arrondissement ne sont pas de plein exercice mais restent soumis à l'interdiction de cumul des mandats. C'est une « double peine » pour les arrondissements, comme l'a justement dit Philippe Goujon.
Le Gouvernement s'est privé de nos propositions substantielles et pragmatiques confiant aux arrondissements des missions de proximité. Rien de révolutionnaire pourtant : entretien de la voierie, attribution des subventions aux associations situées dans l'arrondissement, renforcement des pouvoirs en matière d'urbanisme et d'occupation des sols, possibilité de conclure des conventions de partenariat avec les communes limitrophes de Paris. Rien que du concret, pour répondre aux attentes des habitants, grands oubliés de ce projet...
Dans la vie des Parisiens, il faut privilégier l'échelon le plus proche, conformément au principe élémentaire de subsidiarité, la collectivité de base à Paris, l'arrondissement, l'échelle des choix pertinents selon Nathalie Kosciusko-Morizet. (Quelques exclamations à droite) Pierre Mauroy suggérait sagement de reconnaître aux arrondissements la qualité de communes ; nous nous en éloignons, hélas.
Autre occasion manquée : la police municipale. Avec Philippe Dominati et Yves Pozzo di Borgo, nous avons été les coauteurs d'une proposition de loi adoptée par le Sénat, il y a deux ans. Le Gouvernement a hélas rejeté nos propositions, pourtant logiques, conformément à son logiciel périmé.
Enfin, l'injustice par laquelle le maire peut être élu avec une minorité de voix, comme cela fut le cas en 2001 et en 2014, est maintenue.
Je déplore tous ces échecs, mais je reste confiant, car une nouvelle majorité pourra s'inspirer des propositions du Sénat et je tiens à en remercier le président et le rapporteur de la commission des lois. Les solutions qu'ils avancent tranchent avec le statu quo. Le mouvement séculaire de décentralisation et de liberté défendu par le Sénat ne s'arrêtera pas aux portes de l'hôtel de ville. C'est un pari sur l'intelligence de Paris. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
M. Jean-Pierre Sueur . - Le Sénat s'apprête donc à se tirer une nouvelle fois une balle dans le pied. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bas, président de la commission. - Et le pied est déjà très abîmé !
M. Jean-Pierre Sueur. - Pour la quatrième fois en deux mois, il a décidé de ne pas délibérer, et sur des textes de grande importance : loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale, projet de loi sur l'égalité et la citoyenneté, et enfin ce texte.
Pourtant le Sénat est appelé par la Constitution à une nouvelle lecture en cas d'échec de la CMP.
Pourquoi ne pas délibérer, que vous soyez pour ou contre ? La Conférence des présidents avait prévu trois jours de débat. Vous avez déposé, messieurs du groupe Les Républicains, des amendements. (M. Philippe Dallier s'exclame)
Ce n'est pas par une question préalable que nous allons défendre le Sénat aux yeux des Français.
Sur les métropoles, votre malthusianisme me désole. Dijon, Tours, Orléans ont été proposées comme métropoles dans deux régions qui n'en comportaient pas. Metz, Toulon, Saint-Étienne, Clermont-Ferrand : les élus Les Républicains de ces futures métropoles ne comprennent pas votre position. Bon courage pour le leur expliquer...
On nous a dit que ces nouvelles métropoles portaient atteinte à la ruralité. C'est le contraire. Pas un euro n'est retiré à la dotation globale de fonctionnement avec leur création. De plus, nous avons besoin de métropoles fortes, attractives, entraînantes.
Nous avons eu raison avec la loi NOTRe de créer de grandes communautés de communes ; cessons, de grâce, d'opposer les collectivités entre elles, conjuguons le dynamisme des métropoles et les ressources du monde rural pour aller de l'avant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et ceux du groupe écologiste)
M. Philippe Dominati . - (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Tous les présidents de la Ve République ont porté un fort intérêt à la capitale. Charles de Gaulle a remodelé la région parisienne, Georges Pompidou encouragé les arts, avec le centre qui porte son nom, Valéry Giscard d'Estaing créé un vrai maire, François Mitterrand qui dans un premier temps avait envisagé de dépecer Paris s'est heurté à un vrai décentralisateur, Gaston Defferre, auteur de la loi PLM. Jacques Chirac seul président trois fois maire de Paris, réussissant deux fois le grand chelem a lui aussi fait quelques réformes. Nicolas Sarkozy a lancé quatre mois après son élection le projet de Grand Paris. François Hollande, lui, ne s'est jamais exprimé sur la capitale.
Et pour ce texte, qui n'a rien de décentralisateur, vous revenez en arrière. C'est un alibi pour un tripatouillage électoral au bénéfice de Mme Hidalgo. On aurait pu mieux associer la petite couronne et les arrondissements, faire correspondre les pouvoirs de police aux zones d'urbanisme, transférer plus de 2 000 agents sur 42 000 fonctionnaires, lorsque 90 % des communes d'Île-de-France ont une police municipale.
Un article pour les métropoles, quarante pour la capitale, des mesures pour un aéroport et pas l'autre... La méthode : le mépris. Vis-à-vis du Sénat, soumis à la procédure accélérée. Vis-à-vis des élus, qui n'ont pas été consultés. Vis-à-vis des Parisiens, que l'on ne s'est pas soucié d'informer que leur ville allait changer de statut. Sans compter que, depuis le 14 novembre, le peuple de gauche a renvoyé le Premier ministre d'alors, M. Valls, à d'autres ambitions... Ce Gouvernement n'a plus de légitimité, et ce projet discuté à la va-vite, en fin de mandature, est lui aussi illégitime. Modifier le statut de la capitale dans ces conditions, c'est une honte.
Pour abréger nos souffrances, je voterai la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Yves Pozzo di Borgo applaudit aussi)
M. Roger Karoutchi . - Je ne serai pas aussi violent - mais juste - que mes deux camarades parisiens... C'est à tort que l'on a abordé en 2007 le Grand Paris sous le seul angle des grands projets, et pas des institutions.
M. Philippe Dallier. - Quelle évolution !
M. Roger Karoutchi. - Depuis, la réflexion sur la région parisienne et l'Île-de-France a été sans intérêt. On traite cette région, qui représente 2 % du territoire national, mais 20 % de la population et 30 % de la richesse nationale, comme une région banale. Monsieur le ministre, vous êtes girondin et décentralisateur. Donnez un statut spécifique à l'Île-de-France. Elle a besoin de respirer. Elle doit être la locomotive de l'économie française. Dans un espace restreint, communes, conseils de territoire, départements, métropole et région se marchent dessus, et tout le monde conteste tout. Paris, qui tire l'essentiel de sa richesse du travail et de la consommation des banlieusards, ne peut pas décider seule sans la région, non plus que la métropole sans la région ou la région sans Paris.
On voudrait que notre capitale concurrence Londres, New York, que sais-je encore ; mais avec quels moyens, avec quelles libertés ? En France, on ne sait qu'inventer des contraintes.
Est-il intolérable de donner un statut particulier à la région capitale ? Replaçons Paris au coeur de la région ; ce texte fait le contraire, pour des raisons politiciennes, parce que la gauche n'a pas obtenu la présidence de la métropole qu'elle convoitait... Franchement, l'Île-de-France mérite mieux ! Je voterai la question préalable. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Michel Baylet, ministre . - Monsieur le rapporteur, je me suis déjà expliqué sur la procédure accélérée. Si nous voulions que ce texte nécessaire parvienne à bonne fin, nous n'avions pas d'autre choix.
Ce texte est-il déséquilibré ? C'est votre point de vue, pas celui du Gouvernement, ni de la majorité des élus de Paris ou des députés. Vous regrettez que les métropoles se soient ajoutées au débat. Or une majorité d'élus de droite, à Tours, Orléans, Toulon, Saint-Étienne, ont réclamé ce statut de métropole. Ils m'ont convaincu.
Nous aurions dû décider du mode de scrutin dans ces métropoles avant le 1er janvier 2017. La concertation a eu lieu. Les dirigeants des métropoles se sont prononcés à une grande majorité pour le suffrage universel. Comment pouvez-vous contester l'application de la loi ?
Monsieur Madec, vous avez raison de dire qu'il ne faut pas s'étonner qu'il y ait des détracteurs du Parlement quand le Sénat refuse de débattre au sujet d'un texte sur lequel il y a eu un large consensus au Conseil de Paris.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Ce n'est pas vrai.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Monsieur Favier, ce texte ne touche en rien au statut des communes. Le référendum n'est pas forcément le meilleur moyen de faire une loi : souvent, les votants ne répondent pas à la question posée.
Ce sont les députés marseillais eux-mêmes qui ont souhaité une étude sur la coordination des départements et de la métropole d'Aix-Marseille Provence. J'ajoute enfin que nous avons résolu, par le biais de ce projet de loi, le problème du centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre.
Madame Benbassa, merci de votre soutien. Avec les écologistes, nous ne sommes pas toujours d'accord, mais nous nous retrouvons pour défendre des collectivités modernes, progressistes et participatives, ainsi que le service public !
La loyauté est une grande vertu en politique, et je regrette de ne pouvoir toujours compter sur celle de mes amis du RDSE... Vous regrettez, monsieur Requier, que le Sénat n'ait pas pu apporter sa pierre à l'édifice, mais vous annoncez que vous ne voterez pas contre la question préalable. Où est la cohérence ?
M. Pozzo di Borgo nous a fait à la tribune un numéro formidable, mais est-ce la bonne manière de légiférer ? La « métropole d'Île-de-France », je ne sais pas ce que c'est.
Monsieur Charon, je vous présente mes excuses si mes propos à l'Assemblée nationale vous ont heurté. On peut avoir des débats en politique sans s'agresser. Mme Kosciusko-Morizet a mentionné vos interventions au Sénat à quatre reprises, à la cinquième je lui ai répondu que je ne m'en souvenais pas, car vous n'étiez pas intervenu, voilà tout... Les députés de Paris n'étaient d'ailleurs pas présents en foule, c'est peu de le dire...
M. le président Sueur a souligné à quel point la question préalable va à l'encontre de notre idée du bicamérisme. C'est un défenseur des métropoles qui, sur le sujet, travaille main dans la main avec le maire d'Orléans qui n'est pourtant pas du même bord politique...
Monsieur Dominati, vous avez rendu hommage à presque tous les présidents sauf celui en exercice. Vous avez prétendu que François Mitterrand avait voulu dépecer Paris : vous oubliez le Grand Louvre, la Défense, la Grande Bibliothèque, etc. C'est sans doute le président qui a fait le plus pour Paris.
Je ne peux pas laisser passer l'expression de « tripatouillage électoral ». Les faux électeurs, ce n'est pas du fait de la gauche.
M. Philippe Bas, président de la commission. - C'est de la préhistoire.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - C'est M. Dominati qui est remonté au Général de Gaulle ! La gauche n'est pour rien dans ces scandales parisiens.
M. Philippe Dominati. - C'est du tripatouillage. Cela vous gêne !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Vous n'êtes pas capable de mener un débat sans entrer dans la polémique stérile.
M. Philippe Dominati. - C'est vous qui créez la polémique, avec vos tripatouillages !
Question préalable
M. le président. - Motion n°7, présentée par M. Darnaud, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain (n° 315, 2016-2017).
M. Mathieu Darnaud, rapporteur . - M. Sueur a raison : nous avons, au Sénat, beaucoup de choses à dire. Et nous les avons dites dans le texte voté en première lecture. Le drame, c'est que l'Assemblée nationale n'a pas à coeur de les entendre. Voilà ce qui motive la question préalable.
Hier encore, lors d'une CMP, nous sommes partis d'un texte de l'Assemblée nationale sur les outre-mer. Le Sénat a montré combien il était capable de se rapprocher des propositions de nos collègues députés.
Loin de nous tirer une balle dans le pied, nous répondons à l'ardente obligation de faire respecter le travail de notre assemblée. Comment supporter que l'Assemblée nationale efface tout d'un revers de manche, surtout lorsqu'il s'agit des collectivités territoriales ? Notre vision du bicamérisme consiste à écouter et à prendre en compte l'avis des deux assemblées.
Il existe un fossé entre le texte présenté au Sénat et celui voté à l'Assemblée nationale : nous en faisons le constat. Il ne s'agit nullement d'opposer ruralité et monde urbain. Comment opérer intelligemment une redistribution des richesses ? Tel est l'enjeu. À l'exception de la métropole de Lyon, les mécanismes de péréquation n'existent nulle part. Voilà ce que nous voulions défendre. Il faudrait d'ailleurs définir ce qu'on entend par le mot « métropole », Paris n'est pas Dijon ou Orléans.
Je ne reviendrai pas sur le fait que ce texte est un fourre-tout, ni sur l'usage de la procédure accélérée. Encore une fois, nous ne sommes pas dans la posture, mais nous défendons une juste vision du bicamérisme.
Cette question préalable marque notre réprobation devant l'attitude consistant à fermer la porte à toute discussion. On n'a pas voulu de nous comme partenaires, que l'on ne compte pas sur nous comme complices. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Pierre Sueur . - Bien que j'aie écouté attentivement M. Darnaud, je n'ai entendu aucun argument justifiant la question préalable. En évoquant les importantes questions de la péréquation, des métropoles, des départements mais aussi des régions, il est entré dans le débat, montrant par là que la discussion était utile. Les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat sont différentes. Si l'on devait, à chaque fois que cela se produit, refuser de délibérer, la discussion parlementaire tournerait souvent court. Quant à la procédure accélérée, je suis le premier à regretter qu'on en fasse un aussi large usage sous tous les quinquennats. Effectuez donc les comptes du nombre de fois où l'on y a eu recours sous la législature précédente et celle-ci.
La Constitution prévoit une nouvelle lecture après l'échec d'une CMP, une à l'Assemblée nationale, une au Sénat. Vous avez visiblement beaucoup à dire sur Paris, et nous sur les métropoles. Débattre serait plus efficace et une occasion d'améliorer le texte.
La situation présente est extrêmement banale de la vie parlementaire. Rien ne justifie que le Sénat refuse le débat surtout quand il s'agit des collectivités territoriales. J'ai d'ailleurs gardé précieusement les amendements que la majorité sénatoriale avait rédigés avant de s'accorder sur le dépôt de cette question préalable.
Notre groupe votera contre la question préalable, n'ayant pas perçu le début du commencement d'un argument la justifiant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - L'avis du Gouvernement est bien sûr défavorable. Voir le Sénat refuser d'examiner un texte sur les collectivités territoriales, c'est navrant. C'est offrir à ses détracteurs un argument justifiant une réforme institutionnelle. Ardent défenseur du bicamérisme, je le regrette.
M. Philippe Dallier. - C'est le dernier texte du quinquennat sur les collectivités territoriales, le troisième sur les métropoles après les lois Maptam et NOTRe.
Il y a comme un oxymore dans le titre du projet de loi qui mentionne « Paris et les métropoles ». Nulle part n'est évoquée la métropole du Grand Paris.
Comme l'a dit Roger Karoutchi, il aurait fallu aborder les transformations institutionnelles dès 2007 ; nous ne l'avons pas fait. Résultat, une métropole qui n'en est pas véritablement une. Ce ne sera pas la seule, Dijon le sera aussi mais l'agglomération parisienne, c'est autre chose.
Ce texte fusionne commune et département de Paris, en laissant de côté la Petite couronne. C'est aller contre la métropole du Grand Paris. Certains veulent la supprimer, d'autres la veulent confondue avec la région. Finalement, pour ne pas déranger des chapeaux à plumes à droite comme à gauche, nous avons baissé les bras. Vous comme nous avons manqué du courage politique nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Yves Pozzo di Borgo. - Nous aurions préféré examiner ce texte mais les députés ont refusé la main que nous leur tendions. Ils ont introduit des dispositions inacceptables telles que la foncière solidaire à l'article 57 ter. Nous avions déjà refusé cette incroyable recentralisation de la politique du logement dans la loi Égalité et citoyenneté que l'on demande de défendre à un ministre girondin. Le groupe UDI-UC votera la motion.
M. Christian Favier. - Le groupe CRC votera contre cette motion. Ce texte n'a pas été suffisamment discuté, irrigué par les contributions des citoyens et des élus locaux. Les désaccords sur le Grand Paris ne sont pas seulement le fait du Gouvernement, ils sont profonds au sein de la droite : la vision de la métropole de M. Ollier est très éloignée de celle de Mme Pécresse. Comment le Sénat, auquel la Constitution confie le soin de représenter les collectivités territoriales, peut-il laisser à l'Assemblée nationale le dernier mot sur ce texte ?
Nous continuerons à défendre une vision solidaire et coopérative de l'agglomération parisienne.
À la demande du groupe Les Républicains la motion n°7 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°96 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - En conséquence, le projet de loi est rejeté.
Prochaine séance demain, mercredi 8 février 2017, à 14 h 30.
La séance est levée à 21 h 20.
Marc Lebiez
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du mercredi 8 février 2017
Séance publique
À 14 h 30
Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente
Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac - M. Bruno Gilles
1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété (n° 207, 2016-2017).
Rapport de M. André Reichardt, fait au nom de la commission des lois (n° 351, 2016-2017).
Texte de la commission (n° 352, 2016-2017).
Avis de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 342, 2016-2017).
2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation et simplifiant le dispositif de mise en oeuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services (n° 301, 2016-2017).
Rapport de M. Martial Bourquin, sénateur et Mme Audrey Linkenheld, députée, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 300, 2016-2017).
Analyse des scrutins publics
Scrutin n°94 sur l'amendement n°1 rectifié, présenté par M. David Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain, l'amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Esther Benbassa et plusieurs de ses collègues et l'amendement n°3, présenté par le Gouvernement, à l'article 3 de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant réforme de la prescription en matière pénale.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :343
Suffrages exprimés :319
Pour :117
Contre :202
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Contre : 142
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard
Groupe socialiste et républicain (108)
Pour : 104
Contre : 4 - MM. Jacques Bigot, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, René Vandierendonck
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 4 - Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Loïc Hervé, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Yves Pozzo di Borgo
Contre : 38
Groupe communiste républicain et citoyen (21)
Abstentions : 21
Groupe du RDSE (17)
Contre : 15
Abstentions : 2 - M. Alain Bertrand, Mme Hermeline Malherbe
Groupe écologiste (10)
Pour : 9
Abstention : 1 - Mme Leila Aïchi
Sénateurs non inscrits (6)
Contre : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier
Scrutin n°95 sur l'article 3 de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant réforme de la prescription en matière pénale.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :343
Suffrages exprimés :310
Pour :202
Contre :108
Le Sénat a adopté (les résultats ci-dessus ont fait l'objet d'une mise au point en séance publique)
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 142
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard
Groupe socialiste et républicain (108)
Pour : 4 - MM. Jacques Bigot, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, René Vandierendonck
Contre : 104
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 38
Contre : 4 - Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Loïc Hervé, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Yves Pozzo di Borgo
Groupe communiste républicain et citoyen (21)
Abstentions : 21
Groupe du RDSE (17)
Pour : 15
Abstentions : 2 - M. Alain Bertrand, Mme Hermeline Malherbe
Groupe écologiste (10)
Abstentions : 10
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier
Scrutin n°96 sur la motion n°7, présentée par M. Mathieu Darnaud au nom de la commission des lois, tendant à opposer la question préalable au projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.
Résultat du scrutin
Nombre de votants : 342
Suffrages exprimés : 330
Pour : 188
Contre : 142
Le Sénat a adopté.
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 142
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard
Groupe socialiste et républicain (108)
Contre : 108
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 42
Groupe communiste républicain et citoyen (21)
Contre : 21
Groupe du RDSE (17)
Pour : 2 - MM. Gilbert Barbier, Pierre-Yves Collombat
Contre : 3 - M. Alain Bertrand, Mme Hermeline Malherbe, M. Jean-Claude Requier
Abstentions : 12
Groupe écologiste (10)
Contre : 10
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 2
N'ont pas pris part au vote : 4 - MM. Jean Louis Masson, Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier.