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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Avis de l'Assemblée de la Polynésie française
Modification à l'ordre du jour
Demande d'inscription à l'ordre du jour
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée)
M. Gérard Larcher, président du Sénat
Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois
M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
Mme Vivette Lopez, rapporteur pour avis de la commission de la culture
M. Michel Canevet, rapporteur pour avis de la commission des finances
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre
Processus de paix au pays Basque
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur
Conséquences du froid sur la production d'électricité
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre
Engagement de la procédure accélérée
Mises au point au sujet de votes
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée - Suite)
Questions prioritaires de constitutionnalité
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée - Suite)
Avis de l'Assemblée de la Polynésie française
Modification à l'ordre du jour
Demande d'inscription à l'ordre du jour
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée)
M. Gérard Larcher, président du Sénat
Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois
M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
Mme Vivette Lopez, rapporteur pour avis de la commission de la culture
M. Michel Canevet, rapporteur pour avis de la commission des finances
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre
Processus de paix au pays Basque
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur
Conséquences du froid sur la production d'électricité
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre
Engagement de la procédure accélérée
Mises au point au sujet de votes
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée - Suite)
Ordre du jour du mercredi 18 janvier 2017
SÉANCE
du mardi 17 janvier 2017
44e séance de la session ordinaire 2016-2017
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Philippe Adnot, M. Jackie Pierre.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Avis de l'Assemblée de la Polynésie française
M. le président. - J'ai reçu de Mme la Première vice-présidente de l'Assemblée de la Polynésie Française, par lettre en date du 10 janvier 2017, un avis sur le projet de décret fixant pour les années 2014 et 2016 la quote-part des ressources du budget de la Polynésie Française destinée à alimenter le fonds intercommunal de péréquation.
Modification à l'ordre du jour
M. le président. - Par lettres en date du 10 et du 11 janvier 2017, M. Jean Desessard, président du groupe écologiste, et M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères ont demandé que le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l'engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, inscrit à l'ordre du jour du jeudi 26 janvier 2017, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes sera d'une demi-heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé au mercredi 25 janvier, à 17 heures.
Il en est ainsi décidé.
Demande d'inscription à l'ordre du jour
M. le président. - En application de l'article 50 ter de notre Règlement, j'informe le Sénat que M. Bruno Retailleau, Président du groupe Les Républicains, a demandé, le 10 janvier 2017, l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution n° 247, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l'eau, et déposée le 20 décembre 2016.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre Conférence des présidents qui se tiendra le mercredi 18 janvier.
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée)
M. Gérard Larcher, président du Sénat . - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
À l'ouverture de cette séance consacrée à la discussion générale du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer, je voudrais rappeler le profond attachement du Sénat à nos outre-mer, et l'attention particulière que nous portons aux atouts des territoires ultramarins mais aussi à leurs difficultés et à la prise en compte de leurs spécificités.
Dès 2011, notre assemblée a créé une délégation à l'outre-mer, dont tous reconnaissent la qualité des travaux, sous la conduite de ses présidents successifs : nos collègues Serge Larcher et, depuis octobre 2014, Michel Magras.
Afin de nous permettre de délibérer en toute connaissance de cause, la Conférence des présidents a voulu que le Sénat puisse recueillir l'avis du Conseil économique, social et environnemental sur ce projet de loi de programmation, conformément à notre souhait de renforcer nos liens avec cette institution. Nous entendrons donc dans quelques instants M. Christian Vernaudon, rapporteur du Conseil sur ce texte.
Madame la ministre, le Sénat examinera avec la plus grande attention le projet de loi qui lui est soumis, en gardant toujours à l'esprit que les outre-mer constituent, comme le rappelaient dans leur rapport de 2009 Serge Larcher et Éric Doligé, « un défi pour la République [et] une chance pour la France ».
Conformément à l'article 69 de la Constitution et à l'article 42 de notre Règlement, huissiers, veuillez faire entrer M. Christian Vernaudon, rapporteur de la section de l'aménagement durable des territoires du Conseil économique, social et environnemental. (Les huissiers font entrer M. Christian Vernaudon) Je lui souhaite la bienvenue.
Discussion générale
Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer . - Merci, monsieur le président, de ces mots à l'attention des outre-mer.
Il y a plus de 70 ans, Aimé Césaire, Léopold Bissol, Gaston Monnerville et Raymond Vergès défendaient avec passion l'inscription des outre-mer au coeur de la République. Le 19 mars 1946, la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et la Guyane devenaient officiellement des départements.
Les outre-mer s'inscrivent fièrement dans la communauté de valeurs et d'idéaux qui définissent la France car la France est avant tout un principe. Être Français, c'est vouloir participer aux destinées de ce pays ; c'est défendre une certaine conception de l'homme, de sa dignité et de ses droits fondamentaux ; c'est désirer vivre ensemble, par-delà les différences ; c'est continuer à construire une France ouverte à tous qui rayonne magnifiquement dans les trois océans. Voilà pourquoi notre Nation porte en son coeur les valeurs de l'universel.
Malheureusement, les promesses de la République ne sont que partiellement honorées. Malgré une hausse de l'emploi privé neuf fois supérieure à celle de l'Hexagone depuis 2012, le taux de chômage y est deux fois plus élevé, trois fois plus à Mayotte. Le taux de décrochage scolaire y est également le double. Le taux de mortalité infantile y équivaut à celui de l'Hexagone il y a 23 ans. Peut-on tolérer plus longtemps que trois millions de nos concitoyens soient davantage exposés à l'échec scolaire, à la pauvreté et au chômage ?
A ceux qui considèrent cette situation avec désinvolture, trouvant « amusant » l'examen de ce projet de loi, je veux dire avec gravité combien leur comportement est vexant tant pour les parlementaires qui se sont mobilisés que pour les populations ultramarines. Quel que soit le territoire où ils vivent, nos compatriotes doivent disposer des mêmes droits, des mêmes opportunités de développement et d'épanouissement. C'est cela l'égalité réelle !
Je me réjouis que ce texte soit parvenu à rassembler Parlement, Gouvernement et société civile, à partir du rapport de Victorin Lurel, remis au président de la République en mars 2016. Je veux à cet instant saluer l'engagement constant de Bernard Cazeneuve et de M. Valls avant lui ; je veux aussi saluer le travail du Conseil économique, social et environnemental et celui de nombreux citoyens qui se sont investis sur ces thématiques. Près de 2 000 internautes ont ainsi remis une contribution en ligne.
Je souhaite mener avec vous un important travail de co-construction - ce fut le cas, déjà, en commission. Je salue le travail approfondi du rapporteur de la commission des lois Mathieu Darnaud...
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Excellent rapport !
Mme Ericka Bareigts, ministre. - ...ainsi que ceux de M. Magras, Mmes Deseyne, Lopez, MM. Mayet et Canevet, rapporteurs pour avis.
Ce texte renouvelle les politiques publiques outre-mer en les concevant à partir des réalités locales. Grâce à l'outil des plans de convergence, les stratégies de développement seront définies au plus près du terrain. Car les priorités de Mayotte, de la Polynésie française ou de la Guadeloupe ne sont pas nécessairement les mêmes. Mettons fin à la logique assimilationniste pour adopter une méthode innovante et participative grâce à laquelle les acteurs pourront avancer ensemble.
Renouveler nos politiques, c'est également créer les conditions de l'égalité réelle. Cette longue marche vers le respect et la dignité a commencé avec François Mitterrand qui a obtenu l'alignement des allocations familiales en 1993 (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE), et a été poursuivie par Jacques Chirac avec l'harmonisation du SMIC en 1996. (Applaudissements)
Mais il reste beaucoup à faire : les montants de nombreuses prestations sociales, lorsqu'elles existent outre-mer, diffèrent trop grandement par rapport à l'Hexagone. Accepterait-on qu'il existe de tels écarts entre les Vosges et la Haute-Vienne ? Les prestations seront harmonisées à terme, pour lutter plus efficacement contre la pauvreté. Dès avril 2017, 2 400 familles modestes supplémentaires bénéficieront du complément familial. L'alignement progressif de l'assurance vieillesse pour les parents au foyer, l'AVPF, garantira à 5 000 personnes de plus une continuité dans leurs droits à la retraite. A Mayotte, département le plus pauvre de France, le rythme des convergences des allocations familiales sera accéléré et de nouvelles prestations, dont le complément familial, seront déployées.
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Il y a plus d'un siècle et demi, Victor Schoelcher plaidait pour que la République n'exclue personne de son immortelle devise. A nous de réaliser pleinement son voeu.
Renouveler nos politiques outre-mer, c'est aussi élargir notre conception de la mobilité. Quelque 15 000 jeunes ultramarins poursuivent leurs études dans l'Hexagone. Plus de la moitié y demeurent six mois après la fin de leur formation. Or les territoires ont besoin de ces talents. Aussi entendons-nous aider les jeunes diplômés à revenir dans leur territoire d'origine s'ils le souhaitent cinq ans après leur formation. Plus qu'un progrès, c'est un changement structurant pour les outre-mer.
Un article de ce projet de loi renforce en outre la lutte contre les discriminations pour cause de domiciliation bancaire hors de la Métropole.
Enfin, le dispositif cadre d'avenir à Mayotte, inspiré d'une mesure portée par Michel Rocard en Nouvelle-Calédonie, permettra d'élever le niveau de compétences local.
Ce projet de loi appellera sans doute d'autres mesures ; le combat pour l'égalité ne s'achève pas ici et maintenant.
Le général de Gaulle affirmait, dans son discours de Basse-Terre : « La politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c'est d'être petit ». N'ayons pas peur de la grandeur pour les outre-mer et soyons fiers de ce que nous allons accomplir pour eux et la République tout entière. La France n'est la France que lorsqu'elle lutte pour l'égalité et s'accepte telle qu'elle est : océanique et riche de sa diversité. (Vifs applaudissements à gauche, ainsi que sur plusieurs bancs au centre et à droite)
M. Christian Vernaudon, rapporteur de la section de l'aménagement durable des territoires du Conseil économique, social et environnemental . - Monsieur le président du Sénat, je veux d'abord saluer votre initiative. Merci d'avoir invité le Conseil économique, social et environnemental à présenter l'avis qu'il a adopté, le 12 juillet 2016. Il porte uniquement sur l'étude d'impact et le titre premier. Bien que le projet de loi se soit considérablement étoffé depuis, celui-ci reste d'actualité.
Nous avons d'abord relevé l'extrême hétérogénéité des territoires d'outre-mer, tant par leur géographie, leur histoire que par leur situation démographique, environnementale, économique, sociale, culturelle et sociétale. Cette diversité, qui est remarquable au sein même des collectivités ultramarines, est également une diversité de statut, raison pour laquelle on parle des outre-mer, et non de l'outre-mer. Les unit toutefois un même attachement à la France, conformément à l'article 72.3 de la Constitution.
Pourquoi une nouvelle loi de programmation pour les outre-mer ? Parce que des écarts de développement importants persistent entre les outre-mer et la Métropole, surtout en matière d'accès à l'éducation, aux services publics, aux soins et au travail. Les taux d'illettrisme, de jeunes sans diplôme, de chômage, de pauvreté, en particulier, sont significativement supérieurs à ceux de l'Hexagone.
Qu'est-ce que l'égalité réelle et comment l'appliquer dans les outre-mer ? Selon Alain Christnacht et Pierre Steinmetz, que nous avons auditionnés, appliquer les mêmes moyens à des situations inégalitaires aux causes différentes ne permet pas d'atteindre l'égalité ; il peut arriver un moment où l'égalité formelle devient contraire à l'égalité réelle. D'où notre recommandation : concilier le principe d'égalité avec celui de libre administration des collectivités territoriales et une autonomie de gestion renforcée pour favoriser les logiques d'adaptation législative et d'expérimentation.
L'étude d'impact promeut une « intervention transverse de long terme » matérialisée par des études d'impact et plus de convergence : cela nous semble cohérent. Diagnostic partagé, plans stratégiques de convergence et développement durable, contrats de convergence, suivi et évaluation des politiques mises en oeuvre : voilà une méthode opportune ; celle-ci doit faire place à la participation des populations et s'accorder avec les engagements internationaux pris par la France, notamment à la COP 21. Il faudra assurer l'articulation des plans de convergence avec les autres outils de programmation que sont les contrats de plan État-région et les contrats de développement.
Des indicateurs communs pour la mesure de la convergence sont indispensables, de même que des indicateurs de suivi de chaque politique publique mise en oeuvre dans chaque territoire.
Dans un monde en plein bouleversement, les défis à relever outre-mer sont immenses, comme l'est la richesse de ces territoires. L'enjeu de ce texte est de rappeler que les ultramarins ont droit à l'égalité réelle mais aussi de définir avec clarté la bonne méthode et les bons outils pour y parvenir.
Je terminerai en citant la conclusion de notre rapport sur l'état de la France de 2016 : « Le pays doit assumer ses contradictions, développer ses atouts pour les transformer en richesses futures, croire toujours en la France et l'aimer ». (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois . - Éric Doligé et Michel Vergoz, dans leur rapport de 2014 sur le niveau de vie outre-mer, résumaient la situation en ces termes : « Ilots de prospérité dans leur environnement régional grâce à la politique menée depuis la Libération, les outre-mer accusent parfois un retard dont la résorption a ralenti, voire qui s'accroît de nouveau ».
Cette injustice est d'autant plus mal perçue que les ultramarins bénéficient des mêmes droits que les Français de métropole. Les incidents de 2008 aux Antilles, de 2011 à Mayotte et de 2012 à La Réunion, en témoignent. Est-il acceptable que 3 millions d'ultramarins ne jouissent pas des mêmes droits économiques et sociaux ? Bien sûr que non.
Il était temps de bâtir un socle juridique et économique opérationnel, à partir duquel les ultramarins puissent bâtir leur voie de développement.
Attentif aux recommandations de Victorin Lurel, le Sénat partage l'objectif de ce projet de loi tout en regrettant qu'il arrive si tard, à l'approche de grandes échéances électorales. Nous nous sommes efforcés de lui redonner un peu du souffle qu'il avait perdu à l'Assemblée nationale. Les députés l'ont affaibli par des dispositions cosmétiques, satisfaites par le droit en vigueur ou soulevant des questions juridiques, voire constitutionnelles. Nous les avons rejetées, de même que seize des dix-huit demandes de rapport. Dotons-nous plutôt d'outils statistiques opératoires...
L'article 17 relatif à la discrimination en matière de domiciliation bancaire mettrait en cause la récente harmonisation des critères de discrimination dans les champs civil et pénal. D'où sa suppression de même qu'à titre conservatoire, les articles 19 et 29 bis. Concernant le premier, le Small business act outre-mer pose un problème constitutionnel, merci au Gouvernement des réponses qu'il a apportées et à M. Magras de son amendement. Quant au second, on ne combattra pas le fléau de l'orpaillage clandestin par des mesures d'affichage ; confiscations et destructions relèvent exclusivement de la compétence des autorités judiciaires. Mieux vaut supprimer également l'article 48 : quel intérêt fiscal y a-t-il à cadastrer l'ensemble du territoire guyanais ?
Nous avons simplifié l'architecture des plans de convergence à l'article 4, en nous inspirant des travaux de Victorin Lurel. Pour concilier programmation et souplesse, il sera prévu, dès la signature des plans, le choix du dispositif contractuel, les actions à entreprendre ainsi que la programmation financière ; à charge pour les signataires, de les préciser dans des contrats de plus courte durée.
Enfin, à l'heure où nous parlons d'égalité réelle, la différenciation territoriale, chère à notre collègue Magras, fait la richesse de notre pays. Le défi est de tenir compte des spécificités des territoires ultramarins pour tirer le meilleur parti de leurs atouts tout en corrigeant leurs faiblesses.
Moins de postures, plus de dispositions efficaces, voilà l'esprit dans lequel a travaillé la commission des lois. Je veux remercier la ministre pour son écoute, nos collègues qui ont contribué à nos travaux, le président de la commission des lois et le président du Sénat, qui a voulu la création d'une délégation à l'outre-mer.
M. Jean-Louis Carrère. - Elle a été créée sous le président Bel !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Plus que jamais, le Sénat a montré qu'il était la voix de tous les territoires. (Applaudissements à droite, au centre ; M. René Vandierendonck applaudit également)
M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements à droite) Madame la ministre, nous vous sommes particulièrement reconnaissants de ce projet de loi, signe de la force de votre engagement pour les outre-mer. La commission des affaires économiques a cherché à donner cohérence, réalité et efficacité aux 25 articles dont elle a été saisie.
Pas moins de six commissions ont été saisies au Sénat sur ce texte qui, après son passage à l'Assemblée nationale, a changé de volume et de nature. Pour notre part, nous avons mis l'accent sur l'adaptation aux réalités et à la différenciation.
Nous avons approuvé, parfois avec quelques modifications rédactionnelles, les dispositions sur l'échange de courriers, la continuité territoriale et l'aide à la formation des jeunes ultramarins.
La formation des prix outre-mer représente un enjeu fondamental. Il fallait remettre de la cohérence entre des dispositions contradictoires, les unes contre la vie chère, les autres contre les denrées alimentaires à bas prix. L'aide à l'agriculture locale passe par la lutte contre les ravageurs et les normes qui pénalisent nos territoires. Le Sénat a d'ailleurs adopté en ce sens une résolution européenne, qui fait son chemin à Bruxelles.
Les pouvoirs conférés au préfet afin de maîtriser les prix à la consommation nous semblent excessifs. En même temps, souvenons-nous que le sujet est explosif : l'Etat doit y être attentif et pouvoir utiliser au bon moment des moyens d'actions efficaces et bien ciblés sans pour autant tomber dans l'interventionnisme systématique.
Nous proposons de faire preuve d'audace en retenant le principe d'un Small business act. Le risque constitutionnel est limité par le caractère temporaire du dispositif - cinq ans - et par l'existence de nombreuses possibilités d'adaptations ; je vous renvoie à l'article 349 du TFUE et à l'arrêt Mayotte. Il serait dommage que le législateur s'autocensure en retenant une interprétation trop stricte de l'égalité devant la commande publique. Nos outre-mer auraient tout à gagner d'une concurrence fortifiée par des micro-entreprises, à l'exemple de celles qui ont fait la croissance dans le nord de l'Italie.
(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - La commission des affaires sociales a été saisie de 29 articles, dont 25 au fond. Il est difficile d'en donner un aperçu global, tant les sujets abordés sont nombreux sans être toujours assortis d'études d'impact. Ainsi mieux aurait valu remettre à plat le complément familial plutôt que de décider des revalorisations partielles et ciblées.
Notre commission a supprimé les nombreuses dispositions non normatives ou satisfaites par le droit en vigueur. Que l'on n'y voie pas une posture politique, nous avons accepté les amendements qui enrichissent le texte et proposé une convergence sur dix ans des taux de cotisations sociales sur les boissons alcooliques. S'il y a bien un domaine où seule l'égalité parfaite est acceptable, c'est bien celui de la santé.
La notion d'égalité réelle, si elle figure dans un autre texte déposé par le Gouvernement, me laisse perplexe. Qu'est-ce que l'égalité si elle ne se traduit pas dans les faits ? Le terme dénote un aveu d'impuissance. Loin des concepts d'affichage, privilégions des approches claires qui rencontrent quelque réalité sur le terrain. Nous devons prendre en compte les différences et définir une dynamique de convergence, plus qu'une égalité parfaite, au reste inatteignable.
Je veux enfin saluer le travail et l'écoute de la ministre, avec qui nous partageons une forte ambition pour les outre-mer. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Vivette Lopez, rapporteur pour avis de la commission de la culture . - La commission de la culture s'est saisie pour avis de sept articles dont aucun ne figurait dans le texte initial. Trois d'entre eux proviennent d'amendements gouvernementaux. Les articles 13 C et 13 E ne posent pas de difficultés particulières. Nous proposons de les adopter, moyennant une modification rédactionnelle à l'article 13 C.
L'essentiel des débats a porté sur l'article 13 bis. Rendre, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, l'instruction obligatoire pour les enfants de trois à dix-huit ans dans les départements et régions d'outre-mer constitue une réponse symbolique à l'illettrisme et au décrochage scolaire. Sans méconnaître ces problèmes, notre commission a estimé que cette mesure n'était pas pertinente.
Nos débats vont surtout porter sur l'article 13 bis, relatif à la lutte contre l'illettrisme et le décrochage scolaire. Nous avons considéré que l'obligation d'instruction des enfants de trois ans à dix-huit ans n'était pas pertinente. Pour les plus jeunes, le premier obstacle est la faiblesse de l'offre, non son caractère facultatif ; c'est particulièrement le cas à Mayotte. Quant à imposer une scolarisation des seize-dix-huit ans, cela ne nous paraît guère réaliste : scolariser à tout prix des jeunes en décrochage scolaire est une disposition d'affichage tout à fait impraticable.
À l'article 21, notre commission a supprimé des dispositions dans un souci de cohérence. Elle n'a rien contre la possibilité d'éditer des documents d'état-civil en français et en langue régionale, pourvu que seule la version française fasse foi. Elle est favorable à la création d'un grand conseil des populations amérindiennes et bushinenguées.
Bref, notre commission a cherché à améliorer ce projet de loi en le simplifiant et en le rendant plus concis. (Applaudissements à droite)
M. Jean-François Mayet, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a analysé les dispositions la concernant dans la continuité de ses travaux de 2015, en particulier le rapport d'information de MM. Bignon et Cornano sur les outre-mer face au risque climatique.
Les dispositions du projet de loi ne sont pas à la hauteur de ses ambitions affichées. Savez-vous que l'outre-mer renferme 80 % de la biodiversité nationale, 98 % de la faune de notre territoire et 96 % des plantes vasculaires spécifiques à la France ? Quatre des cinq points chauds de la biodiversité sont dans les outre-mer et le projet de loi ne comporte aucune disposition pour sa reconquête. Seuls quatre articles portent indirectement sur la protection du patrimoine naturel, et ils sont anecdotiques.
Les initiatives locales ne manquent pourtant pas, comme le programme de lutte contre les espèces exotiques envahissantes mené par la Polynésie française, ou l'Institut de la biodiversité insulaire créé par la Réserve nationale naturelle de Saint-Martin.
Les régions insulaires des énergies renouvelables parmi les plus avancées - hydroélectricité, photovoltaïque, éolien, ou biomasse issue de la bagasse de canne à sucre. Et pourtant, la consommation d'énergie primaire des territoires ultramarins reste très dépendante des énergies fossiles. Le projet de loi n'y fait pas référence alors que 12 000 Guyanais doivent produire eux-mêmes leur électricité avec des groupes électrogènes.
Le développement des infrastructures de transport, troisième axe du projet de loi, est fondamental. En outre-mer, il y a moins de 2 kilomètres de voirie par habitant contre 5,8 kilomètres dans l'Hexagone. Le projet de loi ne prévoit aucune mesure concrète, seulement des demandes de rapport !
Même chose pour le traitement des déchets. Ainsi, l'article 22 n'emporte pas d'effets réels, non plus que l'article 24 bis, supprimé par la commission des lois.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable se montre réservée. Malgré son manque d'ambition, elle est quand même favorable à l'adoption du projet de loi. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Michel Canevet, rapporteur pour avis de la commission des finances . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) La France possède le deuxième domaine maritime au monde, grâce à ses onze territoires d'outre-mer. Voilà un potentiel économique conséquent. Ce projet de loi est opportun pour développer les différents territoires ultramarins, et enclencher une convergence avec l'Hexagone.
Les textes de loi se succèdent depuis trente ans : les lois Pons ont été complétées en 2001 par les lois Paul, en 2003 par les lois Girardin... La France fait un effort de 7 milliards vers les outre-mer chaque année, dont 800 millions dans le domaine de compétence de la commission des finances, par défiscalisation.
De 15, on est passé à 116 articles à l'Assemblée nationale. Il faut corriger cette inflation législative. Toutes ces dispositions supplémentaires inscrites par les députés font du texte un éventail très large de mesures ; il faut aller à l'essentiel et être efficace. Notre assemblée corrige ces dispositifs dans le sens d'un réel développement économique de l'outre-mer. Je pense aux entreprises et au logement, notamment. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Aline Archimbaud . - Les territoires d'outre-mer sont marqués par des inégalités que la France peine à réduire. Le chômage y est deux fois supérieur à l'Hexagone. La difficulté d'accès à l'emploi y est régulièrement dénoncée.
Qu'est-ce que l'égalité réelle ? Une égalité pourrait-elle être irréelle ? Le Gouvernement aurait emprunté ce concept à Amartya Sen, qui demandait comment l'accès aux biens et aux services est converti en « capabilités », c'est-à-dire en opportunités et en capacités d'action. En outre-mer, les capacités d'action sont en effet délicates. Ainsi, dans des communautés amérindiennes de Guyane, nous avons rencontré des habitants préoccupés par l'épidémie de suicide des jeunes. Que leur propose-t-on ? La mission locale de Maripasoula est fermée depuis un an, pour une durée indéterminée.
La République est une et diverse. Il n'est pas possible de calquer en outre-mer les politiques hexagonales. Mme la ministre a insisté sur ce point.
Nous avons notamment déposé des amendements sur les langues autochtones, sur les pouvoirs du Grand Conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenguées, sur la création d'un observatoire sur le suicide des jeunes en Guyane.
Nous souhaitons réintégrer l'article sur la journée de commémoration de l'esclavage, et réintroduire des moyens de lutte contre l'orpaillage illégal, cette catastrophe écologique et humaine.
Alors que les ressources naturelles sont énormes en outre-mer, pourquoi ne pas y développer les énergies renouvelables ? Pourquoi n'encourage-t-on pas davantage l'aquaculture et la pêche ? Des menaces pèsent sur la biodiversité. Coraux, forêt amazonienne...
La lutte contre le chômage et la vie chère passe aussi par le développement endogène, seul susceptible de réduire les importations - et donc les prix élevés - et de soutenir l'emploi local. (Applaudissements sur divers bancs à gauche)
M. Thani Mohamed Soilihi . - Ce texte est d'une extrême importance pour l'outre-mer, en visant la réduction des écarts avec l'Hexagone, qui persistent malgré la politique volontariste de ce Gouvernement. Jusqu'à 80 % de PIB par habitant en moins : les inégalités restent patentes.
Certains s'interrogent sur le terme « égalité réelle ». Il s'agit de concilier notre conception républicaine de l'égalité avec la diversité des territoires, en s'inspirant du rapport remis en mars 2016 par le député Victorin Lurel, pour répondre aux revendications de longue date des populations. L'objectif affiché est d'abord une convergence des droits sociaux vers les standards nationaux d'ici dix à vingt ans, à travers des plans propres à chaque territoire. Enfin, le texte vise à développer les opportunités économiques et à renforcer la concurrence et l'investissement dans le capital humain et à lutter contre la vie chère.
Le projet de loi a été enrichi d'une centaine d'articles à l'Assemblée nationale, portant sur des sujets très variés. Nous proposons de l'enrichir encore.
Je parlerai de Mayotte que je connais le mieux. Je me félicite que la commission des lois ait adopté quatre de nos amendements. Je regrette que trois amendements relatifs à la fiscalité et au droit du sol aient été rejetés. Je les défendrai à nouveau en séance.
Il faudra de la patience pour mettre en oeuvre toutes ces dispositions de façon échelonnées sans surcharger le budget de l'État.
Le groupe socialiste votera en faveur de ce projet de loi. Merci à la ministre pour son écoute et aux rapporteurs pour leur travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)
Mme Gélita Hoarau . - Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les habitants des quatre « vieilles colonies » - Guyane, Guadeloupe, Martinique et La Réunion - étaient dans une misère effroyable du fait du statut colonial. Les progressistes de ces pays, Césaire, Bissol, Monnerville et Vergès ont fait voter à l'unanimité la loi du 19 mars 1946 qui mettait fin au régime colonial et donnait à ces colonies le statut de départements. Elle proclamait qu'au 1er janvier 1947 les droits sociaux de leurs habitants seraient identiques à ceux de l'Hexagone. Cette loi n'a cessé d'être bafouée pendant cinquante ans, le temps qu'il fallut pour obtenir l'alignement du smic et des allocations familiales.
L'égalité est encore loin d'être réalisée. L'écart est considérable, tant à l'aune du produit intérieur brut par habitant, de l'indice de développement humain que de l'indicateur synthétique d'inégalité de salaires, de revenus, de niveau de vie.
Ce projet de loi, malheureusement, ne donne pas la définition de l'égalité réelle. Le taux de chômage est de 30 % à La Réunion. Cela correspondrait à onze millions de chômeurs dans l'Hexagone. Il faudrait créer 13 000 emplois par an à la Réunion pour converger ; or le territoire n'en crée que 3 000. La moitié de la population de La Réunion vit sous le seuil de pauvreté.
Comment croire que ce qui n'a pas été réalisé pendant soixante-dix ans le sera en dix ans, alors que s'ajoutent le réchauffement climatique, une démographie galopante et la mondialisation ? Toute la filière sucrière est menacée, alors qu'elle représente plusieurs milliers d'emplois.
La loi n'est pas en mesure de régler les problèmes présents. Nombreux sont ceux qui voient dans l'autonomie la réponse appropriée, pour relever le défi du développement durable, de l'économie, de la culture...
L'histoire nous a liés avec la France et l'Union européenne. Nos pays ne peuvent toutefois pas se couper des grandes transformations. Ils doivent pouvoir passer directement des accords avec leurs voisins.
Ce projet de loi reste dans le schéma classique de la loi d'intégration de 1946 ; il ne met pas en place le nouveau modèle de développement des outre-mer que François Hollande appelait pourtant de ses voeux.
Malgré toutes nos réserves, nous voterons néanmoins ce texte si les avancées qu'il contient ne sont pas remises en cause.
Selon le projet de loi, l'égalité réelle serait atteinte grâce à l'élaboration des plans de convergence élaborés sur la base des articles 37-1, 72 et 73 de la Constitution. Or La Réunion est la seule des collectivités régies par l'article 73 à ne pouvoir y prétendre : elle ne peut ni adapter les lois, ni produire ses propres lois. D'où une question de constitutionnalité : si La Réunion ne peut disposer des outils nécessaires à l'élaboration de ces plans de convergence, cette loi s'applique-t-elle à elle ? La prudence recommande donc l'abstention sur ces articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Guillaume Arnell . - L'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen proclame que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Pourtant les inégalités demeurent. Comment appréhender le concept d'égalité réelle ? Faut-il accepter que nos territoires soient différents ? « Il n'y a pas d'égalité adaptée, il n'y a pas d'égalité globale, l'égalité est ou n'est pas » a dit Aimé Césaire lors de la discussion de la loi de 1946 instaurant la départementalisation.
Je regrette qu'un thème d'une telle importance soit abordé dans le cadre d'un examen en procédure accélérée.
Après la loi de 1986, la loi pour le développement économique des outre-mer, voici ce projet de loi, inspiré du rapport de Victorin Lurel. Il a été substantiellement modifié à l'Assemblée nationale et porté de 15 à 116 articles. Il a aussi été profondément modifié en commission au Sénat.
Logement, mobilité, continuité territoriale, fiscalité... : dans tous ces domaines, il y a urgence à agir contre les inégalités. Le PIB par habitant est inférieur d'un tiers ou de la moitié à ce qu'il est dans l'Hexagone. Un quart des ménages touchent le RSA-socle, contre 4 % dans l'Hexagone. 9,9 % des jeunes ont des difficultés de lecture en métropole ; ils sont 27,7 % à La Réunion et 74,5 % à Mayotte.
Même si des inégalités persisteront après ce texte, toute amélioration est bonne à prendre. L'objectif n'est pas d'aboutir à une égalité chimérique, mais de tendre vers la convergence.
Il existait déjà dans le passé des inégalités entre Saint-Martin et la Guadeloupe. Elles persistent. Saint-Martin manque cruellement d'infrastructures, qu'il s'agisse d'accueil des personnes âgées, des personnes privées de liberté, des handicapés ou des lycéens.
Le territoire compte 30 % de chômeurs dont 60 % sont des femmes. Le BTP est en difficulté depuis 2009 en raison d'une carence de la commande publique. C'est pourquoi je défendrai des amendements en faveur de mon merveilleux territoire qui possède malgré tout un grand potentiel. Avec joie, je constate que de plus en plus de mes collègues se soucient des problématiques ultramarines. Le groupe RDSE votera ce texte en plaidant pour plus d'égalité et d'harmonie entre les territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, des écologistes ainsi que du groupe socialiste et républicain)
M. Didier Robert . - Je ne serai pas complice d'une loi de pur affichage qui maintiendra l'inégalité. Comment faire croire que l'outre-mer est une priorité quand la seule loi qui le concerne arrive en toute fin de mandat, qui plus est par le passage en force qu'est la procédure accélérée ?
Cette loi fourre-tout a été bricolée à la hâte, sans aucune étude d'impact. Madame la ministre, vous avez manqué de pédagogie pour ce projet de loi qui ne convainc personne, sauf peut-être vous. Ce projet de loi ne répond en rien aux problèmes des habitants d'outre-mer.
Je reprends à mon compte la magnifique formule de Fernand Braudel : « la France se nomme diversité ». L'idéologie égalitariste avait déjà été dénoncée par Montesquieu et Tocqueville. Sans doute des efforts de rattrapage sont-ils à réaliser, dans l'éducation, l'accès aux médias, la préparation aux concours... Mais nous ne sommes pas dupes de l'indigence de vos propositions, telles que les plans de convergence, aux articles 4 et 5. Il ne fait aucun doute qu'ils seront pilotés par l'État, faisant des collectivités territoriales des figurants. C'est inconstitutionnel. Quant à la continuité territoriale, objet de mesures éparses dans ce texte, elle a été détruite par votre Gouvernement et tout au long du quinquennat : les crédits ont baissé de 25 %.
Il faut croire que les lointaines populations d'outre-mer sont priées d'y rester. Les 320 000 Corses bénéficient de 186 millions d'euros au titre de la continuité territoriale, quand les 2,5 millions d'Ultramarins n'ont que 40 millions !
Tout en proclamant de généreux principes, vous amoindrissez l'effort envers l'outre-mer. Celui-ci n'a jamais été la priorité du Gouvernement, voilà la vérité. Le vide sidéral de ce texte n'est pas masqué par vos affirmations creuses.
Le nouveau modèle de développement que nous revendiquons repose non sur une prétendue égalité, mais sur une véritable liberté pour les entreprises et les collectivités territoriales afin qu'elles aménagent leur territoire. Libérons-les du carcan des normes et d'un cadre juridique dépassé dont la loi Montagne est l'exemple le plus récent.
Je fais le voeu d'une loi privilégiant les mesures concrètes aux articles incantatoires. Ce ne sera pas pour cette fois. (Applaudissements au centre et sur certains bancs à droite)
La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 45.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous appelle à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.
Politique énergétique
M. Jean-Pierre Bosino . - Après l'incapacité des pouvoirs publics à faire face à l'épidémie de grippe, le risque de coupure énergétique illustre les dégâts de la politique de casse du service public. RTE nous alerte pourtant sur le risque depuis deux ans ! Il est facile d'accuser le nucléaire et la maintenance des centrales.
Quand allez-vous enfin renforcer les moyens de production pour assurer une puissance garantie, que les énergies renouvelables, hors hydraulique, ne peuvent fournir ? Quand imposerez-vous à EDF de ne plus fermer les tranches thermiques non rentables ? Quand reviendrons-nous à une politique nationale de long terme pour répondre aux besoins de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - La vague de froid entraîne une consommation accrue d'électricité, nous devons donc tous faire attention. Soyez assuré que le travail est fait pour éviter le risque de coupures.
Justement, la loi Transition énergétique apporte des réponses ; l'électricité éolienne et photovoltaïque, c'est 6 gigawatts, 10 % de plus que l'hiver dernier, c'est l'équivalent de six réacteurs ! Nous développons l'effacement de la consommation, à hauteur de 3 gigawatts.
Ségolène Royal... (Brouhaha à droite, où l'on souligne l'absence de la ministre)... a engagé une mobilisation citoyenne. Pour réduire la consommation d'électricité, il faut revenir à des gestes de bon sens : éteindre les appareils en veille économiserait l'énergie produite par un réacteur ; baisser la température de chauffage d'un degré, ne pas utiliser la machine à laver entre 17 et 20 heures, permettrait d'économiser la production de deux réacteurs ! (Exclamations ironiques à droite)
RTE est mobilisé pour anticiper tous les scénarios. À ce jour, il y a un risque de tension entre mardi et vendredi. Les premières mesures seront prises mercredi pour soulager, mais RTE ne prévoit pas de coupure de courant, mesure de dernier recours. Vous serez tenus informés.
M. Jean-Pierre Bosino. - Vous demandez à nos concitoyens de faire des efforts alors que 12 millions d'entre eux sont en situation de précarité énergétique, que nombre d'entre eux vivent dans des passoires thermiques, et leur facture d'électricité augmente ! Les entreprises, elles, sont rémunérées pour l'effacement ! Votre politique vise à masquer la responsabilité du Gouvernement et de l'État actionnaire. Le problème n'est pas le froid, mais la spéculation, la dérégulation et la vente à la découpe de pans entiers de notre filière énergétique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Déficit public
M. François Marc . - Hier, j'ai eu connaissance du déficit public constaté en 2016, qui s'établit à 68,9 milliards d'euros, contre 72,8 milliards inscrits dans la loi de finances pour 2016.
M. Francis Delattre. - C'est encore trop !
M. François Marc. - L'objectif d'un déficit à 3,3 % du PIB en 2016 sera donc atteint. Cette nouvelle encourageante fait pièce au scepticisme de l'opposition qui dénonçait des cadeaux prétendument non financés, et à celui de la Cour des comptes qui craignait un risque de dérapage des finances publiques. (M. Francis Delattre s'exclame)
C'est une très bonne nouvelle pour la France. Comparons ce chiffre au déficit de 2010, de 148 milliards d'euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain). Comment, monsieur le Premier ministre, analysez-vous ces résultats, et qu'anticipez-vous pour l'exécution de la loi de finances pour 2017, jugée insincère par la majorité sénatoriale qui a refusé de l'examiner ? Bref, êtes-vous optimiste pour 2017 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE, sourires à droite)
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre . - Le scepticisme est consubstantiel à l'opposition, quelle qu'elle soit ; à la majorité de le lever, en faisant preuve de pédagogie (Sourires). L'année dernière, le déficit de l'État était supérieur de 1,5 milliard d'euros à celui qui a été constaté ce matin.
Compte-tenu de la maîtrise des dépenses de l'État, nous serons donc en mesure de respecter l'objectif de 3,3 % de déficit public convenu avec Bruxelles.
M. Francis Delattre. - Après deux reports ! (M. Jean-Louis Carrère proteste)
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. - J'entends des cris de satisfaction spontanés : merci ! (Sourires)
Ce chiffre tient à la réduction du rythme de hausse de la dépense publique, divisé par trois par rapport à la période 2007-2012. La dette publique n'aura augmenté que de sept points sous notre quinquennat, contre vingt-cinq sous la précédente présidence. Enfin, les comptes sociaux sont quasiment à l'équilibre.
Ces efforts ont été réalisés sans renoncer à aucune de nos priorités. Nous avons renforcé les effectifs des forces de sécurité, avec 9 000 créations de postes, de l'Éducation nationale, avec 60 000 postes, dans les hôpitaux, avec 31 000 postes.
M. Francis Delattre. - Bref, tout va bien !
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. - Preuve que l'on peut maîtriser la dépense publique et réduire les déficits sans pour autant casser le service public et la protection sociale qui assurent la force et la cohésion de la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Redresser les comptes, c'est nous redonner des marges de manoeuvre afin de garantir la solidarité nationale, la protection sociale, le développement et la modernisation des services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
Processus de paix au pays Basque
M. Jean-Jacques Lasserre . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Un processus de paix et de désarmement de l'ETA au pays Basque est en cours depuis octobre 2011. Il exige du temps, de la volonté, du courage.
Les récentes arrestations de militants nationalistes non-violents qui se sont impliqués pour la restitution d'armes sont la conséquence du refus de l'État français de négocier. Le dépôt définitif des armes se règlera dans le même temps que le problème des prisonniers.
Les acteurs locaux, notamment les parlementaires, sont engagés dans le processus de paix ; l'absence d'implication de l'État français serait un gâchis historique. Cela fait cinq ans que les attentats ont cessé, c'est la preuve qu'il y a une réelle volonté.
Vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre, à ma demande d'entretien. Je vous demande solennellement que l'État français prenne à bras le corps ce problème et crée les conditions d'un dialogue sur les sujets liés du désarmement et des prisonniers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et du groupe communiste républicain et citoyen).
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur . - Le processus de paix est unilatéral. Armes, explosifs, munitions sont encore en circulation, qui pourraient nous être rendus plus simplement. J'ai reçu la semaine dernière mon homologue espagnol, Juan Ignacio Zoido, pour évoquer la question des caches d'armes sur notre territoire.
L'ETA, ce sont des prisonniers mais aussi des centaines de morts, militaires, policiers et civils. Il n'appartient pas à des personnalités civiles, même de bonne foi, de s'impliquer dans la récupération d'armes qui ont servi à perpétrer des attentats. Seule la justice doit se prononcer - je me félicite de la coopération entre le pôle anti-terroriste de Paris et la justice espagnole.
Ceux qui ont commis des attentats doivent dire, de façon unilatérale, où sont les armes et les explosifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Jacques Lasserre. - Je suis très déçu par cette fin de non-recevoir face à la bonne volonté des militants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et du groupe communiste républicain et citoyen)
Conséquences du froid sur la production d'électricité
M. Jean-Claude Lenoir . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je vous propose un intermède sous forme de bulletin météo : une vague de grand froid va s'installer sur notre pays demain et après-demain. C'est l'affolement sur tous les médias. Pourtant, nous en avons connu une il y a cinq ans, qui a duré une dizaine de jours. La consommation journalière d'électricité a été 10 % supérieure à celle annoncée cette semaine, et tout a bien fonctionné.
Pourquoi, alors, cet affolement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - De l'affolement ? Pas du côté du Gouvernement. Nous travaillons à sécuriser notre approvisionnement en électricité, avec des mesures de bon sens. Grâce à la loi Transition énergétique, nous diversifions notre bouquet énergétique en développant les énergies renouvelables - dont la production est aujourd'hui l'équivalent de six réacteurs nucléaires - et luttons contre le gaspillage : plan de rénovation thermique des bâtiments, création de nouvelles filières de production électrique, autant d'initiatives qui créent des emplois non délocalisables.
Il convient aussi d'associer les citoyens à l'effort, notamment en recommandant d'éteindre les appareils en veille. Il n'est pas aberrant de recommander les bonnes pratiques.
Selon RTE, il n'y a aucun risque de coupure - en cas de problème, vous en seriez informés. Bref, le Gouvernement fait face et travaille pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Lenoir. - Je veux remercier et féliciter le Gouvernement : si le cap difficile est passé, c'est grâce à nos outils de production, dites-vous en substance - donc au nucléaire, qui est la base de notre approvisionnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Économiser en baissant d'un degré, c'est intéressant. Dommage que nous n'ayons aucune influence sur la température...
M. Jean-Louis Carrère. - Et la question ? Où est la question ?
M. Jean-Claude Lenoir. - Je constate que vous ne respectez pas l'engagement du président de la République de fermer la centrale de Fessenheim... (M. Jean-Louis Carrère s'emploie à couvrir la voix de l'orateur en réclamant la question) Il faut la mettre en regard du besoin d'alimenter les usagers ! (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains)
Situation des gites ruraux
Mme Hermeline Malherbe . - Les acteurs de l'économie touristique et certaines communes rurales s'inquiètent pour les gites de France et bistrots de pays. La loi NOTRe du 7 août 2015 a conforté la mission des départements en matière touristique - ils sont légitimes pour accompagner les projets dans les territoires ruraux - mais, en supprimant la clause de compétence générale, elle a mis fin aux aides directes aux entreprises. Or la pérennité des gites de France est conditionnée par les aides des départements. Sont-ils considérés comme des entreprises ? Pouvons-nous toujours accompagner les acteurs touristiques, particulièrement en zone rurale ? (Applaudissements sur les bancs RDSE et sur certains bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales . - Les compétences de chaque échelon territorial ont été clarifiées par l'importante réforme territoriale qu'a été la loi NOTRe. Celle-ci, votée par la Haute Assemblée, a décidé que le tourisme serait une compétence partagée. Les départements peuvent s'engager, mais l'aide directe est du ressort des régions, auxquelles le Gouvernement a octroyé 450 millions d'euros dans ce but.
Toutefois, le département demeure compétent pour mener des actions de promotion dans le domaine touristique via les contrats de développement territorial, et créer des équipements sportifs et touristiques dont ils sont propriétaires ; un département peut ainsi exploiter un gite rural, une base de loisirs ou une station de ski et le gérer directement ou via un syndicat mixte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Hermeline Malherbe. - Les régions ne se sont pas positionnées sur le tourisme rural, et le problème reste entier dans les territoires. Il faudrait un partage plus équitable et plus efficient. (Applaudissements sur les bancs RDSE)
Défense européenne
M. André Gattolin . - Jamais depuis sa création, l'Union européenne n'a fait l'objet d'une telle entreprise de déstabilisation ni encouru un tel risque de désintégration. Outre les divisions internes, les réactions nationalistes et les populismes, elle fait l'objet d'attaques croisées de la Russie et des États-Unis. M. Trump, après s'être félicité du Brexit et avoir appelé d'autres pays à suivre cette voie, s'est aussi livré à une charge inédite contre l'OTAN. Sans en abandonner le commandement, les États-Unis entendent exiger des États membres qu'ils augmentent leurs dépenses militaires.
Ce contexte, qui s'accompagne d'un changement de la stratégie géopolitique de notre allié historique, permet-il de faire plus longtemps l'économie d'une armée commune européenne ? Le 11 septembre dernier, la France et l'Allemagne ont proposé une coopération structurée permanente, qui ne figure toutefois pas dans les conclusions du dernier Conseil européen.
Le président de la République a proposé de porter notre effort de défense à 2% du PIB, mais sans évoquer de contribution à la défense européenne.
France et Allemagne comptent-elles développer leurs propositions lors du sommet de Malte, le 3 février ? Il y a urgence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe UDI-UC)
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international . - Votre question est pertinente. Le monde change, de nouvelles menaces apparaissent, comme les cybermenaces, qui imposent des actions sur tous les plans. L'Europe doit non se substituer à l'OTAN, mais prendre sa part complémentaire. Oui, nous devons porter notre effort à 2% du PIB.
L'Europe de la défense a longtemps été un sujet tabou. Mais face à la nouvelle donne internationale et au désengagement américain, le Conseil européen du 15 décembre a adopté une orientation en matière de défense.
La France et l'Allemagne ont pris leur part. J'ai rencontré mon homologue allemand, tout comme M. Le Drian a rencontré le sien ; nous avons fait des propositions et été moteurs. Nous avons esquissé une ligne stratégique, insisté sur l'autonomie de décision. Un fonds de financement pour la recherche et l'armement a été décidé. Nous avons réalisé un bond en avant considérable.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. - Le moment est venu, en effet, de réaffirmer la nécessité de la cohésion et de la solidarité européenne. Oui, l'Europe a des adversaires, mais la meilleure réponse n'est pas la polémique : c'est l'unité et la cohésion de l'Europe, par des engagements concrets en matière de défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Conférence de Paris
M. Gilbert Roger . - La France a accueilli à Paris, le 15 janvier, 70 pays et organisations internationales lors de la conférence pour la paix au Proche-Orient. Ce fut l'occasion de réaffirmer solennellement l'attachement de la communauté internationale à la solution à deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte en paix, indispensable pour la reprise des négociations bilatérales entre les parties, gelées depuis avril 2014.
Mais les incertitudes sont grandes. Le président élu américain a rompu avec le statu quo observé par les pays occidentaux en annonçant le transfert de son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem. La droite israélienne, encouragée, plaide désormais pour l'intégration des colonies illégales quand l'extrême-droite réclame l'annexion militaire de la zone C, en opposition avec la résolution 2334 de l'ONU.
En 2014, l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté deux résolutions invitant le Gouvernement français à reconnaître l'État palestinien. Votre prédécesseur, Laurent Fabius, s'y était engagé en cas d'échec des négociations. Or la Conférence de Paris n'a pas permis d'avancée concrète. Le président de la République est-il désormais prêt à transformer cet engagement solennel en acte politique et à reconnaître officiellement l'État palestinien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Bariza Khiari et M. Martial Bourquin applaudissent également)
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international . - La France est déterminée. La Conférence de dimanche dernier a réuni deux fois plus de participants que celle du 3 juin : le conseil de sécurité, le G20, la Ligue arabe, l'Union européenne, unanimes. Après des échanges fructueux, nous avons réaffirmé solennellement la nécessité que les négociations reprennent au plus vite.
Il y a eu des polémiques, caricaturales et déplacées, de la part du Gouvernement israélien comme du Hamas.
La voie est étroite, et la situation se dégrade sur le terrain, faisant courir le risque d'une dangereuse escalade des violences - que nous condamnons, quels qu'en soient les responsables.
Nous nous mobilisons pour la paix au Proche orient. Le conflit israélo-palestinien n'est pas un dossier parmi d'autres, c'est l'une des pièces maîtresses de l'échiquier moyen-oriental. Plus la frustration s'installe, plus la menace s'accroit et moins l'État palestinien parait viable.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a voté le 23 décembre 2016 la résolution n° 2334, qui ne fait que rappeler le droit international. La question de la capitale doit faire partie de la négociation ; toute initiative préalable, comme le transfert d'ambassade, serait perçu comme une provocation.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. - La France continue à déployer ses efforts pour un État palestinien viable et reconnu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
Apprentissage de la grammaire
M. Alain Marc . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'Éducation nationale, dont l'absence illustre bien le peu de considération pour la représentation nationale...
La performance scolaire de nos élèves baisse : le classement international PISA nous place au vingt-sixième rang, ce n'est guère glorieux pour la sixième économie mondiale. Les causes sont multifactorielles, mais on sait qu'une exigence de maîtrise de la langue est indispensable à la réussite de tous les apprentissages, y compris les mathématiques.
Or les directives édictées par votre ministère en matière de grammaire sont incompréhensibles : seuls les enseignants et, je l'espère, les élèves, savent ce qu'est le « prédicat »... Cela rappelle le ridicule « référentiel bondissant » qui désignait en fait... un ballon ! Allez-vous enfin abandonner ce langage abscons, dont savait si bien se moquer Molière ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Le constat est sans appel : le niveau des élèves en français baisse depuis trente ans. Le Gouvernement a décidé d'agir, en demandant au Conseil supérieur des programmes de repenser l'apprentissage de la langue française. Le « prédicat » est enseigné depuis longtemps en sciences du langage. Toutefois, les élèves continuent à apprendre le complément d'objet direct, le complément d'objet indirect, le complément d'objet second. (Moues dubitatives à droite)
La grammaire ne se négocie pas entre enseignants et élèves. Elle s'apprend car elle s'impose. Les programmes ont été repensés car ils manquaient de cohérence. Le seul objectif est de relever le niveau en français de tous les élèves. (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste et républicain).
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. Alain Marc. - Baisser le niveau d'exigence, c'est maintenir les inégalités - comme l'a fait votre réforme des rythmes scolaires, qui n'a nullement répondu à l'échec scolaire mais a creusé les inégalités spatiales et sociales.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est vous qui l'avez lancée !
M. Alain Marc. - Je regrette que vous n'accordiez pas davantage vos actes et vos paroles. Vous parlez de « réussite scolaire », mais ce n'est qu'en relevant le niveau d'exigence que l'on rendra à l'école son rôle d'ascenseur social, hélas en panne depuis trente ans. (Applaudissements à droite et au centre)
Délinquance des mineurs
Mme Dominique Estrosi Sassone . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Samedi soir, une bande de voyous venue d'Athis-Mons a semé la terreur à Juvisy-sur-Orge. On se souvient de l'attaque de voitures de policiers à Grigny. Ces attaques en bande se multiplient aussi dans les transports, en Ile-de-France, dans le Rhône ou en PACA, où des TER sont assiégés par des casseurs.
Ces bandes, constituées notamment de mineurs, conséquence de la communautarisation de notre société, sont portées par la haine de notre pays, de ce que nous sommes. (Huées sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
À Juvisy, onze voyous, la plupart mineurs, ont été arrêtés puis tous relâchés. La réponse pénale n'est manifestement plus adaptée à la gravité des faits. Pourquoi niez-vous cette réalité ? Pourquoi n'avez-vous jamais durci votre politique pénale à l'égard des mineurs ? (Applaudissements à droite et au centre, huées sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Cécile Cukierman. - On croirait entendre le FN !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice . - D'où tenez-vous que nous nierions cette réalité ? N'avez-vous pas participé aux débats depuis cinq ans ? Nous avons durci la législation. Mais le temps de la justice n'est pas celui de l'émotion, de la réaction. (Protestations à droite, applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. François Grosdidier. - Et le temps de la vérité ?
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - Je fais confiance au travail d'investigation du procureur de l'Essonne. Vous rapportez des informations lues dans la presse. Ces personnes auraient-été relâchées faute de faits matériels ? Qu'en savez-vous ? Les personnes que vous évoquez ne sont pas liées aux évènements de Juvisy. Laissez donc le procureur faire son travail, comme il l'a fait après les évènements de Viry-Châtillon. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain). À l'époque, vous aviez déjà protesté. Et voilà qu'après trois moins d'un travail d'investigation méticuleux et patient, onze personnes ont été placées en garde-à-vue. Voilà comment fonctionne une justice sereine. (Applaudissements à gauche)
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Ce n'est pas l'avis des habitants de Juvisy-sur-Orne, qui redoutent maintenant des représailles. Assez d'angélisme ! Faut-il rappeler que votre loi Justice du XXIème siècle a supprimé le tribunal correctionnel pour enfants ? Il faut mettre fin à l'effet Taubira ! (Applaudissements nourris à droite, huées sur plusieurs bancs à gauche)
Fonds d'innovation sociale
Mme Corinne Féret . - Adopté en 2013 après une large concertation, le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale a conduit à intégrer dans toutes les politiques publiques la nécessité de s'adresser aux plus fragiles. Loin d'un prétendu assistanat, le Gouvernement agit sur les racines de la pauvreté.
Le président de la République a annoncé ce matin le lancement de la Fondation pour l'investissement social et le développement humain, qui a pour ambition de développer les approches pour faire reculer la précarité et l'exclusion et de construire un modèle plus inclusif, associant développement économique et social. Pluridisciplinaires, ses travaux scientifiques s'attacheront à mesurer l'impact des politiques de solidarité. Les projets innovants seront repérés et généralisés.
L'innovation sociale est au coeur de l'action de ce Gouvernement, qui a compris que la solidarité n'est pas une dépense, mais un investissement. L'action menée dans ce domaine est une fierté : j'y vois l'ambition de garantir un modèle social auquel la droite n'a de cesse de s'attaquer.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce dispositif, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Stéphane Ravier. - Question téléguidée !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - J'étais aux côtés du président de la République ce matin pour l'inauguration de cette fondation, placée sous l'égide de la Fondation agir contre l'exclusion (Face) et présidée par Isabelle Kocher, directrice générale d'Engie.
Il y a encore beaucoup de préjugés : les chômeurs sont tous des paresseux, les SDF sont tous irrécupérables, les plus démunis profitent des aides sociales... (Exclamations à droite) Notre système de protection sociale est mis en cause, les dépenses jugées excessives...
Cette fondation a vocation à associer recherche scientifique et action sociale pour lutter contre les idées reçues. Car l'action sociale n'est pas une dépense mais bel et bien un investissement dans l'humain et l'avenir ! Un exemple des initiatives soutenues par cette fondation : le projet Housing first, visant à donner un logement aux personnes atteintes de troubles psychiatriques. L'expérience montre en effet que ceux-ci s'estompent dès l'instant où ils sont logés, et que le recours à l'hospitalisation diminue.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. - Oui, l'action sociale est consubstantielle à notre pays et à notre identité, voilà la raison d'être de cette fondation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RDSE)
Surveillance des frontières
M. Stéphane Ravier . - Le 23 décembre 2016, au nom de l'État Islamique, le Tunisien Anis Amri tuait douze personnes et faisait 56 blessés sur un marché de Noël à Berlin. Débouté du droit d'asile, sans doute avait-il été qualifié par les associations de défense de réfugiés de « chance pour l'Allemagne ».
Traversant l'Allemagne, les Pays-Bas, la France et l'Italie, il a poursuivi sa cavale, ou plutôt sa balade à travers l'Europe avant d'être tué par les carabiniers italiens.
Ce laxisme a permis à des terroristes infiltrés dans les cohortes de réfugiés de faire un massacre au Bataclan ; cette idéologie d'une Europe sans frontières a déjà fait couler le sang d'innocents.
Laxisme érigé en dogme : voilà qu'en plein état d'urgence, le préfet des Bouches-du-Rhône supprime les conditions nécessaires à l'octroi par les maires d'attestation d'accueil pour les étrangers... On reste abasourdi devant tant d'aveuglement.
Même si votre CDD touche à sa fin, qu'attendez-vous pour sortir notre pays de l'espace Schengen, rétablir les frontières nationales, réformer en profondeur le droit d'asile, sachant que 96 % des déboutés restent sur notre sol, et prendre les mesures qui s'imposent pour que nos compatriotes aient droit à la première liberté, celle de la sécurité ?
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre . - Je profite de cette question pour dire à la représentation nationale, et aux Français, la vérité sur vos votes et vos positionnements sur ces sujets.
Si l'on veut un espace européen qui protège du risque terroriste, il faut un PNR européen. Or la présidente de votre parti s'est fait nommer rapporteur pour avis afin de s'y opposer au Parlement européen ! Et vous donnez des leçons ? (Applaudissements)
À l'Assemblée nationale, une seule formation politique s'est opposée au texte mettant en oeuvre l'incrimination d'entreprise individuelle terroriste et le blocage des sites internet : la vôtre ! (Applaudissements)
De même, vous vous êtes opposés à la loi Renseignement, qui permet de détecter, sous le contrôle du juge administratif et judiciaire, les personnes présentant une menace, avec des arguments d'une totale irresponsabilité.
Vous le faites car la lutte antiterroriste se réduit pour vous à un seul objectif : stigmatiser nos compatriotes de confession musulmane et attiser les confrontations dans la société française, rejoignant en cela l'objectif de ceux qui nous frappent ! (Applaudissements)
Soyez certains qu'à chaque fois que vous tiendrez ces discours mensongers, vous aurez contre vous la vérité et la fermeté républicaines ! (Applaudissements nourris à gauche ; on applaudit aussi sur de nombreux bancs à droite et au centre)
La séance est suspendue à 17 h 40.
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
La séance reprend à 17 h 50.
Accord en CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation et simplifiant le dispositif de mise en oeuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services est parvenue à un texte commun.
Engagement de la procédure accélérée
Mme la présidente. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi autorisant l'adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 30 novembre 2016 et de la proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques, déposée sur le Bureau du Sénat le 15 décembre 2016.
Mises au point au sujet de votes
Mme Éliane Assassi. - Mme Didier, membre de mon groupe, souhaitait voter pour, non contre, à l'occasion des scrutins publics nos86 et 88 relatifs, respectivement, à l'article unique de la proposition de loi abrogeant la loi du 6 août 2016 dite loi Travail et à la proposition de résolution européenne reconnaissant l'enseignement supérieur comme un investissement d'avenir.
Mme la présidente. - Acte vous en est donné. Il en sera tenu compte dans l'analyse politique du scrutin.
M. Maurice Antiste. - Le 12 janvier, M. Gorce souhaitait s'abstenir sur l'abrogation de la loi Travail.
Mme la présidente. - Acte vous en est donné. Il en sera tenu compte dans l'analyse politique du scrutin.
Rappel au Règlement
M. Jean Louis Masson . - Les ministres mettent un retard affligeant à répondre aux questions écrites. En plus, ils répondent n'importe quoi ! Il y a six mois, compte tenu des fusions d'intercommunalité, j'ai interrogé le ministre de l'intérieur sur l'entretien des bouches d'égout. Début décembre, il a répondu qu'il relevait de l'assainissement fluvial. À l'Assemblée nationale, on a répondu à la même question, mais en quinze jours, qu'il relevait de la compétence voirie. Deux kilomètres de différence entre les deux chambres, et la réponse change de nature ; on dit le tout et son contraire !
J'ai déposé une nouvelle question écrite pour demander au ministre laquelle des deux réponses était la bonne. J'espère, cette fois-ci, qu'il ne mettra pas six mois à me répondre !
Mme la présidente. - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement.
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée - Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
Discussion générale (Suite)
Mme Lana Tetuanui . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) L'intitulé du projet de loi qui nous réunit est idéaliste, voire utopique compte tenu des particularités géographiques et économiques des territoires d'outre-mer. Je retiens toutefois l'objectif honorable et vertueux de convergence. Nous avons beau habiter l'océan Pacifique, nous sommes Français et prétendons aux mêmes droits car nous respectons les mêmes devoirs inscrits dans la Déclaration des droits de l'homme.
Il est bien risqué d'attendre les dernières semaines de la législature pour présenter un texte dont le succès dépend des modalités d'application et des moyens budgétaires qui lui seront consacrés. Le constat est sévère mais indéniable.
Ce projet de loi s'appuie sur le rapport de Victorin Lurel qui a mis en exergue des écarts considérables de développement. Le Gouvernement de ma collectivité, présidé par Édouard Fritch, met tout en oeuvre pour les réduire.
La Polynésie française se distingue d'abord par le fait nucléaire, ensuite par son statut. Notre large autonomie, depuis 1984, nous place hors champ de la plus grande part de ce projet de loi - je rends d'ailleurs hommage aux parlementaires polynésiens qui se sont battus pour elle. Par solidarité, je ne m'opposerai pas aux avancées qu'il contient, notamment pour Mayotte. Quelques-unes de ses mesures sont au bénéfice de la Polynésie française : la prise en charge des frais de rapatriement ou de voyage pour le décès d'un proche, la reconnaissance de nos handicaps structurels liés à notre isolement, notre superficie et notre vulnérabilité face au changement climatique ou encore le maintien d'une offre de transports continus et réguliers avec la Métropole.
Mes amendements porteront notamment sur l'intégration du principe d'accès à la formation professionnelle - c'est une requête du patronat polynésien -, le dispositif « passeport talent » pour attirer des investisseurs ou encore la possibilité de bénéficier de l'expertise de l'ANRU.
Cela dit, je ne vous cacherai pas que les priorités de la Polynésie française sont tout autres : signature des accords de Papeete, sanctuarisation de la dotation globale d'autonomie promise par François Hollande et indemnisation des victimes des essais nucléaires.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
Mme Lana Tetuanui. - Un plan de convergence ? Pourquoi pas... Nous n'avons pas eu besoin d'une loi pour adopter, dès les années quatre-vingt-dix, un pacte de progrès. A chaque collectivité d'outre-mer sa démarche. Néanmoins, je suivrai la ministre en soulignant combien nos commissions ont amélioré le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)
M. Serge Larcher . - C'est avec émotion que je m'adresse à vous. Hasard du calendrier, je prends, peut-être, la parole dans cet hémicycle pour la dernière fois.
Le président François Hollande s'était engagé à encourager un nouveau modèle de développement de l'outre-mer. Oui, c'est en partant de nos handicaps structurels que l'on pourra mobiliser nos atouts et notre potentiel au sein de la République.
La longue conquête de l'égalité formelle n'a pas mis fin aux écarts économiques et sociaux. Les solutions insatisfaisantes apportées jusqu'ici ont alimenté le sentiment d'un outre-mer vivant sous perfusion. À ceux qui le pensent, je réponds que notre destin est lié à celui de la France. Nous étions dans les tranchées de Verdun, nous avons combattu l'arbitraire du gouvernement de Vichy, nous avons grossi les rangs de la France libre et ceux de la Résistance ; nous avons payé l'impôt du sang.
L'égalité réelle implique un changement de paradigme : mettre fin au saupoudrage de dispositifs dérogatoires pour assurer une véritable égalité des chances. L'égalité réelle rend effective l'égalité de principe.
Condorcet, le premier, dans ses Cinq mémoires sur l'instruction publique, a identifié l'éducation comme le levier prioritaire de l'égalité de fait, et à sa suite, Jules Ferry en 1870.
Le concept a été approfondi par John Rawls puis par Amartya Sen. Il est nécessaire, disent-ils, de créer les conditions sociales de l'égalité par la prévention du développement des inégalités.
L'article 12 crée un fonds de continuité pour faciliter le retour des ultramarins au pays ; l'article 34 prévoit des mesures pour attirer les jeunes talents et favoriser les investissements dans les territoires. L'article 10 septies, qui reconnaît la pluriactivité, constitue une avancée notable.
Pas de développement sans plan Marshall de la formation, nos territoires souffrant d'un échec scolaire et d'un taux de chômage dangereux pour le vivre ensemble.
Les entreprises ont moins besoin de subventions que de dispositifs pérennes. L'article 51 crée des zones franches globales, c'est une bonne chose. Reste à s'assurer que les mesures prises ne soient pas mises en cause à chaque changement de gouvernement.
Enfin, la reconnaissance par la France et l'Europe de la spécificité des territoires d'outre-mer doit demeurer notre objectif commun. C'est à cette condition que nous atteindrons l'égalité réelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)
M. Abdourahamane Soilihi . - Ce texte a fait l'objet d'une belle unanimité à l'Assemblée nationale le 11 octobre. Saluons la recherche de ce compromis qui a présidé à l'action de la commission des lois.
Ce texte définit un principe, une méthodologie et les instruments pour atteindre l'égalité réelle : le plan de convergence à dix-vingt ans et une stratégie de rattrapage de long terme.
Une attention particulière est portée à Mayotte. L'île a effectué son entrée dans le droit commun en janvier 2014 avec des bases de calcul des valeurs fiscales qui, parce qu'elles ne reflètent pas les réalités mahoraises, pénalisent lourdement les ménages et les entreprises.
L'harmonisation des institutions publiques à Mayotte n'est pas une option, c'est une exigence absolue. La loi du 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte a institué, en dépit de son intitulé, une « collectivité unique » exerçant les compétences d'un département et celles d'une région d'outre-mer. Les insuffisances institutionnelles actuelles l'empêchent d'assurer leur plein exercice.
Je souhaite que l'Etat prenne en compte la situation du conseil départemental, des communes et enfin, des EPCI pour compenser les charges liées aux difficultés de gestion dont les collectivités sont victimes.
Transcrire Mayotte 2025 dans ce texte est prématuré. Il faut auparavant soustraire Mayotte à la catégorie des collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution pour l'insérer dans les collectivités régies par l'article 73. Ainsi le recensement, base du calcul des dotations, n'est pas mis en place de manière satisfaisante. Le Gouvernement avait promis des solutions rapides en 2017, il n'en a rien été. Stopper l'immigration illégale est un devoir, après les événements de 2016. La coopération régionale, moyen le plus sûr de juguler les flux, est obstinément refusée par les Comores. Il est urgent de désorganiser les réseaux, qui détournent le droit du sol, organisant des accouchements à la maternité de Mayotte et des reconnaissances frauduleuses de paternité. Il est urgent de prendre des mesures sévères : l'accaparement des terres par les clandestins suscite de violents conflits. Tant la paix sociale que l'économie sont fragilisées par cette migration massive. Renforcement des contrôles en mer et des reconduites à la frontière, faisons entendre aux clandestins qu'ils ne sont pas en territoire conquis. Le système d'asile est engorgé, au détriment des personnes qui ont réellement besoin d'une protection. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Joël Guerriau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Les intentions sont louables mais que de retard ! En 2015, lors d'un débat sur l'octroi de mer, j'avais souligné combien cette taxe sur l'insularité qui pousse les administrations à une rationalisation de leurs consommables, une gestion plus tendue et, donc, à une moindre capacité de l'action publique.
L'égalité formelle de la déclaration de 1789 perd son sens lorsque tous ne bénéficient pas des mêmes conditions matérielles d'existence. Aussi l'égalité réelle ne peut-elle signifier que deux choses : égalité des chances et égalité d'accès aux biens et services.
La République étant une et indivisible, fallait-il un texte spécifique sur les outre-mer, constitué de 116 articles hétérogènes, suggérant qu'ils forment un ensemble uniforme ? À mon sens, mieux vaudrait traiter de ces territoires dans chaque texte de loi. Qu'y a-t-il de commun, en effet, entre Mayotte, avec une densité de population cinq fois supérieure à la Métropole et confrontée à des problèmes migratoires considérables, la Guyane et sa superficie de 80 000 km2 de surface et la Polynésie dont le territoire est grand comme l'Europe avec seulement 1 % de terres immergées ?
L'égalité réelle, c'est aussi mettre fin aux disparités artificielles, notamment les avantages réservés aux fonctionnaires d'outre-mer. Ils sont un frein à l'initiative privée, ils renchérissent le coût de la vie pour tous, à commencer pour les plus pauvres.
Ce texte n'est pas dénué d'ambition, mais il est sous-dimensionné, notamment dans le domaine économique. L'élaboration du plan de convergence sera un défi.
Notre groupe UDI-UC forme le voeu, en ce début d'année 2017, que l'ambition de ce texte soit réalisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; M. Jean-Paul Émorine applaudit également)
Mme Karine Claireaux . - Diversité, richesse, potentiel : voilà les qualités des territoires d'outre-mer. De l'Arctique au Pacifique en passant par le canal du Mozambique, notre pays est la première puissance maritime mondiale. Mais la géographie ne fait pas le développement, en témoignent les écarts considérables de niveau de vie entre les outre-mer et la Métropole.
Pour faire des outre-mer des avant-garde de la République dans la mondialisation, l'égalité réelle est indispensable. Le projet de loi comporte des mesures heureuses, notamment les plans de convergence, malheureusement détricotées par la commission contre l'avis des ultramarins. Je déposerai nombre d'amendements de rétablissement, sur la prise en compte des spécificités ultramarines au sein du Conseil d'orientation des retraites ou de la stratégie nationale de santé, par exemple.
Je regrette qu'aucun accord sur la réforme de la sécurité sociale à Saint-Pierre-et-Miquelon n'ait été trouvé, empêchant l'examen du projet d'ordonnance en conseil des ministres le 11 janvier dernier, même si j'ai bien pris note de votre amendement.
Je salue les dispositions prometteuses, notamment de l'extension des bénéficiaires de l'assurance-vieillesse aux parents au foyer sur notre territoire ou encore de la création d'une aide au fret et je me réjouis de l'éligibilité de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy à la troisième part du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion.
La continuité territoriale est enfin, pour nous, primordiale ; les ultra-marins ne doivent pas être soumis au bon vouloir d'une puissance étrangère. Nos amis danois et néerlandais y parviennent dans tous leurs outre-mer, pourquoi pas nous ?
Vivant à la périphérie, nous finirons, grâce à vous, par arriver au coeur de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs du groupe RDSE)
M. Georges Patient . - Le mot « réel », ajouté à celui d'égalité appliqué aux outre-mer dérange, voire gêne, ceux pour qui appliquer l'égalité aux outre-mer est déjà bien suffisant.
Je sais que la Constitution ne reconnaît que l'égalité tout court, mais celle-ci n'est pas appliquée. Il fallait réveiller les consciences, tant les inégalités demeurent vivaces. Avec ce texte, l'égalité prend force de loi.
Certains limitent l'aspiration à l'égalité à une demande d'assistanat à outrance. Ce texte fait tout le contraire, puisqu'il donne aux outre-mer les moyens d'un développement économique autonome dans la reconnaissance de leurs spécificités. Il existe plusieurs outre-mer, non un outre-mer.
La Guyane est ainsi trop souvent assimilée aux économies insulaires ultramarines, alors que, continentale, elle s'étend sur près de 84 000 km2, soit plus que toutes les autres collectivités d'outre-mer réunies. Elle dispose de ressources naturelles et d'une démographie dynamique. Un plan de convergence reconnaîtra ces spécificités.
Survivance coloniale, 95 % du foncier appartient à l'État, qui refuse de la cadastrer, qui s'exonère de toute taxe et néglige l'exploitation en dépit de ressources nombreuses.
Je compte aussi sur cette loi pour supprimer les discriminations financières, en particulier sur l'octroi de mer, minoré d'un prélèvement important pour la collectivité de Guyane.
Ce texte traduit la volonté de l'engagement du président de la République que je tiens à saluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Guillaume Arnell applaudit aussi)
M. Jacques Cornano . - Cité par le rapport de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Aimé Césaire disait « L'égalité est ou n'est pas ; elle ne se dilue pas ». En Guadeloupe, je vous le dis franchement, l'égalité n'est pas car la continuité territoriale ne s'y applique pas. Développement endogène, plans de convergence : cela forme un beau programme mais je crains qu'il ne se déroule pas de manière égalitaire.
Depuis 1946, aucun gouvernement n'a reconnu le caractère archipélagique de la Guadeloupe. Le candidat Hollande l'avait pourtant promis. J'ai multiplié depuis 2012 les démarches pour réduire les contraintes à l'insularité. Ce texte est une réponse tardive. En attendant, la population de Marie-Galante est passée de 30 000 à 10 000 habitants, et le sentiment d'impuissance est fort.
Que le Gouvernement reconnaisse la continuité territoriale de la Guadeloupe et de la France hexagonale. Nos territoires, qui souffrent d'une triple insularité, reçoivent moins à ce titre que la Corse...
J'ai des difficultés, dans ces conditions, à me projeter dans l'égalité réelle promue par ce texte. J'attends de connaître la position du Gouvernement sur la continuité territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Ericka Bareigts, ministre . - Je salue votre expression très libre.
Monsieur le rapporteur, nous travaillons, comme vous, jusqu'au bout ; c'est à l'honneur du Sénat et du Gouvernement. Tous les bancs l'ont remarqué, sur l'accompagnement de Mayotte notamment. Ce n'est pas suffisant : il faut un changement de méthode.
La problématique énergétique, Madame Archimbaud, a été abordée dans la loi de transition énergétique, à travers les programmations pluriannuelles de l'énergie pour chaque territoire, assorties d'objectifs de développement d'énergie propre. Elle n'avait donc pas sa place dans ce projet de loi.
Madame Hoarau, nous, à La Réunion, avons été privés de lois d'habilitation, et c'est bien dommage, mais cela ne nous empêche pas de prévoir des plans de convergence : la Constitution l'autorise, à titre expérimental. C'est même une nécessité !
Il n'y aura pas de développement économique sans développement humain, c'est-à-dire sans éducation, sans formation, sans ouverture au monde par la multiplication des échanges. Il y a soixante-dix ans, le seul lien vers le monde extérieur était l'Hexagone : jeunes et chefs d'entreprises n'envisageaient pas - et n'envisagent toujours pas - la collaboration avec l'Afrique, l'Asie ou l'Amérique.
C'est sans doute pourquoi le rapporteur de la commission des lois a conservé le rapport sur les connectivités, qui est à cet égard fondateur. Il faudra, par exemple, ouvrir notre ciel, élargir les horizons de nos compagnies aériennes.
La question du caractère archipélagique de certains territoires renvoie à celle des compétences - nous aurons ce débat.
Monsieur Robert, je me réjouis de vous voir sur ces bancs - ce qui donne à certains de vos collègues l'occasion de vous rencontrer.
M. Éric Doligé. - C'est bas.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Je tiens à vous dire que la caricature et l'insulte ne transforment pas le mensonge en vérité. Je n'entends nullement museler le débat, et crois beaucoup au contraire en la démocratie. Simplement, mettons un terme aux postures politiciennes, et avançons. Je ne peux laisser parler d'indigence de la loi. Diète budgétaire ? Sans doute sous le précédent quinquennat... Et que penser de ceux qui veulent supprimer 500 000 fonctionnaires pour faire 100 milliards d'euros d'économies ?
Vous dites préférer la liberté à l'égalité réelle ? Moi, je veux les deux, et même une troisième : la fraternité, c'est-à-dire la République, dans les outre-mer comme dans l'Hexagone. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, des écologistes et du RDSE)
La discussion générale est close.
La séance est suspendue à 18 h 55.
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 17 janvier 2017, deux décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l'application dans le temps de la réforme du régime du report en arrière des déficits pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ; et sur l'obligation de reprise des déchets issus de matériaux, produits et équipements de construction.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que sont parvenues à des textes communs, d'une part, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l'Agence nationale de santé publique et modifiant l'article 166 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ; et, d'autre part, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé.
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. Félix Desplan . - En 1956, Aimé Césaire rappelait que « l'égalité ne souffre pas de rester abstraite ». Saluons l'action du Gouvernement, qui étanche cette soif d'égalité des 2,75 millions d'habitants des douze territoires d'outre-mer, en améliorant leurs conditions de vie. Il y a soixante-dix ans, la départementalisation n'était qu'une amorce dans la marche vers l'égalité, qui n'est pas une notion philosophique mais un principe fondamental. Ma famille politique n'a eu de cesse d'agir pour les outre-mer. D'où je viens, les inégalités perdurent toutefois, en dépit des politiques volontaristes : la quête pour l'égalité républicaine demeure inassouvie, malgré les nombreuses initiatives de ce quinquennat pour les outre-mer : loi de régulation de l'économie outre-mer, loi relative au plan logement outre-mer, loi relative à la qualité de l'offre alimentaire. Jusqu'à ce texte, qui vient parachever cette démarche, car l'égalité formelle ne suffit plus.
Loin d'une déclaration d'intention, j'y vois un nouvel élan. Ceux qui ont mené le combat politique pour la reconnaissance des outre-mer - Aimé Césaire, Léopold Bissol, Raymond Vergès, Joseph Pitat, Joseph Lagrosillière et j'en passe - avaient un rêve, un but. Il appartient à chaque ultramarin d'embrasser leur cause. Ce texte a le mérite de faire entendre ces voix trop lointaines et rappeler qu'elles font aussi la richesse de la France.
Mme Gélita Hoarau . - Les plans de convergence sont définis en concertation entre les collectivités et l'État. Pour leur mise en oeuvre, l'article 2 prévoit trois dispositifs : l'expérimentation, l'adaptation des lois et l'habilitation à rédiger des lois dans certains domaines.
Le texte de la commission supprime l'article 2 mais l'analyse du rapporteur n'est pas correcte : ils n'ont pas tenu compte de l'alinéa 5 de l'article 73 de la Constitution, qui exclut La Réunion de la possibilité de l'adaptation des lois et d'habilitation.
Dans la conquête de l'égalité réelle, La Réunion part donc avec un handicap de taille : seule l'expérimentation lui sera ouverte, tant qu'une évolution constitutionnelle n'a pas lieu ! Or chacun sait que l'expérimentation ne peut tout codifier.
Nous demandons la prise en compte de nos spécificités, car le droit commun soumet La Réunion à des règles qui ne sont pas pour elle. La commission des lois du Sénat a reconnu, ce que nous demandions depuis longtemps, les spécificités, les contraintes et atouts de nos territoires. C'est heureux, mais La Réunion reste condamnée au droit commun.
M. Antoine Karam . - Dans nos territoires, qualifiés d'économies de comptoir ou de transfert, c'est souvent dans la rue que l'on obtient quelque chose. En Guyane, la paix sociale s'achète... Le rapport Lurel a dressé un constat alarmant. En tant qu'historien, je suis attaché aux faits, et ils sont têtus : les écarts de PIB sont de 15 à 75 % selon les zones ! La liste des inégalités est longue : accès aux services publics, aux soins, à l'emploi, à l'énergie, au logement, à l'éducation, voire à l'eau et à l'électricité.
L'Assemblée nationale a enrichi le texte, mais certaines anomalies restent à rectifier, comme la rémunération des prêtres en Guyane, imputée sur le budget des collectivités. La séparation de l'Église et de l'État ne date pourtant pas d'hier ! Profitons de ce texte pour jeter les bases d'une relation de confiance. Comme le disait Paul Vergès citant Jaurès : « Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et avoir confiance pour l'avenir. »
M. Jacques Gillot . - Le Gouvernement a choisi la voie de l'égalité, qui honore la gauche. Mais le développement socio-économique de l'outre-mer est indissociable du bon fonctionnement de nos institutions locales, et je regrette que le projet de loi néglige l'aspect institutionnel.
Ce texte reconnaît que les spécificités de chaque territoire d'outre-mer doivent être prises en compte. Mais la diversification des statuts institutionnels n'est-elle pas préjudiciable à l'objectif d'égalité ? Elle conduit à devoir constamment adapter les lois par ordonnance, voire à voter des lois d'actualisation du droit outre-mer.
Reste que ce texte apporte une avancée dans le débat institutionnel en Guadeloupe, en montrant que la République n'abandonne pas les collectivités régies par l'article 74.
M. Maurice Antiste . - L'intégration serait l'aboutissement normal d'un processus historique et la conclusion logique d'une doctrine, disait Aimé Césaire en 1946, lors de la loi de départementalisation. L'article 73 de la Constitution de 1946 a posé le principe de l'identité de régime entre les DOM et les départements métropolitains ; mais dans les faits, il a fallu obtenir au cas par cas des mesures, et l'outre-mer accuse toujours de sérieux retards.
Le PIB ultramarin par habitant en 2012 représentait 62 % de celui de l'Hexagone. Le taux de chômage des jeunes est de 37,4 % à Mayotte, 60,6 % à La Réunion, 68,2 % à la Martinique, alors qu'il est jugé alarmant à 24,6 % dans l'Hexagone. En 2013, 46 % des foyers allocataires ultramarins dépendent entièrement des allocations familiales, 19 % dans l'Hexagone. Le taux de pauvreté est trois à quatre fois supérieur en outre-mer. Et je ne parle pas de l'illettrisme, du logement insalubre... Je me félicite donc de ce texte, qui traduit la détermination du Gouvernement à atteindre une réelle égalité des chances sur une génération.
L'égalité réelle s'impose aussi au niveau économique. C'est à ce prix que les outre-mer accèderont à des modèles de développement propres et autonomes. Les plans et programmes de convergence co-construits concrétiseront cette « fraternité agissante pour une France plus que jamais unie et diverse, multiple et harmonieuse, dont il est permis d'attendre les plus hautes révélations » qu'appelait de ses voeux Aimé Césaire.
L'article premier est adopté.
L'article 2 demeure supprimé, de même que l'article 3.
ARTICLE 3 BIS
Mme Gélita Hoarau . - La dotation de continuité territoriale a été instaurée au profit de la Corse pour compenser les coûts de déplacement entre France continentale et l'île de Beauté. L'article 60 de la loi du 22 juillet 2003 l'a étendue aux collectivités ultramarines. Mais son montant est bien plus modeste... Cet article a donc été déféré devant le Conseil constitutionnel au motif qu'il méconnaissait le principe d'égalité de traitement entre la Corse et l'outre-mer. Le Conseil constitutionnel a jugé que le principe de continuité territoriale n'avait pas de valeur constitutionnelle et que la rupture d'égalité n'était pas constituée en raison de la différence de situations.
Par conséquent, pour l'outre-mer, il s'agit plus d'une aide au voyage que d'une véritable dotation de continuité territoriale. Les compagnies aériennes étrangères qui desservent les outre-mer ont des coûts plus faibles et bénéficient de droits de trafic délivrés en vertu d'accords internationaux, sans mesurer les conséquences pour les outre-mer. C'est regrettable. Tant que l'on ne travaillera pas sur les taxes, les redevances, la surcharge transporteur, la question de la continuité territoriale restera entière.
M. le président. - Amendement n°228, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission des lois.
Seconde phrase :
Remplacer les mots :
d'un même État
par les mots :
de la République
L'amendement rédactionnel n°228, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°29 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam, S. Larcher, Desplan, Cornano et J. Gillot et Mme Claireaux.
Seconde phrase
Après le mot :
réguliers
insérer les mots :
ainsi que de solutions continues, sécurisées et performantes sur le plan économique de transport des données numériques
M. Georges Patient. - La continuité territoriale, principe de service public, vise à faciliter les liaisons entre l'Hexagone et l'outre-mer en compensant les handicaps liés à l'éloignement et à l'enclavement. Ce principe mérite d'être élargi à celui de continuité numérique car certains territoires et départements souffrent d'une fracture numérique, comme la Guyane, où l'offre de communications électronique est chère et peu diversifiée et le déploiement de la TNT très lent.
La participation de l'État est fondamentale. Il est nécessaire de faire du sur-mesure : on ne peut compter sur la concurrence pour adapter les tarifs, par exemple.
Cet amendement étend la continuité numérique comme priorité de l'action de l'État, notamment dans le transport des données numériques et leur sécurisation.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Le terme de « continuité numérique » n'est pas adapté : il n'existe aucun réseau numérique national. Depuis décembre, les opérateurs de téléphonie mobile peuvent commercialiser le très haut débit mobile dans les départements d'outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. Retrait ou avis défavorable.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Certains territoires souffrent en effet d'une fracture numérique. Avec le plan France Très haut débit, le Gouvernement a étendu la 4G outre-mer dans quatre départements choisis par l'Arcep après un appel d'offres et permis le raccordement de Wallis et Futuna au futur câble de communications numériques entre les Fidji et les Samoa. Nous organisons une table ronde, avec Axelle Lemaire, pour continuer ce travail. Sagesse.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Cet article, introduit à l'Assemblée nationale, a été modifié à juste titre par notre rapporteur. Mais l'amendement de M. Patient attire notre attention sur un véritable problème. Le groupe socialiste et républicain le soutient fortement.
L'amendement n°29 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°61, présenté par Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les liaisons aériennes internationales depuis et à destination des outre-mer sont un facteur essentiel du rayonnement de la France et du développement économique des territoires ultramarins ; elles doivent être encouragées par une ouverture à la concurrence du ciel aérien.
Mme Gélita Hoarau. - La desserte aérienne des outre-mer est primordiale pour ces îles, car la mobilité est un droit inaliénable. C'est aussi un atout économique et touristique.
Or les prix augmentent régulièrement en raison de la timidité de la concurrence et des coûts fixes importants. Les transporteurs aériens appliquent en outre une tarification flexible, le yield management : en période de vacances scolaires, la clientèle captive paie des prix exorbitants. En 2014, un rapport du Conseil économique, social et environnemental réunionnais notait que six compagnies seulement desservaient La Réunion. Qu'a-t-elle à gagner d'un circuit entre les îles de l'océan Indien ? Rien. Il faut ouvrir le ciel utlramarin, notamment pour doper les lignes vers l'Inde et la Chine, dont bien des habitants de notre île sont originaires.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement qui nécessiterait un examen approfondi et une étude d'impact. Le concept de « ciel aérien » est en outre inconnu du droit.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Ouvrir le ciel, cela permet en effet de voyager, d'étudier, de commercer... Mais ces interconnectivités aériennes sont aujourd'hui compliquées, voire impossibles. De nombreux rapports ont été rédigés, notamment au Sénat. Votre demande est satisfaite par le texte tel qu'il est. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°61 n'est pas adopté.
L'article 3 bis, modifié, est adopté.
ARTICLE 3 TER
M. le président. - Amendement n°62, présenté par Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Première phrase
Après le mot :
logements
insérer les mots :
dont 100 000 logements sociaux
Mme Gélita Hoarau. - Ce projet de loi aborde à raison la question du logement, si prégnante qu'un plan logement a été adopté au niveau national en 2014, complété le 26 mars 2015 par un volet outre-mer pour la période 2015-2020. Les contraintes particulières de l'outre-mer, notamment les besoins très importants liés au nécessaire rattrapage, à la démographie dynamique des outre-mer et aux disponibilités foncières limitées, y étaient reconnues. Ce plan fixait un objectif ambitieux de 10 000 logements sociaux par an, en locatif ou en accession. Nous le transcrivons ici, car cet objectif de construction est essentiel pour répondre aux enjeux de mixité et de droit au logement.
M. Michel Magras, rapporteur pour avis. - Vous proposez de flécher 100 000 logements vers le logement social, nous avons préféré retenir un chiffre global de 150 000 constructions, en intégrant le Pacifique. Pour la seule La Réunion, il faudrait 9 000 logements par an, par exemple. Mais tous les territoires sont différents et n'ont pas besoin que de logements sociaux. Restons souples ! Avis défavorable.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°62 n'est pas adopté.
L'article 3 ter est adopté.
L'article 3 quater demeure supprimé.
ARTICLE 3 QUINQUIES
M. le président. - Amendement n°136 rectifié bis, présenté par MM. Karam, Patient, Desplan et S. Larcher, Mme Claireaux et MM. Cornano et J. Gillot.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et à l'eau potable
M. Antoine Karam. - Les territoires d'outre-mer accusent un retard important en matière d'assainissement et d'accès à l'eau potable. Moins de la population est raccordée à un réseau d'assainissement et les équipements relatifs aux eaux usées sont soit défectueux, soit inexistants, souvent non conformes. Malgré les efforts pour améliorer l'accès à l'eau potable, l'équilibre entre territoires n'est pas encore atteint : en Guyane, 15 % de la population n'en bénéficie pas.
Cet amendement souhaite voir cette problématique traitée dans un rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Vous le savez, toute demande de rapport est contraire à la doctrine de la commission des lois. Avis défavorable.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Je l'ai constaté notamment en Guadeloupe, mais aussi en Guyane ou à Mayotte, les ressources insuffisantes en eau pénalisent nos concitoyens au quotidien. L'accès à l'eau devrait être un droit de base. Cette compétence est dévolue aux collectivités, mais l'État ne peut pas rester inactif. Il a donc élaboré un plan Eau avec de nombreux acteurs dont les collectivités, l'Agence régionale de santé, l'Agence française de développement (AFD), l'Onema, la Caisse de dépôts, les offices de l'eau et les comités de bassin, pour renforcer les capacités techniques et financières des collectivités.
Des documents stratégiques assortis d'indicateurs et d'objectifs seront produits dans chacun des territoires, conformément au rapport collectif de juin 2015.
Avec les collectivités, nous travaillons ; mais il faut nourrir notre réflexion. Sagesse.
Mme Aline Archimbaud. - Certes, il ne faut pas demander au Gouvernement de trop nombreux rapports ; mais le contrôle du Gouvernement est de notre ressort, et ces rapports permettent de l'exercer de manière sérieuse. Il est invraisemblable de ne pas demander un rapport sur un sujet tel que l'accès à l'eau ! Je voterai cet amendement.
M. Thani Mohamed Soilihi. - L'article 3 quinquies a été adopté par l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement du Gouvernement pour rassembler les nombreuses demandes de rapport. Après passage devant la commission des lois du Sénat, il ne reste désormais que deux articles demandant un rapport, le 3 quater et 3 sexies.
M. Karam a raison de souligner l'inégalité entre l'outre-mer et l'Hexagone sur l'eau : à Mayotte, c'est la pénurie depuis plus d'un mois, des villages entiers n'ont pas d'eau potable pendant 24 heures et plus, à cause du rationnement. Je voterai cet amendement car on ne peut laisser les territoires seuls face à cet enjeu majeur.
M. Antoine Karam. - À Paris, il fait zéro degré. Mais en Guyane, c'est la saison des pluies et 15 % de la population n'a pas accès à l'eau potable ! Mme Archimbaud qui a crapahuté en Guyane pour enquêter sur les suicides des Amérindiens le sait : leurs enfants boivent de l'eau au mercure - ce poison que déversent les orpailleurs clandestins. Comment le tolérer ? Ce territoire qui a beau accueillir le programme Ariane espace, les disparités y sont criantes.
M. Serge Larcher. - Trop de rapports tuent le rapport, certes... mais le sujet de l'eau potable est essentiel. J'ai longtemps été à la tête d'un syndicat de l'eau à la Martinique. Les conduites en fonte sont pourries, vétustes : dans les Antilles ou en Guyane, le taux de rendement du réseau d'eau est de 50 % ! La moitié de l'eau n'arrive pas !
Il y a là un vrai problème de santé publique. L'eau, c'est la vie ! Or l'eau là-bas est polluée, elle n'est même pas translucide ! Monsieur le rapporteur, assouplissez votre position.
M. Jacques Gillot. - En Guadeloupe, le mouvement social autour de l'accès à l'eau potable dure depuis six mois. Le Parlement doit pouvoir disposer d'un rapport sur ce sujet qui ne relève pas d'une posture politique.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Tout le monde conviendra qu'il y a trop de demandes de rapports dans ce texte - parfois pour de mauvaises raisons. Je veux bien changer d'avis et m'en remettre à la sagesse du Sénat, en comptant bien que vous saurez relativiser vos autres demandes de rapports ! (Sourires)
M. Michel Canevet. - Rien n'empêche le ministère de l'outre-mer de diligenter des études sur ce sujet éminemment important ; le Comité national d'évaluation des politiques publiques en outre-mer (Cnepeom) peut aussi s'en saisir. Mais cela n'a rien à faire dans la loi.
L'amendement n°136 rectifié bis est adopté.
M. le président. - Amendement n°229, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission des lois.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
L'amendement de coordination n°229, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°139 rectifié bis, présenté par MM. Karam, Patient, Desplan et S. Larcher, Mme Claireaux et MM. Cornano, Antiste et J. Gillot.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° Accès au logement, habitat sans titre et occupation illicite du domaine public en outre-mer.
M. Antoine Karam. - Faute de logements disponibles, de nombreux ultra-marins se tournent vers l'habitat spontané en occupant illégalement le domaine public.
Or s'il y a une réponse concertée en Guadeloupe et Martinique avec les agences dites des 50 pas géométriques, les autres collectivités ultramarines restent démunies contre ce phénomène grandissant. En Guyane, des milliers de personnes vivent ainsi dans d'immenses zones d'habitat spontané, véritables bidonvilles en périphérie des zones urbaines.
Cet amendement prévoit un état des lieux exhaustif de la situation afin que soient préconisées des solutions adaptées aux réalités de chaque territoire.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Avis défavorable : le Cnepeom établit un tel rapport tous les deux ans.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Même avis : de très nombreux travaux portent sur ce sujet, notamment à l'initiative de M. Serge Letchimy, autour de la loi de lutte contre l'habitat indigne. Des diagnostics sont également réalisés pour élaborer les documents d'aménagement.
M. Antoine Karam. - En ce moment, en Guyane, 15 000 à 20 000 demandeurs d'asile font la queue pour obtenir auprès de la Croix Rouge des bons pour se nourrir et viennent grossir l'habitat spontané et insalubre. Ce texte et pour nous l'occasion de vous expliquer qu'il y a, dans notre pays, des gens qui vivent sans eau et sans électricité. Nous sommes peut-être loin, mais ce sont nos territoires qui donnent à la France sa dimension vraiment mondiale.
M. Thani Mohamed Soilihi. - La question de l'habitat insalubre renvoie, pour la Guyane comme pour Mayotte, à celle de l'immigration illégale. Les « bangas », comme on les appelle chez nous, poussent comme des champignons sur notre territoire. En 2012, la population en situation irrégulière était estimée à 40 % ; aujourd'hui, on atteint les 50 %, au moins. J'entends les arguments du rapporteur et du Gouvernement, mais nous avons posé ces questions à tant de reprises... Il est temps d'apporter une réponse à la hauteur des enjeux. Sans cela, il n'y aura pas de développement possible.
L'amendement n°139 rectifié bis n'est pas adopté.
L'article 3 quinquies, modifié, est adopté.
ARTICLE 3 SEXIES
M. Robert Laufoaulu . - Il faut désenclaver Wallis-et-Futuna qui subit le diktat monopolistique d'Air Calédonie International : tarifs prohibitifs, horaires insupportables empêchant toute correspondance à Fidji pour rejoindre la Métropole via Hong Kong ou Singapour...
Merci à l'État d'avoir lancé un appel d'offres pour remédier à cette situation : Fidji Airways accepterait d'assurer une double desserte de Wallis-et-Futuna, propice au développement du tourisme. Je crains cependant que les intérêts de la compagnie calédonienne l'emportent une nouvelle fois sur ceux de notre population. L'égalité réelle, ce n'est pas seulement entre les outre-mer et la Métropole ; c'est aussi entre les outre-mer.
L'article 3 sexies est adopté.
L'article 3 septies demeure supprimé, ainsi que les articles 3 octies et 3 nonies.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°140 rectifié bis, présenté par MM. Karam, Patient, Desplan, Cornano, Antiste et J. Gillot.
Après l'article 3 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport sur l'opportunité de ratifier la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail.
M. Antoine Karam. - J'ai toujours eu le souci de sensibiliser la Haute Assemblée au sort des populations autochtones. Notre collègue Archimbaud vient de remettre un rapport sur le taux de suicide chez les jeunes Amérindiens de Guyane, vingt fois supérieur à ce qu'il est dans l'Hexagone. La reconnaissance de l'existence et de la richesse des cultures autochtones d'outre-mer est un préalable à la reconnaissance de leur identité et à la restauration de l'estime de soi de ces populations.
Associations et organisations représentatives demandent la ratification par la France de la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux. Montrons que la République, à leur écoute, est prête à l'étudier.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Avis défavorable comme aux autres demandes de rapport.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Même avis.
Revenons un instant au logement : au-delà de la loi et des objectifs qui y sont fixés, nous avons engagé une démarche globale, notamment à travers le pacte Guyane. Ce sont des initiatives innovantes et structurantes.
Mme Aline Archimbaud. - La France a le devoir de reconnaître la Convention 169 de l'OIT, ratifiée par une vingtaine de pays. Les populations amérindiennes se sentent méprisées et ignorées. La diversité des cultures est une richesse, l'ignorer provoque des blessures. C'est une question de respect : ces populations sont dans la République.
L'amendement n°140 rectifié bis n'est pas adopté.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°137 rectifié bis, présenté par MM. Karam, Patient, Desplan et S. Larcher, Mme Claireaux et MM. Cornano, Antiste et J. Gillot.
Alinéa 4
Après le mot :
économique,
insérer le mot :
sanitaire,
L'amendement rédactionnel n°137 rectifié bis, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°169 rectifié, présenté par MM. Arnell, Mézard, Amiel, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Alinéa 6, dernière phrase
Après les mots :
de développement économique
insérer les mots :
et d'implantation des entreprises
M. Guillaume Arnell. - Cet amendement est de précision : l'implantation d'entreprises est un facteur clé du développement économique d'un territoire.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Il est satisfait.
L'amendement n°169 rectifié est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°158 rectifié, présenté par MM. Arnell, Mézard, Amiel, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Rédiger ainsi cet article :
I. - À la demande de leur assemblée délibérante, les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et ses provinces, en partenariat avec les acteurs économiques et sociaux, élaborent avec l'État, pour chacun de ces territoires, un plan de convergence en vue de réduire les écarts de développement avec la France hexagonale. Ce plan tient compte des institutions, du régime législatif et de la répartition des compétences propres a? chaque territoire et définit les orientations et précise les mesures et actions visant a? mettre en oeuvre de manière opérationnelle les objectifs mentionnés a? l'article 1er de la présente loi.
II. - Pour atteindre les objectifs mentionnés a? l'article 1er, le plan comprend :
1° Un volet relatif a? son périmètre et a? sa durée, qui est comprise entre dix et vingt ans ;
2° Un diagnostic économique, social, financier et environnemental ;
3° Un diagnostic portant sur les inégalités de revenu et de patrimoine, les discriminations et les inégalités entre les femmes et les hommes ;
4° Une stratégie de convergence de long terme en tenant compte des institutions, du régime législatif et de la répartition des compétences propres a? chaque territoire. Cette stratégie détermine le niveau de réduction des écarts de développement a? atteindre a? son terme. Elle fixe les orientations fondamentales pour y parvenir et prévoit des actions en matière d'infrastructures, d'environnement, de développement économique, social et culturel, d'égalité entre les femmes et les hommes, de sante? et d'accès aux soins, d'éducation, de lutte contre l'illettrisme, de formation professionnelle, d'emploi, de logement, d'accès a? la justice, de sécurité?, de télécommunications, d'accès aux services publics, a? l'information, a? la mobilité?, a? la culture et au sport ;
5° Un volet regroupant l'ensemble des actions opérationnelles en matière d'emploi, de sante?, d'égalité entre les femmes et les hommes, de jeunesse, de lutte contre l'illettrisme, de logement et de gestion des ressources naturelles figurant dans les outils de planification pluriannuelle élaborés au niveau national et déclinés au niveau de chaque territoire ultramarin ;
6° Un volet relatif aux contrats de convergence ou aux autres mesures contractuelles prévues pour sa mise en oeuvre ;
7° Un volet contenant les demandes d'habilitation et d'expérimentation ainsi que les propositions de modification ou d'adaptation de dispositions législatives et réglementaires fondées sur les articles 37-1, 72 et 74 de la Constitution et le code général des collectivités territoriales, et portées par les collectivités compétentes ;
8° Un volet contenant la programmation financière des actions et des projets inscrits dans le plan ;
9° Un tableau de suivi des actions et projets faisant état, selon l'ordre de priorité? qui leur est assigne? par les signataires, de tout ou partie des indicateurs prévus au II de l'article 8 de la présente loi ;
10° Toute mesure contractuelle nécessaire a? sa gouvernance, a? sa mise en oeuvre et a? son évaluation.
III. - Les documents de planification et de programmation conclus entre l'État, d'une part, les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et ses provinces, d'autre part, ainsi que ceux adoptés unilatéralement par l'une ou l'autre des parties en vertu d'une disposition édictée par l'État sont compatibles avec la stratégie de convergence définie dans le plan.
IV. - Le plan de convergence fait l'objet, avant sa signature, d'une présentation et d'un débat au sein des assemblées délibérantes des collectivités ainsi que d'une délibération spécifique.
V. - Le plan de convergence est signe? par l'État, les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et ses provinces dans un délai de douze mois a? compter de la demande mentionnée au I.
VI. - Le plan de convergence peut être révisé, partiellement ou totalement, a? mi-parcours ou en cas de modification substantielle apportée aux outils de planification et de programmation qu'il contient.
VII. - En Nouvelle-Calédonie, le plan de convergence propose les voies permettant une révision du dispositif de la continuité? territoriale et les voies permettant notamment un alignement des prix des services bancaires sur ceux constatés en métropole ainsi que l'extension locale de l'ensemble des missions de la Banque publique d'investissement.
M. Guillaume Arnell. - Dix-sept alinéas sur les plans de convergence dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, contre seulement deux dans les collectivités régies par l'article 74. Pour cette seconde catégorie, ni contenu impératif ni délai, comme si l'égalité réelle y était optionnelle. Cet amendement répare cette anomalie en insistant sur le rôle de leurs assemblées délibérantes.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Sous couvert de tenir compte des spécificités de ces collectivités, vous leur imposez des plans de convergence. Cela ressort d'une loi organique. Avis défavorable.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - L'initiative des plans de convergence doit rester aux exécutifs, ce sont eux qui détiennent les capacités de les piloter. Enfin et surtout, la continuité territoriale, le rôle de la BPI, le prix de services bancaires n'ont rien à faire dans cet article. Avis défavorable.
M. Guillaume Arnell. - Souvent, les imprécisions législatives sont interprétées en notre défaveur. C'est la raison d'être de cet amendement, que j'accepte de retirer.
L'amendement n°158 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°192, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Lorsque les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et ses provinces et leurs établissements publics de coopération intercommunale intéressés proposent à l'État de conclure le plan cité au premier alinéa, ce dernier présente sa réponse dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Mon amendement garantit une réponse rapide de l'État aux collectivités relevant de l'article 74 qui ont choisi d'établir des plans de convergence. Sans cela, la mesure sera d'affichage. Elle n'est aucunement une injonction au Gouvernement, puisque la ministre a proposé deux amendements en ce sens à notre commission des lois qui les a refusés.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - L'amendement impose à l'État seul un délai de réponse aux collectivités relevant de l'article 74. Il crée ainsi une asymétrie. Avis défavorable.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Avis favorable. Dès lors que les collectivités sollicitent le Gouvernement, il est de bonne administration de leur répondre dans un délai raisonnable.
L'amendement n°192 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
ARTICLE 5 BIS
Mme Gélita Hoarau . - Les plans de convergence devront être cohérents avec les contrats de plan État-Région et les programmes opérationnels européens. Or pour les CPER 2015-2020, l'État a concentré ses financements sur la réduction des écarts en matière d'infrastructures et de services de base. Cela répond à un besoin mais cela ne correspond pas nécessairement aux choix des élus locaux. Il faudra attendre 2020 pour que les plans de convergence coïncident avec les CPER, cela est bien long.
De plus, l'Agence française de développement finance deux extensions de ports dans l'océan Indien, à La Réunion et à Maurice, à hauteur de 44 millions d'euros pour chaque projet. Il y a là à tout le moins un défaut de coordination. Il convient que les territoires soient informés des projets engagés par l'État dans leur environnement régional.
M. le président. - Amendement n°159 rectifié, présenté par MM. Arnell, Mézard, Amiel, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Rédiger ainsi cet article :
Les plans de convergence mentionnés aux articles 4 et 5 sont déclinés en contrats de convergence, d'une durée maximale de six ans, pendant toute la durée de leur exécution.
Les contrats de convergence sont élaborés et signés par l'État, les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et ses provinces selon des modalités précisées par décret en Conseil d'État. Les contrats de plan ou contrats de développement conclus entre l'État et la collectivité peuvent constituer un volet de ces contrats de convergence.
M. Guillaume Arnell. - La même logique s'applique-t-elle aux plans et aux contrats de convergence ?
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Oui.
M. Guillaume Arnell. - Alors je le retire.
L'amendement n°159 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°193, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Lorsque les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et ses provinces et leurs établissements publics de coopération intercommunale intéressés proposent à l'État de conclure des contrats de convergence, ce dernier présente sa réponse dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Défendu.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°193 n'est pas adopté.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Madame Hoarau, contrats de plan et programmes opérationnels européens peuvent faire l'objet d'un bilan à mi-parcours. Ce sera l'occasion d'une mise en cohérence avec les plans de convergence.
L'article 5 bis est adopté.
L'article 6 est adopté, ainsi que l'article 7.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°160 rectifié, présenté par MM. Arnell, Mézard, Amiel, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L.O. 6361-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 6362-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6362-2-... - Si un plan de convergence a été signé avec l'État, le rapport sur les orientations budgétaires mentionné à l'article L.O. 6361-2 présente un état d'avancement des mesures prévues par ce plan. »
M. Guillaume Arnell. - Cet amendement inclut un rapport sur l'état d'avancement des mesures prévues par l'éventuel plan de convergence dans le rapport sur les orientations budgétaires présenté au conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin.
Il me semble nécessaire de faire des bilans d'étape.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Cet amendement contrevient à la répartition des compétences entre législateur ordinaire et législateur organique. Avis défavorable.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons, même si le Gouvernement comprend vos préoccupations, monsieur le sénateur.
L'amendement n°160 rectifié n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté, ainsi que l'article 9 AA.
L'article 9 A demeure supprimé.
M. le président. - Amendement n°99, présenté par M. S. Larcher et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 9 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du premier alinéa du I est complétée par les mots : « , à l'exception des logements en accession à la propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion qui bénéficient d'une aide destinée aux personnes physiques à faibles revenus, pour financer l'acquisition de logements évolutifs sociaux » ;
2° Le 1° du II est complété par les mots : « ou, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion, d'un organisme agréé pour la réalisation de logements en accession à la propriété qui bénéficient d'une aide destinée aux personnes physiques à faibles revenus, pour financer l'acquisition de logements évolutifs sociaux » ;
3° Après le 4° du VIII, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les logements en accession à la propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion qui bénéficient d'une aide destinée aux personnes physiques à faibles revenus, pour financer l'acquisition de logements évolutifs sociaux. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Serge Larcher. - La décote Duflot n'est pas applicable aux logements évolutifs sociaux (LES), qui sont pourtant un outil essentiel de la politique du logement social outre-mer. D'où cet amendement.
M. Michel Magras, rapporteur pour avis. - Cet amendement répond à un réel besoin. Avis favorable.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Avis très favorable. Cet amendement contribue à la construction du parcours résidentiel pour les plus modestes. C'est un vrai pas pour l'égalité réelle. Je lève le gage.
M. Serge Larcher. - C'est le fruit du travail de la délégation outre-mer.
L'amendement n°99 rectifié est adopté et devient article additionnel.
La séance, suspendue à 23 heures, reprend à 23 h 15.
L'article 9 BA est adopté.
ARTICLE 9 B (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°194 rectifié, présenté par Mme Claireaux et les membres du groupe socialiste et républicain.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 7° de l'article L. 114-2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette analyse intègre des données spécifiques aux collectivités territoriales d'outre-mer relevant de la compétence du conseil. » ;
2° Le 2° du II de l'article L. 114-4 est complété par les mots : « , et en y intégrant des données spécifiques aux collectivités territoriales d'outre-mer relevant de la compétence du conseil ».
Mme Karine Claireaux. - Le Conseil d'orientation des retraites doit tenir compte des outre-mer dans ses travaux pour mieux évaluer les conséquences du renforcement du système de retraites à Mayotte et, plus largement, les phénomènes qui pénalisent les retraites des femmes dans les collectivités d'outre-mer, dont les inégalités professionnelles, le travail à temps partiel et une plus grande prise en charge de l'éducation des enfants.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. - Le COR prend déjà en compte les données concernant les outre-mer. Avis défavorable.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Même avis. En outre, les précisions apportées par cet amendement restreignent l'usage des données sur l'outre-mer. Avis défavorable.
L'amendement n°194 rectifié est retiré.
L'article 9 B demeure supprimé, ainsi que l'article 9 C.
L'article 9 DA est adopté.
ARTICLE 9 D (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°64, présenté par Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Le titre II du livre VI de la deuxième partie du code du travail est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Représentativité
« Section 1
« Représentativité syndicale régionale et interprofessionnelle
« Art. L. 2624-1. - I. - Sont représentatives en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon et au niveau interprofessionnel, les organisations syndicales qui :
« 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;
« 2° Sont représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ;
« 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la collectivité concernée et au niveau interprofessionnel des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 à L. 2122-10-11 ainsi que des suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés aux chambres locales d'agriculture dans les conditions prévues à l'article L. 2122-6. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.
« II. - Une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle locale est représentative à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels ses règles statutaires lui donnent vocation à présenter des candidats à condition :
« 1° De satisfaire aux critères de l'article L. 2121-1 et du 2° du I du présent article ;
« 2° D'avoir recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au sein de ces collèges à l'issue de l'addition des résultats mentionnés au 3° du I du présent article.
« Section 2
« Représentativité patronale
« Art. L. 2624-2. - I. - Sont représentatives en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon et au niveau multi-professionnel les organisations professionnelles d'employeurs :
« 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ;
« 2° Qui sont représentatives ou dont les organisations adhérentes sont représentatives sur le fondement de l'article L. 2152-1 du présent code dans au moins cinq conventions collectives relevant soit des activités agricoles mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 et au 2° de l'article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime, soit des professions libérales définies à l'article 29 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives, soit de l'économie sociale et solidaire, et ne relevant pas du champ couvert par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;
« 3° Auxquelles adhèrent au moins trois organisations relevant de l'un des trois champs d'activités mentionnés au 2° du présent article.
« II. - Préalablement à l'ouverture d'une négociation locale et interprofessionnelle, puis préalablement à sa conclusion, les organisations professionnelles d'employeurs représentatives à ce niveau informent les organisations représentatives au niveau national et multi-professionnel des objectifs poursuivis par cette négociation et recueillent leurs observations.
« Art. L. 2624-3. - Sont représentatives au niveau de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon et au niveau interprofessionnel les organisations professionnelles d'employeurs :
« 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ;
« 2° Dont les organisations adhérentes sont représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ;
« 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5. Le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations est attesté, pour chacune de celles-ci, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l'organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.
« Lorsqu'une organisation professionnelle d'employeurs adhère à plusieurs organisations professionnelles d'employeurs ayant statutairement vocation à être présentes au niveau national et interprofessionnel, elle répartit entre ces organisations, pour permettre la mesure de l'audience prévue au présent article, ses entreprises adhérentes. Elle ne peut affecter à chacune de ces organisations une part d'entreprises inférieure à un pourcentage fixé par décret, compris entre 10 % et 20 %. L'organisation professionnelle d'employeurs indique la répartition retenue dans la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5. Les entreprises adhérentes sont informées de cette répartition.
« Art. L. 2624-4. - À défaut de branche constituée en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon et si aucune convention ou aucun accord national de branche ne s'applique localement au secteur d'activité concerné, les partenaires sociaux représentatifs en application, d'une part, de l'article L. 2624-1 et, d'autre part, selon le cas, des articles L. 2624-2 ou L. 2624-3, peuvent négocier une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel dans les conditions du droit commun. Cet accord peut faire l'objet de la procédure d'extension et d'élargissement prévue à la sous-section 3 de la section 7 du chapitre Ier du titre VI du livre II de la présente partie, à la demande d'un des partenaires sociaux définis au présent article. »
II. - Il n'est pas tenu compte du chapitre IV du titre II du livre VI de la deuxième partie du code du travail pour déterminer la composition des conseils d'administration des caisses générales de sécurité sociale et des caisses d'allocations familiales mentionnées au chapitre II du titre V du livre VII du code de la sécurité sociale.
Mme Gélita Hoarau. - Cet article a été supprimé en commission des affaires sociales au motif d'une absence de concertation préalable et du fait que les conditions de représentativité syndicale s'en trouvent modifiées en profondeur. Le principe sera désormais « l'assimilation ». Le mot, écrit noir sur blanc dans ce texte qui prend en compte la diversité des outre-mer, est surprenant.
Cet article offre pourtant des avancées dans le dialogue social outre-mer avec un encadrement strict : pourront être signés des accords à la double condition que le secteur ne soit pas constitué en branche et qu'aucun accord national ne s'applique.
M. le président. - Amendement n°174 rectifié, présenté par MM. Arnell, Mézard, Amiel, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le titre II du livre VI de la deuxième partie du code du travail est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Représentativité
« Section 1
« Représentativité syndicale régionale et interprofessionnelle
« Art. L. 2624-1. - I. - Sont représentatives au niveau de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon et au niveau interprofessionnel, les organisations syndicales qui :
« 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;
« 2° Sont représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ;
« 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la collectivité concernée et interprofessionnel des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants ainsi que des suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés aux chambres locales d'agriculture dans les conditions prévues à l'article L. 2122-6. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.
« II. - Une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle locale est représentative à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels ses règles statutaires lui donnent vocation à présenter des candidats à condition :
« 1° De satisfaire aux critères de l'article L. 2121-1 et du 2° du I du présent article ;
« 2° D'avoir recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au sein de ces collèges à l'issue de l'addition des résultats mentionnés au 3° du I du présent article ;
« Section 2
« Représentativité patronale
« Art. L. 2624-2. - I. - Sont représentatives au niveau de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon et multi-professionnel les organisations professionnelles d'employeurs :
« 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ;
« 2° Qui sont représentatives ou dont les organisations adhérentes sont représentatives sur le fondement de l'article L. 2152-1 du présent code dans au moins cinq conventions collectives relevant soit des activités agricoles mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 et au 2° de l'article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime, soit des professions libérales définies à l'article 29 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives, soit de l'économie sociale et solidaire, et ne relevant pas du champ couvert par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;
« 3° Auxquelles adhèrent au moins trois organisations relevant de l'un des trois champs d'activités mentionnés au 2° du présent article.
« II. - Préalablement à l'ouverture d'une négociation locale et interprofessionnelle, puis préalablement à sa conclusion, les organisations professionnelles d'employeurs représentatives à ce niveau informent les organisations représentatives au niveau national et multi-professionnel des objectifs poursuivis par cette négociation et recueillent leurs observations.
« Art. L. 2624-3. - Sont représentatives au niveau de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon et interprofessionnel les organisations professionnelles d'employeurs :
« 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ;
« 2° Dont les organisations adhérentes sont représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ;
« 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5. Le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations est attesté, pour chacune d'elles, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l'organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.
« Lorsqu'une organisation professionnelle d'employeurs adhère à plusieurs organisations professionnelles d'employeurs ayant statutairement vocation à être présentes au niveau national et interprofessionnel, elle répartit entre ces organisations, pour permettre la mesure de l'audience prévue au présent article, ses entreprises adhérentes. Elle ne peut affecter à chacune de ces organisations une part d'entreprises inférieure à un pourcentage fixé par décret, compris entre 10 % et 20 %. L'organisation professionnelle d'employeurs indique la répartition retenue dans la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5. Les entreprises adhérentes sont informées de cette répartition.
« Art. L. 2624-4. - À défaut de branche constituée en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon et si aucune convention ou aucun accord national de branche ne s'applique localement au secteur d'activité concerné, les partenaires sociaux représentatifs en application, d'une part, de l'article L. 2624-1, et d'autre part, selon le cas, de l'article L. 2624-2 ou L. 2624-3, peuvent négocier un accord de branche ou inter branches dans les conditions du droit commun. Cet accord peut faire l'objet d'une procédure d'extension ou d'élargissement. »
M. Guillaume Arnell. - Mon amendement a été largement défendu par Mme Hoarau.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. - Avis défavorable sur les deux amendements. Votre demande est satisfaite par l'article 26 de la loi Travail. Il n'y a pas lieu de rétablir cet article.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Sagesse. Aucun accord interprofessionnel régional n'a été dénoncé à ce jour. Le Gouvernement s'accorde un délai de réflexion pour traiter la question.
L'amendement n°64 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°174 rectifié.
L'article 9 D demeure supprimé.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°65, présenté par Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 9 D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article L. 2222-1 du code de travail est supprimé.
Mme Gélita Hoarau. - C'est un amendement de repli. L'alignement du smic, décidé dans la loi Perben du 25 juillet 1994, a été effectif le 1er juillet 1996, soit cinquante ans après la loi de 1946. Toutefois, même après cette date, le code du travail prévoit que les conventions collectives nationales ne s'appliquent outre-mer que si cela y est précisé expressément. C'est une discrimination qui n'est pas sans conséquences sur les salaires et les conditions de travail.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. - Cet amendement est satisfait par l'article 26 de la loi Travail. Désormais, les conventions collectives nationales s'appliquent par défaut aux outre-mer à partir du 1er avril 2017.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Vous voilà satisfaite par la loi Travail ! (Sourires)
Mme Éliane Assassi. - Mais nous n'en voulons pas !
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°65 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°152, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 9 D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du II de l'article 16 de l'ordonnance n° 2011-337 du 29 mars 2011 modifiant l'organisation judiciaire dans le département de Mayotte, l'année : « 2017 » est remplacée par l'année : « 2021 ».
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Il convient de former les assesseurs du futur conseil des prud'hommes de Mayotte. C'est pourquoi l'échéance de sa création est repoussée par cet amendement à 2022. L'ordonnance sur le basculement du droit du travail dans le droit commun est en préparation. Elle fera l'objet d'une concertation à partir de mars prochain, date à laquelle il sera possible de revoir cette échéance que nous voulons néanmoins fixer dans ce texte.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Nous regrettons ce deuxième report, même si nous entendons la ministre. Avis favorable.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Des mouvements sociaux ont éclaté récemment à Mayotte pour revendiquer l'application immédiate du code du travail de droit commun ; ils l'ont obtenu pour le 1er janvier 2018. Je comprends la position du Gouvernement, mais elle n'a pas été débattue par les partenaires sociaux. Il est vrai que l'île ne sera pas prête à cette date, mais n'est-ce pas souvent le cas pour notre collectivité qui connaît au quotidien des changements institutionnels à marche forcée ? Essayons de discuter avec les partenaires sociaux avant d'acter cette date. Au nom de la paix sociale, je ne voterai pas cet amendement.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Nous travaillons très souvent ensemble avec M. le sénateur Mohamed Soilihi sur des sujets très délicats. C'est ainsi que nous avons beaucoup avancé sur la fonction publique. La départementalisation de 2011 a imposé une marche forcée aux collectivités dans tous les domaines et ce fut douloureux.
Là, nous nous proposons de préparer pour une fois, un changement, pour ne pas être comme trop souvent acculés par la difficulté.
L'amendement n°152 est adopté ; l'article additionnel est inséré.
L'article 9 E demeure supprimé.
L'article 9 FA est adopté.
L'article 9 F est adopté.
L'article 9 G est adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°236, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 27
Remplacer l'année :
2019
par l'année :
2018
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Cet amendement anticipe la mise en place, dans le département de Mayotte, du complément familial et du complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé en 2018 et accélère l'alignement partiel des allocations familiales, prévu sur 2019-2021, dès l'an prochain.
L'alignement des allocations familiales pour un, deux et trois enfants, concernerait près de 20 000 familles. Celui du complément familial bénéficiera à plus de 2 500 foyers modestes dès l'an prochain. Quant au complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, il bénéficie à près de 300 familles.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. - La commission n'a pas pu examiner cet amendement. Mon avis, à titre personnel, est favorable.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Je salue cet amendement. La discussion générale n'a pas suffisamment insisté sur les avancées que comporte ce texte. Mayotte est dans une situation telle que cette accélération est bienvenue. C'est encore la période de Noël ! (Sourires)
L'amendement n°236 est adopté.
L'article 9, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°172 rectifié, présenté par MM. Arnell, Mézard, Amiel, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l'article L. 755-21 du code de la sécurité sociale, les mots : « , dans les conditions fixées par un décret qui détermine les adaptations nécessaires » sont supprimés.
M. Guillaume Arnell. - Cet amendement aligne les conditions d'attribution de l'aide au logement à la Guadeloupe, a? la Guyane, a? la Martinique, a? La Re?union, a? Saint-Barthe?lemy et a? Saint-Martin sur celles applicables dans l'Hexagone, compte tenu des difficultés d'accès au logement outre-mer.
Dans les outre-mer, les enfants ne sont pas pris en compte au-delà de six ; le montant des forfaits charges est égal au tiers de ce qu'il est dans l'Hexagone ; enfin, un seul loyer par taille de famille est prévu, alors qu'il est modulé en fonction de la localisation du logement dans l'Hexagone.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. - J'aimerais entendre l'avis du Gouvernement : les règles sont en effet différentes, mais pas toujours en défaveur des outre-mer.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - C'est en effet très complexe. Il n'y a pas de logement conventionné outre-mer, du fait du recours à la ligne budgétaire unique. Cela rend les APL inapplicables. L'extension du régime hexagonal n'aurait donc qu'un effet marginal.
L'effet serait défavorable pour les familles : le plafonnement à six enfants dans les DOM n'existe pas dans l'Hexagone, mais les enfants y sont pris en charge jusqu'à 22 ans et non 21.
Il est vrai que les modalités de calcul outre-mer ne prennent pas en compte le chauffage mais on peut se demander si la climatisation est une dépense vitale, à la différence du chauffage.
Par contre, j'ai sollicité la ministre du logement pour que le financement des foyers de jeunes travailleurs, défavorable aux outre-mer, soit aligné sur celui de l'Hexagone.
Avis défavorable à l'amendement.
L'amendement n°172 rectifié n'est pas adopté.
ARTICLE 9 BIS (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°86, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La seconde phrase de l'article L. 755-2-1 du code de la sécurité sociale est supprimée.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Cet amendement est important, et pas seulement pour sa portée symbolique.
Seuls les travailleurs indépendants des outre-mer doivent prouver qu'ils ont payé leurs cotisations pour une extension des prestations à leur famille. Cette conditionnalité est stigmatisante. Il faut dissocier allocations familiales et obligation de cotiser.
Le Gouvernement y tient. C'est une mesure juste, dans l'esprit d'égalité réelle. Si les taux de recouvrement outre-mer se révélaient inférieurs à ceux de l'Hexagone, le Gouvernement serait prêt à ce que la convention d'objectifs et de gestion prévoie des mesures spécifiques pour 2018-2021.
Mais de grâce, laissons les enfants en dehors de tout cela.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. - Le taux de recouvrement de ces cotisations ne dépasse pas 50 % en outre-mer contre 90 % en métropole. De plus, en 2018, vous ne serez pas en mesure de signer le futur contrat.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Et alors ?
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. - Alors, d'ici là, la commission des affaires sociales maintient sa position.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Cette conditionnalité entre cotisation et allocation n'est pas légale. Elle stigmatise aussi les bons payeurs et alimente l'idée que les ultramarins seraient des fraudeurs, des tricheurs. C'est injuste et infondé, légalement et réglementairement. Vous dites que je ne serai plus aux affaires. Après tout, vous n'en savez rien... Surtout, je ne suis pas en cause : que faites-vous de la continuité de l'État ? Revoyez votre avis, je vous en prie.
Mme Éliane Assassi. - Très bien.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Il y a un problème de recouvrement ? Réglons-le par des dispositions adéquates, sans faire ce chantage, cette conditionnalité scandaleuse, voire inconstitutionnelle. Le groupe socialiste soutient cet amendement.
Mme Éliane Assassi. - Nous aussi !
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. - Même si je peux entendre vos arguments, je suis tenue par le vote de la commission. Tant qu'il n'y a pas de dispositif pour améliorer le taux de recouvrement, ce que vous demandez est difficile.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°86, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
L'article 9 bis demeure supprimé.
L'article 9 ter est adopté, ainsi que les articles 9 quater et 10.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°196 rectifié, présenté par Mme Claireaux et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code de la santé publique est ainsi modifié :
A. - Le titre IV du livre V de la première partie est ainsi modifié :
1° L'article L. 1541-5 est ainsi modifié :
a) Le 2° est complété par un c ainsi rédigé :
« c) Les mots : « agréées en application de l'article L. 1114-1 » sont supprimés ;
b) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° L'article L. 1131-3, à l'exception des mots : « Sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1131-2-1, » ;
2° L'article L. 1542-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application à la Nouvelle-Calédonie de l'article L. 1211-2, les mots : « Lorsque cette personne est un mineur ou un majeur sous tutelle, l'opposition est exercée par les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur » sont supprimés. » ;
B. - Le titre IV du livre IV de la deuxième partie est ainsi modifié :
1° L'intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé : « Diagnostics anténataux : diagnostic prénatal et diagnostic préimplantatoire » ;
2° À l'article L. 2441-1, la référence : « et L. 2131-4-1 » est remplacée par les références : « , L. 2131-4-1 et L. 2131-4-2 » ;
3° Au 3° de l'article L. 2441-2, les mots : « L'autorisation de réaliser » sont remplacés par les mots : « La réalisation » ;
4° Le 2° de l'article L. 2441-3 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« 2° Le septième alinéa est ainsi rédigé :
« Il ne peut être réalisé que dans un organisme habilité à cet effet par la réglementation applicable localement. » ;
5° Après l'article L. 2442-1-1, il est inséré un article L. 2442-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2442-1-2.- Pour son application en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le dernier alinéa de l'article L. 2141-6 est ainsi rédigé :
« Seuls des organismes à but non lucratif peuvent être habilités à conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en oeuvre la procédure d'accueil. » ;
6° Après l'article L. 2442-2, il est inséré un article L. 2442-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2442-2-1.- Pour l'application en Nouvelle-Calédonie de l'article L. 2141-11, les mots : « et, le cas échéant, de celui de l'un des titulaires de l'autorité parentale, ou du tuteur, lorsque l'intéressé, mineur ou majeur, fait l'objet d'une mesure de tutelle » sont supprimés ;
7° À l'article L. 2443-1, après les mots : « de la présente partie » sont insérés les mots : « dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé » ;
8° Le 1° de l'article L. 2445-4 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, l'équipe pluridisciplinaire chargée d'examiner la demande de la femme comprend au moins quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, un praticien spécialiste de l'affection dont la femme est atteinte, un médecin choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel. » ;
9° Après l'article L. 2445-4, il est inséré un article L. 2445-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 2445-5. - Pour son application en Nouvelle Calédonie et en Polynésie française, la seconde phrase de l'article L. 2213-2 est supprimée. »
II. - La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé est complétée par un article 228 ainsi rédigé :
« Art. 228. - L'article 40 est applicable en Nouvelle Calédonie et en Polynésie française. »
Mme Karine Claireaux. - Cet amendement actualise, pour leur application en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, les dispositions du code de la santé publique relatives aux examens des caractéristiques génétiques permettant de diagnostiquer une anomalie génétique rare, ainsi que celles qui portent sur l'assistance médicale à la procréation, les recherches sur l'embryon ainsi que celles sur l'interruption de grossesse pour motif médical.
Il étend en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française l'article 40 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, relatif au principe de non-discrimination en raison de son orientation sexuelle en matière de don du sang.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. - Je n'ai pas d'opposition de fond, mais ces dispositions sont si complexes que leur intégration aurait pu être faite à un stade antérieur de ce projet de loi. La non-application à la Nouvelle-Calédonie me semble douteuse : si les compétences en matière de droit civil sont majoritairement transférées à l'autorité néo-calédonienne, l'État reste compétent en matière de libertés publiques. C'est une question sensible. Avis du Gouvernement ?
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Avis favorable à cette extension de la protection qui assure l'égalité des droits.
L'amendement n°196 rectifié est adopté et devient article additionnel.
L'article 10 bis AA est adopté, ainsi que l'article 10 bis AB.
ARTICLE 10 BIS A
M. le président. - Amendement n°127, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Évelyne Rivollier. - Cet article revient sur la seule avancée de la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France, qui a ramené à 48 heures le délai d'intervention du juge des libertés et de la détention lorsqu'un étranger en situation irrégulière est placé en centre de rétention. Le régime dérogatoire de Mayotte est justifié par la situation de l'île où 17 000 personnes sont retenues dont plus de 4 000 enfants. Le manque de moyens est criant mais cela ne saurait justifier une inégalité en droit.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Le Sénat s'était prononcé en faveur d'un délai de zéro à cinq jours. Il ne s'agit pas d'un retour en arrière. Ne faut-il un régime spécifique qu'à Mayotte, alors que l'éloignement le justifierait aussi en Guyane ? Aucun bilan du séquençage ne justifie de revenir sur un régime récent. La commission a cependant préféré conserver ce dispositif eu égard à la situation très spécifique de Mayotte. Avis défavorable.
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Cet amendement ne revient en aucun cas sur les avancées récentes. Il organise les audiences, prenant en compte la situation très particulière de Mayotte, en conservant une égalité sur la durée totale de rétention, qui reste de quarante-cinq jours au maximum. L'article revient au droit existant avant l'entrée en vigueur de la loi du 7 mars. C'est justifié par les contraintes pratiques que subit le juge des libertés et de la détention et par le nombre très élevé de contentieux. Avis défavorable.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Cet article provient d'un amendement proposé par les deux députés de Mayotte. Devant la situation extrêmement difficile de notre département, il n'est pas raisonnable de soutenir cet amendement. Elle est si préoccupante qu'il ne se passe pas un mois sans que nous la rappelions ici. Je suis étonné que certains collègues hexagonaux ne considèrent qu'une partie du problème. Avec cet amendement, vous jouez aux apprentis sorciers. S'il était voté, il faudrait deux juges des libertés et de la détention de plus, et une nouvelle salle d'audience. Or les moyens ne sont pas là.
Mme Éliane Assassi. - Voilà le problème !
M. Thani Mohamed Soilihi. - Si ce pays n'a pas les moyens de respecter les libertés, ne jouons pas aux apprentis sorciers. Un tel amendement ne ferait qu'aggraver les choses.
L'amendement n°127 n'est pas adopté.
L'article 10 bis A est adopté, ainsi que l'article 10 bis.
M. le président. - Nous avons examiné 26 amendements ; il en reste 154.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 18 janvier 2017, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit cinq.
Mardi 17 janvier 2017 |
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Sommaire
Avis de l'Assemblée de la Polynésie française1
Modification à l'ordre du jour1
Demande d'inscription à l'ordre du jour1
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée)1
M. Gérard Larcher, président du Sénat1
Discussion générale2
Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer2
M. Christian Vernaudon, rapporteur de la section de l'aménagement durable des territoires du Conseil économique, social et environnemental2
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois2
M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques2
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales2
Mme Vivette Lopez, rapporteur pour avis de la commission de la culture2
M. Jean-François Mayet, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable2
M. Michel Canevet, rapporteur pour avis de la commission des finances2
Mme Aline Archimbaud2
M. Thani Mohamed Soilihi2
Mme Gélita Hoarau2
M. Guillaume Arnell2
M. Didier Robert2
Questions d'actualité2
Politique énergétique2
M. Jean-Pierre Bosino2
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité2
Déficit public2
M. François Marc2
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre2
Processus de paix au pays Basque2
M. Jean-Jacques Lasserre2
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur2
Conséquences du froid sur la production d'électricité2
M. Jean-Claude Lenoir2
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité2
Situation des gites ruraux2
Mme Hermeline Malherbe2
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales2
Défense européenne2
M. André Gattolin2
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international2
Conférence de Paris2
M. Gilbert Roger2
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international2
Apprentissage de la grammaire2
M. Alain Marc2
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement2
Délinquance des mineurs2
Mme Dominique Estrosi Sassone2
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice2
Fonds d'innovation sociale2
Mme Corinne Féret2
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion2
Surveillance des frontières2
M. Stéphane Ravier2
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre2
Accord en CMP2
Engagement de la procédure accélérée2
Mises au point au sujet de votes2
Rappel au Règlement2
M. Jean Louis Masson2
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée - Suite)2
Discussion générale (Suite)2
Mme Lana Tetuanui2
M. Serge Larcher2
SÉANCE
du mardi 17 janvier 2017
44e séance de la session ordinaire 2016-2017
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Philippe Adnot, M. Jackie Pierre.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Avis de l'Assemblée de la Polynésie française
M. le président. - J'ai reçu de Mme la Première vice-présidente de l'Assemblée de la Polynésie Française, par lettre en date du 10 janvier 2017, un avis sur le projet de décret fixant pour les années 2014 et 2016 la quote-part des ressources du budget de la Polynésie Française destinée à alimenter le fonds intercommunal de péréquation.
Modification à l'ordre du jour
M. le président. - Par lettres en date du 10 et du 11 janvier 2017, M. Jean Desessard, président du groupe écologiste, et M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères ont demandé que le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l'engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, inscrit à l'ordre du jour du jeudi 26 janvier 2017, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes sera d'une demi-heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé au mercredi 25 janvier, à 17 heures.
Il en est ainsi décidé.
Demande d'inscription à l'ordre du jour
M. le président. - En application de l'article 50 ter de notre Règlement, j'informe le Sénat que M. Bruno Retailleau, Président du groupe Les Républicains, a demandé, le 10 janvier 2017, l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution n° 247, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l'eau, et déposée le 20 décembre 2016.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre Conférence des présidents qui se tiendra le mercredi 18 janvier.
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée)
M. Gérard Larcher, président du Sénat . - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
À l'ouverture de cette séance consacrée à la discussion générale du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer, je voudrais rappeler le profond attachement du Sénat à nos outre-mer, et l'attention particulière que nous portons aux atouts des territoires ultramarins mais aussi à leurs difficultés et à la prise en compte de leurs spécificités.
Dès 2011, notre assemblée a créé une délégation à l'outre-mer, dont tous reconnaissent la qualité des travaux, sous la conduite de ses présidents successifs : nos collègues Serge Larcher et, depuis octobre 2014, Michel Magras.
Afin de nous permettre de délibérer en toute connaissance de cause, la Conférence des présidents a voulu que le Sénat puisse recueillir l'avis du Conseil économique, social et environnemental sur ce projet de loi de programmation, conformément à notre souhait de renforcer nos liens avec cette institution. Nous entendrons donc dans quelques instants M. Christian Vernaudon, rapporteur du Conseil sur ce texte.
Madame la ministre, le Sénat examinera avec la plus grande attention le projet de loi qui lui est soumis, en gardant toujours à l'esprit que les outre-mer constituent, comme le rappelaient dans leur rapport de 2009 Serge Larcher et Éric Doligé, « un défi pour la République [et] une chance pour la France ».
Conformément à l'article 69 de la Constitution et à l'article 42 de notre Règlement, huissiers, veuillez faire entrer M. Christian Vernaudon, rapporteur de la section de l'aménagement durable des territoires du Conseil économique, social et environnemental. (Les huissiers font entrer M. Christian Vernaudon) Je lui souhaite la bienvenue.
Discussion générale
Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer . - Merci, monsieur le président, de ces mots à l'attention des outre-mer.
Il y a plus de 70 ans, Aimé Césaire, Léopold Bissol, Gaston Monnerville et Raymond Vergès défendaient avec passion l'inscription des outre-mer au coeur de la République. Le 19 mars 1946, la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et la Guyane devenaient officiellement des départements.
Les outre-mer s'inscrivent fièrement dans la communauté de valeurs et d'idéaux qui définissent la France car la France est avant tout un principe. Être Français, c'est vouloir participer aux destinées de ce pays ; c'est défendre une certaine conception de l'homme, de sa dignité et de ses droits fondamentaux ; c'est désirer vivre ensemble, par-delà les différences ; c'est continuer à construire une France ouverte à tous qui rayonne magnifiquement dans les trois océans. Voilà pourquoi notre Nation porte en son coeur les valeurs de l'universel.
Malheureusement, les promesses de la République ne sont que partiellement honorées. Malgré une hausse de l'emploi privé neuf fois supérieure à celle de l'Hexagone depuis 2012, le taux de chômage y est deux fois plus élevé, trois fois plus à Mayotte. Le taux de décrochage scolaire y est également le double. Le taux de mortalité infantile y équivaut à celui de l'Hexagone il y a 23 ans. Peut-on tolérer plus longtemps que trois millions de nos concitoyens soient davantage exposés à l'échec scolaire, à la pauvreté et au chômage ?
A ceux qui considèrent cette situation avec désinvolture, trouvant « amusant » l'examen de ce projet de loi, je veux dire avec gravité combien leur comportement est vexant tant pour les parlementaires qui se sont mobilisés que pour les populations ultramarines. Quel que soit le territoire où ils vivent, nos compatriotes doivent disposer des mêmes droits, des mêmes opportunités de développement et d'épanouissement. C'est cela l'égalité réelle !
Je me réjouis que ce texte soit parvenu à rassembler Parlement, Gouvernement et société civile, à partir du rapport de Victorin Lurel, remis au président de la République en mars 2016. Je veux à cet instant saluer l'engagement constant de Bernard Cazeneuve et de M. Valls avant lui ; je veux aussi saluer le travail du Conseil économique, social et environnemental et celui de nombreux citoyens qui se sont investis sur ces thématiques. Près de 2 000 internautes ont ainsi remis une contribution en ligne.
Je souhaite mener avec vous un important travail de co-construction - ce fut le cas, déjà, en commission. Je salue le travail approfondi du rapporteur de la commission des lois Mathieu Darnaud...
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Excellent rapport !
Mme Ericka Bareigts, ministre. - ...ainsi que ceux de M. Magras, Mmes Deseyne, Lopez, MM. Mayet et Canevet, rapporteurs pour avis.
Ce texte renouvelle les politiques publiques outre-mer en les concevant à partir des réalités locales. Grâce à l'outil des plans de convergence, les stratégies de développement seront définies au plus près du terrain. Car les priorités de Mayotte, de la Polynésie française ou de la Guadeloupe ne sont pas nécessairement les mêmes. Mettons fin à la logique assimilationniste pour adopter une méthode innovante et participative grâce à laquelle les acteurs pourront avancer ensemble.
Renouveler nos politiques, c'est également créer les conditions de l'égalité réelle. Cette longue marche vers le respect et la dignité a commencé avec François Mitterrand qui a obtenu l'alignement des allocations familiales en 1993 (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE), et a été poursuivie par Jacques Chirac avec l'harmonisation du SMIC en 1996. (Applaudissements)
Mais il reste beaucoup à faire : les montants de nombreuses prestations sociales, lorsqu'elles existent outre-mer, diffèrent trop grandement par rapport à l'Hexagone. Accepterait-on qu'il existe de tels écarts entre les Vosges et la Haute-Vienne ? Les prestations seront harmonisées à terme, pour lutter plus efficacement contre la pauvreté. Dès avril 2017, 2 400 familles modestes supplémentaires bénéficieront du complément familial. L'alignement progressif de l'assurance vieillesse pour les parents au foyer, l'AVPF, garantira à 5 000 personnes de plus une continuité dans leurs droits à la retraite. A Mayotte, département le plus pauvre de France, le rythme des convergences des allocations familiales sera accéléré et de nouvelles prestations, dont le complément familial, seront déployées.
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Ericka Bareigts, ministre. - Il y a plus d'un siècle et demi, Victor Schoelcher plaidait pour que la République n'exclut personne de son immortelle devise. A nous de réaliser pleinement son voeu.
Renouveler nos politiques outre-mer, c'est aussi élargir notre conception de la mobilité. Quelque 15 000 jeunes ultramarins poursuivent leurs études dans l'Hexagone. Plus de la moitié y demeurent six mois après la fin de leur formation. Or les territoires ont besoin de ces talents. Aussi entendons-nous aider les jeunes diplômés à revenir dans leur territoire d'origine s'ils le souhaitent cinq ans après leur formation. Plus qu'un progrès, c'est un changement structurant pour les outre-mer.
Un article de ce projet de loi renforce en outre la lutte contre les discriminations pour cause de lieu de domiciliation bancaire hors de la Métropole.
Enfin, le dispositif cadre d'avenir à Mayotte, inspiré d'une mesure portée par Michel Rocard en Nouvelle-Calédonie, permettra d'élever le niveau de compétences local.
Ce projet de loi appellera sans doute d'autres mesures ; le combat pour l'égalité ne s'achève certes pas ici et maintenant.
Parce que je suis ministre des outre-mer, parce que je suis ultramarine, parce que je depuis toujours pour l'égalité, je vous présente ce projet de loi avec une émotion particulière. Ceux qui croient que les outre-mer peuvent attendre se trompent lourdement.
Le général de Gaulle affirmait, dans son discours de Basse-Terre : « La politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c'est d'être petit ». N'ayons pas peur de la grandeur pour les outre-mer et soyons fiers de ce que nous allons accomplir pour eux et la République tout entière. La France n'est la France que lorsqu'elle lutte pour l'égalité et s'accepte telle qu'elle est : océanique et riche de sa diversité. (Vifs applaudissements à gauche, ainsi que sur plusieurs bancs au centre et à droite)
M. Christian Vernaudon, rapporteur de la section de l'aménagement durable des territoires du Conseil économique, social et environnemental . - Monsieur le président du Sénat, je veux d'abord saluer votre initiative. Merci d'avoir invité le Conseil économique, social et environnemental à présenter l'avis qu'il a adopté, le 12 juillet 2016, sur ce projet de loi. Il porte uniquement sur l'étude d'impact et le titre premier. Bien que le projet de loi se soit considérablement étoffé depuis, celui-ci reste d'actualité.
Nous avons d'abord relevé l'extrême hétérogénéité des territoires d'outre-mer, tant par leur géographie, leur histoire que par leur situation démographique, environnementale, économique, sociale, culturelle et sociétale. Cette diversité, qui est remarquable au sein même des collectivités ultramarines, est également une diversité de statut, raison pour laquelle on parle des outre-mer, et non de l'outre-mer. Les unit toutefois un même attachement à la France, conformément à l'article 72.3 de la Constitution.
Pourquoi une nouvelle loi de programmation pour les outre-mer ? Parce que des écarts de développement importants persistent entre les outre-mer et la Métropole, surtout en matière d'accès à l'éducation, aux services publics, aux soins et au travail. Les taux d'illettrisme, de jeunes sans diplôme, de chômage, de pauvreté, en particulier, sont significativement supérieurs à ceux de l'Hexagone.
Qu'est-ce que l'égalité réelle et comment l'appliquer dans les outre-mer ? Selon Alain Christnacht et Pierre Steinmetz, que nous avons auditionnés, appliquer les mêmes moyens à des situations inégalitaires aux causes différentes ne permet pas d'atteindre l'égalité ; il peut arriver un moment où l'égalité formelle devient contraire à l'égalité réelle. D'où notre recommandation : concilier le principe d'égalité avec celui de libre administration des collectivités territoriales et une autonomie de gestion renforcée pour favoriser les logiques d'adaptation législative et d'expérimentation.
L'étude d'impact promeut une « intervention transverse de long terme » matérialisée par des études d'impact et plus de convergence : cela nous semble cohérent. Diagnostic partagé, plans stratégiques de convergence et développement durable, contrats de convergence, suivi et évaluation des politiques mises en oeuvre : voilà une méthode opportune ; celle-ci doit faire place à la participation des populations et s'accorder avec les engagements internationaux pris par la France, notamment à la COP 21. Il faudra assurer l'articulation des plans de convergence avec les autres outils de programmation que sont les contrats de plan État-région et les contrats de développement.
Des indicateurs communs pour la mesure de la convergence sont indispensables, de même que des indicateurs de suivi de chaque politique publique mise en oeuvre dans chaque territoire.
Dans un monde en plein bouleversement, les défis à relever outre-mer sont immenses, comme l'est la richesse de ces territoires. L'enjeu de ce texte est de rappeler que les ultramarins ont droit à l'égalité réelle mais aussi de définir avec clarté la bonne méthode et les bons outils pour y parvenir.
Je terminerai en citant la conclusion de notre rapport sur l'état de la France de 2016 : « Le pays doit assumer ses contradictions, développer ses atouts pour les transformer en richesses futures, croire toujours en la France et l'aimer ». (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois . - Éric Doligé et Michel Vergoz, dans leur rapport de 2014 sur le niveau de vie outre-mer, résumaient la situation en ces termes : « Ilots de prospérité dans leur environnement régional grâce à la politique menée depuis la Libération, les outre-mer accusent parfois un retard dont la résorption a ralenti, voire qui s'accroît de nouveau ».
Cette injustice est d'autant plus mal perçue que les ultramarins bénéficient des mêmes droits que les Français de métropole. Les incidents de 2008 aux Antilles ou plus récemment à Mayotte, en témoignent. Est-il acceptable que 3 millions d'ultramarins ne jouissent pas des mêmes droits économiques et sociaux ? Bien sûr que non.
Il était temps de bâtir un socle juridique et économique opérationnel, à partir duquel les ultramarins puissent bâtir leur voie de développement.
Attentif aux recommandations de Victorin Lurel, le Sénat partage l'objectif de ce projet de loi tout en regrettant qu'il arrive si tard, à l'approche de grandes échéances électorales. Nous nous sommes efforcés de lui redonner un peu du souffle qu'il avait perdu à l'Assemblée nationale. Les députés l'ont affaibli par des dispositions cosmétiques, satisfaites par le droit en vigueur ou soulevant des questions juridiques, voire constitutionnelles. Nous les avons supprimées, de même que seize des dix-huit demandes de rapport. Dotons-nous plutôt d'outils statistiques opératoires...
L'article 17 relatif à la discrimination en matière de domiciliation bancaire mettrait en cause la récente harmonisation des critères de discrimination dans les champs civil et pénal. D'où sa suppression de même qu'à titre conservatoire, les articles 19 et 29 bis. Concernant le premier, le Small business act outre-mer pose un problème constitutionnel, merci au Gouvernement des réponses qu'il a apportées et à M. Magras de son amendement. Quant au second, on ne combattra pas le fléau de l'orpaillage clandestin par des mesures d'affichage ; confiscations et destructions relèvent exclusivement de la compétence des autorités judiciaires. Mieux vaut supprimer également l'article 48 : quel intérêt fiscal y a-t-il à cadastrer l'ensemble du territoire guyanais ?
Nous avons simplifié l'architecture des plans de convergence à l'article 4, en nous inspirant des travaux de Victorin Lurel. Pour concilier programmation et souplesse, il sera prévu, dès la signature des plans, le choix du dispositif contractuel, les actions à entreprendre ainsi que la programmation financière ; à charge pour les signataires, de les préciser dans des contrats de plus courte durée.
Enfin, à l'heure où nous parlons d'égalité réelle, la différenciation territoriale, chère à notre collègue Magras, fait la richesse de notre pays. Le défi est de tenir compte des spécificités des territoires ultramarins pour tirer le meilleur parti de leurs atouts tout en corrigeant leurs faiblesses.
Moins de postures, plus de dispositions efficaces, voilà l'esprit dans lequel a travaillé la commission des lois. Je veux remercier la ministre pour son écoute, nos collègues qui ont contribué à nos travaux, le président de la commission des lois et le président du Sénat, qui a voulu la création d'une délégation à l'outre-mer.
M. Jean-Louis Carrère. - Elle a été créée sous le président Bel !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Plus que jamais, le Sénat a montré qu'il était la voix de tous les territoires. (Applaudissements à droite, au centre ; M. René Vandierendonck applaudit également)
M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements à droite) Madame la ministre, nous vous sommes particulièrement reconnaissants de ce projet de loi, signe de la force de votre engagement pour les outre-mer. La commission des affaires économiques a cherché à donner cohérence, réalité et efficacité aux 25 articles dont elle a été saisie.
Pas moins de six commissions ont été saisies au Sénat sur ce texte qui, après son passage à l'Assemblée nationale, a changé de volume et de nature. Pour notre part, nous avons mis l'accent sur l'adaptation aux réalités et à la différenciation.
Nous avons approuvé, parfois avec quelques modifications rédactionnelles, les dispositions sur l'échange de courriers, la continuité territoriale et l'aide à la formation des jeunes ultramarins.
La formation des prix outre-mer représente un enjeu fondamental. Il fallait remettre de la cohérence entre des dispositions contradictoires, les unes contre la vie chère, les autres contre les denrées alimentaires à bas prix. L'aide à l'agriculture locale passe par la lutte contre les ravageurs et les normes qui pénalisent nos territoires. Le Sénat a d'ailleurs adopté en ce sens une résolution européenne, qui fait son chemin à Bruxelles.
Les pouvoirs conférés au préfet afin de maîtriser les prix à la consommation nous semblent excessifs. En même temps, souvenons-nous que le sujet est explosif.
Nous proposons de faire preuve d'audace en retenant le principe d'un Small business act. Le risque constitutionnel est limité par le caractère temporaire du dispositif - cinq ans - et par l'existence de nombreuses possibilités d'adaptations ; je vous renvoie à l'article 349 du TFUE et à l'arrêt Mayotte. Il serait dommage que le législateur s'autocensure en retenant une interprétation trop stricte de l'égalité devant la commande publique. Nos outre-mer auraient tout à gagner d'une concurrence fortifiée par des micro-entreprises, à l'exemple de celles qui ont fait la croissance dans le nord de l'Italie.
(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - La commission des affaires sociales a été saisie de 29 articles, dont 25 au fond. Il est difficile d'en donner un aperçu global, tant les sujets abordés sont nombreux sans être toujours assortis d'études d'impact. Ainsi mieux aurait valu remettre à plat le complément familial plutôt que de décider des revalorisations partielles et ciblées.
Notre commission a supprimé les nombreuses dispositions non normatives ou satisfaites par le droit en vigueur. Que l'on n'y voie pas une posture politique, nous avons accepté les amendements qui enrichissent le texte et proposé une convergence sur dix ans des taux de cotisations sociales sur les boissons alcooliques. S'il y a bien un domaine où seule l'égalité parfaite est acceptable, c'est bien celui de la santé.
La notion d'égalité réelle, si elle figure dans un autre texte déposé par le Gouvernement, me laisse perplexe... Qu'est-ce que l'égalité si elle ne se traduit pas dans les faits ? Le terme dénote un aveu d'impuissance. Loin des concepts d'affichage, privilégions des approches claires qui rencontrent quelque réalité sur le terrain... Nous devons prendre en compte les différences et définir une dynamique de convergence, plus qu'une égalité parfaite, au reste inatteignable.
Je veux enfin saluer le travail et l'écoute de la ministre, avec qui nous partageons une forte ambition pour les outre-mer. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Vivette Lopez, rapporteur pour avis de la commission de la culture . - La commission de la culture s'est saisie pour avis de sept articles dont aucun ne figurait dans le texte initial. Trois d'entre eux proviennent d'amendements gouvernementaux. Les articles 13 C et 13 E ne posent pas de difficultés particulières. Nous proposons de les adopter, moyennant une modification rédactionnelle à l'article 13 C.
L'essentiel des débats a porté sur l'article 13 bis. Rendre, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, l'instruction obligatoire pour les enfants de trois à dix-huit ans dans les départements et régions d'outre-mer constitue une réponse symbolique à l'illettrisme et au décrochage scolaire. Sans méconnaître ces problèmes, notre commission a estimé que cette mesure n'était pas pertinente.
Nos débats vont surtout porter sur l'article 13 bis, relatif à la lutte contre l'illettrisme et le décrochage scolaire. Nous avons considéré que l'obligation d'instruction des enfants de trois ans à dix-huit ans n'était pas pertinente. Pour les plus jeunes, le premier obstacle est la faiblesse de l'offre, non son caractère facultatif ; c'est particulièrement le cas à Mayotte. Quant à imposer une scolarisation des seize-dix-huit ans, cela ne nous paraît guère réaliste : scolariser à tout prix des jeunes en décrochage scolaire est une disposition d'affichage tout à fait impraticable.
À l'article 21, notre commission a supprimé des dispositions dans un souci de cohérence. Elle n'a rien contre la possibilité d'éditer des documents d'état-civil en français et en langue régionale, pourvu que seule la version française fasse foi. Elle est favorable à la création d'un grand conseil des populations amérindiennes et bushinenguées.
Bref, notre commission a cherché à améliorer ce projet de loi en le simplifiant et en le rendant plus concis. (Applaudissements à droite)
M. Jean-François Mayet, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a analysé les dispositions la concernant dans la continuité de ses travaux de 2015, en particulier le rapport d'information de MM. Bignon et Cornano sur les outre-mer face au risque climatique.
Les dispositions du projet de loi ne sont pas à la hauteur de ses ambitions affichées. Savez-vous que l'outre-mer renferme 80 % de la biodiversité nationale, 98 % de la faune de notre territoire et 96 % des plantes vasculaires spécifiques à la France ? Quatre des cinq points chauds de la biodiversité sont dans les outre-mer et le projet de loi ne comporte aucune disposition pour sa reconquête. Seuls quatre articles portent indirectement sur la protection du patrimoine naturel, et ils sont anecdotiques.
Les initiatives locales ne manquent pourtant pas, comme le programme de lutte contre les espèces exotiques envahissantes mené par la Polynésie française, ou l'Institut de la biodiversité insulaire créé par la Réserve nationale naturelle de Saint-Martin.
Les régions insulaires des énergies renouvelables parmi les plus avancées - hydroélectricité, photovoltaïque, éolien, ou biomasse issue de la bagasse de canne à sucre. Et pourtant, la consommation d'énergie primaire des territoires ultramarins reste très dépendante des énergies fossiles. Le projet de loi n'y fait pas référence alors que 12 000 Guyanais doivent produire eux-mêmes leur électricité avec des groupes électrogènes.
Le développement des infrastructures de transport, troisième axe du projet de loi, est fondamental. En outre-mer, il y a moins de 2 kilomètres de voirie par habitant contre 5,8 kilomètres dans l'Hexagone. Le projet de loi ne prévoit aucune mesure concrète, seulement des demandes de rapport !
Même chose pour le traitement des déchets. Ainsi, l'article 22 n'emporte pas d'effets réels, non plus que l'article 24 bis, supprimé par la commission des lois.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable se montre réservée. Malgré son manque d'ambition, elle est quand même favorable à l'adoption du projet de loi. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Michel Canevet, rapporteur pour avis de la commission des finances . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) La France possède le deuxième domaine maritime au monde, grâce à ses onze territoires d'outre-mer. Voilà un potentiel économique conséquent. Ce projet de loi est opportun pour développer les différents territoires ultramarins, et enclencher une convergence avec l'Hexagone.
Les textes de loi se succèdent depuis trente ans : les lois Pons ont été complétées en 2001 par les lois Paul, en 2003 par les lois Girardin... La France fait un effort de 7 milliards vers les outre-mer chaque année, dont 800 millions dans le domaine de compétence de la commission des finances, par défiscalisation.
De 15, on est passé à 116 articles à l'Assemblée nationale. Il faut corriger cette inflation législative. Toutes ces dispositions supplémentaires inscrites par les députés font du texte un éventail très large de mesures ; il faut aller à l'essentiel et être efficace. Notre assemblée corrige ces dispositifs dans le sens d'un réel développement économique de l'outre-mer. Je pense aux entreprises et au logement, notamment. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Aline Archimbaud . - Les territoires d'outre-mer sont marqués par des inégalités que la France peine à réduire. Le chômage y est deux fois supérieur à l'Hexagone. La difficulté d'accès à l'emploi y est régulièrement dénoncée.
Qu'est-ce que l'égalité réelle ? Une égalité pourrait-elle être irréelle ? Le Gouvernement aurait emprunté ce concept à Amartya Sen, qui demandait comment l'accès aux biens et aux services est converti en « capabilités », c'est-à-dire en opportunités et en capacités d'action. En outre-mer, les capacités d'action sont en effet délicates. Ainsi, dans des communautés amérindiennes de Guyane, nous avons rencontré des habitants préoccupés par l'épidémie de suicide des jeunes. Que leur propose-t-on ? La mission locale de Maripasoula est fermée depuis un an, pour une durée indéterminée.
La République est une et diverse. Il n'est pas possible de calquer en outre-mer les politiques hexagonales. Mme la ministre a insisté sur ce point.
Nous avons notamment déposé des amendements sur les langues autochtones, sur les pouvoirs du Grand Conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenguées, sur la création d'un observatoire sur le suicide des jeunes en Guyane.
Nous souhaitons réintégrer l'article sur la journée de commémoration de l'esclavage, et réintroduire des moyens de lutte contre l'orpaillage illégal, cette catastrophe écologique et humaine.
Alors que les ressources naturelles sont énormes en outre-mer, pourquoi ne pas y développer les énergies renouvelables ? Pourquoi n'encourage-t-on pas davantage l'aquaculture et la pêche ? Des menaces pèsent sur la biodiversité. Coraux, forêt amazonienne...
La lutte contre le chômage et la vie chère passe aussi par le développement endogène, seul susceptible de réduire les importations - et donc les prix élevés - et de soutenir l'emploi local. (Applaudissements sur divers bancs à gauche)
M. Thani Mohamed Soilihi . - Ce texte est d'une extrême importance pour l'outre-mer, en visant la réduction des écarts avec l'Hexagone, qui persistent malgré la politique volontariste de ce Gouvernement. Jusqu'à 80 % de PIB par habitant en moins : les inégalités restent patentes.
Certains s'interrogent sur le terme « égalité réelle ». Il s'agit de concilier notre conception républicaine de l'égalité avec la diversité des territoires, en s'inspirant du rapport remis en mars 2016 par le député Victorin Lurel, pour répondre aux revendications de longue date des populations. L'objectif affiché est d'abord une convergence des droits sociaux vers les standards nationaux d'ici dix à vingt ans, à travers des plans propres à chaque territoire. Enfin, le texte vise à développer les opportunités économiques et à renforcer la concurrence et l'investissement dans le capital humain et à lutter contre la vie chère.
Le projet de loi a été enrichi d'une centaine d'articles à l'Assemblée nationale, portant sur des sujets très variés. Nous proposons de l'enrichir encore.
Je parlerai de Mayotte que je connais le mieux. Je me félicite que la commission des lois ait adopté quatre de nos amendements. Je regrette que trois amendements relatifs à la fiscalité et au droit du sol aient été rejetés. Je les défendrai à nouveau en séance.
Il faudra de la patience pour mettre en oeuvre toutes ces dispositions de façon échelonnées sans surcharger le budget de l'État.
Le groupe socialiste votera en faveur de ce projet de loi. Merci à la ministre pour son écoute et aux rapporteurs pour leur travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)
Mme Gélita Hoarau . - Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les habitants des quatre « vieilles colonies » - Guyane, Guadeloupe, Martinique et La Réunion - étaient dans une misère effroyable du fait du statut colonial. Les progressistes de ces pays, Césaire, Bissol, Monnerville et Vergès ont fait voter à l'unanimité la loi du 19 mars 1946 qui mettait fin au régime colonial et donnait à ces colonies le statut de départements. Elle proclamait qu'au 1er janvier 1947 les droits sociaux de leurs habitants seraient identiques à ceux de l'Hexagone. Cette loi n'a cessé d'être bafouée pendant cinquante ans, le temps qu'il fallut pour obtenir l'alignement du smic et des allocations familiales.
L'égalité est encore loin d'être réalisée. L'écart est considérable, tant à l'aune du produit intérieur brut par habitant, de l'indice de développement humain que de l'indicateur synthétique d'inégalité de salaires, de revenus, de niveau de vie.
Ce projet de loi, malheureusement, ne donne pas la définition de l'égalité réelle. Le taux de chômage est de 30 % à La Réunion. Cela correspondrait à onze millions de chômeurs dans l'Hexagone. Il faudrait créer 13 000 emplois par an à la Réunion pour converger ; or le territoire n'en crée que 3 000. La moitié de la population de La Réunion vit sous le seuil de pauvreté.
Comment croire que ce qui n'a pas été réalisé pendant soixante-dix ans le sera en dix ans, alors que s'ajoutent le réchauffement climatique, une démographie galopante et la mondialisation ? Toute la filière sucrière est menacée, alors qu'elle représente plusieurs milliers d'emplois.
La loi n'est pas en mesure de régler les problèmes présents. Nombreux sont ceux qui voient dans l'autonomie la réponse appropriée, pour relever le défi du développement durable, de l'économie, de la culture...
L'histoire nous a liés avec la France et l'Union européenne. Nos pays ne peuvent toutefois pas se couper des grandes transformations. Ils doivent pouvoir passer directement des accords avec leurs voisins.
Ce projet de loi reste dans le schéma classique de la loi d'intégration de 1946 ; il ne met pas en place le nouveau modèle de développement des outre-mer que François Hollande appelait pourtant de ses voeux.
Malgré toutes nos réserves, nous voterons néanmoins ce texte si les avancées qu'il contient ne sont pas remises en cause.
Selon le projet de loi, l'égalité réelle serait atteinte grâce à l'élaboration des plans de convergence élaborés sur la base des articles 37-1, 72 et 73 de la Constitution. Or La Réunion est la seule des collectivités régies par l'article 73 à ne pouvoir y prétendre : elle ne peut ni adapter les lois, ni produire ses propres lois. D'où une question de constitutionnalité : si La Réunion ne peut disposer des outils nécessaires à l'élaboration de ces plans de convergence, cette loi s'applique-t-elle à elle ? La prudence recommande donc l'abstention sur ces articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Guillaume Arnell . - L'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen proclame que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Pourtant les inégalités demeurent. Comment appréhender le concept d'égalité réelle ? Faut-il accepter que nos territoires soient différents ? « Il n'y a pas d'égalité adaptée, il n'y a pas d'égalité globale, l'égalité est ou n'est pas » a dit Aimé Césaire lors de la discussion de la loi de 1946 instaurant la départementalisation.
Je regrette qu'un thème d'une telle importance soit abordé dans le cadre d'un examen en procédure accélérée.
Après la loi de 1986, la loi pour le développement économique des outre-mer, voici ce projet de loi, inspiré du rapport de Victorin Lurel. Il a été substantiellement modifié à l'Assemblée nationale et porté de 15 à 116 articles. Il a aussi été profondément modifié en commission au Sénat.
Logement, mobilité, continuité territoriale, fiscalité... : dans tous ces domaines, il y a urgence à agir contre les inégalités. Le PIB par habitant est inférieur d'un tiers ou de la moitié à ce qu'il est dans l'Hexagone. Un quart des ménages touchent le RSA-socle, contre 4 % dans l'Hexagone. 9,9 % des jeunes ont des difficultés de lecture en métropole ; ils sont 27,7 % à La Réunion et 74,5 % à Mayotte.
Même si des inégalités persisteront après ce texte, toute amélioration est bonne à prendre. L'objectif n'est pas d'aboutir à une égalité chimérique, mais de tendre vers la convergence.
Il existait déjà dans le passé des inégalités entre Saint-Martin et la Guadeloupe. Elles persistent. Saint-Martin manque cruellement d'infrastructures, qu'il s'agisse d'accueil des personnes âgées, des personnes privées de liberté, des handicapés ou des lycéens.
Le territoire compte 30 % de chômeurs dont 60 % sont des femmes. Le BTP est en difficulté depuis 2009 en raison d'une carence de la commande publique. C'est pourquoi je défendrai des amendements en faveur de mon merveilleux territoire qui possède malgré tout un grand potentiel. Avec joie, je constate que de plus en plus de mes collègues se soucient des problématiques ultramarines. Le groupe RDSE votera ce texte en plaidant pour plus d'égalité et d'harmonie entre les territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, des écologistes ainsi que du groupe socialiste et républicain)
M. Didier Robert . - Je ne serai pas complice d'une loi de pur affichage qui maintiendra l'inégalité. Comment faire croire que l'outre-mer est une priorité quand la seule loi qui le concerne arrive en toute fin de mandat, qui plus est par le passage en force qu'est la procédure accélérée ?
Cette loi fourre-tout a été bricolée à la hâte, sans aucune étude d'impact. Madame la ministre, vous avez manqué de pédagogie pour ce projet de loi qui ne convainc personne, sauf peut-être vous. Ce projet de loi ne répond en rien aux problèmes des habitants d'outre-mer.
Je reprends à mon compte la magnifique formule de Fernand Braudel : « la France se nomme diversité ». L'idéologie égalitariste avait déjà été dénoncée par Montesquieu et Tocqueville. Sans doute des efforts de rattrapage sont-ils à réaliser, dans l'éducation, l'accès aux médias, la préparation aux concours... Mais nous ne sommes pas dupes de l'indigence de vos propositions, telles que les plans de convergence, aux articles 4 et 5. Il ne fait aucun doute qu'ils seront pilotés par l'État, faisant des collectivités territoriales des figurants. C'est inconstitutionnel. Quant à la continuité territoriale, objet de mesures éparses dans ce texte, elle a été détruite par votre Gouvernement et tout au long du quinquennat : les crédits ont baissé de 25 %.
Il faut croire que les lointaines populations d'outre-mer sont priées d'y rester. Les 320 000 Corses bénéficient de 186 millions d'euros au titre de la continuité territoriale, quand les 2,5 millions d'Ultramarins n'ont que 40 millions !
Tout en proclamant de généreux principes, vous amoindrissez l'effort envers l'outre-mer. Celui-ci n'a jamais été la priorité du Gouvernement, voilà la vérité. Le vide sidéral de ce texte n'est pas masqué par vos affirmations creuses.
Le nouveau modèle de développement que nous revendiquons repose non sur une prétendue égalité, mais sur une véritable liberté pour les entreprises et les collectivités territoriales afin qu'elles aménagent leur territoire. Libérons-les du carcan des normes et d'un cadre juridique dépassé dont la loi Montagne est l'exemple le plus récent.
Je fais le voeu d'une loi privilégiant les mesures concrètes aux articles incantatoires. Ce ne sera pas pour cette fois. (Applaudissements au centre et sur certains bancs à droite)
La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 45.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous appelle à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.
Politique énergétique
M. Jean-Pierre Bosino . - Après l'incapacité des pouvoirs publics à faire face à l'épidémie de grippe, le risque de coupure énergétique illustre les dégâts de la politique de casse du service public. RTE nous alerte pourtant sur le risque depuis deux ans ! Il est facile d'accuser le nucléaire et la maintenance des centrales.
Quand allez-vous enfin renforcer les moyens de production pour assurer une puissance garantie, que les énergies renouvelables, hors hydraulique, ne peuvent fournir ? Quand imposerez-vous à EDF de ne plus fermer les tranches thermiques non rentables ? Quand reviendrons-nous à une politique nationale de long terme pour répondre aux besoins de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - La vague de froid entraîne une consommation accrue d'électricité, nous devons donc tous faire attention. Soyez assuré que le travail est fait pour éviter le risque de coupures.
Justement, la loi Transition énergétique apporte des réponses ; l'électricité éolienne et photovoltaïque, c'est 6 gigawatts, 10 % de plus que l'hiver dernier, c'est l'équivalent de six réacteurs ! Nous développons l'effacement de la consommation, à hauteur de 3 gigawatts.
Ségolène Royal... (Brouhaha à droite, où l'on souligne l'absence de la ministre)... a engagé une mobilisation citoyenne. Pour réduire la consommation d'électricité, il faut revenir à des gestes de bon sens : éteindre les appareils en veille économiserait l'énergie produite par un réacteur ; baisser la température de chauffage d'un degré, ne pas utiliser la machine à laver entre 17 et 20 heures, permettrait d'économiser la production de deux réacteurs ! (Exclamations ironiques à droite)
RTE est mobilisé pour anticiper tous les scénarios. À ce jour, il y a un risque de tension entre mardi et vendredi. Les premières mesures seront prises mercredi pour soulager, mais RTE ne prévoit pas de coupure de courant, mesure de dernier recours. Vous serez tenus informés.
M. Jean-Pierre Bosino. - Vous demandez à nos concitoyens de faire des efforts alors que 12 millions d'entre eux sont en situation de précarité énergétique, que nombre d'entre eux vivent dans des passoires thermiques, et leur facture d'électricité augmente ! Les entreprises, elles, sont rémunérées pour l'effacement ! Votre politique vise à masquer la responsabilité du Gouvernement et de l'État actionnaire. Le problème n'est pas le froid, mais la spéculation, la dérégulation et la vente à la découpe de pans entiers de notre filière énergétique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Déficit public
M. François Marc . - Hier, j'ai eu connaissance du déficit public constaté en 2016, qui s'établit à 68,9 milliards d'euros, contre 72,8 milliards inscrits dans la loi de finances pour 2016.
M. Francis Delattre. - C'est encore trop !
M. François Marc. - L'objectif d'un déficit à 3,3 % du PIB en 2016 sera donc atteint. Cette nouvelle encourageante fait pièce au scepticisme de l'opposition qui dénonçait des cadeaux prétendument non financés, et à celui de la Cour des comptes qui craignait un risque de dérapage des finances publiques. (M. Francis Delattre s'exclame)
C'est une très bonne nouvelle pour la France. Comparons ce chiffre au déficit de 2010, de 148 milliards d'euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain). Comment, monsieur le Premier ministre, analysez-vous ces résultats, et qu'anticipez-vous pour l'exécution de la loi de finances pour 2017, jugée insincère par la majorité sénatoriale qui a refusé de l'examiner ? Bref, êtes-vous optimiste pour 2017 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE, sourires à droite)
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre . - Le scepticisme est consubstantiel à l'opposition, quelle qu'elle soit ; à la majorité de le lever, en faisant preuve de pédagogie (Sourires). L'année dernière, le déficit de l'État était supérieur de 1,5 milliard d'euros à celui qui a été constaté ce matin.
Compte-tenu de la maîtrise des dépenses de l'État, nous serons donc en mesure de respecter l'objectif de 3,3 % de déficit public convenu avec Bruxelles.
M. Francis Delattre. - Après deux reports ! (M. Jean-Louis Carrère proteste)
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. - J'entends des cris de satisfaction spontanés : merci ! (Sourires)
Ce chiffre tient à la réduction du rythme de hausse de la dépense publique, divisé par trois par rapport à la période 2007-2012. La dette publique n'aura augmenté que de sept points sous notre quinquennat, contre vingt-cinq sous la précédente présidence. Enfin, les comptes sociaux sont quasiment à l'équilibre.
Ces efforts ont été réalisés sans renoncer à aucune de nos priorités. Nous avons renforcé les effectifs des forces de sécurité, avec 9 000 créations de postes, de l'Éducation nationale, avec 60 000 postes, dans les hôpitaux, avec 31 000 postes.
M. Francis Delattre. - Bref, tout va bien !
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. - Preuve que l'on peut maîtriser la dépense publique et réduire les déficits sans pour autant casser le service public et la protection sociale qui assurent la force et la cohésion de la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Redresser les comptes, c'est nous redonner des marges de manoeuvre afin de garantir la solidarité nationale, la protection sociale, le développement et la modernisation des services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
Processus de paix au pays Basque
M. Jean-Jacques Lasserre . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Un processus de paix et de désarmement de l'ETA au pays Basque est en cours depuis octobre 2011. Il exige du temps, de la volonté, du courage.
Les récentes arrestations de militants nationalistes non-violents qui se sont impliqués pour la restitution d'armes sont la conséquence du refus de l'État français de négocier. Le dépôt définitif des armes se règlera dans le même temps que le problème des prisonniers.
Les acteurs locaux, notamment les parlementaires, sont engagés dans le processus de paix ; l'absence d'implication de l'État français serait un gâchis historique. Cela fait cinq ans que les attentats ont cessé, c'est la preuve qu'il y a une réelle volonté.
Vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre, à ma demande d'entretien. Je vous demande solennellement que l'État français prenne à bras le corps ce problème et crée les conditions d'un dialogue sur les sujets liés du désarmement et des prisonniers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et du groupe communiste républicain et citoyen).
M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur . - Le processus de paix est unilatéral. Armes, explosifs, munitions sont encore en circulation, qui pourraient nous être rendus plus simplement. J'ai reçu la semaine dernière mon homologue espagnol, Juan Ignacio Zoido, pour évoquer la question des caches d'armes sur notre territoire.
L'ETA, ce sont des prisonniers mais aussi des centaines de morts, militaires, policiers et civils. Il n'appartient pas à des personnalités civiles, même de bonne foi, de s'impliquer dans la récupération d'armes qui ont servi à perpétrer des attentats. Seule la justice doit se prononcer - je me félicite de la coopération entre le pôle anti-terroriste de Paris et la justice espagnole.
Ceux qui ont commis des attentats doivent dire, de façon unilatérale, où sont les armes et les explosifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Jacques Lasserre. - Je suis très déçu par cette fin de non-recevoir face à la bonne volonté des militants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et du groupe communiste républicain et citoyen)
Conséquences du froid sur la production d'électricité
M. Jean-Claude Lenoir . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je vous propose un intermède sous forme de bulletin météo : une vague de grand froid va s'installer sur notre pays demain et après-demain. C'est l'affolement sur tous les médias. Pourtant, nous en avons connu une il y a cinq ans, qui a duré une dizaine de jours. La consommation journalière d'électricité a été 10 % supérieure à celle annoncée cette semaine, et tout a bien fonctionné.
Pourquoi, alors, cet affolement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - De l'affolement ? Pas du côté du Gouvernement. Nous travaillons à sécuriser notre approvisionnement en électricité, avec des mesures de bon sens. Grâce à la loi Transition énergétique, nous diversifions notre bouquet énergétique en développant les énergies renouvelables - dont la production est aujourd'hui l'équivalent de six réacteurs nucléaires - et luttons contre le gaspillage : plan de rénovation thermique des bâtiments, création de nouvelles filières de production électrique, autant d'initiatives qui créent des emplois non délocalisables.
Il convient aussi d'associer les citoyens à l'effort, notamment en recommandant d'éteindre les appareils en veille. Il n'est pas aberrant de recommander les bonnes pratiques.
Selon RTE, il n'y a aucun risque de coupure - en cas de problème, vous en seriez informés. Bref, le Gouvernement fait face et travaille pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Lenoir. - Je veux remercier et féliciter le Gouvernement : si le cap difficile est passé, c'est grâce à nos outils de production, dites-vous en substance - donc au nucléaire, qui est la base de notre approvisionnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Économiser en baissant d'un degré, c'est intéressant. Dommage que nous n'ayons aucune influence sur la température...
M. Jean-Louis Carrère. - Et la question ? Où est la question ?
M. Jean-Claude Lenoir. - Je constate que vous ne respectez pas l'engagement du président de la République de fermer la centrale de Fessenheim... (M. Jean-Louis Carrère s'emploie à couvrir la voix de l'orateur en réclamant la question) Il faut la mettre en regard du besoin d'alimenter les usagers ! (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe Les Républicains)
Situation des gites ruraux
Mme Hermeline Malherbe . - Les acteurs de l'économie touristique et certaines communes rurales s'inquiètent pour les gites de France et bistrots de pays. La loi NOTRe du 7 août 2015 a conforté la mission des départements en matière touristique - ils sont légitimes pour accompagner les projets dans les territoires ruraux - mais, en supprimant la clause de compétence générale, elle a mis fin aux aides directes aux entreprises. Or la pérennité des gites de France est conditionnée par les aides des départements. Sont-ils considérés comme des entreprises ? Pouvons-nous toujours accompagner les acteurs touristiques, particulièrement en zone rurale ? (Applaudissements sur les bancs RDSE et sur certains bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales . - Les compétences de chaque échelon territorial ont été clarifiées par l'importante réforme territoriale qu'a été la loi NOTRe. Celle-ci, votée par la Haute Assemblée, a décidé que le tourisme serait une compétence partagée. Les départements peuvent s'engager, mais l'aide directe est du ressort des régions, auxquelles le Gouvernement a octroyé 450 millions d'euros dans ce but.
Toutefois, le département demeure compétent pour mener des actions de promotion dans le domaine touristique via les contrats de développement territorial, et créer des équipements sportifs et touristiques dont ils sont propriétaires ; un département peut ainsi exploiter un gite rural, une base de loisirs ou une station de ski et le gérer directement ou via un syndicat mixte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Hermeline Malherbe. - Les régions ne se sont pas positionnées sur le tourisme rural, et le problème reste entier dans les territoires. Il faudrait un partage plus équitable et plus efficient. (Applaudissements sur les bancs RDSE)
Défense européenne
M. André Gattolin . - Jamais depuis sa création, l'Union européenne n'a fait l'objet d'une telle entreprise de déstabilisation ni encouru un tel risque de désintégration. Outre les divisions internes, les réactions nationalistes et les populismes, elle fait l'objet d'attaques croisées de la Russie et des États-Unis. M. Trump, après s'être félicité du Brexit et avoir appelé d'autres pays à suivre cette voie, s'est aussi livré à une charge inédite contre l'OTAN. Sans en abandonner le commandement, les États-Unis entendent exiger des États membres qu'ils augmentent leurs dépenses militaires.
Ce contexte, qui s'accompagne d'un changement de la stratégie géopolitique de notre allié historique, permet-il de faire plus longtemps l'économie d'une armée commune européenne ? Le 11 septembre dernier, la France et l'Allemagne ont proposé une coopération structurée permanente, qui ne figure toutefois pas dans les conclusions du dernier Conseil européen.
Le président de la République a proposé de porter notre effort de défense à 2% du PIB, mais sans évoquer de contribution à la défense européenne.
France et Allemagne comptent-elles développer leurs propositions lors du sommet de Malte, le 3 février ? Il y a urgence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe UDI-UC)
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international . - Votre question est pertinente. Le monde change, de nouvelles menaces apparaissent, comme les cybermenaces, qui imposent des actions sur tous les plans. L'Europe doit non se substituer à l'OTAN, mais prendre sa part complémentaire. Oui, nous devons porter notre effort à 2% du PIB.
L'Europe de la défense a longtemps été un sujet tabou. Mais face à la nouvelle donne internationale et au désengagement américain, le Conseil européen du 15 décembre a adopté une orientation en matière de défense.
La France et l'Allemagne ont pris leur part. J'ai rencontré mon homologue allemand, tout comme M. Le Drian a rencontré le sien ; nous avons fait des propositions et été moteurs. Nous avons esquissé une ligne stratégique, insisté sur l'autonomie de décision. Un fonds de financement pour la recherche et l'armement a été décidé. Nous avons réalisé un bond en avant considérable.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. - Le moment est venu, en effet, de réaffirmer la nécessité de la cohésion et de la solidarité européenne. Oui, l'Europe a des adversaires, mais la meilleure réponse n'est pas la polémique : c'est l'unité et la cohésion de l'Europe, par des engagements concrets en matière de défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Conférence de Paris
M. Gilbert Roger . - La France a accueilli à Paris, le 15 janvier, 70 pays et organisations internationales lors de la conférence pour la paix au Proche-Orient. Ce fut l'occasion de réaffirmer solennellement l'attachement de la communauté internationale à la solution à deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte en paix, indispensable pour la reprise des négociations bilatérales entre les parties, gelées depuis avril 2014.
Mais les incertitudes sont grandes. Le président élu américain a rompu avec le statu quo observé par les pays occidentaux en annonçant le transfert de son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem. La droite israélienne, encouragée, plaide désormais pour l'intégration des colonies illégales quand l'extrême-droite réclame l'annexion militaire de la zone C, en opposition avec la résolution 2334 de l'ONU.
En 2014, l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté deux résolutions invitant le Gouvernement français à reconnaître l'État palestinien. Votre prédécesseur, Laurent Fabius, s'y était engagé en cas d'échec des négociations. Or la Conférence de Paris n'a pas permis d'avancée concrète. Le président de la République est-il désormais prêt à transformer cet engagement solennel en acte politique et à reconnaître officiellement l'État palestinien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Bariza Khiari et M. Martial Bourquin applaudissent également)
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international . - La France est déterminée. La Conférence de dimanche dernier a réuni deux fois plus de participants que celle du 3 juin : le conseil de sécurité, le G20, la Ligue arabe, l'Union européenne, unanimes. Après des échanges fructueux, nous avons réaffirmé solennellement la nécessité que les négociations reprennent au plus vite.
Il y a eu des polémiques, caricaturales et déplacées, de la part du Gouvernement israélien comme du Hamas.
La voie est étroite, et la situation se dégrade sur le terrain, faisant courir le risque d'une dangereuse escalade des violences - que nous condamnons, quels qu'en soient les responsables.
Nous nous mobilisons pour la paix au Proche orient. Le conflit israélo-palestinien n'est pas un dossier parmi d'autres, c'est l'une des pièces maîtresses de l'échiquier moyen-oriental. Plus la frustration s'installe, plus la menace s'accroit et moins l'État palestinien parait viable.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a voté le 23 décembre 2016 la résolution n° 2334, qui ne fait que rappeler le droit international. La question de la capitale doit faire partie de la négociation ; toute initiative préalable, comme le transfert d'ambassade, serait perçu comme une provocation.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre. - La France continue à déployer ses efforts pour un État palestinien viable et reconnu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
Apprentissage de la grammaire
M. Alain Marc . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'Éducation nationale, dont l'absence illustre bien le peu de considération pour la représentation nationale...
La performance scolaire de nos élèves baisse : le classement international PISA nous place au vingt-sixième rang, ce n'est guère glorieux pour la sixième économie mondiale. Les causes sont multifactorielles, mais on sait qu'une exigence de maîtrise de la langue est indispensable à la réussite de tous les apprentissages, y compris les mathématiques.
Or les directives édictées par votre ministère en matière de grammaire sont incompréhensibles : seuls les enseignants et, je l'espère, les élèves, savent ce qu'est le « prédicat »... Cela rappelle le ridicule « référentiel bondissant » qui désignait en fait... un ballon ! Allez-vous enfin abandonner ce langage abscons, dont savait si bien se moquer Molière ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Le constat est sans appel : le niveau des élèves en français baisse depuis trente ans. Le Gouvernement a décidé d'agir, en demandant au Conseil supérieur des programmes de repenser l'apprentissage de la langue française. Le « prédicat » est enseigné depuis longtemps en sciences du langage. Toutefois, les élèves continuent à apprendre le complément d'objet direct, le complément d'objet indirect, le complément d'objet second. (Moues dubitatives à droite)
La grammaire ne se négocie pas entre enseignants et élèves. Elle s'apprend car elle s'impose. Les programmes ont été repensés car ils manquaient de cohérence. Le seul objectif est de relever le niveau en français de tous les élèves. (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste et républicain).
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. Alain Marc. - Baisser le niveau d'exigence, c'est maintenir les inégalités - comme l'a fait votre réforme des rythmes scolaires, qui n'a nullement répondu à l'échec scolaire mais a creusé les inégalités spatiales et sociales.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est vous qui l'avez lancée !
M. Alain Marc. - Je regrette que vous n'accordiez pas davantage vos actes et vos paroles. Vous parlez de « réussite scolaire », mais ce n'est qu'en relevant le niveau d'exigence que l'on rendra à l'école son rôle d'ascenseur social, hélas en panne depuis trente ans. (Applaudissements à droite et au centre)
Délinquance des mineurs
Mme Dominique Estrosi Sassone . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Samedi soir, une bande de voyous venue d'Athis-Mons a semé la terreur à Juvisy-sur-Orge. On se souvient de l'attaque de voitures de policiers à Grigny. Ces attaques en bande se multiplient aussi dans les transports, en Ile-de-France, dans le Rhône ou en PACA, où des TER sont assiégés par des casseurs.
Ces bandes, constituées notamment de mineurs, conséquence de la communautarisation de notre société, sont portées par la haine de notre pays, de ce que nous sommes. (Huées sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
À Juvisy, onze voyous, la plupart mineurs, ont été arrêtés puis tous relâchés. La réponse pénale n'est manifestement plus adaptée à la gravité des faits. Pourquoi niez-vous cette réalité ? Pourquoi n'avez-vous jamais durci votre politique pénale à l'égard des mineurs ? (Applaudissements à droite et au centre, huées sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Cécile Cukierman. - On croirait entendre le FN !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice . - D'où tenez-vous que nous nierions cette réalité ? N'avez-vous pas participé aux débats depuis cinq ans ? Nous avons durci la législation. Mais le temps de la justice n'est pas celui de l'émotion, de la réaction. (Protestations à droite, applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. François Grosdidier. - Et le temps de la vérité ?
M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. - Je fais confiance au travail d'investigation du procureur de l'Essonne. Vous rapportez des informations lues dans la presse. Ces personnes auraient-été relâchées faute de faits matériels ? Qu'en savez-vous ? Les personnes que vous évoquez ne sont pas liées aux évènements de Juvisy. Laissez donc le procureur faire son travail, comme il l'a fait après les évènements de Viry-Châtillon. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain). À l'époque, vous aviez déjà protesté. Et voilà qu'après trois moins d'un travail d'investigation méticuleux et patient, onze personnes ont été placées en garde-à-vue. Voilà comment fonctionne une justice sereine. (Applaudissements à gauche)
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Ce n'est pas l'avis des habitants de Juvisy-sur-Orne, qui redoutent maintenant des représailles. Assez d'angélisme ! Faut-il rappeler que votre loi Justice du XXIème siècle a supprimé le tribunal correctionnel pour enfants ? Il faut mettre fin à l'effet Taubira ! (Applaudissements nourris à droite, huées sur plusieurs bancs à gauche)
Fonds d'innovation sociale
Mme Corinne Féret . - Adopté en 2013 après une large concertation, le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale a conduit à intégrer dans toutes les politiques publiques la nécessité de s'adresser aux plus fragiles. Loin d'un prétendu assistanat, le Gouvernement agit sur les racines de la pauvreté.
Le président de la République a annoncé ce matin le lancement de la Fondation pour l'investissement social et le développement humain, qui a pour ambition de développer les approches pour faire reculer la précarité et l'exclusion et de construire un modèle plus inclusif, associant développement économique et social. Pluridisciplinaires, ses travaux scientifiques s'attacheront à mesurer l'impact des politiques de solidarité. Les projets innovants seront repérés et généralisés.
L'innovation sociale est au coeur de l'action de ce Gouvernement, qui a compris que la solidarité n'est pas une dépense, mais un investissement. L'action menée dans ce domaine est une fierté : j'y vois l'ambition de garantir un modèle social auquel la droite n'a de cesse de s'attaquer.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce dispositif, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Stéphane Ravier. - Question téléguidée !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - J'étais aux côtés du président de la République ce matin pour l'inauguration de cette fondation, placée sous l'égide de la Fondation agir contre l'exclusion (Face) et présidée par Isabelle Kocher, directrice générale d'Engie.
Il y a encore beaucoup de préjugés : les chômeurs sont tous des paresseux, les SDF sont tous irrécupérables, les plus démunis profitent des aides sociales... (Exclamations à droite) Notre système de protection sociale est mis en cause, les dépenses jugées excessives...
Cette fondation a vocation à associer recherche scientifique et action sociale pour lutter contre les idées reçues. Car l'action sociale n'est pas une dépense mais bel et bien un investissement dans l'humain et l'avenir ! Un exemple des initiatives soutenues par cette fondation : le projet Housing first, visant à donner un logement aux personnes atteintes de troubles psychiatriques. L'expérience montre en effet que ceux-ci s'estompent dès l'instant où ils sont logés, et que le recours à l'hospitalisation diminue.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. - Oui, l'action sociale est consubstantielle à notre pays et à notre identité, voilà la raison d'être de cette fondation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RDSE)
Surveillance des frontières
M. Stéphane Ravier . - Le 23 décembre 2016, au nom de l'État Islamique, le Tunisien Anis Amri tuait douze personnes et faisait 56 blessés sur un marché de Noël à Berlin. Débouté du droit d'asile, sans doute avait-il été qualifié par les associations de défense de réfugiés de « chance pour l'Allemagne ».
Traversant l'Allemagne, les Pays-Bas, la France et l'Italie, il a poursuivi sa cavale, ou plutôt sa balade à travers l'Europe avant d'être tué par les carabiniers italiens.
Ce laxisme a permis à des terroristes infiltrés dans les cohortes de réfugiés de faire un massacre au Bataclan ; cette idéologie d'une Europe sans frontières a déjà fait couler le sang d'innocents.
Laxisme érigé en dogme : voilà qu'en plein état d'urgence, le préfet des Bouches-du-Rhône supprime les conditions nécessaires à l'octroi par les maires d'attestation d'accueil pour les étrangers... On reste abasourdi devant tant d'aveuglement.
Même si votre CDD touche à sa fin, qu'attendez-vous pour sortir notre pays de l'espace Schengen, rétablir les frontières nationales, réformer en profondeur le droit d'asile, sachant que 96 % des déboutés restent sur notre sol, et prendre les mesures qui s'imposent pour que nos compatriotes aient droit à la première liberté, celle de la sécurité ?
M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre . - Je profite de cette question pour dire à la représentation nationale, et aux Français, la vérité sur vos votes et vos positionnements sur ces sujets.
Si l'on veut un espace européen qui protège du risque terroriste, il faut un PNR européen. Or la présidente de votre parti s'est fait nommer rapporteur pour avis afin de s'y opposer au Parlement européen ! Et vous donnez des leçons ? (Applaudissements)
À l'Assemblée nationale, une seule formation politique s'est opposée au texte mettant en oeuvre l'incrimination d'entreprise individuelle terroriste et le blocage des sites internet : la vôtre ! (Applaudissements)
De même, vous vous êtes opposés à la loi Renseignement, qui permet de détecter, sous le contrôle du juge administratif et judiciaire, les personnes présentant une menace, avec des arguments d'une totale irresponsabilité.
Vous le faites car la lutte antiterroriste se réduit pour vous à un seul objectif : stigmatiser nos compatriotes de confession musulmane et attiser les confrontations dans la société française, rejoignant en cela l'objectif de ceux qui nous frappent ! (Applaudissements)
Soyez certains qu'à chaque fois que vous tiendrez ces discours mensongers, vous aurez contre vous la vérité et la fermeté républicaines ! (Applaudissements nourris à gauche ; on applaudit aussi sur de nombreux bancs à droite et au centre)
La séance est suspendue à 17 h 40.
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
La séance reprend à 17 h 50.
Accord en CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation et simplifiant le dispositif de mise en oeuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services est parvenue à un texte commun.
Engagement de la procédure accélérée
Mme la présidente. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi autorisant l'adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 30 novembre 2016 et de la proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques, déposée sur le Bureau du Sénat le 15 décembre 2016.
Mises au point au sujet de votes
Mme Éliane Assassi. - Mme Didier, membre de mon groupe, souhaitait voter pour, non contre, à l'occasion des scrutins publics nos86 et 88 relatifs, respectivement, à l'article unique de la proposition de loi abrogeant la loi du 6 août 2016 dite loi Travail et à la proposition de résolution européenne reconnaissant l'enseignement supérieur comme un investissement d'avenir.
Mme la présidente. - Acte vous en est donné. Il en sera tenu compte dans l'analyse politique du scrutin.
M. Maurice Antiste. - Le 12 janvier, M. Gorce souhaitait s'abstenir sur l'abrogation de la loi Travail.
Mme la présidente. - Acte vous en est donné. Il en sera tenu compte dans l'analyse politique du scrutin.
Rappel au Règlement
M. Jean Louis Masson . - Les ministres mettent un retard affligeant à répondre aux questions écrites. En plus, ils répondent n'importe quoi ! Il y a six mois, compte tenu des fusions d'intercommunalité, j'ai interrogé le ministre de l'intérieur sur l'entretien des bouches d'égout. Début décembre, il a répondu qu'il relevait de l'assainissement fluvial. À l'Assemblée nationale, on a répondu à la même question, mais en quinze jours, qu'il relevait de la compétence voirie. Deux kilomètres de différence entre les deux chambres, et la réponse change de nature ; on dit le tout et son contraire !
J'ai déposé une nouvelle question écrite pour demander au ministre laquelle des deux réponses était la bonne. J'espère, cette fois-ci, qu'il ne mettra pas six mois à me répondre !
Mme la présidente. - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement.
Égalité réelle outre-mer (Procédure accélérée - Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
Discussion générale (Suite)
Mme Lana Tetuanui . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) L'intitulé du projet de loi qui nous réunit est idéaliste, voire utopique compte tenu des particularités géographiques et économiques des territoires d'outre-mer. Je retiens toutefois l'objectif honorable et vertueux de convergence. Nous avons beau habiter l'océan Pacifique, nous sommes Français et prétendons aux mêmes droits car nous respectons les mêmes devoirs inscrits dans la Déclaration des droits de l'homme.
Il est bien risqué d'attendre les dernières semaines de la législature pour présenter un texte dont le succès dépend des modalités d'application et des moyens budgétaires qui lui seront consacrés. Le constat est sévère mais indéniable.
Ce projet de loi s'appuie sur le rapport de Victorin Lurel qui a mis en exergue des écarts considérables de développement. Le Gouvernement de ma collectivité, présidé par Édouard Fritch, met tout en oeuvre pour les réduire.
La Polynésie française se distingue d'abord par le fait nucléaire, ensuite par son statut. Notre large autonomie, depuis 1984, nous place hors champ de la plus grande part de ce projet de loi - je rends d'ailleurs hommage aux parlementaires polynésiens qui se sont battus pour elle. Par solidarité, je ne m'opposerai pas aux avancées qu'il contient, notamment pour Mayotte. Quelques-unes de ses mesures sont au bénéfice de la Polynésie française : la prise en charge des frais de rapatriement ou de voyage pour le décès d'un proche, la reconnaissance de nos handicaps structurels liés à notre isolement, notre superficie et notre vulnérabilité face au changement climatique ou encore le maintien d'une offre de transports continus et réguliers avec la Métropole.
Mes amendements porteront notamment sur l'intégration du principe d'accès à la formation professionnelle - c'est une requête du patronat polynésien -, le dispositif « passeport talent » pour attirer des investisseurs ou encore la possibilité de bénéficier de l'expertise de l'ANRU.
Cela dit, je ne vous cacherai pas que les priorités de la Polynésie française sont tout autres : signature des accords de Papeete, sanctuarisation de la dotation globale d'autonomie promise par François Hollande et indemnisation des victimes des essais nucléaires.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
Mme Lana Tetuanui. - Un plan de convergence ? Pourquoi pas... Nous n'avons pas eu besoin d'une loi pour adopter, dès les années quatre-vingt-dix, un pacte de progrès. A chaque collectivité d'outre-mer sa démarche. Néanmoins, je suivrai la ministre en soulignant combien nos commissions ont amélioré le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)
M. Serge Larcher . - C'est avec émotion que je m'adresse à vous. Hasard du calendrier, je prends, peut-être, la parole dans cet hémicycle pour la dernière fois.
Le président François Hollande s'était engagé à encourager un nouveau modèle de développement de l'outre-mer. Oui, c'est en partant de nos handicaps structurels que l'on pourra mobiliser nos atouts et notre potentiel au sein de la République.
La longue conquête de l'égalité formelle n'a pas mis fin aux écarts économiques et sociaux. Les solutions insatisfaisantes apportées jusqu'ici ont alimenté le sentiment d'un outre-mer vivant sous perfusion. À ceux qui le pensent, je réponds que notre destin est lié à celui de la France. Nous étions dans les tranchées de Verdun, nous avons combattu l'arbitraire du gouvernement de Vichy, nous avons grossi les rangs de la France libre et ceux de la Résistance ; nous avons payé l'impôt du sang.
L'égalité réelle implique un changement de paradigme : mettre fin au saupoudrage de dispositifs dérogatoires pour assurer une véritable égalité des chances. L'égalité réelle rend effective l'égalité de principe.
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Marc Lebiez
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du mercredi 18 janvier 2017
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente M. Thierry Foucaud, vice-président M. Hervé Marseille, vice-président
Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac - M. Bruno Gilles
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (n°19, 2016-2017).
Rapport de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois (n°287, 2016-2017).
Texte de la commission (n°288, 2016-2017).
Avis de Mme Vivette Lopez, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°279, 2016-2017).
Avis de Mme Chantal Deseyne, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°280, 2016-2017).
Avis de M. Michel Canevet, fait au nom de la commission des finances (n°281, 2016-2017).
Avis de M. Michel Magras, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 283, 2016-2017).
Avis de M. Jean-François Mayet, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n°284, 2016-2017).