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Table des matières
Mise au point au sujet d'un vote
Rapports et avis de l'Assemblée de la Polynésie française
Débat sur l'avenir du transport ferroviaire en France
M. Alain Bertrand, au nom du groupe RDSE
Hommage à une délégation sénatoriale cambodgienne
Débat sur l'avenir du transport ferroviaire en France (Suite)
Organisme extraparlementaire (Candidatures)
M. Jacques Mézard, au nom du groupe RDSE
Organisme extraparlementaire (Nominations)
Mise au point au sujet d'un vote
Action extérieure des collectivités territoriales et coopération des outre-mer (Procédure accélérée)
Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois
Ordre du jour du jeudi 24 novembre 2016
SÉANCE
du mercredi 23 novembre 2016
24e séance de la session ordinaire 2016-2017
présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente
Secrétaires : Mme Corinne Bouchoux, M. Christian Cambon.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Michel Raison. - Sur le PLFSS, je souhaitais voter pour l'amendement n°177 rectifié, et non contre.
Mme la présidente. - Dont acte. Cette mise au point, publiée au Journal officiel, figurera dans l'analyse politique du scrutin.
Rapports et avis de l'Assemblée de la Polynésie française
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l'Assemblée de la Polynésie française, par lettre en date du 10 novembre 2016, le rapport et l'avis du 10 novembre 2016 sur le projet de loi autorisant l'adhésion de la France, pour le compte de la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna et Saint-Barthélemy, à la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; le rapport et l'avis du 10 novembre 2016 sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie relatif au statut de leurs forces ; le rapport et l'avis du 10 novembre 2016 sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Chili relatif à l'emploi rémunéré des personnes à charge des agents de missions officielles de chaque État dans l'autre et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État plurinational de Bolivie relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre.
Débat sur l'avenir du transport ferroviaire en France
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat sur l'avenir du transport ferroviaire en France.
M. Alain Bertrand, au nom du groupe RDSE . - TGV, Intercités, TER, fret, il y aurait beaucoup à dire ; je préfère parler de la desserte des territoires ruraux et hyper-ruraux. Car lorsque, d'un côté, on se demande quel record de vitesse battra le TGV entre telle métropole et telle métropole ; de l'autre, on ferme des lignes et des gares dans des territoires où l'on souffre d'un sentiment d'abandon - qui se traduit dans les urnes par les résultats détestables que l'on sait.
Les trains d'équilibre du territoire (TET), mis en place le 13 novembre 2010, devaient desservir la ruralité et l'hyper-ruralité. Or la feuille de route que le Gouvernement a annoncée en juillet dernier prévoit le transfert de la quasi-totalité d'entre eux aux régions. Seule la Normandie a signé un accord. Les TET qu'aucune collectivité ne pourra reprendre vont-ils disparaître ? Ce serait inacceptable, surtout de la part d'un gouvernement socialiste que je soutiens.
La solution serait la voiture individuelle ? Ni pour les aînés, les handicapés et les jeunes. Les cars Macron ? Ils ne desservent pas nos territoires : FlixBus a supprimé les arrêts de Guéret et de Montluçon, pas ceux de Nîmes et de Montpellier. Et la liste s'allongera.
Le rail est indispensable : là où il disparaît, c'est la République qui disparaît. Les régions n'ont pas les moyens d'entretenir les trains. Monsieur le ministre, vous avez décidé de garder dans le giron de l'État la ligne Paris-Clermont-Ferrand, mais les lignes qui la prolongent vers Béziers, « l'Aubrac », et vers Nîmes, « le Cévenol », sont quasiment condamnées. Le mois dernier, je vous ai proposé le « Trans-Massif central » : elle comporterait une partie commune entre Paris et Clermont-Ferrand, ligne sur laquelle vous avez entrepris le renouvellement du matériel roulant, puis se scinderait en deux axes, un vers l'Est et un vers l'Ouest - ces lignes sont déjà électrifiées. Quelle que soit l'idée retenue, l'État doit maintenir son engagement et demeurer chef de file. Si ce n'est pas le cas, les lignes seront fermées à terme.
Je ne méconnais ni les politiques d'aménagement du territoire menées sous la houlette du Premier ministre, ni le fait que les difficultés financières sont héritées de l'ancienne majorité, ni que la DETR a été doublée par MM. Valls et Baylet et que les contrats de ruralité ont été enfin créés à l'image des contrats de ville.
Les ruraux sont, le plus souvent, des citoyens simples et de bon sens. Et le bon sens me conduit à vous alerter, monsieur le ministre. Nous ne voulons pas être les humiliés, les sans-grades, les déclassés. Le train dont nous parlons tracte de nombreux wagons : l'accès aux services publics, à la santé, à la couverture mobile et à la couverture internet. Un seul exemple : chez nous, il faut quasiment grimper sur le clocher de l'église pour passer ses coups de fils...
Nous, les ruraux, sommes solidaires des autres politiques d'équité républicaine, celle de la ville, celle des banlieues, celle de l'équipement moderne dans les métropoles. Mais quelle ruralité pour l'avenir ? Quelle France pour demain ? Veut-on celle du nombre, de l'entassement ou bien une France équilibrée, dans tous ses territoires ?
Monsieur le ministre, c'est une question d'arbitrage politique : soit vous gardez ces TET pour seulement 300 millions d'euros sur 400 milliards de budget, soit vous les transférez aux régions et les condamnez à terme. Ce serait un délaissement programmé, volontaire, politique des Alpes, des Pyrénées, du Massif central, des Vosges et de la Bretagne... Et, s'il vous plaît, qu'on ne me déroule pas la litanie habituelle sur les mauvais chiffres des TET : pas de contrôleurs le plus souvent, sous-équipés en matériel, roulant sur des voies à demi-abandonnées à 30 kilomètres à l'heure.... De Paris à Mende, il faut compter 17 heures ! Qu'avons-nous fait pour mériter cette injustice ? Sommes-nous de mauvais citoyens ? Non ! Avons-nous versé moins de sang pour défendre notre pays ? Encore non ! Refusons-nous l'impôt? Non ! Refusons-nous notre rôle d'hinterland des urbains qui viennent chez nous se ressourcer ? Encore et toujours, non ! (Sourires)
Ne noyez pas le chien des TET : il n'a pas la rage ! On ne peut pas tuer une partie des territoires et une partie de la République ! (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Ronan Dantec . - Plus on habite loin d'une gare, plus on vote FN. Le transport ferroviaire porte non seulement des enjeux de mobilité mais aussi d'inclusion. L'abandon de la gare, c'est la relégation du territoire et de ses habitants. Le RDSE a raison : nous devons avoir ce débat, même s'il n'est pas nouveau, quand on voit qui a voté pour le Brexit et pour Trump...
Cela fait trente ans que les gouvernements annoncent la préférence ferroviaire sans que cela ne se traduise dans les moyens financiers. Résultat, la SNCF a privilégié le transport de voyageurs sur celui de marchandises, les TGV sur les lignes secondaires ; elle a abandonné les wagons isolés, les trains de nuit et l'envisage pour les TET.
Le groupe écologiste s'oppose à l'orientation qui est prise. D'abord, parce que le rail est une urgence écologique et de santé publique : les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté l'an dernier en France. Le transport représente un quart des émissions, et la route 92 % d'entre elles. Ensuite, parce que nous défendons, au nom de l'aménagement du territoire, les transports du quotidien. Le tout TGV n'est pas la solution. La ligne nouvelle Bretagne-Pays de la Loire est un exemple à ne pas suivre. Les usagers l'ont dit ; leur priorité était plutôt Brest-Quimper, Nantes-Bordeaux ou Auray-Saint-Brieuc.
Entre 1995 et 2013, 110 000 kilomètres de route ont été construits, soit une hausse de 11 % en moins de vingt ans alors que le réseau ferroviaire s'est résorbé de 6 %. La ligne Brive-Aurillac, que je connais bien, est en travaux, quand rouvrira-t-elle ? La moitié des trains de nuit ont été supprimés à l'automne ; les PME ne s'installeront plus dans les villes moyennes qui ne sont plus desservies. Ce coût-là, on oublie souvent de l'intégrer.
Où trouver des financements ? Comment ramener les voyageurs de l'aérien vers le train ? L'avion est bien plus subventionné avec la détaxation du kérosène ; c'est une distorsion de concurrence. Il faut une péréquation nationale et régionale, les métropoles doivent mettre la richesse au service des villes moyennes. La dette ferroviaire devrait être dans le budget de la Nation puisque la SNCF remplit une mission de service public. Nous mesurons le coût de l'abandon de l'écotaxe... Oui, ce grand débat, nous devions le tenir aujourd'hui (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Yves Roux . - Je suis issu d'un des très rares départements de métropole qui n'est pas lié à la capitale par le train. Je ne pourrais donc pas détailler les dysfonctionnements de ma ligne ou me féliciter des initiatives locales qui ont amélioré la situation...
La dette, la régionalisation, l'ouverture à la concurrence, la montée en puissance des transports collaboratifs, le défi industriel d'Alstom, le défi environnemental de l'accord de Paris, un changement brutal de la stratégie nationale serait contre-productif, de même qu'un désengagement financier. La péréquation est une nécessité absolue. L'Arafer doit avoir les moyens de fonctionner. La loi sur le transport ferroviaire de 2014 a constitué une étape déterminante ; dans leur rapport sur son application, les députés demandent un plan pluriannuel d'investissement. Je souscris totalement à cette proposition.
Le plus grand danger est le désamour des usagers pour le rail. Une enveloppe de 2,6 milliards en 2016 a permis de supprimer des ralentissements. Le confort et le rapport qualité-prix doivent être améliorés pour que nos concitoyens ne se tournent pas davantage vers le covoiturage ou l'avion low cost.
Quatre-vingts ans après la création des congés payés, quelle tristesse de voir que le train est devenu trop cher. La gamme existante pour l'industrie ferroviaire est trop limitée ! Elle devrait prévoir des trains calibrés pour les lignes régionales.
Malgré l'engagement répété des pouvoirs publics, le fret ferroviaire ne progresse pas. L'Union européenne avait fixé un objectif d'une progression de 50 % à l'horizon 2050. D'après un rapport de la Cour des comptes de l'Union européenne, l'Allemagne a réussi à augmenter sa part de 5 % de mi-2014 à mi-2015, quand la France, elle, se maintient à 19 %.
Notre industrie ferroviaire dispose de grands atouts. Le prochain défi, c'est donner aux opérateurs les moyens de faire les investissements nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
Hommage à une délégation sénatoriale cambodgienne
Mme la présidente. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) J'ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de sénateurs du Cambodge, conduite par Mme Ty Borasy, présidente de la commission des affaires étrangères et de la coopération internationale du Sénat cambodgien.
La délégation effectue actuellement un séjour d'étude en France sur les thèmes des collectivités territoriales, du développement économique local, de l'aménagement du territoire et de la politique en faveur des petites et moyennes entreprises.
Après une journée d'entretiens au Sénat lundi, elle a été reçue hier en Seine-et-Marne par notre collègue M. Vincent Éblé, président de notre groupe d'amitié France-Cambodge. Elle a pu notamment y découvrir les activités de la Chambre de métiers et de l'artisanat et visiter deux centres de formation d'apprentis.
La délégation vient d'être reçue à déjeuner par les membres du groupe d'amitié à l'invitation de nos collègues M. Vincent Éblé et Mme Catherine Tasca, présidente déléguée.
Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt que la délégation porte à notre institution dans le cadre des relations anciennes et fructueuses entre nos deux assemblées.
Au nom du Sénat de la République, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des voeux pour que son séjour en France lui soit profitable et contribue à renforcer encore les liens qui unissent nos deux pays. (Applaudissements)
Débat sur l'avenir du transport ferroviaire en France (Suite)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Je porterai non seulement la parole du groupe Les Républicains mais aussi les conclusions du groupe de travail de la commission des finances consacré au financement des infrastructures de transport.
Premièrement, l'urgence absolue d'engager la régénération de nos lignes structurantes. Notre patrimoine est exceptionnel mais en déshérence. À force de tout miser sur le TGV, on a négligé les autres lignes. L'âge moyen de notre réseau est de 32 ans. Conséquence, des retards et une sécurité qui n'est pas assurée, on l'a vu avec l'accident de Brétigny-sur-Orge.
La tâche est colossale. Après des décennies de sous-investissement, le Gouvernement a dégagé des crédits pour les lignes les plus circulées. Il faudrait un à deux milliards d'euros supplémentaires par an pour la régénération de lignes, soit 3,5 à 4,5 milliards d'euros annuels pendant quinze ans. Pour cela, il est inévitable que l'État gèle toute participation aux lignes LGV, cela n'empêchera ni l'Europe ni des collectivités territoriales de financer des études. Je sais que cette position, même si elle est de plus en plus partagée, ne fait pas l'unanimité.
Deuxièmement, la situation dégradée de SNCF Réseau. Malgré la loi de 2014, la dette continue de peser : elle atteint 44 milliards d'euros ; les intérêts grèvent les finances de la SNCF de 1,2 milliard par an. Le fardeau est trop lourd à porter. Le Gouvernement refuse d'envisager sa reprise, même partielle. Mais il faut trouver une solution d'autant que l'on décide déjà de déroger à la règle d'or pour le Charles-de-Gaulle Express.
Troisièmement, les TET. Leur délégation aux régions, quand des synergies sont possibles avec les TER, est judicieuse.
Enfin, il faut nous préparer à l'ouverture à la concurrence, en la rendant la plus saine possible. Nous devrons renforcer l'indépendance du gestionnaire des gares : la question de la transformation de SNCF Mobilités en société anonyme est posée. Je ne vois pas, enfin, comment on ne pourrait pas rouvrir la question du cadre social du personnel de la SNCF. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Évelyne Didier . - L'avenir du rail inquiète élus, usagers et salariés. C'est une alternative crédible à la route et à l'aérien pour une économie décarbonée. Mais l'endettement massif de l'opérateur et le désinvestissement de l'État interrogent la viabilité de notre modèle ferroviaire. Il manque 11,8 milliards d'euros à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), selon la Cour des comptes.
À partir de 1827, la France a développé son réseau en fonction de l'industrie. Dès les années 1920, on constatait que toutes les compagnies étaient en déficit. La dette atteignait 37 milliards de francs en 1936 et la solution fut la nationalisation en 1937. Il y a quatre-vingts ans, la puissance publique a donc su faire le choix de la reprise de la dette ferroviaire.
Nous nous acheminons vers une situation semblable à celle d'avant 1937 : réseau morcelé, investissements confiés au privé avec les partenariats public-privé, lignes abandonnées parce qu'on leur demande d'être chacune rentable - un non-sens ! Quand l'heure sera venue de tirer le bilan, nous verrons que cela a coûté beaucoup trop cher à tout le monde.
Le développement à l'international est devenu la priorité, alors que la financiarisation joue contre notre industrie. On annonce 28 000 suppressions de postes dans les sept ans à venir, comme si cela pouvait résoudre les problèmes.
Il faut réorienter la politique ferroviaire nationale. Il faut programmer des lois pluriannuelles d'investissement. Il faut, comme en Allemagne, ôter la dette à SNCF Réseau, ce qui desserrerait l'emprise des banques qui gagnent 1,7 milliard d'euros d'intérêts chaque année.
Aménagement du territoire, développement durable, tout plaide pour une maîtrise publique du secteur ferroviaire que nous pourrions financer par la généralisation du versement transport, la création d'une écotaxe gérée par le service des douanes, le retour des autoroutes dans le giron de l'État et la suppression des avantages fiscaux indus de la route et du rail.
Accompagnons l'industrie, et pas les marchés - comme je l'entends trop souvent dire. Voici la responsabilité économique et sociale qui est la nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et républicain et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
M. Jacques Mézard . - Le train cherche sa voie. (Sourires) Le sujet, c'est l'aménagement du territoire. La situation actuelle, plus que préoccupante, est la résultante de longues années d'errance : la dette de SNCF Réseau atteint 44 milliards d'euros.
Alain Bertrand a excellemment parlé de la mauvaise desserte des territoires ruraux, Ronan Dantec a souligné les conséquences des fermetures de gare sur les urnes. Mais, partout, et y compris dans les grandes agglomérations, les voyageurs trouvent de plus en plus insupportables les conditions dans lesquelles on les fait voyager.
Nous n'avons pas demandé ce débat, monsieur le ministre, pour faire le procès de votre politique : vous vous êtes toujours montré à l'écoute des alertes que nous vous lancions. Nous l'avons fait pour vous demander une vision programmatique et une plus grande concertation entre l'État et les régions. Les incohérences entre les CPER sont flagrantes : trois engagements différents pour le train qui traverse mon territoire. Nous n'allons pas couper sa circulation aux frontières administratives !
L'État n'aurait jamais dû quitter son rôle : celui de tracer les grandes lignes. Je ne remets pas en cause le choix des TGV. Mais il faut prioriser. Des lignes coupées l'automne pendant des mois à cause des feuilles mortes... Nos concitoyens se demandent si la République progresse !
Mme Évelyne Didier. - C'est parce qu'il n'y a plus de fret !
M. Jacques Mézard. - Nous ne pouvons pas accepter que le train fonctionne moins bien qu'il y a vingt ou trente ans. S'il faut fermer des lignes, dites-le clairement ! Quand la SNCF nous annonce un besoin de cent millions d'euros pour éviter une sortie de voie dans le Cantal : où les trouve-t-on ? Si nous n'avons plus de routes ni de trains, que fait-on ?
Mme Françoise Laborde. - Du vélo !
M. Jacques Mézard. - Sans vouloir fâcher M. Dantec, tout le monde ne peut pas prendre le vélo ! Nous ne pouvons pas nous passer de l'État, de sa parole et de son engagement ! (Applaudissements)
M. Hervé Maurey . - Je suis particulièrement sensible à ce sujet en ma qualité de président de la commission de l'aménagement du territoire du Sénat et de représentant de notre assemblée au conseil de surveillance de la SNCF.
La dette ferroviaire, à cinquante milliards d'euros, croît de trois milliards par an. L'écart de productivité entre notre entreprise nationale et ses concurrents étrangers est de 25 à 30 %. L'âge moyen des voies est de 33 ans, contre 17 ans en Allemagne, ce qui dégrade service et sécurité. La concurrence de l'autocar et du covoiturage est de plus en plus réelle.
Le Gouvernement a clamé le retour de l'État stratège ; mais Gilles Savary, député socialiste, l'a dit : l'État est aux abonnés absents. La dernière réforme a été avortée : à cause de quelques manifestations et de la mobilisation contre la loi Travail, l'État a demandé à la direction de la SNCF de capituler sur la réforme sociale, faisant disparaître ses chances de remonter la pente.
L'ouverture à la concurrence arrive, il faut la préparer. Attention à ne pas répéter les erreurs que nous avons commises pour le fret. Le Gouvernement s'est longtemps réfugié derrière les négociations européennes sur le paquet ferroviaire. Désormais, les dates sont connues. Soit, il faut évoquer le sort des personnes et la reprise du matériel. Mais on ne peut pas imposer aux nouveaux entrants d'employer des agents dans les mêmes conditions ! La concurrence doit être un aiguillon.
La loi de 2014 prévoyait la signature d'un contrat de performance entre l'État et la SNCF ainsi qu'une règle d'or pour limiter la dette. Deux ans plus tard, le décret d'application sur la contractualisation n'est pas sorti et l'on fait une dérogation à la règle d'or pour CDG Express.
D'autres promesses de la loi de 2014 n'ont pas été tenues : aucun effort de productivité n'est observé grâce à la mutualisation, l'étanchéité entre le gestionnaire d'infrastructures et le gestionnaire des services ferroviaires n'est pas totale, un doute plane sur le rattachement des gares à SNCF Mobilités - nous attendons toujours le rapport qui était prévu pour cet été par la loi de 2014 sur ce dernier sujet.
Malgré les alertes lancées par notre commission, l'État n'a rien fait pour notre industrie ferroviaire avant de commander, en pleine crise d'Alstom, vingt-deux rames TGV pour des lignes limitées à 250 kilomètres/heure, et de forcer la SNCF à commander six rames TGV pour une ligne Lyon-Turin qui ne sera ouverte au mieux qu'en 2030.
Il faut nous préparer à la concurrence : rouvrir les négociations sociales, signer les contrats de performance et publier les décrets sur la règle d'or. Ce n'est qu'ainsi que le transport ferroviaire aura un avenir.
M. Philippe Madrelle . - En 2011, les Assises du ferroviaire s'alarmaient des 25,5 milliards d'euros d'endettement du système ferroviaire, avec une dérive annuelle de 1,1 milliard d'euros. Curieusement, elles ne s'inquiétaient pas de l'état catastrophique du réseau, souligné pourtant dans deux rapports par l'École polytechnique de Lausanne.
Et il ne se passa rien... Le Gouvernement Fillon a laissé à ses successeurs l'héritage empoisonné de quatre chantiers (Exclamations à droite) de TGV simultanés, entraînant une hausse de la dette de 3,5 milliards d'euros par an... Et cette politique du tout-TGV de Nicolas Sarkozy a creusé la dette ferroviaire qui se monte aujourd'hui à 50,5 milliards d'euros... (Exclamations à droite)
M. Alain Gournac. - Elle continue à se creuser cinq ans après !
M. Ladislas Poniatowski. - En tout cas, la parenthèse est bientôt fermée ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain, où l'on invite à laisser parler l'orateur)
M. Philippe Madrelle. - Le Gouvernement Ayrault a mené une réforme ambitieuse et avec pour objectifs de stabiliser la dette et de réformer la gouvernance. C'est la loi du 4 août 2014. Le Gouvernement Valls a ensuite engagé des efforts de régénération du réseau, conformément au rapport de Philippe Duron. L'effort de l'État a plus que doublé. Il doit être poursuivi.
Le rail est le mode de transport le plus compatible avec nos engagements à la COP21, mais il exige des capitaux lourds et subit la concurrence de l'aérien low cost et du covoiturage interurbain. La grande vitesse à la française, techniquement gratifiante, n'est plus guère tenable. Le Gouvernement a fait le choix courageux de limiter la casse, tout en conservant un objectif d'aménagement du territoire.
Un effort gigantesque de mise à niveau du réseau francilien est engagé. Le fret, lui, recule du fait, notamment, des réseaux laissés trop longtemps sans entretien. Malgré ces efforts, 4 000 kilomètres de lignes du réseau historique subissent encore des ralentissements de circulation.
Les usagers ont pris le pouvoir sur les ingénieurs. Nos concitoyens veulent voyager plus et moins cher plutôt que moins et plus vite. Monsieur le ministre, quel bilan faites-vous de la réforme ferroviaire ? Quid de la séparation entre le réseau et l'exploitation ? Quid de l'application de la règle d'or ? Pourquoi l'exception pour le Charles de Gaulle Express ? Quid, enfin, des investissements dans la grande vitesse ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Louis Nègre . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le ferroviaire s'enfonce toujours plus dans la crise. Merci au groupe RDSE de nous donner l'occasion d'en débattre.
La dette de la SNCF, 50 milliards d'euros aujourd'hui, 60 milliards d'euros en 2025, obère l'avenir. La règle d'or est balayée à la première occasion : 300 millions d'euros de dette en plus pour le CDG Express, c'est une atteinte grave à la crédibilité du Parlement, nous ne pouvons vous suivre. (M. Jacques Legendre applaudit)
Où est l'État stratège que nous appelons tous de nos voeux ? L'âge moyen de notre réseau est de 33 ans, au lieu de 17 chez nos voisins allemands. Et il continue de vieillir ; nous avons connus les premiers accidents mortels depuis 20 ans.
Mais Bercy ponctionne les deux centimes votés en 2015 en faveur de l'AFITF : c'est une politique de Gribouille. Votre gestion du dossier Alstom l'illustre. Nous vous avions alertés ; aujourd'hui il vous faut acheter à la dernière minute des TGV qui coûtent deux fois plus chers que des Intercités - pour rouler sur des lignes Intercités.... Où est la logique ? Sans État-stratège, pas de politique claire, cohérente, favorable à notre industrie, la troisième au monde.
Notre vision est optimiste, pourtant ; elle passe par l'assainissement financier de SNCF Réseau, par un système de financement stabilisé, par l'ouverture à la concurrence. Les usagers sont les naufragés de la politique actuelle. Sans réforme du cadre social obsolète, nous irions contre notre passé de grande nation ferroviaire.
Mme Évelyne Didier. - Pour vous, c'est toujours la faute des salariés !
M. Louis Nègre. - Nous croyons plus que jamais au ferroviaire pour répondre à la demande exponentielle de déplacements : c'est un acte de foi, mais réaliste. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Brigitte Micouleau . - Comment imaginer la France sans TGV entre Paris et Lyon ? Comment réagiraient les Marseillais, les Lillois, les Strasbourgeois si on leur disait que les liaisons TGV avec Paris s'arrêtent ? Je pose le problème de la desserte à grande vitesse de Toulouse. Quatrième ville de France, elle accueille 17 000 nouveaux habitants par an ; son agglomération serait la seule à être exclus du réseau à grande vitesse ? Est-ce équitable, fair-play, même, dans la concurrence entre métropoles françaises et européennes ? Avec la LGV Bordeaux-Toulouse, nous serions à 3h10 de Paris-Montparnasse, contre plus de 5 heures aujourd'hui - la commission Mobilité 21 le demandait.
Quel modèle économique pour la ligne Bordeaux-Toulouse ? Celui de la ligne Tours-Bordeaux a montré ses limites, tout le monde en est d'accord. Faire appel aux collectivités territoriales ? C'est un défi qu'entendent relever Bordeaux, Toulouse, les régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie ; un groupe de travail ministériel a été créé, qui fera ses propositions d'ici l'été. Je suis convaincue qu'un modèle original en sortira, pour une mise en service en 2024. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Michel Raison . - Merci au RDSE pour ce débat qui concerne directement l'aménagement du territoire. Peut-on se passer des échanges à l'intérieur de notre pays ? Le monde urbain et le monde rural ne s'opposent pas, les deux doivent être reliés pour que la France soit puissante - sur le plan économique comme sur celui du bien-être.
Première inquiétude : la dette de 50 milliards d'euros et l'AFITF privée d'un milliard d'euros par la décision désastreuse de Mme Royal d'abandonner l'écotaxe. Seules les régions les plus riches auront les moyens de la rétablir si elles le souhaitent - à rebours de l'aménagement du territoire....
Deuxième inquiétude : une sélection « plus rigoureuse » des projets, comme on dit - l'écart se creusera encore entre les régions.
Troisième inquiétude : la disparition en rase campagne d'un certain nombre de TET. Les régions prennent le sujet à bras-le-corps, mais c'est qu'elles n'ont pas le choix. Paris-Belfort-Mulhouse, déficit : 30 millions d'euros, participation de l'État, 13 millions d'euros... Comment les régions pourront-elles tenir ? Le seul avenir des TET est-il de devenir des TER - et notre territoire national de se fragmenter ? (Applaudissements au centre et à droite et sur plusieurs bancs du groupe RDSE ; M. Ronan Dantec applaudit aussi)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Merci au RDSE pour ce débat passionnant et politique parce qu'il concerne directement les mobilités, c'est-à-dire le déplacement quotidien de millions de nos concitoyens. J'espère qu'il sera à sa place dans les débats politiques des mois qui viennent.
Deux ans après la réforme ferroviaire et alors que l'ouverture à la concurrence se profile, le système ferroviaire est à la croisée des chemins. Il est sain que la Représentation nationale en débatte, sans oublier, par exemple que les droits de passage des TER sont payés par l'État : 1,4 milliard d'euros par an et cela ne concerne pas la région parisienne. La solidarité nationale est au rendez-vous.
La commande de six rames à Alstom, monsieur Maurey, n'est pas destinée au Lyon-Turin, mais à la ligne Paris-Milan-Turin qui lui préexiste.
Le rail a tout son rôle à jouer pour la transition énergétique, conformément à nos engagements de la COP21. Là aussi, regardons les faits. L'État stratège ? L'AFITF gère 2,1 milliards d'euros venus de la route, qu'elle affecte à 80 % au rail et au fluvial : voilà une véritable stratégie de long terme.
La révolution numérique, ensuite, permet de nouvelles formes de mobilité, comme le covoiturage, vous l'avez dit ; elle est un problème mais aussi une solution, grâce aux marges d'efficacité et de compétitivité qu'elle dégage.
L'ouverture à la concurrence ne résulte pas de la seule décision de la France. Les échéances sont connues, 2020 pour le réseau commercial, 2023 pour le réseau concédé. Nos voisins sont dans une situation comparable à la nôtre. L'ouverture du réseau concédé en 2023 exigera une décision du concédant, il faut s'y préparer. Comment ? J'ai engagé un travail avec les régions, préalable à l'expérimentation de 2018-2019, pour définir les lignes concernées - en évitant de n'ouvrir à la concurrence que les lignes rentables - et réfléchir au statut des personnels si l'opérateur historique n'est pas choisi ; j'entends dire que ce ne saurait être l'actuel statut des cheminots...
Pour les gares, le Parlement sera saisi d'un rapport qui laissera ouverte une alternative : soit un nouvel Epic, soit une nouvelle filiale de SNCF Réseau. La réforme ferroviaire doit remettre l'opérateur historique sur une trajectoire vertueuse, vers un retour à l'équilibre économique. La naissance du nouveau groupe public à l'été 2015 montre que le défi peut être relevé. Un nouveau cadre social harmonisé de haut niveau a été adopté ; nous sommes passés d'un système réglementaire, régi par décret, à un système conventionnel - avec l'accord des organisations professionnelles.
Sur le fret, du reste, la différence de compétitivité de 20 à 25 % entre le public et le privé a été réduite de moitié grâce à l'accord de branche.
Des contrats de performance entre l'État et l'opérateur, décennaux mais actualisés tous les trois ans, encadreront la modernisation du groupe public. Ils seront bientôt finalisés. Le rapport stratégique d'orientation prévu par la loi de 2014 a été soumis le 14 septembre dernier au Haut Comité du système de transport ferroviaire, vous en aurez connaissance avec les avis des organisations représentées.
Quelles sont nos priorités ? D'abord, la sécurité, qui n'est jamais définitivement acquise - il y aura un avant et un après Brétigny. J'ai créé un comité de suivi qui doit s'assurer de la mobilisation de tous et travaille dans la transparence. Le réseau vieillit, résultat des décisions passées qui ont joué contre la maintenance, c'est-à-dire l'entretien quotidien et la régénération des lignes. Nous étions tombés à 3 milliards de crédits affectés presque exclusivement aux travaux d'urgence - sur la route, on dirait : au bouchage des trous - au détriment de la régénération. Quand on parle d'État stratège...
Nous avons rompu avec cette stratégie. Dans le projet de loi de finances pour 2017, les crédits pour la régénération sont pour la première fois supérieurs à ceux de la maintenance ordinaire ; il faudra maintenir cet effort plusieurs années, faute de quoi il faudra fermer des lignes... C'est une question politique majeure. Les contrats de performances préciseront la trajectoire, le Gouvernement proposera d'augmenter de 100 millions d'euros par an l'effort de régénération.
Les TET... Des choix de compétences et un redécoupage des régions ont été faits. Avec les grandes régions, la différence entre un TET et un TER sur le même parcours s'efface. C'est pourquoi nous avons engagé le débat avec les régions, une fois identifiées les lignes, interrégionales, qui sont structurantes et relèvent de l'État. L'État propose de renouveler les matériels, une enveloppe de 2,5 milliards d'euros au total et il accompagne les régions pour une partie du déficit ; en contrepartie elles reprennent les lignes. Un accord a été signé avec la Normandie et le Grand Est, nous en sommes près avec la Nouvelle-Aquitaine. Nous parlons de 410 millions d'euro de déficit par an pour l'État... Je suis convaincu que d'ici six ou sept ans chacun verra que c'était le bon chemin.
En 2015, le fret ferroviaire a progressé plus que la route et que le fluvial ; sa part dans le transport de marchandises est un peu remontée au-dessus de 10 %.
Le ferroviaire est déjà dans la concurrence entre modes de transports, arbitrés par le client, l'usager selon le prix, la ponctualité, le confort. L'opérateur historique a fait des propositions tarifaires. Il faut aussi parler de la sureté.
Un mot du fret encore... Si les entreprises, en bout de ligne, peuvent rejoindre les réseaux, elles utiliseront plus facilement le ferroviaire que la route. Le capillaire est déterminant ; pour progresser, nous avons travaillé sur les normes de ces voies en concertation avec tous les acteurs.
La dette s'est considérablement accrue lors du financement des lignes grande vitesse. Une reprise, un cantonnement ont été envisagés. La dette obère-t-elle aujourd'hui la capacité d'investissement ? Non, parce que les taux sont très bas ; le rapport qui vous sera transmis précise pourquoi il a été décidé d'en rester au système actuel, avec cependant une clause de revoyure.
C'est dans ce contexte qu'il faut examiner aussi l'application de la règle d'or. Nous avons en réalité un débat sur la deuxième exception à une deuxième règle d''or... Nous verrons ce qui sortira de la navette... Le Gouvernement a adressé le décret au Conseil d'État, lequel a demandé l'avis de l'Arafer, dont le collège doit se prononcer aujourd'hui même. SNCF Réseau ne financera plus la construction de nouvelles infrastructures : il faudra d'autres modes de financement.
M. Pierre-Yves Collombat. - Souscription, tombola ? (Sourires)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Au travers de l'AFITF, il faudra trouver 800 millions de ressources nouvelles par an pour financer les infrastructures programmées. Où ? La TICPE rapporte 1,1 milliard d'euros mais seuls 735 millions d'euros vont à l'AFITF. Sans être adepte de la politique du sapeur Camember, il y a là une marge d'action. (M. Louis Nègre applaudit)
Des régions connaissent des difficultés particulières, par exemple lorsque le train est la seule réponse aux besoins de mobilité - c'est le cas du Cévenol. La commission Duron, pluraliste, est toujours notre base de travail.
Merci de ce débat, j'espère que ces questions passionnantes ne manqueront pas d'être abordées, dans le débat public, au cours des mois à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
La séance est suspendue quelques instants.
Organisme extraparlementaire (Candidatures)
Mme la présidente. - Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence française de la biodiversité.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a proposé les candidatures de M. Jérôme Bignon et de Mme Nicole Bonnefoy.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
CMP (Candidatures)
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente, d'une part, à la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle ; d'autre part, à la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes.
Ces listes ont été publiées conformément à l'article 12, alinéa 4, du Règlement et seront ratifiées si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.
Débat sur l'élevage
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème « Sauvegarde et valorisation de la filière élevage », à la demande du groupe RDSE.
M. Jacques Mézard, au nom du groupe RDSE . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Didier Guillaume applaudit aussi) Le Sénat représentant les collectivités locales et les territoires, deux sujets au coeur des préoccupations des Français, on ne s'étonnera pas que ce débat sur l'élevage succède au précédent sur le rail.
L'élevage traverse une crise grave, qu'on peut qualifier de sans précédent, en raison d'une accumulation de difficultés. Les mesures nationales et européennes n'ont pas suffi à garantir les prix payés aux producteurs, qui se sont effondrés.
Le lait - sauf peut-être la poudre de lait, qui se négocie mieux - est loin d'être rétabli. Dans vingt ans, si rien n'est fait, la France ne comptera plus que 30 000 éleveurs laitiers, moitié moins qu'aujourd'hui.
Un drame silencieux se joue dans nos campagnes : une ferme qui disparaît, c'est un coup porté au territoire. Beaucoup s'arrêtent, plutôt que de ne pas vivre de leur travail.
Au-delà des plans d'urgence, il faut une vision stratégique, une planification pour que la France reste une grande Nation agricole. C'est pourquoi le groupe RDSE a souhaité ce débat. Au sein de notre agriculture, l'élevage représente 37 % de la production. Les éleveurs ne comptent pas leurs heures, investissent, pour finalement vendre à perte.
Une telle injustice suscite la colère, comme à l'été 2015. Vous y avez apporté des réponses, monsieur le ministre, dès juillet puis septembre 2015, avec deux plans de soutien à l'élevage, puis cette année encore, le 6 octobre dernier, avec le pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles, qui concerne aussi les producteurs de céréales, en difficulté en raison des intempéries de cet été.
Parmi les mesures prises de plus longue date, la baisse de dix points de charges permet aussi de redresser la compétitivité de nos éleveurs - sans mettre fin au dumping lié au recours à des travailleurs détachés en provenance des voisins de l'est de l'Allemagne. L'harmonisation fiscale et sociale doit se poursuivre en Europe.
L'heure est aussi à un moratoire sur les normes. La commission des affaires économiques recommande leur simplification et leur allègement, les éleveurs doivent y être associés.
Sur le bien-être animal, sachons raison garder. Les éleveurs sont ouverts à la question, ne soyons pas otages de quelques groupes militants qui ont moins de sollicitude à l'égard des éleveurs qui se suicident...
Pour que la France reste compétitive, il faut encourager la modernisation des exploitations, alléger les lourdeurs administratives liées à une application zélée du principe de précaution, soutenir l'exportation, et je salue la mise en oeuvre cette semaine du dispositif de court terme à l'exportation de produits agricoles et agroalimentaires vers l'Algérie, le Liban et l'Égypte.
Il convient aussi de soutenir les filières de proximité, la qualité liée aux petites structures qui font vivre le territoire. Les produits carnés français sont réputés pour leur traçabilité. Les éleveurs de race locale vendent mieux leurs produits. L'étiquetage ne doit pas en rester au stade de l'expérimentation !
Un meilleur partage de la valeur ajoutée s'impose : on l'a vu avec l'affaire Lactalis. Les agriculteurs sont le maillon faible dans les négociations commerciales, comme le dit le commissaire Phil Hogan, comme face aux distributeurs.
La loi Sapin II va plus loin que la loi de modernisation de l'agriculture, nous nous réjouissons de ses avancées. En attendant, souhaitons une ouverture lors du comité des relations commerciales de décembre.
L'Union européenne manque à ses devoirs. Les Allemands s'empêtrent dans des postures politiques : je pense à l'embargo russe. Elle manque à ses devoirs lorsqu'elle ne protège pas ses éleveurs de l'arrivée massive de viande canadienne, avec le Ceta. La dérégulation a aussi montré ses limites, avec la fin des quotas laitiers.
Les électeurs... (Sourires) je veux dire les éleveurs, souhaitons qu'ils ne boudent pas les urnes pour marquer leur mécontentement ! Bref, nous leur devons plus d'attention. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
M. Henri Cabanel . - L'agriculture française a été fortement éprouvée par les crises économiques, climatiques, sanitaires ces dernières années. Les éleveurs, en particulier, sont déboussolés, malgré des plans d'aide sans précédent au cours du quinquennat.
La PAC n'assume plus son rôle. La libéralisation effrénée est une catastrophe : la fin des quotas laitiers a plongé les éleveurs dans un monde sans loi, et les prix se sont effondrés. Surproduction oblige, des milliers de vaches laitières ont été abattues, ce qui a fait fondre les prix de la viande... Notre proposition de loi, ce printemps, a été votée à l'unanimité par le Sénat.
La modernisation indispensable des exploitations est freinée par leur sous-capitalisation. La méthanisation doit aussi être encouragée, le Gouvernement a dessiné des pistes.
Autre chantier : la différenciation qualitative. Il faut développer les circuits courts, les labels, sans que cela entraîne un coût exorbitant pour les consommateurs. Des éleveurs de l'Hérault vendent directement au consommateur, redonnant vie par la même occasion au seul abattoir public du département - celui de Pézenas, dont la réputation avait tant souffert de la vidéo publiée par l'association L214.
Quant à la question du bien-être animal, mettons en avant comme vous le faites, monsieur le ministre, les établissements qui font des efforts en sa faveur, par la formation du personnel entre autres choses.
Au-delà de la survie de nos paysans, il s'agit d'assurer notre autosuffisance alimentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur ceux des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste)
M. Alain Marc . - Les défis à relever sont nombreux pour les éleveurs qui, pourtant, créent chaque jour de la valeur ajoutée, nous nourrissent, exportent, dynamisent les territoires.
L'élevage de ruminants est pratiqué dans une exploitation sur deux, et le cheptel bovin français est le premier d'Europe. C'est un métier passion, à trois cent soixante-cinq jours par an. Hélas, 40 % de nos producteurs laitiers ont disparu en dix ans, et les revenus des éleveurs sont les plus faibles de la profession. Il faut leur assurer un revenu décent.
Le projet de TTIP menace nos éleveurs, quand on sait que les éleveurs américains nourrissent leurs vaches aux OGM, aux hormones et aux antibiotiques, dans des exploitations de 32 000 bêtes - on est loin de la fameuse ferme des 1 000 vaches qui a tant défrayé la chronique chez nous...
En France, chaque animal est tracé, les pratiques rigoureusement contrôlées, ce n'est pas le cas aux États-Unis. Plus de 50 000 emplois, en France, seraient menacés par cet accord - et que dire du Ceta ?
Je veux vous interpeller sur l'accumulation des normes et la propension française à surtransposer le droit européen, qui écrasent nos éleveurs. Monsieur le ministre, qu'attendez-vous pour protéger nos éleveurs, pour prendre vos responsabilités ? (Applaudissements à droite)
M. Michel Le Scouarnec . - Malgré d'utiles mesures d'urgence, l'élevage traverse une crise profonde. Il faut sauver ce pan de notre agriculture et de notre patrimoine. Les prix ont tellement baissé que nos éleveurs ne s'en sortent plus. La déréglementation des relations commerciales les a ruinés, alors que les marges de la grande distribution explosent. Même Xavier Beulin considère que le tout-marché ne fonctionne pas et qu'il faut revoir la PAC.
Il est urgent de garantir un prix de vente rémunérateur pour les producteurs, grâce à un coefficient direct qui lie le prix au prix de vente au consommateur. Le système du quantum a fonctionné longtemps après sa mise en place en 1945. Selon ce système, les cinquante premiers quintaux de la production de blé sont vendus au prix fort, le reste étant laissé au marché, fonctionne encore aux États-Unis pour les jeunes bovins. Qu'attendons-nous pour y revenir ?
Le libéralisme à tout crin est voué à l'échec. Plutôt que de nous rendre dépendants des marchés extérieurs, que ne faisons-nous pousser en Europe des espèces telles que le soja argentin ou le maïs brésilien, selon des normes exigeantes !
De même, il faut soutenir davantage les jeunes qui s'installent. La nouvelle surprime est conditionnée à un investissement de 200 000 euros, n'est-ce pas une erreur, en pleine crise que d'inciter à l'endettement ?
Plus de 500 agriculteurs se sont installés cette année en Bretagne. Chambres d'agriculture, région, jeunes agricultures proposent un accompagnement qui va jusqu'au plan de professionnalisation personnalisé, gage de réussite. Inspirons-nous de ces exemples locaux ! C'est aussi une façon de lutter contre l'isolement, l'individualisme. Nous croyons à la dimension collective, à la solidarité, à l'humain qui doit rester au coeur de tout. (Applaudissements à gauche)
M. Joël Labbé. - Belle conclusion !
M. Jean-Claude Requier . - Il fallait que la situation fût particulièrement grave pour que les éleveurs, passionnés par leur métier, quittent leur exploitation pour descendre dans la rue à l'été 2015. Comme le disait Jean-Pierre Coffe : jardiner n'est pas une contrainte, mais l'élevage est un esclavage.
Où en sont nos filières ? Le porc français s'essouffle, contrairement à ses voisins, et alors que les Russes, sous embargo, construisent des porcheries à tour de bras. Le lait souffre tout particulièrement depuis la fin des quotas laitiers ; le boeuf reste dans un équilibre fragile.
La sauvegarde de l'élevage passe par une véritable stratégie, voire une planification. La filière a intérêt à développer ses labels pour valoriser ses produits : la création du logo « Viandes de France » est un exemple, mais il faut avancer vers l'étiquetage obligatoire.
M. Stéphane Le Foll, ministre. - C'est fait.
M. Jean-Claude Requier. - Les marges ensuite. La grande distribution a reconstitué les siennes au détriment des éleveurs, et le rapport de force reste très défavorable à ces derniers.
Il faut aussi alléger les normes, ne pas aller au-delà des recommandations européennes. « Retrouver le chemin du bon sens », comme disait Daniel Dubois. Dans le Lot, où vous vous rendez demain, monsieur le ministre, 111 communes sortiraient de zone défavorisée. Ce qui ferait perdre 9 millions d'euros par an et mettrait en danger 1 300 exploitations. Il existe des réalités locales, montagnardes, que la nouvelle carte ne doit pas oublier.
L'élevage, ce sont avant tout des femmes et des hommes à qui il faut redonner espoir. (Applaudissements)
Mme Anne-Catherine Loisier . - Le sociologue François Purseigle disait de l'élevage français, qu'il était « aujourd'hui effacé, éclaté, fragilisé, économiquement assujetti, socialement déclassé ». Beaucoup d'éleveurs ne vivent plus de leur travail ; il y a danger. L'élevage pourrait disparaître comme hier la métallurgie ou le textile. Est-ce là la France que nous voulons ?
L'élevage nourrit et emploie, entretient les paysages, représente 37 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
La filière doit se réorganiser pour répondre au défi alimentaire, nourrir demain 9 milliards d'êtres humains. Comment le faire sans appauvrir le sol ou mettre en péril la planète ? Sur ce plan, les éleveurs français ont un temps d'avance, grâce à une approche globale de la production, de la santé humaine et animale, de l'environnement.
Plusieurs évolutions sociétales mettent en cause les modèles passés. La baisse de la consommation de viande se poursuit depuis les années 2000. La montée des contraintes liées à l'environnement et au bien-être animal renchérit aussi la production. Les Français ne sont plus que 14 % à acheter leur viande en boucherie traditionnelle, alors qu'ils étaient encore 50 % au début des années 80.
La PAC, ensuite, ne joue plus son rôle, et les éleveurs français font face à une concurrence déloyale. Malgré 1,4 milliard d'aides publiques, dites-vous, les éleveurs vivent mal, très mal, et leur métier est de moins en moins attractif. Les aléas climatiques vont encore renchérir l'alimentation du bétail, et les éleveurs craignent de nouveaux scandales sanitaires.
Qu'est-ce que le Ceta apportera aux éleveurs ? Quid de la nouvelle carte ?
Peser sur la nouvelle PAC, simplifier les procédures, soutenir nos exportations, garantir un revenu décent aux éleveurs, encourager le regroupement et la contractualisation... N'est-ce pas l'heure d'un nouveau pacte avec les éleveurs, pour les aider à relever les défis cruciaux de notre siècle ? (Applaudissements au centre et à droite et sur les bancs du groupe RDSE)
M. Joël Labbé . - J'étais tout à l'heure au Conseil économique, social et environnemental pour la présentation du rapport de Cécile Claveirole sur l'agro-écologie. Comment mettre en oeuvre ces intentions louables ?
Hier soir, il était question des outre-mer. On dit aujourd'hui « RUP », cela me donne des boutons... J'ai dit à Mme Bareigts que l'Anses n'avait toujours pas de procédure simplifiée d'autorisation des produits de biocontrôle, que la question des PNPP restait aussi en suspens. Cela devient urgent !
Nous vivons l'horreur de la doctrine dominante en Europe : « libéraliser d'abord, réguler éventuellement ensuite ». Une dynamique pernicieuse est à l'oeuvre : les plus grands s'agrandissent et industrialisent leur production ; aux plus petits, on offre « la sortie dans la dignité », soit une reconversion professionnelle. On entend sans cesse que 15 % de la profession doit disparaître pour permettre aux autres de vivre, à grands renforts de subventions... Est-ce audible ?
Les distributeurs profitent de la faiblesse des producteurs. Nous espérons que votre action contre Carrefour, monsieur le ministre, assainira les choses !
La reconnaissance des magasins de producteurs est une autre bonne initiative.
L'excès d'offre de viande a fait baisser les cours. Le porc souffle grâce à la reprise des exportations, mais gare à la prochaine crise en Chine...
Il faut encourager la transmutation de la « ferme France », et de la « ferme Europe ». L'avenir est à la polyculture-élevage, l'autonomisation en énergie et en alimentation animale. Sinon, on continuera à voir les Français consommer 40 % du poulet importé, alors que la France exporte des volailles...
Trouverons-nous un jour une majorité pour favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation, les projets alimentaires territoriaux ?
Comment continuer à entretenir un système qui méprise autant ceux qui nous nourrissent ? (M. Michel Le Scouarnec applaudit)
M. Franck Montaugé . - Ce débat est bienvenu, dans un contexte difficile. Je me limiterai à des propositions. Dans le Gers, le déclin démographique et économique est étroitement lié au déclin de la polyculture-élevage, une agriculture adéquate à des coteaux à faible potentiel agronomique et à la pluviométrie aléatoire, qui s'était développée au cours des siècles dans un cadre familial et s'était toujours adaptée.
Les progrès du vote pour l'extrême droite soulignent l'urgence de rendre un avenir aux éleveurs. L'avenir de la filière bovine est en jeu !
Dans le Gers, les cheptels allaitants disparaissent les uns après les autres. Entre 2013 et 2015, le revenu annuel moyen des éleveurs n'a jamais été supérieur à 4 000 euros...
Il faut maintenir les actuelles zones défavorisées simples , et leur ajouter des zones « handicap » : au total, on atteindrait le niveau des aides consenties aux zones de montagne.
Je me réjouis des effets positifs de la loi Montagne et de sa révision. Nous avons la possibilité de donner corps à la notion d'équité entre les territoires, dont on parle beaucoup.
Enfin, et c'est aussi un enjeu environnemental avec le réchauffement climatique, il faudrait créer un tarif photovoltaïque spécifique pour les installations sur les toits des bâtiments d'élevage bovin fondé sur le même critère que celui de l'aide conjoncturelle de 2015. Cette solution économique, structurelle, renforcerait les territoires à énergie positive labellisés, comme dans le Gers, par le ministère de l'écologie.
Parallèlement, les éleveurs doivent continuer à se structurer et à moderniser l'outil de travail, grâce aux coopératives et à des montages originaux. Grâce à l'association entre éleveurs, exploitant et collectivités, l'abattoir d'Auch a été sauvé.
Pour finir, j'insisterai sur le soutien permanent de l'État à la filière. Le budget pour 2017, que la majorité sénatoriale refuse d'examiner en séance, en témoigne une nouvelle fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
M. Daniel Gremillet . - M. Mézard a raison de parler d'un drame silencieux. Tant qu'il y a des manifestations, il y a encore de la vie ; on n'entend pas les éleveurs... Demain, quand il n'y aura plus assez d'éleveurs, nous débattrons, comme nous l'avons fait pour les médecins, des vétérinaires à la campagne.
Le budget 2017, monsieur le ministre ? Bien mais peut mieux faire... Les investissements sont très lourds dans l'élevage. La stagnation, voire la légère diminution, de l'accompagnement est à comparer avec des politiques plus offensives, comme en Allemagne.
Attention à l'application de la loi NOTRe. Le plan bâtiments a eu un succès formidable (M. Stéphane Le Foll, ministre, confirme), appuyé par les régions et par les départements. Désormais, les régions ont la compétence économique. Pourront-elles compenser la disparition de l'aide des départements ?
Les prêts bonifiés ont moins d'intérêt en période de taux d'intérêt bas. Comme d'autres pays, nous aurions pu en profiter pour repenser notre politique d'investissement. C'est dommage, cela n'aurait pas coûté plus cher.
Le dossier des zones défavorisées est important. Comment peut-on intégrer les éleveurs isolés ?
L'élevage est le dernier rempart avant la désertification. Si on ne donne pas envie à des éleveurs de s'installer, la fracture entre les territoires s'aggravera. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du groupe RDSE)
M. Yannick Botrel . - Ce débat vient à point nommé quand la filière élevage est particulièrement malmenée, comme d'autres productions agricoles. Embargo russe, blocage et ralentissement de nos exportations de viande bovine par la FCO pour des raisons sanitaires, surproduction laitière, changements dans la consommation - la moitié de la viande de boeuf consommée, par exemple, l'est sous forme de viande hachée - ou encore suspicion jetée sur la qualité des produits par certains épisodes médiatiques, tout cela concourt à la crise. Grâce au ministre, l'État a été présent.
Mais parlons d'avenir et de résilience des exploitations agricoles face aux aléas. Elle dépend du modèle technico-économique. En Bretagne, des éleveurs réfléchissent à l'autonomie alimentaire de l'exploitation. (M. Stéphane Le Foll, ministre, en confirme l'intérêt) Le soja, que nous importons et qui coûte bien plus cher depuis 2007, entraîne une mortalité plus rapide des vaches laitières. Il faudrait passer à un couple maïs-légumineuses, bien préférable. L'agronomie est une voie de résilience mais il y en a d'autres : au sein de la PAC, la place du régime assurantiel, l'existence de paiements contracycliques et le renforcement des aides agro-environnementales. Enfin, et c'est une évidence, le renforcement du pouvoir de négociation des éleveurs.
L'avenir réside dans l'adaptation de la PAC et la capacité de nos exploitations à résister aux crises. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Mouiller . - L'intervention de l'État est essentielle quand tant d'exploitations sont au bord de la faillite. Monsieur le ministre, vous avez annoncé le 18 novembre des aides ponctuelles, pour limiter les volumes et faire remonter les cours. C'était nécessaire : la crise laitière, avec l'afflux de vaches laitières dans les abattoirs, a touché l'élevage des races à viande. Mais cela ne suffira pas.
Dans les Deux-Sèvres, je rencontre des éleveurs fiers de leur métier, mais malheureux de ne pas pouvoir en vivre. L'État doit réduire les charges administratives, sociales et normatives qui pèsent sur eux. Notre spécialité française de surtransposer les directives entraîne des surcoûts pour nos agriculteurs et une perte de compétitivité de nos exploitations par rapport à celles de nos voisins. Dans la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture, le Sénat a imposé le principe d'une norme abrogée pour une norme créée. Malheureusement, elle n'est toujours pas adoptée.
L'État doit aussi faciliter l'achat de viande française par les collectivités et par les partenaires publics. Une demande d'entretien des représentants de la filière bovine avec le ministre de la défense n'a pas reçu de réponse. Nous avons, dans notre proposition de loi sur l'ancrage territorial de l'alimentation, prévu un quota minimum de 40 % de produits locaux ou répondant à des critères de développement durable dans la restauration collective : nous attendons que le Gouvernement prenne ses responsabilités.
La réponse passe par une démarche offensive à l'export. Nos territoires n'ont pas à pâtir de la politique extérieure de la France, comme en Russie ou en Turquie. La filière attend la réunion du comité export qui ne s'est pas réuni depuis 2015. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du groupe RDSE)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - La situation est connue : crise de la filière bovine ; la filière porcine, en crise l'an dernier, doit toujours être surveillée ; la filière laitière voit ses prix se redresser après une crise de deux ans. Le constat est partagé. Que faisons-nous ?
Deux questions dans ce débat : d'abord, les aides publiques ; ensuite, le marché et les prix. Le ministre ne décide ni du prix ni des variations du marché ! En 2012, la tonne de céréales était à 200 euros ; elle est de 120 euros aujourd'hui. Fermer notre marché ne servirait à rien : nous exportons 7 à 8 milliards de litres de lait sur une production totale de 25 à 26 milliards de litres. La régulation européenne ne nous met pas à l'abri d'un déséquilibre mondial, la contraction de la demande chinoise a été déterminante sur les marchés du lait et du porc. Son redressement, également : les Chinois investissent désormais dans des tours de séchage en Bretagne pour exporter de la poudre de lait et le cours du porc s'est relevé, indépendamment de l'embargo russe.
La réforme de la PAC, négociée en 2013, n'était pas si mauvaise : son budget a été préservé, ce n'était pas évident. Nous avons obtenu le montant des fonds du deuxième pilier : c'est considérable pour la France. Notre débat serait très différent si cela n'avait pas été le cas, il le serait aussi si je ne m'étais pas battu pour le maintien des aides couplées à l'élevage. Pour la prime à la vache allaitante, 680 millions d'euros ! Il faut aussi citer le transfert de plus d'un milliard d'euros pour l'ICHN, vers l'élevage. Les aides seront mieux réparties : 54 % des aides sont allées à 20 % des agriculteurs en 2013, 47 % des aides à 20 % des agriculteurs en 2019.
M. Didier Guillaume. - Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. - C'est un choix d'équilibre, la PAC a été réorientée. Cela suffit-il ? Non : l'aide ne suffit pas à faire face à la baisse des prix, liée au marché mondial. Pour éviter l'emballement de la production, avec la fin des quotas laitiers, j'ai proposé d'utiliser les articles 221 et 222 ; il a fallu attendre huit mois pour que la décision soit entérinée. Nous veillerons à ne pas revenir dans une guerre des prix alors que Rabobank indique qu'il y aura une remontée des prix du lait en 2017 pour redonner des marges à nos producteurs, qui en ont grand besoin.
La chute des prix des céréales est liée à des récoltes exceptionnelles en Ukraine ou en Amérique latine. Avec une population mondiale à 9 milliards, on croyait que les prix flamberaient forcément : on sait aujourd'hui que c'est plus compliqué.
La politique contracyclique - plus d'aides quand les prix sont bas et moins quand ils sont hauts - est séduisante. Mais les prévisions budgétaires à Bruxelles sont pluriannuelles, peu flexibles ; si nous prévoyons une année à zéro aide, il y aura zéro aide l'année suivante. Le Parlement européen vote des dépenses, pas des recettes puisqu'elles résultent des contributions des États. Si nous voulons une politique contracyclique, intéressante, nous devons trouver une méthode différente. Nous proposons qu'une partie des aides du premier pilier nourrissent une épargne de précaution pour faire face aux aléas, y compris économiques. Cette épargne serait assujettie à une fiscalité adaptée. Nous aurons ce débat prochainement, dès que le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux aura rendu son rapport.
Soutenir la compétitivité, c'est d'abord soutenir l'investissement dans les bâtiments d'élevage. Ce soir, je rencontre l'Association des régions de France sur le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE). Le glissement de deux points du premier pilier vers le deuxième pilier a eu des résultats : nous avons investi 600 millions d'euros en deux ans. Preuve que la demande est là ! Les investissements sur la biosécurité là où a sévi l'influenza aviaire sont importants dans le Sud-Ouest. On devrait atteindre le milliard sur cinq ans. Un outil plus performant, plus économe et plus respectueux du bien-être animal, c'est plus de compétitivité.
Deuxième axe, l'allègement des charges. Nous avons abaissé les cotisations sociales de 765 millions d'euros. Si on ajoute les exonérations Fillon, on arrive à 1,1 milliard d'euros. Mais il faut aussi tenir compte des charges opérationnelles, phytosanitaires et autres. Les Néozélandais sont les meilleurs : ils investissent dans quoi ? Dans l'herbe. Sans aller jusque-là, nous devons nous en inspirer pour définir une stratégie adaptée à nos atouts.
Les prêts bonifiés sont moins utiles quand les taux d'intérêt sont à 0,25 %. Nous avons transféré ces crédits vers la dotation aux jeunes agriculteurs, pour encourager les investissements. Les jeunes agriculteurs en sont satisfaits.
Les normes ? Je connais le sujet par coeur. Avec Mme Royal, nous avons diminué les normes sur les ICPE - après le porc hier, la volaille aujourd'hui, nous étendons la simplification au boeuf !
La France était en contentieux avec l'Union européenne sur la directive nitrates. Nous avons dû réviser la carte des zones vulnérables. Aujourd'hui, alors que nous en sommes sortis, c'est l'Allemagne qui est rattrapée : tout le territoire est classé en zone vulnérable du fait de l'élevage.
Oui, il faut simplifier. Vingt ministres de l'agriculture de l'Union européenne étaient réunis à Chambord dernièrement. Il y a consensus sur un budget de la PAC maintenu ; la traçabilité - le développement du logo « Viande de France », que la France a obtenu, a été un bouleversement et sécurise les débouchés intérieurs, notamment pour les produits transformés ; la simplification et un système assurantiel face aux aléas - un ministre a même parlé d'un nouveau pilier de la PAC.
La France a dû corriger 0,8 % des surfaces éligibles aux aides européennes ; il a fallu réaliser une orthophotographie des 26 millions d'hectares, à la haie près. D'où les retards dans les versements du solde 2015, après le passage de la DPU à la DPB, quand il y a eu modification des parcelles.
L'ICHN est versée à 89 %, restent 4 800 dossiers à traiter. Ils le seront d'ici décembre. Les agriculteurs recevront des attestations en attendant.
Les zones défavorisées simples (ZDS) doivent être mises en place en 2018. J'aurais pu laisser ce travail à mon successeur. Il y a d'abord eu la carte élaborée sur les seuls critères européens. Nous avons édité une deuxième carte ce matin, qui inclut le critère de l'herbe, des prairies permanentes ; nous gagnons 4 % de surfaces. Cela règle des problèmes dans l'Est, dans le Limousin, dans le Sud-Ouest. Nous élaborerons une troisième carte d'ici le 6 décembre. Ne croyez donc pas que le ministère vous oublie, j'avance progressivement.
Les vegans ne s'en rendent pas compte : si l'on ne mange plus de viande, plus de prairies permanentes et d'animaux à photographier ! Plus de Normandes, de Salers, de Limousines, de Rouge des Prés, de Blondes d'Aquitaine, d'Aubrac, de Vosgiennes... L'élevage est un enjeu économique, un enjeu d'aménagement du territoire et un enjeu culturel. (Applaudissements)
Organisme extraparlementaire (Nominations)
Mme la présidente. - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a proposé deux candidatures pour un organisme extraparlementaire. La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Jérôme Bignon et Mme Nicole Bonnefoy membres du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité.
CMP (Nominations)
Mme la présidente. - Il va être procédé à la nomination des sept membres titulaires et des sept membres suppléants des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion : d'une part, du projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle ; et d'autre part, de la proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes.
Les listes des candidats établies par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ont été publiées conformément à l'article 12 du Règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, ces listes sont ratifiées et je proclame représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires pour le projet de loi, titulaires, MM. Hervé Maurey, Louis Nègre, Patrick Chaize, Rémy Pointereau, Mmes Nicole Bonnefoy, Nicole Bricq, Évelyne Didier ; suppléants, MM. Guillaume Arnell , Jérôme Bignon, Vincent Capo-Canellas, Alain Fouché, Gérard Miquel, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart ; pour la proposition de loi, titulaires : MM. Hervé Maurey, Jean-François Rapin, Patrick Chaize, Rémy Pointereau, Claude Bérit-Débat, Jean-Yves Roux, Mme Évelyne Didier ; suppléants, MM. Guillaume Arnell, Jérôme Bignon, Vincent Capo-Canellas, Gérard Cornu, Didier Mandelli, Gérard Miquel, Mme Nelly Tocqueville.
La séance, suspendue à 18 h 20, est reprise à 18 h 30.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Jackie Pierre. - Lors du scrutin n°65, MM. Didier Mandelli, Alain Marc, Michel Vaspart, Daniel Gremillet et moi-même souhaitions voter pour.
Mme la présidente. - Je vous donne acte de cette rectification. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.
Action extérieure des collectivités territoriales et coopération des outre-mer (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional.
Discussion générale
Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer . - Votre commission a adopté conforme cette proposition de loi qui renforce le rôle et les outils des collectivités ultramarines pour s'inscrire dans leur environnement régional.
Ce texte, dû à l'engagement de Serge Letchimy et que j'avais cosigné en tant que députée, constitue une belle évolution historique et conceptuelle. Les échanges des outre-mer ne peuvent plus se résumer à ceux qu'ils entretiennent avec l'Hexagone, dans un contexte de mondialisation et de régionalisation accélérées.
La France est représentée sur les trois océans ; grâce à ses collectivités d'outre-mer, elle a la chance de pouvoir rayonner dans toutes les régions du monde ; ces territoires démultiplient son influence. La coopération régionale rompt avec une logique contre-productive. La jeunesse ultramarine ne peut se résoudre à des horizons fermés.
Les collectivités d'outre-mer ont tout à y gagner ; 4 800 collectivités territoriales sont engagées dans des actions extérieures avec plus de 9 000 de leurs homologues de 146 pays, c'est une chance pour elles, qui peuvent ainsi définir leur action partenariale en fonction de leurs besoins. C'est d'autant plus vrai pour les collectivités ultramarines. Liées par une communauté de destins avec leurs voisins, elles peuvent regarder près d'elles, autour d'elles, et entreprendre des coopérations dans de nombreux domaines. Le projet de loi Égalité des territoires outre-mer y participera.
La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ont des pouvoirs étendus pour la négociation ; les départements et régions d'outre-mer ont vu leurs compétences élargies par la loi de décembre 2000, au service de leur insertion dans leur environnement régional. Les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution - ce sont celles que vise la proposition de loi - peuvent conclure des accords bilatéraux ; mais cette possibilité est insuffisamment utilisée, parce que la procédure est trop complexe. Une nouvelle étape s'impose.
La coopération ne se décrète pas, elle se construit. Il y faut une volonté locale, elle est manifeste ; une volonté politique, elle est réelle ; un cadre juridique stabilisé : c'est l'objet de ce texte.
Ce texte précise d'abord les exceptions au principe d'interdiction de conclure une convention avec un État étranger. En ses articles 2 à 8, il étend le champ géographique de la coopération ; aux articles 9 à 12 bis, il donne au président de la collectivité, dans ses domaines de compétence, la possibilité d'élaborer un programme-cadre de coopération régionale après validation en amont par les autorités de la République. Aux articles 12 à 15, il donne un statut aux agents territoriaux affectés dans le réseau diplomatique et à l'article 16 leur confère les privilèges et immunité de la Convention de Vienne - l'avis de votre commission des affaires étrangères peut vous rassurer. Les prérogatives régaliennes de notre État unitaire ne sont pas mises en cause.
Agir de là où l'on se trouve, sans oublier où l'on est, pour construire ensemble où l'on va, ce sera aussi l'objectif du Livre blanc annoncé en août. Construisons la France ouverte, la coopération régionale nous renforce, démultiplie nos options, contribue à la marche vers l'égalité réelle : je me réjouis de votre vote conforme en commission, j'espère que vous le confirmerez ce soir. (Applaudissements à gauche)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois . - Cette proposition de loi confirme le caractère inéluctable de la décentralisation, qui consiste à confier les bonnes compétences aux bons échelons et aux bons acteurs. Je rends hommage à Paul Vergès, grande figure qui a marqué la vie des outre-mer : nous avons tous été affectés par sa disparition.
La « diplomatie des territoires » concerne 4 800 collectivités territoriales françaises, 12 700 projets pour un total d'un milliard d'euros. L'enjeu est de taille. Nos territoires ultramarins sont aux avant-postes du rayonnement de la France sous toutes les latitudes. Cependant, pour que les collectivités régies par l'article 73 puissent exploiter leurs atouts, qui sont aussi ceux du pays, nous devons faire évoluer notre législation. Depuis la loi du 13 décembre 2000, elles peuvent signer des conventions internationales au nom de l'État, disposent de fonds, des concours du personnel diplomatique, mais elles demandent à ce que soient renforcés leurs outils de coopération régionale, et levées certaines difficultés. C'est l'objet de ce texte.
D'abord, les collectivités territoriales ne peuvent contracter d'accord avec des États ne disposant pas eux-mêmes de collectivités territoriales : l'article premier crée à cet effet des dérogations.
Les articles 2 à 8, étendent la notion de coopération régionale, pour que celle-ci puisse se développer dans un périmètre plus adapté.
Les articles 9 à 13 permettent aux présidents des collectivités ultramarines d'élaborer un programme-cadre de coopération régionale pour toute la durée de son mandat, avec l'accord préalable des autorités de la République.
Le régime indemnitaire des agents est réglé par les articles 13 à 15, et les privilèges diplomatiques des personnels engagés, par l'article 16 ; l'ambassadeur restera seul compétent pour proposer à l'État accréditaire les agents concernés.
La commission a adopté conforme cette proposition de loi qui préserve l'unité diplomatique de notre pays et ouvre de belles perspectives aux collectivités d'outre-mer. Et si ce texte est perfectible, nous nous sommes gardés de l'amender, par souhait d'aboutir rapidement - mieux eût valu l'inscrire plus tôt à notre ordre du jour. (Applaudissements)
Mme Gélita Hoarau . - Les quatre anciennes colonies que sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion n'ont longtemps échangé qu'avec la métropole et l'Union européenne - aujourd'hui encore, c'est la majorité des échanges. Pourtant, leurs voisins proches sont des pays émergents - en 2015, le taux de croissance du Mozambique était de 6,3 %, celui de l'Inde de 7,6 %, celui de Cuba de 4 %. Un nouvel équilibre mondial se dessine - et ces pays n'ont pas fini leur transition démographique.
La situation doit-elle rester figée dans des schémas coloniaux ? N'est-il pas temps de passer de la coopération économique à la diplomatie territoriale, d'une attitude défensive à une attitude offensive, dans la logique de la loi de 2000 qui a offert aux outre-mer la capacité juridique d'être activement présentes dans leur bassin géographique ; mais la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion ne peuvent pleinement participer.
Encore faut-il que les acquis ne soient pas remis en cause... Je pense à la relégation des élus réunionnais en février 2016 lors du 31e conseil des ministres des pays de la COI, à l'encontre des promesses de M. Fabius ; cette reculade compromet la parole de notre pays dans la région. La Réunion et Mayotte, jusqu'ici, pouvaient conclure des accords avec les pays de la COI mais pas avec l'Afrique du Sud, la Chine, l'Inde, l'Australie, avec lesquelles les échanges potentiels sont énormes. Ce texte va dans le bon sens en élargissant le champ de la coopération régionale.
Les outre-mer couperont ainsi le cordon économique avec la métropole, en achetant plus près, au bénéfice du pouvoir d'achat des habitants et du bilan carbone.
Un mot enfin des accords de partenariat entre l'Europe et ses anciennes colonies. Ils ont été ratifiés sans étude d'impact préalable ni concertation, et leur contenu reste, comme celui du Tafta, secret, alors que leurs conséquences sont catastrophiques. Nous demandons un moratoire ou des clauses de sauvegarde automatiques, et la participation des outre-mer aux délégations chargées de négocier ces accords.
Ce texte jette les bases d'un nouveau contrat économique entre la France et ses anciennes colonies, pour leur développement. Nous le voterons. (Applaudissements à gauche)
M. Guillaume Arnell . - Alors que l'article 52 de la Constitution définit clairement la responsabilité diplomatique de l'État, une diplomatie de proximité se développe depuis une dizaine d'années, fondée sur la coopération entre collectivités ; le dispositif, complexe, est insuffisamment utilisé.
Cette proposition de loi a l'ambition de donner davantage de liberté d'action aux collectivités territoriales d'outre-mer. Elles n'ont pas toujours les moyens de leur politique alors que les États voisins veulent régulièrement négocier avec les décisionnaires locaux ; l'État agit trop souvent de façon unilatérale et les outre-mer sont trop souvent vues comme un handicap plutôt qu'une richesse.
Vitrines avancées de la France, les outre-mer doivent être encore plus acteurs de leur développement, sortir de leur dépendance envers la métropole et l'Union européenne pour accéder de plain-pied au marché de 300 millions d'habitants de la grande Caraïbe. Malgré la binationalité de Saint-Martin, nous arrivons à coopérer efficacement avec la partie néerlandaise.
J'aurais souhaité que ce texte vise également les collectivités de l'article 74, mais il eût fallu une loi organique...
Les espaces de coopération sont agrandis par la nouvelle définition du voisinage : c'est une bonne chose. Il était important aussi de fixer le régime indemnitaire, le statut, les modalités de remboursement des frais des agents des collectivités ultramarines envoyés à l'étranger. Je doutais en revanche qu'il fût opportun de leur étendre les privilèges et immunités réservés aux agents diplomatiques de l'État, mais j'ai noté l'éclairage du président Raffarin.
Ce texte constitue une réelle avancée pour une meilleure intégration régionale, sans altérer le rayonnement de la France - au contraire. Le groupe RDSE le votera. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Marie Bockel . - Une coopération régionale moderne, efficace, pérenne et portée par les collectivités ultramarines : voilà l'objectif de ce texte.
La République est certes une et indivisible, mais cela ne doit pas conduire à ignorer les spécificités et les richesses de ses territoires, nombreuses en ce qui concerne les territoires ultramarins, les plus éloignés de la capitale. Le Sénat, représentant de tous les territoires, a toujours veillé à ce qu'elles soient prises en compte. La proposition de loi offre une opportunité historique de les reconnaître en matière de coopération - sans instituer une diplomatie parallèle.
Cette proposition de loi donne corps à cette réalité que la France ne se résume pas à la métropole ni à son administration parisienne, mais qu'elle est diverse et présente dans tous les océans. L'intégration régionale des territoires ultramarins dans un environnement dynamique sera renforcée.
Les collectivités pourront négocier des accords, en conformité avec le programme-cadre élaboré par le président de leur assemblée : elles seront maîtresses de leur destin. Le mécanisme est moderne, gagnant-gagnant, tout en étant constitutionnel puisque le caractère régalien de notre diplomatie est préservé. C'est une étape vers cette diplomatie pragmatique et moderne dont la France a besoin.
Cependant, plusieurs membres du groupe UDI-UC s'abstiendront ; les autres, dont les deux sénateurs polynésiens, voteront le texte. (Applaudissements)
Mme Corinne Bouchoux . - Nous partageons tous l'objectif de ce texte : donner plus de moyens aux collectivités d'outre-mer de coopérer avec leurs voisins, pour mieux se développer.
Cela n'allait pas de soi. Les collectivités ultramarines portent ces revendications depuis longtemps. Marie-Christine Blandin se souvient qu'en 1999, à la Martinique, en pleine crise de la pêche et de la banane, elle avait constaté l'absurdité d'un cadre juridique interdisant aux outre-mer de nouer des relations commerciales directes avec leurs voisins immédiats. Il s'en est suivi la loi de 2000 ; mais en 2002 déjà Lionel Jospin disait à La Réunion qu'il fallait aller beaucoup plus loin. C'est dire combien ce texte est attendu. Les collectivités d'outre-mer sont aux avant-postes de la démocratie française et certains de leurs dirigeants aussi - je pense en particulier à Paul Vergès. Je salue Mme Hoarau.
Les territoires ultramarins ont tout leur rôle à jouer sur les enjeux environnementaux et climatiques. On l'a vu à la conférence régionale de l'Océan indien. Voyez aussi le programme Géothermie Caraïbes, prometteur. Les exemples innovants ne manquent pas. Nous nous réjouissons de ce texte, le groupe écologiste le votera à l'unanimité. (Applaudissements)
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
M. Félix Desplan . - Depuis 25 ans, le législateur accompagne la volonté des collectivités de développer des partenariats à l'international, il s'agit aujourd'hui de lever des obstacles propres à la situation des outre-mer. Ce texte y pourvoit, sans contrarier l'unité de la diplomatie française : élargissement du voisinage, des compétences pour signer des accords, programme-cadre, statut des agents ; c'était nécessaire.
Les outre-mer sont à l'avant-garde de notre coopération extérieure. Or les échanges entre nos outre-mer et les pays voisins restent faibles. Les voisins de la Guadeloupe achètent moins de 3 % de ses exportations.... Les collectivités d'outre-mer ne sont-elles pas les mieux placées pour avoir une politique adaptée à leur espace régional ? Certainement, à condition que l'État et l'Union européenne agissent en synergie. La Réunion, Mayotte, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, c'est aussi la France ; c'est aussi l'Europe.
La commission des lois a adopté conforme mais je crains que cela ne soit qu'au prix de certaines maladresses de rédaction. Je présenterai deux amendements pour y remédier. Des modifications pourront être apportées lors de l'examen de la loi Égalité réelle.
Le groupe socialiste et républicain votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements à gauche)
M. Serge Larcher . - Je salue mon ami Serge Letchimy, présent dans les tribunes. (Applaudissements) Cette proposition de loi, fruit de l'expérience locale, et concrétisation de la promesse du président de la République, jette les bases rigoureuses d'interventions accrues des outre-mer dans la diplomatie du pays. Les outre-mer sont des avant-postes de la France et de l'Europe dans tous les océans.
Pour eux, la coopération régionale est particulièrement importante. Les lois de 2000 et 2011 en ont posé les fondements, autorisant l'adhésion des collectivités ultramarines à des groupements régionaux. Aujourd'hui, une soixantaine d'actions de ce type sont conduites, dont 33 en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane. Elles répondent aux intérêts de tous, y compris les pays voisins et l'Union européenne, en traitant de sujets aussi divers que les transports, la sécurité civile, la culture ou le sport.
La coopération régionale est un axe fort de la décentralisation. Partout, elle a permis de résoudre des problèmes communs, d'exploiter le potentiel de certaines zones. Elle contribue à la diversification et à l'internationalisation de nos économies, donc à la création d'emplois stables à forte valeur ajoutée.
Hélas, les obstacles restent nombreux, d'ordre institutionnel, économique ou culturel : le rapporteur les a rappelés. S'y ajoutent des freins juridiques et matériels, que lève cette proposition de loi.
Elle élargit la notion de voisinage, autorise chaque collectivité d'outre-mer à établir un programme-cadre de coopération régionale, formalise la passation de partenariat avec des institutions financières, accorde un statut aux agents locaux envoyés à l'étranger.
C'est le moyen d'exploiter des gisements de croissance et de resserrer les liens entre les peuples. À la veille de Noël, (mouvements divers) ou presque (sourires) ce texte, c'est la bonne nouvelle... (Marques d'amusement et de joie sur divers bancs, tandis que l'on se récrie sur certains bancs à gauche) Votons-le conforme ! (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Jean-Marie Bockel. - Joyeux Noël ! (Sourires)
M. Georges Patient . - Les territoires ultramarins disposent, en matière de coopération régionale, de compétences variables selon leur statut. Si elles étaient assurées par les collectivités relevant de l'article 74 et la Nouvelle-Calédonie, elles méritaient d'être clarifiées pour ce qui est des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution : c'est l'objet de ce texte.
La Guyane pourra ainsi mener des relations conventionnelles avec un nombre plus grand de pays, adhérer à la commission économique pour l'Amérique latine et des Caraïbes, resserrer ses relations, non seulement avec ses plus proches voisins, le Brésil et le Surinam, mais aussi avec l'ensemble de l'Amérique du Sud. Le ministre des affaires étrangères a pris acte de la demande guyanaise qui a été transmise à l'ambassade de France au Chili. J'ai donc retiré mes amendements visant à remplacer les mots « au voisinage de la Guyane » par les mots « en Amérique du Sud » car la Guyane a des échanges avec l'ensemble du continent sud-américain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme la présidente. - Merci !
M. Georges Patient. - La Guyane pourra aussi, fort opportunément, adhérer à une banque régionale de développement, alors qu'elle a réclamé la réadhésion de la France à la Banque caribéenne de développement. Une date a-t-elle été arrêtée ?
De manière très novatrice, le texte autorise les présidents d'associations locales à élaborer un programme-cadre de coopération régionale, ce qui renforcera leur crédibilité vis-à-vis de leurs voisins ; M. Letchimy a raison d'utiliser le terme de tèbè, qui signifie en créole « inutile, sans pouvoir ». (Sourires)
Ce texte nous fait passer « du cloisonnement colonial au développement corégional », pour reprendre les termes évocateurs du récent rapport de notre collègue député, Jean-Jacques Vlody, sur l'insertion des départements et régions d'outre-mer dans leur environnement géographique.
La coopération régionale est l'un des principaux leviers d'une croissance durable pour nos territoires, à condition que soient valorisés nos atouts.
Je voterai ce texte. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. Félix Desplan. - Mes amendements seront retirés, afin que le texte puisse être voté conforme. (Applaudissements)
ARTICLE PREMIER
M. Antoine Karam . - Ce texte est une avancée conséquente. Président de région pendant dix-huit ans, je peux témoigner des embuscades et des obstacles que nous avons rencontrés pendant des décennies. Des formes de coopération régionale ont certes émergé, mais les obstacles restent nombreux.
Avec ce texte, la République comprend que l'émancipation et le développement des outre-mer passent par la coopération régionale, et notamment les échanges commerciaux - inhibés par les normes européennes, nous l'avons dit hier. Cette proposition de loi nous donne l'espoir de mobiliser la jeunesse et les énergies, déjà en action en Guyane, et que ne manquent pas de constater chacun de nos visiteurs. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Jacques Cornano . - Cette proposition de loi conforte la diplomatie économique territoriale, à laquelle la loi de 2000 a ouvert la voie. Elle traduit l'engagement pris en mai 2015 par le président de la République lors de son déplacement aux Antilles.
La coopération régionale offre de réelles opportunités, notamment pour répondre à l'aspiration des jeunes à s'engager pour l'intérêt général. Sans compter l'enjeu économique : la Guadeloupe réalise 3,3 % de ses échanges commerciaux avec son environnement régional. Son commerce avec les membres du Cariforum est de 109 millions d'euros.
Pour le développement durable, les initiatives fleurissent : on veut faire de Marie-Galante une île à énergie positive. Le projet de géothermie à la Dominique et à Montserrat offrira également un bel exemple des exportations des savoir-faire de nos territoires au service de la coopération territoriale. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Maurice Antiste . - L'unanimité, sur ce texte, s'explique par la qualité du travail de Serge Letchimy. Avec dix-sept articles seulement, cette proposition de loi est d'une importance cruciale, pour créer des dynamiques de coopération dans des domaines hétéroclites, mais ciblés, échanges d'étudiants économiques, « exportation » de nos compétences, entraide d'urgence comme nous le faisons déjà en Haïti... Les opportunités sont nombreuses.
Plus de cinq mille collectivités territoriales, en France, s'investissent dans la coopération décentralisée qui représente 30 millions d'euros. En termes de finances, d'emplois, de consommation, ce texte ne peut qu'être bénéfique aux outre-mer.
Enfin, je me félicite que Mme la ministre ait annoncé un texte semblable pour les collectivités régies par l'article 74. Les outre-mer sont en effet très divers. Je voterai évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements)
L'article premier est adopté.
Mme la présidente. - Belle unanimité !
ARTICLE 2
L'amendement n°5 rectifié est retiré.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 2 BIS
M. Maurice Antiste . - L'espace Caraïbes, formé de 38 pays et territoires, s'étend sur plus de 5,2 millions de km2, soit dix fois la France métropolitaine ; sa population s'élève à près de 250 millions d'habitants. Est-il normal qu'une collectivité comme la Martinique ne puisse conventionner avec le Brésil, malgré son immense marché de 200 millions d'habitants et sa richesse en matières premières ? C'est tout l'intérêt de ce texte. Grace aux articles 2 à 4, le champ géographique de la coopération régionale outre-mer sera élargi au continent américain pour les collectivités territoriales de la zone Caraïbe (Guadeloupe, Guyane, Martinique), et aux « territoires ou États du continent africain » (Afrique du Sud, Mozambique, etc...) mais aussi aux autres continents voisins de l'océan indien comme les territoires asiatique (Inde, Chine, etc...) ou océaniens (Australie) pour La Réunion et Mayotte.
Mais l'obligation d'obtenir un visa nous pénalise. Les arrêtés de juillet 2011 ont certes simplifié les choses, et le Pacifique est devenu une zone presque entièrement ouverte à la libre circulation, pour ce qui est des courts séjours de tourisme. Ce fut utile lors des Jeux pacifiques à Nouméa en 2011. Je milite pour que cet assouplissement se poursuive, en faveur du développement des échanges touristiques, économiques et en matière de formation, conformément à l'esprit de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
L'article 2 bis est adopté.
ARTICLE 3
L'amendement n°6 rectifié bis est retiré.
L'article 3 est adopté.
L'article 4 est adopté.
ARTICLE 4 BIS
L'amendement n°7 est retiré.
Mme Gélita Hoarau. - Le groupe CRC s'abstiendra.
L'article 4 bis est adopté.
ARTICLE 5
Les amendements nos1 rectifié bis et 2 rectifié bis sont retirés.
L'article 5 est adopté.
ARTICLE 6
L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.
L'article 6 est adopté.
Les articles 6 bis, 7, 8, 8 bis, 9, 9 bis, 10, 10 bis, 11, 11 bis, 12, 12 bis, 12 ter et 13 sont adoptés.
ARTICLE 13 BIS
M. Thani Mohamed Soilihi . - Nos outre-mer permettent à la France de rayonner dans tous les océans, y compris l'océan Indien, où se trouve près du tiers de la population mondiale, riche en ressources minérales et halieutiques.
La France y est représentée au travers de trois collectivités : Mayotte, La Réunion, et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), lesquelles participent à la coopération régionale, en matière de recherche et d'observation des conditions atmosphériques.
Les organisations régionales sont nombreuses et diverses, rendant la coopération régionale complexe, dans une insécurité juridique provoquée par la revendication de souveraineté de certains pays sur d'autres et l'immigration clandestine qui résulte de cette situation.
Il est fort regrettable que Mayotte ne soit pas membre de la Commission de l'océan Indien, organisation intergouvernementale de coopération créée en 1982, réunissant Madagascar, l'île Maurice, les Seychelles, les Comores et La Réunion. Les Mahorais ne doivent plus être les victimes des jeux diplomatiques.
L'Assemblée nationale a enrichi ce texte d'un article 13 bis visant à conférer au département de Mayotte les mêmes pouvoirs que ceux reconnus aux régions et collectivités uniques d'outre-mer en matière de représentation.
Je ne peux que souscrire aux avancées proposées par ce texte, tout en soulignant le coût qu'entraînera le régime notamment indemnitaire s'appliquant aux agents publics qui le représenteront pour ce département en grande difficulté. (Applaudissements à gauche)
L'article 13 bis est adopté, de même que les articles 14, 15 et 16.
L'article 17 demeure supprimé.
Interventions sur l'ensemble
M. Michel Magras . - Je félicite Serge Letchimy pour cette heureuse initiative. Il est difficile pour les outre-mer de s'inscrire dans leur environnement régional s'ils ne sont pas habilités à négocier et à signer des accords avec leurs voisins, dans les domaines visés par ce texte, mais aussi dans ceux du numérique et de la sécurité au sens large, dans ces territoires soumis aux aléas climatiques.
Provenant d'une collectivité qui dispose déjà de cette faculté, je sais qu'il n'est nullement question de mettre en cause l'unité de notre diplomatie.
Le groupe Les Républicains soutient sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements)
M. Jacques Gillot . - La Guadeloupe est aujourd'hui confrontée à une monstruosité politique : deux collectivités sur un même territoire. Si les deux ne sont pas d'accord, comment nos voisins comprendront-ils notre politique ?
Mme la ministre pourrait rappeler qu'elles peuvent se réunir en Congrès pour approuver l'accord-cadre avec l'État d'une seule voix. (Applaudissements à gauche)
M. Félix Desplan . - Chef d'un établissement scolaire, j'ai eu par le passé l'occasion de coopérer avec des pays voisins. Dès l'école primaire, les élèves devraient pouvoir choisir une deuxième langue étrangère, pour faciliter les échanges régionaux. Faites-vous notre porte-voix auprès du ministère de l'éducation nationale, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi qu'au centre)
Mme Lana Tetuanui . - Le texte est important, même si beaucoup reste à faire. Il nous donne des outils nécessaires à notre développement. Tous les sénateurs UDI-UC présents ce soir le voteront. (Applaudissements ; des sénateurs se lèvent pour voter)
La proposition de loi est définitivement adoptée.
Mme la présidente. - C'est l'unanimité. (Applaudissements debout)
Mme Ericka Bareigts, ministre . - Je salue cette belle unanimité. La coconstruction du texte, M. Letchimy le sait, a été difficile, mais elle est couronnée de succès ce soir. J'ai été fière d'être au banc du Gouvernement pour ce moment historique.
Nous nous retrouverons bientôt pour débattre du projet de loi Égalité outre-mer ; des amendements pourront être déposés.
Un rapport vient aussi de m'être remis par Jean-Jacques Vlody, avec beaucoup de très belles propositions qui vous permettront encore d'avancer, pas à pas. (Applaudissements à gauche, au centre et sur quelques bancs à droite)
CMP (Demande de réunion)
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d'une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.
Prochaine séance demain, jeudi 24 novembre 2016, à 15 heures.
La séance est levée à 20 h 10.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du jeudi 24 novembre 2016
Séance publique
À 15 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, président M. Claude Bérit-Débat, vice-président Mme Françoise Cartron, vice-présidente
Secrétaires : M. Philippe Adnot - M. Jackie Pierre
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2017, adopté par l'Assemblée nationale.
Discussion générale.