Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Examen du PLF 2017

Mme Michèle André .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Ce jeudi 24 novembre, le Sénat entame l'examen du projet de loi de finances comprenant des mesures d'ordre social : un milliard d'impôt sur le revenu en moins pour les ménages modestes...

M. Albéric de Montgolfier.  - Non financé !

Mme Michèle André.  - ...baisse des dépenses de l'État tout en préservant les priorités comme la sécurité et l'éducation. La commission des finances a fait un travail de qualité, mais la majorité sénatoriale a déposé une question préalable : pour la première fois depuis vingt-quatre ans, nous ne débattrons pas du budget ! Et la droite n'a pas proposé de budget alternatif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) L'objectif de 3 % de déficit sera tenu, la Commission européenne a tenu à le faire savoir. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous présenter ces grandes mesures desquelles la majorité sénatoriale ne veut pas débattre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - La majorité sénatoriale rejette le budget de la France pour 2017 sans l'examiner. (Exclamations à droite) Je regrette ce choix de la droite sénatoriale, pour l'institution sénatoriale même. Le président du Sénat, que je respecte profondément, avait dit fin septembre souhaiter l'examen du budget, afin de saisir cette occasion pour présenter un budget d'alternance. Je le regrette aussi pour le débat public. Vous manquez une occasion majeure de confrontation...

M. Hubert Falco.  - On l'aura.

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - ...projet contre projet. Il est vrai que celui-ci a déjà lieu cette semaine. Pourquoi refuser le débat ? La majorité sénatoriale refuse de présenter un projet parce qu'elle n'en est pas capable. (Protestations à droite) L'incapacité n'est évidemment pas technique, elle est politique : vous ne pouvez masquer vos divisions.

Les Français aimeraient pourtant savoir comment vous allez diminuer les dépenses de 150 milliards d'euros, de 500 000 le nombre de fonctionnaires, tout en supprimant l'ISF et sans faire peser l'impôt sur le revenu sur les classes moyennes ! Notre projet de budget est sérieux, équilibré, tout en respectant nos priorités de sécurité, d'éducation, notre protection sociale. Voilà ce qui sera au coeur de notre débat, projet contre projet ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que du RDSE)

Statut de la Polynésie française

Mme Lana Tetuanui .  - Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement de la Polynésie française sollicite une réforme de son statut depuis 2015. Les modifications ont été examinées. En février 2016, le président de la République a reconnu, à Papeete, la contribution de la Polynésie française à la force nucléaire française et l'impact de ces essais. Il avait été convenu en mai dernier de reconnaître ces faits dans le statut de la Polynésie française, via une loi organique dont l'examen au Sénat devait démarrer en octobre. Or le projet de loi organique n'a pas même été présenté au Conseil d'État ni à l'Assemblée de Polynésie française.

Le Gouvernement veut-il vraiment faire adopter cette loi organique ? (Applaudissements au centre et sur les bancs écologistes)

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer .  - Le Haut-Commissaire de la République française et les services de la présidence polynésienne ont travaillé. Trois rapports ont été remis à mon ministère, une concertation a eu lieu. Certaines modifications nécessitaient des réunions interministérielles. Les avancées du projet de loi organique sont majeures et reflètent les engagements du président de la République en février 2016 à Papeete.

Je salue l'excellent travail en concertation entre l'État et la Polynésie française. Ce projet de loi organique a été mûri en co-construction. Il sera présenté en Conseil des ministres en janvier 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Lana Tetuanui.  - Franchement, janvier 2017 ! Ceux qui commenceront ne seront pas ceux qui termineront le travail ! (Applaudissements au centre et à droite)

Voies sur berges à Paris

M. Pierre Charon .  - Vous m'avez renvoyé de ministre en ministre, si bien que je ne sais pas qui daignera me répondre : M. Cazeneuve, Mme Royal ou Mme Pompili ?

Le 11 septembre 2016 Mme Hidalgo a décidé de fermer à la circulation les voies sur berges de la rive droite, ce, sans consultation. Un rapport d'étape a pourtant tiré des conclusions cinglantes : le trafic baissait depuis quinze ans, il a augmenté à nouveau dans la capitale.

M. Simon Sutour.  - C'est une question du mardi matin !

M. Pierre Charon.  - La fermeture des berges entraîne un report de circulation, avec des embouteillages accrus, et donc des émissions accrues de CO2 et de dioxyde d'azote.

Le préfet de police souhaitait une expérimentation de six mois. Mais Mme Hidalgo multiplie les constructions afin d'imposer une solution définitive. Ce comportement est sectaire.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - En cette semaine de surprises, c'est moi qui vous réponds. (Sourires)

Cette question concerne toutes les métropoles. Le trafic automobile est source de pollution avec des milliers de morts chaque année ; il faut donc prendre des décisions. Cette proposition figurait dans le programme de Mme Hidalgo : celle-ci n'a donc pas pris les citoyens par surprise.

Depuis, un débat d'experts a eu lieu. Les analyses contradictoires se multiplient. Certains proposent même de retirer à la mairie de Paris la compétence de voirie pour la donner à la région, c'est farfelu.

M. Roger Karoutchi.  - J'en suis fier.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Envisagerait-on la même chose à Bordeaux ou Toulouse, au profit de M. Rousset ou de Mme Delga ?

L'inertie n'était pas une option ; la démocratie a été respectée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Fermeture de commissariats

M. Michel Amiel .  - Monsieur le ministre de l'intérieur, je salue votre action et, en général, celle de la police : la critique est aisée, l'action difficile. Cependant, dans les Bouches-du-Rhône, des réorganisations seraient en cours sans aucune concertation locale : des commissariats en seraient fermés la nuit, le service largement diminué. Je salue les patrouilles à trois, la refonte des horaires pour garantir des plages de repos, mais l'ouverture de commissariats est indispensable : où en est-on, du maillage territorial des forces de l'ordre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Nous avons échangé en privé, ce week-end ; je vous réponds aussi en public. Vous demandez plus de présence policière, il faut plus de policiers formés, cela prend du temps. Il y avait 450 élèves dans les élèves de police, il y a cinq ans, il y en a 4 600, soit dix fois plus. Cela conforte nos moyens d'intervention. La préfecture de police de Marseille a souhaité qu'il y ait plus de policiers sur la voie publique jour et nuit. J'ai demandé que ce ne soit pas mis en oeuvre sans l'accord préalable des maires car ceux-ci sont des acteurs majeurs de la lutte contre la délinquance. À Marseille, il y a des propositions ; si l'accord n'est pas trouvé au mieux, on en tiendra compte. Nous voulons plus de policiers dans la rue pour faire reculer l'insécurité, les trafics, les délinquances de toute sorte.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

COP 21

M. Ronan Dantec .  - L'accord de Paris en décembre dernier, l'entrée en vigueur inespérée le 4 novembre, le succès de la COP21 est impressionnant. La France doit maintenant tenir son rang dans la réalité des actes.

Après une baisse moyenne de 0,7 % par an depuis dix ans pendant vingt ans, les émissions de gaz à effet de serre liées au transport augmentent de nouveau. La Cour des comptes vient de souligner l'inefficacité de la fiscalité verte. Que fera le Gouvernement pour que la France soit enfin mise en cohérence avec ses engagements internationaux ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité .  - La COP22 confirme, malgré l'ombre des élections américaines, que les nations continuent de s'engager. Le président de la République l'a dit, la dynamique est irréversible en droit comme dans les faits. La transparence sur les financements permet désormais d'avoir confiance et de réorienter des moyens vers une économie moins carbonée.

La France doit, c'est sûr, rester exemplaire. Nous le ferons en suivant les objectifs de la loi pour la croissance verte, en pesant sur les négociations sur le transport aérien et maritime. Via aussi un programme de végétalisation en ville. Nous sommes en marche ! (Rires à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Ronan Dantec.  - Nous voulons des résultats ! Pourquoi ne pas encourager davantage le véhicule électrique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

Urbanisation des dents creuses

M. Michel Le Scouarnec .  - Nul ne conteste le bien-fondé des lois SRU, Alur et Littoral. Mais pourquoi interdire de construire dans les dents creuses des hameaux, terrains en friches, isolés entre des maisons existantes ? J'ai pu mesurer le fossé entre les attentes de mesures concrètes des élus et des propriétaires, et le discours des représentants de l'État. Des milliers de personnes sont concernées par cette dévalorisation de leurs propriétés. À Kervignac, commune du Morbihan, 200 terrains sont concernés. Avec une moyenne de 500 mètres carrés par lot, cela fait 10 hectares qui pourraient être déduits de l'étalement urbain et donc, rester en terres agricoles. Beaucoup de petits propriétaires, qui sont loin d'être des spéculateurs, sont visés. À travers eux, la ruralité n'est pas prise en compte.

Comment envisagez-vous d'aménager la loi pour tenir compte des spécificités du monde rural ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable .  - Nous discutons avec les Bretons sur ce thème... Un atelier de travail à la préfecture a été organisé le 3 novembre, auquel vous avez participé : il fallait en effet confronter les positions des élus et des juridictions.

Certaines dispositions ne sont pas utilisées par les élus locaux pour urbaniser les dents creuses. L'enjeu de la loi Alur était de limiter l'étalement urbain, tout en permettant l'urbanisation des dents creuses. Nous organiserons ces ateliers dans tous les départements de Bretagne, pour aider les élus à utiliser les outils dont ils disposent. Nous ranimerons aussi le réseau urbain et littoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Le Scouarnec.  - Les attentes sont grandes. J'espère que ces initiatives éclaireront les élus et la population. La moitié des communes du Morbihan sont concernées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Lutte contre le terrorisme

M. Gilbert Roger .  - Lundi, le président de la République annonçait l'arrestation, à Marseille et à Strasbourg, de sept personnes qui se seraient apprêtées à commettre des attaques terroristes. Au total, quelque 418 personnes ont été arrêtées depuis le début de l'année dans le cadre de la lutte contre cette menace protéiforme : j'en félicite les services. Nous avons adopté trois lois renforçant les contrôles, les moyens de la police et de la gendarmerie, des services, nous avons prorogé l'état d'urgence. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il continuer de prendre pour protéger les sites sensibles - comme le marché de Noël de Strasbourg, qui accueille chaque année deux millions de personnes ? (Applaudissements)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Je m'associe à votre hommage aux services, en particulier la DGSI. L'enquête longue - huit mois -, méticuleuse, a conduit à l'arrestation de sept personnes qui, manifestement, s'apprêtaient à commettre des attentats de grande ampleur. Depuis trois ans, 17 attentats ont été déjoués. Nous augmentons les moyens des services : 2 000 emplois nouveaux, leurs moyens - 230 millions d'euros -, les méthodes, avec plus de transversalité et d'échanges, y compris à l'échelon européen. Ensuite, nous protégeons les grands événements à travers, en particulier, l'opération Sentinelle et grâce aux patrouilles dynamiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Situation de l'élevage

M. Daniel Chasseing .  - La crise agricole nécessite des réformes structurelles : la filière élevage est dans un état désespérée. Le périmètre des zones défavorisées doit être conservé. De nombreux agriculteurs n'ont toujours pas reçu le solde de la PAC 2015 ni l'acompte pour 2016. Comment en est-on arrivés là ? Comment envisagez-vous de sortir les agriculteurs du flou dans lequel ils sont constamment : quelle réforme de l'élevage des broutards et quel versement des aides de la PAC ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - J'ai reçu ce matin les syndicats agricoles pour voir ensemble les problèmes techniques. Nous constatons que 99,7 % des exploitations ont perçu leur solde de 2015, tandis que 89 % des ICHL ont été versées et que le reste le sera d'ici la fin de l'année.

Après les mesures européennes de retrait d'un million de tonnes de poudre de lait, les prix commencent à augmenter pour les producteurs, modestement, mais réellement.

M. François Bonhomme.  - Et le découplage ?

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - S'agissant des broutards, nous espérons de nouvelles mesures de maîtrise concernant l'exportation du vif. En outre, des mesures spécifiques devraient maintenir le prix des carcasses à 3,60 euros le kilo.

M. François Bonhomme.  - Et le redécoupage des zones ?

M. Daniel Chasseing.  - Un système assurantiel est possible, mais jamais utilisé. C'est dommage.

M. Didier Guillaume.  - Et les économies ?

M. Daniel Chasseing.  - Baisse des charges et simplification des normes, versement des aides PAC à échéances fixes, des mesures efficaces sont possibles pour permettre enfin aux agriculteurs de faire vivre leur famille. (Applaudissements au centre et à droite)

Chômage

Mme Jacky Deromedi .  - Le chômage est reparti à la hausse : 10 % de la population est sans emploi.

Le bilan du quinquennat est désastreux : + 1,2 million de chômeurs toutes catégories confondues. La jeunesse est la plus touchée, alors que le chômage baisse partout en Europe. En Allemagne, il est de 4,2 % et au Royaume-Uni de 4,8 % - taux les plus bas depuis onze ans.

La France est en queue de peloton, passée de la quatorzième place en Europe à la vingt-deuxième. C'est bien l'absence de réformes d'envergure qui est responsable de cette situation. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage .  - Le taux de chômage aurait en effet augmenté au troisième trimestre, selon l'Insee, pour atteindre 9,7 %. Mais ces chiffres sont encore provisoires, à la différence de la baisse de 0,3 % du deuxième trimestre, elle, ferme et définitive. La tendance demeure, en cohérence avec les 145 000 emplois créés en un an, avec la baisse de 90 000 demandeurs d'emploi en catégorie A...

Ces résultats ne sont certes pas satisfaisants. C'est pourquoi, dans le budget que vous refusez d'examiner, nous prévoyons d'autres mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Jacky Deromedi.  - Le bilan est désastreux. Ces chiffres désespérants seront tout ce qui restera de ce quinquennat. (Applaudissements à droite et au centre)

Relations école-entreprise

M. Jacques-Bernard Magner .  - Madame la ministre de l'éducation nationale, je regrette que la majorité sénatoriale refuse votre budget en augmentation de 4,5 %, de 43 millions d'euros, soit + 12 % sur les cinq dernières années !

L'école, c'est la priorité absolue de ce Gouvernement. Il a fallu rattraper la casse due à la précédente majorité, la suppression de 80 000 postes. Nous avons renforcé les effectifs - 60 000 postes -, lutté contre le décrochage, amélioré la formation des enseignants, dans le cadre d'une école inclusive. Vous mettez l'accent sur l'insertion des jeunes : où en êtes-vous ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Si l'école doit transmettre des connaissances et une culture aux élèves, elle doit aussi se soucier de leur insertion professionnelle. En cette semaine « École-entreprise », je fais le point sur ce qui se pratique, loin des lumières des médias.

Trois exemples. Par le parcours Avenir, les élèves visitent des entreprises dès la classe de sixième et peuvent écouter des professionnels accueillis dans les écoles, créer des mini-entreprises. Le stage prévu en classe de troisième persiste, pour lequel nous avons créé 330 pôles, afin qu'il n'y ait plus d'élèves sans stage et pour lutter contre les discriminations.

Enfin, nous avons introduit la possibilité de changer d'orientation durant tout le premier trimestre de la classe de seconde professionnelle.

Voilà des exemples concrets, qui changent les relations entre l'école et l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La séance est suspendue à 17 h 35.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 17 h 45.