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Table des matières
Devoir de vigilance des sociétés mères (Deuxième lecture)
M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
Aéroport de Notre-Dame-des-Landes
Décret sur les produits phytosanitaires
Pesticides dans l'alimentation
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes
Chantiers navals de Saint-Nazaire
Agression de policiers dans l'Essonne
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes
Trafic de drogue et attaque des policiers à Viry-Châtillon
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports
Prescription en matière pénale
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois
Usage des drones civils (Deuxième lecture)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État
Question prioritaire de constitutionnalité
Ordre du jour du vendredi 14 octobre 2016
SÉANCE
du jeudi 13 octobre 2016
6e séance de la session ordinaire 2016-2017
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
Secrétaires : M. Philippe Adnot, M. Jackie Pierre.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Devoir de vigilance des sociétés mères (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.
Discussion générale
M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances . - Je suis honoré de débattre avec vous de cette proposition de loi ambitieuse, portée par la détermination de son auteur Dominique Potier, détermination que je partage.
Le drame du Rana Plaza a été un choc : il est ahurissant que l'entreprise donneuse d'ordre ne s'inquiète nullement des conditions de travail déplorables dans lesquelles le sous-traitant réalise les commandes.
Ce texte n'est pas pour autant une loi de circonstance, le débat est plus ancien. La proposition de loi initiale sur le devoir de vigilance avait été déposée fin 2013, mais soulevait des difficultés juridiques que cette seconde proposition de loi vise à résoudre.
Le développement économique ne peut plus se faire au détriment du progrès social, des droits de l'homme, de la santé publique et de la protection de l'environnement.
À l'échelle mondiale, l'ONU a adopté trois résolutions pour encourager les entreprises à adopter des démarches responsables. L'Union européenne s'est également engagée avec l'adoption de la directive européenne du 22 octobre 2014, qui sera bientôt transposée.
À l'échelle nationale, l'action est réelle. En 2011, le président de la République avait pris l'engagement de traduire dans la loi le principe de responsabilité des maisons-mères vis-à-vis des agissements de leurs filiales à l'étranger.
L'article 5 de la loi du 7 juillet 2014 relative à la politique de développement et de solidarité internationale promeut le devoir de vigilance des entreprises.
L'article 8 du projet de loi relatif à la transparence, la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique crée une obligation de prévention des faits de corruption pour les grandes sociétés.
Cette proposition de loi est donc en cohérence avec les engagements de la France et avec la politique menée par le Gouvernement. Nous réaffirmons notre volonté de rendre effectif un devoir de vigilance en France.
Nous ne nous contentons pas de dénoncer les excès de la mondialisation, nous nous mobilisons pour les combattre. Les entreprises devront élaborer un rapport de vigilance sur les risques d'atteinte aux droits fondamentaux. Placées sous le contrôle de chacun, les multinationales seront incitées à développer des pratiques vertueuses.
Les critiques formulées par la majorité sénatoriale en première lecture doivent être prises en considération. Certains dénoncent des risques juridiques, notamment constitutionnels, d'autres craignent qu'un tel texte porte atteinte à l'attractivité de notre pays et à la compétitivité de nos entreprises. Attention cependant à ne pas vider le texte de sa substance.
Le texte adopté par la commission des lois du Sénat se borne à transposer la directive du 22 octobre 2014, ce qui n'était pas le but des auteurs de la proposition de loi. Le Gouvernement soutient le rétablissement de la version initiale du texte, même si celle-ci appelle des ajustements rédactionnels pour la rendre juridiquement irréprochable et compatible avec nos engagements européens et internationaux. Ainsi, les sanctions en cas de non-respect de l'obligation de vigilance ne devront pas être disproportionnées. Les contours de l'engagement de la responsabilité devront être précisés.
L'instauration de ce devoir de vigilance, exigeante obligation de moyens, ne portera pas atteinte à notre compétitivité, au contraire. Rien ne sert d'agiter les craintes ! Le principe de responsabilité des entreprises donneuses d'ordre du fait de leur sous-traitant existe déjà dans notre droit.
La morale, le droit et l'économie ne sont pas opposés. Loin d'être un handicap, cette mesure impulsera une nouvelle dynamique à la responsabilisation des entreprises.
Ce texte, attendu par la société civile, les syndicats et les ONG, est exigeant, précis et applicable. La France adoptera ainsi une législation exemplaire et oeuvrera pour prévenir de nouvelles tragédies humaines et environnementales. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois . - Cette proposition de loi revient en deuxième lecture à la demande du Gouvernement. Déficient juridiquement et inadapté économiquement, il traduit toujours la même approche punitive des entreprises.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cela commence bien !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - La commission des lois ne peut que réitérer ses réserves. Les obligations imposées sont imprécises. Ce texte est source d'incertitude juridique. Le régime de l'amende civile est imprécis, la portée du régime de responsabilité incertaine. Le risque de contentieux est donc élevé, d'autant qu'il y a un risque d'instrumentalisation.
D'un point de vue économique, ce texte pénaliserait les entreprises françaises, aussi bien les plus grandes que leurs sous-traitants, des PME le plus souvent, dans la compétition internationale. Des entreprises françaises risquent de se retirer de certains marchés et certains sous-traitants pourraient refuser de travailler avec elles.
S'il est peu probable que l'adoption en France d'une telle législation suffise à améliorer la situation sociale et environnementale des pays en développement, elle perturberait profondément le tissu économique français.
La commission des lois estime que les obligations doivent peser sur toutes les entreprises européennes pour éviter les distorsions de concurrence. Toutefois une initiative commune apparaissait peu probable. C'est pourquoi votre commission avait rejeté ce texte en première lecture.
Saisie en deuxième lecture, puisque le Gouvernement souhaite faire aboutir la procédure législative, elle a préféré adopté un texte transposant la directive du 22 octobre 2014 modifiant celle de 2013 en ce qui concerne la publication d'informations financières et relatives à la diversité.
L'obligation de publication des informations sur les procédures de diligence raisonnables destinées à prévenir les risques rejoint, à l'évidence, l'obligation d'établir un plan de vigilance visée par cette proposition de loi.
Là où la directive retient une approche reposant sur la transparence et l'incitation, la proposition de loi est punitive et coercitive. Cette proposition de loi fait peser sur les entreprises françaises une obligation plus lourde et l'amende civile qu'elle prévoit est en contradiction avec l'absence de tout mécanisme de sanction de la directive. Incompatibilité aussi en matière de prévention et de détection des faits de corruption. Le Gouvernement n'a assuré aucune coordination avec l'article 8 du projet de loi Sapin 2, pas plus qu'avec la directive.
C'est pourquoi la commission des lois a préféré amender le texte pour créer un article L. 225-102-1-1 dans le code de commerce précisant le contenu du rapport. Celui-ci devra rendre compte des différents risques, des mesures de prévention de la corruption et des mesures de vigilance vis-à-vis des risques d'atteinte aux droits de l'homme ou à l'environnement. Ce rapport inclut l'entreprise et la chaîne de sous-traitants - les informations concernant les sous-traitants ne sont publiées que quand elles sont pertinentes.
La commission conserve ainsi l'objectif de vigilance des grandes entreprises à l'égard des différents risques, tout en l'inscrivant dans le cadre du droit des sociétés et en respectant les exigences de la directive.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur - La commission des lois a aussi clarifié le mécanisme d'injonction de faire sous astreinte en référé.
Nous avons supprimé l'amende civile, imprécise, ainsi que l'action de responsabilité en cas de manquement à l'obligation d'établir et de mettre en oeuvre un plan de vigilance. Enfin, nous avons prévu une application à Wallis et Futuna et différé l'entrée en vigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Évelyne Didier . - La multiplication des crises environnementales et sociales impliquant des acteurs liés par leur activité économique impose de mieux encadrer et réguler des chaînes de valeur toujours plus complexes. Trop souvent les multinationales, non contentes d'échapper à l'impôt, mettent en place des filiales opaques et se cachent derrière des cascades de sous-traitants pour éviter d'assumer leur responsabilité civile et pénale quand une catastrophe survient.
Comment remonter la chaîne, responsabiliser les sociétés-mères qui s'abritent derrière leurs montages juridiques ? Je salue la ténacité des auteurs de la proposition de loi : monsieur le ministre, vous avez raison de citer Dominique Potier.
Je regrette la frilosité, pour ne pas dire la cécité, de la majorité du Sénat sur ces enjeux.
Il serait possible d'aller plus loin, comme le faisait la première proposition de loi dont le groupe GDR était signataire, avec un champ d'application plus large, un renversement de la charge de la preuve et la qualification de la loi de police.
Le groupe ne doit plus être envisagé sous l'angle du strict contrôle direct, mais de l'impact en termes de risques potentiels, dans l'esprit de la norme ISO 26000.
Ce texte jettera les bases d'une concurrence plus juste. Loin de fragiliser les entreprises, il permettra de valoriser les efforts des sociétés vertueuses et sanctionnera le dumping social et environnemental. C'est un pas de plus dans la lutte contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale.
En première lecture, la commission des lois avait purement et simplement supprimé le texte. En deuxième lecture, elle reconnaît que la responsabilité des entreprises à l'égard des donneurs d'ordre existe, et que l'effondrement du Rana Plaza n'est pas un détail de l'histoire. Je salue cette conversion ; pour autant, nous savons combien les entreprises tentent d'échapper à leurs responsabilités. C'est pourquoi le groupe CRC votera contre ce texte qui, en l'état, ne peut nous satisfaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et socialiste et républicain)
M. Yvon Collin . - Peut-être aurait-il été plus juste d'intituler ce texte proposition de loi contre les excès et les travers de la mondialisation.
Il s'agit de reconnaître la responsabilité des entreprises à l'égard de leur chaîne de sous-traitance à l'étranger. Cette notion est déjà reconnue par différents textes de l'ONU, de l'OCDE et de l'Organisation internationale du travail. En France, la jurisprudence « Erika » reconnaît la compétence des juridictions françaises à juger des faits survenus à l'étranger et sanctionne la négligence des sociétés-mères.
La proposition de loi avait été rejetée par la majorité sénatoriale en première lecture. Le contexte a évolué depuis, avec la mise à l'ordre du jour de la transposition de la directive, initialement prévue à l'article 62 du projet de loi Égalité et citoyenneté - article que vous supprimez pour faire de cette proposition de loi le véhicule de cette transposition. Dont acte, même si l'Assemblée nationale rétablira sans doute sa version.
Dans sa philosophie, le texte de la commission est plus libéral et moins coercitif que celui des députés. Il crée une procédure de vigilance raisonnée seulement si cela est pertinent et proportionné, et supprime l'amende civile.
Toutefois, relativisons la portée de ce texte : il crée une obligation de moyens, pas de résultat.
Le mieux, pour éviter un nouveau Rana Plaza, est de promouvoir les droits des travailleurs et un droit du travail digne de ce nom dans les pays où sont installés des sous-traitants.
Réfléchissons à deux fois avant d'adopter des lois d'émotion, qui sont souvent des textes d'affichage à la portée limitée.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Exactement !
M. Yvon Collin. - Une majorité des membres de notre groupe s'abstiendra donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
Mme Anne-Catherine Loisier . - Cette proposition de loi traite de l'humain et attire l'attention sur des pratiques indignes des droits de l'homme. Le législateur a le devoir de faire en sorte que l'irréparable ne se reproduise pas. Ce texte est attendu par les ONG, par les consommateurs qui veulent être sûrs que leur tee-shirt n'est pas le fruit de l'esclavage.
Nous étions en désaccord avec la version initiale du texte qui aurait pénalisé les entreprises françaises et fragilisé notre attractivité, qui aurait flatté notre orgueil national mais n'aurait rien changé au quotidien des travailleurs exploités dans le monde.
Plus qu'un durcissement unilatéral de notre législation, mieux vaut adopter un cadre contraignant à l'échelle européenne et internationale.
La commission des lois propose de transposer la directive d'octobre 2014. Pourquoi d'ailleurs le Gouvernement a-t-il attendu la loi Égalité et citoyenneté pour le faire ?
Les entreprises devraient décrire dans le rapport au conseil d'administration les mesures de diligence pour prévenir les risques identifiés en matière sociale, sanitaire, d'atteinte aux droits de l'homme ou à l'environnement. Si le rapport est incomplet, tout citoyen pourra demander à l'entreprise de le compléter, sous astreinte. À l'heure où l'image de marque est un élément majeur de compétitivité, cette mesure est suffisamment dissuasive.
Le texte vise les entreprises de plus de 500 salariés, avec un chiffre d'affaires de 40 millions : il est plus ambitieux que le texte initial qui ne concernait que les entreprises de plus de 5 000 salariés.
C'est une démarche incitative, réaliste, reposant sur la transparence. La France sera le premier des États fondateurs à transposer cette directive. Elle montrera donc l'exemple, comme le souhaitent les auteurs de la proposition de loi.
Ce texte s'inscrit ainsi dans une démarche réaliste et vertueuse, humaniste et efficace, grâce à la promotion de la notion de « performance globale », économique, sociale et environnementale, nouveau cadre de la concurrence internationale.
Les entreprises ne sont pas que des acteurs économiques, elles incarnent les valeurs et principes de nos sociétés ; cela peut aussi être un enjeu commercial et la responsabilité peut être un levier de croissance pour une entreprise. (Mme Evelyne Didier approuve) Toutefois, soyons lucides, la situation changera si tous les pays font évoluer leur législation. Seule une prise de conscience internationale apportera des solutions à la situation des travailleurs exploités.
Le groupe UDI-UC votera dans sa majorité le texte de la commission.
M. Joël Labbé . - Il faut que les enjeux humanistes et économiques convergent ! Pour cela, il faut en finir avec la frilosité.
M. Philippe Bas, président de la commission - Mettez un pull !
M. Joël Labbé. - M. le président Bas cherche à me déstabiliser... (Sourires)
Merci au Gouvernement de nous soumettre à nouveau le texte initial en deuxième lecture. Je salue d'ailleurs le changement d'attitude de la commission des lois, qui a eu cette fois une approche plus constructive, même si son texte ne saurait nous satisfaire.
Beaucoup des produits vendus sur nos étals, y compris dans nos magasins de luxe, sont souvent produits dans des pays où la main d'oeuvre est exploitée, au mépris des règles internationales et des droits humains. Nike, sponsor de l'équipe de France de football, vend ses maillots, fièrement arborés par les supporteurs, environ 85 euros pièce. Il les achète 6 euros en Asie tandis que l'ouvrier touche 65 centimes ! Les marques sont dans une logique de business, privilégient le marketing et recherchent les coûts de production les plus bas. D'ailleurs, les multinationales quittent la Chine, devenue trop chère, pour le Vietnam, où le salaire moyen d'un ouvrier est inférieur de 33 % au salaire vital, comme l'a montré l'association Éthique sur l'étiquette. Au Cambodge, ce chiffre est de 45 % ; en Inde et en Indonésie, de 50 %. Le business a de beaux jours devant lui, au détriment des droits humains.
Le texte de la commission des lois est en retrait par rapport à celui de l'Assemblée nationale, qui ne crée pourtant qu'une obligation de moyens, celle d'établir un plan de vigilance, défini par les entreprises elles-mêmes.
D'ailleurs, la France n'est pas seule : la Suisse a lancé une initiative similaire, l'Allemagne et le Royaume-Uni expérimentent des mécanismes de responsabilisation. Le sujet progresse, à l'ONU notamment. Un plan de vigilance obligerait par exemple les opérateurs à se soucier du devenir des téléphones mobiles usagés, comme le préconise le récent rapport du Sénat sur le sujet.
Nous déposerons deux amendements pour rétablir les seuils initiaux et le mécanisme de responsabilité en cas de non-respect des obligations. Si le texte reste vidé de sa substance, nous ne pourrions le voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et socialiste et républicain)
M. Didier Marie . - Je remercie le Gouvernement qui a inscrit ce texte à l'ordre du jour.
Tous les jours de nombreux pays connaissent des accidents, des drames humains et environnementaux qui n'ont pas toujours la visibilité du Rana Plaza. Certains défraient néanmoins la chronique : travail forcé pour la construction de stades au Qatar, sous-traitants ougandais d'un cimentier français qui feraient exploiter des mines par des enfants ; financement des talibans par des entreprises européennes extrayant le talc en Afghanistan... Nos smartphones, nos produits ménagers, nos vêtements sont le produit de conditions de travail inhumaines. Au Bangladesh, c'est un jour sur deux qu'une ouvrière du textile meurt au travail. Comme ces évènements surviennent loin de chez nous, ils ne suscitent guère d'émoi...
Il est temps de lancer une nouvelle ère de protection des droits humains, de responsabiliser les entreprises qui recherchent les coûts les plus bas.
Cette proposition de loi transcrit les principes directeurs des Nations unies adoptés en 2011 invitant les entreprises à appliquer, dans leur sphère d'influence, des valeurs fondamentales. Après la loi Nouvelles régulations économiques en 2001, le Grenelle II, la loi sur la biodiversité, la loi Sapin 2, ce texte parachève notre législation.
Les associations et les ONG attendent ce texte avec impatience. Les consommateurs sont de plus en plus attentifs aux conditions de production. Les trois quarts des Français soutiennent cette proposition ; ils ont été 200 000 à signer une pétition, de nombreuses entreprises ont montré leur intérêt et l'Assemblée nationale a voté à la quasi-unanimité. (Mme Evelyne Didier le confirme)
La commission des lois, après avoir rejeté le texte en première lecture, l'a dénaturé en seconde lecture. Vous vous contentez d'esquisser une transposition de la directive sur le reporting extra-financier, alors que notre proposition de loi couvre à 360 degrés le champ de la responsabilité des entreprises, englobant les droits humains, la lutte contre la corruption, la protection de l'environnement.
Il est temps de passer des intentions aux actes ! Le texte de la commission est insuffisant, qui ne prévoit aucune sanction et multiplie les dérogations au principe de vigilance.
Pourtant, le moins-disant généralisé pénalise notre économie : c'est une incitation permanente aux délocalisations et à l'abaissement de nos standards sociaux. Les craintes du rapporteur sont excessives. Nous ne sommes pas les seuls à agir dans ce sens. La notion de responsabilité du fait d'autrui existe déjà en droit de la concurrence, en droit comptable, en droit bancaire ou en droit du travail. Elle n'est pas punitive. Elle n'est pas inconstitutionnelle : l'obligation de vigilance existe ailleurs, et l'obligation est de moyens et non de résultat. Quant à l'amende de 10 millions d'euros, le Conseil constitutionnel a estimé la proportionnalité acceptable ; en tout état de cause, c'est un plafond, le juge appréciera.
Cessez de diaboliser ce texte : c'est une avancée ambitieuse et raisonnée, qui reprend le flambeau de la lutte contre les formes modernes d'esclavage.
Quand réunirez-vous la CMP, monsieur le ministre ? Fidèles aux valeurs humanistes de la France, nous assumons notre responsabilité pour éclairer le chemin vers un nouvel âge de la mondialisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, communiste, républicain et citoyen et RDSE)
Mme Évelyne Didier. - Excellent !
Mme Élisabeth Lamure . - Il est toujours malaisé d'analyser froidement des initiatives qui ont l'apparence de la supériorité morale.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Très bien.
Mme Élisabeth Lamure. - À première vue, il s'agit d'un texte inoffensif, voire salutaire. Qui n'a pas été choqué par le naufrage de l'Erika ou le scandale du Rana Plaza ?
Pour autant, ce texte est imprécis juridiquement et met à mal la stabilité juridique des entreprises dans un climat concurrentiel. Les entreprises ne pourront prouver qu'elles respectent leurs engagements. Le risque de contentieux est élevé.
Entre 146 et 243 entreprises sont concernées, chiffres auxquels il faut ajouter leurs filiales : cela paraît peu mais concerne 4 millions de salariés, 33 % de la valeur ajoutée produite en France, 50 % du chiffre d'affaire à l'export. L'impact potentiel est considérable.
L'échelle pertinente pour une telle législation est l'échelle européenne, car la responsabilité sociale dépasse les frontières. Pourquoi la France a-t-elle tant tardé à transposer la directive du 22 octobre 2014 ?
Beaucoup d'entreprises françaises sont très engagées : 47 % d'entre elles ont un management RSE, ce qui fait de la France un leader.
Je regrette l'état d'esprit de ce texte, qui soupçonne au lieu de faire confiance. Or le président de la République le disait au salon Planète PME, les entrepreneurs prennent des risques pour que le pays soit plus fort, crée plus d'emplois et de richesses. Il disait souhaiter une relation de confiance. Or la confiance se construit sur des actes. Je voterai le texte de la commission des lois. (Applaudissements à droite)
M. Jérôme Durain . - J'ai lu avec intérêt le rapport de M. Frassa, surpris par son changement d'attitude après son approche nihiliste en première lecture. Il a en effet changé son fusil d'épaule : il ne s'agit plus d'empêcher une nouvelle législation de naître, mais de faire en sorte qu'elle ne change rien. Point de bâton pour les entreprises, le laissez-faire règne. Quel est l'objectif d'une telle réécriture ?
Certains semblent pressés d'en finir avec ce débat qui pourrait être source de « perturbations dans les relations économiques et contractuelles ». Le Rana Plaza est-il une épine dans le pied pour vous ? On en oublierait que cette proposition de loi a vocation à sauver des vies, à préserver l'environnement !
Des initiatives similaires ont été prises dans de nombreuses démocraties : un referendum en Suisse, un Anti-slavery Act - titre éloquent - au Royaume-Uni, l'exclusion du Bangladesh d'un dispositif de suppression des taxes par les États-Unis.
Notre attitude n'est pas du gauchisme de salon ; c'est la prise de conscience que la mondialisation sans frein n'a aucun sens, sinon instaure le règne de l'oligarchie, comme disait Thomas Guénolé. Sans règle, c'est la jungle. Il faut, face à elle, parfois user du bâton.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Où est votre bâton ?
M. Jérôme Durain. - Je note que le décret Montebourg, tant décrié, inspire aujourd'hui le Gouvernement britannique à durcir le contrôle des investissements étrangers.
La loi Potier permettra d'éviter un nouveau Rana Plaza.
Je suis fier de la position de mon groupe de restaurer la version de l'Assemblée nationale. (On approuve sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Les citoyens, les entreprises veulent du concret. Les députés de tous groupes sont prêts au progrès. Notre consommation ici ne doit pas reposer sur l'exploitation d'hommes et de femmes là-bas. J'entends déjà les rafales d'arguments que prépare le prochain orateur (Sourires à gauche), mais je préfère pour ma part envisager un commerce international où les salariés de Dassault et les ouvriers au Bangladesh jouiraient d'une égale dignité au travail ! (Vifs applaudissements à gauche)
M. Martial Bourquin. - Excellent !
M. Serge Dassault . - Venez donc voir dans la société Dassault comment sont traités les salariés : la moitié des bénéfices sont consacrés à la participation ! Cette proposition de loi est extrêmement dangereuse pour toutes les entreprises, pour les grands groupes comme pour les PME mais aussi globalement pour la France, son économie et son attractivité.
La France n'est pas responsable de tous les problèmes du monde entier ; elle cherche à vendre ses produits. Ce n'est pas son travail de savoir comment se comportent ses sous-traitants ! (Marques d'indignation à gauche)
Une entreprise choisit ses sous-traitants pour ses prix, pas pour son respect des normes qu'elle ne connaît pas. L'amende que la proposition de loi prévoit n'existe nulle part ailleurs dans le monde. Elle pourrait mener des PME à la faillite.
M. Alain Néri. - Qui vend les Rafales ? Nous !
M. Serge Dassault. - Les entreprises n'ont aucune information sur les normes applicables dans les différents pays. Elles ne sont pas responsables des problèmes humanitaires !
M. Yannick Vaugrenard. - Incroyable !
M. Serge Dassault. - Cette initiative franco-française entraînera une distorsion de concurrence, une inflation des coûts et des risques juridiques.
Quels effets pourraient avoir un tel texte sur la compétitivité de la France, qui sera seule à appliquer de telles règles ? Une perte de compétitivité. Que fait Bruno Le Roux ? Pourquoi entraver les entreprises par des normes stupides ? Elles partiront toutes et il ne restera que des chômeurs !
M. Yannick Vaugrenard. - C'est vous qui devez partir !
M. Serge Dassault. - Arrêtez de mettre des bâtons dans les roues des entreprises ! (Indignation à gauche, applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. Jean-Marc Gabouty . - Quelle est la vraie portée de cette loi ? L'effectivité des mesures de vigilance sur des chaînes d'approvisionnement en cascade est douteuse.
Cette proposition de loi est plus incitative et pédagogique qu'opérationnelle. Il n'est pas utile d'anticiper une directive européenne qui a pour seul effet de créer des obligations supplémentaires alors que notre économie a besoin de simplification.
On demande plus d'éthique aux entreprises qu'aux États ; on pourrait remettre en cause des accords commerciaux ou fiscaux que l'État a signés avec des pays comme le Qatar, l'Arabie saoudite, ou le Koweit, sans se demander quelle était la situation des droits de l'homme. Qu'il balaie devant sa porte !
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 225-102-3 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-102-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-102-4. - I. - Toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, établit et met en oeuvre de manière effective un plan de vigilance.
« Ce plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier et à prévenir la réalisation de risques d'atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales, de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires
M. Joël Labbé. - Cet amendement rétablit le texte initial.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Ne refaisons pas le débat. Avis défavorable.
M. Michel Sapin, ministre. - Ce texte aurait besoin de précisions juridiques, mais vu l'attitude peu coopérative de la majorité sénatoriale, il vaut mieux revenir au texte de l'Assemblée nationale pour améliorer vraiment la rédaction au Palais Bourbon.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Je ne peux pas vous laisser dire que nous n'aurions pas été coopératifs. Nous voulions nous opposer à ce texte et avons voulu le rendre viable en seconde lecture. Il est plein de bons sentiments, mais ce n'est pas les bons sentiments qui font les bonnes lois.
Ce texte est inapplicable. Il instaure une obligation de moyens très vague... Ce sera au juge de décider le niveau d'exigence. Le Conseil constitutionnel y verra certainement un cas d'incompétence négative. Ce texte est donc inefficace, c'est un discours compassionnel mis en forme législative. Il ne sert donc à rien.
Je salue donc les efforts de notre rapporteur pour le sauver. (Applaudissements à droite)
Mme Évelyne Didier. - Nous n'avons pas déposé d'amendements en seconde lecture, considérant que cela ne servirait à rien, et nous comptons que l'Assemblée nationale rétablira son texte.
J'ai trouvé très intéressant le débat, et en particulier l'intervention de M. Dassault. Elle montre que l'attitude en deuxième lecture de la majorité n'est là que pour masquer l'attitude archaïque de la première. Il n'y a eu aucune conversion de sa part.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
I. - Alinéa 1
Remplacer la référence :
L. 225-102-1
par la référence :
L. 225-102-3
et la référence :
L. 225-102-1-1
par la référence :
L. 225-102-4
II. - Alinéas 2 à 12
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 225-102-4. I. - Toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, établit et met en oeuvre de manière effective un plan de vigilance.
« Ce plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier et à prévenir la réalisation de risques d'atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales, de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires résultant des activités de la société et des sociétés qu'elle contrôle au sens du II de l'article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités de leurs sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels elle entretient une relation commerciale établie. Les mesures du plan visent également à prévenir les comportements de corruption active ou passive au sein de la société et des sociétés qu'elle contrôle.
« Le plan de vigilance est rendu public et inclus dans le rapport mentionné à l'article L. 225-102.
« Un décret en Conseil d'État précise les modalités de présentation et d'application du plan de vigilance, ainsi que les conditions du suivi de sa mise en oeuvre effective, le cas échéant dans le cadre d'initiatives pluripartites au sein de filières ou à l'échelle territoriale.
« II - Toute personne justifiant d'un intérêt à agir peut demander à la juridiction compétente d'enjoindre à la société, le cas échéant sous astreinte, d'établir le plan de vigilance, d'en assurer la communication au public et de rendre compte de sa mise en oeuvre conformément au I.
« Le président du tribunal, statuant en référé, peut être saisi aux mêmes fins. »
M. Didier Marie. - Cet amendement rétablit le plan de vigilance qui est au coeur de la proposition de loi. Prévenir les atteintes aux droits de l'homme, aux libertés fondamentales, les risques humanitaires ou la corruption... Nous savons bien ce que sont ces risques, leur définition juridique est claire.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. Frassa, au nom de la commission.
I. - Alinéa 2
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L. 225-102-1-1. - Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et qui, à la clôture de deux exercices consécutifs, avec leurs filiales directes et indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger, réalisent...
II. - Alinéa 3
Supprimer les deuxième, troisième et quatrième occurrences du mot :
risques
III. - Alinéa 10, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les filiales ou sociétés contrôlées qui dépassent les seuils mentionnés au premier alinéa du présent article ne sont pas tenues de rendre compte des informations prévues au présent article dès lors que ces informations sont publiées de façon consolidée par la société qui les contrôle au sens de l'article L. 233-3.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Amendement de clarification rédactionnelle.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. Gabouty.
Alinéa 2
Après le mot :
qui
insérer les mots :
, au vu de leurs états financiers consolidés
M. Jean-Marc Gabouty. - Cet amendement précise la notion de comptes consolidés afin de mieux couvrir le périmètre financier de la société mère. Quant à la notion de chiffre d'affaires net, elle n'a aucun sens.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié, présenté par M. Gabouty.
Alinéa 2
I. - Supprimer les mots :
total de
II. - Après le mot :
bilan
insérer le mot :
consolidé
III. - Supprimer le mot :
net
IV. - Après le mot :
affaire
insérer le mot :
consolidé
M. Jean-Marc Gabouty. - Amendement de repli.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par MM. Collin et Requier.
Alinéa 2
Remplacer le mot :
affaire
par le mot :
affaires
M. Yvon Collin. - Cet amendement corrige une faute d'orthographe. Victor Hugo l'a dit : « La forme, c'est le fond qui remonte à la surface. »
M. le président. - Amendement n°13, présenté par M. Frassa, au nom de la commission.
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article s'applique également aux établissements de crédit, aux entreprises d'assurance et de réassurance, aux institutions de prévoyance et à leurs unions et aux mutuelles et à leurs unions mentionnés aux 1° à 4° du III de l'article L. 820-1 lorsqu'ils dépassent, à la clôture de deux exercices consécutifs, les seuils prévus au premier alinéa du présent article.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Cet amendement complète le périmètre des « entités d'intérêt public » soumises à l'obligation de publier des informations sur les principaux risques sociaux et environnementaux et sur les mesures de vigilance prises afin de les prévenir.
Avis défavorable à l'amendement n°2 rectifié. Les mentions prévues par les amendements nos10 et 11 rectifié ne sont pas utiles : des seuils sont déjà prévus. Elles pourraient aussi être source de confusion à cause du périmètre des comptes consolidés. Mon amendement n°12 clarifie ce dispositif. Avis très favorable à l'amendement n°7 qui corrige une faute d'orthographe - ce que la division des lois aurait fait d'elle-même. Je déduis de son dépôt que le RDSE soutient notre rédaction de ce texte.
M. Michel Sapin, ministre. - Avis favorable à l'amendement n°2 rectifié, avis défavorable aux autres amendements, sauf à l'amendement n°7 de correction orthographique.
M. Henri Cabanel. - Estonie, Lituanie, Royaume-Uni, Portugal, Grèce : ces pays et d'autres ont demandé à la Commission européenne un texte sur la responsabilité des entreprises à l'étranger. La réécriture du texte par la commission des lois le vide de sa substance.
La responsabilité sociale et environnementale est née chez les grandes entreprises elles-mêmes. Le Conseil d'État y voit une vraie avancée. Est-il nécessaire de rappeler les scandales Nike et Reebok dans les années 90 ou Nestlé en Côte d'Ivoire ?
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
L'amendement n°10 n'a plus d'objet.
L'amendement n°11 rectifié est retiré.
L'amendement no7 est adopté, ainsi que l'amendement n°13
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge peut prononcer une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 10 millions d'euros. Cette amende n'est pas une charge déductible du résultat fiscal. »
M. Didier Marie. - Cet amendement rétablit l'amende civile prononcée par le juge contre une entreprise ayant manqué à ses obligations de vigilance.
Cela n'est pas disproportionné. Le texte fixe un plafond de 10 millions d'euros : cela pèsera sur les très grands groupes qui sont concernés. C'est de prévention qu'il s'agit. La seule incitation ne suffit pas. Nous souhaitons un dispositif complet. Les craintes de la commission des lois me semblent infondées. Il y aura des ajustements.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Le Gouvernement ne pourra pas nier que l'instauration d'une telle amende civile pose des problèmes constitutionnels. Au-delà : comment peut-on vouloir faire de la prévention avec des amendes ? Notre divergence de vues est radicale. Je préfère la prévention aux sanctions.
Mme Évelyne Didier. - Et si les entreprises ne respectent pas leurs obligations ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Vous préférez une approche coercitive. Dites-le ! Ne déguisez pas cela derrière la prévention.
Mme Évelyne Didier. - Le plan de vigilance, c'est de la prévention !
M. Michel Sapin, ministre. - Avis favorable ou rétablissement du texte. Je ne nie pas qu'il pose des problèmes constitutionnels mais cela pourra être corrigé à l'Assemblée nationale.
M. Didier Marie. - Je ne peux pas laisser passer les propos caricaturaux du rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - C'est le texte qui est caricatural !
M. Didier Marie. - 80 % des entreprises du CAC 40 sont déjà engagées dans des mesures proches de celles que nous voulons établir. Avec ce texte, on peut imaginer que presque toutes s'y mettront. Mais on peut prévoir qu'une ou deux ne seront pas responsables et il faudra bien les sanctionner.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
ARTICLE 2 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article L. 225-102-3 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-102-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-102-5. - Le non-respect des obligations définies à l'article L. 225-102-4 du présent code engage la responsabilité de son auteur dans les conditions fixées aux articles 1382 et 1383 du code civil.
« L'action en responsabilité est introduite devant la juridiction compétente par toute personne mentionnée au II de l'article L. 225-102-4 du présent code.
« Outre la réparation du préjudice causé, le juge peut prononcer une amende civile définie au III du même article L. 225-102-4. Cette amende n'est pas une charge déductible du résultat fiscal.
« La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci, selon les modalités qu'elle précise. Les frais sont supportés par la personne condamnée.
« La juridiction peut ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte. »
M. Didier Marie. - Cet amendement rétablit l'article 2, dont la portée juridique est remise en cause par la commission des lois. Le juge devra établir une faute, un préjudice et un lien entre les deux. Les entreprises ne seront pas menacées par un contentieux si elles établissent un plan avec des mesures raisonnables. Les craintes de la commission des lois sont excessives.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article L. 225-102-3 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-102-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-102-5. - Le non-respect des obligations définies à l'article L. 225-102-4 du présent code engage la responsabilité de son auteur dans les conditions fixées aux articles 1240 et 1241 du code civil.
« L'action en responsabilité est introduite devant la juridiction compétente par toute personne mentionnée au II de l'article L. 225-102-4 du présent code.
« Outre la réparation du préjudice causé, le juge peut prononcer une amende civile définie au III du même article L. 225-102-4. Cette amende n'est pas une charge déductible du résultat fiscal.
« La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci, selon les modalités qu'elle précise. Les frais sont supportés par la personne condamnée.
« La juridiction peut ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte. »
M. Joël Labbé. - C'est le même.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'article 2 a une portée juridique incertaine. Selon les personnes entendues, soit c'est un rappel du droit existant, soit c'est l'introduction d'une nouvelle responsabilité à l'égard des agissements de ses sous-traitants, auquel cas cela pose des problèmes de constitutionnalité, car il ne s'agit en rien d'une simple obligation de moyens.
M. Michel Sapin, ministre. - Avis favorable.
M. Martial Bourquin. - Notre rapporteur nous donne des leçons de droit, mais il confond filiales et sous-traitants ! La majorité des groupes du CAC 40 considèrent que l'éthique est un élément de compétitivité. La France ne restera pas isolée. Notre but, c'est d'entrainer les autres pays. Chaque jour, des milliers d'enfants meurent. Ne l'oublions pas. Il y a, à travers le monde, des comportements inacceptables, cautionnés par une volonté de cécité ici, au pays des droits de l'homme. Se cacher derrière le droit n'est pas très élégant.
L'amendement n°5 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°9 rectifié.
L'article 2 demeure supprimé.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Rédiger ainsi cet article :
Les articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 du code de commerce sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
L'amende civile encourue en application des mêmes articles est prononcée en monnaie locale, compte tenu de la contre-valeur dans cette monnaie de l'euro.
M. Didier Marie. - Amendement de coordination.
L'amendement n°6, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Didier Marie. - Amendement de coordination.
L'amendement n°1, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. Frassa, au nom de la commission.
Après la référence :
L. 225-102
insérer les mots :
du même code
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Amendement rédactionnel.
L'amendement n°14, repoussé par le Gouvernement, est adopté.
L'article 4 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Jean-Pierre Sueur . - Ce texte est très important. Il témoigne de notre volonté que les sociétés mères soient responsables de leurs filiales, dans un monde où les accidents et l'exploitation sont fréquents.
Cette fois, le rapporteur préfère édulcorer le texte plutôt que d'en supprimer tous les articles un à un comme en première lecture. Je lui donne acte de ce changement de méthode.
La France montrera-t-elle le chemin ? Telle est la question alors que des initiatives similaires se font jour partout. Monsieur le ministre, Victor Schoelcher était assis dans le fauteuil juste derrière vous. On lui disait que l'abolition de l'esclavage en France seulement pénaliserait les entreprises françaises. Nous avons entendu aujourd'hui le même argument. Victor Schoelcher a tenu bon, nous aussi, car nous voulons montrer le chemin.
M. Jean-Marc Gabouty . - La culpabilisation utilisée par M. Sueur est déloyale. Au lieu de faire de grandes déclarations et de se faire plaisir en établissant des règles dont l'application ne sera pas contrôlée, on devrait s'intéresser à la possibilité d'introduire ces notions éthiques dans les critères d'attribution des marchés publics. Je sais bien que c'est du domaine réglementaire mais ce serait efficace. Le texte du Sénat est plus modeste que la proposition de loi mais plus proche des réalités. Vous voulez de l'idéal, notre approche est concrète.
Mme Évelyne Didier . - Je souhaite saluer les syndicalistes qui ont rencontré les salariés syndiqués, de Rana Plaza : je mets beaucoup d'espoir dans leur action. J'ai également travaillé avec les ONG et les associations de consommateurs. Il ne s'agit pas de se faire plaisir, de se donner bonne conscience ! Dire cela c'est faire fi de nos convictions. Merci à M. Dassault d'avoir clarifié les choses. (Applaudissements à gauche)
M. Joël Labbé . - N'est-ce pas une forme d'esclavage de faire travailler pour trois fois rien, parfois des enfants, pour notre confort - enfin, le confort de ceux qui peuvent encore se le permettre ? Vous parlez de bonne conscience ? C'est une insulte à ceux qui se battent. Amnesty international, Les amis de la terre, Sherpa... la société civile organisée représente une part importante de l'opinion publique.
Nous voterons contre cette rédaction qui a vidé le texte de sa substance. (Applaudissements à gauche)
M. Didier Marie . - Merci à nouveau au Gouvernement d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour, faute de quoi il n'aurait sans doute pas pu aboutir. J'espère que le texte sera adopté rapidement pour qu'un décret puisse être pris avant la fin de la législature.
Le discours de M. Dassault clarifie la position politique de la majorité sénatoriale, pour qui la compétitivité prime sur l'éthique... Pour nous, elles sont compatibles. Mieux encore, les consommateurs exigent la transparence et le respect des droits de l'homme. Nul n'accepterait d'acheter un T-shirt tâché du sang des travailleurs exploités. De plus, en renforçant l'éthique, on limite l'incitation à délocaliser et à abaisser nos standards.
M. Gérard Longuet . - Je soutiens le texte de la commission des lois. Lors de la création de l'OMC, les pays en voie d'industrialisation s'étaient élevés contre l'imposition de normes sociales ou environnementales car ils y voyaient une forme de concurrence déloyale de la part des pays déjà industrialisés. Vous parlez de Victor Schoelcher ; souvenez-vous qu'à la même époque, il y eut l'enquête de Villermé.
Le décalage économique suppose des phases de démarrage qui imposent des sacrifices. Le juge de paix, dans tous les cas, sera l'attitude des consommateurs. C'est un facteur plus déterminant qu'une loi. Nous avons la responsabilité de l'industrie française et devons faire vivre les salariés.
Mme Anne-Catherine Loisier . - Je regrette que nous sombrions dans le jeu politique. Le Sénat affirme une volonté forte en transposant la directive européenne de 2014. C'est l'essentiel.
M. Yannick Vaugrenard . - M. Longuet nous dit en substance : c'est ainsi, et cela ne changera jamais. Le développement économique serait cruel et la question sociale secondaire. C'est faire peu de cas des milliers de femmes et d'enfants qui meurent, exploités au travail.
Lors de l'abolition de l'esclavage, les termes du débat étaient déjà les mêmes. Résolument la gauche est au côté de Victor Schoelcher ou de Victor Hugo ! « L'homme n'est pas fait pour traîner des chaînes mais ouvrir des ailes. » Ouvrons-lui les ailes aujourd'hui ; pas demain ou après-demain.
M. Martial Bourquin . - Pour une entreprise, il est plus simple de recourir à des sous-traitants qui exploitent leurs salariés dans le tiers-monde, que de moderniser ses usines. Une prise de conscience a eu lieu et certaines entreprises constatent les limites de cette logique et réinvestissent en France.
Ce débat n'est pas un jeu de posture ! Des vies sont en jeu comme l'a montré le Rana Plazza. Nous sommes fiers de défendre le texte de l'Assemblée nationale.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois . - De grâce, pas de caricature ! Les partisans du texte de la commission des lois ne sont pas insensibles, ni partisans de l'esclavage.
M. Jean-Pierre Sueur. - Les arguments sont les mêmes !
M. Philippe Bas, président de la commission. - Ce texte est un coup d'épée dans l'eau, inefficace. Croyez-vous qu'un plan de vigilance - sans substance d'ailleurs - changera quelque chose ?
Mme Évelyne Didier. - Donc, il faut en faire moins ?
M. Philippe Bas, président de la commission. - Nous ne préconisons pas de ne rien faire ; nous sommes saisis d'un texte inopérant et contraire à la Constitution. Vous êtes d'ailleurs les premiers à appeler au respect de l'État de droit en d'autres occasions ! Ce ne sont pas des arguties juridiques ! Le rôle du législateur est de légiférer, non de mettre en forme un programme politique.
M. le président. - Il est temps de conclure.
M. Philippe Bas, président de la commission. Je puis aussi bien m'asseoir et redemander immédiatement la parole. Vous devrez la donner au président de commission que je suis.
M. le président. - Ne créons pas de problème à plaisir.
Le texte de la proposition de loi, ainsi modifiée, est adopté.
La séance est suspendue à 12 h 45.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Comme la dernière fois, au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à respecter son temps de parole et à être attentif au respect des uns et des autres.
Justice sociale
Mme Annie Guillemot . - Une récente étude de la Cnaf fait apparaitre, pour la première fois depuis 2009, que le nombre de bénéficiaires du RSA-socle a reculé, de 1,66 million en juin 2015 à 1,64 million en juin 2016, comme du RSA-activité, de 240 000 à 230 000. Entre 2007 et 2012, ce nombre avait augmenté de 800 000.
M. Philippe Dallier. - Tout va mieux !
Mme Annie Guillemot. - L'État assume ses responsabilités pour la solidarité envers les plus pauvres. Grâce au Gouvernement, des avancées concrètes ont été obtenues : revalorisation du RSA, du minimum vieillesse, création de la prime d'activité... Nous sommes loin des clichés, et celui de l'assistanat - qui sévissent en ces temps de primaires (Exclamations à droite). Ainsi, hier, la majorité sénatoriale, loin, très loin de la promesse du président Jacques Chirac à l'abbé Pierre, a vidé la loi SRU de son contenu (Mêmes mouvements). Au revers de la politique régressive de la droite, comment le Gouvernement entend-il continuer de faire reculer les inégalités et la pauvreté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; exclamations à droite)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Au-delà des chiffres que vous avez cités, notre action résolue a entrainé une baisse du taux de pauvreté de 14 % de 2011 à 13 % aujourd'hui, quand il est passé en moyenne de 16 à 17 % en Europe.
La réforme des minima sociaux, à partir de 2017, constituera une nouvelle étape dans ce combat de même que le renforcement des services en ligne, l'accompagnement des plus fragiles et des personnes handicapées et nous continuons de travailler sur un revenu universel garanti. Nous sommes aux côtés des ménages les plus modestes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Politique générale
M. François Zocchetto . - (Applaudissements au centre) Comment vous dire notre stupéfaction à la lecture de l'ouvrage dans lequel le président de la République vient, littéralement, de se mettre en scène.
Il a consacré aux journalistes 60 entretiens. Notre pays compte cinq millions de chômeurs, un déficit de 70 milliards d'euros, une dette de 2 000 milliards, nous vivons sous une menace terroriste constante : où donc le président trouve-t-il le temps de ces entretiens ? Certains disent même : quand est-ce que le président travaille-t-il ?
Ce livre nous fait découvrir un président commentant ses nombreuses hésitations et faisant preuve d'un cynisme certain, puisqu'on y apprend le décalage entre ce qu'il pense, ce qu'il fait, et ses déclarations publiques. Derrière l'incompréhension, c'est l'exaspération voire la révolte qui pointe quand les Français voient le président en commentateur public de sa propre vie domestique, en contemplation de lui-même !
M. Jean-Louis Carrère. - Qu'auriez-vous dit de François Mitterrand ?
Mme Éliane Assassi. - Ce n'est pas une question au Gouvernement !
M. François Zocchetto. - Comment le Gouvernement compte-t-il restaurer la crédibilité de la parole publique ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - La crédibilité de la parole publique ? Revoyez notre histoire politique : elle renvoie chacun à ses propres engagements.
La crédibilité de la parole publique, c'est de dire le résultat des politiques conduites. La compétitivité de notre industrie, en berne, s'améliore : pour la première fois depuis 2010, on enregistre une hausse de 2,9 % des créations d'entreprises. (Exclamations à droite)
Vous déplorez un déficit de 70 milliards d'euros : en 2011, il était à 100 milliards ! La dette, elle, avait bondi de 25 points de PIB sous la précédente législature, contre 5 points depuis 2012 ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) Regardons les faits. Ils peuvent être débattus, contestés, bien sûr. Chacun a le droit de prendre des positions, puis d'en changer à l'épreuve des faits, du temps : comparez ce que disent certains candidats à la primaire de droite, avec ce qu'ils ont dit et fait il y a quelques années ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
De notre côté, nous continuons à agir pour notre modèle social, pour notre économie et la République, pour le bien des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Aéroport de Notre-Dame-des-Landes
Mme Catherine Deroche . - 156 décisions de justice favorables à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, 269 000 personnes votant oui au référendum, mais aussi 200 exactions commises par les zadistes dans cette zone de non-droit qu'est devenue l'emprise de l'aéroport, je pourrais multiplier les chiffres. Le président de la République et le Gouvernement ont été clairs dans leurs déclarations : il faut faire appliquer la loi et respecter le choix des habitants de Loire-Atlantique. Alors qu'à peine 30 000 personnes ont défilé la semaine dernière contre le projet, Mme Royal fait entendre une voix discordante, quelle est donc la volonté commune du Gouvernement ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - (On demande bruyamment, à droite, à Mme la ministre de l'écologie de répondre) La réponse ne vous intéresse-t-elle pas ? Le référendum local organisé le 26 juin sur l'aéroport du Grand Ouest a donné, en effet, des résultats clairs, avec 55 % de voix favorables et une participation forte de 51 %. Le déni de démocratie serait d'abandonner un projet soutenu par la population, les élus locaux, tous les gouvernements depuis trente ans et validé par des décisions de justice. Rien ne s'y opposera : le préfet de Loire-Atlantique informera bientôt les élus. Nous ne tolérerons pas que l'on s'y oppose par la force : l'État de droit et le verdict des urnes doivent prévaloir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Catherine Deroche. - Une réponse de plus après dix questions du même ordre depuis octobre 2014, qui ne me convainc pas, tant les prises de position de Mme Royal - qui se drapait pourtant en 2007 du voile de la démocratie participative ! - font fi de la volonté des Ligériens : ils en ont assez ! (Applaudissements au centre et à droite)
Décret sur les produits phytosanitaires
M. Yvon Collin . - Ma question s'adresse à Mme Royal (Exclamations à droite). Elle concerne le décret du 12 septembre 2016 sur l'usage des produits phytosanitaires. Vos services ont la charge de le réécrire après son abrogation par le Conseil d'État. Les effets pourraient être dramatiques pour nos agriculteurs et producteurs de fruits et de légumes dans des temps difficiles. Il y aurait de quoi s'inquiéter à voir l'avant-projet, mais un avant-projet n'est pas un projet.
Nous attendons qu'il soit équilibré, comme le prévoit la loi d'avenir pour l'agriculture entre impératif de santé publique, de protection de l'environnement et nécessité pour les agriculteurs de vivre de leur production. Qu'il n'aille pas au-delà des normes européennes, en particulier sur l'extension des zones non traitées, ou bien vous menacerez les rendements et condamnerez bien des agriculteurs !
Quel sera le décret ? Quand sera-t-il publié ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; « Et Mme Royal ? », à droite)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Un travail est en cours entre les ministères de l'agriculture, de l'environnement et de la santé : car c'est bien de ces trois ministères que ce décret relève. Il doit en effet être réécrit, après avoir été censuré par le Conseil d'État parce qu'il n'était plus conforme au droit européen. J'ai demandé un rapport au préfet Pierre-Etienne Bisch, nous nous concerterons en réunion interministérielle le 18 octobre. Qui s'oppose à l'avant-projet ? Une association de producteurs de fruits et la FNSEA vous a communiqué les bribes qu'elle a pu glaner du texte en discussion. Jamais nous ne ferons des choix au détriment des agriculteurs. En même temps, jamais nous ne prendrons des décisions contre l'environnement. C'est ainsi que nous avancerons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)
M. Yvon Collin. - Vous ne m'avez pas répondu : le projet de décret sera-t-il modifié ?
Pesticides dans l'alimentation
M. Joël Labbé . - Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé. Chaque semaine nous apporte son lot d'alertes : citant une étude de l'association Génération future, un grand quotidien titrait avant-hier « Un bol de pesticides pour votre petit-déjeuner ». Dans tous les échantillons de Muesli - non bio - un produit particulièrement prisé dans les familles, très consommé par les adolescents comme les femmes enceintes, cette étude a détecté des résidus de pesticides avec une concentration de 0,177 mg par kilo : c'est 354 fois la concentration admise par la réglementation pour l'eau potable ! Or ces pesticides sont des perturbateurs endocriniens.
Pourquoi tant de pesticides sont-ils autorisés dans le Muesli ? Parce que pour les produits alimentaires, aucune limite globale n'est fixée aux résidus, contrairement à la réglementation pour l'eau potable. Résultat, on ne tient nul compte des effets des cocktails de pesticides sur la santé.
Or la Commission européenne a proposé une définition des perturbateurs endocriniens que notre Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) trouve insuffisante. Madame la ministre, quelle sera la position de la France à Bruxelles, pour obtenir une définition plus respectueuse de la santé ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - L'étude que vous mentionnez suscite des inquiétudes. Vous savez que j'ai agi, dans les lois de santé, pour limiter l'exposition de nos concitoyens aux perturbateurs endocriniens - nous avons, en particulier, interdit le bisphénol A dans les contenants alimentaires et les jouets. Je partage votre avis : la définition que la commission européenne propose pour les perturbateurs endocriniens, trop restrictive, n'est pas satisfaisante. Je l'ai dit à Bruxelles puis, il y a quelques jours au commissaire européen à la santé que j'ai reçu à Paris, en faisant notamment valoir l'analyse de l'Anses : c'est donc la position officielle de la France.
Quant aux pesticides, avec Stéphane Le Foll et Ségolène Royal (Exclamations à droite), nous avons décidé de saisir l'Anses pour qu'elle propose une limite globale dans l'alimentation comme il en existe pour l'eau potable. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes).
Mineurs isolés à Calais
Mme Éliane Assassi . - Des centaines d'enfants isolés sont présents à Calais, c'est dramatique. Ils sont la proie d'ignobles passeurs. Certains s'exposent à la mort en passant la frontière.
Depuis le mois de mars, la Grande-Bretagne dit s'engager à accueillir les mineurs qui ont des attaches sur son sol, M. Cazeneuve estime que c'est le devoir moral de nos voisins d'outre-Manche - il a déclaré que, « Quand toutes les caméras seront tournées vers les mineurs isolés que les Britanniques ne prendront pas, cela se verra. Ils devront les prendre ».
Or aucun dispositif spécifique n'est prévu pour prendre en charge ces mineurs à l'occasion du démantèlement du camp de Calais. La protection de l'enfance est pourtant notre droit commun et nous savons que des enfants disparaissent chaque fois qu'un camp est démantelé : le minimum que l'État doit assurer, c'est de mettre ces mineurs à l'abri !
Madame la ministre des familles, sachant que les structures d'accueil de l'aide sociale à l'enfance (ASE) n'ont pas de place, ne peut-on pas héberger les mineurs isolés au centre d'accueil et d'orientation Jules Ferry, à Calais même, en attendant l'ouverture de la frontière à laquelle la Grande-Bretagne s'est engagée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur quelques bancs socialistes)
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes . - La situation des migrants, tout particulièrement des mineurs isolés, des femmes, des malades, est une préoccupation constante du Gouvernement.
Le démantèlement de la « jungle » de Calais est une décision juste, humanitaire avant tout et nous mettrons les mineurs à l'abri. Tous les services de l'État, les associations sont mobilisés.
Selon France Terre d'asile, il y aurait plus de mille mineurs non accompagnés à Calais, dont cinq cents déclarent avoir de la famille au Royaume-Uni, et 95 % souhaitent traverser la Manche. Nous leur proposons de rester en France et d'être accueillis dans les services de l'Aide sociale à l'enfance.
Le ministre de l'intérieur a rencontré son homologue à Londres le 10 octobre pour réaffirmer la nécessité d'une coopération. Les accords d'Amiens de mars prévoient l'accueil au Royaume-Uni des mineurs non accompagnés qui y ont des attaches. Nous recherchons les solutions les plus adaptées pour les mettre à l'abri, les accompagner, les accueillir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Éliane Assassi. - À Calais lundi, j'ai entendu les inquiétudes des réfugiés et du monde associatif sur le sort de ces enfants. Il est temps de passer des paroles aux actes pour faire respecter les droits de ces mineurs et la Convention internationale des droits de l'enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Accord de Paris sur le climat
M. Franck Montaugé . - Ma question s'adresse à Mme Royal. La COP21 a été un succès sous l'impulsion décisive du président de la République, grâce aussi à votre engagement, à l'efficacité diplomatique de la France et à la volonté des parties. L'accord de Paris est historique : limiter la hausse des températures à 2°C.
La France a fait preuve de grandeur, a donné le meilleur d'elle-même en portant ce progrès humaniste.
L'engagement de faire entrer en vigueur l'accord de Paris avant la conférence de Marrakech, la COP22, a été tenu, c'est à l'honneur de la France. Il reste beaucoup à faire. En France, la loi de transition énergétique a donné l'exemple de l'engagement et de l'action vers une société décarbonée, mais à l'échelle de la planète, rien n'est acquis. La COP22 devra être le temps de l'action concrète et efficace. Cela passe, entre autres, par le financement de la transition énergétique, la refonte du modèle de fiscalité, des aides financières pour l'adaptation dans les pays en développement.
Quelle voix la France fera-t-elle entendre au Maroc ? Comment compte-t-elle continuer à jouer un rôle moteur ? Quels sont les sujets prioritaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)
Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat . - (Exclamations à droite où l'on se réjouit que Mme la ministre prenne la parole) La communauté internationale, l'Europe, la France ont été au rendez-vous de l'histoire climatique. Un record : l'accord de Paris est entré en vigueur en neuf mois grâce à sa ratification par 55 pays représentant 55 % des émissions de gaz de serre ; il avait fallu sept ans pour faire appliquer le protocole de Kyoto. Le monde a compris l'urgence climatique.
La présidence française s'active sur quatre fronts. L'accélération des ratifications d'abord - je réunis d'ailleurs demain les ambassadeurs en poste à Paris. Ensuite, le respect des engagements pays par pays, dits INDC (Intended nationally determined contribution) et la mobilisation de financements privés, car investir pour le climat, c'est investir pour l'innovation et pour l'emploi. Enfin, les coalitions d'actions : énergies renouvelables en Afrique, coalition solaire co-pilotée par la France et l'Inde, initiative petites îles de Méditerranée. Nous serons au rendez-vous de l'histoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Chantiers navals de Saint-Nazaire
M. Joël Guerriau . - François Hollande annonce ne pas avoir peur de perdre 2017, sans frustrations. Nous, nous sommes frustrés par un taux de chômage élevé et nous avons peur pour nos fleurons industriels, à commencer par les chantiers de l'Atlantique. La justice coréenne envisage la cession globale du groupe STX. Outre la perspective de transfert technologique, il existe un risque de disparition du site de Saint-Nazaire, dont le carnet de commandes est pourtant rempli.
Le Gouvernement Fillon a montré en 2008 qu'il pouvait agir vite en acquérant 33 % des parts. En 2014, un groupe sud-coréen souhaitait vendre ses actions. On aurait pu anticiper ! Il y a une logique de rapprochement avec DCNS. Faut-il une solution nationale ou européenne ? Comment l'État garantira-t-il sur le long terme le maintien à Saint-Nazaire d'un savoir-faire non transférable ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie . - Merci de votre question, qui est l'occasion de faire le point. Depuis septembre, le tribunal de commerce de Séoul n'a pas pris de décision et pourrait ne rien décider avant 2017. Nous ne disposons d'aucune information sur une vente en bloc des activités du groupe ; une décision devrait être annoncée demain.
Le Gouvernement se mobilise sur ce sujet car les enjeux économiques et stratégiques sont forts. Outre le pacte d'actionnaires qui nous donne une minorité de blocage, nous disposons aussi pour agir de la réglementation sur les investissements étrangers. Pour autant, nous privilégions la reprise d'un groupe industriel avec un projet industriel. Nous rencontrons des porteurs de projets européens et échangeons avec DCNS. Les enjeux économiques justifient que nous travaillons activement avec l'ensemble des partenaires et des élus locaux. Je tiendrai la Haute Assemblée informée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Joël Guerriau. - En 2013, j'ai posé une question sur l'incertitude qui faisait peser l'actionnaire principal, STX, sur le site de Saint-Nazaire. Nous pouvions anticiper, sans attendre d'être au pied du mur...
M. Jean-Louis Carrère. - C'est terminé !
M. Joël Guerriau. - Notre intérêt est de préserver cette société qui est présente depuis 150 ans à Saint-Nazaire.
Agression de policiers dans l'Essonne
M. Alain Vasselle . - Depuis des années, dans les banlieues, des « territoires perdus de la République », des quartiers entiers sont laissés aux mains de délinquants. L'actualité vient nous rappeler l'existence de ces zones de non-droit dont vous niez l'existence.
Hier encore, à Viry-Chatillon, une patrouille de policiers sous-équipés a été attaquée au cocktail molotov. On en vient à une situation absurde : comment protéger les policiers chargés de protéger les caméras qui doivent protéger la population ?
Je veux rendre hommage à ces femmes et ces hommes qui continuent d'assurer leur mission de protection dans de telles conditions, premières victimes d'un État impuissant conduit par un Gouvernement tétanisé par la politique de l'excuse.
Après chaque drame, c'est le même cérémonial : « On va voir ce qu'on va voir ! » Mais après quelques jours, les CRS venus en renfort s'en vont, la violence reprend ses droits, l'État perd un peu plus de son autorité. Quand et comment comptez-vous enrayer cette folle escalade ? (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Les faits que vous évoquez sont exceptionnellement graves : des voyous ont voulu tuer des policiers. Nos pensées vont aux quatre policiers blessés et à leurs proches. Deux sont encore hospitalisés : une gardienne de la paix de 39 ans, mère de trois enfants, un policier de 28 ans dont le pronostic vital est engagé.
Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur se sont rendus sur place pour soutenir ces fonctionnaires et souligner le travail accompli chaque jour par les forces de police. Le Gouvernement est déterminé à mettre ces criminels hors d'état de nuire, nous faisons pleinement confiance aux enquêteurs pour trouver les responsables de ces actes odieux.
Depuis plusieurs années, des moyens supplémentaires ont été donnés aux BAC et pelotons d'intervention. L'effort se poursuit pour les policiers du quotidien des zones de sécurité prioritaire. Quelque 9 000 postes ont été créés depuis 2012 - quand 13 000 avaient été supprimés sous le quinquennat précédent. (Exclamations à droite) Je vais vous rafraîchir le mémoire ! Depuis 2012, les moyens de la police ont augmenté de 73 %. Voilà un Gouvernement qui agit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Alain Vasselle. - Le constat est affligeant. Plus de 500 policiers blessés depuis le début de l'année ; 5 736 policiers blessés pendant l'action en 2015 ; 3 275 au premier semestre 2016. Beaucoup de policiers démissionnent ou demandent d'être mutés à l'écart de ce chaos urbain. Cessez d'éluder vos responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Louis Carrère. - Alain Vasselle, l'homme des banlieues !
Délit d'entrave à l'IVG
M. Jérôme Durain . - Il y a des paroles que nous avons le devoir de sanctionner : violentes, sexistes, intrusives. Elles ont été prononcées à l'encontre de nos épouses, soeurs, amies. « C'est un gros piège, l'IVG » ; « Aurez-vous une vie sexuelle normale après l'IVG ? » ; « Pourquoi pleurez-vous ? C'est vous qui l'avez voulu ! » ; « Il y a plus de cancers du poumon après l'IVG car vous fumez plus après ! ». Autant d'attaques contre le droit des femmes à disposer de leur corps.
Je ne critique pas la liberté de conscience : chacun a sa position sur l'IVG ; ce qui est répréhensible, c'est d'empêcher les femmes qui veulent une IVG de le faire. Des commandos masqués aux portes des centres de planning familial - qui avaient conduit le Gouvernement à instaurer le délit d'entrave - nous sommes passés aux sites qui utilisent des noms de domaine quasi institutionnels et prétendent apporter une information objective mais font tout en réalité pour décourager l'IVG.
La droite sénatoriale a empêché l'examen de l'amendement gouvernemental pour élargir le délit d'entrave aux sites internet. Nos collègues députés l'ont donc repris sous forme de proposition de loi. Le Gouvernement soutient-il ce texte, que mon groupe souhaite examiner au plus tôt ? (Vifs applaudissements à gauche)
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes . - Merci de la tonalité de votre question. Il y a en effet toujours des groupes qui n'ont jamais désarmé dans leur hostilité à l'IVG : ils s'enchaînaient aux portes des services d'orthogénie, y pénétraient, au point qu'il a fallu créer un délit d'entrave.
Être hostile à l'IVG est une opinion, mais la liberté d'opinion n'inclut pas le droit de proférer des mensonges. La liberté d'opinion n'est pas la désinformation. Il est inadmissible que des sites attirent des femmes qui souhaitent se renseigner sur l'IVG et cherchent à les intimider, à les culpabiliser, à les pousser à renoncer.
C'est pourquoi j'avais déposé un amendement avec Patrick Kanner, dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, pour étendre le délit d'entrave à l'IVG à ces sites internet manipulateurs. Je regrette que le Sénat ait utilisé une procédure inédite, l'irrecevabilité d'un amendement du Gouvernement en vertu de l'article 45 de la Constitution, pour refuser d'en débattre. Je soutiens la proposition de loi des députés socialistes et souhaite que le débat puisse avoir lieu ici, sur le fond ! (Applaudissements nourris à gauche)
M. le président. - Et que chacun respecte l'article 45 de la Constitution.
Trafic de drogue et attaque des policiers à Viry-Châtillon
M. Serge Dassault . - Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur. L'attaque inadmissible de Viry-Châtillon relève de la guerre civile : des hommes cagoulés ont tenté de brûler vifs des policiers. Ces trafiquants se muent en assassins. Le trafic de drogue se développe dans de nombreuses communes, les maires et les habitants s'inquiètent. Manque de moyens, effectifs policiers insuffisants, commissariats vétustes. Le Gouvernement ne fait rien, au risque que ces drames se multiplient. Il faudrait autoriser les policiers à utiliser leurs armes en cas de menace vitale, punir d'une peine exemplaire ceux qui s'attaquent à des policiers au lieu de les relâcher !
L'inactivité des jeunes est la cause principale du développement du trafic de drogue. La faute à l'Éducation nationale, au collège unique, qui méprise l'apprentissage et laisse des jeunes sans métier, sans avenir autre que vendre de la drogue dans les cages d'escalier. (On s'impatiente à gauche) Que comptez-vous faire ? Pourquoi avoir attendu un tel drame pour agir contre ce fléau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Vous conviendrez avec moi que le trafic de drogue, avec son cortège de violences, n'est pas apparu soudainement ces dernières années et qu'il ne touche pas que la France. Nos forces de police, depuis des années, luttent contre ce phénomène de bandes. Nous avons renforcé les moyens en personnel et en capacités d'investissement, notamment dans votre département, et décidé de les renforcer encore dans les ZSR après l'évènement de Viry-Châtillon. Il faut donner aux policiers du quotidien des moyens d'action renforcés - moyens que la droite avait supprimés. (Vives protestations à droite, tandis qu'on renchérit sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Quand nous examinerons bientôt le budget, vous aurez certainement à coeur de ne pas reproduire vos erreurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Politique de la jeunesse
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - En 2012, le président de la République promettait un quinquennat centré sur la jeunesse. Or celle-ci est en plein désarroi, cherche à s'expatrier car elle ne trouve plus en France de raison d'espérer. (Mme Nicole Bricq le conteste) Plus de 200 000 Français partent chaque année, l'équivalent de la population de Bordeaux !
M. Jean-Louis Carrère. - C'est la faute de Juppé !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - L'enthousiasme de la génération Erasmus joue, bien sûr, mais beaucoup d'entre eux ne veulent pas revenir, faute d'opportunité de carrière. Il est de notre devoir de leur redonner le goût de la France, par nos ambassades et nos conseillers consulaires, pour que l'expatriation subie devienne un vecteur de rayonnement.
À l'inverse, on trouve une jeunesse faussement intégrée par des emplois d'avenir qui ne débouchent sur rien. La Cour des comptes l'a dit : la mesure a coûté 10,5 milliards d'euros pour des résultats très décevants. L'accès des jeunes à l'emploi se détériore, le taux d'inactivité des jeunes est accablant : 37 % des jeunes de 15 à 24 ans ont une activité contre 67,5 % au Royaume-Uni.
Quand comprendrez-vous que votre politique économique, votre conception de la formation uniformisée, votre rejet du mérite et de la valeur travail étranglent le pays et démoralisent notre jeunesse ? (Applaudissements à droite)
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports . - Je m'inscris en faux ! Vous nous avez laissé une page blanche : 12 000 services civiques, moins de 10 000 RSA jeunes en activité. Un peu d'humilité, madame ! Je suis fier du bilan du Gouvernement. Fier que les moins de 30 ans bénéficient désormais d'un cautionnement locatif, que les bourses aient été étendues, y compris aux classes moyennes, que la prime d'activité ait été étendue à 500 000 jeunes, qu'il y ait 30 000 décrocheurs de moins dans l'Éducation nationale, que la couverture santé des jeunes ait été améliorée, que le service civique accueille bientôt 350 000 jeunes, que la grande école du numérique aide les jeunes en grande difficulté.
On peut entendre les critiques de la Cour des comptes, mais les emplois d'avenir bénéficient à 300 000 jeunes, dont 80 % n'ont pas le bac. Je défends ces valeurs dans le projet de loi Égalité et citoyenneté. Vous ne proposez, vous, qu'un sous-salariat pour les jeunes, 15 heures payées au Smic jusqu'à 26 ans seulement ! Nous n'avons pas les mêmes valeurs. (On le confirme à droite) Je serai là pour combattre vos mesures rétrogrades. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Louis Carrère. - C'est l'arroseur arrosé !
La séance est suspendue à 16 heures.
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 15.
Dépôt d'un rapport
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport relatif à l'ajustement du partage des ressources entre les régions et les départements rendu nécessaire par les transferts de compétences entre collectivités territoriales opérés par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Ce rapport a été transmis à la commission des finances, à la commission des lois et à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Prescription en matière pénale
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière pénale.
Discussion générale
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice . - Portalis donnait cette définition de la loi : « Les lois ne sont pas des actes de puissance, ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison ».
Les règles de prescription sont la clé de voûte de notre justice. Devenues inadaptées aux attentes de la société et aux besoins des juges, incohérentes et donc contraires au principe de sécurité juridique, elles doivent être mises à jour.
En 2010, MM. Hyest, Yung et Portelli déposaient un rapport juste et mesuré sur ce sujet ; leurs préconisations étaient traduites dans la loi de 2008, en matière civile.
En matière pénale, les députés Georges Fenech et Alain Tourret, faisant fi de leurs appartenances partisanes, ont poursuivi cette réflexion au cours d'une mission d'information qui a débouché sur la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
Saisi par le président de l'Assemblée nationale, le Conseil d'État a entièrement validé ce texte sur le fond, et l'Assemblée nationale l'a adopté à l'unanimité le 10 mars dernier, en réservant l'imprescriptibilité, comme le Gouvernement le voulait, aux crimes contre l'humanité.
Votre commission des lois a introduit un butoir pour éviter toute imprescriptibilité de fait et a modifié, à raison, la jurisprudence de la Cour de cassation sur les infractions occultes. Encore faut-il traiter la question des infractions dissimulées.
En 1772, Marie-Jeanne Riccoboni écrivait : « Une longue attente est un long supplice ». Le temps ne peut pas devenir l'ennemi de la justice. ?uvrons ensemble en adoptant cette loi de sagesse, de raison et de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois . - Le 2 juin dernier, notre commission des lois avait voté le renvoi du texte en commission. Nous avions besoin de temps, notamment pour approfondir la question des crimes commis sur mineurs. Ce délai a été mis à profit.
Notre commission accepte le doublement des délais de prescription des délits et des crimes, que MM. Hyest, Yung, Portelli préconisaient dans leur rapport en 2007. En revanche, elle refuse le dispositif proposé d'imprescriptibilité des crimes de guerre connexes aux crimes contre l'humanité et rappelle la spécificité des crimes contre l'humanité, les seuls à pouvoir être imprescriptibles.
Dans un arrêt du 22 octobre 1996, la Cour européenne des droits de l'homme soulignait la nécessité de la prescription, dont les fondements sont solides : droit à un procès équitable, droit à être jugé dans un délai raisonnable. Il s'agit en particulier de garantir la sécurité juridique, de protéger contre des plaintes tardives qui seraient difficiles à contrer, et d'empêcher l'injustice qui pourrait survenir en cas de dépérissement des preuves.
C'est dans cette philosophie que nous avons introduit une date butoir pour les infractions occultes et retiré de la liste des actes interruptifs les plaintes simples au commissariat.
La question de la prescription des crimes sur mineurs n'est pas simple à trancher. Nous avons auditionné de nombreux spécialistes dont Violaine Guérin, spécialiste de l'amnésie traumatique, et Caroline Rey-Salmon, chef de l'unité médico-judiciaire de l'Hôtel-Dieu. Une seule vérité en la matière : il faut éviter à tout prix l'imprescriptibilité. Ce qui a emporté ma conviction a été la difficulté, dont les magistrats ont témoigné, de rapporter les preuves après tant de temps et l'expérience que nous ont décrite les médecins. (Applaudissements)
Mme Cécile Cukierman . - Pour nous, doubler les délais de la prescription, c'est tourner le dos au pardon social et au droit à l'oubli. Les évolutions technologiques n'empêchent pas le dépérissement des preuves. Au plan psychologique, des poursuites tardives peuvent réactiver les troubles chez des victimes - des règles spécifiques s'appliquent pour les crimes sur mineurs. Malgré cela, ceux-ci sont souvent évoqués pour justifier un allongement de la prescription. Mais prendre les choses sous l'angle émotionnel n'est pas la bonne solution. Mieux vaudrait faciliter le dépôt de plainte, contrer les discours de banalisation, financer des dispositifs pour libérer la parole et faire sortir les victimes de l'emprise, favoriser la prévention.
Le groupe CRC est pour le droit à être jugé dans un temps raisonnable car la peine est là pour punir mais aussi pour réinsérer. Pour une justice plus rapide, rien ne sert d'allonger les délais ; il faudrait des moyens supplémentaires dans les tribunaux.
Si notre commission des lois a effectué un bon travail, le groupe CRC ne peut pas voter un texte sécuritaire qui va à l'encontre de sa vision humaniste du droit pénal. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur ceux du RDSE)
M. Jacques Mézard . - En ce jour assez noir pour la justice et les magistrats de ce pays, est-il opportun d'en rajouter ? J'ai eu souvent l'occasion de dire mon opposition à cette manière de modifier par à-coups notre législation pénale. Malgré tout le respect que j'ai pour les auteurs de cette proposition de loi et le travail du rapporteur, je ne pourrai pas voter ce texte, de même que la grande majorité de mon groupe RDSE.
Jean de La Bruyère écrivait : « Ceux qui emploient mal leur temps sont les premiers à se plaindre de sa brièveté ». Et le professeur Bouloc : « Au bout d'un certain temps, mieux vaut oublier l'infraction que d'en raviver le souvenir ».
Nous pouvons être sensibles aux demandes des associations. Cependant, dans ma vie professionnelle, j'ai vu les dégâts que cause un procès tardif, tant pour les victimes que pour les auteurs des actes.
J'attendais de ce Gouvernement une grande réforme pénale, traitant de l'engagement des poursuites, du jugement, de l'exécution des peines. Ayons le courage de dire à nos concitoyens que la situation est difficile et que ce n'est pas en déjudiciarisant des procédures et en allongeant les délais de prescription qu'on l'améliorera.
Tout en reconnaissant la qualité du travail de notre rapporteur, nous ne pouvons pas soutenir un texte totalement contraire à notre vision de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ainsi que du groupe CRC)
M. Yves Détraigne . - En juin, le renvoi en commission de ce texte était la seule option raisonnable : nous avons pu, depuis, approfondir ce sujet, qui touche au coeur de notre justice. Cependant, allonger les délais de prescription, est-ce l'urgence ? Quel en sera l'impact financier, alors que la justice manque déjà à ce point de moyens, que l'on doit remettre des délinquants en liberté ? Peut-être y a-t-il d'autres chantiers, en particulier celui de l'exécution des peines - il y va de la crédibilité de notre institution judiciaire. Dans un monde où tout s'accélère, où Internet menace le droit à l'oubli, celui-ci demeure un fondement du vivre ensemble. L'affaiblir déstabiliserait encore plus notre société. Si le progrès technique atténue peut-être le dépérissement des preuves, il permet aussi de les trouver plus vite, et ne suffit pas à justifier un allongement indéfini des délais de prescription.
Notre commission des lois a eu raison de s'attacher à éviter toute imprescriptibilité de droit ou de fait en refusant l'imprescriptibilité des crimes de guerre, ou encore en supprimant la plainte simple de la liste des actes interruptifs.
Le groupe UDI-UC votera ce texte, que la commission des lois a rendu plus équilibré, en espérant qu'il n'occultera pas d'autres chantiers.
M. Jean Desessard . - Le renvoi en commission de ce texte en juin montre que la prescription n'est pas un aléa de procédure. Dès 2007, MM. Hyest, Yung et Portelli recommandaient l'allongement des délais de prescription. Concrètement, le droit a été modifié au fil des années pour les crimes contre l'humanité, les crimes sur mineurs, les crimes terroristes et les violences sexuelles. En 2006, le professeur Jean Danet se demandait si la prescription n'était plus qu'un signe ou si elle avait encore un sens. S'il nous appartient de rassurer les victimes, notre devoir de législateur est de maintenir la cohérence de notre droit et la sécurité juridique pour les auteurs comme pour les victimes. Un procès qui aboutit à un acquittement ou une relaxe, faute de preuves suffisantes, est vécu comme un déni de justice par les victimes.
Le syndicat de la magistrature l'observe à juste titre, « même en cas de déclaration de culpabilité, le procès qui intervient trop longtemps après les faits peut se terminer par une peine symbolique. Il ne pourra donc apaiser les souffrances de la victime car, si la société démocratique admet et réclame l'individualisation des peines, la victime ne peut la supporter ».
La majorité du groupe écologiste s'abstiendra sur ce texte. À notre sens, le grand débat que nous espérions n'a pas eu lieu. Le rapporteur n'a entendu que deux organisations de magistrats et une personnalité qualifiée durant le temps supplémentaire dont il a bénéficié. Surtout, ce texte ne sert ni le droit ni les victimes.
M. Jacques Bigot . - Ce débat est l'occasion de revenir sur le rôle de notre justice pénale : elle n'est pas là pour protéger les victimes et les indemniser, mais pour sanctionner des comportements socialement inacceptables, y compris économiques.
La prescription pénale est faite parce que la société considère avec plus de bienveillance des faits anciens commis par des personnes arrivées au grand âge, et surtout parce que la capacité de la justice à administrer des preuves s'amenuise avec le temps.
Il n'empêche, nous devons nous adapter à notre temps, en allongeant les délais de prescription. L'exemple européen ainsi que l'évolution des techniques de preuves nous y poussent de même que la population. Celle-ci ne peut pas entendre que l'on renonce à poursuivre un délit après si peu de temps. Après le travail de notre rapporteur, nous pouvons espérer un vote majoritaire dans notre assemblée sur ce texte de progrès pour la justice.
Sur les infractions occultes, les actes interruptifs, comme sur les crimes de guerre, j'espère que l'Assemblée nationale nous suivra.
Certains demandent l'imprescriptibilité des violences sexuelles commises sur les enfants mineurs en invoquant une « amnésie traumatique » qui reste à prouver, ou la nécessité de mettre les enfants à l'abri des auteurs de ces violences qui peuvent récidiver. Mais l'essentiel est d'enclencher le plus tôt possible les poursuites, non de juger tardivement !
Notre société change ; elle accepte désormais que l'on parle de l'inceste et des violences sexuelles. La parole se libère. N'oublions pas qu'une victime sortant d'un procès se soldant par un acquittement faute de preuves est encore plus victime et que le point de départ de la prescription, qui est de vingt ans dans ce cas, court à partir de la majorité. (Applaudissements sur quelques bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Vial . - Nos règles de prescription remontent au code d'instruction criminelle de 1808, mais plongent leurs racines jusque dans le droit romain. L'évolution des techniques qui poussent à desserrer la contrainte des délais et la pression de l'opinion sur les violences sexuelles invitent à une réflexion approfondie sur son adoption.
Je salue le travail équilibré de notre collègue Buffet. Sans polémiquer sur les récents propos présidentiels, la justice ne doit pas juger plus vite mais mieux, comme le Parlement doit légiférer non pas plus vite mais mieux.
Conformément à la règle « contra non valentem agere », la prescription ne court pas contre celui qui se trouve dans l'impossibilité d'agir. Les règles de la prescription sont devenues inadaptées aux attentes de la société et exigent un travail législatif qui fut entrepris dès 2007 avec la mission Hyest, Portelli et Yung.
L'allongement des délais de droit commun de la prescription se justifie, ce sera un alignement de notre droit sur celui de nos voisins européens.
L'imprescriptibilité doit être réservée aux crimes contre l'humanité, la suppression d'un « ovni pénal » est bienvenue.
Les règles relatives aux délits occultes ou dissimulés sont clarifiées, conformément à la jurisprudence. Un délai butoir est aussi fixé pour éviter un allongement excessif. Nous ne pouvons en revanche accepter une définition trop vague des délits dissimulés.
Il nous est également apparu nécessaire de reconnaître le caractère interruptif de certaines plaintes et certains actes de poursuites. Mais il ne saurait en être de même des plaintes simples.
L'édit d'Aigues-Mortes de 1246 énonçait déjà le droit d'être jugé dans un délai d'un an... ce qui n'empêche pas la prescription d'être plus moderne qu'il n'y paraît ! (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. Jacques Mézard. - Cet amendement maintient les délais actuels de prescription de l'action publique. Avant de doubler ces délais d'un claquement de doigts, il faut en évaluer les conséquences pour les justiciables et sur la cohérence globale de notre système pénal.
Mme la présidente. - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, MM. Houpert, Cadic, Médevielle et Cigolotti, Mmes Férat, Gatel et Létard, M. Bockel et Mme Billon.
I. - Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 du présent code et à l'article 222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, est imprescriptible.
II. - Alinéa 7
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
vingt
III. - Alinéa 8
Remplacer le mot :
vingt
par le mot :
trente
IV. - Alinéa 12
Supprimer les mots :
crimes et
Mme Chantal Jouanno. - Nous avons amplement discuté du sujet en 2014, à l'occasion d'une proposition de loi de Mme Dini. Selon le Haut Conseil pour l'égalité, 84 000 femmes et 14 000 hommes sont chaque année victimes de viol et de tentatives de viol, or moins de 10 % sont dénoncés, et il en va de même lorsqu'ils sont commis sur des mineurs. L'amnésie post-traumatique est scientifiquement avérée : consultez donc l'association « Stop aux violences sexuelles ».
On peut se souvenir et souffrir de telles violences bien après l'âge de 38 ans, ce qui a conduit la Californie à les rendre imprescriptibles.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, MM. Houpert, Cadic, Médevielle, Cigolotti et Roche, Mmes Férat et Gatel, M. Bockel et Mmes Létard et Billon.
I. - Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 du présent code et à l'article 222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par trente années révolues à compter de la majorité de ces derniers.
II. - Alinéa 7
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
vingt
III. - Alinéa 8
Remplacer le mot :
vingt
par le mot :
trente
Mme Chantal Jouanno. - Amendement de repli, qui allonge à trente ans à compter de la majorité des victimes le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs. La proposition de loi, en l'état, ne fait plus aucune différence entre les crimes commis sur des majeurs et des mineurs.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier, Tasca et Lepage, M. Botrel, Mme Campion, MM. Carvounas, Courteau et Duran, Mme E. Giraud, MM. Lalande et Masseret, Mme Perol-Dumont, M. Roux, Mme Tocqueville, MM. Tourenne et Vaugrenard, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, M. F. Marc, Mme Génisson, M. D. Bailly et Mme Monier.
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'action publique du délit mentionné à l'article 434-3 du code pénal, lorsqu'il est commis sur des mineurs, se prescrit par six années pour les délits et vingt années révolues pour les crimes à compter de la majorité de ces derniers.
M. Philippe Kaltenbach. - Beaucoup trop de mineurs restent victimes de violences sexuelles, dont le souvenir peut ressurgir bien des années plus tard lorsque leurs propres enfants atteignent l'âge ou l'agression s'est produite : c'est l'amnésie traumatique. En 2014, le Sénat m'avait suivi - comme rapporteur de la proposition de loi Dini - pour allonger le délai de prescription de vingt à trente ans plutôt que de rendre ces crimes imprescriptibles.
Nous devons justice aux victimes. Même si les preuves sont difficiles à trouver, elles demandent à être entendues. Par parallélisme des formes, puisque nous allongeons le délai de droit commun, allongeons aussi celui-ci.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier, Tasca et Lepage, MM. Duran, Tourenne, Courteau et Botrel, Mme Perol-Dumont, M. Carvounas, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard, Roux et Masseret, Mmes Campion et E. Giraud, M. Lalande, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, MM. F. Marc et D. Bailly et Mmes Génisson et Monier.
Alinéa 7
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
vingt
M. Philippe Kaltenbach. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier, Tasca et Lepage, MM. Duran, Tourenne, Courteau et Botrel, Mme Perol-Dumont, M. Carvounas, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard, Roux et Masseret, Mmes Campion et E. Giraud, M. Lalande, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, MM. F. Marc et D. Bailly et Mmes Génisson et Monier.
Alinéa 8
Remplacer le mot :
vingt
par le mot :
trente
M. Philippe Kaltenbach. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°13, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'action publique des délits mentionnés à l'article 706-167 du présent code, lorsqu'ils sont punis de dix ans d'emprisonnement, ainsi que celle des délits mentionnés aux articles 706-16 et 706-26 du même code et au livre IV bis du code pénal se prescrivent par vingt années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Amendement rédactionnel.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°17 rectifié à l'amendement n°13 de M. Buffet, au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.
Amendement n° 13, alinéa 3
Remplacer la référence :
et 706-26 du même code
par les mots :
du présent code, à l'exclusion de ceux définis aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du code pénal, et 706-26 du présent code
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Ce sous-amendement écarte l'application des délais de prescription allongés en matière terroriste aux délits d'apologie du terrorisme, de consultation habituelle de site terroriste et d'entrave au blocage de ces sites.
D'une moindre gravité et sans lien direct avec la réalisation d'un acte terroriste, ces infractions ont en effet déjà un régime répressif distinct des autres.
Mme la présidente. - Amendement n°15, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
Alinéa 12
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 9-1 A. - Le délai de prescription de l'action publique des crimes et délits mentionnés à l'article 706-47 et aux articles 222-10 et 222-12 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur un mineur, court à compter de la majorité de ce dernier.
« Le délai de prescription de l'action publique du crime prévu à l'article 214-2 du même code, lorsqu'il a conduit à la naissance d'un enfant, court à compter de la majorité de ce dernier.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Amendement rédactionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier et Tasca, M. Botrel, Mme Lepage, MM. Duran, Tourenne et Courteau, Mme Perol-Dumont, M. Carvounas, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard, Roux et Masseret, Mmes Campion et E. Giraud, M. Lalande, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, M. F. Marc, Mme Génisson, M. D. Bailly et Mme Monier.
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce délai de prescription est de trente années révolues.
M. Philippe Kaltenbach. - Défendu.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°9, qui refuse l'allongement des délais de prescription.
Avis défavorable à l'amendement nos6 rectifié bis et 7 rectifié bis. L'imprescriptibilité, sauf crimes contre l'humanité, n'est pas souhaitable.
Quant au choix entre vingt et trente ans, il nous a été dicté par nos ambitions. Un procès trop tardif peut être ravageur pour les victimes. Je comprends mal l'amendement n°1 rectifié quater, car le délit de non-dénonciation des délits sur mineurs existe déjà - à l'article 434-3 du code pénal. Avis défavorable.
Avis défavorable à l'amendement n°5 rectifié quater, dix ans à compter de la majorité, cela suffit.
Avis défavorable à l'amendement n°4 rectifié quater.
Avis favorable au sous-amendement n°17 rectifié.
Avis défavorable à l'amendement 3 rectifié quater.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Le Gouvernement partage ces avis. Il est défavorable à l'amendement n°9, les progrès accomplis dans la conservation des preuves nécessitant de revoir les délais. Avis défavorable également aux suivants, sauf ceux du rapporteur, car les délais prévus suffisent.
M. Jacques Bigot. - Je peux comprendre que certains considèrent que les crimes sur mineurs sont si graves qu'ils doivent être imprescriptibles, mais alors c'est tout le droit de la prescription qu'il faut revoir !
Contrairement à la proposition de loi de Mme Dini, celle-ci a une portée générale et clarifie les règles. S'opposer à ces amendements, ce n'est pas dire que les crimes sur mineurs ne sont pas des actes graves qu'il faut poursuivre ! (Applaudissements sur les bancs socialistes).
Mme Chantal Jouanno. - La Suisse, le Canada, l'État de Californie ont déclaré imprescriptibles les crimes sexuels sur mineurs, ils n'ont pas fait ce choix à la légère. Les auteurs de ces actes sont, à 90 %, des proches, ils ne seront donc pas révélés.
Enfin, comment comprendre que la France ne fasse plus de différence entre adultes et mineurs ?
M. Jean-Yves Leconte. - Ce texte a l'intérêt de clarifier et de codifier les règles jurisprudentielles. En revanche, le doublement des délais de prescription est dangereux pour la paix sociale. Le pardon est essentiel, si l'on veut qu'une société se projette vers l'avenir. Et des procès tardifs posent des problèmes techniques, car la mémoire s'étiole. Les nouvelles technologies, que l'on invoque, permettent d'aller plus vite, pourquoi allonger les délais ? L'allongement sera-t-il une mesure de confort ?
Ce sont des moyens qu'il faut à la justice. Allonger les délais, c'est risquer de rendre la justice plus lente, moins efficace. Je voterai l'amendement de M. Mézard.
M. Jean-François Longeot. - Ne raisonnons pas seulement en juristes mais en êtres humains. Il faut voter l'allongement du délai à trente ans. (Mme Chantal Jouanno et M. Loïc Hervé applaudissent)
M. Philippe Kaltenbach. - Je suis déçu, le Sénat m'ayant suivi en 2014 et j'avais pensé convaincre le rapporteur, puisqu'il avait lui-même un amendement pour prolonger le délai à trente ans. Un prédateur sexuel recommence, tout doit être fait pour l'arrêter. Pensons aux victimes traumatisées pour toute leur vie. L'amnésie traumatique prend fin, bien souvent, après 40 ans ; allonger le délai à trente ans, c'est adresser aux victimes un signe.
M. François Pillet. - La prescription, c'est faire que l'ordre public ne soit pas de nouveau troublé lorsque le temps l'a apaisé.
C'est aussi protéger la justice des erreurs qu'elle peut commettre à cause de l'érosion et de la mauvaise qualité des preuves.
À la fin d'une session d'assises, une victime reste une victime. Au cours de ma vie professionnelle, j'ai reçu de telles victimes. Après quinze ans, vingt ans, impossible de prouver ce qu'elles ont subi ! Les assises doivent-elles participer à leur guérison ? Non, parce que la justice n'est pas thérapeutique et parce qu'un acquittement faute de preuves rouvre une cicatrice, une blessure impérissable qui laisse les victimes plus meurtries que jamais. (Applaudissements sur divers bancs)
M. Marc Laménie. - Je me rallierai à la position de la commission des lois. Cependant, nous serons confrontés à des cas douloureux. N'oublions pas l'humain.
Mme Cécile Cukierman. - Nous voterons l'amendement Mézard. Quant aux autres, attention à l'émotion, réelle, mais qui ne doit pas guider le législateur. Le procès doit garantir la justice à toutes les parties. Allonger indéfiniment les délais de prescription ne va pas dans ce sens.
Peut-être faut-il reprendre le dossier du choc traumatique. Mais vos amendements, madame Jouanno, ne règlent pas le problème.
M. Yves Détraigne. - Rarement discutons-nous de sujets qui touchent ainsi à la conscience de chacun. Il n'y a pas de vérité absolue. Mais la commission des lois a accompli un travail de fond. Ne faisons pas remonter des affaires à la surface quand la société s'est apaisée. Certes, il y a des traumatismes qu'on n'oublie jamais. Mais l'ordre public exige la prescription.
M. Jacques Mézard. - N'ayant pas été convaincu, je voterai mon amendement ! (Sourires)
Ce n'est pas parce qu'on est contre l'allongement des délais, qu'on ne pense pas aux victimes ! Car allonger les délais de prescription, ce n'est pas protéger les victimes. Songeons aussi à l'échelle des peines. S'attaquer à des mineurs est évidemment intolérable, tuer des gens aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. - Bien sûr !
M. Jacques Mézard. - Nous faisons du mauvais travail législatif, qui aura des conséquences.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Personne ici ne manque d'humanité à l'égard des victimes, notamment mineures. Je me suis posé plusieurs questions : l'allongement des délais va-t-il améliorer l'administration de la justice et la vérité judiciaire ? Non, disent les spécialistes car les preuves ont presque toujours disparu après vingt ou trente ans.
Le procès a-t-il un rôle thérapeutique ?
Mme Chantal Jouanno. - Personne n'a parlé de cela !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La question a été évoquée en audition. Or les experts médico-judiciaires sont formels : non, un procès tardif ne guérit pas les victimes. Ce qu'il faut, c'est les aider à porter plainte le plus tôt possible. C'est pourquoi j'ai considéré qu'il fallait maintenir le délai de vingt ans.
L'amendement n°9 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos6 rectifié bis, 7 rectifié bis, 1 rectifié quater, 5 rectifié quater et 4 rectifié quater.
Le sous-amendement n°17 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement n°13, sous-amendé.
L'amendement n°15 est adopté.
L'amendement n°3 rectifié quater devient sans objet.
Mme la présidente. - Amendement n°11 rectifié, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Par dérogation au premier alinéa des articles 7 et 8 du présent code, le délai de prescription de l'action publique de l'infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l'infraction a été commise.
II. - Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Est dissimulée l'infraction dont l'auteur accomplit délibérément toute manoeuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Cet amendement rétablit la règle du point de départ différé de la prescription en cas d'infraction dissimulée, car il n'est pas souhaitable de ne retenir que l'hypothèse trop restrictive des infractions occultes par nature.
Ce serait un retour sur les avancées de la jurisprudence, s'agissant notamment de la délinquance financière.
Il retient la notion de délais butoirs, bienvenus, mais fixe ceux-ci à douze ans pour les délits et trente ans pour les crimes.
Nul doute que le Sénat ne souhaite pas voir s'interrompre certaines procédures en cours...
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable, nous avons été convaincus.
L'amendement n°11 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°16, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
Alinéa 18
Remplacer le mot :
judiciaires
par le mot :
judiciaire
L'amendement rédactionnel n°16, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
ARTICLE 2
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier et Tasca, M. Botrel, Mme Campion, MM. Carvounas, Courteau et Duran, Mme E. Giraud, M. Lalande, Mme Lepage, M. Masseret, Mme Perol-Dumont, M. Roux, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard et Tourenne, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, MM. F. Marc et D. Bailly et Mmes Génisson et Monier.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° Au premier alinéa de l'article 434-3, après les mots : « de mauvais traitements ou », sont insérés les mots : « de crimes ou ».
M. Philippe Kaltenbach. - Le droit pénal étant d'interprétation stricte, on ne peut considérer que le terme « agressions sexuelles » soit entendu comme un terme générique visant également le viol, qui est un crime. Il est pourtant évident que le législateur réprimant le fait de n'avoir pas dénoncé un délit, a également voulu réprimer, à plus forte raison, le fait de n'avoir pas dénoncé un viol ou tout autre crime sur mineur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable, le crime de viol est défini au sein d'une section intitulée « Des agressions sexuelles » à l'article 222-2 du code pénal : vous avez satisfaction.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°2 rectifié quater est retiré.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
Mme la présidente. - Amendement n°14, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
Alinéa 17
Remplacer le mot :
publique
par les mots :
de l'administration des douanes
L'amendement rédactionnel n°14, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié quater, présenté par MM. Pillet, Bouchet, Carle, César, Chaize, Chasseing, Cornu, Danesi et Delattre, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, M. Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Houel et Huré, Mmes Imbert et Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Leleux et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Magras, A. Marc et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Pinton, Reichardt et de Raincourt, Mme Troendlé, MM. Vasselle, Vaspart et Capo-Canellas, Mmes Gatel et Joissains, M. Roche et Mmes Tetuanui, Deseyne et Doineau.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le premier alinéa de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les infractions auront été commises par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne, sauf en cas de reproduction du contenu d'une publication diffusée sur support papier, l'action publique et l'action civile se prescriront par une année révolue, selon les mêmes modalités. »
M. François Pillet. - Je serai bref, cet amendement ayant déjà été adopté hier dans le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. Il allonge la prescription des délits de presse de trois mois à un an, lorsque les faits sont commis sur Internet : c'est bien le moins qu'on puisse faire, car la diffamation est active longtemps sur Internet.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Mieux vaudrait le retirer, puisqu'il a déjà été adopté. (M. François Pillet le maintient)
M. Jacques Bigot. - Ici, nous sommes tout près d'un accord avec l'Assemblée nationale. Cet amendement risque d'empêcher un vote conforme... La justice est lente, attention à ne pas la ralentir encore en ne prenant pas des mesures utiles !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - C'est ici un meilleur véhicule législatif, et un accord est en bonne voie avec l'Assemblée nationale.
L'amendement n°8 rectifié quater est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
ARTICLE 4 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La présente loi ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. - Tout en consacrant la jurisprudence sur le point de départ différé de la prescription pour les infractions occultes ou dissimulées, la proposition de loi prévoit un délai butoir maximum de douze ans pour les délits et trente ans pour les crimes, qui ne résulte pas de la jurisprudence actuelle.
Il convient dès lors de préciser dans une disposition transitoire expresse que ces dispositions ne pourront pas conduire à la prescription d'infractions pour lesquelles l'action publique a déjà été valablement mise en mouvement, dans des hypothèses où, pour des infractions occultes ou dissimulées, les poursuites auraient été engagées plus de douze ou trente ans après les faits.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°12 est adopté, et l'article 4 est rétabli.
ARTICLE 5
Mme la présidente. - Amendement n°18 rectifié, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux paragraphes ainsi rédigés :
I. - Après les mots : « résultant de », la fin du premier alinéa de l'article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « la loi n° du portant réforme de la prescription en matière pénale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
I. bis - Après les mots : « résultant de », la fin de l'article 711-1 du code pénal est ainsi rédigée : « la loi n° du portant réforme de la prescription en matière pénale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
II. - Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux paragraphes ainsi rédigés :
III. - Le III de l'article 3 et l'article 4 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
IV. - Le IV de l'article 3 est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Barthélemy.
L'amendement rédactionnel n°18 rectifié, accepté par la commission, est adopté.
L'article 5, modifié, est adopté.
Intervention sur l'ensemble
M. Antoine Lefèvre . - Auteur d'une proposition de loi de même ordre en 2010, je ne peux que me réjouir de l'adoption de celle-ci.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
Usage des drones civils (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils.
Discussion générale
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Nous assistons en France et dans le monde à un essor de l'usage professionnel et de loisir des drones civils. Fin 2012, la filière comptait 50 opérateurs ; fin août 2016, 2 600 opérateurs déclarés, exploitant plus de 4 200 drones civils et représentant plus de 5 000 emplois. Une année de vente record s'annonce en 2016 avec le lancement sur le marché de nouveaux engins de loisir. Depuis 2012, on a vu émerger de nombreuses utilisations professionnelles du drone : efficace et économiquement compétitif, il peut être un moyen au service de nos concitoyens, de leur sécurité et de l'environnement. Face à ces perspectives, il était urgent de légiférer pour réguler cette activité. Aussi le Gouvernement a-t-il soutenu cette proposition de loi déposée le 25 mars 2016, sur laquelle le rapporteur a mené un travail constructif. Très attendu, le texte a été examiné à l'Assemblée nationale dès septembre.
Le développement rapide de la filière française est le fruit d'une longue tradition aéronautique, d'un tissu de PME dynamique et d'opérateurs visionnaires.
Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins. Si ces développements prometteurs nous ont conduits à définir un cadre d'usage dès 2012, nous faisons face à des enjeux nouveaux de sécurité et de sûreté, comme le survol illicite des zones sensibles. Je veux vous rassurer sur la sécurité des zones nucléaires : en 2014, aucune menace ne nous a échappé. Nous devons cependant anticiper, car les progrès technologiques sont rapides. Sous l'égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), nous avons travaillé sur la sécurité de l'espace aérien, la préservation d'une chaine opérationnelle robuste, de la détection à la neutralisation.
Nous collaborons étroitement avec nos voisins européens. L'État doit se doter de moyens pour lutter contre les survols indésirables. Des travaux de recherche, financés par le Gouvernement, portent leurs fruits et des solutions techniquement viables ont été trouvées.
Ce texte complètera utilement le corpus existant. Il s'agit de concilier la sécurité, la sûreté et la protection de la vie privée avec le développement d'une filière innovante, sans remettre en cause les pratiques historiques des aéromodélistes.
Cette proposition de loi prévoit un nouvel encadrement, avec immatriculation et enregistrement pour une meilleure traçabilité des appareils ainsi qu'un dispositif de signalement. La définition de la fonction de télépilote, de nouvelles dispositions en matière de formation, l'obligation d'emport d'un dispositif de limitation des capacités, telles sont quelques-unes des nouveautés introduites.
Cette proposition de loi sécurise le régime de sanction pour les contrevenants. La réponse pénale est essentielle à la cohérence du dispositif, au même titre que l'information et la pédagogie. Il importe de promouvoir les règles d'usage des drones en toute sécurité et de les faire connaître au grand public, via une notice obligatoire, y compris pour les ventes de drones d'occasion.
Selon le rapport sur les incidents du 19 février et 2 juillet à l'aéroport Charles-de-Gaulle, les mesures contenues dans cette proposition de loi contribueront à réduire les risques de collision avec les aéronefs pilotés.
Des clarifications ont été apportées sur la période transitoire et sur l'applicabilité du texte outre-mer.
Il fallait trouver un équilibre entre les principes qui relèvent de la loi et la mise en oeuvre technique, réglementaire. Le Gouvernement avait soutenu le renvoi au décret de la détermination des seuils de masse, pour pouvoir s'adapter rapidement aux évolutions. Les députés ont souhaité fixer un plafond à 800 grammes pour les obligations d'enregistrement, de formation et de signalement. Ce choix n'empêche pas des évolutions futures par voie réglementaire, le Gouvernement le soutient donc.
L'Assemblée nationale a amélioré le texte en introduisant un mécanisme de reconnaissance par équivalences de certaines formations. Ces mesures bénéficieront à la pratique de l'aéromodélisme, la possibilité de préciser les conditions d'exemption étant laissée au pouvoir réglementaire.
La proposition de loi apporte une réponse législative aux préoccupations de sécurité publiques liées au développement des drones. Je remercie le rapporteur d'avoir travaillé en concertation avec les professionnels, les fédérations et l'administration, et la commission d'avoir accepté un vote conforme, pour une adoption rapide. Avec cette proposition de loi, la France continuera à montrer la voie dans un domaine où elle excelle tout en préservant la sécurité de tous. (Applaudissements)
M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Cette proposition de loi, qui tire les conséquences du rapport du SGDSN, a été examinée en première lecture le 11 mai en commission et le 17 mai en séance. L'Assemblée nationale l'a examiné le 20 septembre en commission, le 27 septembre en séance publique, sans remettre en cause sa philosophie générale.
L'engouement de nos concitoyens pour les drones ne tarit pas. Le succès du Paris Drone Festival sur les Champs-Élysées, le 4 septembre dernier, participe au rayonnement de Paris comme capitale du drone. Une règlementation pour le grand public s'impose d'autant plus que la concurrence entre fabricants s'intensifie.
Parrot a publié le 23 septembre un avertissement sur ses revenus 2016. Le marché est en pleine mutation. Certains acteurs, comme DJI avec le Mavic Pro ou GoPro avec le Karma, s'implantent sur le même segment du drone moyen de gamme. Les industriels ont besoin de connaître rapidement les normes qui vont s'imposer pour anticiper les évolutions.
Enfin la menace sécuritaire ne diminue pas dans un contexte où le risque terroriste demeure élevé. Un accident grave, dont la probabilité s'accroît, porterait un coup au développement de la filière.
Je me félicite que nos collègues députés aient conservé les quatre piliers de la proposition de loi : information, formation, enregistrement, signalement. L'Assemblée nationale a apporté des précisions utiles concernant l'aéromodélisme et prévu des mesures transitoires.
En commission, j'ai toutefois exprimé une réserve sur le seuil arbitrairement fixé à 800 grammes, qui relève à nos yeux de la compétence réglementaire. En outre, rien ne garantit que ce seuil sera conforme à la réglementation européenne qui verra le jour en 2018.
Les débats à l'Assemblée nationale ont montré la difficulté de retenir un seuil, sans fondement scientifique. Pour la rapporteure de l'Assemblée nationale, un seuil de 800 grammes permettrait de cibler les 10 % d'appareils les plus dangereux et correspondrait à une rupture de gamme entre les drones grand public et les autres. Je ne le pense pas : le Parrot Disco est sensiblement au même prix que le DJI Phantom 4 alors que le premier pèse 750 grammes, contre 1 380 pour le second. Surtout, ce plafonnement pourrait être qualifié de protectionniste : les modèles phares de Parrot, notre champion national, sont systématiquement en-dessous du seuil, ce qui n'est pas le cas des appareils du chinois DJI.
Enfin, définir un tel seuil pour les obligations d'enregistrement et de signalement serait contraire à l'esprit de la proposition de loi qui vise à mettre en place des obligations croissantes en fonction de la dangerosité de l'appareil, en général corrélée à son poids...
Le dispositif de signalement sonore en cas de perte de contrôle pose également problème. Comment distinguer perte de contrôle et figure de voltige ? Encore faut-il que le système sonore fonctionne même si tous les systèmes électriques sont en panne et que le drone tombe. Et quid des drones enregistrés avant 2018 ?
L'intérêt d'une entrée en vigueur rapide de ce texte l'emporte sur ces réserves. Cette proposition de loi est suffisamment aboutie pour pouvoir être adoptée sans délai supplémentaire. C'est à l'honneur du Sénat de faire aboutir en un temps record un texte sur un domaine innovant, attendu par les acteurs, proposant une réglementation équilibrée entre exigences sécuritaires et essor économique.
La commission s'est montrée favorable à l'unanimité à l'adoption du texte conforme, en espérant que ce travail inspire les réflexions en cours au niveau européen. (Applaudissements)
M. Loïc Hervé . - Selon toute vraisemblance, nous en arrivons au terme des discussions sur ce texte car l'Assemblée nationale a repris l'essentiel de nos travaux.
Inscription dans la loi du seuil de 800 grammes et signalement sonore automatique en cas de perte de contrôle, telles sont ses deux ajouts. Ils ne vont pas sans poser problème mais j'estime, avec le rapporteur, qu'il y a urgence à légiférer. En 2014 et 2015, une vingtaine de sites sensibles ont été survolés illégalement, sans compter les risques de collision avec des avions de ligne, comme on l'a vu à l'aéroport de Genève il y a peu. Avec la menace terroriste, le risque est réel et croit avec les techniques de miniaturisation des charges explosives.
D'importants potentiels d'application autrefois réservés à l'armée s'ouvrent aux particuliers : je les ai expérimentés récemment, dans le jardin de mon père, auquel j'ai offert un tel drone. Or la réglementation comporte encore des zones d'ombre. Le Parlement doit encadrer la filière et réprimer les usages malveillants.
On compte déjà 1 200 sociétés de fabrication, essentiellement des PME et TPE, dont le leader Parrot. En 2020, le marché représentera potentiellement 180 millions d'euros pour la France, porté par la filière audiovisuelle et celle de la photographie et sans doute, à l'avenir, la surveillance, la sécurité ou l'agriculture. Dans mon département de Haute-Savoie, les drones pourraient servir à limiter le risque et l'empreinte environnementale dans les milieux difficiles d'accès, à déclencher des avalanches ou à détecter des départs d'incendies.
L'avenir économique est prometteur, mais les acteurs de la filière ont conscience qu'un grave accident fragiliserait son développement et souhaitent une réglementation équilibrée.
Le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi, pour que la filière poursuive sereinement son développement. (Applaudissements)
Mme Leila Aïchi . - Nous souscrivons à l'approche des auteurs de la proposition de loi : accompagner l'évolution technologique en privilégiant la prévention et l'information des usagers. La multiplication des possibilités technologiques pose la question de la démocratisation sereine des drones. Des questions juridiques, écologiques, sécuritaires et surtout éthiques se posent.
Le respect de la vie privée doit être un impératif inébranlable. Les outils préventifs proposés par ce texte apportent une première réponse. L'unanimité dont il a fait l'objet en commission montre sa nécessité.
L'Assemblée nationale en a confirmé l'équilibre tout en apportant quelques modifications, avec la fixation dans la loi de seuils réglementaires initialement renvoyés au décret. J'avais insisté, en première lecture, sur ce point. L'Assemblée nationale a imposé deux seuils de masse à 800 g et à 25 kg. Il ne s'agit que de plafonds qui pourront être modifiés par décret pour tenir compte des évolutions de la miniaturisation. L'Assemblée nationale a ainsi renforcé la sécurité juridique tout en permettant des évolutions futures.
Souplesse dans la réglementation ne signifie pas contournement du Parlement. Bien sûr, il faut légiférer rapidement. La France est pionnière dans ce domaine. Il faut cependant impulser un élan européen, encourager l'harmonisation de la réglementation européenne et développer la coopération internationale en matière de recherche et développement.
Ce texte est un premier pas, même s'il faudra renforcer les moyens capacitaires pour offrir une réponse globale et multidimensionnelle. Le groupe écologiste soutient les modifications introduites par l'Assemblée nationale et votera en faveur de ce texte. (Applaudissements)
M. Jean-Jacques Filleul . - Je veux d'abord saluer l'excellent état d'esprit du rapporteur et son travail sur ce texte.
L'essor rapide du marché des drones civils pose des problèmes de sécurité. Le rapport du SGDSN remis au Parlement en octobre 2015 a souligné les lacunes du droit applicable, l'insuffisante information des utilisateurs et suggère d'instaurer de nouvelles règles dans le domaine de l'information et de l'identification des drones. Il faut sécuriser la pratique sans entraver le dynamisme d'un secteur à fort potentiel où la France a un avenir industriel.
Deux arrêtés de décembre 2015 ont autorisé les vols de drones de loisir et professionnels à une hauteur inférieure à 150 mètres et interdit les vols de nuit, les vols au-dessus des agglomérations et des personnes sans autorisation du préfet, de même que les vols dans un rayon de 5 kilomètres autour des aéroports. L'Assemblée nationale a ajouté que les drones devaient être enregistrés au-delà de 800 grammes et immatriculés au-delà de 25 kilos. Soit.
La proposition de loi définit la notion de télépilote et impose une formation pour piloter les drones de plus de 800 grammes. Elle impose la fourniture d'une notice d'information pour l'ensemble des drones. Les drones de plus de 800 grammes devront comporter des dispositifs de signalement lumineux et sonore et de mutation des performances. Un délit de survol par maladresse ou négligence est également étendu aux télépilotes.
Le drone est devenu un loisir de masse. Les ventes ont triplé en 2015 et la croissance devrait être de 30 % en 2016. Capacité à embarquer caméra et capteurs de données permettront de multiplier les applications, de l'agriculture aux d'ouvrages d'art, du BTP à la police, mission d'observation, de surveillance ou d'inspection, détection de la pollution, livraisons, cartographie.... Une course de drones a même été organisée sur les Champs-Élysées.
Les clubs d'aéromodélisme, qui pratiquent sur des sites agréés, seront exemptés d'un certain nombre d'obligations.
L'arsenal législatif devra évoluer au même rythme que la technologie. Un drone piégé a coûté la mort à deux combattants kurdes et a blessé des soldats français en Irak - il s'agissait d'un modèle grand public.
Ce texte consensuel vient à point pour encadrer la pratique des drones et leur régulation dans l'espace aérien. Le groupe socialiste votera pour, en souhaitant une application rapide. (Applaudissements)
Mme Évelyne Didier . - Je salue le travail du rapporteur et de la commission. Les nouvelles obligations posées par la proposition de loi ont été précisées et renforcées à l'Assemblée nationale. Nous les approuvons.
Cependant, fallait-il, à l'article premier, fixer une obligation d'enregistrement en fonction du poids ? Le seuil ne s'imposait pas. Le renvoi au décret permettra une adaptation rapide et souple, soit. Mais une obligation d'enregistrement généralisée aurait signifié à tous les utilisateurs que les drones ne sont pas un jouet anodin, d'autant que la miniaturisation risque d'être à l'ordre du jour.
L'article 2 renvoie à un décret la définition de l'obligation de formation du télépilote pour les drones de plus de 800 grammes. Il ne faudrait pas que celle-ci se résume à une simple information, car les enjeux éthiques sont importants. Nous approuvons les articles 3 et 4 qui généralisent la notice d'information. Le drone pouvant être une arme par destination, il faudrait renforcer le contrôle et la traçabilité des acheteurs, par exemple en passant par une plateforme de vente agréée.
L'article 5 sanctionne les usages illicites, très bien. L'État se dote de moyens de détecter et de faire cesser les survols indésirables, a dit le ministre. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Comme les téléphones portables, les drones poseront des problèmes de recyclage. Une réflexion sur le traitement des déchets est indispensable. Des étudiants américains ont déjà expérimenté la construction d'un drone à base de mycélium - preuve que les solutions d'écoconception existent.
Nous voterons cette proposition de loi, tout en restant vigilants à l'égard des enjeux éthiques. (Applaudissements)
M. Xavier Pintat . - Co-auteur avec Jacques Gautier de cette proposition de loi, je me réjouis que le Gouvernement l'ait inscrite à l'ordre du jour aussi rapidement. Lors de l'examen de la loi du 2 juin 2015, nous avions demandé au Gouvernement des éléments sur les risques d'intrusion aérienne à la suite des survols de sites sensibles. Un rapport du SGDSN nous a été remis comme prévu à l'automne, nous nous en félicitons. Adaptations juridiques, techniques et capacitaires étaient nécessaires. Des accidents de circulation aérienne à l'étranger mais aussi à proximité de l'aéroport de Roissy ont conduit l'Association internationale du transport aérien à en faire un sujet de vigilance majeur. On pourrait aussi citer ce drone venu se poser à quelques mètres de la chancelière Angela Merkel en septembre 2013. Il y a bien un danger potentiel pour la sécurité des personnes. Les États-Unis n'ont pas attendu pour instituer un cadre juridique, et recensé pas moins de 300 000 drones en quelques semaines.
Je remercie le rapporteur de son investissement. Le texte adopté au Sénat met en place des dispositifs de formation, d'information, d'enregistrement et de signalement des drones. Les députés ont précisé les seuils alors que nous préférions les renvoyer au pouvoir réglementaire, plus apte, à nos yeux, à répondre rapidement aux évolutions technologiques. Ils ont inclus des systèmes de geofencing pour garantir la sécurité de certaines zones mais aussi exonéré les amateurs d'aéromodélisme de ces diverses obligations.
Le texte, équilibré, répond à l'objectif initial : renforcer la sécurité tout en préservant le dynamisme du secteur. Il a fait l'objet d'un examen parlementaire approfondi, en bonne entente avec le Gouvernement et en concertation avec les acteurs de la filière. Nous le voterons conforme, en souhaitant l'adoption rapide des textes d'application. (Applaudissements)
M. Alain Fouché . - Le signalement d'un survol illicite à proximité de l'aéroport de Roissy a attiré l'attention sur l'usage des drones. De nombreux habitants sont inquiets du survol de leurs propriétés par des appareils. L'article 5 punit le survol par maladresse ou négligence d'une zone interdite de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros ; c'est une bonne chose. Plus largement, de quels droits disposent les particuliers qui jugeraient qu'il y a une atteinte à leur vie privée ? Il peut aussi s'agir d'espionnage industriel. Faut-il alerter les autorités ? Confisquer le drone, comme le suggérait M. Pozzo di Borgo ? Faut-il aller jusqu'à l'abattre ? Il faut mieux encadrer et contrôler la vente des drones d'occasion pour éviter le développement du trafic.
Je voterai ce texte, mais souhaiterai que le ministre nous apporte quelques éléments supplémentaires. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État . - L'élaboration de la législation doit se faire en parallèle de l'adoption par l'Union européenne d'un cadre réglementaire harmonisé, d'abord avec la révision du règlement-cadre sur la sécurité aérienne, qui interviendra au mieux mi-2017, puis avec l'adoption de règles proposées par l'Agence européenne de la sécurité aérienne, prévue pour une application fin 2019.
S'il est prématuré de procéder à l'analyse de compatibilité, on constate déjà de larges convergences, sur le recours à la notion d'enregistrement, la limitation de capacité ou la notice d'information. Le décret prendra la réglementation européenne en considération.
La France restera compétente en matière de défense et de sécurité nationale, via la définition des zones interdites de survol, comme en matière de répression pénale des manquements à la réglementation européenne. Les problèmes dont nous débattons au niveau national devront nécessairement être pris en compte au niveau européen.
Quant à l'utilisation des drones en zone de montagne ou en bord de mer, où ils peuvent être très efficaces pour porter secours aux personnes, les textes réglementaires autorisant les communes à recourir à des drones à cet effet n'ont pas encore été pris. Je me suis engagé à les modifier pour donner cette compétence aux collectivités.
La question éthique, madame Didier et monsieur Fouché, sera abordée dans la notice d'informations. De nombreuses personnes se plaignent de voir leur propriété survolée. Le code pénal sanctionne les atteintes à la vie privée par quelque moyen que ce soit.
Inutile donc d'en rajouter, d'autant que la confiscation des drones est possible. Faut-il abattre un drone au-dessus de son jardin ? Non, il faut contacter les forces de l'ordre qui aideront à identifier les propriétaires de l'appareil.
Sur ce qui ne s'apparente ni à des vols de malveillance ni à de la maladresse, nous menons des recherches et collaborons avec d'autres pays européens pour organiser la riposte. Vous comprendrez que je ne peux vous en dire davantage. Ce serait donner des informations à nos ennemis.
Une adoption définitive dès ce soir serait une bonne chose en termes d'agenda parlementaire. Je vous remercie de votre contribution très positive. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Discussion des articles
L'article premier est adopté, de même que les articles 2 et 3.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Trillard, G. Bailly, Bizet, Chaize, Dallier, Doligé, B. Fournier et Mandelli, Mme Lamure, M. Revet, Mme Micouleau et MM. Laménie, Vial, Mayet, Rapin, Lefèvre, Morisset, D. Laurent, Perrin, Pierre, D. Robert, Gilles et Houel.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
et dans des zones identifiées à cet effet
par les mots :
hors zones interdites ou restreintes
M. André Trillard. - Avec 30 000 aéromodélistes licenciés, on ne déplore, en France, aucun accident provoqué par un modèle réduit radiocommandé.
Si les aéromodélistes ont été exemptés d'obligation, l'aéromodélisme perd tout son sens puisque le vol en campagne comme celui de montagne deviendrait impossible, de fait, sans autorisation formelle de la DGAC. Celle-ci se verrait adresser des milliers de demandes dont l'instruction prendrait des années. En montagne, il faudra déterminer à qui appartiennent les parcelles...
Je sais bien que cela relève du pouvoir réglementaire mais je souhaite amener le Gouvernement à préciser les choses.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Trillard, G. Bailly, Chaize, Dallier, B. Fournier et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Mandelli et Mayet, Mme Micouleau et MM. Morisset, Perrin, Pierre, Rapin, D. Robert, Vial, Revet, Bizet, Doligé, Houel et Gilles.
Alinéa 7
Remplacer les mots :
et dans des zones identifiées à cet effet
par les mots :
hors zones interdites ou restreintes
M. André Trillard. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Trillard, G. Bailly, Bizet, Chaize, Dallier, B. Fournier, Gilles, Houel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre et Mayet, Mme Micouleau et MM. Morisset, Perrin, Pierre, Rapin, D. Robert, Vial, Doligé, Mandelli et Revet.
Alinéa 10
Remplacer les mots :
et dans des zones identifiées à cet effet
par les mots :
hors zones interdites ou restreintes
M. André Trillard. - Défendu.
M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Retrait, sinon avis défavorable. Le ciblage par décret des terrains où est pratiqué l'aéromodélisme répond à votre préoccupation, car le droit français ne permet pas de distinguer les aéromodèles des drones.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - On ne peut pas dire que les aéromodélistes ne provoquent aucun accident. Mon fils a été blessé par la maladresse de l'un d'entre eux... Cela dit, l'intention du Gouvernement n'est nullement d'entraver l'aéromodélisme, activité reconnue au sein de l'aéronautique. Ne pouvant distinguer juridiquement aéromodèles et drones, nous avons choisi la souplesse réglementaire pour répondre à vos questions légitimes. Retrait, sinon avis défavorable.
M. André Trillard. - On allégerait beaucoup l'affaire si, au lieu de demander à chaque fois une autorisation de la DGAC, on dressait une liste de communes pour lesquelles il serait inutile de demander une autorisation préalable.
Cependant, compte tenu de l'urgence, je suis disposé à retirer mes amendements.
Les amendements nos1 rectifié, 2 rectifié, 3 rectifié sont retirés.
L'article 4 est adopté.
Les articles 5 et 6 sont adoptés.
Intervention sur l'ensemble
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je me réjouis de cette belle unanimité autour de ce texte qui préserve les intérêts d'une filière dynamique tout en assurant la sécurité aérienne. Merci aux auteurs de cette proposition de loi, au rapporteur, au Gouvernement et aux députés. La France, je l'espère, inspirera la réglementation européenne.
Ce texte montre que le Sénat est tourné vers l'avenir ! (Applaudissements au centre et à droite)
La proposition de loi est définitivement adoptée.
M. le président. - À l'unanimité !
Question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par un courrier en date du 13 octobre 2016, une décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'indemnité à la charge de l'employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Prochaine séance demain, vendredi 14 octobre 2016, à 9 h 30.
La séance est levée à 19 h 30.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du vendredi 14 octobre 2016
Séance publique
À 9h 30, 14 h 30 et éventuellement le soir
Présidence : M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac et M. Bruno Gilles
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'égalité et à la citoyenneté (n°773, 2015-2016).
Rapport de Mmes Dominique Estrosi Sassone et Françoise Gatel, fait au nom de la commission spéciale (n°827, 2015-2016).
Texte de la commission (n°828, 2015-2016).