Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Comme la dernière fois, au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à respecter son temps de parole et à être attentif au respect des uns et des autres.
Justice sociale
Mme Annie Guillemot . - Une récente étude de la Cnaf fait apparaitre, pour la première fois depuis 2009, que le nombre de bénéficiaires du RSA-socle a reculé, de 1,66 million en juin 2015 à 1,64 million en juin 2016, comme du RSA-activité, de 240 000 à 230 000. Entre 2007 et 2012, ce nombre avait augmenté de 800 000.
M. Philippe Dallier. - Tout va mieux !
Mme Annie Guillemot. - L'État assume ses responsabilités pour la solidarité envers les plus pauvres. Grâce au Gouvernement, des avancées concrètes ont été obtenues : revalorisation du RSA, du minimum vieillesse, création de la prime d'activité... Nous sommes loin des clichés, et celui de l'assistanat - qui sévissent en ces temps de primaires (Exclamations à droite). Ainsi, hier, la majorité sénatoriale, loin, très loin de la promesse du président Jacques Chirac à l'abbé Pierre, a vidé la loi SRU de son contenu (Mêmes mouvements). Au revers de la politique régressive de la droite, comment le Gouvernement entend-il continuer de faire reculer les inégalités et la pauvreté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; exclamations à droite)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Au-delà des chiffres que vous avez cités, notre action résolue a entrainé une baisse du taux de pauvreté de 14 % de 2011 à 13 % aujourd'hui, quand il est passé en moyenne de 16 à 17 % en Europe.
La réforme des minima sociaux, à partir de 2017, constituera une nouvelle étape dans ce combat de même que le renforcement des services en ligne, l'accompagnement des plus fragiles et des personnes handicapées et nous continuons de travailler sur un revenu universel garanti. Nous sommes aux côtés des ménages les plus modestes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Politique générale
M. François Zocchetto . - (Applaudissements au centre) Comment vous dire notre stupéfaction à la lecture de l'ouvrage dans lequel le président de la République vient, littéralement, de se mettre en scène.
Il a consacré aux journalistes 60 entretiens. Notre pays compte cinq millions de chômeurs, un déficit de 70 milliards d'euros, une dette de 2 000 milliards, nous vivons sous une menace terroriste constante : où donc le président trouve-t-il le temps de ces entretiens ? Certains disent même : quand est-ce que le président travaille-t-il ?
Ce livre nous fait découvrir un président commentant ses nombreuses hésitations et faisant preuve d'un cynisme certain, puisqu'on y apprend le décalage entre ce qu'il pense, ce qu'il fait, et ses déclarations publiques. Derrière l'incompréhension, c'est l'exaspération voire la révolte qui pointe quand les Français voient le président en commentateur public de sa propre vie domestique, en contemplation de lui-même !
M. Jean-Louis Carrère. - Qu'auriez-vous dit de François Mitterrand ?
Mme Éliane Assassi. - Ce n'est pas une question au Gouvernement !
M. François Zocchetto. - Comment le Gouvernement compte-t-il restaurer la crédibilité de la parole publique ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - La crédibilité de la parole publique ? Revoyez notre histoire politique : elle renvoie chacun à ses propres engagements.
La crédibilité de la parole publique, c'est de dire le résultat des politiques conduites. La compétitivité de notre industrie, en berne, s'améliore : pour la première fois depuis 2010, on enregistre une hausse de 2,9 % des créations d'entreprises. (Exclamations à droite)
Vous déplorez un déficit de 70 milliards d'euros : en 2011, il était à 100 milliards ! La dette, elle, avait bondi de 25 points de PIB sous la précédente législature, contre 5 points depuis 2012 ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) Regardons les faits. Ils peuvent être débattus, contestés, bien sûr. Chacun a le droit de prendre des positions, puis d'en changer à l'épreuve des faits, du temps : comparez ce que disent certains candidats à la primaire de droite, avec ce qu'ils ont dit et fait il y a quelques années ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
De notre côté, nous continuons à agir pour notre modèle social, pour notre économie et la République, pour le bien des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Aéroport de Notre-Dame-des-Landes
Mme Catherine Deroche . - 156 décisions de justice favorables à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, 269 000 personnes votant oui au référendum, mais aussi 200 exactions commises par les zadistes dans cette zone de non-droit qu'est devenue l'emprise de l'aéroport, je pourrais multiplier les chiffres. Le président de la République et le Gouvernement ont été clairs dans leurs déclarations : il faut faire appliquer la loi et respecter le choix des habitants de Loire-Atlantique. Alors qu'à peine 30 000 personnes ont défilé la semaine dernière contre le projet, Mme Royal fait entendre une voix discordante, quelle est donc la volonté commune du Gouvernement ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - (On demande bruyamment, à droite, à Mme la ministre de l'écologie de répondre) La réponse ne vous intéresse-t-elle pas ? Le référendum local organisé le 26 juin sur l'aéroport du Grand Ouest a donné, en effet, des résultats clairs, avec 55 % de voix favorables et une participation forte de 51 %. Le déni de démocratie serait d'abandonner un projet soutenu par la population, les élus locaux, tous les gouvernements depuis trente ans et validé par des décisions de justice. Rien ne s'y opposera : le préfet de Loire-Atlantique informera bientôt les élus. Nous ne tolérerons pas que l'on s'y oppose par la force : l'État de droit et le verdict des urnes doivent prévaloir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Catherine Deroche. - Une réponse de plus après dix questions du même ordre depuis octobre 2014, qui ne me convainc pas, tant les prises de position de Mme Royal - qui se drapait pourtant en 2007 du voile de la démocratie participative ! - font fi de la volonté des Ligériens : ils en ont assez ! (Applaudissements au centre et à droite)
Décret sur les produits phytosanitaires
M. Yvon Collin . - Ma question s'adresse à Mme Royal (Exclamations à droite). Elle concerne le décret du 12 septembre 2016 sur l'usage des produits phytosanitaires. Vos services ont la charge de le réécrire après son abrogation par le Conseil d'État. Les effets pourraient être dramatiques pour nos agriculteurs et producteurs de fruits et de légumes dans des temps difficiles. Il y aurait de quoi s'inquiéter à voir l'avant-projet, mais un avant-projet n'est pas un projet.
Nous attendons qu'il soit équilibré, comme le prévoit la loi d'avenir pour l'agriculture entre impératif de santé publique, de protection de l'environnement et nécessité pour les agriculteurs de vivre de leur production. Qu'il n'aille pas au-delà des normes européennes, en particulier sur l'extension des zones non traitées, ou bien vous menacerez les rendements et condamnerez bien des agriculteurs !
Quel sera le décret ? Quand sera-t-il publié ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; « Et Mme Royal ? », à droite)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Un travail est en cours entre les ministères de l'agriculture, de l'environnement et de la santé : car c'est bien de ces trois ministères que ce décret relève. Il doit en effet être réécrit, après avoir été censuré par le Conseil d'État parce qu'il n'était plus conforme au droit européen. J'ai demandé un rapport au préfet Pierre-Etienne Bisch, nous nous concerterons en réunion interministérielle le 18 octobre. Qui s'oppose à l'avant-projet ? Une association de producteurs de fruits et la FNSEA vous a communiqué les bribes qu'elle a pu glaner du texte en discussion. Jamais nous ne ferons des choix au détriment des agriculteurs. En même temps, jamais nous ne prendrons des décisions contre l'environnement. C'est ainsi que nous avancerons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)
M. Yvon Collin. - Vous ne m'avez pas répondu : le projet de décret sera-t-il modifié ?
Pesticides dans l'alimentation
M. Joël Labbé . - Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé. Chaque semaine nous apporte son lot d'alertes : citant une étude de l'association Génération future, un grand quotidien titrait avant-hier « Un bol de pesticides pour votre petit-déjeuner ». Dans tous les échantillons de Muesli - non bio - un produit particulièrement prisé dans les familles, très consommé par les adolescents comme les femmes enceintes, cette étude a détecté des résidus de pesticides avec une concentration de 0,177 mg par kilo : c'est 354 fois la concentration admise par la réglementation pour l'eau potable ! Or ces pesticides sont des perturbateurs endocriniens.
Pourquoi tant de pesticides sont-ils autorisés dans le Muesli ? Parce que pour les produits alimentaires, aucune limite globale n'est fixée aux résidus, contrairement à la réglementation pour l'eau potable. Résultat, on ne tient nul compte des effets des cocktails de pesticides sur la santé.
Or la Commission européenne a proposé une définition des perturbateurs endocriniens que notre Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) trouve insuffisante. Madame la ministre, quelle sera la position de la France à Bruxelles, pour obtenir une définition plus respectueuse de la santé ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - L'étude que vous mentionnez suscite des inquiétudes. Vous savez que j'ai agi, dans les lois de santé, pour limiter l'exposition de nos concitoyens aux perturbateurs endocriniens - nous avons, en particulier, interdit le bisphénol A dans les contenants alimentaires et les jouets. Je partage votre avis : la définition que la commission européenne propose pour les perturbateurs endocriniens, trop restrictive, n'est pas satisfaisante. Je l'ai dit à Bruxelles puis, il y a quelques jours au commissaire européen à la santé que j'ai reçu à Paris, en faisant notamment valoir l'analyse de l'Anses : c'est donc la position officielle de la France.
Quant aux pesticides, avec Stéphane Le Foll et Ségolène Royal (Exclamations à droite), nous avons décidé de saisir l'Anses pour qu'elle propose une limite globale dans l'alimentation comme il en existe pour l'eau potable. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes).
Mineurs isolés à Calais
Mme Éliane Assassi . - Des centaines d'enfants isolés sont présents à Calais, c'est dramatique. Ils sont la proie d'ignobles passeurs. Certains s'exposent à la mort en passant la frontière.
Depuis le mois de mars, la Grande-Bretagne dit s'engager à accueillir les mineurs qui ont des attaches sur son sol, M. Cazeneuve estime que c'est le devoir moral de nos voisins d'outre-Manche - il a déclaré que, « Quand toutes les caméras seront tournées vers les mineurs isolés que les Britanniques ne prendront pas, cela se verra. Ils devront les prendre ».
Or aucun dispositif spécifique n'est prévu pour prendre en charge ces mineurs à l'occasion du démantèlement du camp de Calais. La protection de l'enfance est pourtant notre droit commun et nous savons que des enfants disparaissent chaque fois qu'un camp est démantelé : le minimum que l'État doit assurer, c'est de mettre ces mineurs à l'abri !
Madame la ministre des familles, sachant que les structures d'accueil de l'aide sociale à l'enfance (ASE) n'ont pas de place, ne peut-on pas héberger les mineurs isolés au centre d'accueil et d'orientation Jules Ferry, à Calais même, en attendant l'ouverture de la frontière à laquelle la Grande-Bretagne s'est engagée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur quelques bancs socialistes)
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes . - La situation des migrants, tout particulièrement des mineurs isolés, des femmes, des malades, est une préoccupation constante du Gouvernement.
Le démantèlement de la « jungle » de Calais est une décision juste, humanitaire avant tout et nous mettrons les mineurs à l'abri. Tous les services de l'État, les associations sont mobilisés.
Selon France Terre d'asile, il y aurait plus de mille mineurs non accompagnés à Calais, dont cinq cents déclarent avoir de la famille au Royaume-Uni, et 95 % souhaitent traverser la Manche. Nous leur proposons de rester en France et d'être accueillis dans les services de l'Aide sociale à l'enfance.
Le ministre de l'intérieur a rencontré son homologue à Londres le 10 octobre pour réaffirmer la nécessité d'une coopération. Les accords d'Amiens de mars prévoient l'accueil au Royaume-Uni des mineurs non accompagnés qui y ont des attaches. Nous recherchons les solutions les plus adaptées pour les mettre à l'abri, les accompagner, les accueillir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Éliane Assassi. - À Calais lundi, j'ai entendu les inquiétudes des réfugiés et du monde associatif sur le sort de ces enfants. Il est temps de passer des paroles aux actes pour faire respecter les droits de ces mineurs et la Convention internationale des droits de l'enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Accord de Paris sur le climat
M. Franck Montaugé . - Ma question s'adresse à Mme Royal. La COP21 a été un succès sous l'impulsion décisive du président de la République, grâce aussi à votre engagement, à l'efficacité diplomatique de la France et à la volonté des parties. L'accord de Paris est historique : limiter la hausse des températures à 2°C.
La France a fait preuve de grandeur, a donné le meilleur d'elle-même en portant ce progrès humaniste.
L'engagement de faire entrer en vigueur l'accord de Paris avant la conférence de Marrakech, la COP22, a été tenu, c'est à l'honneur de la France. Il reste beaucoup à faire. En France, la loi de transition énergétique a donné l'exemple de l'engagement et de l'action vers une société décarbonée, mais à l'échelle de la planète, rien n'est acquis. La COP22 devra être le temps de l'action concrète et efficace. Cela passe, entre autres, par le financement de la transition énergétique, la refonte du modèle de fiscalité, des aides financières pour l'adaptation dans les pays en développement.
Quelle voix la France fera-t-elle entendre au Maroc ? Comment compte-t-elle continuer à jouer un rôle moteur ? Quels sont les sujets prioritaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)
Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat . - (Exclamations à droite où l'on se réjouit que Mme la ministre prenne la parole) La communauté internationale, l'Europe, la France ont été au rendez-vous de l'histoire climatique. Un record : l'accord de Paris est entré en vigueur en neuf mois grâce à sa ratification par 55 pays représentant 55 % des émissions de gaz de serre ; il avait fallu sept ans pour faire appliquer le protocole de Kyoto. Le monde a compris l'urgence climatique.
La présidence française s'active sur quatre fronts. L'accélération des ratifications d'abord - je réunis d'ailleurs demain les ambassadeurs en poste à Paris. Ensuite, le respect des engagements pays par pays, dits INDC (Intended nationally determined contribution) et la mobilisation de financements privés, car investir pour le climat, c'est investir pour l'innovation et pour l'emploi. Enfin, les coalitions d'actions : énergies renouvelables en Afrique, coalition solaire co-pilotée par la France et l'Inde, initiative petites îles de Méditerranée. Nous serons au rendez-vous de l'histoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Chantiers navals de Saint-Nazaire
M. Joël Guerriau . - François Hollande annonce ne pas avoir peur de perdre 2017, sans frustrations. Nous, nous sommes frustrés par un taux de chômage élevé et nous avons peur pour nos fleurons industriels, à commencer par les chantiers de l'Atlantique. La justice coréenne envisage la cession globale du groupe STX. Outre la perspective de transfert technologique, il existe un risque de disparition du site de Saint-Nazaire, dont le carnet de commandes est pourtant rempli.
Le Gouvernement Fillon a montré en 2008 qu'il pouvait agir vite en acquérant 33 % des parts. En 2014, un groupe sud-coréen souhaitait vendre ses actions. On aurait pu anticiper ! Il y a une logique de rapprochement avec DCNS. Faut-il une solution nationale ou européenne ? Comment l'État garantira-t-il sur le long terme le maintien à Saint-Nazaire d'un savoir-faire non transférable ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie . - Merci de votre question, qui est l'occasion de faire le point. Depuis septembre, le tribunal de commerce de Séoul n'a pas pris de décision et pourrait ne rien décider avant 2017. Nous ne disposons d'aucune information sur une vente en bloc des activités du groupe ; une décision devrait être annoncée demain.
Le Gouvernement se mobilise sur ce sujet car les enjeux économiques et stratégiques sont forts. Outre le pacte d'actionnaires qui nous donne une minorité de blocage, nous disposons aussi pour agir de la réglementation sur les investissements étrangers. Pour autant, nous privilégions la reprise d'un groupe industriel avec un projet industriel. Nous rencontrons des porteurs de projets européens et échangeons avec DCNS. Les enjeux économiques justifient que nous travaillons activement avec l'ensemble des partenaires et des élus locaux. Je tiendrai la Haute Assemblée informée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Joël Guerriau. - En 2013, j'ai posé une question sur l'incertitude qui faisait peser l'actionnaire principal, STX, sur le site de Saint-Nazaire. Nous pouvions anticiper, sans attendre d'être au pied du mur...
M. Jean-Louis Carrère. - C'est terminé !
M. Joël Guerriau. - Notre intérêt est de préserver cette société qui est présente depuis 150 ans à Saint-Nazaire.
Agression de policiers dans l'Essonne
M. Alain Vasselle . - Depuis des années, dans les banlieues, des « territoires perdus de la République », des quartiers entiers sont laissés aux mains de délinquants. L'actualité vient nous rappeler l'existence de ces zones de non-droit dont vous niez l'existence.
Hier encore, à Viry-Chatillon, une patrouille de policiers sous-équipés a été attaquée au cocktail molotov. On en vient à une situation absurde : comment protéger les policiers chargés de protéger les caméras qui doivent protéger la population ?
Je veux rendre hommage à ces femmes et ces hommes qui continuent d'assurer leur mission de protection dans de telles conditions, premières victimes d'un État impuissant conduit par un Gouvernement tétanisé par la politique de l'excuse.
Après chaque drame, c'est le même cérémonial : « On va voir ce qu'on va voir ! » Mais après quelques jours, les CRS venus en renfort s'en vont, la violence reprend ses droits, l'État perd un peu plus de son autorité. Quand et comment comptez-vous enrayer cette folle escalade ? (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Les faits que vous évoquez sont exceptionnellement graves : des voyous ont voulu tuer des policiers. Nos pensées vont aux quatre policiers blessés et à leurs proches. Deux sont encore hospitalisés : une gardienne de la paix de 39 ans, mère de trois enfants, un policier de 28 ans dont le pronostic vital est engagé.
Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur se sont rendus sur place pour soutenir ces fonctionnaires et souligner le travail accompli chaque jour par les forces de police. Le Gouvernement est déterminé à mettre ces criminels hors d'état de nuire, nous faisons pleinement confiance aux enquêteurs pour trouver les responsables de ces actes odieux.
Depuis plusieurs années, des moyens supplémentaires ont été donnés aux BAC et pelotons d'intervention. L'effort se poursuit pour les policiers du quotidien des zones de sécurité prioritaire. Quelque 9 000 postes ont été créés depuis 2012 - quand 13 000 avaient été supprimés sous le quinquennat précédent. (Exclamations à droite) Je vais vous rafraîchir le mémoire ! Depuis 2012, les moyens de la police ont augmenté de 73 %. Voilà un Gouvernement qui agit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Alain Vasselle. - Le constat est affligeant. Plus de 500 policiers blessés depuis le début de l'année ; 5 736 policiers blessés pendant l'action en 2015 ; 3 275 au premier semestre 2016. Beaucoup de policiers démissionnent ou demandent d'être mutés à l'écart de ce chaos urbain. Cessez d'éluder vos responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Louis Carrère. - Alain Vasselle, l'homme des banlieues !
Délit d'entrave à l'IVG
M. Jérôme Durain . - Il y a des paroles que nous avons le devoir de sanctionner : violentes, sexistes, intrusives. Elles ont été prononcées à l'encontre de nos épouses, soeurs, amies. « C'est un gros piège, l'IVG » ; « Aurez-vous une vie sexuelle normale après l'IVG ? » ; « Pourquoi pleurez-vous ? C'est vous qui l'avez voulu ! » ; « Il y a plus de cancers du poumon après l'IVG car vous fumez plus après ! ». Autant d'attaques contre le droit des femmes à disposer de leur corps.
Je ne critique pas la liberté de conscience : chacun a sa position sur l'IVG ; ce qui est répréhensible, c'est d'empêcher les femmes qui veulent une IVG de le faire. Des commandos masqués aux portes des centres de planning familial - qui avaient conduit le Gouvernement à instaurer le délit d'entrave - nous sommes passés aux sites qui utilisent des noms de domaine quasi institutionnels et prétendent apporter une information objective mais font tout en réalité pour décourager l'IVG.
La droite sénatoriale a empêché l'examen de l'amendement gouvernemental pour élargir le délit d'entrave aux sites internet. Nos collègues députés l'ont donc repris sous forme de proposition de loi. Le Gouvernement soutient-il ce texte, que mon groupe souhaite examiner au plus tôt ? (Vifs applaudissements à gauche)
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes . - Merci de la tonalité de votre question. Il y a en effet toujours des groupes qui n'ont jamais désarmé dans leur hostilité à l'IVG : ils s'enchaînaient aux portes des services d'orthogénie, y pénétraient, au point qu'il a fallu créer un délit d'entrave.
Être hostile à l'IVG est une opinion, mais la liberté d'opinion n'inclut pas le droit de proférer des mensonges. La liberté d'opinion n'est pas la désinformation. Il est inadmissible que des sites attirent des femmes qui souhaitent se renseigner sur l'IVG et cherchent à les intimider, à les culpabiliser, à les pousser à renoncer.
C'est pourquoi j'avais déposé un amendement avec Patrick Kanner, dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, pour étendre le délit d'entrave à l'IVG à ces sites internet manipulateurs. Je regrette que le Sénat ait utilisé une procédure inédite, l'irrecevabilité d'un amendement du Gouvernement en vertu de l'article 45 de la Constitution, pour refuser d'en débattre. Je soutiens la proposition de loi des députés socialistes et souhaite que le débat puisse avoir lieu ici, sur le fond ! (Applaudissements nourris à gauche)
M. le président. - Et que chacun respecte l'article 45 de la Constitution.
Trafic de drogue et attaque des policiers à Viry-Châtillon
M. Serge Dassault . - Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur. L'attaque inadmissible de Viry-Châtillon relève de la guerre civile : des hommes cagoulés ont tenté de brûler vifs des policiers. Ces trafiquants se muent en assassins. Le trafic de drogue se développe dans de nombreuses communes, les maires et les habitants s'inquiètent. Manque de moyens, effectifs policiers insuffisants, commissariats vétustes. Le Gouvernement ne fait rien, au risque que ces drames se multiplient. Il faudrait autoriser les policiers à utiliser leurs armes en cas de menace vitale, punir d'une peine exemplaire ceux qui s'attaquent à des policiers au lieu de les relâcher !
L'inactivité des jeunes est la cause principale du développement du trafic de drogue. La faute à l'Éducation nationale, au collège unique, qui méprise l'apprentissage et laisse des jeunes sans métier, sans avenir autre que vendre de la drogue dans les cages d'escalier. (On s'impatiente à gauche) Que comptez-vous faire ? Pourquoi avoir attendu un tel drame pour agir contre ce fléau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Vous conviendrez avec moi que le trafic de drogue, avec son cortège de violences, n'est pas apparu soudainement ces dernières années et qu'il ne touche pas que la France. Nos forces de police, depuis des années, luttent contre ce phénomène de bandes. Nous avons renforcé les moyens en personnel et en capacités d'investissement, notamment dans votre département, et décidé de les renforcer encore dans les ZSR après l'évènement de Viry-Châtillon. Il faut donner aux policiers du quotidien des moyens d'action renforcés - moyens que la droite avait supprimés. (Vives protestations à droite, tandis qu'on renchérit sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Quand nous examinerons bientôt le budget, vous aurez certainement à coeur de ne pas reproduire vos erreurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Politique de la jeunesse
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - En 2012, le président de la République promettait un quinquennat centré sur la jeunesse. Or celle-ci est en plein désarroi, cherche à s'expatrier car elle ne trouve plus en France de raison d'espérer. (Mme Nicole Bricq le conteste) Plus de 200 000 Français partent chaque année, l'équivalent de la population de Bordeaux !
M. Jean-Louis Carrère. - C'est la faute de Juppé !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - L'enthousiasme de la génération Erasmus joue, bien sûr, mais beaucoup d'entre eux ne veulent pas revenir, faute d'opportunité de carrière. Il est de notre devoir de leur redonner le goût de la France, par nos ambassades et nos conseillers consulaires, pour que l'expatriation subie devienne un vecteur de rayonnement.
À l'inverse, on trouve une jeunesse faussement intégrée par des emplois d'avenir qui ne débouchent sur rien. La Cour des comptes l'a dit : la mesure a coûté 10,5 milliards d'euros pour des résultats très décevants. L'accès des jeunes à l'emploi se détériore, le taux d'inactivité des jeunes est accablant : 37 % des jeunes de 15 à 24 ans ont une activité contre 67,5 % au Royaume-Uni.
Quand comprendrez-vous que votre politique économique, votre conception de la formation uniformisée, votre rejet du mérite et de la valeur travail étranglent le pays et démoralisent notre jeunesse ? (Applaudissements à droite)
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports . - Je m'inscris en faux ! Vous nous avez laissé une page blanche : 12 000 services civiques, moins de 10 000 RSA jeunes en activité. Un peu d'humilité, madame ! Je suis fier du bilan du Gouvernement. Fier que les moins de 30 ans bénéficient désormais d'un cautionnement locatif, que les bourses aient été étendues, y compris aux classes moyennes, que la prime d'activité ait été étendue à 500 000 jeunes, qu'il y ait 30 000 décrocheurs de moins dans l'Éducation nationale, que la couverture santé des jeunes ait été améliorée, que le service civique accueille bientôt 350 000 jeunes, que la grande école du numérique aide les jeunes en grande difficulté.
On peut entendre les critiques de la Cour des comptes, mais les emplois d'avenir bénéficient à 300 000 jeunes, dont 80 % n'ont pas le bac. Je défends ces valeurs dans le projet de loi Égalité et citoyenneté. Vous ne proposez, vous, qu'un sous-salariat pour les jeunes, 15 heures payées au Smic jusqu'à 26 ans seulement ! Nous n'avons pas les mêmes valeurs. (On le confirme à droite) Je serai là pour combattre vos mesures rétrogrades. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Louis Carrère. - C'est l'arroseur arrosé !
La séance est suspendue à 16 heures.
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 15.