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Table des matières
Demande d'avis (article 13 de la Constitution)
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Convention internationale France-Colombie
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances
Discussion de l'article unique
Mission de la Croix-Rouge française (Procédure accélérée)
Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'aide aux victimes
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois
Avis de l'Assemblée de la Polynésie française
M. Manuel Valls, Premier ministre
M. Manuel Valls, Premier ministre
M. Manuel Valls, Premier ministre
Agence française de la biodiversité
Redressement des comptes sociaux
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Liberté, indépendance et pluralisme des médias (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure de la commission de la culture
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Ordre du jour du mardi 4 octobre 2016
SÉANCE
du jeudi 29 septembre 2016
3e séance de la seconde session extraordinaire 2015-2016
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
Secrétaires : M. François Fortassin, M. Bruno Gilles.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Demande d'avis (article 13 de la Constitution)
M. le président. - Conformément aux dispositions de la loi organique n°2010-837 et de la loi n°2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et en application de l'article L. 461-1 du code de commerce, M. le Premier ministre, par lettre en date du 28 septembre 2016, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission du Sénat compétente en matière de concurrence sur le projet de nomination de Mme Isabelle de Silva aux fonctions de présidente de l'Autorité de la concurrence.
Cette demande d'avis a été transmise à la commission des affaires économiques.
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales. Pour ces deux projets de loi, la Conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.
Je mets aux voix le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale et du protocole complémentaire à la convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ce texte.
Le projet de loi est adopté définitivement.
M. le président. - Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant les centres d'excellence mis en oeuvre dans le cadre de la stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ce texte.
M. André Gattolin. - Le groupe écologiste s'abstiendra.
M. Thierry Foucaud. - Le groupe communiste républicain et citoyen également.
Le projet de loi est adopté définitivement.
Rappel au Règlement
M. Didier Guillaume . - Hier, le Sénat ne s'est pas honoré de suivre les instincts les plus vils et les plus conservateurs en utilisant l'article 45 de la Constitution pour refuser un amendement créant un délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse en raison de fausses informations diffusées sur internet, le jour même de la grande campagne du planning familial...Faire en sorte, de cette manière, que le sujet, au coeur du droit des femmes, de leur égalité devant la vie, la naissance, et je m'exprime devant la présidente de la commission des finances, ancienne ministre des droits des femmes, ne puisse être ainsi débattu à propos d'un projet de loi sur l'égalité et la citoyenneté, est scandaleux. Quel regrettable recul !
Hier, nous avons vécu ici deux événements marquants. À la bibliothèque, Robert Badinter a remis au président du Sénat l'original de son discours contre la peine de mort, pour nos archives, applaudi par le Sénat tout entier. Puis la commission spéciale a pris cette décision. Coïncidence fâcheuse...
Nous continuerons en tout cas à nous battre au groupe socialiste et républicain, contre ce recul intolérable, et pour le droit des femmes. Recourir à ce genre d'argutie juridique, sur un tel sujet, fait retourner le Sénat des décennies en arrière. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, socialiste et républicain et écologiste)
M. le président. - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement.
Convention internationale France-Colombie
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Discussion générale
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie . - Après plusieurs années de négociations depuis 2009, la convention signée le 25 juin 2015 à Bogota a été adoptée par l'Assemblée nationale le 30 juin dernier. Elle offrira le cadre adapté à la France et la Colombie pour éviter les doubles impositions et lutter contre la fraude.
La Colombie est en voie, avec l'aide de la France, d'accéder à l'OCDE : son cadre juridique a été évalué favorablement au regard des standards internationaux.
L'article 10 de la convention pose le principe de l'imposition des dividendes dans l'État de résidence de leur bénéficiaire et prévoit la possibilité que l'État de la source puisse les imposer aux taux maxima de 5 % ou 15 %. S'agissant des intérêts, l'article 11 limite l'imposition à la source à un taux de 10 %.
Un contribuable en situation de double imposition pourrait avoir recours à l'arbitrage. La France est en pointe dans la lutte contre l'évasion des bases fiscales : on le voit dans ce texte qui évite la double imposition.
Troisième puissance économique d'Amérique du sud, forte de 50 millions d'habitants, la Colombie se montre toujours plus attractive pour les investisseurs. Porte d'entrée dans le continent, elle constitue un marché stratégique pour la France - son 17e excédent commercial -, qui y exporte notamment du matériel de transports, des produits pharmaceutiques. Les flux d'investissements directs étrangers (IDE) y sont importants ; 150 filiales d'entreprises françaises sont d'ailleurs présentes en Colombie.
La signature historique, le 26 septembre, de l'accord de paix, mettant fin à 52 ans d'une guerre civile atroce, entre le Gouvernement colombien et les FARC, où j'ai eu l'honneur de représenter la France, doit être une occasion pour la France de renforcer ses liens avec ce pays. Cet accord est soumis à référendum dimanche, pour lequel les sondages estiment que le « oui » l'emportera à 60 %, mais les sondages sont peu fiables en Colombie. En tout cas, le nouveau cadre créé par cet accord, favorable au développement des échanges commerciaux et des investissements directs, vous donne une raison supplémentaire d'adopter ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances . - Après la paix, la prospérité. Après plus d'un demi-siècle de conflit, l'accord signé lundi, devrait lever le dernier obstacle à la normalisation de la situation dans la troisième économie d'Amérique latine.
Le Gouvernement colombien mène une politique d'ouverture au commerce et aux investissements, dont témoigne cette convention, qui complète l'accord sur les investissements du 12 juillet dernier. Aujourd'hui, les deux pays ne sont liés par aucune convention fiscale : les entreprises et les particuliers risquaient donc la double imposition, et, en Colombie, une retenue à la source de 33 %, ce qui les amenait à passer par l'Espagne, qui a une telle convention avec la Colombie depuis 2013.
Cette convention est non seulement conforme aux standards de l'OCDE, mais va plus loin.
Les deux pays gardent toutefois leur souveraineté fiscale sur les activités extractives, qui représentent 70 % des exportations, donc stratégiques par la Colombie, dont le sous-sol est très riche. La définition de l'établissement stable prévue par la convention pour ce secteur - supérieur à deux mois, contre six mois pour le droit commun - est avantageuse. En France, un régime dérogatoire est prévu par les investissements immobiliers. Les deux pays partagent une même vision dans la lutte contre l'évasion fiscale.
Deux clauses anti-abus générales et des clauses sectorielles forment au total un dispositif très complet. La convention est jugée pleinement conforme par le forum de l'OCDE sur la transparence fiscale.
Cette convention, exemplaire du point de vue de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, témoigne d'une forte communauté de vues. Elle est nécessaire, équilibrée et ambitieuse. Ratifions-la ! (Applaudissements)
M. Thierry Foucaud - Il va sans dire que la signature de cette convention est anecdotique à côté de celle de l'accord de paix de Cartagena del Atlantico. Espérons que cela sonne le glas des assassinats, disparitions, enlèvements de journalistes ou de syndicalistes.
La Colombie figure dans le top 20 des producteurs de pétrole. C'est évidemment loin d'être secondaire, au regard du présent texte. Le pays est confronté aux problèmes du développement local, de lutte contre l'emploi informel. Cette convention correspond aux règles de l'OCDE, mais ne va pas assez loin dans le travail commun entre nos deux administrations fiscales. Elle ne se préoccupe que de revenus des capitaux et du patrimoine, dans le droit fil de la loi n°1739 de 2014 qui a modifié une bonne partie des règles fiscales en vigueur en Colombie en faveur des investissements privés nationaux comme étrangers.
Le pays ne pourra pas faire face aux défis d'un développement durable que grâce à une large socialisation des problèmes économiques.
Nous ne pourrons que nous abstenir.
M. Richard Yung . - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Ce débat vient à point, par le hasard du calendrier ; après l'accord de paix historique de lundi dernier et avant le referendum de dimanche prochain. Espérons que ce sera l'occasion d'agir sur la face obscure de la Colombie, que vient d'évoquer Thierry Foucaud : trafic de drogue, violence, corruption.
La France est présente en Colombie, notamment dans les secteurs pétrolier, hôtelier, dans ceux du BTP, avec Vinci, des assurances, avec Axa et de la distribution à travers par exemple le premier employeur du pays : Casino. La Colombie améliorera ses infrastructures. Elle a 50 millions d'habitants et un PIB de 250 milliards de dollars. Nos échanges bilatéraux ont triplé depuis 2006, de sorte que notre excédent commercial atteint désormais 620 millions d'euros par an.
Cette convention offrira un cadre juridique propice pour le renforcement des investissements français, qui ne seront plus soumis à la retenue à la source de 33 % et n'auront plus à transiter par l'Espagne. Nous nous en réjouissons.
Cette convention contient également des stipulations complexes en matière de lutte contre la fraude fiscale avec un système d'échange direct d'information plus contraignant que celui préconisé par le projet BEPS de l'OCDE.
Les renseignements pourront être utilisés à des fins autres que fiscales, par exemple contre le narcotrafic. Cette convention facilitera la vie de nos concitoyens vivant en Colombie. Les subsides reçus pour les étudiants et assimilés seront exonérés. Nous soutiendrons ce très bon texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. André Gattolin . - Cette première convention fiscale entre la France et la Colombie arrive en même temps que l'accord de prix qui mettra ce pays en face de nouveaux défis. Après des décennies de chaos, la tentation pourrait être grande pour le Gouvernement de chercher un profit immédiat dans une exploitation débridée de son sous-sol.
On le sait moins, la Colombie est le deuxième pays par la richesse de sa biodiversité et le troisième pour les assassinats de militants écologistes et de défenseurs de l'environnement... Il ne faudrait pas que des groupes français participent à une exploitation sans limites.
Ce texte comporte un bon arsenal anti-abus, conforme aux derniers standards de l'OCDE, qui a jugé la Colombie fiable.
Le groupe écologiste votera pour la ratification de cette convention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Requier . - Saluons l'accord de paix qui tourne une page longue et douloureuse. Les défis que la Colombie doit relever sont immenses, notamment la lutte contre les inégalités sociales et foncières ou la lutte contre le narcotrafic.
Cette convention va de pair avec l'accord de protection des investissements ; elle établit un cadre juridique stable en évitant la double imposition en établissant un régime favorable aux investissements français et un dispositif de lutte anti-fraude. Espérons que de telles conventions soient signées avec d'autres pays. Nous voterons pour sa ratification et souhaitons une mise en oeuvre aussi rapide que possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Nathalie Goulet . - Le groupe UDI-UC s'abstiendra. Certes, ce texte comporte des avancées, mais il ne contient rien sur le blanchiment d'argent lié au narcotrafic. Or la Colombie est à un des bouts de l'autoroute du dixième parallèle entre l'Amérique du Sud et l'Afrique de l'Ouest. Avec 1,5 milliard d'euros par an pour la seule cocaïne, le narcotrafic nourrit le terrorisme.
En attendant un mémorandum sur la question du blanchiment, nous ne nous opposons pas à cette convention, mais nous nous abstiendrons.
M. Philippe Dominati . - Nous examinons cette convention à un moment particulier puisque la Colombie tourne une page de son histoire. L'Union européenne a retiré les Farc de sa liste des organisations terroristes. Si la guérilla de l'ELN est toujours active, cela ouvre la voie à une implantation de nos concitoyens et de nos entreprises.
De nombreuses entreprises françaises y sont implantées, comme dans la grande distribution, Renault ou Accor. La Colombie deviendra sans doute un eldorado pour de jeunes entrepreneurs français.
Cette convention facilitera les investissements français en Colombie et colombiens en France, complétant un précédent accord. Issue de longues négociations, commencées en 2009, c'est une première en matière fiscale.
Elle renforce également la lutte contre la fraude, après l'accord multilatéral de Berlin du 29 octobre 2014 qu'ont signé la France et la Colombie, première étape très importante avec la garantie de la transmission de l'information par les autres signataires qui le demandent. Mais cela ne sera vraiment efficace que lorsque les échanges seront automatiques.
L'accord de 2014 le permettra à partir de 2017. La fraude fiscale représente 35 milliards d'euros par an pour la France !
Le groupe Les Républicains votera en faveur de ce projet de loi qui permettra d'engager une nouvelle étape dans la lutte contre la fraude fiscale. (Applaudissements depuis les bancs du groupe socialiste et républicain jusqu'à ceux du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
M. Éric Doligé, rapporteur. - Madame Goulet, je pense comprendre la position de votre groupe. Mais le blanchiment ne relève pas des conventions fiscales ; c'est le Groupe d'Action Financière (GAFI) qui en est chargé. Cela étant, à l'article 6 de la convention, la notion de « bénéficiaire effectif » permet de démasquer prête-noms et sociétés écrans. Cela pourra clarifier des mouvements financiers et faciliter la lutte contre le blanchiment.
Mme Nathalie Goulet. - Je ne reviendrai pas sur la position du groupe ; merci toutefois de vos explications qui auraient pu la changer.
M. Éric Doligé, rapporteur. - Vos collègues du groupe UDI-UC en commission des finances s'étaient prononcés en faveur de ce texte.
Le projet de loi est adopté définitivement.
Mission de la Croix-Rouge française (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux.
Discussion générale
Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'aide aux victimes . - Veuillez excuser l'absence de Bernard Cazeneuve, en déplacement en Guyane et aux Antilles.
Merci encore aux 57 000 bénévoles et aux 18 000 salariés de la Croix-Rouge pour leur travail de secours. Merci à la Croix-Rouge et à son président, Jean-Jacques Eledjam, pour la formation qu'elle assure auprès des Français sur les gestes qui sauvent. Je souhaite que ces formations dans les collèges et lycées s'étendent aux entreprises.
On connaît moins la mission de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge. Certaines informations détenues par l'administration lui échappent. Le Gouvernement a donc décidé de soutenir la présente proposition de loi qui répond aux attentes légitimes de la Croix-Rouge française.
Ainsi, 562 demandes de recherches ont été déposées et 23 familles ont pu être réunies l'année dernière... Cette mission connaît aujourd'hui un renouveau avec la crise migratoire dans la zone euro-méditerranéenne, la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus d'un million de personnes sont arrivées l'année dernière et 3 700 migrants ont perdu la vie.
Face à ces drames, notre responsabilité, c'est de tout faire pour redonner de l'espoir à ces familles qui ont tout perdu ou presque. Cela suppose de donner à la Croix-Rouge les moyens de remplir sa mission de rétablissement des liens familiaux.
Ce texte introduit trois dérogations au droit commun. Sous le contrôle de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada), les organisations devront examiner le caractère indispensable des demandes de la Croix-Rouge, ce qui permet d'éviter des recherches inutiles. La Croix-Rouge obtient la copie intégrale des actes d'état-civil.
Remercions le Sénat et particulièrement sa rapporteur, Marie Mercier, pour les améliorations qu'elle a apportées au texte. Lorsque la cause est noble, les forces républicaines savent se rassembler. Espérons que le Sénat votera ce texte à l'unanimité, comme l'a fait l'Assemblée nationale avant lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois . - Vous avez, madame la ministre, dressé un tableau fort complet des missions de la Croix-Rouge, présente dans 190 pays.
En dépit de son nombre de salariés et de son budget, la Croix-Rouge reste une association, et a besoin d'un cadre juridique adapté, respectueux d'une certaine confidentialité. C'est pourquoi les bénévoles de l'association, auxquels je tiens à rendre hommage, n'auront pas accès aux informations échangées, réservées aux salariés.
J'espère que ce texte contribuera à renforcer la Croix-Rouge. (Applaudissements)
M. Philippe Kaltenbach . - Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, vise à donner à une institution reconnue les outils nécessaires à la réalisation de ses missions. Fondée en 1864, la Croix-Rouge française a été reconnue d'utilité publique en 1945 ; elle est aujourd'hui la première association française. Elle mobilise 50 000 bénévoles et 18 000 salariés. Son maillage territorial est impressionnant, avec 800 groupes locaux, 600 établissements et une centaine de délégations départementales. Elle agit également dans 35 pays. D'autres chiffres peuvent être cités : 1,5 millions de personnes accueillies et accompagnées ; 55 millions de repas distribués ; 1 million de personnes formées ou initiées aux premiers secours ; 2 444 000 personnes aidées dans le monde.
Urgences civiles, action sociale, santé et solidarité internationale..., ses missions sont larges. Celle qui nous occupe aujourd'hui, le rétablissement des liens familiaux n'est pas la plus connue, mais n'en est pas moins essentielle. Elle consiste à rechercher les membres de la famille, à rassembler les proches, à transmettre les informations nécessaires, et à faire valoir leurs droits le cas échéant. Jusqu'en 2013, l'État participait à cette mission ; le dispositif de recherches dans l'intérêt des familles, créé après la Première Guerre mondiale, est malheureusement tombé en désuétude. La Croix-Rouge française, seule désormais à remplir cette mission, se heurte parfois au refus de l'administration de communiquer les informations qui lui seraient utiles. D'où cette proposition de loi, qui correspond à un engagement présidentiel et a fait l'objet d'un vote unanime de l'Assemblée nationale le 15 juin dernier. Je ne doute pas que ce sera le cas au Sénat aussi.
Premier apport du texte : la communication de données administratives indispensables à la détermination du sort de personnes recherchées, par dérogation aux règles de droit commun et sous contrôle de la Cada. Deuxième dérogation : la possibilité pour la Croix-Rouge d'obtenir connaissance des originaux des documents d'état civil. Troisième dérogation : la Croix-Rouge pourra saisir le préfet pour connaître la situation de telle personne sur les fichiers électoraux. Grâce à Mme la rapporteur, Marie Mercier, cela s'étend également aux listes consulaires.
Cette proposition de loi se justifie par la qualité et le sérieux - reconnus - de l'action de la Croix-Rouge. Elle nous renvoie à une exigence morale : celle d'aider les victimes à retrouver leur famille, dans un contexte de multiplication du nombre de réfugiés. En adoptant cette proposition de loi, nous allons respecter nos engagements internationaux - contenus dans les conventions de Genève -, être fidèles à la tradition humaniste de la France et concrétiser un engagement présidentiel. (Applaudissements)
Mme Esther Benbassa . - Cette proposition de loi de Bruno Le Roux et d'autres députés a un objectif simple : aider la Croix-Rouge à réunir des familles séparées par des guerres, conflits armés ou catastrophes naturelles, les autres cas de figure étant exclus. Dans ce but, le code des relations entre le public et l'administration est modifié pour que la Croix-Rouge bénéficie des trois dérogations au droit commun que M. Kaltenbach a rappelées. La commission des lois, à l'initiative de Mme Mercier, a actualisé le texte et assuré son application dans les collectivités territoriales d'outre-mer.
Cette proposition de loi est utile, fait manifestement consensus, et le groupe écologiste lui apportera tout son soutien. Mais derrière la technicité de ce texte se cachent les drames des conflits armés et des catastrophes naturelles.
« Vous pouvez vous mettre à l'abri pour échapper aux obus, mais comment ne pas souffrir quand vous n'avez aucune idée de ce qui est arrivé à votre fils ? » Ces mots simples de Mirvat, 65 ans, réfugié au Liban, disent tout l'enjeu du rétablissement des liens familiaux.
Ces mots simples nous rappellent que, derrière ceux que nous n'appelons plus que migrants, ce sont des pères, des mères, des enfants qui souffrent d'être séparés de leurs proches. Ceux qui ne parviennent pas à rétablir ces contacts essentiels vivent dans un état d'incertitude émotionnel qui les empêche de reprendre leur vie ou même de songer à faire son deuil.
En tant que législateur, nous avons le devoir d'adopter cette proposition de loi, qui contribuera à rendre effectif le droit à obtenir des nouvelles de leurs proches. (Applaudissements)
M. Jean-Noël Guérini . - Le rétablissement des liens familiaux n'est certes pas l'activité la plus connue de la première association française, mais elle est essentielle. C'est bien plus qu'un sujet politique, un enjeu de conscience.
Les recherches de généalogie ou de disparus dans des circonstances étranges sont bien sûr exclues. Il s'agit plutôt des victimes frappées par un sort funeste, auxquelles la Croix-Rouge apporte son aide depuis 1866, via 189 sociétés, au moyen de 100 millions de bénévoles qui ont valu à cette association le prix Nobel.
Cette proposition de loi, qui concrétise un engagement du président de la République, prend un relief particulier à la lumière de la tragédie du conflit syrien. Depuis vingt-quatre mois, les services de la Croix-Rouge ont vu les demandes de rétablissement des liens familiaux augmenter de 50 %, passant de 200 à 299 demandes entre les premiers trimestres de 2015 et de 2016.
Face à cet état d'urgence humanitaire, nous avons le devoir de nous mettre au diapason de nos voisins - Allemagne, Belgique - qui nous ont devancés il y a quelques mois.
Ce n'est qu'en 2016 que le dispositif de recherche dans l'intérêt des familles a été supprimé, hélas, certains imaginant qu'internet pourrait y suppléer, ironisant sur le fait qu'il était souvent mobilisé pour la recherche de pension alimentaire...
Nous voterons ce texte, qui facilitera le travail de la Croix-Rouge française.
M. Olivier Cigolotti . - La Croix-Rouge française est la première association française et cette proposition de loi facilite sa mission de rétablissement des liens familiaux en lui accordant, par dérogation au droit commun, un accès à des données administratives. La Croix-Rouge exerce trois misions : l'aide en cas de calamité publique et en matière de sécurité civile, la diffusion du droit international humanitaire et le rétablissement des liens familiaux, dans un contexte de déplacement de populations - cette dernière mission, depuis 1949.
Près de 15 % des 50 000 dossiers traités depuis la Seconde Guerre mondiale concerne ce conflit. Plus de 500 dossiers ont été instruits l'an passé. Le respect de l'intégrité familiale fait partie intégrante du respect de la dignité humaine. Balzac disait que la famille sera toujours la base de la société. C'est dire l'importance de cette mission.
Le rétablissement des liens familiaux est d'ailleurs un droit protégé par la convention de Genève sur les conflits armés et non armés.
Je veux saluer l'excellent travail de Marie Mercier. Le groupe UDI-UC votera ce texte nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Mme Éliane Assassi . - Depuis 1949, il incombe à chaque État, partie à la convention de Genève, d'agir en faveur du droit de chacun à connaître le sort de ses proches disparus. Jusqu'en 2013, les préfectures y participaient à travers la recherche dans l'intérêt des familles.
Mais si les conflits armés ont augmenté considérablement, le nombre de demandes également. La Croix-Rouge française, désormais le principal acteur de cette mission fondamentale, n'a pas toujours les moyens d'accéder aux informations administratives qui lui permettraient d'identifier les membres de familles éclatées.
Nous connaissons les raisons de cette situation : multiplication des conflits, en Syrie, en Ukraine, en Afrique. Dans ce contexte, cette proposition de loi, si légitime soit-elle, ne doit pas nous empêcher de débattre de ces raisons profondes.
Pourquoi le ministère de l'intérieur a-t-il fait le choix de se désengager de cette mission d'intérêt général de la Croix-Rouge française en 2013 ? Nous n'ignorons pas les risques qu'il y a à confier une telle mission à un organisme non étatique. La Croix-Rouge est toutefois reconnue aux niveaux national et international, et nous soutenons son action. Nous voterons donc cette proposition de loi.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté, de même que les articles 2 et 3.
L'article 3 bis reste supprimé.
L'article 4 est adopté, de même que l'article 5.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.
I.- Alinéas 5 à 9
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
II. - À l'article 3 de la présente loi, la référence : « L. 28 » est remplacée par la référence : « L. 37 ».
II. - Alinéa 10
Remplacer la référence :
2
par la référence :
7
Mme Marie Mercier, rapporteur. - Pour des raisons techniques opposées par l'Insee, cet amendement suggéré par le Gouvernement, prévoit qu'après la mise en place du répertoire électoral, la Croix-Rouge française continuera à s'adresser aux préfectures comme auparavant.
Mme Juliette Méadel, secrétaire d'État. - En dépit de la création du répertoire électoral unique, l'Insee n'a en effet pas été chargé de communiquer de telles informations à des tiers.
Le Gouvernement se félicite des échanges constructifs avec la rapporteur ; avis favorable.
L'amendement n°3 est adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
La proposition de loi est adoptée.
M. le président. - À l'unanimité !
Avis de l'Assemblée de la Polynésie française
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de Mme la première vice-présidente de l'Assemblée de la Polynésie Française, par lettre en date du 16 septembre 2016, un avis sur le projet de loi de finances pour 2017.
La séance est suspendue à 12 h 5.
La séance reprend à 15 heures.
présidence de M. Gérard Larcher
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du Bureau, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres. M. le Premier ministre parlait très bien ce matin, à Reims, de la tonalité des questions d'actualité au Gouvernement ici, au Sénat.
Pour des raisons d'ordre pratique que chacun peut comprendre et conformément à la décision de la Conférence des présidents, les auteurs de question pourront utiliser leur droit de réplique s'il leur reste plus de cinq secondes.
Société générale
M. André Gattolin . - Monsieur le ministre Eckert, voulez-vous gagner des millions ? (Rires) Car ceci est une question à 2 200 millions d'euros...
La semaine dernière, la cour d'appel de Versailles a condamné Jérôme Kerviel à verser 1 million d'euros de dommages et intérêts à la Société générale, soit un montant considérablement réduit par rapport aux 4,9 milliards d'euros du premier jugement le 5 octobre 2010. Si la banque s'en réjouit, sa responsabilité est explicitement reconnue. D'où l'allègement de la condamnation.
Ce jugement met un terme à un conflit qui n'a que trop duré mais il ouvre un autre dossier non moins important : celui du crédit d'impôt accordé par l'État à la Société générale en 2008 pour un montant de 2,2 milliards d'euros. Il est désormais dénué de fondement.
Vos services vont-ils engager une procédure de recouvrement ? Si tel est le cas, vos services entendent-ils porter l'affaire devant les tribunaux ou préfèreront-ils, pour des raisons de diligence, trouver une transaction avec la banque ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, communiste républicain et citoyen ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics . - L'affaire est grave. Le rôle d'un Gouvernement est de faire appliquer la loi, rien que la loi, toute la loi, que le contribuable soit puissant ou misérable. (Exclamations ironiques à droite)
La Société générale a enregistré en 2008 une perte reconnue et quantifiée qu'elle a comptabilisée comme charge. L'administration a appliqué le droit et, jusque-là, aucun jugement n'avait mis en cause la responsabilité de la banque. Le dernier arrêt en reconnait une sur le plan civil, la responsabilité de Jérôme Kerviel étant pleine et entière sur le plan pénal selon la Cour de cassation.
Notre administration, au vu de la jurisprudence de 2016 sur des affaires similaires et des attendus du jugement que vous citez, a considéré qu'un réexamen s'imposait. Un redressement pourra être prononcé, il sera probablement contesté. Aucune transaction n'aura lieu. Le droit sera appliqué, il n'y a pas de prescription en la matière. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste et sur quelques bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. André Gattolin. - Merci pour votre réponse précise et engagée. (M. Pierre-Yves Collombat s'esclaffe) Il y va aussi du respect du droit européen. Bruxelles pourrait contester le crédit d'impôt accordé à la Société générale, considérant qu'il s'apparente à une aide d'État déguisée. Votre réponse est de salubrité publique dans un temps où les Français s'interrogent sur le rôle que jouent les banques dans l'économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
Alstom (I)
M. Jean-Pierre Bosino . - Chaque mois sont annoncées des fermetures d'entreprises et des suppressions d'emplois. Les causes de ces désastres humains et sociaux sont l'abandon de toute politique industrielle, l'accroissement des profits des actionnaires et des dirigeants sans scrupules.
Alstom, Areva, Petroplus, Vallourec, Florange... Toujours les mêmes cellules de crises, les mêmes promesses et les mêmes réponses ponctuelles. Encore une fois, l'État actionnaire ne joue pas son rôle et veut faire croire qu'il ne savait rien de la situation d'Alstom quand il a accepté le dépeçage de l'entreprise par General Electric. Au mépris de toute politique de long terme, il doit négocier dans l'urgence avec la SNCF et la RATP de nouveaux carnets de commandes. Alstom, bénéficiaire, a distribué 3 milliards d'euros de dividendes et largement bénéficié de subsides publics. Qu'allez-vous faire pour les salariés et les familles victimes de l'inaction de l'État ?
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Je vous réponds avec plaisir. Il est une réalité qu'on ne peut ignorer, il est aussi un État actionnaire qui joue pleinement son rôle. Vous n'avez pas évoqué son action dans les dossiers Renault, PSA et STX ou encore, et bien qu'il ne soit pas actionnaire de cette entreprise, Michelin.
Mais parlons d'Alstom. Je ne partage pas votre analyse sur le dossier General Electric. La direction de l'entreprise a annoncé le 7 septembre le transfert du site de Belfort, mettant en cause 400 emplois. Avec Christophe Sirugue, nous avons dit qu'il était inacceptable d'annoncer une telle décision sans concertation préalable avec les représentants des salariés, les élus et l'État.
Dans un monde ouvert, avec une situation de surproduction, il faut évoluer : la prochaine vague de renouvellement du matériel roulant n'interviendra pas avant la fin de la décennie. Cela suppose de maintenir les compétences et le savoir-faire pour être prêt quand les commandes reprendront. Il revient d'abord à Alstom de proposer une stratégie industrielle ambitieuse. À l'État de faire émerger une logique de filière en soutenant les investissements d'avenir.
Une partie de la réponse doit venir du secteur ferroviaire lui-même. Nous présenterons des solutions dans les prochains jours. Il faut que les choses avancent, nous tiendrons au courant élus locaux et représentation nationale. C'est effectivement l'avenir de notre industrie ferroviaire qui est en jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
M. Jean-Pierre Bosino. - Les salariés d'Alstom jugeront. Ces cinq dernières années, 900 entreprises industrielles ont fermé, 160 000 emplois ont disparu. Une véritable politique industrielle ne consiste pas à augmenter le CICE à 7 % l'État doit mener une véritable politique d'investissements publics et privés. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Accueil des réfugiés
Mme Stéphanie Riocreux . - Monsieur le Premier ministre, le président de la République est venu à Calais. Comme il s'y était engagé au début de l'été, il y a présenté une solution à la situation dramatique qu'y connaissent les réfugiés, les habitants, les acteurs économiques mais aussi les personnels des services de l'État et les membres des associations.
Ne commettons pas l'erreur consistant à amalgamer toutes les informations dramatiques : à Calais, il n'y a pas des millions d'immigrés économiques ou de djihadistes fanatiques ! À Calais, il y a quelque 7 000 réfugiés, dont près d'un millier de mineurs isolés, qui fuient le fanatisme.
Je me souviens d'un slogan de campagne : « La France forte ». La France forte, c'est celle qui ne tremble pas, oublie ses engagements et se cache des réalités mais celle qui, fraternelle et responsable, sait se mobiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Didier Guillaume. - Bravo !
Mme Stéphanie Riocreux. - Le président de la République a apporté la seule solution possible : le démantèlement rapide du camp. (Marques d'ironie à droite) Il ne s'agit pas de déplacer le problème, comme cela fut le cas avec Sangatte en des temps moins difficiles d'ailleurs. Il y a un rapport de cinq communes pour un migrant, pour être solidaire avec Calais, ne doutons pas de la bonne volonté des élus et des Français.
Mais monsieur le Premier ministre, chacun se le demande : comment allez-vous procéder ? Quelle sera la participation de l'État ? Quelles sont les perspectives de long terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Le règlement de ce dossier requiert maîtrise, responsabilité et sang-froid. Le campement de Calais sera démantelé d'ici la fin de l'année. Il est intolérable de laisser perdurer la jungle. C'est une nécessité sanitaire et humaine, c'est notre responsabilité par rapport aux habitants et entreprises de Calais et sa région. Rien ne serait pire, toutefois, que de disperser les migrants en laissant le hasard décider de leur sort, ce serait laisser la main aux réseaux de passeurs.
Les migrants qui ne relèvent pas de l'asile seront placés en centre de rétention pour être reconduits à la frontière, comme l'ont été 40 000 personnes depuis le rétablissement de nos frontières. La réalité est que 80 % des personnes à Calais relèvent de l'asile, elles se verront proposer une place dans l'un des 170 centres d'accueil, comme à Épernay, et entreront dans un processus d'intégration et d'apprentissage du français.
Avec une politique différente de l'Allemagne, nous mettons en oeuvre le droit d'asile qui fait l'honneur de notre pays. Que ceux qui ne sont pas d'accord le disent ! C'est une grande émotion pour moi de voir ces familles intégrées dans notre pays, comme d'autres le furent par le passé. (Brouhaha à droite)
Une attention particulière doit être portée aux mineurs isolés qui sont entre 900 et 1 000 dans notre pays. Bernard Cazeneuve l'a dit à son homologue britannique, le Royaume-Uni doit assumer pleinement ses responsabilités. Je sais pouvoir compter sur l'esprit de solidarité et de responsabilité des maires. Ceux qui s'engagent ne seront pas concernés par les arrivées supplémentaires. Nous les accueillerons dans des centres de taille humaine.
Ainsi nous serons à la hauteur de la tradition de la France. Quand l'Allemagne reçoit 1,5 million de demandes d'asile, contre 100 000 chez nous, nous devons être capables de faire face à ce défi avec humanité et intelligence sans céder au populisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Fichés « S »
M. Hervé Maurey . - Monsieur le Premier ministre, les auteurs des attentats commis depuis janvier 2015 avaient tous deux points communs : radicalisation et inscription au fichier « S ».
De nombreux maires, pour assurer la sécurité de nos concitoyens, souhaitent avoir accès à ce fichier. Dans mon département, celui d'Évreux en a fait la demande début septembre ; il a essuyé un refus. Certes, le décret du 8 mai 2010 l'interdit. Pour autant, quand la sécurité est la mission première des maires, n'est-il pas légitime de leur communiquer ces informations ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales . - M. Cazeneuve, en déplacement aux Antilles, m'a chargé de vous répondre.
Mme Sophie Primas. - La question s'adressait au Premier ministre !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Nous comprenons parfaitement que les élus locaux veuillent participer à la prévention de la radicalisation, cela a d'ailleurs fait l'objet de rencontres place Beauvau avec l'AMF, l'ADF et l'ARF. Des conventions ont été signées afin que les dispositifs préfectoraux de prévention de la radicalisation soient nourris de l'expérience irremplaçable des maires. (Exclamations ironiques à droite) Bernard Cazeneuve a créé un groupe de travail. (Même mouvement) Les préfets ont reçu instruction le 14 septembre de prendre langue avec tous les chefs d'exécutifs locaux à ce sujet par une circulaire. (M. Philippe Bas ironise)
Cependant, le partage des informations doit s'inscrire dans notre cadre juridique et le respect des libertés individuelles. Juridiquement, la transmission des fiches « S » est impossible. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE ainsi que socialiste et républicain)
M. Hervé Maurey. - M. le Premier ministre ne juge sans doute pas ma question suffisamment importante pour y répondre lui-même... Une circulaire ? Un groupe de travail ? Vous ne répondez ni à ma question ni à l'attente légitime des maires. On leur demande toujours plus sans leur donner les moyens de remplir leur mission. (Applaudissements au centre et à droite)
Alstom (II)
M. Cédric Perrin . - Monsieur le Premier ministre, M. Henri Poupart-Lafarge, PDG d'Alstom, a dit mardi ne pas voir d'issue structurelle pour le site de Belfort. Cela m'inquiète beaucoup à quelques jours de votre présentation du plan de sauvetage.
Quelques commandes nationales ne suffiront pas, c'est d'adaptations structurelles dont a besoin le site de Belfort. Alstom doit diversifier son activité et se positionner sur des marchés de faible dimension. Ses sites français doivent prioritairement assurer la production des commandes passées à l'international. Alstom doit faire preuve de patriotisme industriel quand elle a perçu des dizaines de millions de CICE. Dans CICE, il y a le mot emploi ! Si ce crédit d'impôt donne des droits, il confère aussi des devoirs.
Alstom n'est pas le seul coupable, l'Etat a sa responsabilité. À lui de siffler la fin de la récréation entre Alstom et la SNCF et cesser de laisser la SNCF mener la politique ferroviaire de la France. Sommes-nous condamnés à être le pays le plus bête du monde où la SNCF favorise les entreprises étrangères dans ses appels d'offre ? Sauver le site de Belfort, c'est sauver 1 200 emplois, sauver la capacité de la France à produire le TGV du futur. (« La question ! », à gauche) Qu'allez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation . - Ce Gouvernement croit à l'avenir industriel de la France. (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe Les Républicains) Un avenir placé sous le signe de la transition que nous devons accompagner. Belfort est la cité du lion et le lion sait rugir ! Depuis le XIXe siècle, c'est de là que sortent les locomotives. (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe Les Républicains)
Les journalistes cyniques qui disent : « Pourquoi tout ce foin ? », n'ont pas entendu la réponse du président de la République. Il y va de l'avenir de 400 femmes et hommes qui ont dédié leur vie professionnelle à Alstom et de la capacité de notre industrie à répondre aux défis du XXIe siècle. (Même mouvement)
Nationaliser ne servirait à rien : il faut faire face à une baisse conjoncturelle des commandes avant le développement du TGV 4.0.
Christophe Sirugue, avec le Conseil national de l'industrie, travaille à une feuille de route stratégique : c'est l'avenir du pays que nous dessinons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; on s'esclaffe à droite)
Crise agricole
M. Jean-Claude Requier . - Monsieur le ministre de l'agriculture, nos agriculteurs sont dans une situation catastrophique, en urgence absolue, du fait des crises en cascade dues aux problèmes de marché, climatiques, sanitaires : crises du lait, de la viande, des céréales, des fruits et légumes, rares sont les filières épargnées. Dans la majorité des exploitations, le chiffre d'affaires ne couvre pas les charges, les agriculteurs retardent les investissements, ne se rémunèrent plus... La dette explose, passant de 50 000 euros en 1980 à 170 000 euros en 2012 ! En quinze ans, la moitié des exploitations a disparu. Autre fait tragique : les suicides augmentent fortement.
Les industriels, pendant ce temps, augmentent leur marge : dans la grande distribution, 18 euros sur 100 euros seulement vont au producteur... Comment enrayer cette spirale infernale ? Le cours du lait ne cesse de chuter. La Fédération nationale bovine (FNB) estime qu'avec l'embargo russe et la fin des quotas laitiers, 25 000 exploitants éleveurs pourraient disparaître. Les moissons sont catastrophiques et les rendements très bas chez les céréaliers, sans parler des récoltes de fruits et légumes en baisse après un printemps frais et pluvieux...
Comment le Gouvernement traitera-t-il cette situation d'urgence ? Ne faut-il pas repenser notre modèle agricole ? Quand les agriculteurs pourront-ils enfin dire, eux aussi : « Ça va mieux ! » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur plusieurs bancs au centre et à droite)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Votre question recense les difficultés auxquelles le monde agricole est confronté. Crise de l'élevage certes... mais le secteur porcin va mieux, à 1,53 euros le kilo, reconnaissez-le ! La production de lait a dépassé la demande, d'où la crise laitière. Nous avons mobilisé une majorité de pays en Europe pour utiliser un article des traités. Ainsi, 13 000 exploitations en profiteront.
Depuis 2008, lorsque la fin des quotas laitiers a été décidée, aucune mesure de maîtrise de la production n'avait été prise - elle l'a été à l'initiative de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
La France doit faire face à des situations climatiques catastrophiques. Le Premier ministre l'a annoncé, le Gouvernement présentera un plan pour remédier aux dommages sur l'agriculture.
M. Alain Vasselle. - Il y a urgence !
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Oui, et j'y travaille tous les jours. C'est en renouvelant l'agriculture que nous serons durables et compétitifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Comptes publics
M. Bernard Lalande . - Monsieur le ministre Eckert, le dernier budget du quinquennat a déjà fait l'objet d'une pluie de critiques : prélèvement à la source, réduction du déficit à 2,7%...
M. Jacques Grosperrin. - Démenti par M. Migaud et la Cour des comptes !
M. Bernard Lalande. - On oublie aussi la simplification que représente pour les citoyens, et notamment ceux qui perdent leur emploi ou partent à la retraite, le prélèvement à la source, pratiqué par tous les pays européens sauf la Suisse. On ne peut ignorer non plus que ce Gouvernement a obtenu des résultats budgétaires meilleurs que son prédécesseur, et meilleurs que ses propres prévisions. Le déficit était de 5,1 % en 2011...
Pouvez-vous détailler le contenu de ce budget en termes de mesures pour l'emploi et d'allègements d'impôts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les bancs du groupe écologiste)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics . - Ce budget financera des priorités avec trois milliards d'euros pour l'éducation, deux milliards de plus que la sécurité.
Jamais au cours des précédentes mandatures les lois de programmation militaire n'avaient été respectées. Pour répondre aux Cassandre...
M. Philippe Dallier. - La Cour des comptes !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - ..., les Français ont réalisé 1,3 % de croissance en 2015, quand nous ne prévoyions que 1 % - ce qui paraissait déjà excessif à quelques-uns.
Personne, pas même le Haut Conseil des finances publiques ne remet en cause notre objectif de revenir à un déficit de 2,7 % du PIB en 2017.
Notre objectif de déficit a été respecté en 2014 et 2015, il le sera en 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain).
Alstom (III)
M. Jean-François Longeot . - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Je veux dire ma colère à la suite de la fermeture annoncée du site belfortain d'Alstom - même si quelques aménagements sont envisagés. Claude Kern nous avait alertés le 31 mars ; le 13 février 2015, je vous signalais que le Conseil supérieur de la filière ferroviaire était alarmiste : la situation allait forcément engendrer un énorme problème d'emploi. Mme Lemaire me répondait alors : « Le train français regarde vers l'avenir, il a de beaux jours devant lui car il se modernise... » Drôle de conception des beaux jours ! Allez-vous vous engager derrière le groupe ou vous réfugier derrière des commandes à venir illusoires et laisser Belfort mourir comme les hauts fourneaux de Florange ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Je ne veux pas polémiquer sur ce dossier complexe. Nous sommes dans une économie ouverte, la concurrence bat son plein. Alstom conquiert des marchés en Inde, aux États-Unis, souvent grâce à l'action du Gouvernement. J'aurais pu parler d'Airbus, du Rafale... Le problème de surcapacité et la baisse - transitoire - des commandes sont une réalité.
Emmanuel Macron vous avait répondu sur ce sujet... (Vives exclamations à droite) Nous sommes aujourd'hui gênés, surpris, en colère devant cette annonce...
Mme Fabienne Keller. - Vous saviez !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Ne remettez pas en cause ma parole ; madame, à Strasbourg, votre attitude était tout autre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Michel Billout applaudit également) Nous respectons les règles de la commande publique et engageons Alstom à faire les investissements nécessaires, car elle a bénéficié, en effet, des aides publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Agence française de la biodiversité
M. Jean-Noël Cardoux . - Mme Ségolène Royal n'est pas là... (On s'en désole à droite)
Malgré la communication de ses services durant l'été, le budget et les contours de l'Agence française de la biodiversité restent flous.
Ont été nommés à la tête des opposants notoires, militants, à la chasse, anciens président et directeur du rassemblement des opposants à la chasse, association qui ne rassemble guère plus de 2000 personnes. (Indignation à droite) Ces nominations, qui se passent de commentaires, sinon qu'elles sont évidemment contraires aux engagements pris ici même par Mme Royal, lors de la discussion du projet de loi relatif à la biodiversité, sont-elles de nature à établir le dialogue constructif que nous appelions tous de nos voeux?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Veuillez excuser l'absence de Ségolène Royal. (Mouvements à droite, où l'on déplore cette absence répétée)
L'AFB a été créée par la loi promulguée cet été pour lutter contre la perte de biodiversité. Ce sera l'opérateur de référence au service de la gestion, de la préservation et de la restauration de la biodiversité.
L'AFB est issue de la réunion de quatre organismes : l'Agence des aires marines protégées, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), l'Établissement public des parcs nationaux de France et l'Atelier technique des espaces naturels...
M. Cédric Perrin. - Vous ne répondez pas à la question !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. - Peut-être, mais seriez-vous capables, si on vous interrogeait, de donner ces éléments ? (Vives protestations à droite ; applaudissements nourris sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Ségolène Royal et Barbara Pompili ont réuni, le 7 septembre, un conseil d'administration transitoire pour débattre de la gouvernance. Le conseil d'administration définitif sera constitué de plusieurs collèges.
L'Office national de la chasse et de la faune sauvage n'a pas été inclus dans cette agence à la demande des chasseurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Noël Cardoux. - Merci de vos renseignements... que nous connaissions... Je déplore les choix de Mme Royal - je pense à l'estuaire de la Loire - en contradiction avec tous les acteurs de terrain, y compris au sein de la majorité... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Redressement des comptes sociaux
M. Jean-Louis Tourenne . - Madame la ministre des affaires sociales, le déficit du régime général de la sécurité sociale, de 17,5 milliards d'euros en 2011, creusait d'année en année une dette qui mettait en cause la pérennité même de notre protection sociale. Malgré la hausse de la population, une conjoncture peu favorable, l'extension de la couverture intégrale, le déficit est ramené cette année à 3,4 milliards d'euros, et la dette commence à être remboursée.
MM. Francis Delattre et Jean-Baptiste Lemoyne. - Ce n'est pas ce que dit la Cour des comptes !
M. Jean-Louis Tourenne. - Les familles ont ainsi gagné 1,7 milliard d'euros de pouvoir d'achat, (M. Bruno Sido proteste) sans qu'il y ait eu ni baisse des taux de remboursement, ni nouvelles franchises. Quelles perspectives pour 2016 et 2017, et à quand l'équilibre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé . - Deux chiffres éloquents : en 2011, 17,5 milliards d'euros déficit du régime général ; en 2016, moins de 3,5 milliards de déficit. 2017, une prévision de 400 millions sur 500 milliards d'euros de budget, soit l'équilibre. Chacun devrait s'en réjouir, car c'est le moyen de garantir à tous la sécurité sociale. Cet objectif a été atteint grâce à des réformes de fond, des retraites, des allocations familiales, de la médecine ambulatoire.
L'opposition a beau chipoter, ratiociner, ergoter, nous rééquilibrons les comptes en créant des droits en plus pour tous, à rebours de ce que vous avez fait, à grands renforts de franchises et de forfaits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
Chiffres du chômage
Mme Corinne Imbert . - Ma question s'adresse au Premier ministre. « Ça va mieux » ? Sauf pour les chômeurs, les entrepreneurs, la ruralité... Bref, sauf pour les Français ! « Pas de bol », disait le président de la République... Les résultats du chômage du mois d'août, d'ordinaire, portés par les saisonniers, constituent un triste record depuis la crise de 2008 avec 50 200 chômeurs de plus de catégorie A, malgré les tours de passe-passe, les escadrons d'emplois aidés... Pire, le nombre des chômeurs de catégorie D et E s'envole, de 90 800 personnes sont passées des catégories A B et C aux autres. Derrière, ce sont des gens qui souffrent. Le navire sombre. Il vous reste sept mois. Que comptez-vous faire pour éviter la noyade ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social . - Derrière la froideur des statistiques, il y a des hommes et des femmes, des familles, des enfants : nous en sommes tous conscients. Aucune dérobade, j'ai toujours assumé les choses. Oui, les chiffres d'août sont mauvais, mais ne remettent pas en cause la trajectoire : il faut regarder les choses sur au moins trois mois, je le dis, que les chiffres soient bons ou mauvais. Selon l'Insee, le chiffre du chômage au sens du BIT a baissé de 10,5 % à 9,9 % en France l'an dernier ! Donner toutes leurs chances aux demandeurs d'emplois les moins qualifiés en lançant un plan de formations, ce n'est pas du trucage mais une exigence morale et sociale !
Nous le faisons à Saint-Nazaire, avec le président Retailleau. Et que dire du contrat d'embauche dans les PME, pour répondre aux 720 000 demandes ? Le plan 500 000 formations, 140 000 emplois créés depuis un an, voilà aussi la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Corinne Imbert. - Bravo pour ces 140 000 emplois créés en 24 heures ! Les chômeurs en formation n'ont pas de contrat de travail, enfin ! Vous avez accusé le Gouvernement précédent pendant quatre ans, prenez enfin vos responsabilités ! Le problème, ce ne sont pas les chômeurs, mais le chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Présence du loup
M. Michel Savin . - Monsieur le Ministre de l'agriculture, nos bergers et élus locaux sont amers : 10 000 victimes du loup en 2015 - combien cette année ? Désormais, on ne peut plus parler d'une espèce en voie de disparition, quand les attaques ont lieu en plein jour ! Le loup est en train de gagner la bataille géographique, la bataille économique, la bataille politique. (On s'en émeut)
L'État paie des sommes en compensation et les chiens dressés attaquent les randonneurs, les habitants des zones de montagnes, pénalisant notre économie touristique. Êtes-vous prêts à renégocier la convention de Berne, à confier à un organisme neutre le soin d'opérer un comptage plus précis du nombre de loups sur le territoire, à autoriser les associations de chasseurs, responsables et formés, à assumer la régulation en continu des prédateurs ? (Applaudissements à droite)
M. Alain Vasselle. - Bravo !
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Vous sous-entendez que l'État n'aurait rien fait... Allons ! Vous oubliez un plan de régulation inédit ; oui, nous versons des aides : ne fallait-il pas le faire ? Oui, il y a aujourd'hui une indemnisation à hauteur de 22 millions d'euros. Qui a signé la convention de Berne ? C'était il y a longtemps. Il faudrait la renégocier ? Sans doute, mais il faudra trouver une majorité. Il faudra aussi renégocier la directive européenne concernée. J'en parlais avec les ministres finlandais et espagnols ; nous traiterons le problème des chiens Patou qui attaquent aujourd'hui les enfants et les promeneurs...
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Il y en a un à Matignon ! Pas de flou, pas de loup !
M. Michel Savin. - Les éleveurs, les bergers qui ont entendu votre réponse moqueuse, scandaleuse face à leur situation, sauront qu'en penser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 10.
présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 20.
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Mme la présidente. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a proposé la candidature de Mme Annick Billon. Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Liberté, indépendance et pluralisme des médias (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
Discussion générale
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication . - Renforcement de la protection du secret des sources des journalistes et élargissement de leur droit d'opposition, chartes pour l'indépendance des rédactions, renforcement des pouvoirs du CSA... Les sujets dont traite ce texte sont importants, et pourtant votre commission de la culture estime que c'est une loi de circonstance... Pourtant, l'indépendance des journalistes face aux intérêts économiques est un objectif majeur... Le texte renforce la confiance du public envers les médias et contribue ainsi à un meilleur fonctionnement de la démocratie.
Votre commission des lois propose, elle, de remettre en cause les principes fondateurs de la loi de 1881, au risque de voir de grands groupes faire pression sur les médias.
L'Assemblée nationale a pourtant pris en compte plusieurs apports du Sénat après l'échec de la commission mixte paritaire : transmission obligatoire de la charte aux journalistes, élargissement du champ du droit d'opposition, unification du régime des lanceurs d'alerte, simplification de la compétence de la commission des droits d'auteur des journalistes en matière de validation des accords collectifs, rôle du Conseil supérieur des journalistes, extension aux chaînes parlementaires des comités pour l'indépendance des médias.
Les divergences demeurent fortes sur la protection du secret des sources, malgré l'unanimité à l'Assemblée nationale. La loi du 4 janvier 2010 n'est pas assez protectrice, journalistes et éditeurs le disent, et la chancellerie, le ministère de l'intérieur et le mien ont recherché un point d'équilibre, dans le respect des recommandations du Conseil d'État et de la jurisprudence de la CEDH. Le texte définit une liste d'infractions, parmi les plus graves, passibles de sept ans de prison, qui justifieraient la levée du secret des sources ; vous y préférez la notion plus floue de motif prépondérant d'intérêt public, comme vous refusez l'extension du secret des sources à toute la chaîne de l'information.
Vous avez placé l'intervention du juge de la liberté et de la détention sur le même plan que celle du juge d'instruction, alors que l'intervention du premier est un gage essentiel d'indépendance.
Je regretterais l'adoption de la question préalable. La lecture définitive à l'Assemblée nationale interviendra huit mois après le dépôt de la proposition de loi, on ne peut donc critiquer le recours à la procédure accélérée. La liberté de l'information eût justifié les mêmes échanges constructifs que la création et le patrimoine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe du RDSE)
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure de la commission de la culture . - Généralisation du droit d'opposition des journalistes, comité d'éthique, chartes de déontologie, ces mesures proposées dans l'urgence et sans étude d'impact n'étaient pourtant pas particulièrement attendues - les auditions de journalistes nous l'ont confirmé. Le Sénat, ne s'y opposant pas, a cependant eu le souci du bon fonctionnement des entreprises éditrices.
Le nouveau régime du secret des sources soulevait en revanche des difficultés juridiques insurmontables, qui ont conduit à l'échec de la CMP le 14 juin. Sur les points de désaccord, les députés ont, pour l'essentiel, rétabli leur texte.
L'article premier avait fait l'objet de vifs débats. « L'intime conviction professionnelle » est devenue « conviction professionnelle », sans égard pour le risque contentieux.
À l'article premier ter, les restrictions apportées aux actes d'enquêtes contraires au secret des sources ne permettent pas de concilier liberté d'informer et protection des intérêts fondamentaux de la nation. L'irresponsabilité pénale des journalistes en cas de délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée ou de recel de violation du secret professionnel ou du secret de l'enquête, méconnaît les principes constitutionnels protégés à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Les députés ont rétabli leur dispositif à l'article 3 et confirmé, à l'article 5, que le constat par le CSA, sur plusieurs exercices, du non-respect des principes d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme interdirait le recours à la procédure de reconduction simplifiée des autorisations d'émettre - nous préférions que ces manquements fussent sanctionnés. Cette rédaction crée une incertitude pour les investisseurs et un préjudice si les manquements évoqués ne sont pas in fine considérés de nature à justifier une sanction.
Le refus quasi systématique des apports du Sénat n'est guère contrebalancé. La nocivité de certains dispositifs dans la rédaction de l'Assemblée nationale empêche tout compromis, exprime une défiance disproportionnée à l'égard des entreprises de médias et institue un contrôle tatillon de la part d'un régulateur qui ne fait plus l'unanimité.
La réflexion du Sénat sur ces sujets fondamentaux pour la démocratie se poursuivra. Elle devra être approfondie et concertée, que ce soit sur la concentration croissante du secteur et ses difficultés économiques, son adaptation au monde numérique et la précarisation du métier de journaliste. Mais nous ne pouvons accepter des mesures non évaluées qui ne résoudront rien et n'auront d'autre effet que d'alourdir les contraintes des entreprises. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Corinne Bouchoux . - Je me faisais une joie de parler ici à la place de Mme Blandin sur de tels sujets. Hélas, il paraît qu'il n'y a plus lieu de débattre. Nous pouvions rêver mieux pour revaloriser le travail et l'image du Sénat - qui ne sortira pas grandi de la lecture de certains des motifs de la motion...
La relation est incestueuse en France entre les éditeurs de presse et la commande publique. La précarité du métier de journaliste est un autre sujet de préoccupation. Le texte de l'Assemblée nationale n'est pas parfait, mais comporte des avancées. Plutôt que des chartes « maison », pourquoi ne pas appliquer la charte de Munich ? Sept milliardaires contrôlent en France 95 % de la production journalistique. Plus la frontière entre information et intérêts des actionnaires s'efface, plus la défiance des citoyens progresse... Et on leur dit : « Circulez, il n'y a rien à voir » ? En démocratie, l'indépendance des rédactions et des journalistes doit être sanctuarisée. Nous pouvions encore débattre. Mais les élections approchent...
Je veux attirer votre attention, madame le ministre, sur la précarité dans laquelle vivent les photographes, spoliés d'une juste rémunération. À lui seul, le sujet méritait un débat serein et constructif. Que les étudiants journalistes qui nous regardent sur internet sachent que ce n'est pas toujours comme cela ici et que le plus souvent, le Sénat travaille les textes au fond et dans la bonne humeur... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Mireille Jouve . - Disons-le d'emblée, cette proposition de loi méritait mieux qu'un rejet en bloc en deuxième lecture. Un quart seulement des Français jugent les journalistes indépendants, et selon Reporters sans frontières, la France a dégringolé à la 45e place en matière de liberté de la presse...
Ce texte nécessaire comporte des mesures importantes, qui auraient justifié un débat mais rencontrent ici une opposition inattendue. Pourquoi réduire le droit d'opposition aux seuls actes contraires à la charte de déontologie des entreprises ? Et les journalistes de l'audiovisuel public peuvent déjà se fonder sur leur « conviction professionnelle »...
La protection du secret des sources a été renforcée par le vote unanime de la commission de la culture de l'Assemblée nationale. La loi du 4 janvier 2010, qui a inscrit le secret des sources dans la loi de 1881, recèle, selon tous les professionnels, des restrictions et des ambiguïtés fâcheuses : rappelez-vous l'affaire des fadettes d'un journaliste du Monde... Où était dans cette affaire « l'impératif prépondérant d'intérêt public » ? Les syndicats de journalistes sont opposés à la loi Dati. Et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme imposait d'évoluer, conformément aux promesses de campagne du président de la République.
Cette proposition de loi fait obstacle aux pressions des dirigeants sur la rédaction. Le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, pas moins sacré que le principe du suffrage universel. « Attenter à l'une, c'est attenter à l'autre » disait Victor Hugo qui ajoutait, à destination de ses collègues : « Messieurs, vous avez le plus beau de tous les titres pour être les amis de la liberté de la presse, c'est que vous êtes les élus du suffrage universel. »
Il est regrettable de ne pas pouvoir débattre d'une question aussi importante. La majorité des membres du RDSE s'opposera à la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)
Mme Colette Mélot . - Je regrette vivement, pour ma part, que le texte du Sénat n'ait pas été retenu par l'Assemblée nationale, afin de rendre moins contraignant le contrôle sur les entreprises de presse. La CMP a échoué. Nous avions pourtant fait des compromis. Mais le Gouvernement veut faire de cette loi un outil de communication sur son attachement à des valeurs auto-proclamées de gauche... L'idéologie a pris le pas sur la réalité.
La liberté d'informer serait-elle menacée au point qu'il faille légiférer en urgence ? Notre rapporteur a légitimement dénoncé cette précipitation et cette impréparation. Quand cesserons-nous de légiférer de cette façon ?
Ce texte censé garantir les libertés apporte de nouvelles contraintes aux entreprises de presse. Le groupe Les Républicains est tout particulièrement opposé à l'article premier, qui entravera leur fonctionnement normal. La suppression du qualificatif « intime » est cosmétique...
Le CSA disposera en outre d'un droit de regard proche du droit d'ingérence. La généralisation de la saisine des comités d'éthique fera se multiplier les contestations.
Quant à la protection du secret des sources, il faut la concilier avec des principes majeurs comme le secret de l'instruction ou la protection contre la dénonciation calomnieuse.
Les seules mesures utiles ne figuraient pas dans le texte initial, comme le rétablissement du financement du système d'annonces légales par la publicité pour les cessions de fonds de commerce. Pour le reste, que de contraintes qui empêcheront les entreprises de presse de faire face à la crise qu'elles connaissent et de se moderniser !
L'extension à tous les périodiques de l'aide publique réservée aux publications à faibles ressources publicitaires, décidée récemment, ne résout pas les problèmes structurels de financement de la presse, financement caractérisé aujourd'hui par le saupoudrage et le manque de cohérence.
Un nouveau débat serait stérile, nous voterons la question préalable. (Applaudissements à droite)
M. Patrick Abate . - Est-il besoin de rappeler le contexte de ce débat - contexte sociétal et non politique ou électoral ? L'extrême concentration d'une presse française aux mains d'une douzaine de milliardaires ; les difficultés aigues de la presse écrite ; la révolution numérique ; la remise en cause de la neutralité du Net ; les conditions de travail des journalistes et les pressions dont ils font l'objet...
Hélas, les réponses apportées ici sont superficielles. La presse, « maison de verre », n'est pas un instrument commercial mais « un instrument de culture pour servir la cause du progrès humain », selon le Conseil national de la Résistance. Il n'est pas de valeurs auto-proclamées de gauche mais des valeurs tout court !
On confie au CSA des missions qu'il ne peut remplir qu'imparfaitement, alors que des structures journalistiques pourraient venir à son appui. Il faut surseoir aux chartes de déontologie « maison » qui sont au mieux superflues, au pire contre-productives ; mieux aurait valu se référer à la charte de Munich.
Les lanceurs d'alerte sont certes mieux protégés, mais devraient l'être bien mieux encore, comme portant assistance à société en danger ! On ne peut que se réjouir cependant que le délit de recel de violation du secret des affaires soit abrogé. Les articles 11 et 11 bis, bienvenus, suppriment des aides publiques qui n'ont pas lieu d'être. La numérotation logique des chaînes reçoit notre assentiment, de même que le dispositif « Charb ».
Il est dommage que la question préalable nous prive d'examiner un texte qu'enrichi nous aurions pu approuver. (Applaudissements à gauche)
M. David Assouline . - « Une loi inutile et même néfaste, qui jette la suspicion sur les médias », disent Mme Mélot et d'autres. C'est méconnaître les enjeux.
Quant à moi, je me réjouis que ce soit bientôt la loi de la République, face à la crise de confiance dont souffre la presse. C'est ainsi que nous combattons l'irrationalité, la rumeur, la propagande trompeuse. Les citoyens doivent être sûrs que l'information est libre et pluraliste car la vérité n'est jamais monolithique. Loin de créer de la suspicion, ce texte vise à lever celle que nourrissent nos concitoyens à l'égard de l'information.
S'il fallait aller vite, c'est qu'affaires et controverses se multiplient, liées aux pressions d'actionnaires sur les journalistes. M. Bloche et moi-même avons donc décidé de déposer chacun une proposition de loi, et le débat a bien paru utile au Sénat en première lecture.
La concentration des médias peut être un atout compétitif. Mais en France, c'est entre les mains d'industriels et de financiers que se concentrent de manière inégalée les médias. Or une information libre, c'est celle qui n'a pas peur de déranger des intérêts particuliers, politiques, économiques ou financiers...
En 2009, j'ai proposé une loi sur les concentrations. Le sujet exige une discussion pointue et la recherche du consensus. C'était avant la révolution numérique... Il faudra donc remettre l'ouvrage sur le métier, encadrer sans affaiblir nos champions dans la compétition internationale. Mais on ne peut définir un seuil par amendement, au doigt mouillé...
En revanche, il faut dès à présent protéger l'indépendance des rédactions. Voilà pourquoi ce texte est nécessaire. J'entends dire que le Sénat n'a pas été entendu... Des divergences réelles ne demeurent que sur onze articles, et l'Assemblée nationale a intégré d'importants apports de notre assemblée. Sur le secret des sources, nous nous sommes heurtés à la position du rapporteur de la commission des lois et à sa volonté de revenir à la loi Dati, qui avait tant choqué. Sans secret des sources, il n'y a pourtant pas de liberté d'informer. N'aimez-vous pas tous voir une émission d'enquête qui gratte la surface, qui va au-delà de ce qu'on sait déjà ? Celle de ce soir, par exemple...
Il est bon que certains sujets soient mis sur la table à l'approche des élections de 2017. J'ai entendu Nicolas Sarkozy souhaiter que l'on supprime la « dérision et l'investigation racoleuse » dans les médias. Un patron d'un grand groupe est passé à l'acte... Si c'est cela que la droite prépare... Et je ne parle pas de la suppression du CSA ni de l'affaiblissement programmé du service public audiovisuel. Autant de propositions qui aggraveraient la situation. Ce texte renforce l'indépendance des journalistes ; vous nous trouverez face à vous si vous voulez le remettre en cause.
La « conviction professionnelle » d'un journaliste, on sait ce que c'est, et c'est plus précis qu'« une intime conviction ». Elle s'adossera sur la charte de déontologie, comme je l'avais proposé.
Je suis également heureux que Patrick Bloche ait souligné à l'Assemblée nationale que le CSA exercera son contrôle a posteriori. Il n'y a pas, dès lors, d'accroissement disproportionnel de ses pouvoirs contrairement à ce que certains laissent entendre pour préparer sa suppression demain.
Le groupe socialiste se félicite que cette loi voit bientôt le jour. Merci, madame la ministre, d'avoir accompagné cette initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Philippe Bonnecarrère . - Cette proposition de loi est un déni de réalité, inutile d'en poursuivre l'examen. Nous avions recherché l'équilibre entre les objectifs éthiques et la soutenabilité économique, l'Assemblée nationale n'a pas voulu de nos propositions. Sur le secret des sources, qui ne figurait pas dans le texte initial, elle nous a même opposé une fin de non-recevoir. Elle est également revenue à son texte sur la « conviction professionnelle », les pouvoirs du CSA, la transparence du capital des entreprises de presse... Bref, c'était un dialogue de sourd.
Ce texte, excusez du peu, suscite la double opposition des journalistes et éditeurs. Proclamant dans son titre le principe de liberté, il multiplie les contraintes - ce n'est hélas pas une nouveauté, voyez la loi « création ».
Surtout, ce texte nie les réalités. Au-delà de la volonté de cliver idéologiquement, à quoi sert-il quand il est dépourvu d'une étude d'impact démontrant qu'il rendra la presse française plus forte et plus indépendante ? Quelques exemples matérialisant ces réalités. D'abord, le déficit de l'AFP sera passé de 4,9 millions en 2015 à 8,3 millions d'euros en 2016. Les dettes consolidées de l'agence s'élèvent à 71,6 millions d'euros. Madame la ministre, nous avions proposé des solutions à votre prédécesseur lors de l'examen de la loi tendant à la modernisation du secteur de la presse.
Deuxième exemple, la fiscalité. Le commissaire européen M. Moscovici, que le Sénat recevait ce matin, a annoncé la neutralité du support : la presse numérique bénéficiera désormais d'une TVA réduite. Quel impact pour la presse écrite, et notamment sur la presse d'information départementale ?
Enfin, la diffusion de la presse écrite. J'ai consulté le rapport de 2016 du Conseil supérieur des messageries de presse. La baisse de la diffusion s'accélère : moins 6,5 % en volume des ventes au numéro, un millier de fermetures de diffuseurs en 2015.
Nous sommes tous attachés à la liberté de la presse. J'entends le risque de prise de contrôle des médias par des groupes internationaux, le risque de concentration mais ils sont liés à la faiblesse structurelle de l'économie des médias en France, non à notre législation ! C'est cela le sujet sur lequel le Gouvernement devrait travailler ! (Applaudissements à droite et au centre).
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias (n° 802, 2015-2016).
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure . - Le dépôt de cette motion et son adoption par la commission le 21 septembre dernier sont justifiés par plusieurs arguments.
D'abord, ce texte a été porté, dans l'urgence, par le président-rapporteur de la commission de la culture de l'Assemblée nationale. Le Sénat ne peut légiférer sereinement dans un temps aussi contraint, d'autant que ce texte de circonstance vise à sanctionner une entreprise de médias en particulier, au risque de jeter l'opprobre sur toutes ! Cette proposition de loi suscite une grande incompréhension. Nos interlocuteurs, peut-être ne rencontrons-nous pas les mêmes, nous disent leurs grandes difficultés structurelles. Les entreprises n'attendent pas davantage de régulation, mais mieux de régulation.
La proposition de loi étend à la presse écrite la loi de 1986 sur l'audiovisuel en l'absence totale de concertation et sans tenir compte des particularités de ce secteur.
L'engagement de la procédure accélérée au printemps dernier a rendu la recherche du compromis encore plus difficile : nous avons eu moins d'un mois ! La brièveté de la commission mixte paritaire le 14 juin - dix minutes à peine - a attesté du blocage sur l'article premier ter : mon homologue de l'Assemblée nationale ne voulait même pas discuter des autres articles... Je respecte sa volonté, mais que les choses soient dites !
Enfin, les nombreuses mesures rétablies à l'identique par l'Assemblée nationale sur la déontologie traduisent une défiance envers les entreprises. J'en veux pour preuve, monsieur Assouline, que la dénomination que vous proposiez de « comité de déontologie » a été écartée pour celle de « comité relatif à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes dénomination ».
Ce texte témoigne d'une défiance envers la direction des entreprises de presse en instituant un mécanisme de contrôle abusivement élargi. Un contrôle ex ante par le CSA, qui dit ne pas en avoir les moyens, représenterait une atteinte disproportionnée à la liberté de communication.
La remise en cause de l'équilibre de la loi du 4 janvier 2010 sur le secret des sources est, de même, infondée et dangereuse. (M. David Assouline soupire)
On ne peut nous faire grief de ne vouloir poursuivre le travail sur ce sujet de préoccupation partagée. En tout état de cause, l'Assemblée nationale - qui a refusé le débat en CMP - aurait eu le dernier mot... Que chacun assume en conscience.
M. David Assouline . - Bref, la question préalable serait de droit si la CMP a échoué ? Heureusement pour le Sénat, nous n'en sommes pas là. Il y a toujours lieu de débattre, surtout devant une ministre qui a montré sa capacité d'écoute et d'ouverture à l'égard du Sénat à l'occasion de l'examen de la loi « Création ». Notre rôle est aussi d'éclairer le débat public, en allant plus au fond. Si nous avons achoppé sur l'article premier ter, c'est parce que M. Portelli de la commission des lois a imposé à la commission de la culture un diktat en utilisant des grands mots - il fallait refuser ce texte qui comprenait des dispositions anticonstitutionnelles et mettait en danger la sécurité de l'État. Dommage qu'il ne soit pas dans l'hémicycle aujourd'hui....
Délai trop court ? Va-t-on voter une question préalable à chaque fois que la procédure accélérée est engagée ? Les deux propositions de loi ont été déposées le 2 et le 19 février 2016, la discussion en première lecture a débuté le 8 mars à l'Assemblée nationale. Six mois de navette, ce ne serait pas assez pour vous ? Demandons au citoyen ce qu'il en pense. Le temps s'accélère dans tous les domaines.
Absence de prise en compte des apports du Sénat ? Madame la rapporteure, je vais défendre votre bilan : vous avez obtenu, grâce à votre travail, des avancées significatives. Sur trente-et-un articles, quatorze restaient en discussion, onze sur le fond. Je ne les cite pas tous, ce serait trop long, mais le Sénat n'a pas été maltraité.
Nombreuses dispositions rétablies à l'identique par l'Assemblée en nouvelle lecture ? C'est normal, me semble-t-il, mais elle n'a pas tout ratiboisé.
Les arguments de la rapporteure sont surfaits et de circonstance. La vraie raison, c'est que ce débat dérange certains - je pense à l'ancien président qui souhaite être candidat de la droite. Quand certains s'en prennent aux journalistes, d'autres se préoccupent de protéger les journalistes des pressions éventuelles des propriétaires des médias. Certains sont du côté du manche ; nous, nous sommes du côté de la liberté, du pluralisme et de l'indépendance des médias !
Mme Audrey Azoulay, ministre . - Crise de confiance, rumeurs, propagande, défiance généralisée envers nos institutions ; il était important que l'Assemblée nationale et le Sénat se penchent sur l'indépendance des médias. Je ne peux laisser dire que ce texte est de circonstance.
Les chartes existent déjà, les comités d'indépendance aussi, de même que le droit d'opposition des journalistes inscrit dans la loi en 2009... Mme Jouve a cité Victor Hugo à juste titre : démocratie, suffrage universel et liberté de la presse vont de pair.
Ce texte est cohérent avec la politique que nous avons menée durant cette législature. Nous avons renforcé l'indépendance de l'audiovisuel en matière de nomination, nous avons conforté les moyens du secteur qui ne sont plus budgétaires afin de ne pas dépendre du bon vouloir du Gouvernement, nous avons protégé les lanceurs d'alerte.
Ce texte poursuit ce travail dont nous sommes fiers et qui a été approuvé sur tous les bancs à l'Assemblée nationale.
À la demande de la commission de la culture, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°445 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre | 151 |
Le Sénat a adopté.
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Mme la présidente. - Je rappelle que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire. La Présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame Mme Annick Billon membre suppléant du conseil d'administration du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
Ajournement du Sénat
Mme la présidente. - Je constate que le Sénat a épuisé son ordre du jour pour la seconde session extraordinaire.
Le président du Sénat prendra acte de la clôture de cette session lorsque nous aurons reçu le décret de M. le président de la République portant clôture de la session extraordinaire du Parlement.
Cette information sera publiée au Journal officiel et sur le site internet de notre assemblée.
Prochaine séance, mardi 4 octobre 2016, à 14 h 30.
La séance est levée à 17 h 50.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du mardi 4 octobre 2016
Séance publique
À 14 h 30
1. Ouverture de la session ordinaire 2016-2017
2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'égalité et à la citoyenneté
À 16 h 45
3. Questions d'actualité au Gouvernement
À 17 h 45 et le soir
4. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Analyse des scrutins publics
Scrutin n° 445 sur la motion n° 1, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly au nom de la commission de la culture, tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :342
Suffrages exprimés :339
Pour :188
Contre :151
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 141
N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Isabelle Debré, Président de séance, M. Michel Bouvard
Groupe socialiste et républicain (109)
Pour : 109
Groupe UDI-UC (42)
Pour : 42
Groupe communiste républicain et citoyen (20)
Contre : 20
Groupe du RDSE (17)
Pour : 2 - MM. Gilbert Barbier, Jean-Noël Guérini
Contre : 12
Abstentions : 3 - MM. Yvon Collin, Jacques Mézard, Jean-Claude Requier
Groupe écologiste (10)
Pour : 10
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 3
N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier