Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Octroi des prérogatives d'une commission d'enquête
Questions prioritaires de constitutionnalité (Renvois)
Habilitations des clercs de notaires (Procédure accélérée)
M. Jacques Bigot, auteur de la proposition de loi
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois
Modification de l'ordre du jour
Liberté de création, architecture et patrimoine (Conclusions de la CMP)
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Mme Françoise Férat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
Ordre du jour du jeudi 30 juin 2016
SÉANCE
du mercredi 29 juin 2016
120e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente
Secrétaires : M. Bruno Gilles, M. Serge Larcher.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt d'un rapport
Mme la présidente. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
Il a été transmis à la commission des affaires économiques, à celle de l'aménagement du territoire et du développement durable, à celle des finances et à celle des lois.
Octroi des prérogatives d'une commission d'enquête
Mme la présidente. - Par lettre en date de ce jour et conformément à l'article 22 ter du Règlement, M. Philippe Bas, président de la commission des lois, a indiqué à M. le président du Sénat que la commission des lois demande au Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour mener sa mission d'information sur la rénovation de la justice, pour une durée de six mois.
Cette demande sera examinée par la Conférence des présidents lors de sa prochaine réunion.
Questions prioritaires de constitutionnalité (Renvois)
Mme la présidente. - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 29 juin 2016, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État et la Cour de cassation lui ont respectivement adressé une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure et l'article L. 41-1-1 du code de procédure pénale (Exécution des peines - Transaction pénale) et un arrêt de renvoi d'une question prioritaire de constitutionalité portant sur l'article L. 653-5, 6° du code de commerce (Cumul de sanctions prononcées par les juridictions pénales et commerciales).
Les textes de cette décision et de cet arrêt de renvoi sont disponibles à la direction de la séance.
Habilitations des clercs de notaires (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, examinée selon la procédure accélérée, tendant à prolonger le délai de validité des habilitations des clercs de notaires, présentée par M. Jacques Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Discussion générale
M. Jacques Bigot, auteur de la proposition de loi . - Je n'utiliserai pas tout le temps qui m'est imparti : cette proposition de loi, constituée d'un article unique, reporte la cessation de l'habilitation des clercs de notaires et a fait l'objet d'un vote unanime en commission.
La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, présentée par Emmanuel Macron et promulguée le 6 août 2015, a réformé les professions réglementées, dont celle de notaire, sous l'impulsion de l'Autorité de la concurrence. Il s'agissait notamment de faciliter le recrutement de notaires salariés, beaucoup de jeunes pourtant bien formés ne trouvant pas de débouché. Cette loi a ainsi supprimé l'article 10 de la loi du 25 ventôse an XI qui permettait aux notaires d'employer des clercs habilités pour donner lecture des actes et recueillir les signatures.
La loi renvoyait la suppression de l'habilitation des clercs au 1er août 2016. Le décret du 20 mai 2016 a créé une passerelle permettant aux clercs habilités de faire valoir leur ancienneté et d'accéder, pour nombre d'entre eux, au rang de notaire salarié. Mais un certain nombre d'études risquait de ne pas souhaiter remplacer leurs clercs habilités par des notaires salariés, forcément mieux payés...
D'où l'article 51 ter B de la loi Justice XXIe siècle, introduit par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, qui reporte la suppression de l'habilitation des clercs du 31 août 2016 au 31 décembre 2020. C'est le seul sens de cette proposition de loi.
La commission spéciale du Sénat sur la loi Macron, dont M. Pillet était déjà rapporteur, avait prévu une entrée en vigueur de cette suppression au bout de cinq ans - ce que le ministre avait écarté. Le débat s'était concentré sur l'âge limite des notaires, et l'observation de M. Pillet n'avait pas été entendue...
Même si l'expérience sait que la justice est lente à délibérer, peut-on reprocher à un ministre, qui a la volonté farouche d'être en marche, de penser que les choses pouvaient être organisées dans un délai d'un an ? Il faut toutefois lui savoir gré de sa volonté de faire aboutir rapidement sa loi puisque sur 86 décrets, 61 ont été publiés et les autres sont en cours d'examen au Conseil d'État. Les choses sont en marche ! La prochaine étape, qui ne se fera pas sans mal, sera la mise en oeuvre de la création de nouvelles études notariales, sur la base de l'avis de l'Autorité de la concurrence, qui propose une ouverture que la profession n'est pas toujours prête à accepter...
Je vous invite donc à adopter ce texte pragmatique. (Applaudissements)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois . - Je ne ferai aucun reproche à un ministre désireux de faire aboutir rapidement un texte destiné à favoriser croissance, activité et égalité des chances économiques... Mais une bonne loi, c'est beaucoup d'écoute, et peu de précipitation.
Cette proposition de loi vise à éviter la menace de licenciement ou de perte de revenu pour les 9 500 clercs habilités qui découlerait d'une application trop précoce de la loi du 6 août 2015. L'objectif de la suppression de l'habilitation des clercs est de créer un appel d'air au sein des offices, privés de leurs clercs habilités et obligés, de ce fait, de recruter des notaires salariés. Pour hâter la réforme, le Gouvernement voulait une période transitoire très courte.
La commission spéciale du Sénat n'était pas opposée à la réforme mais proposait une période transitoire plus adaptée, afin de laisser aux intéressés le temps de se reconvertir - d'autant plus que la réforme concomitante des règles d'installation et des tarifs plonge les études dans l'incertitude. Les faits ont confirmé l'analyse de la commission spéciale du Sénat. Mais n'en rajoutons pas ; il y a urgence à agir.
En responsabilité, je vous invite à voter ce texte en l'état.
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification . - Cette proposition de loi répond à une inquiétude partagée sur tous les bancs ; je ne doute pas qu'elle fera consensus. Face aux réalités, il faut être pragmatique.
La loi du 6 août 2015 a abrogé l'article 10 de la loi du 25 ventôse an XI, adoptée sous le Consulat, supprimant la possibilité pour les notaires d'habiliter certains clercs assermentés à donner lecture des actes et recueillir les signatures. L'objectif était de susciter un accroissement du besoin de notaires en exercice et de favoriser l'intégration progressive à la profession des clercs habilités.
Au 1er octobre 2015, on dénombrait 9 558 clercs habilités, soit 20 % des salariés des études notariales ; 3 992 ne remplissaient pas les conditions pour être nommés notaires, 1 330 n'étaient titulaires ni du diplôme de premier clerc, ni du diplôme de l'institut des métiers du notariat. Il s'agit surtout de femmes, habilitées depuis une dizaine d'années. Une passerelle vers les fonctions de notaire, fondée sur la validation des acquis de l'expérience, ou un examen si l'ancienneté est insuffisante, a alors été mise en place par décret, pour ouvrir l'accès à la profession. Pour ces personnes, la fin de leur habilitation signifierait en effet une forme de rétrogradation, voire un licenciement...
Toutefois le délai fixé au 1er août 2016 est trop bref. Cette proposition de loi le reporte au 31 décembre 2020, pour assurer la continuité entre la période d'habilitation et l'entrée dans le notariat.
Ce texte de bon sens et de consensus a le soutien du Gouvernement. Une adoption conforme avant la fin juillet permettrait une entrée en vigueur dans les temps. Les clercs habilités l'attendent. (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)
M. Philippe Esnol . - La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a en effet supprimé l'habilitation des clercs de notaire, afin d'ouvrir l'accès à une profession marquée par la cooptation en favorisant le recrutement de notaires salariés. Dans sa sagesse, le Sénat avait préconisé une durée transitoire de cinq ans pour favoriser les reconversions. Le Gouvernement a confondu, semble-t-il, vitesse et précipitation.
Or la concomitance avec la réforme tarifaire n'est guère propice au recrutement, d'autant qu'un notaire salarié coûte 30 % de plus qu'un clerc habilité. Les clercs habilités étant deux fois plus nombreux que les notaires salariés, il était douteux que tous puissent le devenir. Devant le risque de rétrogradation de certains, le Gouvernement a proposé par décret un dispositif de passerelle pour les clercs habilités depuis plus de quinze ans. C'est un soulagement pour nombre d'entre eux, qui ont obtenu cette habilitation, synonyme de reconnaissance et d'ascension professionnelle, à la force du poignet. Mais ceux qui ne peuvent prétendre à devenir notaires se verront privés de la part la plus valorisante de leur activité ainsi que d'une partie de leurs revenus : 2 500 personnes, soit 30 % des effectifs, ne remplissent pas les conditions de diplômes ou d'ancienneté, souvent des femmes méritantes ayant gravi les échelons... Au mieux, elles seront orientées vers un travail de secrétariat ; au pire, licenciées. On ne peut faire si peu de cas de l'aspect social. Faire primer le diplôme sur l'expérience porterait un coup à l'égalité des chances, c'est un contresens. D'où cette proposition de loi qui laisse le temps aux clercs habilités de se retourner et de préparer leur avenir. Le groupe RDSE le votera. (Applaudissements à gauche)
M. Henri Tandonnet . - Cette proposition de loi est bienvenue puisqu'elle met fin au risque de licenciement ou de perte de revenus auquel l'article 53 de la loi Macron expose sur les clercs habilités. La commission spéciale du Sénat avait pourtant alerté le Gouvernement et l'Assemblée nationale sur ce risque de perte de statut. Les clercs habilités, souvent des femmes, qui se sont formées au fil des ans, déchargent les notaires de tâches chronophages. La suppression de l'habilitation des clercs, proposée par un amendement socialiste à l'Assemblée nationale, aurait dû être accompagnée d'un délai significatif.
Comme la commission spéciale du Sénat l'avait alors proposé, cette proposition de loi donne cinq ans aux clercs pour se reconvertir ou devenir notaire salarié grâce à la validation des acquis de l'expérience. Une large partie des clercs habilités n'étant pas détenteurs des diplômes requis pour la passerelle, il est peu vraisemblable que tous seront recrutés - d'autant que certains ne souhaitent pas devenir notaire salarié, leur convention collective étant plus avantageuse. Beaucoup d'entre eux seront privés de leurs prérogatives sans contrepartie, voire risquent d'être licenciés.
Les députés ont adopté la prolongation de la validité des habilitations à l'article 51 ter B du projet de loi Justice du XXIe siècle, mais le calendrier parlementaire rend peu probable une adoption définitive de ce texte avant le 1er août 2016. D'où cette proposition de loi, que le groupe UCI-UC appelle à voter conforme. Je note avec plaisir que le notariat a rejoint le giron du garde des sceaux : si l'on avait davantage écouté le ministère de la justice, on n'aurait sans doute pas eu besoin de cette proposition de loi ! (Applaudissements au centre)
Mme Cécile Cukierman . - « Il sera bon de donner du temps au temps » écrit Cervantès dans Don Quichotte. Maxime de circonstance, alors que plus de neuf mille clercs habilités, souvent des femmes, voient leur activité menacée. Or 63 % des cabinets comptent moins de dix salariés, 27 % dix à vingt salariés. C'est une profession au niveau de qualification élevée, pour deux tiers des cadres et professions intermédiaires. Dans notre société patriarcale, les femmes subissent une discrimination salariale puisqu'elles sont en moyenne payées 20 % de moins que leurs collègues masculins - inégalité qui progresse avec la taille de l'étude.
J'ignore si M. Macron avait cet aspect des choses en tête ; il appliquait en tout cas le programme du rapport Attali - dont il était l'un des corédacteurs.
La commission spéciale avait, sur les recommandations de son rapporteur François Pillet, proposé de prolonger l'habilitation des clercs pour assurer le renouvellement des cadres ; c'est encore ce à quoi s'emploie cette proposition de loi.
Dans les faits, vu la pyramide des âges et le vieillissement de la profession notariale - 1 300 notaires ont entre 60 et 70 ans, 130 plus de 70 ans - nous pourrions nous retrouver avec des déserts notariaux comme il existe des déserts médicaux. Dans une région en déclin démographique, la rentabilité d'un office est limitée.
Réformer la France d'aujourd'hui, c'est donc donner du temps au temps. Or le temps des réformes n'est pas celui de la politique, des effets de manche et des coups de menton. Cinq bonnes années, c'est le temps nécessaire pour ouvrir le notariat sans le bousculer.
Nous voterons cette proposition de loi qui appelle à la tempérance tous ceux qui s'enivrent du mot « réforme », que nous risquons de beaucoup entendre dans les mois qui viennent. Nous ne pouvons que constater que la loi pour la croissance, l'emploi et l'égalité des chances économiques, pure novlangue technocratique pour désigner une réforme inacceptable, n'a pas produit les effets escomptés. Donnons du temps au temps, donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Michel Delebarre . - La loi du 6 août 2015 a supprimé l'habilitation des clercs afin de susciter l'accroissement du besoin de notaires dans les offices avec application un an après l'entrée en vigueur du texte. Un décret du 9 mai 2016 a dû créer une passerelle pour faciliter la reconversion des clercs, mais tous ne remplissent pas les conditions de diplôme ou d'ancienneté pour devenir notaire salarié, ce qui les place sous la menace d'un licenciement ou d'une rétrogradation accompagnée d'une perte de revenu.
Telle n'était pas l'intention du Gouvernement ou du législateur. D'où cette proposition de loi, qui prolonge de cinq ans leur habilitation, disposition qui a été introduite dans le projet de loi Justice du XXIe siècle, mais dont le calendrier parlementaire n'assure pas l'entrée en vigueur avant l'échéance du 1er août. Le groupe socialiste votera par conséquent cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Mathieu Darnaud . - Je ne reviendrai pas sur les motifs de prolongation de l'habilitation des clercs, bien exposés par François Pillet. Confondant enthousiasme et précipitation, le Gouvernement a inscrit dans le texte des délais impossibles à tenir, balayant les mises en garde de la profession. Loin de l'image de conservatisme forcené, les représentants du notariat que j'ai rencontrés, en Ardèche, sont ouverts à la réforme, mais tous les clercs habilités ne se rêvent pas notaires : Le décret, paru deux mois avant l'échéance, plongeait la profession dans l'incertitude, pour ne pas dire le marasme. Malgré les avertissements de M. Pillet, le Gouvernement s'enferrait... C'est donc sans réserve que nous souscrivons à cette proposition de loi par laquelle le Gouvernement, qui l'a inscrite à son ordre du jour prioritaire, entend réparer son erreur. Je suis heureux que le Gouvernement se range à l'avis du Sénat et ne doute pas qu'il s'attachera à convaincre ceux qui, par méconnaissance, doutent de l'intérêt du bicamérisme. Monsieur le ministre, vous dont la sagesse vient du Sénat, nous comptons sur vous pour convertir le Premier ministre et le garde des sceaux à cet état de pleine conscience démocratique ! Peut-être le Gouvernement, redécouvrant la pertinence des analyses de la Haute Assemblée, lui rendra-t-il la place qui lui revient, dans la discussion du projet de loi Justice du XXIe siècle par exemple, dans lequel le rapporteur Yves Détraigne a déjà relevé de nombreux points litigieux.
Soucieux de défendre et les clercs habilités et la cohérence de l'apport du Sénat, le groupe Les Républicains votera ce texte sans réserves. (Applaudissements à droite et au centre)
La discussion générale est close.
L'article unique, constituant l'ensemble de la proposition de loi, est adopté.
Mme la présidente. - C'est l'unanimité ! (Applaudissements)
La séance est suspendue à 15 h 15.
La séance reprend à 15 h 30.
Modification de l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, M. François Zocchetto, président du groupe UDI-UC, a demandé le retrait de l'ordre du jour réservé à son groupe du jeudi 30 juin 2016 du débat sur le thème : « L'impact territorial de la collégialité de l'instruction ».
Acte est donné de cette demande.
Liberté de création, architecture et patrimoine (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.
Discussion générale
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Près d'un an, jour pour jour, après son dépôt sur les bancs de l'Assemblée nationale, et quatre ans après les annonces d'Aurélie Filippetti, ce texte termine ici son long parcours parlementaire.
Le rêve d'un grand souffle fondateur pour le patrimoine et la création semble un lointain mirage, tant ce texte de 133 articles traite de sujets divers, sans les approfondir.
Ni cynisme, ni regret, toutefois. Le Sénat n'a pas à rougir ; sa voix a été entendue, et à travers elle celle des collectivités territoriales, des créateurs et des diffuseurs.
Il y a eu des désaccords avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement, mais nul ne fut infranchissable et l'écoute a prévalu. Merci à vous madame la ministre.
Sur le titre premier, le dialogue entre les deux chambres a amélioré la rédaction. Le Sénat a souhaité que la relation entre l'État et les collectivités territoriales, lesquelles doivent jouer tout leur rôle, soit rééquilibrée, s'agissant de la mise en oeuvre des labels, à l'article 3, ou du soutien des régions aux conservatoires, cher à la présidente Catherine Morin-Desailly, à l'article 17 A.
L'article 7 bis AA marque aussi une avancée en offrant des garanties aux diffuseurs et aux producteurs lors de la mise en oeuvre d'enregistrements vidéos dans le nuage.
Les garanties obtenues pour sécuriser le mécanisme de rémunération pour copie privée, garde-fou utile, injustement décrié, sont également très positives. Je suis aussi très satisfait de l'article 10 quater sur les artistes visuels, trop souvent oubliés.
Sur la filière musicale, je serai plus mesuré : la rédaction de l'article 11 ter nous parait quelque peu complexe - mais vous y teniez tant, madame la ministre...Nous demeurons peu convaincus, à l'article 5, de l'intérêt de la limitation des cessions de créances pour les artistes eux-mêmes. Mais la reconnaissance de la distinction entre artistes interprètes et musiciens d'accompagnement méritait bien quelques concessions.
Il n'est guère fréquent, sur un texte de cette ampleur et à quelques mois d'échéances électorales très importantes, de trouver un accord entre deux chambres politiquement opposées. Tel est le cas de ce projet de loi au terme d'une solide navette et d'un dialogue sincère. (Applaudissements depuis les bancs du groupe socialiste et républicain jusqu'à la droite)
Mme Françoise Férat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Le projet de loi arrive enfin au terme de son parcours. Le Sénat et l'Assemblée nationale sont parvenus à trouver un consensus, fait assez rare pour être souligné. Chacun a travaillé pour trouver un compromis.
Nous avons souhaité l'équilibre entre tous les acteurs, défendu les collectivités territoriales, garanti la défense du patrimoine, empêché la remise en cause de la concurrence pour l'archéologie préventive.
C'est la Haute Assemblée qui est à l'origine de la plupart des avancées en matière de protection du patrimoine. Le Sénat a en effet été entendu, qu'il s'agisse de l'inscription de la protection du patrimoine dans un règlement annexé au plan local d'urbanisme, de la co-construction des plans de sauvegarde et de mise en valeur entre l'État et les collectivités territoriales, de la création obligatoire d'une commission locale pour faciliter la médiation et la participation, de l'association plus étroite des communes concernées à l'élaboration des documents de protection, lorsque cette compétence relève de l'échelon intercommunal.
De même, la commission nationale du patrimoine et de l'architecture sera consultée sur les aliénations de monuments historiques appartenant à l'État.
J'en viens à notre plus belle victoire : le Sénat a obtenu une réécriture de l'article 20 sur l'archéologie préventive au profit des collectivités territoriales et des opérateurs privés. La régulation économique et financière de l'État a été très encadrée ; l'habilitation des services des collectivités territoriales couvre le territoire de la région avec la possibilité de l'étendre davantage au cas par cas ; le contenu de la convention signée entre les services archéologiques des collectivités territoriales et l'État doit faire au préalable l'objet d'un véritable accord entre les deux parties.
Le Sénat a également obtenu de l'Assemblée nationale que le monopole de l'Inrap sur les fouilles sous-marines a été supprimé.
Autre point dur, concédé par l'Assemblée nationale : le maintien du crédit d'impôt recherche (CIR) pour les activités de fouilles archéologiques. Celui-ci bénéficiera aussi d'ailleurs à l'Inrap. Le problème du financement des diagnostics réalisés par les collectivités territoriales n'a pas été réglé puisque le produit de la redevance pour l'archéologie préventive a été budgétisé depuis le 1er janvier 2016, ce qui pénalise les collectivités. Le Sénat sera attentif au maintien des crédits dans le budget 2017. Le Sénat a bien joué son rôle. Je vous appelle à voter ce texte qui reprend une bonne partie de ses apports. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication . - Je me réjouis du travail que nous avons conduit de manière constructive ces derniers mois. Après cinq heures de discussion, la CMP est parvenue à établir un texte équilibré sur les dispositions restant en discussion, soit une quarantaine d'articles sur un peu plus de cent-trente.
Au fil des lectures, le texte s'est enrichi, puisqu'il comportait au départ une centaine d'articles, après un débat sur plus de 2 800 amendements, dont un peu plus de 1 200 discutés au Sénat, preuve de l'intérêt et de l'engagement du Parlement et de la France envers la culture.
Ce texte était nécessaire pour encourager la création artistique, protéger la diversité, adapter notre droit aux nouveaux enjeux du numérique, établir de nouvelles perspectives pour l'enseignement artistique, préserver notre patrimoine et la qualité de notre cadre de vie. La création artistique est libre, réaffirme l'article premier : nous sommes parvenus à un accord dès la première lecture sur ce principe essentiel, auquel il est encore trop souvent porté atteinte et dont chacun mesure la force et la portée.
La liberté de diffusion a été longuement discutée, jusqu'au soir de la CMP. Il fallait la protéger par la loi.
La mission de service public intrinsèque à la politique publique en faveur de la création artistique est posée dès l'article 2. Sans diminuer le rôle joué par le secteur associatif ou privé, elle conforte le caractère d'intérêt général de leurs missions, tout en reconnaissant la diversité des acteurs qui y contribuent. Les labels, vecteurs d'une politique ambitieuse, ont été reconnus à l'article 3. La commission mixte paritaire a consolidé le principe du conventionnement, en lien avec les collectivités territoriales, pour les structures qui ne bénéficient pas d'un label. A été aussi conservée la validation par l'État du choix des dirigeants proposés par les jurys.
La mise en place du label « Frac » sécurise le régime juridique et le statut des fonds régionaux d'art contemporain, en renforçant la place de ces fonds pour la création contemporaine.
Il était temps de reconnaître les pratiques artistiques culturelles amateurs, qui concernent plus de douze millions de Français, sources d'un premier contact des jeunes avec la création.
Pour autant, il n'était pas question de porter atteinte à la présomption de salariat. Nous avons trouvé ici même en deuxième lecture une rédaction qui concilie le développement de la pratique amateur et la reconnaissance de la place des professionnels.
La CMP a aussi adopté la garantie minimale de la rémunération des artistes-interprètes, à l'article 5, issue du rapport demandé par le Gouvernement à Marc Schwartz, et l'interdiction des cessions de créance. La création du Médiateur de la musique, à l'article 7, est une autre mesure importante.
Les quotas radiophoniques ont été renforcés en accroissant les rotations. C'est un signal fort en faveur de la diversité et de la scène musicale française et francophone.
La transparence des comptes d'exploitation dans le cinéma (article 8) ou l'audiovisuel (article 9 quater) a été accrue ; avec l'exploitation suivie des oeuvres, elle facilitera un juste partage de la valeur.
Je me félicite également de l'adoption d'une évolution consensuelle de la copie privée afin de couvrir les nouveaux usages et notamment les possibilités d'enregistrement d'émission « dans le nuage », cette forme de magnétoscope virtuel mise à disposition par certains éditeurs et distributeurs de services audiovisuels.
Le Gouvernement est décidé à défendre à Bruxelles les auteurs des arts visuels, dans le prolongement de l'article 10 quater.
Le statut d'étudiant pour les élèves des classes préparatoires aux écoles supérieures artistiques a été reconnu, ce qui leur ouvrira de nouveaux droits sociaux.
Ce texte affirme une grande ambition en faveur de l'enseignement artistique et culturel, cher à Mme la présidente Morin-Desailly. Un conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistique et culturelle est créé. Le rôle des régions est développé.
Sur l'archéologie préventive, sujet sensible, la CMP a également réussi à trouver une rédaction consensuelle de l'article 20, tout en conservant les objectifs poursuivis par l'État, dont la maîtrise scientifique des opérations réalisées, chère au Gouvernement. Le rôle archéologique de la région a été reconnu. Les agréments délivrés aux opérateurs privés dépendront du respect des obligations sociales et comptables.
La transmission par l'aménageur à l'État de toutes les offres reçues est aussi une garantie de transparence.
Le texte crée des « sites patrimoniaux remarquables », à l'article 24, qui répondent à l'objectif que nous nous étions fixé : rendre plus compréhensible les outils de protection des espaces ou des diverses zones, unifier les méthodes et encourager la protection de nouveaux espaces, par le plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine, premier niveau de protection ; ou le plan de sauvegarde et de mise en valeur, le plus haut degré de protection, qui n'est plus réservé à la centaine de secteurs sauvegardés, mais ouvert aux plus de 800 sites patrimoniaux remarquables.
Le texte fait également entrer pour la première fois dans notre code du patrimoine des dispositions destinées à lutter contre le trafic des oeuvres d'art et des vestiges archéologiques, et permettant de protéger le patrimoine en danger, en particulier les oeuvres menacées par les guerres. De même le patrimoine mondial de l'Unesco entre dans le droit interne français, dans le code du patrimoine.
Restait la question de la place de l'architecture dans le permis d'aménager, à l'article 26 quater. Il n'est pas question d'exclure la compétence d'autres professionnels de l'urbanisme et du paysage qui concourent à l'aménagement de notre cadre de vie mais bien de veiller à ce que les architectes puissent oeuvrer à cet aménagement, afin d'en assurer la qualité architecturale.
Le seuil au-delà duquel le recours à l'architecte est nécessaire a été abaissé à 150 mètres carrés, ce qui marque une claire reconnaissance de son rôle.
Merci à tous les parlementaires pour avoir enrichi ce texte dans le sens de l'intérêt général.
Parallèlement, les professionnels du spectacle ont conclu de façon unanime un accord sur l'assurance chômage des artistes et des techniciens du monde du spectacle vivant et enregistré ; un accord responsable qui produit des économies, un accord juste, plus adapté aux conditions d'exercice de leur profession. Ces deux avancées feront date et nous ouvrent de nouvelles perspectives pour la culture dans les années à venir.
À titre personnel, je tiens à vous remercier pour la qualité et la sincérité de vos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Pierre Laurent . - Nous arrivons au terme d'un débat long et fructueux. Le groupe communiste républicain et citoyen a défendu sa vision d'un monde de la culture, des arts, de l'architecture et du patrimoine accessible à toutes et tous, au service d'une société de liberté et d'émancipation humaine. Pour que cette ambition ne reste pas que verbale, nous avons soutenu les deux piliers sans lesquels elle n'est rien : donner les moyens aux créateurs de toutes disciplines de protéger leur travail et leur liberté, de vivre et de travailler dignement ; conduire et promouvoir en tous domaines des politiques de service public.
Nous veillerons à ce que le projet de loi de finances porte trace des ambitions affichées. Nous saluons la consécration législative de la liberté de création et de diffusion, ainsi que le soutien aux labels. La récente polémique affligeante, sur une fresque, de street art à Grenoble montre qu'il reste bien du chemin à parcourir !
Même si elles ne sont pas parfaites, les mesures pour rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée vont dans le bon sens : celles qui concernent les webradios, le NPVR, les relations contractuelles entre artistes-interprètes et producteurs, la transparence des comptes, l'application des droits d'auteurs dans le cadre des structures de référencement.
Nous resterons vigilants sur les quotas radios où le compromis trouvé sous la pression justifiée des auteurs reste fragile. Il y a plus problématique encore : l'élargissement des possibilités de recours dans le cadre de spectacles à but lucratif à des artistes amateurs non rémunérés. Nous craignons la mise en concurrence des amateurs et des professionnels et l'opposition potentielle entre filières culturelles et enseignement universitaire.
Le consensus sur l'article 26 quater, le rôle de l'architecte, la maîtrise d'oeuvre est bon, de même que la mise en sécurité des oeuvres issues de zones de conflit.
Le texte ne remet pas assez en cause l'ouverture à la concurrence de l'archéologie préventive, désastreuse, décidée en 2003. Dommage aussi que le crédit d'impôt recherche, véritable aubaine fiscale, ait été maintenu en ce domaine.
Nous craignons aussi que la réforme des abords n'aboutisse à une protection « à la carte », au gré de l'intérêt économique des projets : le patrimoine ne doit pas être une variable d'ajustement au profit d'une logique censée libérer toujours plus de sols constructibles pour de nouvelles opérations immobilières.
Nous nous abstiendrons sur ce texte dont les avancées sont loin de l'audace que mérite notre ambition culturelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. David Assouline . - Enfin cette loi, initiée en 2013, va être adoptée. Notre société est fracturée, la culture est une cible privilégiée de ceux qui attisent la haine.
Il est loin d'être anodin, dès lors, que nos deux chambres, de majorités différentes, se rassemblent pour envoyer un message unique. C'est que l'intelligence rassemble et la simplicité des polémiques divise inutilement. Nous allons entrer en période électorale. Certains utiliseront la culture, l'identité, pour créer des divisions.
Face à ce risque, nous avons répondu à l'avance, faisant la preuve que nous pouvions nous rassembler, sans esquiver les débats. Je suis heureux que nous ayons convaincu la majorité sénatoriale de l'importance d'une politique de service public en la matière. Il fallait aussi réaffirmer la liberté de création et de diffusion, face à l'intolérance grandissante, face aux attaques violentes dont elle fait l'objet, face aussi à sa remise en cause par le monopole des diffuseurs et l'uniformisation des pratiques.
Je remercie les rapporteurs qui ont travaillé à un compromis et la ministre qui a su créer un climat de confiance.
Grande loi, petite loi, la question n'est pas là. Nous verrons bien ! Le groupe socialiste et républicain a toujours été présent au rendez-vous de la culture. Comptez sur nous ! Nous serons toujours là pour avancer sur le sujet. Il a su imprimer sa marque, en particulier aux articles 7 quater A, 8 et 9 quater, 7 bis AA et tant d'autres
Les droits sociaux des professionnels du spectacle ont été réaffirmés. Ce n'est pas rien. 65 de nos amendements ont été intégrés au texte, 38 sont restés après la commission mixte paritaire.
S'agissant de l'article 10 quater sur les artistes visuels, je vous demande, madame la ministre, d'adresser une notification à la Commission européenne, conformément à la jurisprudence Uber, pour conforter le statut des photographes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Marie-Christine Blandin . - Nous avons plusieurs rasions de nous réjouir. La première est qu'après plusieurs années d'attente et d'indécision, le Parlement a enfin été destinataire d'un texte. Ceux qui l'aiment le diront dense et exhaustif, ceux qui ne l'aiment pas le diront fourre-tout : l'important est que le contenu de la mouture qui est soumise au vote comporte des avancées pour chacun, comme pour les artistes.
La démocratie l'a emporté : la navette a été respectée ; le Gouvernement, par votre écoute et vos réponses, madame la ministre, n'a pas cherché à passer en force, par exemple sur l'expression « Cité historique ». Les membres de la CMP ont cherché un accord, fabriqué des compromis, même si les écologistes peuvent dire « sans rancune », car aucune place ne nous y a été faite en CMP, ce qui serait bien injuste si les seuls critères étaient la motivation et le temps passé... (Sourires)
La place des collectivités territoriales a été reconnue. Les structures non labellisées pourront être soutenues par une convention.
La liberté de diffusion est reconnue. Les droits culturels de chacun dès l'article 2 sont réaffirmés. Ce n'était pas un luxe pour retisser une société minée par le morcellement, la concentration des offres et l'uniformisation. La culture mérite mieux que la frénésie de consommation pour les uns et la frustration pour les autres.
La reconnaissance de droits culturels opposables est une avancée, que nous devons aux écologistes, à la gauche, au Sénat.
Autre avancée, l'instauration d'un système obligatoire de gestion des droits pour les photographes et artistes visuels, dont les images sont référencées sur des sites : nous y venons enfin, six ans après ma proposition de loi n°441, dont n'avait été retenue que l'article premier définissant l'oeuvre orpheline. Le Sénat a ainsi sorti l'image fixe de son statut de création mal protégée et spoliable à l'envi.
Bref, les écologistes voteront ce texte avec plaisir. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et socialiste et républicain)
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
Mme Mireille Jouve . - « Si c'était à refaire, je recommencerais par la culture » : cette phrase d'Hélène Ahrweiler que l'on prête à Jean Monnet est toute d'actualité.
Le texte réaffirme la liberté de la création et la liberté de la diffusion. Encore faut-il faire vivre ces principes.
Le projet définit une politique de service public de la création, expression chère au groupe RDSE ; donne une base légale à la labellisation des établissements culturels. Il sécurise les pratiques amateurs, il fallait encourager les compagnies de rue qui animent les rues de nos villes. La renommée de l'enseignement supérieur artistique a longtemps été source de blocage. L'école d'art de Perpignan fermera demain ; d'autres sont menacées à Avignon, Angoulême et Chalon-sur-Saône et subissent la baisse continue des dotations et une crise de leur statut d'établissement public de coopération culturelle sur lesquels il ne faut plus tarder à agir...
Il fallait aussi endiguer l'uniformisation, promouvoir la diversité, grâce à une modulation des quotas radio.
La rétribution des auteurs sera facilitée grâce à un référencement par des moteurs de recherche.
Je salue la reconnaissance des compétences archéologiques des collectivités.
Les agréments des opérateurs privés sont soumis à des conditions. Je suis plus réservée sur le maintien du CIR pour les fouilles.
L'article 26 quater a pris pour base le texte du Sénat : la place de l'architecture est reconnue, sans exclure les autres professionnels.
Le groupe RDSE votera ce texte dans sa grande majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du RDSE)
Mme Colette Mélot . - Le texte issu de la CMP s'appuie largement sur les propositions du Sénat, loin très loin du texte initial, trop inabouti. Sur le volet patrimoine, on peut parler de revirement. Sur le volet création, le texte reste loin de la grande loi annoncée, catalogue de mesures de défense d'intérêts catégoriels, sous dimensionnée en tout cas face à la mondialisation et aux enjeux numériques.
Notre rapporteur n'a pas craint d'aborder le sujet du financement des chaînes de télévision : nous avons atteint notre but, avec un accord signé entre TF1 et les producteurs indépendants. La perspective d'une évolution législative a relancé la négociation.
Parmi les nombreuses avancées dues au Sénat : soumission du médiateur de la musique au secret des affaires, indépendance et transparence de la commission de la copie privée, rémunération des artistes visuels dont les oeuvres apparaissent en ligne, ou encore droit de suite pour les musées et fondations. Nous avons encore mieux associé les collectivités territoriales, notamment dans le choix du dirigeant des structures labellisées ou avec le schéma régional pour les enseignements artistiques et le transfert par l'État des crédits afférents.
Côté patrimoine, notre travail a également été approfondi, et notre rapporteur a su infléchir la position du Gouvernement sur la réforme des espaces protégés. Face au risque d'instabilité que faisait courir une décentralisation complète de leur gestion, aux inquiétudes des défenseurs du patrimoine sur la réforme des abords des monuments, le Sénat a recherché un juste compromis entre protection du patrimoine sur l'ensemble du territoire et rôle des collectivités territoriales. Enfin, nous avons rééquilibré le texte sur l'archéologie préventive, avec, notamment un meilleur partage des fonctions et la suppression du monopole de l'Inrap sur les fouilles sous-marines.
Certes, des points négatifs demeurent. Les quotas radiophoniques restent trop complexes, tout comme les mesures sur la construction de maisons individuelles et de lotissements. C'est au prix de ces concessions que nous sommes parvenus à un compromis.
Cette grande loi devait marquer l'attachement du président de la République à la culture : nous restons sceptiques, quand nous voyons la faiblesse des crédits. Le budget de la culture a chuté les deux premières années du quinquennat, quelle preuve d'amour, pour citer Reverdy... Manuel Valls a lui-même reconnu que cela avait été une erreur.
Cependant, je reconnais l'écoute et l'attitude constructive de la ministre, et notre groupe votera ce texte amélioré, avec la satisfaction d'avoir répondu aux attentes des professionnels. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Philippe Bonnecarrère . - Nous nous réjouissons d'autant plus de cette CMP qu'elle a très largement suivi le Sénat. Un regret toutefois, sur l'aménagement des lotissements... Pour le reste, le texte, très différent de sa mouture initiale, est satisfaisant. Le volet création a été nettement amélioré : la place des collectivités territoriales en matière de labellisation a été reconnue, des progrès sont à noter en matière de copie privée, de quotas radio, de droit de suite, de rémunération des photographes ou plasticiens sur internet. Enfin, avec la décentralisation de l'enseignement artistique, les conservatoires seront mieux soutenus.
Le volet patrimoine a évolué plus encore : les dispositions sur l'architecture ont été équilibrées, la protection des sites patrimoniaux remarquables a été consolidée - même si, à titre personnel, je ne crains pas la décentralisation. Les mesures sur l'archéologie préventive ont été équilibrées elles aussi, sans remettre en cause l'ouverture à la concurrence obtenue en 2003 et en revenant sur la centralisation au profit de l'Inrap.
Le Sénat a réorienté ce texte, jouant pleinement son rôle ; je salue nos rapporteurs, qui n'ont pas ménagé leurs efforts.
Ce texte témoigne d'un esprit d'écoute, d'échange, de respect mutuel, ce dont je vous remercie, madame la ministre. Est-ce la grande réforme du quinquennat en matière culturelle ? Par son champ peut-être, mais ce n'est pas une grande loi, faute de fixer des priorités et parce qu'elle ajoute encore des normes.
Cependant, c'est le fruit d'un consensus, c'est incontestable ; dans une société verrouillée, bloquée, ce n'est pas anodin... Hiérarchisation des objectifs, sens de la mesure, de la synthèse, de la conciliation, de la tempérance : ces mots dessinent un portrait-robot dans lequel le groupe UDI-UC se reconnaît volontiers. Nous voterons ce texte. (Applaudissements au centre et sur certains bancs du groupe écologiste)
Mme Patricia Morhet-Richaud . - Nous arrivons au terme d'un travail parlementaire entamé en 2014. Je salue le travail de nos collègues de la commission de la culture, et en particulier de nos rapporteurs. Ce texte grave dans le marbre la liberté de création, ce n'est pas anodin dans la période troublée que nous vivons. Si l'on peut se satisfaire des avancées pour le monde artistique, j'attire l'attention sur la modification du code de l'urbanisme, qui appelle une grande vigilance sur la fixation des seuils à partir desquels il sera fait appel à une équipe pluridisciplinaire.
À l'heure actuelle, on constitue une équipe pluridisciplinaire à partir de deux hectares. Pour une opération de lotissement de moins d'un hectare, cela ne saurait se faire sans répercussion sur les prix - et partant sur l'activité. Faut-il uniformiser le seuil à un hectare ? Mieux vaut tenir compte des situations locales, au cas par cas, en favorisant une approche contextuelle et qualitative, en tenant compte de l'existence ou non d'un PLU avec orientations d'aménagement et de programmation - en l'absence de ce document, un seuil de un hectare eut été plus opportun. Je crains cependant que les petites communes n'aient à payer davantage.
Faisons confiance aux maires qui sont les mieux à même d'apprécier la situation locale sous tous ses aspects. Même chose pour le seuil d'intervention des architectes : attention à ne pas pénaliser les petites communes - et pourquoi se focaliser seulement sur les architectes, alors que bien d'autres dimensions entrent dans la qualité du cadre de vie ? Nous avions prévu à l'article 26 quater de mieux valoriser les équipes pluridisciplinaires ; les professionnels du cadre de vie auraient pu être consultés bien plus largement, comme l'a fait le rapport Bloche. La recherche d'une plus grande valeur d'usage aurait également été souhaitable. En l'état, je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)
Mme Marie-Pierre Monier . - Nous sommes parvenus à un accord avec les députés sur cette loi importante de la législature, après deux lectures qui avaient elles-mêmes enrichi ce texte. Je salue ce gros travail de compromis.
Sur l'archéologie préventive, la nouvelle rédaction reconnait la maîtrise scientifique de l'État, chère aux sénateurs socialistes, tout comme la place des collectivités territoriales et des opérateurs privés. L'habilitation des services archéologiques couvrira le territoire de la région, le crédit d'impôt recherche est maintenu pour les entreprises privées, en attendant son extension aux opérateurs publics. L'article 20 organise des contrôles utiles, en particulier sur les rémunérations.
Le groupe socialiste a été très actif pour défendre les architectes, tout en reconnaissant le rôle des paysagistes et des géomètres. Nous avons trouvé un juste équilibre à l'article 24. Les outils de protection des espaces patrimoniaux seront plus lisibles, ainsi que les documents d'urbanisme. Là encore, ce texte parvient à l'équilibre : l'État conserve son rôle pour le classement, les commissions locales sont installées au plus près du territoire. Oui, les collectivités territoriales seront associées plus étroitement ; les communes membres d'un EPCI pourront peser pour défendre leur patrimoine. Le rôle de l'ABF est confirmé dans la délimitation des zones tampon et l'élaboration des plans de protection.
Voici donc une grande et belle loi culturelle. Les collectivités territoriales y trouveront des outils de protection et de valorisation de leur patrimoine. Pour les petites villes, les zones oubliées, ce peut être un véritable atout pour le développement local, d'autant qu'elles seront accompagnées par l'État sur les territoires.
Le groupe socialiste, qui a oeuvré pendant de longs mois à la recherche d'un compromis, votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
M. le président. - Le Sénat examinant le texte après l'Assemblée nationale, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Interventions sur l'ensemble
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture . - Nous revenons de loin. Le texte initial que nous a transmis le Gouvernement il y a un an était loin de nous satisfaire. Il a été utilement complété par les travaux parlementaires antérieurs - sur la protection du patrimoine, les enseignants artistiques, l'architecture. Il a été utilement modifié sur l'archéologie préventive, sur le patrimoine ; il a évité des décisions désastreuses, notamment sur les conservatoires. Il a enfin introduit le principe essentiel des droits culturels, cher à Marie-Christine Blandin, mais aussi à nous tous et à vous, madame la ministre : je salue votre écoute et ne suis pas certaine que le sort de ce texte aurait été le même s'il avait continué comme il a commencé.
À cet égard, il faut souligner l'apport essentiel des deux lectures. Est-ce pour autant un grand texte pour la vision de la culture ? Nous en doutons, surtout pour ce quinquennat commencé par deux années de baisse drastique des crédits. Le tir a été corrigé, et nous serons attentifs à la restitution des crédits promis. Nous avons plus que jamais besoin de culture, de politiques publiques culturelles : comment l'État envisage-t-il son rôle ? Comment les politiques publiques sont-elles co-construites ? Comment accompagner la décentralisation ? Nous sommes pour les CTAP culture, creuset des politiques culturelles, qui responsabilisent les collectivités. Nous comptons sur la ministre pour accompagner ces évolutions.
Un an de travaux, pour un beau résultat qui honore le Parlement. (Applaudissements)
M. Claude Kern . - Deux points me chagrinent. L'article 26 quinquies qui a abaissé le périmètre de 170 à 150 mètres carrés à la va-vite et hérisse les maires ; l'article 26 quater et son seuil de recours à un architecte qu'il ne faudra pas trop baisser, au risque d'handicaper les petites communes.
Mme Maryvonne Blondin . - Ce texte résulte d'un véritable travail parlementaire. Ah, si tous les textes étaient travaillés comme celui-ci, le Parlement serait valorisé ! La culture est le ciment d'une société fracturée. Les collectivités territoriales ayant voulu que la culture soit une compétence partagée, il faut aussi reconnaître pleinement leur rôle et que leur budget participe à cette cohésion sociale.
Mme Françoise Gatel . - Je salue la qualité du travail accompli et l'écoute de la ministre sur le volet patrimoine.
Présidente de l'association de petites cités de caractères de France, qui regroupe 125 petites communes souvent rurales, je veux témoigner de l'importance du patrimoine pour le développement territorial : Rochefort-en-Terre, commune de 700 âmes élue village préféré des Français, il y a aujourd'hui des commerces, des activités.
Comme mes collègues avant moi, je confirme que les maires s'inquiètent du seuil au-delà duquel l'intervention de l'architecte sera obligatoire. Attention à ne pas verser dans l'excès.
M. Pascal Allizard . - Si je salue ce travail de consensus, je m'abstiendrai, car je regrette que ce texte mêle des mesures sur l'architecture et sur le droit du sol, contre l'intérêt des petites communes.
Mme Annick Billon . - Je m'abstiendrai également.
M. David Assouline . - Cette loi est très importante, car elle incarne une vision. L'affirmation de la liberté de création et de diffusion sera un point d'appui essentiel dans les années à venir. Vous allez voir, aussi, que notre valorisation d'un service public de la création, des politiques publiques de la culture sera essentielle contre la marchandisation de la culture. Nous avons cherché le compromis sur les architectes, pour réhabiliter le beau, dans les entrées de ville ou les lotissements de plus de 150 mètres carré. Les budgets augmentent, preuve que la dynamique est au rendez-vous.
Enfin, ce texte s'accompagne d'avancées importantes dans les négociations professionnelles, entre producteurs et diffuseurs audiovisuels ou sur les intermittents du spectacle par exemple.
L'État s'engage. Ce texte offensif sera un socle pour tous ceux qui veulent défendre la culture dans un environnement hostile.
M. Pierre Laurent . - J'ai déjà dit que nous nous abstiendrions. Rendez-vous lors de la discussion budgétaire, nous verrons ce qu'il en sera des moyens !
M. le président. - Le Sénat se prononçant après l'Assemblée nationale, il se prononcera par un seul vote.
Les conclusions de la CMP sont adoptées et le projet de loi est ainsi définitivement adopté.
CMP (Nominations)
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre des demandes de réunion de commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales, de la proposition de loi organique rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des ressortissants d'un État membre de l'Union européenne autre que la France pour les élections municipales et de la proposition de loi organique rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.
Prochaine séance jeudi 30 juin 2016 à 9 h 30.
La séance est levée à 17 h 15.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du jeudi 30 juin 2016
Séance publique
De 9 h 30 à 10 h 30
Présidence : Mme Françoise Cartron, vice-présidente
Secrétaires : Mmes Colette Mélot et Catherine Tasca
1. Huit questions orales
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
Présidence : Mme Françoise Cartron, vice-présidente M. Jean-Pierre Caffet, vice-président Mme Isabelle Debré, vice-présidente
Ordre du jour réservé au groupe UDI-UC
2. Proposition de loi relative à l'élection des conseillers municipaux dans les communes associées de la Polynésie française et à la modernisation du code général des collectivités territoriales applicable aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics (n° 583, 2015-2016)
Rapport de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois (n° 701, 2015-2016)
Texte de la commission (n° 702 rectifié, 2015-2016)
De 16 heures à 20 heures
Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente
Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain
3. Proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture (n° 585, 2015-2016)
Rapport de M. Jean-Jacques Lasserre, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 708, 2015-2016)
Texte de la commission (n° 709, 2015-2016)
4. Proposition de loi tendant à modifier le mode de scrutin pour l'élection du Conseil général de Mayotte (n° 489, 2015-2016)
Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois (n° 703, 2015-2016)
Texte de la commission (n° 704, 2015-2016)
5. Clôture de la session ordinaire 2015-2016