Nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actif-ve-s (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Discussion générale

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. François Fortassin applaudit aussi) Je m'associe aux mots justes du président Larcher sur la lâche tuerie d'Orlando. Je pense aux victimes, à leurs familles. Nous sommes solidaires des États-Unis face à cette terrible épreuve. Le terrorisme touche tout le monde, seule une coopération internationale étroite pourra enrayer ces drames.

Je me réjouis d'ouvrir le débat devant la Chambre haute sur le projet de loi instaurant de nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actif-ve-s. Je salue, malgré nos divergences, le travail des rapporteurs. Je me présente avec une volonté pédagogique, un souci du dialogue intacts. J'attends beaucoup de la sagesse de cette Haute assemblée pour un débat sans faux-semblant.

La version de la commission des affaires sociales du Sénat nous offre l'opportunité de présenter deux conceptions du dialogue social et du travail. À ceux qui nient l'existence d'un clivage gauche-droite, la majorité sénatoriale apporte un beau démenti.

Nous divergeons d'abord sur le diagnostic. Dans la France de 2016, moins hiérarchisée, plus souple, plus ouverte que jamais, entreprises et individus demandent plus d'autonomie et de liberté. Nous voulons encourager la mobilité sociale, l'esprit d'innovation et la croissance, sans renoncer à cette valeur cardinale qu'est la solidarité. L'objectif est de renforcer le dynamisme de notre économie tout en combattant la précarité où vivent ceux qui n'arrivent pas à accéder à un emploi stable. Aujourd'hui, 90 % des recrutements en France se font en CDD, dont la moitié pour moins d'une semaine. Les moins qualifiés, les jeunes, les femmes alternent trop souvent des périodes d'intérim, de CDD et de chômage.

C'est pour ceux-là que nous défendons ce projet de loi. La majorité sénatoriale a choisi de les ignorer, en fractionnant le temps partiel, en supprimant l'extension de la garantie Jeunes, le compte d'engagement citoyen et les droits des collaborateurs des plateformes numériques - même si je reconnais ses apports sur l'apprentissage. Une logique de surenchère a prévalu.

Nous divergeons aussi sur les objectifs. Nous voulons un monde du travail plus dynamique, plus inclusif et plus protecteur. Le projet de loi adopté à l'Assemblée nationale,...

Mme Catherine Procaccia.  - Adopté ?

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - ...équilibré, crée les conditions d'une liberté protectrice pour tous - car la liberté sans protection est un leurre, une trahison de la promesse républicaine.

Notre économie a besoin de souplesse. Nous n'avons à ce sujet aucun tabou : nous sommes aux côtés des entreprises qui créent de l'emploi. C'est pourquoi nous permettons aux TPE de constituer une provision pour risques liés aux contentieux prud'homaux, créons un droit à la formation au droit du travail dans les entreprises de moins de trois cents salariés, qui n'ont pas les moyens d'embaucher des armées de juristes. En cas de contentieux, un dirigeant d'entreprise pourra présenter au juge la réponse obtenue de l'administration sur un point de droit du travail. Nous renforçons la visibilité sur les licenciements.

Oui, notre économie doit être dynamisée, mais dans le cadre d'accords négociés et protecteurs, avec des garanties pour les salariés. C'est le sens de la généralisation de l'accord majoritaire. C'est aussi le sens du compte personnel d'activité (CPA) : alors que la vie professionnelle est souvent faite de ruptures, nous donnons à chacun les armes pour rebondir et réaliser ses ambitions professionnelles. Pour la première fois, cette utopie se concrétise : voilà un projet social-démocrate moderne, que je sais cher à Didier Guillaume, à Nicole Bricq et aux autres membres de leur groupe, que je remercie pour leur soutien exigeant.

Au lieu de cela, la majorité sénatoriale ressort de vieilles recettes - jamais éprouvées quand vous étiez aux responsabilités, cependant. La fin des 35 heures ? C'est la fin de la majoration des heures supplémentaires à partir de la 36e heure, avec à la clé une perte de revenus. Quel message adressez-vous aux Français ? Qu'ils ne travaillent pas assez ? C'est faux : le temps de travail moyen d'un travailleur français est semblable à celui d'un travailleur allemand, et sa productivité est supérieure.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Tout va bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Vous vous attaquez à l'idée selon laquelle le temps social ne se résume pas au temps du travail, ignorant la vie personnelle, les loisirs, la famille, l'engagement associatif. (M. Philippe Dallier s'exclame) Au contraire, nous préservons les 35 heures et créons un droit à la déconnexion, pour protéger la vie personnelle à l'heure du tout numérique.

Nous maintenons aussi le minimum de 24 heures de travail hebdomadaire, pour ne pas ouvrir la voie au développement de mini-jobs précaires. Ce seuil, vous le supprimez, de même que le compte d'engagement citoyen (CEC) destiné à valoriser l'activité associative ou celle des maîtres d'apprentissage. Supprimés aussi, les droits à congés d'un salarié en raison d'un mariage, d'une naissance ou d'un décès. Quant au compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), qui permet à ceux qui ont eu les carrières les plus difficiles de partir plus tôt à la retraite, vous le videz de sa substance.

Votre conception du dialogue social est bien particulière : si votre texte est validé, un chef d'entreprise pourra valider un accord en organisant un référendum se sa propre initiative, sans consulter les syndicats. Quel message adressez-vous cette fois ? Le meilleur dialogue social consiste-t-il à se passer des partenaires sociaux ? Vous ignorez les concertations que nous avons menées avec eux depuis janvier.

M. Philippe Dallier.  - Avec un brillant résultat !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Grâce à elles, nous sommes parvenus à un équilibre. S'il faut de la souplesse dans l'organisation du temps de travail, les accords d'entreprises à ce sujet devront être soutenus par des syndicats représentant au moins la moitié des salariés. Il y a une voie pour développer le dialogue social sans piétiner les partenaires sociaux ! (Mme Éliane Assassi s'exclame)

De votre côté, vous supprimez l'augmentation de 20 % des moyens syndicaux, privez de représentation les salariés des entreprises de plus de onze salariés en relevant les seuils sociaux. Vous videz aussi ce projet de loi de dispositions contre précarité, comme la généralisation de la garantie Jeunes...

M. Philippe Dallier.  - Non financée !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - ... qui a déjà bénéficié à 50 000 d'entre eux. Pour vous, la solidarité s'apparente à de l'assistanat. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous croyons au contraire que l'avenir de ce pays passe par de nouvelles formes de solidarité.

C'est pourquoi nous créons le compte personnel d'activité (CPA), afin que chacun puisse être acteur de son parcours professionnel et bénéficie de sécurités renforcées.

M. Philippe Dallier.  - Vous avez surtout créé 600 000 chômeurs !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avec Clotilde Valter, nous créons un droit universel à la formation : droit au retour gratuit à une formation initiale pour les jeunes décrocheurs, droit à 48 heures annuelles de formation pour les salariés sans qualification.

Je défends un édifice construit collectivement. Dès le début, le Gouvernement a cherché à construire une majorité sur ce texte.

Mme Éliane Assassi.  - Raté !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Nous avons consulté les organisations syndicales, patronales, de jeunesse. Nous avons repris le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, modifié par quelque 300 amendements, et, lorsque la responsabilité du Gouvernement a été engagée, nous y avons intégré 450 nouveaux amendements des députés. Si le Gouvernement a engagé sa responsabilité sur ce texte qu'il estime décisif, il n'en a pas moins démontré être à l'écoute du Parlement.

Au coeur de nos débats, il y a la question de savoir quel rôle réserver à la négociation d'entreprise. Le champ syndical est partagé sur ce sujet, et je salue ceux des syndicats qui soutiennent avec force ce projet de loi. Ce débat est récurrent depuis 1982 : à Jean Auroux qui déclarait : « Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l'être dans l'entreprise », André Bergeron répliquait : « Tout cela, c'est de la poésie... » Dès 1984 pourtant, plus de 40 000 accords d'entreprises avaient été signés. En 1985, Henri Krasucki, alors secrétaire général de la CGT, dénonçait les lois Delebarre qui permettaient de moduler le temps de travail par accord de branche. En 1998, Marc Blondel, à la tête de FO, voyait dans les lois Aubry une « illusion ». Après l'accord interprofessionnel de 2013, la CGT dénonçait une régression des droits sociaux.

Mme Éliane Assassi.  - Elle avait raison !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Sur le terrain, les dérogations au principe de faveur au niveau de l'entreprise ont-elles conduit au moins disant social ? Non. Dans la quinzaine de branches où il est possible de définir par accord d'entreprise le taux de majoration des heures supplémentaires, il est très rare que l'on soit passé sous la barre des 25 %. Quelque 35 000 accords d'entreprise sont signés chaque année, dans 85 % des cas avec le soutien de la CGT et de FO.

Un exemple : le 24 novembre 2014, un accord sur le temps de travail a été signé dans l'entreprise Claas Tractor.

Mme Éliane Assassi.  - Parlez-nous de Smart !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Il permet de faire varier d'une heure, à la hausse ou à la baisse, le temps de travail quotidien, avec pour contrepartie une prime de 1 800 euros minimum. Peut-on parler de régression ? Je n'oublie pas les accords PSA, Renault ou STX. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Pourquoi la négociation d'entreprise fonctionne-t-elle ? Parce que, lorsqu'on s'éloigne de l'arène politique, même si le rapport de force existe, on s'efforce de trouver une solution réaliste et acceptable pour tous. La loi continuera à fixer les règles d'ordre public, et les règles supplétives qu'elle énonce s'appliqueront à défaut d'accord majoritaire - autrement dit le droit actuel. Où est le scandale ? Pour la première fois, le code du travail définira les missions des branches ; des commissions permanentes de branche sont créées, qui pourront conclure des accords sur la méthode de négociation dans les entreprises, et définir des accords-types applicables dans les TPE-PME. Si nous voulons réduire le nombre de branches de 700 à 200 en trois ans, c'est pour donner plus de cohérence et de dynamisme à la négociation collective.

Oui, il y a débat, y compris dans ma propre famille politique. Mais ce projet de loi franchit une étape décisive dans la rénovation du dialogue social entamée depuis le début du quinquennat. Je souhaite qu'il soit enrichi par l'avis du Conseil économique et social et environnemental (Cese).

Mme Nicole Bricq.  - Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Le dialogue social décentralisé renforce notre économie et la protection des salariés. Donner de la souplesse est indispensable, alors que les contournements du droit du travail se multiplient. Selon les sondages, 90 % des Français veulent un dialogue social de qualité au niveau de l'entreprise. Le Sénat ne les démentira pas, qui a tant fait pour rapprocher des Français les centres de décision, avec la décentralisation.

Nous avons l'opportunité de donner plus de place aux salariés dans l'entreprise ; ce renforcement démocratique, fondé sur la confiance et le respect, sera moteur de progrès économique et social partagé. Cette réforme nécessaire, juste et équilibrée, il est encore temps que nous la fassions ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. François Fortassin applaudit aussi)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC) Nous voilà enfin au véritable débat sur ce projet de loi, dont nous avons été privés jusqu'ici puisque le Gouvernement n'a pas soumis aux partenaires sociaux de document d'orientation, comme l'aurait exigé l'article L. 1 du code du travail, et qu'il a recouru au 49-3 à l'Assemblée nationale avant même le vote de l'article 1er. Le dialogue social, c'est bien d'en parler, c'est mieux de le mettre en pratique ! (Applaudissements au centre et à droite)

Pour en finir avec cette fatalité française d'un chômage très élevé, la commission des affaires sociales a voulu faire entrer le code du travail dans le XXIe siècle, retrouver l'ambition de l'avant-projet de loi tout en lui imprimant sa marque. Nous l'avons fait avec cinq objectifs : simplifier et sécuriser juridiquement les règles applicables aux entreprises, renforcer leur compétitivité, tenir compte de la spécificité des TPE/PME, relancer l'apprentissage, réaffirmer la place de la médecine du travail.

Premier objectif : la simplification. Nous avons précisé les missions de la commission de refondation du code du travail, en prévoyant que pour chaque disposition proposée, une autre devra être supprimée.

Nous souscrivons à la philosophie de l'article 2, qui donne priorité à l'accord d'entreprise, dans la droite ligne des réformes adoptées à partir de 2004 par la majorité précédente : vous marchez sur nos brisées, madame la ministre, dommage que votre conversion soit si tardive ! Espérons que vous nous suivrez encore, lorsque nous proposons de fixer la durée du travail par accord collectif. (Mme la ministre fait signe que non) Certains choisiront 37 heures, d'autres 35 heures, etc... C'est la fin du jardin à la française !

Mme Nicole Bricq.  - Mais nous ne voulons pas d'un jardin à l'anglaise...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Vous avez la réforme honteuse, nous avons la réforme revendiquée. Vous essayez aujourd'hui, comme lors d'un récent meeting, de vous refaire une santé sur le dos de la majorité sénatoriale. C'est oublier que nous travaillons ici de manière approfondie.

La commission a rétabli la possibilité de signer des conventions individuelles de forfait dans les PME en l'absence d'accord collectif, dans le respect de la santé et de la sécurité des salariés, et elle y a autorisé un aménagement du temps de travail à l'initiative de l'employeur sur une période de seize semaines. Autant de mesures auxquelles vous vous rallierez, j'imagine, puisque vous les aviez endossées en les soumettant au Conseil d'État. Quitte à y aller à la hussarde, allez-y franchement !

Sur proposition de Mme Lamure et de notre délégation aux entreprises, nous avons doublé les seuils sociaux qui freinent la création d'emplois : nous avons tous des exemples en tête.

Nous permettons aux dirigeants de PME de conclure un accord collectif directement avec les représentants élus du personnel. L'élection vaut mieux qu'une nomination de l'extérieur ! À défaut de représentants, l'employeur pourra soumettre le projet d'accord aux salariés, qui devront l'approuver à la majorité des deux tiers : le consentement devra donc être large.

S'agissant de la validité des accords, si nous approuvons l'objectif d'adopter à moyen terme la règle de l'engagement majoritaire, ce pourrait être un facteur de blocage, vu l'état du dialogue social, s'il s'appliquait dès 2017 aux accords portant sur la durée du travail, les repos et congés. Nous maintenons donc les règles actuelles, avec une clause de revoyure en 2018.

Les accords de maintien de l'emploi (AME) comportaient tant de verrous qu'une douzaine seulement ont été signés. À l'article 11, le Gouvernement a tenu compte des propositions faites par le Sénat lors de la loi Macron, on ne peut que s'en féliciter. Nous avons parachevé la réforme en précisant les règles applicables aux salariés qui refusent l'accord et en imposant une clause de retour à meilleure fortune, afin que les salariés soient associés aux résultats si la situation de l'entreprise s'améliore. Faisons confiance aux partenaires sociaux ! (Mouvements à gauche)

Nous sommes attachés à la notion de participation, chère au général de Gaulle.

Mme Isabelle Debré.  - Très bien !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Après le pèlerinage à Colombey, j'aimerais que le président de la République passe aux actes ! Nous avons exonéré de forfait social pendant trois ans les entreprises employant moins de 50 salariés qui mettent en place pour la première fois un dispositif de participation ou d'intéressement, et l'avons ramené pour toutes les autres de 20 % à 16 %.

Le texte de la commission est donc bien loin de la caricature que vous en faites, madame la ministre. À vous entendre, on se demande pourquoi les manifestants ne remballent pas leurs banderoles ! (Sourires à droite et sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Éliane Assassi.  - Pas question !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - J'ai hâte de voir ce qu'il en sera demain... Ce texte, c'est notre acte de foi dans un dialogue social rénové, qui mette fin aux maux qui rongent notre société. Nous vous tendons la main pour agir vite et fort, la saisirez-vous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC) Avec MM. Lemoyne et Forissier, nous avons eu une approche essentiellement pragmatique. Il ne suffit pas d'imaginer de belles constructions juridiques si elles se révèlent inapplicables sur le terrain, comme les accords de maintien de l'emploi. Permettons aux entreprises de s'adapter à la concurrence mondialisée, grâce à un environnement réglementaire plus simple et plus souple. Sur l'essentiel, la majorité sénatoriale s'est montrée unanime.

La commission a supprimé plusieurs dispositions dont l'intérêt lui paraissait douteux. Ainsi de l'article 27 bis sur la responsabilité sociale des plateformes de mise en relation par voie électronique : alors que des contentieux sont engagés par l'Urssaf, cet article était prématuré.

Nous avons aussi supprimé l'article 29 bis, introduit par l'Assemblée nationale, instaurant une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise, sans négociation préalable et en contradiction avec le principe même de la franchise.

L'effort du Gouvernement pour objectiver les conditions du licenciement économique a débouché sur un dispositif peu sécurisant. Nous l'avons soumis, à l'article 30, à l'évolution concomitante de plusieurs indicateurs économiques et financiers définis par décret en Conseil d'État. Nous avons en revanche inscrit dans la loi les cas évidents : baisse du chiffre d'affaires ou de l'encours de commandes d'au moins 30 % sur un semestre, perte d'un marché représentant au moins 30 % de l'activité. Si l'entreprise appartient à un groupe, le contrôle s'exercera sur le niveau des entreprises du groupe exerçant dans le même secteur sur le territoire national. Nous avons encadré le délai dans lequel le juge devra se prononcer en cas de contestation du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), et prévu qu'il pourra, comme les parties, solliciter une expertise extérieure. On devrait ainsi réduire le nombre des contentieux.

La commission a introduit le plafonnement des indemnités aux prud'hommes, en excluant les cas de harcèlement ou de discrimination. Sur proposition de Catherine Deroche, elle a supprimé le dispositif d'information préalable des salariés en cas de cession, qui méconnaît la vie des entreprises et peut mettre en échec des transactions.

À l'article 44, le Gouvernement tenait pour acquis la pénurie de médecins du travail. Nous avons au contraire réaffirmé le caractère universel de la médecine du travail : visite d'aptitude au moment de l'embauche, visite d'information ou de prévention ensuite si la nature du poste le justifie. Sur l'inaptitude, nous avons considéré que la plupart des dispositions du texte initial allaient dans le bon sens. La commission a enfin jugé nécessaire de préserver la gouvernance actuelle des services inter-entreprises de santé au travail.

Enfin, nous avons approuvé pour l'essentiel les mesures prévues pour lutter contre la fraude au détachement, même si les lois de 2014 et 2015 ont presque épuisé la marge de manoeuvre laissée aux États par l'Union européenne. La commission a ainsi permis aux acheteurs publics de résilier des contrats en cas de condamnation pour fraude. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Comme l'ont rappelé mes collègues rapporteurs, la commission des affaires sociales s'est attachée à corriger les insuffisances du modèle social français, qui freinent la compétitivité des entreprises, et privent certains de nos concitoyens des outils pour faire face aux ruptures professionnelles ou initier des évolutions de carrière.

Ce texte est présenté par le Gouvernement comme une nouvelle étape dans la sécurisation des parcours professionnels, avec le compte personnel d'activité. Personne n'est contre la sécurité sociale professionnelle, l'instauration de droits transférables quel que soit le statut des salariés.

M. François Marc.  - Encore heureux !

M. Michel Forissier, rapporteur.  - Elle pourrait rendre le marché du travail plus fluide, permette à chacun d'anticiper ses évolutions. Mais les initiatives récentes nous ont échaudés. Le contrat personnel de formation (CPF) monte en charge plus lentement que prévu, la liste des formations éligibles est critiquée. Le C3P et inapplicable, en dépit des ajustements successifs. Le CEC, assemblage hétéroclite, est apparu à l'improviste durant l'ultime étape d'élaboration du projet de loi. Afin de ne pas reproduire les erreurs du passé, la commission a recentré le CPA sur le CPF et le C3P et en a limité le bénéfice à la durée de la vie professionnelle. La valorisation des engagements bénévoles et citoyens mérite au texte dédié. Nous avons aussi simplifié ce monstre de complexité qu'est le C3P.

C'est dès la formation initiale que sont posés les jalons pour éviter l'emploi précaire. C'est pourquoi la commission a voulu inscrire la relance de l'apprentissage au coeur du projet de loi. En février dernier, la délégation aux entreprises, présidée par Élisabeth Lamure, a déposé une proposition de loi sur l'apprentissage, qu'il faut appréhender comme une voie de formation initiale à part entière et une voie de réussite. Ainsi, nous avons pris modèle sur l'Allemagne pour prévoir un pilotage national de la politique pour l'apprentissage, qui laisse toute sa place aux acteurs et notamment aux régions. Nous avons voulu rapprocher l'éducation nationale de l'entreprise : nul ne nie la méconnaissance réciproque entre les deux acteurs, malgré des progrès récents.

Troisième objectif, moderniser le cadre juridique de l'apprentissage pour limiter les ruptures prématurées, avec leur médiation obligatoire et l'obligation pour les employeurs de former les maîtres d'apprentissage.

Nous avons corrigé les absurdités relatives aux apprentis mineurs, qui pourront désormais travailler de nuit - pensez aux apprentis boulangers - sous la supervision directe et constante du maître d'apprentissage. La durée maximale de travail pourra être dépassée de deux heures par jour et cinq heures par semaine, sous conditions, pour s'adapter au rythme des chantiers. Cette mesure de bon sens figurait dans le texte initial.

Afin de faciliter l'accès à l'apprentissage des élèves présentant une maturité suffisante, notamment dans le cadre du dispositif d'initiation au métier en alternance (Dima), la commission a autorisé l'entrée en apprentissage des titulaires du brevet s'ils atteignent 15 ans au cours de l'année civile. Elle a établi un cadre juridique sécurisé pour la mobilité internationale des apprentis, et consacré dans la loi l'existence des écoles de production formant de jeunes décrocheurs.

Quant à la garantie Jeunes, nous ne l'avons pas supprimée, mais seulement sa généralisation.

Mme Nicole Bricq.  - Cela revient au même !

M. Michel Forissier, rapporteur.  - C'est donc un cadre législatif adapté au XXIe siècle, porteur d'avancées sociales, que vous propose la commission. (Applaudissements au centre et à droite)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°103, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (n° 662, 2015-2016).

Mme Éliane Assassi .  - Rarement débat n'aura commencé dans un tel climat de contestation : un mouvement intense, de trois mois, qui traduit le rejet profond de ce texte. MM. Hollande et Valls, incrédules, en contestent la légitimité - faute de comprendre l'attachement du peuple à notre modèle social. Le code du travail est le fruit des luttes, décennie après décennie, contre la domination patronale, loin de l'arbitraire du droit anglo-saxon ; c'est la loi qui garantit les droits des salariés.

Cette République sociale, attaquée depuis le début de la crise sous la pression de Bruxelles et des marchés, est inscrite dans le Préambule de 1946, oeuvre du programme des jours heureux du Conseil national de la Résistance.

Droit à la retraite, à la sécurité sociale, droit de grève, droit au repos, j'y reviendrai : la gauche a toujours eu pour aspiration de mettre tous ces droits en action. (Mme Nicole Bricq s'exclame)

Le passage en force du Gouvernement est flagrant. Absence de concertation, au mépris de l'article L. 1 du code du travail, recours honteux au 49-3 : vous brutalisez les salariés comme le Parlement. La seule majorité qui vous soutient, c'est celle du Sénat ! Pouvez-vous en être fiers ? (Sourires à droite)

M. Roger Karoutchi.  - Et pourquoi pas ? (Même mouvement)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Vous et nous, sommes cohérents !

Mme Éliane Assassi.  - Bien sûr, les primaires à droite approchent, d'où la surenchère libérale...(Exclamations) Mais souvent, la majorité sénatoriale se contente de revenir à votre texte initial, par exemple le plafonnement des indemnités de licenciement.

Le texte du Gouvernement ne sera donc jamais débattu, ni à l'Assemblée nationale, ni au Sénat. L'attitude de la droite vous sert !

La colonne vertébrale du texte, c'est l'inversion des normes. Cela doit pourtant être une exception, qui rompt l'équilibre de la Constitution et de la jurisprudence constitutionnelle.

En 2006, M. Alain Vidalies, aujourd'hui ministre du Gouvernement Valls, s'insurgeait contre les lois de Xavier Bertrand, dénonçait dans sa saisine du Conseil constitutionnel une déréglementation libérale, « les vieilles lunes libérales de la droite », à commencer par la priorité donnée à l'accord d'entreprise !

« Le dumping social sera au rendez-vous », disait-il à l'époque ! Quel renoncement de la part d'un ministre qui vitupère quotidiennement contre les grévistes...

Mme Nicole Bricq.  - Heureusement qu'il était là pour la SNCF !

Mme Éliane Assassi.  - Notre peuple n'en peut plus de ces gens qui se font élire un beau jour et oublient dès le lendemain leurs promesses et discours. (Exclamations à droite) M. Hollande n'a pas été élu pour renverser les normes et donner les clés du droit de travail au Medef. (Protestations sur certains bancs socialistes)

Tout renvoi non encadré à un accord d'entreprise doit être censuré, telle est la règle. Pourtant, votre texte laisse l'accord d'entreprise fixer le droit au repos, les jours chômés par exemple. Une telle mesure bafoue la Constitution ! Vous foulez aux pieds l'histoire de 1936, du CNR, des grandes réformes sociales, en entonnant la vieille rengaine patronale de la compétitivité. Le peuple refuse ce texte, il le redira demain dans la rue. Vous devez le retirer. Le Sénat s'honorerait en votant cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen nous invitent à nous interroger sur la recevabilité du projet de loi.

Après avoir consulté M. Jean-Denis Combrexelle, le Conseil d'État et d'autres organismes, le Gouvernement aurait-il oublié de respecter les règles procédurales ? Certes, il n'est pas à une maladresse près...

Mais adopter cette motion priverait le Sénat d'un débat et ses auteurs d'une tribune ! Après le 49-3 à l'Assemblée nationale, faisons vivre la démocratie, le bicamérisme et la tradition d'écoute, de débat éclairé qui est celle de notre Haute Assemblée.

Mme Éliane Assassi.  - Quand cela vous arrange !

M. Vincent Capo-Canellas.  - Ce projet de loi serait contraire au préambule de la Constitution de 1946 et aux règles du dialogue social, dit le groupe CRC. Or il ne contrevient pas aux principes du préambule qui prévoit que chacun « a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Il convient de donner aux salariés et aux employeurs les outils pour au contraire créer plus d'emplois, à l'heure où le chômage atteint cinq millions de personnes, ce que n'empêchent pas, pour user d'un euphémisme, nos droits si « protecteurs ». Or protéger le travail, ce n'est pas protéger les insiders qui bénéficient de ces droits contre les outsiders qui n'arrivent pas à entrer sur le marché du travail... Mais là on m'accuserait d'agiter le chiffre rouge devant les auteurs de la motion. Pourquoi ce projet de loi serait-il contraire aux droits des salariés tels qu'ils sont énoncés dans le préambule de 1946 ? L'inversion de la hiérarchie des normes n'est qu'une possibilité offerte à ceux qui veulent s'en saisir, un outil de la négociation. Le droit de grève s'exerce, on le voit bien assez aujourd'hui... Rien dans ce texte en tout cas qui y contrevienne.

Nos grands voisins nous ont devancés pour faire progresser l'emploi. Il faut faire évoluer notre droit du travail pour créer des emplois.

L'article L. 1 du code du travail a-t-il été respecté ? « Oui, dans les circonstances propres aux conditions d'élaboration du projet », dit le Conseil d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - C'est jésuite !

M. Vincent Capo-Canellas.  - Certes, ce projet de loi découle d'un rapport, mais la démonstration est un peu courte... En droit, il n'y a rien à dire. Politiquement, le Gouvernement a raté sa pédagogie et la nécessaire concertation. La loi Larcher ne figure pas encore parmi les principes généraux des droits - dommage ! La majorité sénatoriale, elle, n'aurait pas osé s'en affranchir de la sorte ! Vous n'avez pas hésité à briser un tabou et nous verrons le moment venu ce qu'en pensera le Conseil constitutionnel.

Nous serions moins progressistes ? Nous voulons au contraire faire vivre la démocratie sociale, nous faisons le choix de l'emploi, de la négociation. Depuis la loi Macron, la conversion du Gouvernement au réalisme est lente, douloureuse - et souvent inefficace...

La France est réformable au-delà de ce texte. Cessons de refuser le débat, tournons le dos à la politique de l'autruche - même si le calendrier retenu, avec l'État, est contestable...

La semaine dernière, le Gouvernement tenait un meeting pour dénoncer l'opposition au texte. Vous tentez de faire diversion, mais ne vous en déplaise, le monde a changé. Qui peut croire que la caricature du débat gauche-droite que vous avez présentée est la réponse qu'attendent les Français ? (On applaudit à droite)

Ouvrons donc le débat sur le fond, ici au Sénat, repoussons cette motion d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - La motion évoque le Préambule de 1946. Voici son cinquième alinéa : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. » Nous voulons que ce soit un droit réel, non formel. Il y a urgence à débattre, pour lever les freins à l'emploi. Nous sommes bien fidèles à la Constitution de 1946.

Sur les règles législatives relatives au dialogue social, vous n'avez pas tort : les partenaires sociaux regrettent de n'avoir pas été davantage invités à participer à une véritable concertation... Cela ne doit toutefois pas nous empêcher de débattre du texte. Avis défavorable, donc.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis défavorable, évidemment. Sur l'article L. 1, je rappelle que j'ai adressé le rapport Combrexelle aux partenaires sociaux, leur proposant de négocier. Ils ont refusé, notamment la CGT. J'ai donc proposé des rencontres bilatérales, certains ont refusé, là encore. Il y a eu application intégrale de l'article L. 1. Seul l'article sur les licenciements économiques n'avait pas été soumis aux organisations syndicales : nous avons donc pris quinze jours supplémentaires pour y revenir ensemble. Ce projet de loi est le fruit d'un compromis avec les organisations syndicales qui le soutiennent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Nicole Bricq.  - Nous n'acceptons pas le procès en trahison de la gauche que nous fait le groupe CRC ! Nous n'en serons pas les victimes consentantes. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas un procès d'intention, ce sont les faits !

M. Alain Joyandet.  - Procès légitime, au demeurant...

Mme Nicole Bricq.  - Voyez : vous trouvez des alliés à droite !

Mme Éliane Assassi.  - Vous avez les vôtres !

Mme Nicole Bricq.  - Nous sommes des parlementaires, ce serait un déni de nos responsabilités...

M. Roger Karoutchi.  - Le 49-3 ? (Sourires sur quelques bancs à droite)

Mme Nicole Bricq.  - ...de ne pas débattre d'un texte entré dans le débat public. Tout le monde en parlerait, sauf le Sénat ?

Mme Éliane Assassi.  - À l'Assemblée nationale, cela ne vous a pas gêné !

Mme Nicole Bricq.  - Débattre, c'est l'honneur du Parlement.

M. Roger Karoutchi.  - Pas de 49-3 à la seconde lecture, chiche !

Mme Nicole Bricq.  - Chaque fois que nous avons été aux responsabilités, nous nous sommes attachés à renforcer les protections des travailleurs devant les mutations du monde contemporain. Nous voulons aller au bout de ce texte et voterons donc contre cette motion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Dominique Watrin.  - L'absence de dialogue social est criante, n'en déplaise à Mme la ministre. Le principe de faveur est reconnu par le Conseil constitutionnel comme un principe général du droit : force est de constater que la compétence du législateur est mise à mal par votre projet de loi.

La gestion des affaires justifie pour le Gouvernement l'abandon de principes historiques : l'inversion de la hiérarchie des normes ? Christophe Sirugue, actuel rapporteur à l'Assemblée nationale, dénonçait, dans la loi Bertrand en 2008, une réforme funeste pour le droit du travail, qui favoriserait le dumping social. Il citait Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit».

Le Gouvernement vient sur vos lignes, puisque M. Lemoyne, affirme : « L'article 2, c'est notre ADN ». Le groupe CRC refuse cette sainte alliance autour de la défense du libéralisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; exclamations à droite)

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, la motion n°103 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°243 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 33 4
Pour l'adoption 24
Contre 310

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°102, présentée par M. P. Laurent et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (n° 662, 2015-2016).

M. Pierre Laurent .  - Cette question préalable est une chance pour le Sénat, qui a le pouvoir de dénouer la crise dans laquelle le Gouvernement a plongé le pays. C'est le geste qu'attend le pays, qui ne veut pas de cette loi !

Depuis quatre mois, sans avoir tiré les leçons de l'impasse de la révision constitutionnelle avortée, vous vous acharnez à vouloir imposer un texte sans convaincre, sans négocier, sans discuter. C'est un fiasco. Nous vous proposons de reprendre les choses à zéro, de cesser de jeter de l'huile sur le feu, de renoncer à un nouveau passage en force à l'Assemblée nationale...

Voter notre question préalable, c'est choisir la voie de la raison, du dialogue. Depuis quatre mois, votre acharnement est un fiasco, sur le fond comme sur la forme. Malgré la mobilisation évidente des chaînes de radiotélévisions, des cohortes de soi-disant experts en libéralisme, vous n'avez convaincu ni la jeunesse, ni les salariés, ni les artisans et PME qui craignent le dumping social. Le refus de la loi est resté très majoritaire.

Demain, les manifestations monstres (exclamations à droite) réduiront à néant la thèse d'une contestation minoritaire. Quel spectacle de désolation... Les syndicats majoritaires s'opposent à ce projet de loi, mais vous avez préféré les salir, les caricaturer... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Vous avez préféré le 49-3 à l'amendement du texte par les députés de gauche, vous avez ouvert la voie aux propos inacceptables du président du Medef ou de Franz-Olivier Giesbert, le célèbre éditorialiste du Point, assimilant dans un premier temps, rien de moins, la CGT à Daech, et qui ne se prive pas de récidiver, je tiens à citer ses propos : il « persiste et signe, n'en déplaise aux sites tenus par la police de la bienséance -Médiapart, L'Express, Le Huffington Post... - ou autres twittos, avatars des chiens de Pavlov dont les clabaudages rappellent ceux de la « populace » robespierriste » ! Ils osent écrire cela ! Cette prose devrait valoir à son auteur d'être traduit devant les tribunaux, et non pas la jeune Manon, étudiante d'Amiens, jugée pour avoir Iancé un micro sur un CRS dans une manifestation contre la loi travail, le 28 avril dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Pendant ce temps, la droite se régale !

M. Roger Karoutchi.  - Bof...

M. Pierre Laurent.  - La motion majoritairement adoptée au Congrès du PS de juin 2015...

Mme Nicole Bricq.  - Moi, je ne l'ai pas votée !

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Philippe Dallier.  - On saura tout...

M. Pierre Laurent.  - ...votée par M. Valls, appelle à rétablir la hiérarchie des normes !

Mme Éliane Assassi.  - Et voilà !

M. Roger Karoutchi.  - C'était il y a un an, c'est loin.

M. Pierre Laurent.  - Votre projet de loi fait l'inverse de ce que vous promettiez ! Pas de procès, mais des faits.

Mme Nicole Bricq.  - Vieilles méthodes...

M. Pierre Laurent.  - Vous avez choisi l'immobilisme dans le libéralisme, vous avez renoncé au progrès, à la gauche. Vous cédez aux exigences du Medef, qui veut être débarrassé du code du travail. Votre projet de loi est si proche de ce que souhaite la droite, qu'il lui a suffi de rétablir votre texte en commission !

La droite va vous piéger, en vous poussant sciemment au 49-3. L'attentat contre le code du travail sera perpétré sans que ses empreintes ne soient sur l'arme du crime. Même le FN s'est engouffré dans la brèche...

Ce projet de loi insécurise le pays. Ce ne sont pas les grèves qu'il faut stopper mais ce projet de loi.

« Il faut savoir terminer une grève dès que la satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir au compromis si toutes les revendications n'ont pas encore été acceptées mais que l'on a obtenu la victoire sur les plus essentielles revendications ». Voilà la vraie citation de Maurice Thorez !

Votez cette question préalable, débarrassez-nous de ce projet de loi répressif et employez le temps ainsi gagné pour traiter des vraies questions, sécuriser l'emploi et la formation, diminuer le temps de travail, encadrer les salaires faramineux des patrons et instaurer l'impunité zéro pour l'évasion fiscale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)

Mme Élisabeth Lamure .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La France est en situation de blocage, économique d'abord. Depuis 2012, notre croissance stagne, notre chômage augmente. Blocages sociaux ensuite. Raffineries, transports... Deux issues s'offrent à nous : refuser ce projet de loi, ou en débattre. Questions plus politiques que juridiques...

À ce texte, présenté si maladroitement par le Gouvernement, entre abandons successifs et 49-3, nous opposons une vision qui s'appuie d'abord sur la confiance, respectant chacun, patron et salarié, vecteur essentiel de la croissance.

La relation employeur-salarié ne se résume pas à un lien de subordination. C'est nier la diversité de l'entreprenariat français : employeurs eux-mêmes anciens employés, qui travaillent parfois dans des conditions moins avantageuses que leurs salariés... Le dialogue doit être favorisé, tant il existe des situations différentes.

Les auteurs de la motion parlent d'inégalités, mais de quoi s'agit-il au juste ? D'égalitarisme ou de modulation au plus près du terrain ? Les partisans du maintien des 35 heures auront du mal à nous convaincre : ce n'est plus qu'une fiction. L'industrie comme le tourisme en ont toujours souffert.

Le texte de la commission ne porte pas atteinte au droit à l'indemnisation du licenciement sans cause réelle ou sérieuse. Au contraire, il fallait préciser son encadrement. Il est plus sécurisant pour un salarié de pouvoir compter sur un droit qui sécurise son emploi que sur un droit qui sécurise son indemnisation.

Sur la simplification enfin ; là encore, les auteurs de la motion font erreur : le texte de la commission recentre la médecine du travail sur sa véritable mission, maintient la visite d'aptitude, la compétence de l'inspecteur du travail en cas de contestation.

Bref, les considérants de cette notion doivent être rejetés. Le débat est essentiel et nécessaire pour lutter contre le climat économique et social délétère qui s'installe face à l'incapacité du Gouvernement à relancer la croissance.

Notre groupe rejettera, en conséquence, la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable. Je reconnais à M. Laurent une cohérence ; nous sommes tout aussi cohérents en appelant à poursuivre le débat sur ce texte. C'est la logique de subsidiarité, chère à la CFDT. Rerum novarum, Léon XIII, ces références nous parlent !

Une loi de régression sociale, dites-vous ? Nous avons attaché un certain nombre de droits à la personne.

Une inversion des normes ? L'ordre public demeure. Entrons de plain-pied dans le débat, dès à présent !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je respecte chacune des positions, mais nous devons pouvoir argumenter sereinement.

Le peuple de gauche a été éprouvé par le débat sur la déchéance de nationalité, en effet.

M. Philippe Dallier.  - Le « peuple de gauche » ? De quoi, de qui parlez-vous donc ?

M. Roger Karoutchi.  - Vous tenez des fiches sur le « peuple de gauche » ?

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Ce procès en trahison, la gauche l'a souvent : car c'est la gauche qui ambitionne de changer le monde ! (Rires à droite ; exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Éliane Assassi.  - L'État est en faillite !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - C'était la formule de François Fillon. Comment parler d'austérité, quand on voit tout ce qu'a fait le Gouvernement ? Regardons les chiffres de façon sereine : 400 000 emplois supplémentaires, embauches dans l'éducation, la sécurité, la justice, contrats aidés, etc... : vous appelez cela de l'austérité ?

Enfin, nous aurions monopolisé les médias... Vous n'en avez pas le monopole, non plus que de l'intérêt des salariés. Pourquoi ne dites-vous pas que le FAGE soutient ce projet de loi, comme l'Unsa ou la CFDT ? Ce texte traverse le champ syndical et contient d'importantes avancées : pourquoi le nier ?

La loi doit continuer à garantir la durée légale du travail, les conditions de la santé et de la sécurité des salariés, c'est évident. Mais dans les autres domaines, ceux de leur quotidien, les règles seront précisées par des accords collectifs, madame Assassi, collectifs !

Laisser la place à la négociation, c'est essentiel, sous les conditions du principe majoritaire et du renforcement des moyens des syndicats. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Nicole Bricq.  - Au nom de groupe socialiste, je délaisserai la polémique. Nous voulons débattre argument contre argument. Votre intervention, monsieur Laurent, n'a été qu'un réquisitoire contre les seuls socialistes, je le regrette. J'ai moi aussi quelques références historiques : le procès contre les ours savants de la démocratie, nous ne le porterons pas ! L'article 49 alinéa 3, c'est un outil constitutionnel ! (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; marques d'ironie sur les bancs du groupe Les Républicains)

Vous faites comme la droite : vous vous asseyez sur le débat, qui a bel et bien eu lieu à l'Assemblée nationale. Le texte adopté avec le 49-3 intègre 304 amendements adoptés par la commission des affaires sociales les 6 et 7 avril et 457 autres introduits par le Gouvernement. À aucun moment vous n'avez attaqué la droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Annie David.  - L'inégalité des armes et la violence du combat idéologique ne permet pas de mener un débat à la hauteur des enjeux.

Pierre Laurent a bien dit ce qu'est un véritable projet de gauche : ce n'est pas l'abandon de la santé des salariés, la fin des 35 heures, l'inversion de la hiérarchie des normes ni la fin du principe de faveur. En réalité, vous vous conformez aux souhaits de Bruxelles et du patronat. Vous parlez coût du travail, nous, coût du capital.

François Hollande n'a pas été élu pour mener une politique libérale... Être de gauche, c'est resté attaché au progrès social et à l'émancipation humaine, c'est faire progresser les droits des salariés en tenant compte des évolutions contemporaines : hyper-précarisation, ubérisation, travail détaché... Nous ne voulons pas laisser les travailleurs au bord du chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

À la demande du groupe CRC, la motion n°102 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°244 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés33 5
Pour l'adoption 25
Contre 310

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance, suspendue à 18 h 15, reprend à 18 h 20.

Discussion générale (Suite)

M. Dominique Watrin .  - Après un dialogue tronqué, et l'utilisation du 49-3 à l'Assemblée nationale, ce débat risque d'être unique... Le mouvement social perdure sans faiblir depuis trois mois et mobilise des millions de Français qui exigent le retrait du texte.

Je songe d'abord aux jeunes qui galèrent, instruits mais soumis au bizutage social des CDD à répétition, ils restent en proie à une forte précarité. Vous me direz que vous généralisez la garantie jeune, que vous donnez de nouveaux droits à la formation, que vous prolongez les bourses universitaires. (M. Didier Guillaume le confirme) Mais croyez-vous sérieusement pouvoir combattre la précarité, redynamiser l'économie en faisant des salariés la variable d'ajustement des stratégies financières des entreprises, en rendant le contrat de travail modifiable, voire jetable ? Vous avez le droit certes, d'adhérer à cette logique libérale... Nous croyons pour notre part que cette réponse vaut soumission aux injonctions de la Commission européenne - nous aurons l'occasion dans ce débat de lire des extraits de son document du 14 juillet dernier.

Notre pays serait irréformable, perclus de conservatismes, entend-on sur de nombreux bancs, comparaisons internationales à l'appui. Prenons le Royaume-Uni, de moins en moins, cité toutefois ou l'Allemagne. Où est la culture du compromis, le dialogue gagnant-gagnant, dans la pratique des contrats zéro heure ou la baisse imposée des salaires ? Ni le Jobs Act de M. Renzi, ni l'expérience espagnole ne sont concluants...

Vous vous targuez du soutien de la majorité des organisations syndicales... Mais vous savez bien que la CGT est hostile à la philosophie d'un texte dont elle demande la suppression. Plus de 70 % des Français le rejettent aussi. Cela fait beaucoup et explique aisément les tensions et les grèves de l'heure. C'est pourquoi nous demandons la suspension du débat parlementaire et le retour à la table des négociations. De grâce, ne vous entêtez plus, saisissez les perches que l'on vous tend !

Le débat de fond, nous l'aurons avec nos 402 amendements. Nous démontrerons où est la régression sociale. À l'article 2 d'abord, qui fait voler en éclat le socle de protection collective dont bénéficient les salariés ; à l'article 10 ensuite : comment affirmer renforcer les syndicats en permettant la remise en cause par une minorité des positions prises par les représentants de plus de 50 % des salariés ?

À l'article 11 encore, où vous assumez la filiation avec les lois Fillon, alors que accords de préservation et de maintien de l'emploi n'ont empêché ni les suppressions massives d'emplois ni les fermetures de sites. Et vous voulez les autoriser même si les entreprises ne connaissent pas de difficulté...

À l'article 30 enfin, en sécurisant les licenciements sans cause réelle et sérieuse, voeu le plus cher du Medef... Les plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) écartent désormais les instances représentatives du personnel de toute possibilité d'intervention entre deux et quatre mois après la fermeture d'un site et la marge d'appréciation du juge sera réduite...

La droite, elle, a fait fort... Flexibilisation à outrance, facilitation des licenciements économiques, doublement des seuils sociaux, apprentissage dès 14 ans, travail de nuit des apprentis, retour aux 39 heures... Ce qui compte pour elle, c'est afficher son programme présidentiel. Rassurez-vous, madame la ministre, nous combattrons avec la même vigueur la droite sénatoriale. Nous avons passé l'âge des jeux politiciens.

Vous ne sauriez, dans ces conditions, vous prévaloir d'une quelconque vertu d'équilibre. La matrice commune des propositions du Gouvernement et de la droite, c'est Bruxelles, c'est le Medef, et je connais des socialistes qui le pensent également.

Nous ne sommes pas pour le statu quo. Nous ferons de nombreuses propositions pour renforcer le dialogue social dans l'entreprise et promouvoir l'égalité professionnelle homme/femme, pour une médecine du travail de reclassement et non de sélection, pour lutter à la racine contre le travail détaché illégal.

Il faudra aussi amorcer une vraie réflexion pour doter les « uberisés » d'un véritable statut ; le compte personnel d'activité ne saurait suffire. Débattons plutôt du passage d'ici 2021 aux 32 heures sans perte de salaire !

Frayons le chemin d'une société, d'une économie efficace au service de tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et républicain)

M. Didier Guillaume .  - S'il y a une loi qui occupe le monde politique et la société civile depuis des mois, c'est bien celle qui porte votre nom, madame la ministre.

Sa version initiale a pu choquer ; d'où le choix du Premier ministre de faire une pause de quinze jours pour favoriser le dialogue. Celui-ci a bien eu lieu ! Il fallait être sur une île déserte pour l'ignorer ! À l'Assemblée nationale même, jour et nuit, (exclamations et rires sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) 700 amendements ont été adoptés ! Je parie même que ceux issus du Sénat seront moins nombreux ! (Marques d'ironie sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Éliane Assassi.  - Dans le cadre du 49-3 ? Votre propos n'a pas de sens...

M. Didier Guillaume.  - Ce débat doit être respectueux. Évitons les postures.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Et l'imposture !

M. Didier Guillaume.  - Ce n'est pas avec la désinvolture ou l'ironie, monsieur le rapporteur, que nous débattrons sereinement et que nous ferons avancer les choses...

Je veux d'ailleurs condamner fermement les propos inacceptables du président du Medef, des propos que personne ici ne peut tolérer. Il n'y a pas de terroristes dans le monde syndical. Il est tout aussi scandaleux que l'on manifeste devant le domicile d'un ministre ou que l'on brûle des voitures de police. La violence, verbale et physique, doit être condamnée d'où qu'elle vienne.

Cette loi est équilibrée car elle repose sur un triptyque : protection des salariés, progrès social, efficacité économique. Depuis 2008, il s'est d'ailleurs passé beaucoup de choses dans ce sens. Deux conceptions s'opposent sans doute, régulation et dérégulation. Reste que les syndicats réformistes ont accompagné le Gouvernement et soutiennent ce texte.

La droite affirme qu'il n'y a plus rien dans ce texte. Quel mépris pour les salariés, les jeunes et les cadres qui attendent le CPA, le compte pénibilité, la généralisation de la garantie Jeunes ! Nous ne voulons pas de la flexibilité pour les jeunes mais la flexi-sécurité pour tous.

Dans la première version, il n'y avait pas le travail des apprentis plus de 10 heures par jour, le relèvement des seuils sociaux, le retour aux 39 heures payées 35...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Ni dans le texte de la commission !

M. Didier Guillaume.  - Ne parlons donc pas de telle ou telle version : regardons le texte tel qu'il est, c'est-à-dire d'équilibre et de progrès.

L'inversion de la hiérarchie des normes ne me choque pas, c'est donner la primauté aux acteurs de terrain, aux salariés, aux syndicats dans l'entreprise. La majorité des accords de branche n'ont pas été revues depuis vingt ans. Nous plaidons pour un nouveau modèle social, une social-démocratie affirmée et sereine.

François Hollande a été élu, non pas pour donner les clés du pays au Medef, mais pour protéger les salariés et relever l'économie, ce qu'il n'a cessé de faire - pacte de responsabilité, CICE... Nous ne sommes ni aveugles ni sourds, nous savons qu'il y a des grèves, des manifestations, que ce texte n'est pas populaire. Mais nous voyons aussi que ceux qui le contestent ne se tournent pas pour autant vers vous... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) C'est dire que nous devons encore expliquer aux électeurs, dans la perspective de 2017, le modèle de société que nous voulons.

Enfin, l'on ne devrait pas présenter une telle loi à la fin d'un quinquennat ? Si, car il est toujours temps d'apporter une clarification économique et une clarification sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean Desessard .  - Ce projet de loi ambitionne de moderniser le droit du travail en laissant, soi-disant, une place prépondérante au dialogue social et à la négociation d'entreprise. Mais le Gouvernement s'est éloigné de cette méthode participative en ne consultant pas les syndicats en amont et en recourant au 49-3 : en présentant cet article comme un outil de démocratie, madame Bricq, vous y allez fort ! Vous étiez contre quand il n'était pas entre vos mains !

M. Didier Guillaume.  - Rocard l'a utilisé 28 fois !

M. Jean Desessard.  - La droite vous permet, madame la ministre, de revendiquer un équilibre... Je ne partage pas votre point de vue : vous avez ouvert les vannes de la flexibilité au travail. En haut du toboggan, la réforme chère au Medef ; la droite n'avait plus qu'à laisser glisser vers davantage encore de régression sociale... Ce n'est pas cela, l'équilibre.

Modernisation ? Mais quelle modernisation ? Et pour qui ? Nous refusons de participer à cette course au moins disant social. Peut-on faire confiance au Medef, qui devait créer un million d'emplois avec le CICE ? Où sont-ils ? Ces milliards auraient été plus utiles aux collectivités territoriales, qui auraient investi et fourni des marchés publics à nos PME...

Si nous refusons la philosophie du texte, nous sommes attachés aux nouveaux droits conférés aux salariés.

Mais les inquiétudes suscitées par ce texte se sont multipliées. Dans un climat défavorable aux salariés, peut-on croire en leur liberté ? L'idée d'organiser la négociation au niveau de l'entreprise est séduisante mais le contexte est plus favorable aux chefs d'entreprises.

L'article 2 est éclairant sur ce point. Il n'est pas raisonnable de laisser la contrainte économique peser sur la négociation collective en matière de repos, de congés, de temps de travail. Aurait-on la sécurité sociale ou les congés payés si on avait confié la négociation sociale à l'échelon de l'entreprise ?

M. Didier Guillaume.  - Cela n'a rien à voir !

M. Jean Desessard.  - Si ! Le rapport de force n'est pas équilibré dans l'entreprise ! De même, le juge doit conserver les moyens de contrôler la réalité des licenciements économiques.

On ne pourra jamais s'aligner sur les niveaux de salaires des pays en voie de développement...

M. Didier Guillaume.  - Mais ce n'est pas le sujet !

M. Jean Desessard.  - Valorisons plutôt la créativité, l'innovation, la formation, la montée en gamme, une administration qui contrôle et rassure sur la qualité des produits, les services publics. Nous ne voterons pas le texte sorti du 49-3 pas plus que celui de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. David Rachline .  - Les crispations autour de ce texte sont nombreuses. Comment en sommes-nous arrivés là ? Ce texte censé réformer le code du travail commence par créer une commission pour faire des propositions... Baroque...

On en est là parce que ni les défenseurs du texte, ni ses contempteurs n'ont de légitimité ; les uns sont les scribes de Bruxelles, les autres ne représentent personne... Si les syndicats défendaient vraiment les salariés, ils bloqueraient les entreprises qui recourent au travail détaché plutôt que les raffineries et les transports...

Comme tout enfant, ce projet de loi a un père, l'euro, et une mère, la stratégie de Lisbonne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Il est directement issu des grandes orientations de politique économique élaborées par les technocrates de Bruxelles, citées dans le TFUE, le fameux, celui que le peuple a rejeté avant que l'UMPS ne le fasse ratifier par le Parlement... Ses déclinaisons en droit national ressemblent trait pour trait à l'exposé des motifs de ce texte !

Son père, c'est l'euro. Puisque nous n'avons plus la souveraineté monétaire, il ne reste plus qu'à jouer sur les salaires, contre les salariés.

M. François Marc.  - Et vos amendements, où sont-ils ?

M. David Rachline.  - La crise causée par ce texte provient tout droit de la perte de notre souveraineté et de notre soumission à Bruxelles, qui a d'ailleurs salué ce texte comme une heureuse initiative. Je vous plains, madame la ministre, parce que vous n'y êtes pour rien... Nous ne sommes plus maîtres chez nous, le Gouvernement est devenu le scribe, le service client de la commission européenne.

Pour réformer, il faut avant tout de la légitimité ; or ni Bruxelles ni les syndicats n'en ont. Une réforme nécessaire doit être portée par des acteurs légitimes, ce qui suppose une souveraineté pleine et entière. Les Français y sont prêts, mais ils ne veulent pas qu'elle leur soit imposée sans qu'ils aient leur mot à dire.

Ces blocages sont le fruit de la politique menée. Pour en sortir, il faut retirer ce texte, retrouver notre souveraineté et réformer le syndicalisme ; nous pourrons alors discuter des réformes utiles pour la France.

M. Philippe Dallier .  - Depuis vingt-cinq ans, le monde change avec une vitesse que peu avaient prévue : la division internationale du travail a été bouleversée par l'émergence de la Chine et d'autres, la chute du mur de Berlin a lancé les Trente Glorieuses de cent millions d'Européens de l'Est, sans parler de la révolution numérique et de la nouvelle donne technologique.

Oui, tout change, nous n'avons pas d'autre choix que nous adapter sans nous arrêter à nos états d'âme. Pour paraphraser le général de Gaulle, il ne sert à rien de regretter le temps de la marine à voile et des lampes à huile... Attendre, c'est être certain que les emplois partiront ailleurs ; et attendre quoi ? Le reste du monde ne respecte pas nos règles dont certaines sont devenues un boulet pour nos entreprises.

Il faut donc bouger, ce qui n'implique pas le moins-disant social. Ne pas s'adapter, c'est être sûr de perdre derrière la ligne Maginot de nos certitudes et de notre immobilisme.

Le Gouvernement y semble enfin résolu. Mais c'est dès 2012 qu'il aurait fallu aborder globalement la question de la compétitivité et l'emploi, plutôt que de détricoter ce que nous avions fait comme la TVA sociale, et d'assommer les entreprises et les particuliers d'impôts. Depuis 2012, la France a connu une croissance de 2,1 % contre 5,4 % en moyenne dans l'OCDE ; notre chômage est resté à des niveaux records, 10,4 % fin 2015 contre 6,8 % dans l'OCDE. Il y a en Europe deux catégories de pays : ceux qui accomplissent des réformes et les autres. En 2012, le chômage au Royaume-Uni était comparable au nôtre ; ils sont à 5 %. Nous n'avons créé que quarante mille emplois en 2015, contre deux cent mille en Italie et trois cent mille en Allemagne. « Ça va mieux » ? Trois millions et demi de nos compatriotes cherchent un emploi, sans compter les emplois aidés et ceux qui ne travaillent que quelques heures ! Que de temps perdu !

A la lecture de l'avant-projet de loi, il semblait que le Gouvernement avait enfin pris la mesure du problème, reprenant à son compte des propositions du rapport Combrexelle. Hélas, faute de majorité, il a dû en rabattre. Il était prévisible que tous ceux qui avaient cru dans le discours du Bourget se sentiraient trahis, mais à force de reculades, c'est presque toute l'opinion publique que le Gouvernement s'est aliénée.

Il attend, paraît-il, la version issue de nos travaux, pour faire apparaître a contrario la dimension sociale de sa réforme. Il va être déçu ! Les Français savent qu'il y a pas deux camps, les défenseurs des salariés d'un côté, ceux des méchants patrons de l'autre... Nous améliorerons le texte et ferons des propositions auxquelles vous n'avez pas songé un instant - votre texte ne protégeait que les insiders et les grandes entreprises - en recherchant le juste équilibre entre les intérêts de chacun.

C'est ainsi que nous donnerons la priorité aux accords d'entreprises, y compris sur le temps de travail, et rétablirons le plafonnement des indemnités prud'homales, le périmètre national pour l'appréciation des difficultés justifiant un licenciement économique, et toutes les mesures utiles pour créer des emplois. Nous supprimerons en revanche des dispositions contraires à l'objectif recherché, comme le CEC, inabouti, ni chiffré ni précisément défini.

La cause de retour à meilleure fortune dans les accords offensifs permettra d'associer les salariés à la réussite de l'entreprise. Nous proposerons des règles plus simples et plus souples pour le contrat travail, une relance de l'apprentissage, et des relations entre entreprises et administration fondées sur la confiance. Enfin, nous renforcerons la participation des salariés aux résultats de l'entreprise - participation que vous avez absurdement taxée par l'une de vos premières décisions...

En attendant un programme de réforme bien plus global, le groupe Les Républicains soutiendra le texte de la commission et proposera de l'améliorer encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Un chef d'entreprise belge me disait, il y a quelques jours, l'esprit de responsabilité et de mesure des salariés français par rapport à leurs homologues belges, et implorait qu'on ne l'oblige pas à revoir son accord d'entreprise sur l'organisation du travail. Il faisait écho au président d'Accenture, pour qui le temps de travail ne se régule pas de la même façon dans une start-up ou un grand groupe, dans une industrie ou dans l'aide à domicile.

Cet appel à la liberté, le Gouvernement l'avait entendu en lançant sa réforme, mais faute de concertation et d'explications, il a laissé s'exprimer les peurs et se développer une importante crise sociale. Je ne parle pas de ceux qui, par pure idéologie, refusent tout changement et manipulent des salariés non concernés par la réforme (Exclamations sur les bancs du groupe CRC), mais des électeurs de gauche déboussolés.

Le Gouvernement, au Sénat, ne pourra pas recourir au 49-3, j'espère donc que nos deux semaines de débat seront profitables. La majorité sénatoriale se veut réformiste. Laurent Berger le dit, le code du travail doit évoluer pour mieux protéger les salariés face aux changements du monde du travail.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Je salue l'immense travail de notre commission, guidée par le souhait de revenir à l'esprit initial de ce texte. Il faut définir ce qui relève de la loi, de l'accord de branche ou de l'accord d'entreprise, et le remarquable rapport d'Annick Billon peut ici nous éclairer.

L'article 2 place la négociation au coeur de l'entreprise et, à défaut, de la branche : notre groupe soutiendra l'amendement du rapport fixant en l'absence d'accord la durée du travail dans une fourchette en-deçà de 39 heures, sans perte de pouvoir d'achat.

À l'article 10, l'objectif de parvenir à rassembler 50 % des salariés pour rendre un accord valide est de bon sens mais peut être source de blocages, le groupe UDI-UC soutiendra donc l'amendement du rapporteur, qui fixe un calendrier pour la révision des règles.

Quant aux accords de développement de l'emploi, à l'article 11, ils ne sauraient conduire à des baisses de salaires - compréhensibles lorsqu'il s'agit d'accords défensifs.

Pourquoi se précipiter pour généraliser la garantie Jeunes ? L'expérimentation est en cours dans plusieurs départements ; elle est utile dans certains cas, mais pourquoi la généraliser sinon pour calmer la grogne des syndicats étudiants ? En faire une allocation universelle, c'est la détourner de son objet initial...

Il ne faut pas avoir peur de l'entreprise, sortons de la culture de l'affrontement. Les entreprises sont des communautés humaines, il leur faut pour s'organiser un cadre souple et protecteur. Alors qu'un vent de liberté souffle sur l'économie française, j'invite chacun à la mesure. C'est en cultivant les vertus du dialogue et de la négociation que nous construirons une société plus juste. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Amiel .  - Jamais la parole publique n'a autant été frappée par la suspicion : la démocratie représentative est remise en cause, y compris par cette nouvelle « passion française » qu'est le référendum.

Trois erreurs ont été commises. Proposer une telle réforme à un an de l'élection présidentielle, d'abord, comme pour prouver que la gauche pouvait réformer et proposer un nouveau contrat social : c'est quatre ans trop tard. Omettre toute pédagogie, ensuite, sur un sujet si complexe. Passer en force à l'Assemblée nationale, enfin.

Qu'en dire, dès lors ? Ce texte a doublé de volume, je me contenterai de commenter quelques mesures.

La durée du travail, d'abord. L'Assemblée nationale avait maintenu les 35 heures moyennant des aménagements ; la commission des affaires sociales va jusqu'à 39 heures en l'absence d'accord d'entreprise, je ne la suivrai pas.

L'article 2 distingue les règles d'ordre public, celles qui relèvent de la négociation collective, et celles, supplétives, qui s'appliquent à défaut d'accord. Il consacre l'accord d'entreprise. Cela paraît logique, car c'est là qu'on est le mieux à même de trouver les bonnes solutions, mais un encadrement est nécessaire pour éviter tout dumping social.

Sur la médecine du travail, ce texte ne compte qu'un seul article, le 44, alors que ce sujet est majeur. Il faudrait réfléchir au rôle des professions paramédicales dans la prévention et le suivi. Si la visite d'aptitude systématique reste l'idéal, la visite d'information et de prévention me semble un pis-aller acceptable.

Enfin, l'apprentissage constitue encore trop souvent un choix par défaut : ce texte comprend des mesures très utiles, mais je reste circonspect vu le contexte et le calendrier retenu.

La forme importe autant que le fond, madame la ministre. L'absence de pédagogie du Gouvernement, son passage en force à l'Assemblée nationale me pousseraient à demander le retrait du texte. À défaut d'entendre le peuple, écoutez au moins ses représentants !

Comme la majorité de mon groupe, je voterai contre le texte de la commission. (Applaudissements à gauche)

M. Olivier Cadic .  - La France est isolée. Nous sommes le dernier grand pays européen qui ne réforme pas son droit du travail. Entre la mi-2013 et la mi-2015, nous avons créé 57 000 emplois marchands, soit huit fois moins que l'Allemagne, dix fois moins que l'Espagne et cinq fois moins que l'Italie, mais nous avons créé 200 000 emplois publics ! François Hollande inverse ainsi la formule de Talleyrand : « Quand je me considère, je me console, car quand je me compare, je me désole ».

Nos rapporteurs ont simplifié ce texte et sont parvenus à un équilibre ; mais nous devons aller plus loin pour être plus compétitifs. La France souffre du poids de sa réglementation et de l'absence de dialogue social constructif.

Notre code du travail est devenu illisible et incohérent, à force de tout vouloir y inscrire. Parmi les neuf priorités du pacte fondateur de l'UDI, on trouve le renforcement de la négociation sociale d'entreprise. En 1977, Valéry Giscard d'Estaing définissait le libéralisme avancé comme la promotion d'évolutions politiques, économiques et sociales consistant à transférer aux individus isolés ou organisés la responsabilité de leurs décisions, de leurs comportements, de leurs choix. Nous proposons de réserver à la loi la définition des grands principes et l'encadrement des négociations, et de laisser tout le reste à la négociation entre partenaires sociaux.

L'objectif de simplification devra guider la commission de refondation prévue à l'article 1er. Avec plusieurs collègues, je proposerai d'aller plus loin en ce sens : quelle utilité y a-t-il, par exemple, à répéter dans le code du travail ce que le code pénal dit déjà de la discrimination ?

Les seuils sociaux freinent l'activité et le recrutement, nous proposerons de nous aligner sur les seuils communautaires de 50 salariés pour une TPE et 250 pour une PME.

Les entraves à la compétitivité de nos entreprises doivent être levées. La viabilité de certaines entreprises du travail de nuit ou le dimanche !

Mme Cécile Cukierman.  - Et du travail des enfants ?

M. Olivier Cadic.  - Quel beau pays que la France ! Chaque année, une femme de ménage doit passer autant de visites qu'elle a d'employeurs, alors que l'éducation nationale, premier employeur de France, n'a pas de médecine du travail...

Nous avons la France pour patrie, l'Europe pour frontière, le monde pour horizon, disait Jean-Louis Borloo à la création de l'UDI. Eh bien, il faut adapter notre code du travail au monde pour favoriser l'emploi. La France est le dernier pays de l'OCDE à permettre au juge de prendre en compte les résultats internationaux du groupe en cas de licenciement économique ! Avec le texte de la commission, nous serons derniers ex aequo, avec l'Italie...

Le plus inquiétant est l'hystérie syndicale (Marques d'indignation sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen), qui nuit tant à l'image de la France. Le Gouvernement lui cède en vidant sa réforme de sa substance... et en permettant aux syndicats de puiser dans les caisses des comités d'entreprise !

Le courage serait de ne pas céder aux corporatismes, au défaitisme, au dogmatisme. Le Gouvernement campera sur ses positions, lâchera encore un peu de lest pour acheter la paix social, nous aurons donc un débat d'idées, qui produira ses effets dans moins d'un an. Chaque jour, 180 000 personnes quittent la France pour la Suisse, fuyant notre épais code du travail au bénéfice de celui de nos voisins ! (L'orateur brandit les codes du travail français et helvétique ; applaudissements au centre et à droite)

Mme Nicole Bricq .  - Sans contester la réalité des mouvements sociaux, il faut bien constater qu'ils n'ont pas débouché. (Mme Éliane Assassi s'esclaffe). Et si ce texte, comme le disent ceux qui s'y opposent, a perdu tout contenu, pourquoi s'y opposer ?

Le groupe socialiste le soutiendra, parce que dans une économie ouverte, notre économie a besoin de souplesse et de réactivité, mais aussi pour anticiper les mutations du travail en renforçant les protections de ceux qui les vivent et les vivront. Cela implique d'augmenter les moyens de la formation professionnelle, d'encourager l'innovation sociale, d'entendre les aspirations des jeunes, qui n'ont pas le même rapport à l'entreprise que leurs parents. Beaucoup paient le prix fort de la flexibilité ; mais beaucoup créent aussi leur entreprise, passent d'un statut à un autre, individualisation du travail qui ne peut être simplement assimilée à une dérive ultralibérale. Bref, nous proposons de passer le cap du XXIe siècle au lieu de regarder dans le rétroviseur...

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

Mme Nicole Bricq.  - Ce texte trouve sa place dans la lignée des lois Auroux et Jospin-Aubry : chaque fois qu'ils se sont trouvés aux responsabilités, les socialistes ont affronté la question du travail, cette valeur cardinale de la société française. Or la période actuelle est celle d'une révolution du travail ; si nous ne bougeons pas, notre modèle social s'effondrera. Combattre le chômage sans prendre en compte ces évolutions serait une erreur historique.

Je veux aussi réinscrire cette réforme dans la cohérence du quinquennat. Dès 2012, François Hollande a fait de la compétitivité des entreprises et de la démocratie sociale les piliers de son action. La négociation nationale, qui a abouti à deux accords nationaux interprofessionnels transcrits dans la loi, a achoppé sur la modernisation du dialogue social, et le Gouvernement a alors repris la main, avec la loi Rebsamen. Les syndicats n'ont pas la même vision des évolutions souhaitables de notre modèle social, le patronat n'est pas moins divisé.

Trouver le juste équilibre entre la loi et la négociation n'est pas facile pour la gauche. La droite, elle, ne s'embarrasse pas de tels problèmes : pour en finir avec « le conservatisme des partenaires sociaux », pour reprendre les termes du président Sarkozy, ses candidats proposent, qui de réformer le code du travail par ordonnance, qui d'imposer aux délégués syndicaux de passer 50 % de leur temps de travail à leur poste... La droite sénatoriale lui a fait écho en supprimant l'augmentation de 20 % du nombre d'heures de délégation syndicale...

Au contraire, nous voulons conforter les délégués syndicaux, en les formant mieux. La droite confond l'entreprise et l'employeur, nous les considérons comme un collectif humain, plus à même d'affronter la concurrence quand les salariés s'y sentent bien.

La droite a ses totems, au premier chef la durée du travail. Critiquant les seuils sociaux, elle veut faire croire que le dialogue social freinerait l'emploi, alors que les seuils sont inférieurs en Allemagne et en Suède pour créer un comité d'entreprise ou un CHSCT. Elle s'oppose à toute interférence syndicale dans le dialogue direct entre chef d'entreprise et salariés, exprimant une fois de plus sa défiance.

La commission a fait perdre tout sens à l'article 2 en revenant, à l'article 10, sur le principe de l'accord majoritaire. Ella a remis les clés du référendum à l'employeur... Le conservatisme triomphe. Nous ne voulons pas, nous, que l'employeur décide seul, et c'est pourquoi nous renforçons les négociations dans l'entreprise.

Pas moins de 761 amendements ont été intégrés au texte à l'Assemblée nationale. La droite sénatoriale n'en a cure, qui a limité considérablement la portée du CPA, cet outil d'émancipation individuelle, refusé aux jeunes ce filet de sécurité qu'est la garantie Jeunes, et mis en cause le compromis trouvé sur les conditions du licenciement économique.

Certains, faussement pitoyables, souhaitent au groupe socialiste « bien du courage » - nous n'en manquons pas. D'autres considèrent le passage au Sénat comme un exercice de style. Nous ferons, nous, pleinement notre travail, continuant à soutenir la ministre et à faire la pédagogie de la réforme. Entre la démolition de notre modèle social et l'immobilisme, la voie est étroite, raison de plus pour s'y engager ! Nous vous invitons au débat, argument contre argument. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Aline Archimbaud .  - Le texte du Gouvernement, problématique, n'en comportait pas moins des mesures utiles, que la commission a fait disparaître. La généralisation de la garantie Jeunes, d'abord, qui fonctionne bien - pourquoi en traiter dans un texte aussi polémique ? Deux millions de jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi, un sur six ! La garantie Jeunes est un signe fort, pour donner un avenir à ces jeunes : nous demandons le rétablissement de l'article 23.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

Mme Aline Archimbaud.  - À l'article 51, nous demanderons également le rétablissement du dispositif sur l'amiante. Des propositions sont faites par le Comité amiante depuis deux ans, des centaines de milliers de vies sont concernées - il pourrait y avoir 100 000 morts d'ici 2050. Pourquoi reculer ici ? En particulier, pourquoi ne pas rendre publics les diagnostics amiante ?

Enfin, l'article 44 est très loin des réformes attendues sur la médecine du travail : le suivi des salariés reculent au moment même où les pathologies professionnelles progressent - leur nombre a augmenté de 3,4 % en 2014 selon l'Assurance-maladie. Une vraie réforme est devenue urgente, qui mette l'accent sur la prévention. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. François Fortassin .  - Financiarisation et dérégulation de l'économie provoquent inéluctablement des crises qui ont un effet accélérateur sur les inégalités et sur le chômage... Simplification administrative, fiscalité lisible et équitable, formation adaptée, maintien de l'industrie sur le territoire sont autant de facteurs qui influent sur l'attractivité du pays et sur le marché du travail. Agir sur un seul levier ne peut être efficace. Dois-je rappeler ici le malheureux exemple de la « TVA restauration » ? Très coûteuse pour l'État, elle n'a pas même effleuré ses objectifs !

Il serait donc illusoire de penser que l'on crée de l'emploi en se contentant de simplifier le code du travail. Le premier levier pour créer de l'emploi ne se décrète pas, c'est l'activité économique. Plus une société est évoluée, plus elle est complexe et réglementée, ce qui n'implique pas d'encourager l'inflation normative.

La raison d'être du droit du travail est d'encadrer les relations entre l'employeur et ses salariés, de corriger un déséquilibre naturel en faveur du premier du fait d'un lien de subordination. Le projet de loi du Gouvernement sacrifiait-t-il la protection du salarié ? Je ne le pense pas. Un minimum de flexibilité est requis, surtout dans les petites et moyennes entreprises, car l'impossibilité de s'adapter aux réalités économiques entraîne tout simplement la destruction de l'emploi. La conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle constitue l'une des principales préoccupations des salariés et c'est bien la souplesse au niveau de l'entreprise qui permet d'y répondre. S'agissant des licenciements économiques, cessons de nourrir les fantasmes : seuls entre 1 et 3 % d'entre eux font l'objet d'un recours devant le juge.

Le projet de loi prévoit que la charge de travail du cadre doit être raisonnable et reconnaît la responsabilité de l'employeur dans la répartition équilibrée dans le temps de son travail. Dans un monde hyper-connecté, la frontière devient floue entre le temps du travail et le temps de repos, ce qui implique par ailleurs de mettre en place un droit à la déconnexion pour autant qu'il soit effectivement applicable.

La primauté de l'accord d'entreprise permet une organisation du travail au plus près des réalités.

Ce projet de loi contient néanmoins des dispositions très positives, mais la communication a été si lacunaire, pour ne pas dire plus, qu'elles ont été bien peu couvertes par les médias, telle celle sur la formation des délégués du personnel, ce qui est dommage.

Pour Alain Supiot, « il ne faut pas confondre transformisme, qui réduit la politique à la soumission aux contraintes du marché et à l'évolution des moeurs, avec le véritable réformisme consistant à mettre politiquement en oeuvre la représentation d'un monde plus libre et plus juste ».

Notre époque est marquée par une concurrence forte ; il faut rester ambitieux et imaginatif. C'est ce qui fait toute la différence entre une entreprise performante et une entreprise boîteuse, au-delà des carnets de commandes indispensables à la bonne santé de toutes.

Le salarié restera la principale composante des entreprises ; les sénateurs RDSE privilégieront une vision réaliste et pragmatique, loin des clivages dogmatiques et des affrontements manichéens dépassés !

Que souffle le vent frais de l'humanisme, cher aux radicaux que nous sommes, que s'instaure enfin un dialogue pacifié, grâce auquel le salarié sera plus concerné par la bonne marche de l'entreprise ! Ainsi le salarié ira au travail avec enthousiasme, celle-ci sera plus performante, et chacun en tirera un bénéfice considérable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Alain Milon .  - Je ne resterai pas dans l'analyse détaillée de ce texte, mais reviendrai sur les questionnements qu'il suscite.

Chacun reconnaît les évolutions auxquelles nous faisons face. Le modèle social à la française a été au fil du temps érigé en statue de marbre : aussi précieux et solide que ce matériau mais, à certains égards, aussi difficile à bouger...

Dans ce monde en mouvement, évitons d'ériger des murs d'enfermement. Et ne soyons pas dupes : les positions des syndicats masquent des jeux de posture. Mais le malentendu reste grand, il faut le reconnaître, entre les engagements du candidat François Hollande et les propositions faites, écart qui est vécu par beaucoup comme une trahison. La contestation se fonde sur un sentiment d'illégitimité. Le contrat entre le peuple et les élus doit reposer sur des engagements réalisables ; les respecter devrait être une exigence démocratique non négociable.

Rétablir le dialogue social a posteriori est une gageure. Voilà où nous en sommes. Présenté en fin de mandat, ce texte cristallise toutes les crispations d'une société en crise, en proie aux interrogations, aux inquiétudes, aux doutes. Même vidé de son contenu, il exprime un message : celui de la lisibilité, du sens à redonner au droit du travail, mais aussi plus largement à l'action publique.

Comme Bertrand Martinot et Franck Morel, je suis convaincu qu'« un autre droit du travail est possible à condition qu'il libère le travail, organise au mieux les relations sociales et protège le travailleur ».

Les acteurs de l'entreprise sont-ils si éloignés que seule une loi pourrait régir leur rapports, et plus il y aurait de conflits, plus il y aurait de lois, selon l'inspiration de Pierre Bourdieu ? J'en doute. Les récents discours politiques et la multiplicité des textes témoignent d'un intérêt sincère mais ont entraîné une complexité inextricable, reconnue par Robert Badinter : « le code du travail se veut protecteur et rassurant, il est devenu obscur et inquiétant ».

Dans ce contexte, les propos caricaturaux, à commencer par ceux du Premier ministre, relatifs au retour à une économie dérégulée alimentent la défiance. Le temps presse pourtant pour accompagner les changements liés à la mondialisation. Las, le projet de loi s'en est exonéré.

Le rapport Combrexelle proposait une méthode, une pédagogie et la réaffirmation du rôle de l'État comme garant. Aujourd'hui, 18 thèmes de négociation sont à présent obligatoires : n'est-ce pas contraire au dialogue que d'en figer les caractéristiques ?

Le comité Badinter propose un socle de 61 principes essentiels d'ordre public. Fixer un cadre en laissant de la souplesse, voilà une bonne initiative.

Qui aujourd'hui souhaite remettre en question la décentralisation ? Pourquoi ce qui marche en politique serait inconcevable en droit social ?

Comme au sein de la famille, les schémas traditionnels ont vécu au sein de l'entreprise. Je sais que toute proposition est source d'inquiétude ou de rejet, mais je sais aussi que la volonté de réforme est profonde chez nos concitoyens.

La mobilité, une certaine flexibilité, les attentes d'une génération qualifiée de X, Y ou Z, nous obligent à adapter notre modèle de protection à des « travailleurs » dont le salariat n'est pas la seule forme de dépendance.

Oui, la volonté réformatrice existe. Il faut rétablir la confiance.

À force de concessions et de détricotages, je crains que ce texte ne soit mort-né et n'appelle d'autres projets rénovateurs. La période est propice à leur éclosion. Certains, je l'espère, verront le jour. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Pascale Gruny .  - La France est plongée depuis des semaines dans un climat social lourd ; la pénurie de carburant a été évitée de peu ; une minorité syndicale a paralysé le pays. Peut-on encore réformer dans notre pays ? La politique de François Hollande grève notre présent, et même notre avenir. Croissance faible relativement à nos voisins, chômage de masse, qui touche 5,4 millions de personnes et un jeune sur quatre : la situation est alarmante.

Certes, le code du travail n'en est pas la cause unique : les normes excessives y ont aussi leur part. Les lois du 14 juin 2013 de sécurisation de l'emploi, du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle et du 17 août 2015 relative au dialogue social et qui ont toutes eu pour point commun la faiblesse de leur ambition. Pourquoi en serait-il autrement avec ce quatrième volet ?

Malheureusement, la montagne a accouché d'une souris. La paix sociale ne s'achète pas, elle se construit avec des réformes reposant sur des projets d'avenir.

Votre texte a été vidé de sa substance, sous la pression de minorités de blocage. Il faut en finir avec les visions binaires ! Au sein d'une entreprise, chacun est interdépendant : sans entrepreneur, pas d'emploi ; sans employé, pas de travail. Non, la vie d'une entreprise n'est pas forcément fondée sur des rapports de force !

La vie d'entreprise n'est pas fondée sur les rapports de force mais sur des rapports simples, fonctionnant bien. La concurrence étrangère, l'état des carnets de commandes, la peur de la réglementation sont les principaux freins à leur activité. Dans l'Aisne, les exemples d'entreprises connaissant des défauts de trésorerie se multiplient et la détresse des chefs d'entreprises, notamment des PME, est bien présente. Ils demandent essentiellement qu'on les laisse respirer, pour se consacrer à ce qu'ils font le mieux : entreprendre, innover, créer !

Plafonnement des indemnités de licenciement, 39 heures, redéfinition du licenciement économique, souplesse sur le temps de travail, simplification de la médecine du travail : voilà, parmi nos propositions, ce qui leur redonnerait une bouffée d'air.

L'apprentissage est le meilleur moyen d'intégrer les jeunes dans l'entreprise. Nous proposerons de le renforcer.

Notre modèle économique a besoin d'un nouveau logiciel, au service de l'activité ! Le groupe Les Républicains s'opposera à tout ce qui crée des contraintes supplémentaires pour les entreprises. Sur un plan plus personnel, je veillerai tout particulièrement au juste équilibre entre les intérêts des salariés et ceux des entreprises. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Alain Joyandet .  - Ce projet de loi est hélas un rendez-vous manqué : avec les Français d'abord qui le rejettent massivement, y compris ceux qui ont voté pour François Hollande en 2012 ; face au défi du chômage ensuite, cataclysme pour notre pays et qui augmente sans cesse depuis 2012 ; avec les entreprises enfin, puisqu'il ne s'attaque pas aux maux dont elles souffrent.

Le chômage ne disparaîtra pas par l'effet d'un nouveau code du travail ; pas davantage par la stigmatisation de la protection dont bénéficient les salariés. II disparaîtra encore moins si l'on fait peur à ceux qui ont un emploi. Nos entreprises ont besoin de collaborateurs sereins, qui soient en mesure d'avoir un avenir lisible et en capacité de mener des projets personnels.

Depuis début 2015, 60 000 petites, très petites et moyennes entreprises ont disparu ; pas une seule n'aurait survécu grâce à ce texte...

Alléger la protection des salariés, faire peur à ceux qui ont un emploi n'est pas la solution. Le travail doit être un élément de fraternité, pas un catalyseur de tensions !

Une mesure simple et urgente : remplacer le CICE par la TVA « compétitivité emploi ». Les milliards d'euros de crédit d'impôt qui y sont consacrés seront ainsi automatiquement transformés en baisse structurelle, mécanique et généralisée des charges sociales pour toutes les entreprises françaises.

De même, les heures supplémentaires défiscalisées, supprimées durant l'été 2012 par François Hollande pour des raisons idéologiques, doivent être rétablies dans les meilleurs délais. Elles donnaient du pouvoir d'achat aux salariés et de la souplesse aux entreprises. Quatre années après leur disparition, elles sont encore plébiscitées par une immense majorité de Français.

Les entreprises ont aussi besoin que les pouvoirs publics cessent de les suspecter : allégeons les contraintes normatives ! Le rapport rédigé par Annick Billon fournit de précieuses pistes de réflexions, faciles à emprunter et qui ne coûtent rien. Dans un contexte de chômage de masse et de croissance faible, ne pas s'y essayer serait dommage.

Dans un monde qui bouge, cherchons de nouveaux modèles : entre collectivisme, dont nous avons constaté la faillite (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) et libéralisme échevelé, dont nous connaissons les effets, il y a une voie ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Myriam El Khomri, ministre .  - Beaucoup ont rappelé le contexte. C'est en effet la dernière année du quinquennat, notre économie recrée tout juste des emplois, depuis 2015, après plusieurs années de destructions d'emplois ; mais nous en avons perdu depuis 2001 et un jeune n'accède au CDI, en moyenne, qu'à 27 ans, contre 22 ans il y a une décennie. La flexibilité existe ! Notre rôle dans ce contexte est de donner à chacun plus de lisibilité.

Nous ne facilitons aucunement le licenciement.

Seules 5 % des entrées à Pôle Emploi sont le fait de licenciements économiques. Les entreprises peinent à caractériser les difficultés économiques et se tournent vers la rupture conventionnelle.

Je ne méconnais pas les inquiétudes que soulève la réouverture du débat sur les conditions du licenciement, mais il faut admettre que le licenciement économique est bien plus protecteur pour le salarié !

J'assume cette réforme à 200 % ; cessons d'opposer le progrès économique au progrès social. Ce qu'apporte la démocratie sociale dans l'entreprise, c'est cette faculté de s'accorder - et, si les partenaires sociaux ne le font pas, l'ordre public s'applique. Bien sûr, nous ne touchons pas aux minima.

Il faut sortir des postures du patronat qui ne veut pas négocier avec les salariés - c'est vrai pour le mandatement. Il faut sortir des postures syndicales, qui veulent que tout soit dans la loi, signe de leur faiblesse. Enfin, n'oublions pas les postures des pouvoirs publics, qui ont tendance à vouloir sans cesse en rajouter.

Développer la démocratie sociale ? On en parle depuis 2001, quand on recherchait déjà l'échelon le plus pertinent. Nous n'avons pas tout délégué à l'entreprise, loin de là !

Monsieur Desessard, l'entreprise peut être un laboratoire social : la troisième semaine de congés payés venait, en 1955, de la régie Renault ! (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Plusieurs voix sur les bancs du groupe CRC.  - Entreprise nationalisée : c'était l'État !

M. Jean Desessard.  - Eh oui !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Ce projet de loi aurait été exigé par Bruxelles ? Le complotisme est à la mode, certes, mais récit est trop beau pour être vrai...

M. Dominique Watrin.  - (Brandissant un document) Ce n'est pas un récit, j'ai ici les recommandations du Conseil européen de 2015 !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Revenons sur la genèse du texte : la mission Combrexelle a été lancée très en amont, pour étendre la démocratie sociale. Nous commençons par le temps de travail, parce que les salariés y sont le plus attachés. Nous y intégrons le compte personnel d'activité, je l'assume parfaitement, comme j'assume sa vision sociale-démocrate.

Travailleurs détachés, travail indépendant : regardons les chiffres, le modèle fordiste a évolué, il faut en tenir compte ! Nous ne voulons pas ni des mini-jobs à l'allemande, ni des contrats à zéro heure, nous écrivons notre propre modèle, celui de la social-démocratie à la française, reposant sur le dialogue social et la démocratie sociale, qui commencent au sein de l'entreprise.

L'équation est simple : pas de souplesse, pas de négociation - et nécessité d'un accord majoritaire.

Certes, la concurrence est internationale, nous comparons nos modèles : oui, nous avons plus licencié qu'en Allemagne après la crise de 2008, mais l'assurance chômage a joué tout son rôle d'amortisseur social.

Oui, nous avons pu commettre des erreurs de pédagogie lors du lancement de ce texte : je les assume aussi. Mais nos concitoyens se sont saisis des enjeux : d'abord, celui de s'adapter ou disparaître - je crois à la réforme non pour la réforme elle-même, mais pour transformer la société.

La médecine du travail, oui, est un sujet central. Il faudrait systématiser la visite d'embauche - mais lorsque trois des vingt millions d'embauches par an en font l'objet seulement, ce droit est fictif ; c'est bien pourquoi il faut les concentrer sur les postes à risque, prévoir des équipes transdisciplinaires, faire confiance aux professions paramédicales, tenir compte des manques de vocation dans la médecine du travail, rendre ce métier plus attractif, avec le concours du ministère de la santé. Nous ne nous battons pas pour des droits fictifs, mais pour des réalisations concrètes : c'est cela, la responsabilité.

Je terminerai par une citation qui vous étonnera peut-être : Philippe Martinez, ce matin, sur Europe 1, rappelait que les salariés sont toujours les mieux placés pour dire ce qui est bon ou pas eux ! C'est tout l'esprit de ce texte et de son article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

La séance est suspendue à 20 h 45.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

La séance reprend à 22 h 45.

Discussion des articles

Mme la présidente.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (n°610, 2015-2016).

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°180, présenté par M. Gorce.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  À l'échelle de chaque zone d'emploi, et pour une durée de trois ans, le ministre en charge du travail et de l'emploi désigne un commissaire en charge de la coordination de toutes les politiques de l'emploi, d'insertion, de formation et d'aide à la création d'entreprises, menées sur le territoire concerné.

Le commissaire local à l'emploi assure sa mission dans le cadre de conventions conclues avec Pôle Emploi et toutes les collectivités territoriales concernées. Il a autorité sur le service public de l'emploi défini à l'article L. 5311-2 du code du travail.

Sur la base de critères objectifs, il recense les zones d'emploi dont l'état du marché du travail justifie la mise en oeuvre du plan d'urgence triennal décrit aux articles suivants. La liste de ces zones est ensuite arrêtée par décret en conseil des ministres.

II.  -  À l'échelle de chaque zone d'emploi dont l'état du marché du travail le justifie, et dans le cadre des conventions prévues au I, un plan d'urgence triennal est arrêté sous trois mois par le commissaire local à l'emploi qui mobilise autour d'objectifs précis la totalité des moyens disponibles sur le territoire ou mis à disposition de celui-ci.

Ce plan d'urgence est défini en fonction des spécificités du territoire en matière d'emploi, de précarité et de formation.

Il s'appuie sur une totale fongibilité des crédits publics mobilisés, en particulier ceux destinés aux différentes mesures pour l'emploi arrêtées par l'État. Il est soumis pour avis à un comité de pilotage territorial associant, pour sa durée, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux et les associations concernées.

III.  -  Le plan d'urgence mentionné aux I et II inclut les conditions de mise en oeuvre des dispositions figurant aux IV, V et VI et destinées à accélérer le retour à l'emploi des chômeurs de longue durée.

IV.  -  Chaque demandeur d'emploi inscrit à la date de la promulgation de la présente loi dans une agence située dans une zone d'emploi couverte par un plan d'urgence bénéficie d'une allocation calculée conformément aux dispositions de l'accord conclu par les partenaires sociaux au titre de l'Unedic et versée par l'institution publique mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail.

À titre dérogatoire au regard des dispositions existantes, cette allocation ne peut être prolongée au-delà d'un an que sur décision d'une commission locale, dont la composition est précisée par décret, au vu des difficultés de reclassement qu'est susceptible de rencontrer son bénéficiaire.

Les organisations sociales représentatives en constituent la majorité des membres.

Les difficultés de reclassement sont appréciées en fonction de l'expérience du bénéficiaire, de sa qualification, de son âge et de la situation du marché local de l'emploi.

V.  -  Chaque demandeur d'emploi de plus de six mois a droit à un bilan de compétences. Chaque demandeur d'emploi de plus d'un an bénéficie d'une formation destinée à favoriser son retour à l'emploi et de l'ensemble des moyens mobilisables pour lui permettre d'atteindre cet objectif.

Il devient, à ce titre, stagiaire de la formation professionnelle.

Ce bilan de compétences et cette formation sont financés sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

VI.  -  Pour la période triennale 2017, 2018 et 2019, si le montant de la contribution issu de l'accord entre les partenaires sociaux n'est pas suffisant pour faire face aux besoins suscités par la mise en oeuvre du V, le ministre en charge du travail et de l'emploi peut, par arrêté, en modifier le taux.

M. Gaëtan Gorce.  - Cet amendement n'apporte pas une réponse au problème de l'emploi - ce serait trop simple - mais rappelle qu'un texte social devrait se fixer pour priorité une lutte ciblée contre le chômage. Or les politiques menées depuis 2010, notamment en termes budgétaires, ont été toujours récessives, avant et après le changement de majorité. Le prix à payer de ces politiques contracycliques, c'est le chômage de masse. On assiste à un début de recul de celui-ci, mais hors de proportion.

Dans la Nièvre, par exemple, alors qu'un chômeur sur deux est de longue durée, les moyens de Pôle Emploi n'ont pas été augmentés et il n'y a pas de pilote, mais une multitude d'acteurs qui perdent du temps à se coordonner. Et aucun bilan de la politique de l'emploi n'a jamais été fait. Cet amendement exprime d'abord un désarroi.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - La commission n'a pas pu examiner cet amendement. Nous connaissons les territoires frappés par le chômage de longue durée - mon département est frontalier de celui de M. Gorce. Nous avons d'ailleurs adopté il y a peu une proposition de loi visant à expérimenter dans dix départements des mesures innovantes pour faire disparaître le chômage de longue durée. Laissons-la prospérer. À titre personnel, retrait ou à défaut avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je partage l'ambition du sénateur Gorce de lutter contre le chômage, notamment de longue durée. L'enjeu de la loi NOTRe était déjà de mieux coordonner les acteurs ; la loi de 2014 a par ailleurs créé les comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop). Je partage votre objectif, mais je ne crois pas utile de créer un échelon supplémentaire.

Dans de nombreux bassins d'emplois, le principal problème réside dans le manque de qualifications, qui a pour conséquences que de nombreux emplois ne sont pas pourvus. C'est pourquoi le plan d'urgence pour l'emploi du 18 janvier se fonde sur les besoins constatés, bassin d'emplois par bassin d'emplois.

Mieux lutter contre le chômage passe par l'expérimentation, avec le projet d'ATD Quart-Monde, repris dans la proposition de loi que vous avez évoquée.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je soutiens cet amendement. Pour faire reculer le chômage, il faut relancer l'investissement et le pouvoir d'achat, et non passer par une politique de l'offre contracyclique.

Les territoires les plus touchés méritent des instruments spécifiques. On se raconte beaucoup de bobards sur les emplois disponibles. Dans une région que je connais, il s'agissait de CDD très courts et sans avenir.

Dans cet amendement, tout chômeur de plus de six mois se verrait proposer un bilan de compétences ; tout chômeur de plus d'un an aurait un statut de stagiaire de la formation professionnelle avec un accompagnement sérieux. Voilà qui permettrait de suivre le fameux modèle nordique de sécurisation de l'emploi. Le volontarisme de la puissance publique sera plus efficace qu'une plus grande flexibilité du travail.

M. Gaëtan Gorce.  - Le pays vit depuis les années 80 un chômage de masse. Tous les Gouvernements ont dit qu'ils en faisaient leur priorité, mais sauf entre 1997 et 2002, avec la réduction du temps de travail, ils ont tous fait le contraire.

Certes, réduire le chômage ne réglerait pas tout. Mais le chômage est à l'origine de tous les problèmes que nous connaissons. Les jeunes, les chômeurs de plus de 50 ans n'ont plus aucune perspective. Il faut y mettre les moyens Je suis stupéfait qu'on n'organise pas les politiques territoriales de l'emploi autour d'objectifs clairs plutôt que décliner les politiques nationales. Un conseiller de Pôle Emploi dans la Nièvre doit suivre 80 à 90 chômeurs en difficulté, 200 à 250 chômeurs s'ils ne sont pas en difficulté...

M. Alain Joyandet.  - Pourquoi créer une administration nouvelle ? Vous avez raison dans votre analyse, mais laissons faire les régions, c'est leur rôle. Certaines ont expérimenté des solutions intéressantes, font du cousu-main dans les territoires.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Il y a effectivement une multiplicité de dispositifs ; le problème est celui de la coordination des acteurs. Mais nul besoin pour cela d'une nouvelle instance : les élus territoriaux, les préfets, les sous-préfets agissent ; qu'attend-on pour les coordonner ? Je l'ai fait dans mon département avec le soutien de la préfecture. Il faut le faire au plus proche des bassins d'emplois. On ne crée peut-être pas d'emploi, mais on fluidifie le marché du travail.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Dans le cadre du plan d'urgence lancé le 18 janvier 2016, Pôle Emploi a signé des conventions avec les régions. Je ne crois pas qu'il y ait 400 à 500 000 emplois non pourvus mais 180 000 à 200 000 temps pleins, dans les métiers de bouche ou l'industrie notamment. Des partenariats sont noués dans les bassins d'emploi avec les Crefop.

L'objectif est de construire le parcours du demandeur d'emploi, pour cibler les efforts sur ceux qui en ont le plus besoin. Ce plan n'est mis en oeuvre que depuis avril. L'objectif n'est pas d'envoyer les demandeurs d'emploi dans des stages parking, mais dans des stages qui débouchent sur un CDI. Un milliard d'euros supplémentaires ont été débloqués à cette fin. Nous travaillons aussi à la gouvernance des missions locales.

Je suis ancienne secrétaire d'État à la politique de la ville, nous priorisons certains territoires. Il y a beaucoup d'acteurs, c'est vrai, mais avec le plan 500 000 actions de formation, nous améliorons la coordination.

L'amendement n°180 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

Mme Laurence Cohen .  - Comment taire une évidence ? Le code du travail est dégradé par les dérogations. Madame la ministre, vous vouliez le simplifier, mais en réalité vous le complexifiez : la norme pourra être différente selon les entreprises. D'après un collectif d'universitaires, le texte augmenterait en volume de 27 %...

Vous proposez d'adapter l'être humain aux besoins du marché de l'emploi. Est-ce un progrès ? L'article premier pose les grands principes... Où sont les nouvelles libertés, les nouvelles protections ? Pourquoi ne pas avoir récrit le code du travail en donnant aux temps partiel les mêmes droits qu'aux salariés à temps plein, qui favorise les petites entreprises plutôt que les grandes, qui sécurise les parcours professionnels et encourage la démocratie au sein des entreprises?

Mme Annie David .  - Cet article premier n'a rien d'anodin malgré les apparences : la commission qu'il crée met hors-jeu les principaux concernés.

De plus, cette commission doit présenter « l'intérêt d'accorder la primauté à la négociation d'entreprise ou à celle de branche. » Nous contestons le principe même de l'inversion de la hiérarchie des normes. C'est un symbole de l'autoritarisme qui préside à l'examen de ce projet de loi.

Un article du Monde, le 12 mai 2015, rapportait que la majorité sénatoriale proposait une telle commission avec les mêmes objectifs, dans un amendement approuvé le 7 mai : vos services n'ont pas eu à beaucoup travailler pour écrire cet article (on se gausse à droite). Multiplier les dérogations avec guide le patronat, ce n'est pas notre vision du progrès social...

M. Gaëtan Gorce .  - Contrairement aux apparences, beaucoup de sénateurs socialistes se posent des questions. Le code du travail pèse-t-il sur le développement des entreprises ? La gauche, le mouvement syndical ont toujours considéré que non, que la loi protégeait les salariés. Entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit... Avec d'autres, je suis fier de notre code du travail, résultat de luttes, de compromis, de ruptures qui ont construit notre droit social.

Vous voulez encourager la négociation collective ; mais laquelle ? Pour négocier, il faut du grain à moudre, disait André Bergeron... Avec l'article premier, ce sont les acquis.

Enfin, le timing ne laisse pas d'étonner : la commission rendra ses conclusions après les prochaines présidentielles et législatives... J'ignore si ce Gouvernement sera à nouveau aux affaires à ce moment-là... S'il ne l'est pas, il aura donné toute légitimité à son successeur de remettre en question le code du travail... (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Vieux débat que celui-ci entre loi et contrat, qui oppose historiquement droit anglo-saxon et droit républicain.

Nous, nous considérons que l'intérêt général défini par la loi est supérieur au contrat signé entre des parties, car celles-ci peuvent vouloir ponctuellement ensemble une concession contraire à l'intérêt général. Or vous mettez le contrat au-dessus du droit républicain. Les sociaux-démocrates prétendaient en Allemagne que la négociation entre partenaires sociaux était préférable au Smic parce que plus profitable aux salariés. Avec la pseudo-mondialisation heureuse, ils découvrent que le rapport de forces a changé et que sans la loi tout y passe, que le modèle social est démantelé.

Mme la présidente.  - Amendement n°40, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

M. Dominique Watrin.  - Le Gouvernement a finalement renoncé à présenter dans l'article premier les 61 principes du code du travail issus des rapports Badinter et Combrexelle ; il n'a conservé que l'inversion de la hiérarchie des normes et une commission d'experts... Nous nous opposons au règne des experts et sommes attachés à la souveraineté populaire. Nous refusons le dessaisissement du Parlement. D'autant qu'un rapport de l'OCDE de 2011 a établi qu'il était impossible de faire le lien entre droit du travail et compétitivité des entreprises.

Le principe de faveur n'est pas une option ; il est le corollaire du lien de subordination. C'est ce principe que sous couvert de simplification vous voulez supprimer. Ce n'est pas une commission de simplification que propose l'article, mais une commission de dérégulation.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Avis défavorable à la suppression de l'article que la commission a réécrit, de manière à éviter le dessaisissement que vous dénoncez. La commission ne fera que des préconisations, sur lesquelles le politique devra se prononcer. Si la majorité est communiste à ce moment-là, elle n'en retiendra sans doute pas la même chose que si elle est issue de la droite et du centre... Vous parlez d'inversion de la hiérarchie des normes ; en réalité, c'est la loi qui prévoit des dérogations, organise les compétences et il existe toujours un ordre public. La commission devra identifier dans chaque secteur le meilleur niveau de négociation, qui ne sera pas toujours celui de l'entreprise. Sur la formation professionnelle par exemple, ce pourrait être la branche.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je n'ai jamais opposé droit du travail et droit au travail.

Nous voulons doper la négociation collective, donner de nouveaux droits aux salariés tout en renforçant la capacité d'adaptation des entreprises. L'objectif est d'encourager l'emploi durable. Bien sûr, la loi protège, qu'on ne nous fasse pas de faux procès. Mais le système est à bout de souffle, de trop nombreuses dérogations sont venues complexifier le code du travail. Le niveau le plus pertinent n'est pas toujours l'entreprise ; cela peut être la branche. Mais c'est l'entreprise qui l'est pour le quotidien des salariés.

La disposition que vous citez était une recommandation du rapport de Jean-Denis Combrexelle - je n'étais pas ministre du travail à l'époque. Avis défavorable.

M. Alain Néri.  - « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément »... Le code du travail est déjà très lourd, très compliqué... Et vous nous proposez 219 pages supplémentaires : est-ce la simplification annoncée ? Prenons le temps de dépoussiérer le code du travail, mais dans une véritable négociation entre partenaires sociaux. La loi protège, nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours ! L'entreprise connaît des affrontements, dont jaillit parfois le progrès social.

Dans les petites entreprises, les ouvriers n'osent pas s'opposer au patron, par crainte de lendemains qui ne chanteraient pas. Les accords de branche sont préférables. C'est la base du mouvement socialiste français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Comparer entre eux les codes du travail étrangers n'a pas grand sens : moins les règles sont nombreuses et précises, plus la jurisprudence est abondante...

Les salariés changent souvent d'entreprises ; si on vous suit, ils n'auront plus la même rémunération, ni les mêmes règles de décompte des heures supplémentaires. Ce sera un véritable maquis. L'urgence est ailleurs : comment la France doit organiser la démocratie sociale pour la mutation 4.0. ? Que va-t-on investir pour s'y adapter ? Il y a un besoin de négociation au niveau interprofessionnel, à celui de la branche... On ne va rien simplifier avec la multiplication des accords d'entreprise -  et on ouvrira la voie au dumping social.

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'amendement n°40 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°245 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 330
Pour l'adoption 23
Contre 307

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°455 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rédiger ainsi cet article :

Les États généraux pour un code du travail du XXIeme siècle sont réunis afin de proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail.

À l'occasion de ces États généraux, des groupes de travail thématiques seront créés. Les thématiques pourront être celles de la négociation collective dans la hiérarchie des normes, le renforcement du principe de faveur, les droits d'intervention des salarié-e-s dans l'entreprise. Un rapport de ces travaux sera remis au Gouvernement dans un délai d'un an.

M. Dominique Watrin.  - Sous couvert de modernisation, l'article réduit les droits des salariés : c'est une véritable régression par rapport à l'évolution du droit du travail depuis le XIXe siècle. Une commission d'experts non élus ne doit pas écrire le code du travail du XXIe siècle ; ce sont les représentants de la nation, les personnes concernées qui doivent le faire au cours d'états généraux. Des centaines de milliers de personnes se mobilisent et demandent à participer davantage à la prise de décision ; comment pouvez-vous les ignorer ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Avis défavorable. Les États généraux, c'est nous.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°455 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°181 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel.

I.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Adapter le code du travail aux mutations de l'économie en pérennisant les périodes de professionnalisations ;

II.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  L'article L. 6324-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 6324-1.  -  Les périodes de professionnalisation ont pour objet de favoriser par des actions de formation le maintien dans l'emploi de salariés en contrat à durée indéterminée. Dans les branches professionnelles déterminées par arrêté du ministre en charge du travail et concernées par des transformations profondes de la nature du travail effectué, liées en particulier à l'évolution des procédés techniques ou des formes d'organisation, chaque salarié bénéficie, dans un délai de cinq ans, d'une ou plusieurs périodes de professionnalisation visant à assurer son adaptation et son maintien dans l'emploi dans des conditions fixées par un accord collectif. »

M. Gaëtan Gorce.  - J'essaie de comprendre la logique qui nous amène à discuter de ce texte. L'ubérisation généralisée n'est pas très crédible ; on le voit aux États-Unis. La précarisation, elle, progresse, c'est certain.

Mais les vrais enjeux du monde du travail sont l'adaptation au progrès technique et à l'arrivée du numérique, la transformation des métiers, l'insuffisante qualification des salariés français, notamment en comparaison avec l'Allemagne. Le texte semble reposer, comme le CICE, sur l'idée que le code et le coût du travail sont à l'origine de toutes nos difficultés. Ce n'est pas le cas. Nous avons besoin d'une rédaction offensive et que l'État y mette les moyens.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Nous partageons le constat de la mutation accélérée de l'économie et des besoins croissants de formation. Nous avons un début de réponse aves le CPA, qui agrège les droits de formation. Laissons-lui le temps d'atteindre sa vitesse de croisière. Avis défavorable.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage.  - La loi du 5 mars 2014 a répondu à votre légitime préoccupation en renforçant les obligations des employeurs en termes de formation et en imposant notamment, dans celles de plus de trois salariés, la négociation d'accords sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Cette préoccupation est déclinée en région au sein d'instances ad hoc, qui incitent les entreprises à anticiper la mutation des métiers. Myriam El Khomri a évoqué cet après-midi le plan d'urgence en matière de formation : il s'inscrit dans ce cadre-là. Avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Les progrès dans l'accès à la formation professionnelle sont réels. Mais il faut bien plus, une révolution culturelle pour former tous les salariés menacés par les mutations technologiques. Il existe tant de dispositifs que personne ne s'en saisit. Systématiser les stages de formation, voilà qui lancerait la révolution culturelle dont nous avons besoin.

M. Gaëtan Gorce.  - Le DIF, le CPA sont des dispositifs individuels, qui laissent les salariés dans une très grande précarité. C'est d'un encadrement collectif que nous avons besoin. L'obligation pesant sur les employeurs date en fait de la loi de 2005, et son bilan est fragile : le niveau de l'entreprise n'est pas le bon et le volontarisme fait défaut.

Quant au grand plan de formation que nous appelons de nos voeux, voilà vingt ans que Jacques Delors en parle, lui qui confiait récemment être passé de la droite du parti socialiste à sa gauche sans changer de position... Pour nous, l'État doit intervenir pour stimuler la négociation sociale. Comme sur toutes les questions touchant à l'emploi, les discours sont nombreux depuis vingt ans, les actes bien moins.

Mme Annie David.  - Robin Rivaton nous a longtemps entretenus, à la délégation à la prospective, des mutations économiques et des besoins de formation engendrés par la révolution numérique ; généraliser les « périodes de professionnalisation », dans ce contexte, est un impératif absolu : nous voterons cet amendement.

M. Olivier Cadic.  - Un petit éclairage à l'attention de M. Gorce : au Royaume-Uni, la formation professionnelle relève du niveau de l'entreprise. Une étude du Cercle d'outre-Manche a révélé que les salariés formés étaient, en conséquence, plus nombreux.

M. Christian Cambon.  - Bien sûr !

L'amendement n°181 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°182 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Renforcer les garanties des salariés face aux mutations économiques ;

M. Gaëtan Gorce.  - La rédaction de la commission me surprend. Le droit du travail a d'abord pour objet de rééquilibrer le rapport entre salarié et employeur, de fixer des règles touchant à la sécurité, à l'hygiène, à l'équilibre des négociations, aux droits fondamentaux, pas d'assurer la compétitivité...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - « Protéger les droits et libertés fondamentales des travailleurs » vient avant dans notre texte ! Au reste, ces objectifs ne sont pas incompatibles... Avis défavorable.

Jacques Delors considère que sa position n'a pas évolué... La nôtre non plus. (Sourires) Le Gouvernement est donc venu épouser nos convictions, tard certes, mais nous nous en réjouissons !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - M. le rapporteur va déchanter, mais nous sommes bien sociaux-démocrates, et tenons à ce que certaines règles - sur la durée du travail par exemple - figurent dans la loi.

Le droit du travail a pour objectif de protéger le salarié, en effet ; nous ne le remettons pas en cause. Mais il doit aussi s'adopter aux mutations, ce que nous permettons en facilitant les accords locaux - en leur absence, le droit actuel s'appliquerait.

Le Gouvernement s'oppose au texte de votre commission en ce sens que la commission d'experts, selon nous, doit travailler à droit constant. Ce n'est pas à elle de faire évoluer le droit, c'est le rôle des parlementaires. Par conséquent, avis défavorable à tous les amendements qui lui fixeraient des objectifs autres.

L'amendement n°182 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°183 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Diminuer le chômage, en prévoyant qu'un accord de branche fixe les conditions dans lesquelles les salariés en formation sont automatiquement remplacés pendant la durée de celle-ci par un demandeur d'emploi préalablement préparé ;

M. Gaëtan Gorce.  - Le niveau de formation des actifs est insuffisant, en raison du fonctionnement du système scolaire pendant très longtemps, et du fait que le système de formation continue ne profite qu'aux personnes déjà formées. Cet amendement, ainsi que le suivant, s'inscrit dans la perspective d'un grand plan de formation et de qualification. Je propose un dispositif qui a fait recette au Danemark, la job rotation.

M. Christian Cambon.  - Vous devriez faire un stage en entreprise !

M. Gaëtan Gorce.  - N'est-ce pas là la tradition sociale-démocrate dont se réclame la ministre ? Étrange, d'ailleurs, d'employer ce vocable obsolète en signe de modernité politique. Je crains que l'on n'en fasse de même du code du travail...

Mme Nicole Bricq.  - Oh la la...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Avis défavorable. L'idée n'est toutefois pas inintéressante, et les modèles étrangers mériteraient d'être examinés de près, car ils ont leurs équilibres propres.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - J'ai le plaisir de vous annoncer, monsieur Gorce, qu'un tel dispositif est en cours d'expérimentation dans les entreprises de moins de 50 salariés : attendons son évaluation avant de le généraliser.

Quant à votre amendement suivant, il est lui aussi largement satisfait. La loi du 5 mars 2014 a réformé la formation professionnelle dont les principes sont désormais déclinés territorialement ; les salariés bénéficient désormais de conseils en évolution professionnelle pour choisir, eux-mêmes, les formations qui leur conviennent. Avec le compte personnel de formation, les droits à formation sont devenus transférables, et les moins qualifiés ont accès à une première certification au socle de connaissances et de compétences professionnelles, le CléA. S'y ajoute le plan de formation de 500 000 personnes, doté d'un milliard d'euros et décliné par les régions jusqu'au niveau des bassins d'emplois, afin de répondre aux besoins dans les secteurs d'avenir - transition énergétique, numérique...

M. Alain Néri.  - La formation est une condition de compétitivité de nos entreprises. Ce n'est pas nouveau : Jules Ferry souhaitait aussi, en phase d'industrialisation, fournir les compétences de base aux entreprises.

Mais qu'en est-il, madame la ministre, de la formation des jeunes en alternance ? Les familles peinent souvent à trouver un employeur à temps, et les jeunes se retrouvent durablement sans formation. Certains organismes font même payer jusqu'à 5 000 euros leurs formations théoriques, sans garantie de trouver un employeur. On ne se contentera pas des psalmodies de M. Gattaz... Où est le million d'emplois promis ? Où sont les formations en alternance, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)

M. Martial Bourquin.  - Je voterai cet amendement car une formation en situation de travail est toujours plus profitable.

M. Christian Cambon.  - Avez-vous déjà travaillé en entreprise ?

M. Martial Bourquin.  - En Allemagne, le coeur des conventions collectives bat dans les branches - les accords d'entreprise restant possibles s'ils sont plus favorables. Vouloir mettre la branche de côté n'est pas une bonne idée. J'ai moi-même conduit en tant que syndicaliste des accords de branche qui se sont révélés bénéfiques pour tous, employeurs et salariés.

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. Gaëtan Gorce.  - On nous demande si nous avons exercé en entreprise. Et vous, qui avez voté la loi Renseignement, avez-vous été agents secrets ? Avez-vous été syndicalistes, comme Martial Bourquin ? Le propre d'un parlementaire, c'est de légiférer sur tous les sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Le plan de formation que je propose, madame la ministre, s'adresse à ceux qui ont déjà un emploi, d'où l'intérêt de l'articuler avec la rotation. Les baisses continues de cotisations, concentrées sur les bas salaires encouragent au contraire la baisse des qualifications, donc du pouvoir d'achat !

M. Olivier Cadic.  - Pendant la grande crise de 2008, certains salariés d'entreprises britanniques ont accepté de travailler trois jours par semaine pour ne pas être licenciés. Voilà ce qu'il faut retenir du modèle anglais : laisser les acteurs économiques se prendre en charge, faire confiance aux gens. Loin de moi l'idée d'opposer l'entreprise à la branche, parfois utile, mais il faudrait aussi reconnaître aux entreprises la liberté d'adhérer ou non à une branche.

L'amendement n°183 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°184 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Permettre la mise en oeuvre d'un grand plan de formation et de qualification grâce auquel chaque salarié disposant d'un niveau de formation inférieur au niveau 4 bénéficie d'actions de formation lui permettant d'accéder au minimum au niveau immédiatement supérieur dans un délai de cinq ans. Ces actions sont définies et mises en oeuvre dans chaque branche professionnelle par accord collectif ;

M. Gaëtan Gorce.  - Je l'ai défendu.

L'amendement n°184 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°115 rectifié, présenté par MM. Antiste, Cornano, Desplan et Karam et Mme Jourda.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Garantir par des sanctions appropriées une égalité salariale effective entre femmes et hommes occupant un poste équivalent, à ancienneté et compétence égales ;

M. Maurice Antiste.  - Introduit il y a un demi-siècle en droit français, le principe « À travail égal, salaire égal » n'est toujours pas respecté, puisqu'un écart de 10 % environ entre femmes et hommes subsiste pour des emplois équivalents. La « refondation » de la partie législative du code du travail doit être l'occasion d'imposer des sanctions suffisamment dissuasives.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Nous partageons tous l'objectif, l'égalité des rémunérations était d'ailleurs l'un des principes retenus par le rapport Badinter. Mais elle est comprise, selon nous, dans la protection des droits et libertés fondamentales des travailleurs. La loi de 2006 a sanctionné les entreprises contrevenantes d'une amende égale à 1 % de la masse salariale, ce qui n'est pas rien. Avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis défavorable. La commission, je l'ai dit, devra travailler à droit constant.

Cela ne m'empêche pas de partager votre objectif, naturellement. C'est d'ailleurs pourquoi le Gouvernement a encadré le recours au temps partiel, et veille à faire respecter la loi : 2 100 entreprises ont fait l'objet d'une mise en demeure, mais 34 % seulement des entreprises comptant entre 50 et 299 salariés sont couvertes par un accord en la matière. Quelque 6 % des entreprises mises en demeure font l'objet de sanctions, qui ont rapporté 408 000 euros. Nous recherchons les moyens de diffuser ces accords dans les petites entreprises.

M. Maurice Antiste.  - Pourquoi ne pas rappeler le principe, si tout le monde est d'accord ?

Mme Laurence Cohen.  - Nous sommes en effet en 2016 et les lois en la matière, nombreuses, ne sont pas appliquées ! Il en résulte un manque à gagner de 52 milliards d'euros pour la protection sociale, ce qu'un magistrat à la Cour des comptes n'a pas infirmé devant moi, se contentant de signaler que l'égalité salariale ouvrirait aussi des droits nouveaux, bien sûr !

« Tendre à » la parité, comme le veut l'article 1er à propos de la composition de la commission d'experts, ras-le-bol ! Assez de contournements de la loi ! L'égalité entre les femmes et les hommes doit être respectée, un point c'est tout. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Maurice Antiste applaudit aussi)

M. Gaëtan Gorce.  - Les choses existent déjà, entend-on à tout propos, en matière de formation ou d'emploi tout autant. Ce que les électeurs veulent, ce sont des actes. Pas étonnant, si l'on en reste aux intentions, qu'ils nous sanctionnent dans les urnes.

Mme Corinne Bouchoux.  - Voilà typiquement le genre d'amendements que nos concitoyens ne comprendraient pas que nous ne votions pas : nous sommes tous d'accord sur le fond !

M. Olivier Cadic.  - Le code pénal distingue vingt-et-un motifs de discrimination. Si l'on vous suivait, pourquoi ne pas les mentionner tous ici ? C'est contre toutes les discriminations qu'il faut lutter.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je me suis bornée à dire que la commission de refondation n'avait pour objectif que de faire des propositions sur la place de la négociation collective, non de réviser le droit...

Le Gouvernement ne se contente pas de mots en la matière, il agit. C'est bien parce que je considère l'égalité hommes-femmes comme un sujet de grande importance que je demande tous les mois à mes services un bilan des contrôles.

Enfin, monsieur Gorce, vous mettez en doute notre volonté réformatrice, mais lancer un plan de formation destiné à 500 000 personnes qui attendaient depuis six ou huit mois, n'est-ce pas rendre de la crédibilité à la politique ?

M. Alain Néri.  - La première fonction du Parlement, c'est de faire la loi pour protéger les citoyennes et les citoyens, conformément aux valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité qui sont celles de la République. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de renforcer l'égalité salariale entre femmes et hommes. Si l'on est pour, on vote pour !

M. Alain Joyandet.  - L'entreprise est toujours suspectée de mal agir ; pourquoi ne pas plutôt instaurer une prime pour les entreprises qui respectent l'égalité salariale ?

M. Alain Néri.  - Ainsi que pour les automobilistes qui respectent les feux rouges ? Quelle bonne idée !

Mme Cécile Cukierman.  - Dans ce domaine, nous ne suspectons pas, nous constatons ! L'inégalité salariale femmes-hommes est une triste réalité quotidienne, qui fait l'objet des mêmes articles de presse tous les 8 mars. Sanctionnons les entreprises qui ne respectent pas la loi !

M. Alain Joyandet.  - Je préfère la carotte au bâton !

Mme Nicole Bricq.  - L'article premier crée une commission chargée de réécrire le code du travail à droit constant : c'est à nous, pas à elle, de modifier la loi ! Nous y reviendrons, de plus, dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°115 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Nous avons examiné huit amendements. Il en reste 887.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 14 juin 2016, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit quarante.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus