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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Questions prioritaires de constitutionnalité
Garantie individuelle du pouvoir d'achat
Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique
Recul de la vaccination en France
Sort des communes associées au sein d'une commune nouvelle
Schémas départementaux de coopération intercommunale et organisation scolaire
Critères de calcul de la dotation de solidarité communautaire
Reconnaissance du diplôme de psychomotricien obtenu en Belgique
Décompte des indemnités kilométriques en zone de montagne par la CPAM de l'Isère
Excédents de gestion des caisses d'allocations familiales
M. Antoine Lefèvre, en remplacement de Mme Christiane Hummel
Pratiques douteuses de Vortex mobilité
Prorogation des concessions hydrauliques
Moyens alloués à l'Autorité de sûreté nucléaire
M. Jean-Yves Roux, en remplacement de M. Michel Berson
Séquelles de l'après-mine en Lorraine
Hôtellerie de plein air et normes
Demi-part des vieux parents et budgets locaux
Ateliers et chantiers d'insertion
Effectifs d'enseignants dans le Val de Marne
Renvoi des réfugiés en Turquie
Validité des cartes d'identité
Enseignement français à l'étranger
Bilan annuel de l'application des lois
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes
Mise en oeuvre de la transition énergétique
M. Jean-Claude Lenoir, au nom du groupe Les Républicains
Économie bleue (Conclusions de la CMP)
M. Didier Mandelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. Jean Bizet, au nom du groupe Les Républicains
Ordre du jour du mercredi 8 juin 2016
SÉANCE
du mardi 7 juin 2016
106e séance de la session ordinaire 2015-2016
présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président
Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac, M. Jackie Pierre.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 2 juin 2015 relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires.
Il a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à celle des lois.
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 3 juin 2016, deux décisions relatives, respectivement, à une question prioritaire de constitutionnalité et à la répartition des compétences entre l'État et les collectivités d'outre-mer, portant sur les règles de formation, de composition et de délibération de la cours d'assises de Mayotte et diverses dispositions de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.
Garantie individuelle du pouvoir d'achat
M. Bruno Sido . - Ma question porte sur la garantie individuelle du pouvoir d'achat (Gipa), rémunération complémentaire des fonctionnaires et agents publics créée en 2008 et qui a pris tout son sens à partir de 2010, puisque le point d'indice a été gelé. Au passage, le secteur privé n'est pas concerné par un tel mécanisme. Serait-il moins méritant que le secteur public, alors que tout le monde est assujetti à l'impôt et finance l'État providence ? Au-delà de l'existence même de cette prime, qui concerne tous les employeurs publics, son calcul est surprenant : elle est versée tous les ans, pour la période des quatre années précédentes, sans tenir compte des Gipa déjà reçues, et ce, en application d'une formule de calcul obligatoire. Je tiens à votre disposition les chiffres des conseils départementaux : le coût serait de 130 millions d'euros par an. Le différentiel est compté quatre fois de suite pour les mêmes années. En définitive, la somme payée tous les ans équivaut à ce qui était prévu tous les quatre ans. Confirmez-vous ou infirmez-vous mon chiffre ? Et quelles mesures comptez-vous prendre pour rendre cette prime plus conforme à son objet initial ?
Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique . - Le sujet inquiète de nombreux fonctionnaires de catégorie C ou de plus de 50 ans, que je rencontre régulièrement sur le terrain.
Si l'évolution du traitement a été inférieure à celle de l'indice des prix, la Gipa compense en effet ce décalage. Elle était calculée tous les quatre ans initialement. Mais le dispositif a été renouvelé et elle s'applique tous les ans depuis l'origine. Ce sera pareil cette année.
Je vous rappelle tout de même que le gel du point d'indice a permis de faire une économie de 7 milliards d'euros : les fonctionnaires ont largement contribué au redressement des comptes publics. Les sommes de la Gipa sont bien faibles en comparaison... Dans la fonction publique d'État, un peu plus de 149 000 agents en bénéficient, pour un coût de 109 millions d'euros ; dans la fonction publique territoriale, 159 000 agents, pour 75,8 millions d'euros, selon les chiffres de 2012 ; et dans la fonction publique hospitalière, 36,2 millions seront versés à ce titre.
J'ai demandé un bilan chiffré plus fin pour procéder à une évaluation plus précise. Il demeure que les sommes sont bien modestes au regard de la finalité sociale de cette prime : éviter le décrochage salarial des agents publics les plus modestes. Avec le protocole sur les Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) pour 2016-2020 et le dégel du point d'indice décidé en mars dernier, le Gouvernement a tenu ses engagements de soutenir le pouvoir d'achat des fonctionnaires. Le montant de Gipa en 2017 en sera mécaniquement amoindri : c'est une bonne nouvelle pour les fonctionnaires.
M. Bruno Sido. - L'objectif était le rattrapage de la perte du pouvoir d'achat, pas le quadruplement ! Il faut revoir le mode de calcul de la Gipa.
Recul de la vaccination en France
M. Didier Guillaume . - Ma question peut sembler en décalage avec l'actualité... Elle n'en est pas moins essentielle : je veux attirer l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le recul de la vaccination en France. En effet, on observe une recrudescence de certaines pathologies qui avaient presque disparu, par exemple la rougeole. La vaccination rougeole-oreillons-rubéole (ROR) est en net recul, comme celle contre la méningite. C'est que la population a perdu confiance dans la nécessité de se faire vacciner, en raison notamment de nombreux articles de presse, et parce que les gens croient qu'ils ne risquent plus rien.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour réhabiliter la politique vaccinale ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales . - Nous partageons ce constat. Cette année, 47 % des personnes ciblées par la campagne de vaccination contre la grippe ont été effectivement vaccinées, loin de l'objectif de l'OMS, 75 %. La vaccination des jeunes femmes contre le papillomavirus n'atteint que 17 % en France contre 80 % au Royaume-Uni, en Belgique ou au Danemark.
Après la remise du rapport de Sandrine Hurel en janvier, un plan pour la rénovation de la politique vaccinale a été lancé par le Gouvernement ; il s'accompagne depuis fin avril d'un site dédié géré par l'Agence nationale de santé publique.
Nous sécurisons l'approvisionnement des vaccins. Mme Touraine rencontrera prochainement les producteurs et distributeurs pour éviter à l'avenir les pénuries sur certains territoires.
Nous chercherons également à convaincre nos concitoyens de l'intérêt de la vaccination. Une grande consultation, dont le pilotage a été confié au professeur Fischer, se tiendra tout au long de cette année ; les résultats seront communiqués à la ministre dès la fin de l'année.
M. Didier Guillaume. - Merci. Nos concitoyens doivent comprendre que la vaccination est essentielle à la santé de tous.
Sort des communes associées au sein d'une commune nouvelle
M. Philippe Mouiller . - Ma question porte sur le sort des communes devenues communes associées par une fusion-association menée en application de la loi du 16 juillet 1971 dite loi Marcellin, lorsqu'elles souhaitent se regrouper sous le statut de commune nouvelle.
Cette question n'avait pas été traitée dans la loi du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle ; et des divergences d'interprétation sont apparues quant au sort de ces communes associées. Celles-ci n'envisagent de participer à la création d'une commune nouvelle qu'à la condition de conserver leur statut de commune déléguée.
La proposition de loi Bruno Sido a, depuis, complété le dispositif en précisant le devenir des communes associées issues de la loi de 1971. Adoptée au Sénat puis, tout récemment, à l'Assemblée nationale, elle doit à présent faire l'objet d'une seconde lecture, très attendue par les maires. Certains, comme dans les Deux-Sèvres, attendent les nouvelles dispositions légales pour délibérer...
Le Gouvernement est-il disposé à soutenir une adoption rapide de cette proposition de loi ? Selon quel calendrier ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales . - La loi Marcellin a la première créé un régime juridique permettant la fusion des communes. Les anciennes communes n'accueillant pas de chef-lieu, avaient la possibilité de devenir communes associées et de conserver tant leur nom que leur périmètre... Régime menacé en cas d'entrée dans le régime des communes nouvelles. Sur 317 communes nouvelles constituées au 1er janvier dernier, 32 communes associées, dont 18 issues de la loi Marcellin, sont concernées.
La proposition de loi de Bruno Sido, adoptée à l'Assemblée nationale le 1er juin dernier, apporte la modification législative que vous souhaitez. Vous pourrez rassurer vos collègues : le Gouvernement soutiendra ce texte.
M. Philippe Mouiller. - Merci.
Schémas départementaux de coopération intercommunale et organisation scolaire
M. Bernard Fournier . - La réorganisation territoriale s'articule autour d'un document déterminant : le schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI), qui a vocation à réunir les différentes fusions qui auront lieu dans chaque département, à modifier les périmètres ou encore à supprimer les syndicats.
Malheureusement, certains projets préfectoraux relatifs aux SDCI incitent fortement à la suppression des syndicats scolaires et au transfert de la compétence scolaire des communes aux intercommunalités. Cette pression est d'autant plus intolérable que la compétence scolaire ne figure pas au rang des compétences obligatoires des communautés de communes. La refonte intercommunale a ainsi des conséquences sur le niveau de gestion et sur l'organisation du territoire scolaire, et les spécificités des écoles rurales sont méconnues. Les préfets disposent d'une marge d'appréciation sur la survie ou non de syndicats intercommunaux à vocation scolaire, au sein desquels les élus gèrent pourtant de façon consensuelle et efficace la compétence scolaire. La menace qui pèse sur certains regroupements pédagogiques est particulièrement déstabilisante et de nature à perturber l'organisation scolaire locale.
Les maires ruraux de France veulent une politique éducative ambitieuse, assurant un aménagement du territoire juste et équilibré et un égal accès à l'école de la République. La question scolaire doit être partie intégrante du projet de territoire et ne pas faire l'objet d'arbitrages liés à des intérêts autres que celui de l'enfant.
Que compte faire le Gouvernement pour pérenniser les syndicats scolaires ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales . - La compétence scolaire relevant des communes est sécable entre les bâtiments scolaires - investissement et fonctionnement - et le service des écoles, qui recouvre mobilier, fournitures, gestion et recrutement du personnel de service. Chaque communauté de communes peut se voir transférer l'une ou l'autre compétence, ou les deux simultanément. La charge des bâtiments scolaires est une compétence historique des communes ; les regroupements et mutualisations ont précédé leur formalisation dans les cartes intercommunales.
Certes, avec la loi NOTRe, le Gouvernement a voulu favoriser l'émergence d'intercommunalités aux moyens renforcés. Mais dans les fusions d'EPCI, le choix de l'échelon de gestion de la compétence scolaire revient toujours aux élus ; une compétence optionnelle des EPCI préexistant à la fusion est exercée à titre transitoire par le nouvel EPCI pendant trois mois (porté à un an par l'article 35 de la loi NOTRe dans le cadre des SDCI) selon les modalités de gestion préexistantes à la fusion.
De plus, en vertu de la loi Pélissard-Sueur, il est toujours possible de créer des syndicats scolaires « petite enfance » et action sociale, lorsqu'un EPCI à fiscalité propre se constitue mais ne prend pas cette compétence.
Enfin, le dernier Comité interministériel des ruralités, à Privas, a donné lieu à des décisions pour soutenir l'école rurale. Quinze conventions sont déjà signées par des départements avec des territoires volontaires pour organiser des regroupements et mises en réseau. Conformément au rapport remis par le sénateur Duran, le Gouvernement poursuit sa démarche souple et modulable.
M. Bernard Fournier. - Ces précisions sont moyennement satisfaisantes. La gestion au plus près des réalités du terrain serait sage... Ne détruisons pas des structures qui fonctionnent.
Critères de calcul de la dotation de solidarité communautaire
M. Patrick Abate . - La dotation de solidarité communautaire (DSC) répond à un besoin de péréquation au sein des intercommunalités. Cette source de revenus, essentielle pour lutter contre la fracture territoriale, est répartie en tenant compte prioritairement de l'importance de la population et du potentiel fiscal ou financier par habitant, les autres critères étant fixés librement par le conseil communautaire. Ces critères prioritaires peuvent cohabiter avec des critères complémentaires laissés à la discrétion des intercommunalités. Dans un arrêt du 9 octobre 2007, la Cour administrative d'appel de Paris a simplement établi qu'à 20 % le poids des critères prioritaires était insuffisant.
Ainsi, dans certains territoires, même lorsque la règle est respectée, apparaissent de graves entorses à l'esprit de la DSC. Par exemple, dans une communauté de communes de mon département, 30 % sont affectés à un critère comme celui de la base de contribution foncière des entreprises (CFE) de chaque commune ; la DSC étant d'autant plus élevée que la CFE de la commune est importante. Dans ce cas, à quoi sert la DSC ? Il faut donc ajouter d'autres critères, logements sociaux, revenu médian par habitant, etc.
Comment faire prévaloir plus efficacement le caractère solidaire de la DSC ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales . - La loi impose des critères de répartition prioritaires : potentiel financier ou fiscal par habitant pour les communautés de communes et d'agglomération non signataires d'un contrat de ville ; revenu par habitant et potentiel fiscal et financier pour les autres EPCI.
Des critères complémentaires peuvent être décidés localement, conséquence de la libre administration des collectivités territoriales, à laquelle je vous sais attaché, monsieur le sénateur.
Un pacte financier et fiscal de solidarité doit au surplus être élaboré dans un délai d'un an après la signature d'un contrat de ville ; à défaut, l'EPCI doit mettre en place une dotation de solidarité communautaire. Un EPCI à fiscalité propre également, s'il est issu de la fusion d'EPCI où les écarts de potentiel fiscal ou financier dépassent 40 %.
De telles dispositions sont de nature à corriger les écarts de richesse et à concrétiser la solidarité entre les territoires, conformément à ce que vous souhaitez.
M. Patrick Abate. - Je ne demande nullement la remise en cause de la libre administration des collectivités territoriales.
Mais ce dispositif laisse la porte ouverte à des situations compliquées. Il ne devrait par exemple pas être possible de remettre en cause la solidarité en établissant des critères contradictoires avec les critères prioritaires. J'avais en vain déposé un amendement dans ce sens ; je reviendrai à la charge !
Reconnaissance du diplôme de psychomotricien obtenu en Belgique
M. Dominique Bailly . - De nombreux Français, notamment issus des Hauts-de-France, suivent leurs études de psychomotricité en Belgique. Cependant, les demandes d'autorisation d'exercice de ces diplômés sont actuellement gelées par le ministère des affaires sociales. Ces jeunes diplômés, sélectionnés pour des entretiens professionnels, prêts à être embauchés pour occuper des postes vacants, ne peuvent contractualiser avec un employeur faute d'autorisation d'exercice.
Alors que l'autisme ou la maladie d'Alzheimer sont déclarés causes nationales et afin de favoriser la libre circulation des compétences au sein de l'espace Schengen, le Gouvernement prévoit-il une procédure de reconnaissance de leur qualification en France ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Le problème est bien connu : la profession de psychomotricien n'est pas réglementée en Belgique. Les Français diplômés en Belgique ne peuvent donc pas justifier de deux ans d'exercice en Belgique pour obtenir une équivalence.
Marisol Touraine a décidé de prévoir la formation de 2 000 psychomotriciens supplémentaires dans les écoles françaises, faisant passer le quota d'entrée de 400 en 2010 à 920 en 2015, et elle a engagé une concertation avec les autorités belges pour que les étudiants français expatriés en Belgique voient leur formation reconnue. La formation complémentaire en France débouchant sur la validation d'un diplôme français. En attendant, une alerte sera publiée sur le site admission-postbac, et les autorités belges se sont engagées à communiquer dans le même sens.
M. Dominique Bailly. - La situation est ubuesque : des jeunes formés ne peuvent pas exercer alors que la demande est forte... Les jeunes - plusieurs centaines ! - doivent se voir rapidement offrir une formation complémentaire en France.
Décompte des indemnités kilométriques en zone de montagne par la CPAM de l'Isère
M. Michel Savin . - Ma question porte sur la récente décision de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère de ne plus prendre en charge les indemnités kilométriques de montagne au tarif « IK montagne » pour les professionnels de santé non installés dans une zone montagne, même si le domicile du patient se situait en zone montagne. Il en résulte une différence de quinze centimes d'euros par kilomètre parcouru dans le cadre des soins à domicile en zone montagneuse.
La CPAM met en péril les soins à domicile dans ces zones. Une telle mesure peut engendrer une perte nette pour les professionnels de santé de plus de mille euros par an et par patient dans certains cas. Les trajets en montagne sont plus longs qu'en plaine et plus coûteux, du fait des contraintes géographiques et de l'usure accrue des véhicules.
Cette modification de la prise en charge des indemnités kilométriques pourrait renforcer l'apparition de déserts médicaux dans ces secteurs montagneux où la demande en soins est, par ailleurs, croissante.
Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - La nomenclature de l'assurance maladie est claire. Les conditions d'exercice particulières des professionnels de santé en montagne justifient des règles particulières. C'est bien ce qui s'applique.
Il est vrai que des divergences d'interprétation sont apparues. C'est pourquoi la Cnam encourage les échanges entre les caisses et les professionnels. Des discussions ont lieu également entre l'Uncam et les représentants des infirmiers libéraux afin de promouvoir une règle homogène sur le territoire.
M. Michel Savin. - Il conviendra de communiquer rapidement les informations. Plus largement, on ne peut continuer à appeler au maintien des personnes âgées à domicile et ne pas garantir l'accès de tous aux soins...
Conséquences de la mise en place de la tarification à l'activité pour les établissements de soins en zone de montagne
M. Jean-Yves Roux . - Ma question porte sur les graves conséquences de la mise en place de la tarification à l'activité (T2A) pour les établissements de soins en zone de montagne.
La logique d'uniformisation qui prévaut désormais dans la gestion des hôpitaux ignore les différenciations entre établissements urbains et établissements de zones rurales ou de montagne. Les petits hôpitaux locaux, comme l'a souligné la Cour des comptes en 2013, ont des atouts spécifiques au bénéfice de certains territoires fragiles et en voie de désertification médicale ; ils supposent un pilotage plus en phase avec la patientèle âgée et souvent dépendante très particulière à ces territoires. Comment seront prises en compte ces recommandations dans les regroupements ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - L'accès aux soins est une priorité du Pacte territoires santé lancé par Mme Touraine en 2012. C'est pourquoi la ministre a entrepris de corriger des effets pervers de la T2A : les hôpitaux isolés sont soumis à des règles de tarification spécifiques. À ce titre, dans les Alpes de Haute-Provence, la maternité de Manosque a été soutenue à hauteur de 450 000 euros et le centre hospitalier de Digne, de 630 000 euros.
Aux termes du décret du 24 mai 2016, 250 établissements bénéficieront d'une tarification spécifique. Les hôpitaux de proximité seront assurés de revenus permettant de corriger les inégalités territoriales. Votre département pourra être concerné.
M. Jean-Yves Roux. - Je vous en remercie. Nous pourrons y revenir dans le cadre du projet de loi Montagne que nous discuterons d'ici la fin de l'année.
Excédents de gestion des caisses d'allocations familiales
M. Antoine Lefèvre . - Je veux attirer votre attention sur la récente information, reçue par la caisse d'allocations familiales (CAF) du département de l'Aisne, selon laquelle les excédents de gestion de 2014 ne lui seraient finalement pas restitués et ce, en totale contradiction avec la pluri-annualité budgétaire prévue dans la convention nationale d'objectifs et de gestion (COG) pour 2013-2017, déclinée dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de gestion.
Or ces moyens sont indispensables pour réaliser les investissements nécessaires - accessibilité aux handicapés, notamment. Nous demandons le respect de l'indépendance des caisses et le retour de ces sommes indûment prélevées.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Les pouvoirs publics sont attentifs à la situation de la branche famille à gérer la prime à l'activité. En 2015, 508 emplois d'avenir et 422 CDI ont été créés, notamment pour gérer la prime d'activité, puis 350 CDD supplémentaires en 2016 pour renforcer les CAF.
Les décisions prises concernant le budget d'investissement de la CAF de l'Aisne ne menacent nullement son activité. La Cnaf financera en totalité le programme immobilier lancé à Soissons, soit 1,3 million d'euros.
M. Antoine Lefèvre. - Je doute que les administrateurs de la CAF de l'Aisne soient très satisfaits de cette réponse... Nous restons attachés à la pluri-annualité budgétaire.
Rôle de l'État et des élus locaux pour l'hébergement des migrants et la scolarisation de leurs enfants
M. Antoine Lefèvre, en remplacement de Mme Christiane Hummel . - La question de Mme Christiane Hummel porte sur la situation des maires qui découvrent la présence, sur leur commune, de migrants à travers les inscriptions scolaires imposées par les services de l'État et dont personne ne les a informés. Des associations prennent en charge des déboutés du droit d'asile en les hébergeant quelque temps dans des hôtels de la commune. Les enfants sont scolarisés passagèrement dans les écoles, sans pouvoir s'intégrer ni comprendre ce qui leur arrive... La communauté éducative, les parents, les services municipaux doivent faire face à des situations incohérentes.
C'est le cas de la commune de La Valette-du-Var où, après la rentrée des classes, des enfants non francophones ont été inscrits par les services de l'État dans les écoles.
Ne faudrait-il pas assouplir l'obligation scolaire ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - La France s'est engagée à accueillir 30 700 personnes en besoin manifeste de protection. Le préfet du Var a sollicité en conséquence les communes du département en leur indiquant les modalités d'accompagnement proposées par l'État. À Montfort-sur-Argens, un couple avec un enfant a par exemple été accueilli le 25 janvier et bien intégré. On ne note pas d'augmentation sensible du nombre d'élèves allophones dans nos établissements : ils étaient 221 au premier avril, contre 380 en 2014-2015 ; 167 dans le second degré, contre 154 l'an dernier. Les élèves sont affectés après avoir été reçus par le centre d'accueil pour la scolarisation des nouveaux arrivants ; admis par le directeur, ils sont inscrits par la commune et elle seule.
À La Valette-du-Var, cinq enfants allophones sont scolarisés dans quatre écoles, sans que cela pose de problème particulier. Aucune structure d'hébergement de réfugiés n'existe mais deux familles de demandeurs d'asile, dont une avec deux enfants, ont ainsi été accueillies dans le parc d'hôtel privé. Avant de le quitter il y a quelques semaines, cet hébergement était donc très provisoire.
M. Antoine Lefèvre. - Lorsque les maires sont associés, comme à Laon, tout se passe mieux.
La séance, suspendue à 10 h 30, reprend à 10 h 40.
RER B
M. Vincent Capo-Canellas . - Les conditions de circulation sur le RER B sont un sujet ancien, bien connu et maintes fois traité. Je voudrais néanmoins prendre acte de la situation, saluer les efforts accomplis et les équipes qui travaillent sur cette ligne bien difficile à moderniser et réfléchir à la façon de franchir une nouvelle étape.
Avec 900 000 usagers quotidiens, le RER B est l'une des lignes les plus empruntées d'Europe - on pourrait d'ailleurs associer à la réflexion le RER A, dont le mode d'exploitation et la fréquentation sont proches. Cette ligne, grâce à laquelle les habitants du nord-est de l'agglomération parisienne accèdent au centre de Paris, relie les principaux pôles d'emploi ; elle est d'intérêt national puisqu'elle dessert l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Six ans de chantier, la réalisation de travaux de 650 millions d'euros, l'interopérabilité à la Gare du Nord ont permis d'améliorer la desserte et la fréquence. Pour autant, le résultat n'est pas à la hauteur des besoins. Je vous conseille pour en prendre conscience de vous abonner au compte Twitter de la ligne : panne de caténaires, malaises de voyageurs, matériels anciens même si rénovés - ce sont des R16 dont on a refait les sièges - occasionnent retards et annulations de train. Les usagers ont le sentiment que « sur le B, c'est toujours plus difficile qu'ailleurs. »
Des solutions existent pour avancer : doublement du tunnel entre Gare du Nord et Châtelet, révision de la gouvernance entre la RATP et la SNCF.
Comment le Gouvernement envisage-t-il d'améliorer les conditions de circulation du RER B au-delà des rustines, utiles mais insuffisantes, appliquées à la ligne ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - Merci d'excuser M. Vidalies, retenu au Luxembourg, par la réunion du Conseil « Transports ».
En 2013, la ligne B a vu aboutir le projet RER B Nord+ qui a consisté notamment en 260 millions d'euros d'investissement sur l'infrastructure et les gares. La création de la direction de ligne unifiée et l'installation du centre de commande unifié entre la SNCF et la RATP offrent désormais les conditions d'un pilotage efficace de l'exploitation. Enfin, les opérateurs et le Stif ont financé à parité la rénovation de 117 rames du RER B pour un coût total de 313 millions d'euros.
Les résultats sont déjà en net progrès : depuis 2012, ce ne sont pas moins de six points de ponctualité qui ont été gagnés. L'accès au Parc des Expositions du Bourget a été assuré dans de très bonnes conditions durant la COP21 en fin d'année dernière.
Toutefois, on ne peut pas se satisfaire de cette amélioration. C'est pourquoi le ministre Vidalies soutient le schéma directeur du RER B Sud, lancé en 2013. Le contrat de plan État-région lui réserve 1,3 milliard d'euros d'ici 2020.
Les actions les plus immédiates ont été entreprises, des mesures complémentaires sont progressivement étudiées et réalisées pour soulager le tronçon central actuellement saturé.
C'est ainsi qu'en 2016 débutent des travaux de modernisation de la signalisation au sud de la ligne et que des installations de dépannage des rames seront créées à Mitry.
M. Vincent Capo-Canellas. - Conscient des progrès accomplis, j'insisterai sur les chantiers qui restent devant nous.
Le schéma directeur du RER B Sud n'améliorera la desserte du tronçon Nord qu'à la marge. Le Charles-de-Gaulle Express, qui fait actuellement l'objet d'une enquête publique, oblige à se poser la question de la robustesse de la ligne. De fait, certaines lignes de secours ne pourront plus être utilisées.
Quand la ligne voit le nombre de ses usagers augmenter tous les ans, on a l'impression d'être condamné, comme Sisyphe, à pousser devant nous éternellement le même rocher. Peut-être est-il temps d'envisager une modernisation plus radicale. La présidente de la région est très mobilisée, il serait bon que le Gouvernement s'en rapproche.
Pratiques douteuses de Vortex mobilité
M. Éric Bocquet . - Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les pratiques de l'entreprise Vortex mobilité.
Chaque jour, ses 2 800 chauffeurs à temps très partiel, rémunérés en moyenne 350 euros nets par mois, transportent des milliers d'enfants sur les routes de quelque 70 départements. Les marchés publics représentent la quasi-totalité des activités de cette société, qui réalise un chiffre d'affaires annuel de 50millions d'euros. Vortex bénéficie d'importants allègements fiscaux, elle a notamment reçu 3,2 millions d'euros au titre de crédit d'impôt compétitivité emploi.
Le 25 novembre 2015, le cabinet Secafi a rendu un rapport accablant : défaut de visite médicale obligatoire, heures de travail non rémunérées, défaut de formation. Quatre inspecteurs du travail sont allés jusqu'à dresser procès-verbal dans l'Essonne, la Vienne, le Rhône et l'Hérault.
À l'intérieur de l'entreprise, des syndicalistes se battent depuis des années. Les parents d'enfants handicapés se manifestent auprès des départements pour dénoncer ces dysfonctionnements.
Vortex se porte bien grâce à un modèle économique en holding, qui permet de faire transiter la quasi-totalité des profits vers des sociétés tierces : plus de dix millions d'euros de dividendes y ont été reversés entre les années 2010 et 2015.
Des bénéfices, Vortex en a réalisé avec un simple tube de colle. Chaque jour, le chauffeur remplit une feuille de route qu'il remet à l'agence en fin de mois. Cette feuille est signée par le chauffeur, le chef de l'établissement scolaire et le directeur de l'agence locale. Des salariés ont découvert que des dizaines de ces feuilles ont été falsifiées pour gonfler la facture remise au département.
L'inquiétude grandit après lecture d'un article des « Échos », intitulé « Vortex mobilité veut devenir l'Uber des ambulances ».
Quelle réponse le Gouvernement peut-il apporter aux salariés, aux parents, aux enfants et aux contribuables ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - Veuillez excuser l'absence d'Alain Vidalies. Vos griefs contre Vortex sont graves. À notre connaissance, les syndicats dénoncent continûment depuis 2003 des violations du code du travail et des conventions.
Sur toutes ces questions, l'inspection du travail a fait les enquêtes et a engagé toutes les procédures qu'il lui revenait de faire. Alain Vidalies a, pour sa part, demandé au préfet de région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées d'instruire les éléments de contrôle en matière de réglementation sur les transports et d'apprécier, au vu des éléments dont il dispose, si ceux-ci justifieraient la saisine de la commission territoriale des sanctions administratives, chargée de faire respecter la discipline des transporteurs et de diligenter des suites pénales auprès du procureur si cela s'avère nécessaire.
Au-delà de ces procédures, pour détendre le climat social dans l'entreprise, les services de la DIRECCTE veillent au bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel en jouant un rôle de conseil auprès des salariés comme de la direction.
Le Gouvernement n'a donc pas pris les choses à la légère. Il est cependant trop tôt pour se prononcer sur les suites administratives ou judiciaires de cette affaire.
Quant à la surfacturation, c'est aux autorités organisatrices de transport de veiller à la bonne exécution des contrats.
M. Éric Bocquet. - Dans l'Ain, Vortex ne pose plus de problème, puisque le transport des enfants est assuré par une régie publique depuis 2014.
Prorogation des concessions hydrauliques
M. Daniel Chasseing . - Les élus s'inquiètent de l'avenir des concessions hydrauliques. Pour la Commission européenne, EDF, qui satisfait les élus, est en position dominante et pourrait ne pas se voir accorder la prolongation des concessions.
L'Espagne et l'Italie ont réglé la situation ainsi que l'Allemagne, par d'autres moyens. Les ensembles majeurs de la Dordogne-Truyère qui se trouvent dans le département de la Corrèze, du Cantal et de l'Aveyron représentent 15 % de la production hydraulique française. Ne pas proroger la concession à EDF nous priverait des 2 millions d'investissements prévus avec toutes les retombées que l'on connaît pour l'emploi et le développement local.
La prorogation pour quinze ans de l'ensemble Dordogne-Truyère est tout à fait possible, je vous renvoie à l'article 116 de la loi du 17 août 2015.
Madame la ministre, qu'en pense le Gouvernement ? Cette position est très attendue par les acteurs locaux.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - La sécurité en approvisionnement, la sûreté, le maintien des compétences dans les barrages sont dans nos priorités. La loi sur la transition énergétique a prévu le regroupement des concessions, leur prorogation en contrepartie d'investissements et la possibilité de créer des sociétés d'économies mixtes.
Fin octobre 2015, la Commission européenne a pourtant adressé une mise en demeure à la France, considérant que la position d'EDF dans l'hydroélectricité était anticoncurrentielle. Ségolène Royal l'a contesté, demandant que cette filière puisse être ouverte à la concurrence sans la déstabiliser. Les échanges se poursuivent.
M. Daniel Chasseing. - Pourquoi l'Europe est-elle toujours plus exigeante avec la France ? Les concessions ont été prorogées dans les autres pays. Le Gouvernement doit être ferme sur ce point.
Recyclage des déchets
M. Olivier Cigolotti . - Pour améliorer la valorisation des déchets, il est impératif de replacer l'État au coeur de la gouvernance globale des différentes filières REP. Aujourd'hui, cette gouvernance, constituée d'une architecture complexe d'observatoires et de commissions diverses, se trouve en pratique largement dominée par les metteurs sur le marché des produits soumis à REP. Le pouvoir de contrôle de la puissance publique doit être réaffirmé.
Depuis une vingtaine d'années, les éco-organismes constituent un mode de gestion des déchets original ayant contribué à l'augmentation des taux de collecte et de recyclage des déchets ménagers en France. Néanmoins, la concurrence entre éco-organismes n'est pas souhaitable ; cela encouragerait le dumping. Il serait bon de rationaliser progressivement la gouvernance au sein de chaque filière, afin qu'il n'y ait plus qu'un éco-organisme par flux de déchets.
La multiplication des logos sur les produits est également un problème. Depuis 2012, les résultats de recyclage stagnent à 67 %. La Cour des comptes, dans son rapport de 2016, observe qu'un nouveau symbole brouillerait le message. L'apposition d'une consigne de tri claire et harmonisée sur l'emballage serait plus efficace pour lutter contre les erreurs de tri. L'ensemble des éco-organismes devrait harmoniser les couleurs des bacs de collecte, inciter leurs adhérents à apposer une consigne de tri claire et identique et, surtout, mieux communiquer. Les pouvoirs publics ont d'ailleurs un rôle à jouer dans les campagnes d'information. Qu'entend faire le Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - La loi sur la transition énergétique prévoit la généralisation du tri de tous les plastiques d'ici 2022, y compris les films et les barquettes, et l'implication des collectivités territoriales dans l'harmonisation des modalités de collecte séparée des emballages et du papier d'ici 2025.
Ces objectifs seront intégrés dans le cahier des charges de la filière responsabilité élargie des producteurs des emballages ménagers pour la prochaine période d'agrément 2017-2022, tout comme l'objectif d'atteindre un taux de recyclage de 75 % des déchets d'emballages ménagers.
Les travaux de renouvellement des agréments des filières REP des déchets d'emballages ménagers et de papiers, actuellement en cours, prendront en compte ces éléments.
M. Olivier Cigolotti. - Merci de ces propos rassurants. Il faut aller dans le sens de la simplification.
Moyens alloués à l'Autorité de sûreté nucléaire
M. Jean-Yves Roux, en remplacement de M. Michel Berson . - M. Michel Berson est hospitalisé et vous prie d'excuser son absence. Dans un avis daté du 9 février 2016, l'ASN relevait que, faute d'effectifs suffisants, elle devra, dès 2016, privilégier le contrôle des installations et activités existantes au détriment des projets nouveaux. Or, dans la loi de finances pour 2016, seulement 30 postes supplémentaires ont été accordés à l'ASN pour la période 2015-2017, contre 190 demandés.
Dans ces conditions, l'ASN n'est pas en mesure d'assurer pleinement ses missions : le contrôle du vieillissement, de la durée de fonctionnement et du démantèlement des réacteurs électronucléaires, le contrôle des travaux consécutifs au retour d'expérience de l'accident de Fukushima, le contrôle de l'entrée en fonction du réacteur européen et l'instruction des dossiers réglementaires des nouvelles installations.
L'ASN estime nécessaire la création de 150 postes pour la période 2017-2019 et demande 20 postes supplémentaires dès 2017. Quelle suite le Gouvernement entend-il donner à cette demande ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - La sûreté nucléaire est une priorité. Les crédits de paiement de l'ASN ont été augmentés de 25 % depuis 2012 et les effectifs portés de 430 à 467 équivalents temps plein travaillé (ETPT).
Au total, les moyens de la sûreté sont passés de 137 à 163 millions d'euros entre 2009 et 2014, soit une hausse de 19 % en cinq ans.
En 2015, l'ASN et l'IRSN ont demandé respectivement 107 ETP et 53 ETP respectivement. Le mois d'avril suivant, Ségolène Royal a demandé à l'inspection générale des finances d'expertiser cette demande. Celle-ci conclut que les moyens couvrent les besoins mais qu'une réévaluation des moyens serait pertinente dès 2017.
Ajoutons, pour finir, que la loi sur la transition énergétique renforce les moyens de contrôle et les pouvoirs de sanction de l'ASN en la dotant d'outils plus gradués, amendes et sanctions administratives, et d'une commission des sanctions.
M. Jean-Yves Roux. - Les enjeux, sans précédent, nécessitent un engagement à la hauteur.
Séquelles de l'après-mine en Lorraine
M. Jean Louis Masson . - La loi impose à l'exploitant d'indemniser les dégâts miniers. En Lorraine, où l'État a été subrogé à Charbonnages de France, l'arrêt de l'exhaure du siège de la Houve entraîne une remontée importante de la nappe phréatique, aggravée par l'affaissement des sols. Près de la Houve, Charbonnages de France s'était engagé à financer le pompage des eaux pour maintenir la nappe à trois mètres du sol, mais sa remontée est plus rapide que prévu, et l'État rechigne à financer un nouveau pompage.
À Rosbruck, l'affaissement des sols est si brutal que la commune a été classée en zone rouge par le plan de prévention des risques. Les travaux nécessaires coûteraient 10 à 15 millions d'euros, ce qui est hors de la portée d'une commune de moins de 1 000 habitants, et l'État mène une guérilla juridique depuis plus de dix ans pour retarder l'indemnisation. Sera-t-il au rendez-vous de ses responsabilités ?
Les élus du bassin houiller avaient obtenu des assurances du Gouvernement, ils ont été très déçus... Quand une commune descend de plus de dix mètres, il faut être de mauvaise foi pour nier les conséquences de l'après-mine.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité . - Ségolène Royal est attachée à la juste indemnisation des victimes de Rosbruck mais il n'y a pas d'accord sur le montant à verser. Néanmoins, malgré l'intervention de plusieurs experts, aucun accord n'a pu être trouvé sur le montant à verser. La justice a été saisie à la demande de la commune qui, en 2009, a contesté la première expertise.
Dès 2003, des travaux ont été engagés dans la communauté de communes de Warndt mais ils ne prévoyaient pas une consommation industrielle d'eau si faible. Face à ce constat, une révision des études a été engagée en 2014 par les services de l'État.
L'Etat avait déjà entrepris et financé des travaux de pompages et traitement des eaux minières depuis 2009 pour un montant de 7,4 millions d'euros. De plus, la remontée de la nappe fait l'objet d'une surveillance effectuée par l'Etat à travers un réseau de 25 piézomètres. Au regard des premiers éléments disponibles, l'Etat a décidé de réaliser différents travaux de prévention complémentaires pour un montant total de 1,5 million d'euros alors que l'arrêt de l'exploitation minière n'est pas la seule cause des remontées de nappe.
L'Etat assure donc pleinement sa responsabilité en matière d'après-mine
M. Jean Louis Masson. - Cette réponse n'est pas satisfaisante. L'État espérait que certains industriels pomperaient dans la nappe. C'était s'exonérer à peu de frais. Les quelques travaux ne suffisent pas. Les sols sont érodés, même en période de sécheresse. À Rosbruck, tout un quartier se trouve dix mètres en-dessous de la rivière !
Je suis très déçu. Ingénieur en chef des mines, je connais bien ces problèmes.
Hôtellerie de plein air et normes
M. Gilbert Bouchet . - Les adhérents de la fédération Rhône-Alpes de l'hôtellerie de plein air sont inquiets face à l'accumulation des normes dans un environnement très concurrentiel.
L'hôtellerie de plein air, dans la région Rhône-Alpes, est un acteur majeur de notre économie qui propose une offre touristique variée et attractive. Elle est le mode d'hébergement préféré des Français. Ce qui fait la force du camping, c'est sa capacité à s'adapter rapidement à l'évolution de la demande de la clientèle et à proposer une offre toujours plus large, permettant à chacun de trouver les vacances qui lui conviennent, quels que soient son budget et ses souhaits.
Or cette profession est en train de perdre cet avantage à cause d'obstacles de toutes sortes qui viennent entraver son développement. Atout France a voté une baisse de 20 % de ses investissements en 2015. Les professionnels craignent de voir leurs investissements devenir obsolètes. Face à un camping chez les particuliers, en Europe du sud ou dans les Balkans, les professionnels souffrent. Ils ne demandent ni aide ni allègement mais ils souhaitent pouvoir exercer leur métier sans contraintes administratives ou fiscales supplémentaires. Comment le Gouvernement prend-il leur situation en compte ?
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - Le Gouvernement souhaite faire de la simplification une priorité. Les professionnels de l'hébergement touristique marchand pourront faire les mises aux normes dans un délai de six ans, même si la loi préfère un délai plus court.
D'autres sujets sont concernés, comme la gouvernance des offices de tourisme, l'immatriculation des agents de voyage, la gestion des conventions avec les partenaires acceptant les chèques-vacances ou encore la réglementation des fiches individuelles de police pour les étrangers séjournant en France. Concernant ce dernier point, l'arrêté présentant le nouveau modèle de fiche individuelle de police a été publié le 9 octobre dernier.
Concernant l'accessibilité, les professionnels ont la possibilité de programmer leurs travaux de mise en accessibilité au-delà du 1er janvier 2015 s'ils s'engagent à respecter un calendrier limité ; c'est le dispositif d'agenda d'accessibilité programmée ou « Ad'AP ».
Parmi les 52 mesures de simplification annoncées le 1er juin 2015, certaines profitent aussi au tourisme, dont la modernisation de l'affichage obligatoire dans les établissements hôteliers et l'adoption d'un règlement sanitaire unique adapté au secteur du tourisme.
M. Gilbert Bouchet. - Il faut aller plus loin. Les professionnels attendent une simplification voire un allègement des contraintes.
Demi-part des vieux parents et budgets locaux
M. Jacques Mézard . - Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les conséquences de l'aménagement de la demi-part dite « des vieux parents » sur le budget de 2016 des collectivités territoriales.
Lors de l'examen de la loi de finances pour 2016, le Gouvernement a décidé d'aménager la disparition programmée de la demi-part fiscale supplémentaire dite « des vieux parents » ou « des veufs ou veuves », en rétablissant en partie les avantages liés à celle-ci.
L'aménagement, prévu à l'article 75 de la loi, concerne les ménages dont la situation financière est restée inchangée en 2015 par rapport à 2014. L'objectif est d'annuler les effets de seuil qui ont fait perdre, en 2015, à certains ménages, les avantages liés à cette demi-part : exonérations de taxe d'habitation et de taxe foncière.
Or ces exonérations exceptionnelles représentent un coût supplémentaire pour les collectivités de 400 millions d'euros par an, dont 140 millions seraient à la charge des collectivités à partir de 2017.
L'aménagement a également compliqué le calcul des bases prévisionnelles permettant aux collectivités de fixer les taux d'imposition en 2016. Les montants effectifs de ces dégrèvements, connus trop tardivement, n'ont pu être intégrés dans les systèmes d'information permettant le calcul des bases prévisionnelles de taxe d'habitation.
Me confirmez-vous que les collectivités territoriales pourront bénéficier à l'avenir des informations nécessaires pour construire leur budget ?
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - Le dispositif de neutralisation porte sur les sorties d'exonération et s'est traduit par un dégrèvement pris en charge par l'État. En 2016, pour des raisons tenant au système d'information, le montant n'a pu être connu avant leur notification, causant une surévaluation. Mais cela représente seulement 0,7 % du budget des communes et des intercommunalités. Pour les petites communes, le comptable public peut aider à construire le budget.
M. Jacques Mézard. - Madame la ministre, 0,7 %, ce n'est pas neutre pour une collectivité à notre époque ! Le problème venait d'une défaillance de l'information, vous l'avez dit loyalement. J'espère que nous ne serons plus confrontés à ce type de difficultés alors que nous avons tant de mal à bâtir nos budgets.
Douaniers dans les Alpes
Mme Patricia Morhet-Richaud . - Les douaniers protègent les citoyens, luttent contre l'immigration irrégulière, contre le terrorisme, contre les trafics, contrôlent les produits. Depuis l'entrée en vigueur de l'état d'urgence, ils sont sur tous les fronts. Avec le rétablissement des contrôles d'identité aux frontières, les départements frontaliers sont en première ligne.
La brigade de Gap compte treize agents qui exercent leurs missions sur les départements des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Elle couvre plus de 12 000 kilomètres carrés, à la frontière de l'Italie. Les passages routiers carrossables de l'arc alpin, peu nombreux, sont stratégiques et doivent être contrôlés. Le col du Montgenèvre, situé dans les Hautes-Alpes, est la seule route alpine entre la France et l'Italie qui soit praticable toute l'année et gratuite pour les poids lourds. Elle est donc utilisée par les poids lourds et les véhicules utilitaires légers qui concentrent les contentieux douaniers et judiciaires.
Cette brigade a besoin de renforts ! Sont-ils prévus ?
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - Le 16 novembre 2015 devant le Congrès, le président de la République a annoncé un pacte de sécurité dont les douanes sont un acteur majeur.
Pour mieux contrôler les frontières et lutter contre le terrorisme, cette administration bénéficiera de 1 000 recrutements supplémentaires en 2016 et 2017, fléchés vers nos priorités : surveillance des frontières et sûreté des gares et aéroports. La brigade de Gap n'a pas été jugée prioritaire eu égard aux objectifs de lutte contre le terrorisme et le contrôle aux frontières ; elle en restera donc à quinze agents, ce qui est cohérent avec sa charge de travail et son volume contentieux.
Les 45 millions d'euros supplémentaires octroyés aux douanes sur deux ans serviront à acheter des armes, notamment longues, des véhicules, des gilets pare-balles, des moyens de détection ; 16,4 millions d'euros seront dédiés à l'équipement informatique. La loi contre le crime organisé offrira de nouveaux moyens juridiques.
La capacité de nos douanes à lutter contre les trafics ne s'est jamais démentie, comme en témoignent plusieurs saisies spectaculaires ces derniers mois.
Mme Patricia Morhet-Richaud. - Ces chiffres sont loin de nous satisfaire. L'été, le nombre de cols ouverts à la circulation passe de un à quatre dans les Alpes du sud. Et, en montagne, il ne faut pas compter en kilomètres, mais en temps de trajet.
Nous pourrions payer cher l'insuffisance des moyens.
Ateliers et chantiers d'insertion
M. Jean-Louis Tourenne . - La réforme de l'insertion par l'activité économique de 2013 a eu de nombreux effets bénéfiques, notamment sur les droits et parcours des salariés. Mais elle a entraîné un décalage de paiement de l'aide conventionnelle aux postes, qui conduit de nombreux ateliers et chantiers d'insertion vers un gouffre financier, notamment en Bretagne.
Comment le ministère compte-t-il y remédier ? Ces actions essentielles ne sauraient être mises en danger par des complexités administratives.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - Le versement intervient le mois suivant la transmission des pièces justificatives d'activité, ce qui implique une vigilance particulière pour éviter tout retard. Depuis janvier, 179 millions d'euros ont été reçus par les ateliers et chantiers d'insertion. En Bretagne, les conseils départementaux ont versé 811 569 euros au titre de l'insertion par l'activité économique depuis le début de l'année, sur les 9 millions totaux reçus, dont 7 millions au titre de l'aide aux postes. Le nouveau système d'information, opérationnel dès le 1er janvier 2017, permettra un versement en cours de mois afin de mieux coller à l'activité réelle.
M. Jean-Louis Tourenne. - Merci des mesures transitoires d'accompagnement qui ont été prises. Votre réponse devrait satisfaire les structures d'insertion. Mais une réflexion s'impose sur leur modèle économique, vu le manque de fonds propres des acteurs de l'économie sociale et solidaire.
Effectifs d'enseignants dans le Val de Marne
Mme Laurence Cohen . - La direction des services départementaux de l'éducation nationale du Val-de-Marne prévoit 88 suppressions de classes et 89 ouvertures l'an prochain, alors qu'il y aura mille élèves de plus. Résultat : 32 élèves par classe à Fontenay-Sous-Bois. C'est inacceptable.
Pour ce qui est du secondaire, les futures créations de postes dans les lycées de l'académie de Créteil pour la rentrée prochaine correspondent à une augmentation de la dotation heure globale de 3 471 heures au total, ce qui correspond à peine à la moitié des besoins, étant donné les 5 215 élèves supplémentaires pour l'année 2016-2017.
La mobilisation est forte pour obtenir une dotation supplémentaire. Le Gouvernement y est-il enfin disposé ? Les difficultés occasionnées par une carte scolaire injuste sont aggravées, dans le Val-de-Marne, par des problèmes de recrutement. L'organisation d'un véritable pré-recrutement aiderait à renforcer les effectifs de l'Éducation nationale.
Il est temps de redonner sens à la notion d'école républicaine, pour toutes et tous.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - Les créations de postes se poursuivent depuis 2012, en tenant compte des besoins du terrain. Dans le Val-de-Marne, les effectifs alloués reposaient sur des hypothèses qui se sont révélées trop élevées. En 2016, le département a bénéficié de 67 emplois temps plein (ETP) supplémentaires dans le premier degré et 24 ETP dans le second degré.
La répartition des moyens dans le premier degré a été actée par le Conseil départemental de l'Éducation nationale le 18 mars dernier. Ces éléments vous ont été transmis lors de la réunion des parlementaires du Val-de-Marne, présidée par Mme la rectrice et M. le préfet. S'agissant des recrutements, les admissions aux concours ont progressé de 20 % entre 2014 et 2015.
Les difficultés particulières de votre département s'expliquent aussi par la mobilité des populations, qui rend les prévisions difficiles, et par l'adoption, par de nombreuses communes, de secteurs dits « flottants ».
Enfin, le volume d'enseignants stagiaires sera, à la rentrée 2016, analogue à celui de la rentrée 2015.
Mme Laurence Cohen. - Vous avez été mal renseignée : le CDEN a unanimement voté contre la carte scolaire ! Quant aux ETP, ils correspondent à la moitié des besoins. Mettez vos informations à jour !
Des suppressions de classes décidées au niveau départemental peuvent entraîner, localement, des catastrophes. Un Conseil municipal extraordinaire s'est tenu hier à Arcueil pour sonner l'alarme.
Vous ne m'avez pas répondu sur le pré-recrutement des enseignants.
Chefs-lieux de canton
M. Simon Sutour . - J'attire l'attention du Gouvernement sur les conséquences financières de la loi du 17 mai 2013 pour les communes ayant perdu leur qualité de chef-lieu de canton et celles ne remplissant plus le critère de la part de la population communale, soit 15 % dans la population cantonale.
Selon l'article L. 2334-21 du code général des collectivités territoriales, les chefs-lieux de canton et les communes dont la population représente au moins 15 % de celle de leur canton se voient attribuer la première fraction - dite « bourg-centre » - de la dotation de solidarité rurale. La division par deux du nombre de cantons pose inévitablement la question de l'éligibilité des communes qui ont perdu leur qualité de chef-lieu de canton à cette fraction « bourg-centre ». Plus de 4 000 communes sont concernées, dont un bon nombre dans le Gard. Les élus sont très inquiets, d'autant que ces anciens chefs-lieux continuent d'investir dans des infrastructures sportives, culturelles, sociales et éducatives.
Quelles sont les intentions du Gouvernement ?
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - À droit constant, le redécoupage cantonal n'aura pas d'impact financier avant 2017 puisque la dotation est calculée sur la situation au 1er janvier 2016. Pour rassurer les élus, le Gouvernement, dès 2014, a fait adopter des dispositions législatives qui en neutralisent les effets, tant pour le régime indemnitaire des élus qu'en matière de dotations. L'article L. 2334-21 du CGCT modifié par la loi de finances pour 2015 prévoit ainsi que les limites territoriales prises en compte pour apprécier la part des communes dans la population cantonale seront celles de 2014, et les anciens chefs-lieux continueront de percevoir la fraction bourg-centre de la DSR.
M. Simon Sutour. - Le contraire eût été dommage. Votre réponse, précise, figurera au Journal officiel.
Renvoi des réfugiés en Turquie
M. Gilbert Roger . - En vertu de l'accord conclu le 18 mars entre l'Union européenne et la Turquie, toutes les personnes arrivées illégalement en Grèce par la Turquie y sont désormais renvoyées, y compris les demandeurs d'asile.
Or, selon Amnesty International, quelques heures après l'entrée en vigueur de l'accord, vingt-sept demandeurs d'asile afghans craignant d'être attaqués par les Talibans ont été renvoyés de force par la Turquie dans leur pays, sans avoir bénéficié d'un accès à la procédure d'asile, ce qui constitue une infraction à la législation européenne et au droit international.
Le Gouvernement français fera-t-il entendre sa voix pour que soit mis fin aux violations des droits des réfugiés ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire . - Nous sommes très attentifs au respect des droits de l'homme dans la mise en oeuvre de cet accord indispensable alors que la Turquie abrite trois millions de réfugiés, et pour mettre un terme au trafic d'êtres humains. Ne doivent être renvoyés vers la Turquie que des migrants économiques ou des personnes dont la demande d'asile a été rejetée. Nous aidons la Grèce à instruire ces dossiers individuellement. Il y va de l'identité même de l'Union européenne.
Maisons de l'État en Guyane
M. Georges Patient . - Si l'on veut assurer la présence de l'État dans les territoires les plus reculés de la Guyane, il faut y créer des maisons de l'État comme dans l'Hexagone. Ainsi à Maripasoula, la commune la plus étendue de France, les habitants doivent faire deux jours de pirogue pour aller accomplir leurs démarches administratives à Saint-Laurent-du-Maroni ! Un problème analogue se pose pour les habitants de Saint-Georges de l'Oyapock qui doivent, eux, se rendre à Cayenne.
Créer des maisons de l'État dans ces deux communes se justifie également par leur environnement culturel et par leur diversité linguistique qui nécessite un recrutement adapté afin de garantir le meilleur service aux usagers.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire . - À Maripasoula, une maison de l'État a été ouverte dès 2001, occupée par la sécurité sociale, et où les services de la préfecture et du fisc assurent une permanence tous les deux mois. La place que la Caisse générale de sécurité sociale laissera bientôt vide pourrait être occupée par le rectorat.
À Saint-Georges de l'Oyapock, la première pierre de la maison de l'État a été posée en 2013 par le préfet. Le chantier a pris du retard en raison des problèmes financiers de l'EPCI, mais devrait s'achever en 2017. Une réunion aura lieu prochainement entre le sous-préfet et les élus de l'intercommunalité pour définir les services qui devront y être représentés. Le Gouvernement suit, vous le voyez, ce dossier de très près.
M. Georges Patient. - Merci de ces assurances, j'espère que l'on aboutira rapidement, sauf à voir les administrés de Saint-Georges de l'Oyapock se retourner vers le Brésil.
Validité des cartes d'identité
M. Philippe Bonnecarrère . - Depuis le 1er janvier 2014, la durée de validité des cartes nationales d'identité délivrées entre le 2 janvier 2004 et le 31 décembre 2013 à des personnes majeures est automatiquement prorogée de cinq ans. Mais cette prorogation n'est pas reportée sur les cartes ni officiellement reconnue par de nombreux pays européens, dont l'Espagne. Les ressortissants français rencontrent donc des difficultés pratiques à l'étranger, voire dès l'aéroport de départ. Les autorités françaises ont d'abord fortement conseillé aux ressortissants français concernés de demander un passeport, mais il faut pour cela débourser 86 euros. Cela revient donc à demander de payer pour voyager au sein de l'espace Schengen... Les autorités ont ensuite mis à la disposition de nos ressortissants des notices explicatives, disponibles en trois langues étrangères, à présenter aux autorités locales. Néanmoins, les difficultés pratiques perdurent.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire . - Le décret du 18 septembre 2013, entré en vigueur le 1er janvier 2014, a effectivement allongé de dix à quinze ans la durée de validité des cartes d'identité, prorogation applicable aux titres délivrés aux personnes majeures entre le 2 janvier 2004 et le 31 décembre 2013. Les pays acceptant la carte nationale d'identité en ont été informés.
Nos ressortissants peuvent en outre télécharger des documents attestant de la validité de leur titre, disponibles dans plusieurs langues. Le ministère des affaires étrangères a engagé des démarches à destination des trois pays - sur les quarante-quatre concernés - où des difficultés ont été rencontrées. Un accord est aussi en préparation sous l'égide du Conseil de l'Europe.
Un document d'identité périmé permet de circuler dans l'Union européenne, dès lors que l'identité et la nationalité de l'intéressé peuvent être prouvées, a fortiori grâce à une carte nationale d'identité, fût-elle périmée.
M. Philippe Bonnecarrère. - Cette simplification franco-française est bienvenue : à l'heure où la grogne monte à l'égard de l'Europe, n'embêtons pas nos concitoyens pour des raisons qui n'ont aucun fondement en droit !
Enseignement français à l'étranger
Mme Hélène Conway-Mouret . - Le président de la République a fait de l'éducation une priorité ; l'universitaire que je suis s'en félicite. La réforme du collège suppose un effort de formation important. Un plan de formation a été mis en place, durant l'année 2015-2016, à destination du personnel d'encadrement, des formateurs, des enseignants et des conseillers principaux d'éducation qui concerne également l'enseignement français à l'étranger.
Il apparaît cependant que seulement soixante places de stages dans le primaire et cinquante dans le secondaire ont été ouvertes pour l'ensemble des enseignants des 494 établissements français à l'étranger et qu'aucune place de stage n'est prévue pour le personnel d'encadrement ni pour les coordinateurs de zone.
Afin que la réforme annoncée réussisse, le Gouvernement entend-il ouvrir de nouvelles places à nos enseignants à l'étranger ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire . - Un plan de formation ambitieux a en effet été lancé pour assurer le succès de la réforme du collège. Le dispositif de formation conjoint entre l'AEFE et la Direction générale de l'enseignement scolaire a accueilli, dans l'académie de Nancy-Metz, pour le second degré, et les académies d'Amiens et de Rouen, pour le premier degré, 110 enseignants en fonction dans les établissements de l'enseignement à l'étranger.
En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger, des contraintes techniques nous ont limités cette année, mais c'est provisoire, à une seule zone alors que toutes les académies étaient visées par les trois sessions d'octobre 2015, janvier et mai 2016. L'effort se poursuivra l'an prochain et associera plus systématiquement encore les agents de l'AEFE qui bénéficient, vous le voyez, de toutes les ressources organisationnelles didactiques et pédagogiques.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Merci de ces assurances. N'oublions pas l'importance des outils numériques pour ceux qui habitent à des milliers de kilomètres de l'Hexagone ! La réussite de cette réforme ambitieuse passera par ceux qui, l'ayant comprise, seront chargés de la mettre en oeuvre.
La séance est suspendue à midi vingt.
Salle Clemenceau
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 14 h 30.
Bilan annuel de l'application des lois
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le bilan annuel de l'application des lois.
Ce débat annuel est une spécificité du Sénat. La fonction de contrôle consacrée par l'article 24 de la Constitution, doit être une priorité de même rang que la fonction législative. Loin des confrontations politiques traditionnelles, qui ont leur valeur, nous avons toute légitimité à l'exercer, ce que nous faisons depuis 40 ans.
Au cours de l'année parlementaire 2015-2016, nous avons voté 41 lois. C'est plutôt moins que les années précédentes, mais les textes sont de plus en plus volumineux... Or certaines restent partiellement ou totalement inappliquées, faute de textes d'application. Veiller à leur application, au respect par l'exécutif de la volonté du législateur est une question de crédibilité de notre travail, quelles que soient les majorités en place.
M. Claude Bérit-Débat, président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études . - Rendez-vous désormais annuel, cette séance publique sera l'occasion de faire le point sur l'application des lois, en présence du Secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Tous les chiffres de la dernière session figurent dans mon rapport écrit, aussi me contenterai-je d'en récapituler les points essentiels.
Ces données ont été établies à partir des bilans détaillés des commissions permanentes et des statistiques de la direction de la législation et du contrôle du Sénat, après recoupement avec les chiffres concordants du Secrétariat général du Gouvernement.
Comme en 2015, nous avons eu le plaisir et l'honneur d'entendre en audition le Secrétaire général du Gouvernement, M. Marc Guillaume. Nous avons aussi évoqué avec lui quelques questions connexes, comme la mise en oeuvre des lois d'habilitation ou le taux de réponse aux questions écrites des sénateurs.
Cinq grandes tendances apparaissent.
Tout d'abord, la production législative est en baisse apparente, avec 43 lois votées contre 66 l'an dernier, hors conventions internationales. Mais, certaines lois ont été des « lois-fleuves », telles la loi Macron, avec ses 308 articles, ou encore la loi sur la transition énergétique, avec 213 articles... Cela veut dire plusieurs dizaines de décrets d'application qui, espérons-le, ne viendront pas grever le bilan des prochaines années. Presque 30 % des lois de la précédente session ont été d'initiative parlementaire. Comme l'an dernier, le Sénat, avec six propositions de loi, a été à l'origine d'environ une loi sur sept.
Sur la législature, le taux d'application est de 80 %, progression significative par rapport au précédent exercice - 82%, même, au 30 avril 2016. Pour la seule année parlementaire 2014-2015, le pourcentage est mécaniquement moindre, en hausse de 7 points par rapport à la précédente.
Ainsi le taux d'application des lois augmente-t-il d'année en année, même s'il reste perfectible. Ces statistiques gomment des écarts parfois sensibles entre les différentes commissions, entre les ministères et même d'une loi à l'autre.
Autre tendance dans la durée : la résorption progressive du stock de lois inappliquées, au point que sur les 120 lois votées depuis le début de la 14ème législature, quasiment toutes ont reçu au moins un début de mise en application.
Concernant les délais de publication, on sait qu'une circulaire de février 2008 laisse aux ministères six mois à compter de la promulgation de la loi pour faire paraître leurs textes. L'an dernier, les délais moyens se sont rapprochés de cet objectif, la moyenne appréciée sur l'ensemble de la législature tournant aux alentours de 9 mois et 12 jours. Vu la complexité du processus réglementaire et la durée incompressible de certaines consultations, ces dépassements restent dans la limite du raisonnable.
J'aurais aimé vous dire que le taux de présentation des rapports demandés par le Parlement s'est amélioré l'an dernier... Hélas, ce n'est pas le cas ; comme les années précédentes, ce taux, calculé sur la moyenne des dix dernières sessions, n'atteint pas 60 %... Ce sujet, d'année en année, a fini par prendre un tour incantatoire. C'est pourtant une atteinte manifeste au pouvoir de contrôle du Parlement, dont nous ne pouvons nous accommoder.
Outre l'application des lois, nous avons évoqué plusieurs questions connexes comme la prise en compte des positions du Sénat en matière européenne - sur lesquelles le président Jean Bizet a publié un remarquable rapport en mars 2016 - ou l'utilisation des lois d'habilitation.
Je voudrais appeler une nouvelle fois l'attention du ministre sur les retards répétés que nous constatons dans les réponses à nos questions écrites. Lequel d'entre nous ne s'est pas vu obligé, un jour ou l'autre, de transformer une question écrite en question orale pour espérer obtenir une réponse ? Nous avions déjà évoqué ce problème l'an dernier, et le président du Sénat en a récemment saisi le Premier ministre après la Conférence des présidents du 6 avril dernier.
Le Secrétaire général du Gouvernement nous a dit sa détermination à résorber rapidement le stock des questions écrites en souffrance. Je serai vigilant.
En conclusion, le bilan de l'application des lois, sans être exceptionnel, va dans le bon sens. Nous devons en donner acte au Gouvernement. La tendance positive se confirme et relègue peu à peu au rayon des idées fausses l'affirmation que les lois seraient dans leur ensemble insuffisamment appliquées. Le Sénat peut s'en féliciter, qui a largement contribué à faire de cette question une priorité politique.
Mais il ne faut pas baisser la garde. C'est aussi une attente forte exprimée par nos concitoyens et un gage de crédibilité de l'action du Parlement. À quoi bon voter des lois, si elles doivent rester lettre morte ?
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques . - Notre commission s'est saisie d'une trentaine de lois ; onze sont totalement applicables.
La loi Transition énergétique nécessitait la prise de 180 mesures réglementaires. Au 31 mars, seules 54, soit 30 %, ont été prises. On attend encore 94 mesures et 23 rapports. Le taux d'application de la loi n'est que de 48 %... Mais Mme la ministre nous a fait savoir qu'un certain nombre de décrets étaient sur le chemin du Conseil d'État. Des dispositions majeures n'ont pas encore trouvé de traduction réglementaire, ainsi de la programmation pluri-annuelle de l'énergie, qui n'a cessé d'être repoussée et nous est promise pour juillet ; seul le volet sur les énergies renouvelables a été publié. La tâche est complexe mais les entreprises ne doivent pas rester dans l'attente.
Ont été en revanche publiés les textes relatifs aux industries électro-intensives, à la stratégie bas carbone, au cadre réglementaire des concessions hydro-électriques ou la mise en oeuvre du chèque énergie. Toutefois, le Gouvernement n'entend pas prendre le décret, pourtant nécessaire, sur les équipements de contrôle de la gestion active de l'énergie, sujet de désaccord avec le Sénat.
La loi d'avenir pour l'agriculture est applicable à 70 %, mais les dispositions relatives à la protection des espaces naturels et forestiers ou au renouvellement des générations sont encore d'application incomplète.
Un mot sur l'usage des circulaires : sur le terrain, les agents des services déconcentrés de l'État appliquent non les lois ou les décrets, mais les circulaires... Les exemples ne manquent pas. Le Sénat doit être attentif à leur conformité avec la loi.
M. Christian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - L'essentiel de l'activité législative de la commission des affaires étrangères consiste en l'examen de projets de loi de ratification de conventions et accords internationaux. Cette année, 38 conventions internationales ont été ratifiées, contre 22 l'an dernier, grâce à une politique volontariste - ainsi que le recommandait le rapport Planiol - pour résorber un retard accumulé qui discrédite la signature de la France. La nouvelle méthode d'examen synthétique en commission, lorsque le Sénat est saisi en second, a fait ses preuves. Deux lois importantes ont été examinées par la commission, celle relative à la protection des installations civiles nucléaires et l'actualisation de la loi de programmation militaire. La commission s'est saisie pour avis de la loi sur le renseignement. Ces lois sont presque totalement applicables. Preuve que quand on veut, on peut...
Parmi les lois adoptées au cours des sessions antérieures, la loi du 28 juillet 2011 sur les réserves militaires et civiles est enfin devenue totalement applicable, avec la publication, très attendue, du décret en Conseil d'État du 7 mai 2015 qui a précisé les modalités d'utilisation des réserves civiles et militaires dans le cadre du dispositif de réserve de sécurité nationale. Ce sujet connaît une nouvelle actualité depuis les déclarations du président de la République au Congrès sur la Garde nationale ; nous risquons de voir ce chantier rouvert que nous venons à peine de clôturer.
S'agissant du dépôt des rapports demandés par le Parlement, notre commission n'est pas totalement satisfaite. Comme le fait remarquer le président Bérit-Débat dans son rapport, nos remarques sur les transmissions tardives ou lacunaires de rapports sont « toujours un peu incantatoires ». Le principal regret de notre commission est de ne pas avoir encore reçu le bilan annuel politique, opérationnel et financier des Opex en cours, prévu à l'article 4 de la loi de programmation militaire, rapport, on s'en doute, du plus grand intérêt. La commission a donc décidé de faire elle-même son propre bilan des Opex - mission confiée à MM. Jacques Gautier et Daniel Reiner.
À l'inverse, le Gouvernement a déposé, avec quand même deux mois de retard, le rapport sur les missions des forces armées sur le territoire national en protection des populations. Ce rapport a été jugé par la commission insuffisant sur le plan de la doctrine d'emploi des forces, mais il a toutefois permis un échange fructueux avec le Gouvernement à l'occasion d'une déclaration suivie d'un débat en séance publique. La commission s'était auparavant rendue sur le terrain, auprès des soldats de l'opération Sentinelle, et notre critique constructive, notamment sur le caractère trop statique des gardes ou l'insuffisante autonomie par rapport aux forces de sécurité intérieure, a conduit à des modifications du dispositif, encore insuffisantes toutefois. Il y a donc bien des rapports utiles, qui sont lus, débattus et même suivis d'effets.
En conclusion, sous les réserves évoquées, notre commission dresse un bilan globalement positif de l'application des lois relevant de son secteur de compétence pour la session 2014-2015.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales . - Sur les lois examinées par la commission des affaires sociales, 144 mesures d'application étaient attendues, 96 ont été prises, soit un taux de 67 % contre 78 % l'an dernier.
Si le décret relatif au financement mixte des hôpitaux de proximité est paru il y a quinze jours - c'était une proposition de notre Mecss de... 2012 - nous regrettons l'absence de décrets sur la dotation pour l'amélioration de la qualité des soins dans les établissements de santé, sur la régulation de l'offre des taxis conventionnés ou encore en matière de politique d'achat de vaccins.
La loi Rebsamen relative au dialogue social n'est appliquée qu'à 52 % au 31 mars. Des mesures importantes n'ont pas été prises, par exemple sur la conclusion d'accords collectifs dans les entreprises dépourvues de représentation syndicale ou sur les services de santé au travail. Mais il est vrai que sur ces sujets, le droit n'est pas stabilisé, puisque nous en rediscuterons lors de l'examen de la loi Travail.
Dans le volet social de la loi pour la croissance et l'activité, 77 % des mesures attendues ont été prises. Le décret prévu par la loi du 6 décembre 2013 sur les maisons de naissance, issues d'une proposition de loi de Muguette Dini, a enfin été pris moins de deux semaines avant le terme fixé par la loi pour l'expérimentation...
Le décret sur la teneur maximale en sucre ajouté aux produits exclusivement destinés à l'outre-mer prévu par la loi du 3 juin 2013 a enfin été pris il y a quinze jours... pourquoi un tel retard ?
Trois mois seulement se sont écoulés depuis le dépôt de la loi Rebsamen. Huit mois après, la moitié des mesures n'ont pas été prises. Le temps parlementaire n'est pas toujours le plus long... Nous avons encore des efforts collectifs à faire.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - L'activité de notre commission fait apparaître une certaine stabilité : quatre lois ont été promulguées dans le champ de la commission de la culture, autant que l'an dernier. Une est issue d'une proposition de loi de l'Assemblée nationale, déposée par Bruno Le Roux, sur la modernisation du secteur de la presse. Deux sont d'application directe - sur le code mondial antidopage et l'université des Antilles ; deux nécessitaient des mesures d'application : celle sur la presse est applicable aux deux tiers ; celle sur diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel, (Ddadue) à 100 % - elle ne requérait qu'un seul décret...
Toutes ont fait l'objet d'une procédure accélérée, choix sans incidence sur le rythme de publication des décrets... Mais les textes sont désormais accompagnés d'un calendrier de parution des mesures réglementaires, ce qui est satisfaisant.
Les rapports demandés au Gouvernement paraissent avec un grand retard : sur 36 rapports demandés au Gouvernement depuis 2000, 14 rapports nous sont parvenus entre 2014 et 2015. Les deux grandes lois de la précédente session, relatives à l'indépendance de l'audiovisuel public et à la refondation de l'école sont totalement entrées en application.
Si le bilan des décrets concernant des lois récentes est satisfaisant, le bilan d'application des lois anciennes lors de législatures antérieures est très mitigé.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je fais trois constats : une amélioration du taux d'application des lois, un délai moyen de parution des décrets en baisse, mais un taux nettement insuffisant de la remise des rapports du Gouvernement.
Trois points positifs tout d'abord. La loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, seule loi promulguée relevant de nos compétences cette année, a été entièrement et rapidement appliquée par le Gouvernement. Autre motif de satisfaction, l'amélioration du taux d'application des lois plus anciennes suivies par la commission, grâce à la publication de 18 décrets en Conseil d'État, 8 décrets simples, 16 arrêtés et une ordonnance. C'est bien mieux que l'an dernier. Enfin, aucune loi suivie depuis dix ans n'est aujourd'hui totalement inapplicable - c'est la moindre des choses...
Toutefois, près d'un tiers des lois relevant de notre commission attendent encore une mesure d'application : sur 36 lois suivies, 10 restent encore partiellement inapplicables.
Les rapports du Gouvernement paraissent avec beaucoup de retard : ainsi celui sur l'impact sur l'autorisation de circulation des poids lourds de plus de 44 tonnes, qui devait être remis avant le 31 décembre 2014, a été finalisé en mai 2015 et transmis à notre assemblée en mars 2016... De même, l'article 3 de la loi sur les taxis et VTC n'a pas été respecté puisque le rapport ne dit rien de l'offre de taxis en métropole ni ne fait de propositions sur la procédure de délivrance des autorisations.
Trois mesures très sensibles d'application de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire restent à prendre : le décret-socle sur le temps de travail dans les entreprises ferroviaires - il y a urgence car le régime actuel sera caduc au 1er juillet ; de même les contrats-cadres entre l'État et les trois Epic de transport ferroviaire risquent de ne pas être pris avant l'an prochain.
Le taux d'application de la loi du 17 décembre 2009 de lutte contre la fracture numérique n'évolue pas. Je ne peux que regretter la décision du Gouvernement de remplacer le fonds d'aménagement numérique du territoire par un fonds pour la société numérique, marque délibérée de sa volonté de ne pas respecter le choix du législateur...
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances . - Nous attendions 106 mesures et 83 sont parues, soit 80 %. Mais seulement 40 % d'entre elles sont parues dans le délai réglementaire de six mois. Les lois de finances sont toujours votées dans des délais très brefs ; il est dommage que les mesures d'application ne soient pas soumises à un calendrier aussi serré.
Nous contrôlons l'application des lois votées par le Parlement mais la législation financière se fait de plus en plus par ordonnance, en particulier lorsqu'il s'agit de transposer des directives. Si huit projets de loi ont été déposés pour ratifier les dix ordonnances prises sur le fondement des habilitations données par la loi Ddadue de décembre 2014, aucune ordonnance n'a été ratifiée à ce jour. Le dispositif de l'Union bancaire, du mécanisme de résolution unique et de la garantie des dépôts fera l'objet d'un amendement gouvernemental dans la loi dite Sapin 2.
Nous contrôlons aussi la remise des rapports demandés au Gouvernement, utiles pour nos missions de contrôle.
Nous travaillons beaucoup cette année à la commission des finances sur les questions de fraude, d'évasion ou d'optimisation fiscales internationales, et le projet de loi Sapin 2 nous amènera à poursuivre notre effort puisqu'il comporte des dispositions qui transposent dans notre droit interne des recommandations du projet BEPS de l'OCDE.
À cet égard, il nous aurait été particulièrement utile de disposer des deux annexes au projet de loi de finances relatives, l'une au fonctionnement de notre réseau de conventions fiscales, l'autre à la mise en oeuvre par l'administration fiscale des divers outils de lutte contre l'évasion fiscale des multinationales. Après que nous avons interrogé le ministère, ces documents nous ont été promis dans les meilleurs délais.
Les rapports peuvent fournir des informations utiles au travail législatif. La loi de 2014 sur les comptes bancaires inactifs et les contrats d'assurance-vie en déshérence prévoyait, à la demande du Sénat, la remise d'un rapport en mai 2016. Sa lecture nous a permis d'identifier des difficultés dans la mise en oeuvre de cette loi et la sous-estimation manifeste des contrats collectifs de retraite non réglés après la cessation d'activité du bénéficiaire.
L'absence de publication des mesures réglementaires peut porter préjudice à la mise en oeuvre de réformes attendues. À titre d'exemple, l'article 67 de la loi de finances pour 2015, qui a réformé la taxe de séjour, a prévu la publication, le 1er juin et le 31 décembre, d'un fichier informatique reprenant les informations relatives à la taxe de séjour dans toutes les communes qui l'ont instaurée. Il s'agit notamment de permettre aux plateformes comme Airbnb, qui peuvent désormais collecter la taxe de séjour pour le compte des logeurs, de mettre en place un système simple pour chaque commune, sans devoir se procurer toutes les délibérations - aujourd'hui Airbnb ne collecte la taxe de séjour qu'à Paris et à Chamonix. Les modalités de ce fichier doivent être précisées par un arrêté... qui n'est toujours pas paru. C'est dire que les communes ne bénéficieront pas autant qu'elles l'auraient pu des recettes liées à l'organisation de l'Euro 2016...
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale . - Au vu du bilan établi par la commission des lois, les marges de progrès sont importantes : l'objectif d'un taux d'application des lois de 100 % six mois après leur promulgation est loin d'être atteint : 25 % des mesures restant à prendre, c'est beaucoup, beaucoup trop...
L'usage de la procédure accélérée est devenu quasi systématique : elle est utilisée pour 91 % des projets de loi et 57 % des propositions de loi. Il est dommage que le Gouvernement ne fasse pas preuve de la même célérité que le Parlement pour appliquer les textes votés.
Nous regrettons que l'administration n'ait pas de hâte à appliquer des mesures, peu nombreuses, d'application de la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit. Le Sénat avait pourtant mis en garde le Gouvernement sur l'inapplicabilité de certaines dispositions, comme sur l'enseignement dans les auto-écoles ou le tribunal foncier en Polynésie française. Les décrets, et pour cause, ne sont pas pris... Espérons que le Gouvernement en tirera les leçons... D'une manière générale, le temps de l'exécutif demeure plus lent que le temps parlementaire.
En outre on peut assister à une dynamique d'application de la loi qui s'écarte de la volonté du législateur, du fait d'une doctrine mise en oeuvre par les préfets ; ainsi des périmètres des intercommunalités, dont certains comptent 50 voire 100 communes... Le législateur devra à nouveau intervenir.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Entre le 30 octobre 2016 et le 10 février dernier, le Sénat a adopté 17 résolutions européennes, dont 10 à l'initiative de notre commission ; trois ont donné lieu à un débat en séance publique.
Pour procéder au suivi, nous utilisons les fiches du SGAE, de grande qualité mais souvent trop tardives, et limitées aux actes européens de nature législative. Nous travaillons aussi selon d'autres modalités, comme dans le cadre du groupe de travail sur le TTIP, ou à la faveur de communications de nos rapporteurs sur les évolutions intervenues à Bruxelles, y compris parfois en présence du rapporteur du Parlement européen.
Nos résolutions ne restent pas lettre morte et sont l'occasion d'un dialogue avec le Gouvernement. Dans plus de 50 % des cas, nos résolutions ont été reprises très largement ou totalement dans les négociations, voire dans les textes européens ; ainsi du règlement des différends dans le cadre du TTIP, de la pêche au bar, du paquet « mieux légiférer », des importations de sucre, des médicaments vétérinaires, du PNR ou du plan Juncker. Dans 30 % des cas, nos positions ont été partiellement suivies : ce fut le cas du paquet « Déchets », de la lutte contre le terrorisme ou de la stratégie européenne du numérique. Dans 20 % des cas, le Sénat n'a pas été entendu, comme sur la gouvernance mondiale de l'internet, l'expression des parlements nationaux lors du renouvellement de la Commission ou l'union des marchés de capitaux.
Le SGAE s'est montré ouvert à des améliorations pour faciliter le suivi de nos résolutions : ses fiches de suivi pourraient nous être adressées plus tôt et porter sur des sujets réglementaires. Nous souhaitons aussi auditionner le ministre en cause avec la commission compétente au fond, avant le Conseil européen.
Un mot sur la transposition des directives : le Conseil d'État a publié récemment une étude intitulée « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer » ; il y préconise d'améliorer l'information du Parlement en cours de négociation et de réunir une fois par semestre un comité de liaison pour échanger sur la programmation des travaux de transposition. Les rapporteurs des résolutions européennes y auraient toute leur place.
M. Yvon Collin . - Comme chaque année depuis 1971, ce débat est l'occasion de réfléchir à nos méthodes de travail. Mieux légiférer est un sujet qui concerne toutes les Institutions, et l'Union européenne s'est aussi saisie de cette question. On sait que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires... S'il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, la bonne application des lois est indispensable à la crédibilité de la loi. Raison pour laquelle, face à la défiance des citoyens, le Parlement doit poursuivre ses efforts de contrôle.
Les parlementaires ne disposent que de peu de moyens pour sanctionner les retards de parution des décrets.
Nous nous félicitons de la multiplication des comités de suivi, comme sur l'état d'urgence. L'augmentation du taux de parution des décrets est réjouissante, mais cache des disparités selon les textes, ce qui relativise la pertinence de cet indicateur.
Les bons résultats quantitatifs apparaissent en outre dans un contexte de densification de la législation : de plus en plus de textes du Gouvernement sont conçus comme de grands ensembles qui tâchent d'embrasser tous les aspects d'un sujet. Le risque de loi fourre-tout n'est jamais loin... Les délais d'examen sont, de plus, souvent très courts ; il est dommage que le caractère d'urgence disparaisse une fois la loi votée... De nombreux textes souffrent de gigantisme qui retarde la parution des décrets comme pour la loi Alur ou la loi Transition énergétique.
Les retards n'épargnent pas les textes d'origine parlementaire, tel celui sur le régime des stagiaires dans le code du travail.
Au nom du groupe RDSE, je veux dénoncer ces retards, que rien ne justifie et qui pénalisent nos concitoyens.
M. Christian Favier . - Ce débat peut sembler routinier mais il faut bien constater la réalité : les travaux parlementaires s'alourdissent encore. En 2014-2015, nous avons siégé 1 077 heures sur 147 jours, soit bien plus que les 120 jours constitutionnels. Le nombre d'amendements déposés a augmenté de 46 %, atteignant 17 306 contre 11 856 l'année précédente. Il y eut en particulier la loi Macron et la loi NOTRe. Pour cette année, nous en sommes à 714 heures de séance, mais la loi Travail reste à venir...
Le recours intensif aux ordonnances - 69 ordonnances ont été promulguées, contre 41 l'an passé - n'est pas sans poser de sérieux problèmes sur le sens du travail législatif. J'insiste aussi sur la multiplication des déclenchements de la procédure accélérée, qui n'empêche pas certains textes de passer quatorze mois en navette, comme la loi NOTRe...
La loi Travail comporte plus de cent articles dont le deuxième compte 745 alinéas et le troisième 417... Une telle manière de procéder peut-elle garantir la qualité de la loi ? Nous en doutons.
Le gigantisme de certains textes allonge le temps de leur entrée en vigueur. La loi Macron appelait 50 mesures réglementaires dont 10 ordonnances, certaines devenues depuis obsolètes... Les décrets réformant la profession notariale, notamment, n'ont pas encore été publiés.
Si 23 textes réglementaires ont été pris sur la loi NOTRe, 21 restent en souffrance, comme sur les conventions régionales en matière de construction de logements sociaux ou la gestion des déchets. Autant dire que certains groupes d'intérêt poursuivent leur combat après le vote du texte...
Je reviens à la loi NOTRe. Le renforcement des niveaux régionaux risque de coûter cher à la République, en renforçant une technocratie coupée des réalités des citoyens. Un nouveau texte décentralisateur est nécessaire. Retrouvons la voie du dialogue et cessons la politique d'austérité !
Mme Marie-Christine Blandin . - Merci à nos collègues pour leur diagnostic précis. J'insiste sur l'exigence que l'application des lois votées soit perceptible par les citoyens.
Je veux attirer votre attention sur certains retards préjudiciables. D'abord, la programmation pluriannuelle dans le contexte post Conférence de Paris. Ensuite, le décret sur la préparation et la commercialisation de certains produits agrochimiques : 100 substances seulement sur 800 sont autorisées, avec un an et demi de retard, alors qu'elles ne répondent pas à des besoins absolus des agriculteurs, comme les purins d'orties. Les Français entendent les objectifs du plan Écophyto, s'interrogent sur cette lenteur et voient cette schizophrénie !
L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a refusé l'autorisation du vinaigre, pour laisser à une firme le temps de s'octroyer un monopole par un brevet.
Autre problème, l'application de la loi Alur. Le dispositif Censi-Bouvard semble ne profiter qu'à certains acteurs du secteur du tourisme et à ces gros bétonneurs et producteurs de lits froids jamais utilisés ?
La loi sur les lanceurs d'alerte votée en 2013 prévoit une Commission nationale de déontologie, laquelle n'est toujours pas installée car deux ministères n'ont toujours pas désigné leurs représentants. Ce, alors que M. Sapin communique abondamment sur le thème, porteur, des lanceurs d'alerte !
On ne peut négliger l'application des lois, il y va de la confiance des Français dans la classe politique !
M. Michel Canevet . - Je veux d'abord féliciter Claude Bérit-Débat pour la qualité de son rapport. De nombreux efforts restent à faire pour améliorer la gestion du temps législatif.
Le groupe UDI-UC se félicite du nombre de textes votés et de la part qu'y ont ceux d'origine parlementaire. Le travail du Sénat a aussi été fructueux en commission ad hoc ; je pense à la commission d'enquête sur les autorités administratives indépendantes qui a abouti à une proposition de loi.
La production des décrets est plus rapide : six mois en moyenne, contre neuf l'an passé. C'est bien, mais nous pouvons encore nous rapprocher des objectifs fixés par la circulaire de 2008.
Le temps du débat est devenu plus dynamique. C'est positif : tout le monde peut s'exprimer dans de meilleures conditions. Reste que nous pouvons être plus efficaces : en évitant les prises de parole redondantes dans la présentation des amendements, en ne se laissant pas aller à cette manie bien française de surtransposer les directives européennes, et en évitant la caducité des ordonnances que nous habilitons le Gouvernement à prendre.
Avant de demander un nouveau rapport, ce qui alourdit les textes que nous votons, préoccupons-nous de ceux qui ont été commandés par le passé.
Enfin, le délai de réponse à nos questions écrites atteint 203 jours... C'est totalement anormal. Lorsqu'il répond, le Gouvernement doit être précis : trois mois après que j'ai demandé dans quelles conditions une société s'acquitte de la TVA, on me renvoie au secret fiscal !
M. Alain Richard . - Ce débat est en effet utile, et de qualité. Le taux moyen d'attention des sénateurs présents me semble légèrement supérieur à celui que l'on observe généralement sur les sièges de velours dans l'hémicycle. (Sourires)
Les textes relatifs à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme ont été adoptés en procédure accélérée, cela pourrait s'entendre, et ils sont entrés en application rapidement, ce dont il faut se réjouir. Les modifications du code pénal et du code de procédure pénale étaient d'application immédiate ; celles du code de la sécurité intérieure, du code monétaire et financier, du code des transports ont pris huit à dix mois.
La loi sur le renseignement a été examinée en procédure accélérée mais elle était en phase de concertation bien avant d'être votée définitivement. Elle est entrée pleinement en application, les derniers décrets ayant été pris en janvier 2016 : l'urgence était réelle, et ressentie comme telle par tous les acteurs.
La réforme de l'asile nous a mis en conformité avec trois directives, transposées sans retard, ce que le contexte rendait souhaitable : les mesures d'application ont été prises dans les trois mois. Le délai d'examen des dossiers de demande d'asile, trop long, a en effet des conséquences importantes : le maintien sur le territoire du demandeur, autant dire conduit à un détournement de la procédure.
Le suivi de l'état d'urgence a été efficace et le dialogue avec le Gouvernement riche - ce qui va me conduire à vous quitter bientôt puisque M. Mercier et moi-même nous rendons au stade de France cet après-midi vérifier l'application des mesures de sécurité.
La loi de mars 2012 sur le contrôle des armes est entrée en application. Où en sommes-nous, monsieur le ministre, sur les aspects préventifs de ce texte ?
En matière de décentralisation et d'administration locale, peu de dispositions nécessitent des textes réglementaires, mais elles sont parfois imprécises ou complexes, ce qui crée des effets inattendus. L'adoption du Sraddet, nouveau schéma englobant moult autres, suppose une ordonnance pour résorber les anciens schémas : elle ne sera pas publiée l'été prochain, je le crains...
Je rejoins Jean-Claude Lenoir sur l'impact des circulaires : restons vigilants sur la divergence d'interprétation de la loi dont elles font parfois preuve.
Je rejoins Christian Cambon sur le retard de ratification des conventions internationales, qui tient au sous-dimensionnement des services dédiés au Quai d'Orsay.
Plus généralement, l'application des lois tient aux back offices des ministères, qui varient grandement en taille et en outillage. On pourrait écrire un guide Michelin sur le sujet ! (Sourires) Le ministre sera sans doute sur ce point beaucoup plus précis.
Enfin, une étude serait bienvenue sur le délai d'apparition du contreseing du ministre du budget et du ministre des finances : je vois là un facteur explicatif du retard d'application des textes non anecdotique.
M. le président. - Merci à tous pour vos contributions.
Le nombre de pages des projets de loi est passé de 4 000 en 2010-2011 à 7 318 : indicateur significatif s'il en est...
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Merci de m'accueillir à nouveau pour cet exercice annuel. Merci au président Bérit-Débat pour ses travaux. Je salue à mon tour la très haute qualité des interventions.
Outre la mise en place d'un comité interministériel d'application des lois, que je réunis deux à trois fois par an, ce sujet fait l'objet d'une communication mensuelle en Conseil des ministres. Cet exercice s'apparente à une distribution de notes plus ou moins bien vécue par mes collègues, mais qui porte ses fruits.
Le taux d'application de l'ensemble des textes adoptés depuis le début de la législature est à ce jour de 80 %, en hausse de 15 points par rapport à l'an dernier. Les résultats concernant la dernière session sont en hausse de 7 points par rapport à l'année précédente, avec un taux global d'application de 62 % au 31 mars 2016 pour les textes adoptés entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015.
La mobilisation des services doit se maintenir, sur les lois Croissance, NOTRe, Transition énergétique et Dialogue social notamment, adoptées en procédure accélérée, vous l'avez relevé - signe de l'importance que le Gouvernement leur accordait.
Le taux de remise des rapports reste insatisfaisant. Seulement 59 % des rapports prévus ont été remis. Si je reconnais qu'il convient d'améliorer ce chiffre concernant les rapports dits « article 67 », de très nombreux autres rapports continuent à être prévus. La loi Croissance en prévoyait 17 et la loi Transition énergétique pas moins de 34 ! La multitude des rapports prévus par la loi engorge les administrations, qui doivent en même temps rédiger les textes d'application.
Le taux d'application des ordonnances est de 86 %, ce qui est un bon taux. Le rapporteur cite l'octroi de mer à Mayotte ; une loi a finalement été prise le 29 mai 2015, soit dans le délai de six mois prévu pour l'ordonnance.
Le taux de réponse aux questions écrites des sénateurs est de 73 %, en légère progression grâce au suivi attentif du Secrétariat général du Gouvernement et à la pression que je mets sur mes collègues.
S'agissant des questions européennes, mon collègue Harlem Désir m'a confirmé qu'il se tient à votre entière disposition pour les auditions que les commissions pourraient souhaiter organiser, notamment celle des affaires européennes. Ces auditions pourraient avoir lieu préalablement à la tenue de conseils européens. Une réunion doit se tenir avec des représentants des commissions des affaires européennes des deux assemblées, dans les tout prochains jours, dans les locaux du SGAE.
Monsieur Lenoir, la loi Transition énergétique est applicable à 54 % ; 6 mesures sont en contreseing ; 27 sont au Conseil d'État ; 25 en consultation obligatoire - ce qui prend du temps. Le taux remontera donc rapidement.
La loi d'avenir sur l'agriculture est applicable à 82 %... Les mesures de compensation agricole et de contrôle sanitaire sont au Conseil d'État. S'agissant des registres agricoles, le texte paraîtra au troisième trimestre après avis de la Cnil.
Sur les cessions de médicaments vétérinaires, le texte paraîtra à la fin de l'année.
Le décret relatif aux associations nationales de militaires, sujet sensible, paraîtra sous peu, après les consultations nécessaires. Le bilan annuel des Opex a été abordé lors du débat.
Monsieur Milon, la loi Rebsamen nécessitait 54 normes ; 50 ont été prises. La reconnaissance des maladies psychiques comme maladies professionnelles est en contreseing. De nombreuses mesures verront leur base légale modifiée par la loi Travail : je ne peux donc vous éclairer... Sept décrets prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale sur 59 n'ont pas été publiés. Les autorités de sécurité sociale ont été saisies du projet de décret sur l'achat groupé de vaccins. Sur les taxis, la concertation avec les professionnels est encore en cours.
Madame Morin-Desailly, la loi de modernisation de la presse est applicable en totalité depuis le 25 mai 2016 !
Monsieur Maurey, la loi ferroviaire - d'actualité, indiscutablement (Sourires) - est applicable à 85 %. Le décret relatif aux entreprises ferroviaires vient de sortir du Conseil d'État. La mesure prévue à l'article 7 a pris du retard en raison de la loi NOTRe ; elle paraîtra à l'automne.
Madame André, je ne manquerai pas de transmettre vos observations à M. Sapin. L'arrêté relatif à la taxe Séjour est en contreseing. L'entrée en vigueur des délibérations des communes n'en dépend de toute façon pas : les redevables de la taxe le sont pleinement !
La loi Renseignement est applicable à 92 %. Une mesure unique reste à prendre. Elle sera transmise au Conseil d'État au tout début de l'été.
Les mesures relatives aux formateurs d'auto-école ont été prises le 30 mars dernier.
MM. Canevet et Favier ont à raison rappelé les effets de l'engorgement législatif. Le Parlement vote la loi et contrôle l'action du Gouvernement, ce qui exige du temps. L'examen redondant d'amendements secondaires ne va pas forcément dans ce sens... Vous avez cité les lois Croissance et Transition énergétique, dont le volume a considérablement augmenté au fil des débats... À propos, le taux d'application de la loi Croissance est de 83 % : 96 décrets sur 116 sont parus. Une dizaine sont en cours d'examen au Conseil d'État. J'espère qu'elle sera applicable entièrement fin 2016.
Madame Blandin, la loi sur les lanceurs d'alerte l'est à 100 % ! Nous attendons deux membres de la commission de déontologie, que doivent nommer le ministre de l'agriculture et le ministre de la recherche. Nous avons renforcé les services des ministères chargés de l'application des lois.
Un peu de prospective pour conclure. D'importantes lois ont été adoptées récemment, qui entreront dans nos décomptes : loi d'Adaptation de la société au vieillissement, loi Santé, notamment. La communication que nous ferons début juillet lors du bilan semestriel en tiendra compte.
Merci, à nouveau, de votre travail et de votre engagement sur ces questions.
M. Gérard Larcher, président. - Merci. Ce débat a été utile et nous a permis de prendre date.
La séance est suspendue à 16 h 30.
Hémicycle
présidence de M. Hervé Marseille, vice-président
La séance reprend à 16 h 45.
Mise en oeuvre de la transition énergétique
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur « la mise en oeuvre de la transition énergétique en France, un an après la loi du 17 août 2015, afin de pérenniser notre modèle énergétique, de garantir notre indépendance énergétique et notre compétitivité économique, tout en poursuivant des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Ce débat a été demandé par le groupe Les Républicains.
M. Jean-Claude Lenoir, au nom du groupe Les Républicains . - Le groupe Les Républicains a souhaité faire le point, un an après, sur la mise en oeuvre de la loi de transition énergétique. Les objectifs affichés par le Gouvernement étaient trop ambitieux et irréalistes. Diminuer la consommation d'énergie de 20 % d'ici 2020 et de moitié d'ici 2050 ? La consommation d'électricité a continué d'augmenter cette année, de 0,5 % à 2 %, tout comme celle des produits pétroliers.
La part des énergies renouvelables n'est pas à la hauteur prévue : 19,4 % en 2013, 19,6 % en 2014... et 18,7 % aujourd'hui. La part du nucléaire dans le mix énergétique reste de 77 %, il a oscillé au cours des dix dernières années entre 73 et 78 % en fonction de la disponibilité des centrales.
La mise en application de cette loi ne se fait pas non plus au rythme annoncé par la ministre. Nous évaluions à 48 % la proportion de textes d'application publiés, le ministre des relations avec le Parlement vient de nous dire qu'elle était de 54 % et Mme Royal parle de 75 %... Comment expliquer cet écart ? Tous les décrets devaient paraître en 2015.
Le décret sur la programmation pluriannuelle est un élément essentiel. Des premières mesures ont été prises sur les énergies renouvelables, mais nous attendons le Gouvernement sur le nucléaire : comment va-t-il s'y prendre pour faire passer la part du nucléaire à 50 % d'ici 2025 ? Comment fera-t-il pour fermer Fessenheim ? Il faut tenir compte des procédures et des conséquences financières. N'oublions pas que 30 % de la centrale appartiennent aux Suisses et aux Allemands. La raison devrait l'emporter et le Gouvernement ne fermera pas la centrale dans les délais annoncés. Il faudrait aussi que la France puisse continuer à gagner des marchés dans un domaine où son savoir-faire est reconnu.
La loi transition énergétique comporte deux volets : le renouvelable et le bâtiment. Pour financer le renouvelable, la loi a fixé à 22,50 euros le montant affecté à la contribution au service public de l'électricité (CSPE) ; le reste étant financé par la contribution carbone.
Pour 2014-2025, le coût du renouvelable est estimé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à 100 milliards d'euros - c'est un peu plus que ce qu'ont coûté nos 58 centrales nucléaires. En outre, si la puissance installée du renouvelable a augmenté pour l'éolien et le photovoltaïque, 10 000 mégawatts pour l'éolien, 4 000 mégawatts pour le solaire, il faut bien la distinguer de la production effective. Dans l'ensemble du mix énergétique, l'éolien représente 4,5 %, le solaire 1,6 %.
Quant à la rénovation thermique des bâtiments, la taxe est insuffisante à couvrir les besoins. Sur 9 à 10 milliards d'euros de dépenses annuelles, 60 % resteront à la charge des ménages. En ont-ils les moyens ?
Les Français auront l'occasion dans quelques mois de se prononcer sur cette question. Les Allemands ont fait le choix d'une énergie chère, et très carbonée. Que veut notre pays ? Nous proposerons de revenir, non sur des choix en faveur de l'environnement, mais sur l'objectif de 50 % de nucléaire à horizon 2025 et la fermeture de Fessenheim. Il faut changer de politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Ladislas Poniatowski . - Malgré les efforts du Sénat pour parvenir à un texte consensuel l'été dernier, le Gouvernement a refusé de revenir sur son erreur stratégique - la promesse du candidat Hollande de réduire la part du nucléaire à 50 % d'ici 2025. Un accord n'était dès lors plus possible, car cet objectif est néfaste et irréaliste - comme en attestent les reports successifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Entre 17 et 20 réacteurs devront être fermés en dix ans avec des effets désastreux en termes d'emploi comme budgétaires - car le préjudice de l'exploitant devra être indemnisé. La filière, dont les deux fleurons EDF et Areva connaissent déjà des difficultés importantes, sera durement touchée. Visibilité et confiance dans l'avenir, telles devraient être les priorités.
Nous supprimerons l'objectif des 50 % à l'horizon 2025, non par idéologie mais parce que nous sommes sûrs que c'est un choix funeste. Le nucléaire est le meilleur allié de la transition énergétique et du développement du renouvelable. Il faut en baisser la part, certes, mais à un horizon raisonnable. Et mieux vaut des fermetures partielles plutôt qu'un démantèlement de centrales entières.
La fermeture de Fessenheim avant la mise en service de Flamanville - le Gouvernement y travaille, il veut rendre le processus irréversible avant 2017... - aurait des conséquences redoutables sur le plan local et financier, l'indemnisation des Allemands et des Suisses qui détiennent une partie de la centrale se compterait en milliards d'euros...
Et ce, alors que les besoins de financement de la filière nucléaire sont importants : 51 milliards d'euros d'ici 2025 pour le grand carénage, afin de continuer à bénéficier de la rente sur les installations amorties. Le renouvellement du parc des 58 réacteurs par 35 EPR de la nouvelle génération - intéressants pour produire une énergie décarbonée - coûte cher et plaide pour l'entrée d'autres partenaires aux côtés d'EDF, comme c'est déjà le cas à Fessenheim, Bugey, Tricastin, Chooz,...
Le nucléaire est une industrie d'État. C'est à l'État d'avoir le courage de prendre toutes les décisions. Madame la ministre, je vous le dis à vous mais aussi à ceux de ma famille politique qui sont candidats à de hautes responsabilités : raisonnons sur des considérations objectives plutôt qu'à partir de postures idéologiques. (Applaudissements à droite)
M. Hervé Maurey . - Je regrette l'absence de Mme Royal. Le président Lenoir et moi-même souhaiterions qu'elle présente elle-même un bilan de sa loi devant nos commissions. Nous attendons qu'elle nous propose une date pour son audition.
M. Jean-Claude Lenoir. - Nous ne désespérons pas !
M. Hervé Maurey. - N'a-t-elle pas voulu en faire une des priorités du quinquennat ?
Notre modèle de développement énergétique devrait être repensé au service de la croissance. La loi du 17 août 2015 a fixé des objectifs ambitieux. Dans les faits, les émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de 17,2% en 26 ans : comment espérer une diminution de 40 % en 15 ans ? La part des énergies renouvelables n'atteint que 14,6 %, contre les 16 % prévus. Une part du nucléaire à 50 % en 2025 est une utopie ; et 100 000 emplois créés par la croissance verte, une incantation.
La programmation pluriannuelle de l'énergie, qui devait être le socle de notre stratégie, est sans cesse reportée. En ce qui concerne les transports propres, nous attendons le décret précisant les critères d'émissions de gaz à effet de serre, ainsi que celui qui imposerait d'acquérir des véhicules propres aux personnes publiques, aux loueurs de voitures, taxis, VTC... Nous, sénateurs, ne sommes pas les seuls à nous impatienter. Les filières économiques, les entreprises, nos concitoyens, tout le monde attend.
La lutte contre le gaspillage est importante pour optimiser l'utilisation des ressources. À l'initiative de Chantal Jouanno, nous avions introduit dans la loi une stratégie nationale de transition vers l'économie circulaire. Où en est-on ?
Dans le feuilleton Fessenheim, plus personne ne sait quel sera le sort de la centrale. Les engagements du président de la République sont-ils fondés sur des critères objectifs, liés à la sûreté nucléaire ?
Enfin, la fiscalité écologique est un instrument important pour faire évoluer les comportements. Aucune mesure, à part l'anecdotique indemnité kilométrique vélo...
Notre pays est en matière de fiscalité écologique au 27e rang sur 28 en Europe. Les recettes tirées de la fiscalité écologique représentent moins de 2 % du PIB contre 5 % au Danemark et une moyenne européenne de 2,5 %. On nous a vanté, voire vendu, la transition énergétique pendant des années. On ne peut se complaire de mots ; il faut agir.
M. Michel Le Scouarnec . - La notion de transition énergétique occupe nos débats depuis plusieurs années. Cette transition est nécessaire pour répondre à l'augmentation du prix du pétrole et au réchauffement climatique. Nous devons trouver de nouveaux modes de vie et de déplacements, de nouvelles sources d'énergie sans mettre à mal notre tissu économique et social ni sacrifier entièrement notre confort, même si notre modèle de consommation a atteint ses limites.
Le bilan de l'application de la loi interroge. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) aurait dû être présentée le 8 mars. Elle a été repoussée. Son premier volet sur le développement des énergies renouvelables est inquiétant.
Fin avril 2016, 117 dispositions de la loi de 2015 restent en attente de décret d'application. Ces retards concernent des mesures essentielles : création du carnet numérique de suivi de la rénovation des logements, réglementation des travaux embarqués sur les bâtiments pour atteindre le niveau fixé de performance énergétique, création du fonds de garantie pour la rénovation énergétique, obligation d'achat de véhicules propres pour certaines flottes...
Les 136 millions d'annulations de crédits, qui touchent la plupart des programmes, devraient également conduire à une revue à la baisse des subventions de l'Anah pour la rénovation thermique. L'ambition affichée était de 500 000 rénovations annuelles à partir du 1er juin 2017... La France compte de nombreux logements passoires thermiques, où vivent les plus modestes. Nous ne parviendrons pas à créer les 75 000 emplois annoncés.
Seules les mesures de libéralisation ont été prises avec diligence, comme la promotion de l'effacement par les agrégateurs privés ou la pose obligatoire du compteur Linky, qui a suscité des inquiétudes pour la confidentialité des données de consommation...
La flamme n'est pas encore éteinte, madame la ministre, mais nous attendons beaucoup de vos réponses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Roland Courteau . - Nous avons les uns et les autres des lectures différentes... À la veille de la ratification de l'accord de Paris, réjouissons-nous de ce beau succès, dans lequel la France a pris toute sa part et qui a effacé le fantôme de Copenhague. Avec l'arrêté sur les objectifs de développement des diverses énergies, nous sommes le premier pays à décliner dans son droit national les engagements pris au plan international. La France a pris l'engagement de donner un prix plancher au carbone en janvier 2017. Et elle se place en tête des émetteurs d'obligations vertes.
Au 10 mai 2016, 76 % des décrets de la loi Transition énergétique sont soit publiés, soit soumis au Conseil d'État. C'est une performance pour une loi de plus de 200 articles. L'enjeu est de créer 100 000 emplois en trois ans. C'est un pari que nous pouvons gagner.
Dans le secteur du bâtiment, l'emploi a progressé de 9 % ; et de 13 % dans le secteur des énergies renouvelables. Même le secteur des véhicules électriques et hybrides a multiplié ses effectifs par trois. La stratégie bas carbone est un succès. Nul doute que le soutien de l'Ademe à hauteur d'un milliard d'euros à 15 000 opérations aura un effet positif. La France devrait rester parmi les pays les plus avancés d'Europe dans la mécanique de réduction des gaz à effet de serre. Des décrets importants ont été pris sur le tiers-financement, la rénovation des bâtiments tertiaires, le fonds de garantie de la rénovation énergétique, le financement participatif des énergies renouvelables, le chèque énergie...
Il est également essentiel de souligner l'importance des rénovations qui sont lancées grâce à la PPE.
M. Jean-Claude Lenoir. - On l'attend, elle !
M. Roland Courteau. - Elle a été reportée, certes. Mais un décret a été publié pour sécuriser les entreprises.
J'apprécie que l'éolien flottant soit doté de 150 millions d'euros. Je suis concerné par les projets pilotés dans le Golfe du Lion !
Quelques semaines supplémentaires sont nécessaires pour fixer la feuille de route en matière d'énergie nucléaire. Le contexte économique, les efforts réalisés, le taux de pénétration des énergies renouvelables, l'avis de l'ASN sur la durée de vie des centrales, tels sont les critères à prendre en compte.
Les concessions hydroélectriques sont un autre sujet sensible. La disposition prévue dans notre proposition de loi et reprise dans la loi - prolongation des concessions en cas d'investissements importants à consentir - est essentielle. Enfin, la publication du décret sur nos entreprises grandes consommatrices d'énergie ne peut que nous satisfaire.
La loi de transition énergétique améliore la compétitivité et le pouvoir d'achat, invente le futur et fait de la France la nation de l'excellence environnementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Ronan Dantec . - Je tiens à féliciter le groupe Les Républicains pour le choix du thème de ce débat. Nous vivons un moment historique. Jean-Claude Lenoir aurait pu en parler en introduction.
En effet, entre les 7 et 11 mai derniers, le Portugal n'a eu recours qu'à l'éolien, au solaire et à l'hydraulique pour couvrir ses besoins en électricité. Ancien pays importateur très dépendant des énergies fossiles, il devient exportateur grâce à des investissements massifs dans les énergies renouvelables.
En Allemagne, ces dernières ont couvert 32,5 % de la consommation contre 27 % l'an passé ; 2016 devrait être encore meilleure. Le 8 mai, l'Allemagne a produit 80 % de son électricité avec du renouvelable. Ce développement a des conséquences : le jour du pic de renouvelable en Allemagne, le prix de l'électricité s'est effondré. Dans une Europe de plus en plus interconnectée, le modèle économique français est forcément affecté par ces évolutions. Il ne tient plus.
M. Jean-Claude Lenoir. - Quelle est la part du charbon en Allemagne ?
M. Ronan Dantec. - Ce retard à agir pour faire évoluer le modèle français est un refus du monde réel. Je tremble pour le service public à la française. L'endettement d'EDF s'élève à 37 milliards. Le rachat de l'activité réacteurs d'Areva, l'investissement ou le projet de Hinkley Point... On ne peut pas continuer ainsi sauf à vendre les bijoux de famille, comme ERDF.
Notre problème principal est l'effondrement du prix de gros de l'électricité. Jean-Claude Lenoir nous dira qu'il faut tenir compte de la différence entre le prix du renouvelable et le prix de gros.
M. Jean-Claude Lenoir. - Et de la part des subventions pour les unités de production !
M. Ronan Dantec. - Il faut réduire la production d'électricité en fermant des tranches nucléaires, celles qui produisent la base. Il y a vingt ans, disant cela, j'aurais été l'incarnation de l'écologiste chevelu et barbu, fier de son panneau solaire bricolé maison... (Rires)
M. Jean-Claude Lenoir. - Comme le temps passe !
M. Ronan Dantec. - Cet après-midi, je représente - chose nouvelle pour moi - les puissances industrielles qui produisent des centaines de milliards d'euros d'énergies renouvelables ; et vous êtes les derniers représentants d'une position marginale. Ouvrez les yeux, sachez évoluer ! Sinon, vous allez au-devant de grosses déconvenues. (Rires ; Mme Evelyne Didier applaudit)
M. Jean-Claude Requier . - Le décret autorisant le démantèlement du réacteur Phénix prévoit que la mesure ne sera effective qu'en 2050. La PPE est le fondement sur lequel repose la transition énergétique. Or le Gouvernement tarde à la publier. Il est regrettable que nous ne disposions pas du volet qui concerne 2016-2018.
La réduction de la part de la production nucléaire supposerait que l'on mette fin au fonctionnement d'un certain nombre de réacteurs. Mais le mix énergétique français repose sur le nucléaire...
Il est absurde d'investir lourdement dans un réacteur qui devra fermer rapidement. Fermer une centrale n'est pas une décision qui s'improvise : on pourrait au moins désigner les réacteurs à fermer.
S'agissant du développement des énergies renouvelables, les objectifs fixés dans l'attente de la PPE ne sont pas suffisamment ambitieux. Quant aux dispositions pour accroître la transition énergétique, elles sont bonnes : je songe au soutien aux 500 territoires à énergie positive pour la croissance verte, par exemple.
Un mot au sujet d'ERDF : les réseaux appartiennent aux collectivités, je ne vois pas comment on peut vendre un bien qui ne nous appartient pas.
M. Ladislas Poniatowski. - C'est bien de le rappeler !
M. Jean-Claude Requier. - Madame la ministre, ce qui nous préoccupe, ce n'est pas le nombre de décrets mais leur contenu. La PPE nous fait cruellement défaut. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Louis Nègre . - La loi de 2015 prévoyait un cortège d'objectifs pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. La diversification de notre bouquet énergétique a toujours été défendue par le groupe Les Républicains. Ce rééquilibrage se concentrera sur la biomasse, le solaire et l'éolien.
S'agissant des énergies renouvelables, si la direction est bonne, les résultats risquent de se faire attendre. La biomasse nécessite une vraie mobilisation de la filière. Qu'en est-il du doublement du fonds chaleur ? Où en sont les appels d'offre ? Les objectifs de la PPE ont gagné en crédibilité mais demeurent très optimistes, bien supérieurs à ce que prescrit le paquet énergie climat.
La transition énergétique c'est aussi et surtout des économies d'énergie grâce aux nouvelles mobilités. Madame la ministre, votre Gouvernement a consacré une partie substantielle de la loi aux transports. Cela commençait bien. Nous attendons toujours le décret faisant obligation à l'État, aux établissements publics, aux loueurs, taxis et VTC d'avoir une flotte propre.
L'article 37 précise la définition des véhicules à faibles émissions ; mais le décret d'application est une véritable usine à gaz qui différencie carburants et motorisations là où le législateur proposait une formulation plus neutre et s'en tenait au niveau d'émission - c'est cela qui compte. Attention aussi à ne pas empêcher les bus de circuler dans les zones à circulation restreinte.
L'aide à l'acquisition de véhicules peu polluants, antérieure à la loi, a porté ses fruits, mais le changement des règles du jeu a réduit drastiquement le nombre de véhicules éligibles... La création d'un super-bonus de 10 000 euros n'aura pas l'effet d'entraînement escompté.
J'invite le Gouvernement à rendre à cette loi toute sa force initiale ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Yves Roux . - Nous avons raison d'être collectivement exigeants sur l'application de la loi de transition énergétique, tant l'enjeu est grand pour notre environnement comme pour notre économie. Les objectifs sont ambitieux mais réalistes : une baisse de 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030 et leur division par quatre entre 1990 et 2050.
Selon Cynthia Fleury, la construction de l'État de droit est l'histoire du fossé entre principes et pratiques. En irait-il de même de la stratégie bas carbone ? Il est trop tôt pour évaluer le décret du 18 novembre 2015 ; une évaluation sectorielle dans six mois serait opportune, sachant qu'une révision de la stratégie aura lieu fin 2019. Ce n'est pas un frein à l'activité économique, au contraire ; il y faut des investissements et de l'innovation, sources de compétitivité. Une production décarbonée sera à l'avenir, à n'en pas douter, un argument à l'exportation. La stratégie bas carbone devra être plus systématiquement prise en compte dans nos décisions, ici comme dans nos territoires.
La mise en place d'une tarification du carbone est un atout ; la trajectoire est ambitieuse, 56 euros la tonne en 2020 et 100 euros en 2030 : la France donne l'exemple. Mais le tarif comme la structuration du marché ne sont encore assez incitatifs. Il faut aussi donner aux entreprises les moyens dont elles ont besoin, par exemple grâce aux certificats bas carbone prônés par Michel Aglietta : les certificats seraient transmis des entreprises aux banques, puis des banques à la BCE, pour le financement de la croissance verte.
La mise en oeuvre de la loi suit une trajectoire équilibrée, réaliste et volontaire. Maintenons le cap ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Alain Marc . - Dans les vallées de la Truyère et du Lot, la France dispose d'installations hydroélectriques stratégiques pour son approvisionnement électrique. Pour déclencher les investissements nécessaires, il suffirait que l'État proroge la concession comme le lui permet l'article 116 de la loi du 17 août 2015. Mais en octobre 2015, la France s'est vue enjoindre par la Commission européenne de mettre en concurrence une part significative des concessions aujourd'hui exploitées par EDF. (Mme Évelyne Didier s'exclame) Nous sommes inquiets. Ces investissements de plusieurs centaines de millions d'euros seraient précieux pour nos territoires, où nous entretenons depuis longtemps des relations de confiance avec EDF.
L'arrêté du 24 avril a fixé des objectifs très ambitieux : doublement du parc éolien terrestre, triplement du parc photovoltaïque d'ici 2023. L'intégration de ces énergies intermittentes dans le réseau suppose de développer les modes de production flexibles ; ils existent, ce sont nos grands barrages...
Quelle est la position du Gouvernement sur l'application de l'article 116 ? Comment s'implique-t-il dans les négociations avec la Commission ? (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville . - Je vous prie d'excuser Mme Royal, retenue par d'autres obligations. (Murmures à droite)
La COP21 a illustré la prise de conscience et la mobilisation internationales pour le climat.
La France a été à l'initiative, et l'accord de Paris a été signé à New York, en un seul jour le 22 avril, par plus de 170 pays. L'organisation de la Conférence, quelques jours après le 13 novembre, a été irréprochable, et la France, avec une équipe diplomatique de talent, a montré son implication sincère.
Elle a inscrit dans la loi sa contribution nationale à la lutte contre le dérèglement climatique - qui doit être mise à jour tous les cinq ans de façon toujours plus ambitieuse. Il s'agit de réduire de moitié la consommation d'énergie d'ici 2050, de porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique et à 40 % dans l'électricité, de baisser de 30 % le recours aux énergies fossiles. L'ambition est forte pour le photovoltaïque et l'éolien - y compris l'éolien flottant, les résultats des premiers appels d'offres seront annoncés en juillet. Le cadre de soutien aux énergies renouvelables a été revu.
La CSPE, gelée à 22,5 euros par mégawatt heure, soit moins qu'en Allemagne, préserve le pouvoir d'achat des consommateurs.
Toute la vie quotidienne des Français est concernée par ce nouveau modèle de développement. Mme Royal a fait de la mobilisation de la société civile le fil rouge de son action. Élus, citoyens et entreprises bénéficient de moyens sans précédents - pour 400 territoires à énergie positive, sans parler des territoires zéro déchet.
Tous les programmes de renouvellement urbain et ceux de l'Anah intègrent désormais la rénovation thermique des bâtiments, grâce au soutien de l'État et de la Caisse des dépôts ; je rappelle également le rôle des PIA en soutien de la green tech.
La prime pour l'acquisition d'un véhicule peu polluant peut désormais atteindre 10 000 euros. S'agissant des autobus, nous recherchons, monsieur Nègre, un juste équilibre entre préservation de la qualité de l'air et maîtrise des coûts pour les collectivités ; l'arbitrage est en cours.
La stratégie nationale bas carbone, publiée le 15 novembre 2015, contribuera à la compétitivité de notre économie : baisse des factures des consommateurs comme des importations d'énergie... Déjà, 20 000 emplois ont été créés. Le tarif du carbone doit atteindre 56 euros en 2020, 100 euros en 2030.
Pas moins de 56 % des décrets sont publiés, ils seront 80 % au terme de l'examen par le Conseil d'État. Le taux est déjà atteint pour ce qui est des ordonnances. Parmi ces textes, ceux qui concernent l'individualisation des frais de chauffage, le tiers-financement pour la rénovation énergétique, l'expérimentation du chèque énergie en Ardèche, dans les Côtes d'Armor, le Pas de Calais et l'Aveyron, le complément des rémunérations pour les énergies renouvelables, mais aussi les sacs plastiques, les déchets de chantier... Dans quelques jours paraîtront les textes relatifs aux zones de circulation restreinte ou aux certificats de qualité de l'air.
La PPE est un travail de plus longue haleine. Services de l'État, entreprises et collectivités territoriales sont concernées, il faut prendre le temps de la concertation - on nous aurait reproché de ne pas le prendre. Le comité de suivi s'exprimera très bientôt.
Les premières orientations de la révision de la réglementation de la construction seront annoncées avant l'été ; nous attendons en outre avant la fin de l'année un accord au niveau européen sur des mesures ayant un impact sur le marché intérieur. Ces échéances sont raisonnables.
Le président de la République a pris l'engagement de fermer la centrale de Fessenheim ; les décrets paraîtront avant la fin de l'année pour retirer l'autorisation d'exploiter, dont la mise en oeuvre durera deux ans.
M. Jean-Claude Lenoir. - Nous n'y tenons pas !
Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. - Les discussions avec EDF se poursuivent. Le processus sera irréversible, mais il faut bien deux ans pour arrêter des réacteurs. Nous ne sommes pas en guerre contre le nucléaire ni ne le défendons envers et contre tout... L'essentiel est de trouver le bon équilibre. Le Gouvernement est attentif à la situation d'EDF et l'État participera à l'augmentation de son capital. Il n'y a pas d'inquiétudes excessives à avoir.
J'ai pu percevoir votre vif intérêt pour le sujet, même dans vos interventions les plus critiques. Avec la transition énergétique, la France est à un tournant de son histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)
Le débat est clos.
La séance, suspendue à 18 h 15, reprend à 18 h 25.
Économie bleue (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour l'économie bleue.
Discussion générale
M. Didier Mandelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Je félicite tous ceux qui ont fait que cette discussion aboutisse en un temps record. Le succès de la CMP n'était pas gagné d'avance - il restait 65 articles en discussion - même si le combat pour la maritimisation est largement partagé.
La CMP a très largement entériné les propositions du Sénat pour renforcer notre compétitivité maritime. Cela passe par l'autoliquidation de la TVA dans les ports - 50% des biens à destination de la France sont débarqués dans des ports étrangers - une plus grande autonomie pour les ports, sans toutefois anticiper sur les réflexions en cours...
Sur le netwage, la CMP est parvenue à une rédaction plus satisfaisante. La disposition sur la REP navires a été conservée, mais le plafonnement de la contribution supprimée. La solution retenue par le Sénat sur les jeux de hasard embarqués a été conservée. Quant au transport de produits pétroliers, la CMP a veillé à la préservation d'une flotte complète, de gros et de petits navires.
Elle a facilité le recours à des entreprises privées de protection des navires pour mieux lutter contre le terrorisme, en supprimant le zonage qui n'a pas de sens en la matière ; clarifié le régime d'évaluation de sûreté ; facilité les contrôles de sécurité dans les ports en autorisant interpellation, garde à vue et prise d'empreintes en cas de délit d'intrusion dans une zone réservée.
Les mesures relatives à la pêche et à l'aquaculture étaient plus limitées et ont fait l'objet d'un large consensus. Je salue l'implication de M. Le Scouarnec et de la commission des affaires économiques sur ces sujets. Il faut un mode d'emploi pour diversifier les revenus des pêcheurs. L'information dans les restaurants sur les zones de capture ou de production des produits aquacoles a été de nouveau rendue facultative.
La CMP a repoussé de 2020 à 2025 l'interdiction du rejet en mer des sédiments et résidus de dragage pollués, afin de favoriser le développement d'une véritable filière de traitement et de récupération. Il faut savoir que le dragage fait déjà l'objet de procédures très rigoureuses.
La CMP a enfin supprimé des dispositions inopérantes, dont l'extension du service minimum au transport maritime qui mérite un travail juridique plus approfondi.
Merci au député Arnaud Leroy d'avoir proposé des mesures qui combleront en partie le déficit de compétitivité dont nous pâtissons. Toutes les grandes puissances font le pari de la mer. Nous devons suivre leur exemple et définir une vraie stratégie ambitieuse pour la croissance bleue. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification . - La volonté des parlementaires d'oeuvrer en faveur de la croissance bleue ne pouvait qu'être soutenue par le Gouvernement, qui avait déjà pris plusieurs mesures en ce sens. Cette proposition de loi est le fruit de nombreux échanges avec l'État et les acteurs concernés. Le dernier comité interministériel de la mer a décidé de mesures importantes pour renforcer l'attractivité de nos grands ports, soutenir la pêche maritime et le renouvellement de la flotte de commerce, définir une ambition aquacole pour la France et renforcer la protection de nos aires maritimes protégées. Le Gouvernement a aussi réaffirmé le caractère essentiel de la solidarité des gens de mer en soutenant le programme d'investissement de la SNSM. D'autres mesures ont été prises pour adapter nos outils de sûreté et de sécurité.
Des travaux parlementaires sont en outre en cours pour développer l'hinterland de nos ports. Nous devrons agir collectivement pour rendre à nos ports une place de premier plan dans le commerce mondial.
Le présent texte comprend des dispositions nombreuses et diverses - y compris de simplification administrative, sujet qui m'est cher. L'article 3 accorde une place plus importante aux régions dans la gouvernance des ports, prévoit la création d'une commission des investissements et l'extension de l'autoliquidation de la TVA. Les articles 5 quater A et 5 quater traite des conditions de moralité exigées pour exercer certaines fonctions sur les navires de pêche. L'article 8 étend les exonérations de charges patronales liées aux allocations familiales et à l'assurance chômage à tous les navires de commerce affectés à des activités de transport et soumis à la concurrence internationale. L'article 9 bis confie au Conseil supérieur des gens de mer un rapport sur l'évolution de l'ENIM.
La question de la délimitation des espaces maritimes, sur laquelle le Gouvernement est autorisé à légiférer par ordonnance, est cruciale.
La modification du statut de la société de pêche artisanale contribuera au renouvellement de la flotte. Enfin, les marins partis à la retraite avant le 19 octobre 1999 et exposés au feu durant la guerre d'Algérie verront leurs droits à pension doublés sur la période.
La mer est une ressource, un investissement, un espace à protéger. Comptez sur l'engagement du Gouvernement pour mettre en oeuvre ce texte, dont il soutient l'adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et au centre)
Mme Annick Billon . - Le succès de la CMP démontre une fois encore que nos deux assemblées savent trouver des accords constructifs. Espérons que les décrets d'application suivront très rapidement.
Il est dommage enfin que nous n'ayons abordé la question de la croissance bleue que par un biais technique. C'est une stratégie ambitieuse qu'il nous faut, à la hauteur du potentiel du pays. Quelle fierté pour une élue vendéenne de voir les chantiers STX remporter encore et encore des contrats... C'est une marque d'excellence qui fait du bien en ces temps de blocages...
L'économie bleue est une source d'emplois et d'activité. II faudra à n'en pas douter attendre le prochain quinquennat pour que soit mise en oeuvre la réforme qui permettra à nos grands ports maritimes de tenir leur rang au niveau européen. Faut-il rappeler la situation inacceptable qui voit 50% des biens à destination de la France débarqués dans un port étranger ?
Il faudra aussi donner aux pêcheurs les moyens de poursuivre la modernisation de leur profession et de leur outil de travail, au service d'une gestion durable des ressources halieutiques. Nous avons de formidables professionnels, passionnés, soucieux de fournir des produits de qualité tout en préservant la ressource.
Ce texte devra aussi favoriser le développement d'une aquaculture de qualité, compétitive et respectueuse de l'environnement, ainsi que celui de biotechnologies liées à la mer et aux fonds marins.
Le report à 2018 de la constitution d'une filière de déconstruction des bateaux laisse le temps aux acteurs de s'organiser. Vos services collaboreront-ils sur ce dossier, monsieur le ministre ?
La proposition de loi apporte des précisions juridiques, utiles pour les acteurs.
La France est une grande puissance maritime et son avenir passera par la mer. Le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Évelyne Didier . - Le texte issu de la navette est assez différent du texte initial. Seul point positif, la suppression de la disposition élargissant le service minimum au secteur maritime.
Beaucoup de reculs par rapport au texte du Sénat, à l'article 22 à propos des micro-déchets solides, à l'article 19 bis AA avec le report à 2025 de l'interdiction des rejets en mers des sédiments de dragage pollués. Ces reculs montrent que la protection de l'environnement n'est toujours pas considérée comme une priorité. De même, le netwage a été rétabli : idée fausse pourtant car baisser les marges ne relance pas l'emploi ! Relancer l'emploi suppose de soutenir le pouvoir d'achat, l'investissement, la formation, mais surtout les carnets de commande. Ce que le patronat qualifie de charges sociales n'est en fait qu'un salaire différé.
Nous réclamons un seuil de marins communautaires à bord des navires pour lutter contre le dumping et les pavillons de complaisance.
Les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme n'ont cessé d'être renforcées - telle celle autorisant le recours aux sociétés privées de sécurité. Mais il est indécent d'entretenir la confusion entre terrorisme et immigration illégale.
Nous avons été nombreux ici à insister sur l'importance pour la défense nationale de la création et du renforcement de la flotte stratégique prévue lors de la loi sur la transition énergétique. Or elle n'est définie qu'a minima, sans exigence en terme de nombre et de capacité de navires, de situation de l'équipage, de pavillon français. Ces questions sont renvoyées au règlement alors qu'elles sont éminemment politiques et stratégiques. En outre, le texte ne fait plus mention d'une obligation de capacité de transport maritime de pétrole brut, mais d'une simple faculté.
Il aurait aussi fallu renforcer les capacités multimodales des ports, comme le font Anvers ou Rotterdam.
Pour ces raisons, le groupe CRC votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Nelly Tocqueville . - Beaucoup de travail a été accompli depuis le rapport « Osons la mer » de 2003.
L'économie maritime représente un chiffre d'affaires annuel de 70 milliards d'euros et 340 000 emplois directs. Comme l'a rappelé le président de la République, le 6 octobre 2015, l'espace maritime est une force considérable.
Je salue l'ambition transversale de ce texte, même si la majorité sénatoriale n'en reconnaît pas les avancées, voulant même le débaptiser.
Le dernier comité interministériel de la mer du 22 octobre 2015 a tracé une feuille de route. Mme Fourneyron et M. Revet ont été chargés d'une mission sur les ports de Rouen et du Havre. Le complexe Haropa associant les ports du Havre, de Rouen et de Paris, est devenu le premier complexe portuaire français, avec 18 000 emplois directs.
Je salue l'esprit de compromis en CMP, le travail de M. Leroy, qui a accepté l'enrichissement de son texte et le sens du dialogue de M. Mandelli.
Un certain nombre de ses dispositions font consensus : l'autoliquidation de la TVA dans les ports par exemple. Deux millions de conteneurs destinés à la France ne sont pas déchargés en France. Il est important de rapatrier ces flux, qui représentent 10 000 emplois et un million d'euros de chiffre d'affaires.
Autre point consensuel : l'encadrement de la moralité des capitaines de navires et des officiers mécaniciens. Le décret du 2 juin 2015 sera modifié pour préciser les infractions du bulletin n°2 compatibles avec les fonctions d'officier.
Les grands ports sont des établissements publics. Il ne fallait pas changer leur statut. Le retour au texte de l'Assemblée nationale est positif.
La commission des investissements est étendue aux investissements publics et d'intérêt public. La commission de surveillance pourra passer outre à condition de motiver sa décision.
Un compromis a été trouvé sur le netwage. Les exonérations du pavillon RIF sont élargies au premier registre, élément positif pour notre compétitivité.
S'agissant de l'extension des activités privées de protection des navires : le zonage est supprimé, mais un décret précisera les navires éligibles.
Je me félicite de la suppression du service minimum dans le maritime. Dans les transports terrestres, cette extension avait été préparée par une longue concertation. Ce n'était pas le cas ici.
Le groupe socialiste votera ce texte équilibré qui contribue au renforcement de notre compétitivité maritime. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Ronan Dantec . - Nous saluons les objectifs de cette proposition de loi, précédée par une longue concertation en amont. Les enjeux sont immenses pour la France, vu l'étendue de son domaine maritime.
Je suis satisfait de l'interdiction des rejets en mer des sédiments dragués même s'il faudra attendre 2025 et non 2020. C'était un engagement de la Conférence environnementale de 2013 et du Grenelle de la mer.
Dommage que nous n'ayons pas été écoutés pour interdire les nouvelles opérations minières en mer, le chalutage en eau profonde : un signal parlementaire aurait été bienvenu. Je regrette le conservatisme de parlementaires bretons. (On s'émeut sur plusieurs bancs) Je suis breton moi-même mais je ne peux toujours défendre tout ce que font les Bretons !
Je salue la constitution d'une filière REP pour la déconstruction des navires, même si elle ne sera mise en place qu'en 2018.
Le groupe écologiste est opposé à une peine de prison pour intrusion dans des zones portuaires. On voit bien qui est visé : les réfugiés de Calais. Ce n'est pas en criminalisant à tout-va que l'on règle des problèmes de fond. Comment croire que la menace d'emprisonnement peut dissuader des gens qui ont fui la guerre et le risque permanent d'être tué ?
Le groupe écologiste s'abstiendra.
M. Hubert Falco - Ce ministre vert n'est pas suivi par ses troupes.
Mme Mireille Jouve . - L'essor de l'économie bleue passe par la protection des milieux marins. Dans un secteur très concurrentiel, la simplification était attendue. La création du permis d'armement va dans ce sens, mais il était possible d'aller plus loin. La CMP a préservé l'équilibre du Sénat sur la gouvernance des grands ports maritimes avec la création d'une commission d'investissement avec un double collège. L'avis simple retenu par la CMP est plus équilibré.
Le netwage a été opportunément étendu à tous les navires. L'autoliquidation de la TVA renforcera la compétitivité de nos entreprises mais il faudra veiller à limiter les risques de fraude. Je regrette que la traçabilité des produits de la mer ne soit pas garantie. Notre collègue Arnell, élu de Saint-Martin, y est très sensible.
Je regrette que l'interdiction du rejet en mer des sédiments pollués doive attendre 2025 : nous voyons ces boues rouges dans les calanques marseillaises.
Le groupe RDSE votera ce texte qui contient des modifications utiles au droit en vigueur. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et UDI-UC)
M. Michel Vaspart . - Nous achevons ce soir le parcours législatif de cette proposition de loi. Je veux une nouvelle fois féliciter M. Mandelli pour son travail et son écoute.
C'est le troisième texte du quinquennat sur les activités maritimes, après celui sur les activités privées de protection des marins et celui sur la manutention. Étoffé à l'Assemblée nationale, il est presque devenu un catalogue à la Prévert : statut des gens de mer, gouvernance des ports, rôle des collectivités territoriales, aquaculture... Il témoigne aussi d'une vision fragmentée et parcellaire qui l'empêche de constituer la refondation de notre politique maritime que nous appelons de nos voeux. La France ne redeviendra la première puissance maritime du monde qu'avec le concours de tous les acteurs.
La CMP a néanmoins conservé des avancées ; en matière de gouvernance des grands ports maritimes par exemple, où les régions et autres collectivités territoriales sont mieux représentées. La présence de personnalités qualifiées est une autre bonne nouvelle, comme l'avis de la région sur la nomination du président du directoire. La CMP a toutefois rétabli l'avis conforme du conseil de surveillance.
Le double collège de la commission des investissements a été rétabli : c'était une proposition de nos collègues Retailleau et Revet. Les deux collèges demeurent égaux en droit ; le poids des investisseurs privés, renforcé, soutiendra l'investissement des ports.
La CMP est revenue sur l'avis conforme rendu par la commission des investissements au conseil de développement sur les projets structurants, le transformant en avis simple. C'est de bonne méthode, comme la publicité des avis.
L'article 3 quater élargit l'autoliquidation de la TVA aux entreprises ne suivant pas la procédure de domiciliation unique. Les règles actuelles, assez complexes et contraignantes, poussent les importateurs vers les ports étrangers dans lesquels une simple déclaration d'échange suffit. Cette disposition renforcera notre compétitivité et rapatriera une partie des taxes de dédouanement dans notre pays, ce qui améliorera les recettes fiscales de l'État.
Autre mesure phare : le netwage, qui bénéficiera à tous les gens de mer, aussi bien aux marins inscrits au RIF qu'au premier registre, c'est une autre avancée.
La filière REP pour la gestion des déchets finaux et intermédiaires dans la déconstruction des navires était attendue. Je me réjouis de l'adoption de mon amendement qui le repousse au 1er janvier 2018 : il faut éviter de déstabiliser notre industrie de construction de bateaux de plaisance, la première du monde.
L'amendement Rapin n'a malheureusement pas été retenu, si bien que persistera l'insécurité juridique des autorisations d'urbanisme délivrées par les maires des communes littorales.
Nous continuons à penser que ce texte ne va pas assez loin pour la France, qui a la deuxième façade maritime du monde. Nous le voterons néanmoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. le président. - Le Sénat se prononçant après l'Assemblée nationale, il se prononcera par un seul vote. Seuls les amendements du Gouvernement sont recevables.
ARTICLE 9 TER
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 27
Remplacer les mots :
, les I et II de l'article 6 ter et l'article 6 quater
par les mots :
et les I et II de l'article 6 ter
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. - Correction d'une erreur.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 22
M. le président. - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, est complétée par un article L. 412-6 ainsi rédigé :
II. - Alinéa 2
Remplacer la référence :
L. 121-82-3
par la référence :
L. 412-6
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. - Même chose.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Avis favorable.
ARTICLE 22 SEPTIES
M. le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
L. 123-6 du code de la consommation
par les mots :
L. 251-1 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation,
II. - Alinéa 2
Remplacer la référence :
L. 121-82-3
par la référence :
L. 412-6
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. - Coordination.
M. Didier Mandelli, rapporteur. - Avis favorable.
La rédaction de la proposition de loi, résultant de la CMP et modifiée par les amendements du Gouvernement, est définitivement adoptée.
La séance est suspendue à 19 h 25.
présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 35.
Réforme de la PAC
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème « Restructuration et modernisation des principales filières agricoles dans le cadre de la réforme à mi-parcours de la PAC (Demande du groupe Les Républicains).
M. Jean Bizet, au nom du groupe Les Républicains . - La première modernisation à envisager est celle de la PAC. Nous sommes arrivés au bout du système, un système qui coûte 55 milliards d'euros par an. Chaque État aide ses agriculteurs comme il le peut mais de manière différente : certains ont une stratégie offensive, d'autres demeurent dans une attitude de « sauve qui peut ».
Je n'accuse personne, c'est inutile : la fin des quotas laitiers était programmée dès 1984. La France a toujours fait ce qu'elle a pu pour maintenir un succédané de réglementation. Nous l'avons fait, il y a quelques années en imposant la contractualisation - avec un succès mitigé. Nous continuons à le faire en activant un article du règlement PAC qui autorise les ententes entre producteurs. C'est une victoire française.
« Des prix, pas des primes », c'est un beau slogan de champ de bataille mais c'est un slogan de marchands d'illusions. Beaucoup d'agriculteurs pensent encore à la PAC à l'ancienne, avec ses prix administrés et ses garanties d'écoulement. Un bon ministre était un ministre qui ramenait de bons prix. Voilà pourtant 25 ans qu'il n'y a plus de prix officiel européen. Dans un système de marché, le prix est un rapport entre une offre et une demande, un rapport de force. Ce n'est pas le prix qu'il faut fixer, c'est le rapport de force qu'il faut changer.
Acceptons l'introspection, quitte à bousculer les habitudes et les mentalités françaises. Nous avons aujourd'hui deux piliers : le premier, centré sur l'aide au revenu et financé par l'Union européenne, représente les trois quarts de la PAC ; le deuxième, concernant le développement rural, en cofinancement entre les États et l'Union, un quart. Le partage évolue lentement. Pourquoi ? Parce que les Français, premiers défenseurs et premiers bénéficiaires de la PAC y tiennent plus que tout ; parce que les États qui nous ont rejoints en 2004 ont attendu dix ans pour y avoir accès à taux plein.
Mais il faudra bien se poser la question de la pertinence des aides directes. Les deux questions majeures sont celle de la justice et celle de l'efficacité. Un tiers des agriculteurs ne vivraient pas sans les aides directes et un tiers vivent mieux grâce à elles. Ce sont eux notre cible, et non le tiers qui n'en a pas besoin quand les prix sont élevés - et cela arrive.
A défaut d'être juste, le système est-il au moins efficace ? On peut en douter. Le premier pilier soutient mais ne prépare pas l'avenir. Un secteur, le secteur viticole, a renoncé aux aides directes et ne s'en porte pas plus mal. Une réforme s'impose. Ce n'est pas parce que les Anglais ont posé cette question qu'elle est forcément mauvaise.
Mais, dans l'immédiat, le prochain chapitre concerne le deuxième pilier. Ce régime méconnu est injustement décrié par nos agriculteurs qui y voient, comme moi autrefois, une concession au courant environnementaliste et même paysagiste. Pourtant, l'avenir de la PAC est dans ce deuxième pilier, cofinancé, multiforme et bien orienté.
Les stratégies régionales réussissent, comme en Allemagne, sans que cela empêche les Länder d'avoir des positions communes. Les grandes surfaces qui font aussi la loi outre-Rhin ont annoncé une baisse des prix du lait de 25 %. L'Allemagne commence à se rendre compte des dégâts occasionnés par la dérégulation et à entendre nos appels.
D'autres pays réussissent, souvent sur des bases régionales. L'Italie, que l'on entend pourtant peu sur les questions agricoles, réussit dans l'agroécologie ; ses performances à l'export, avec ses labels AOP et IGP, sont souvent meilleures que les nôtres. Nous devrions prendre modèle sur nos voisins, non pour les copier mais pour faire mieux.
S'interroger sur le deuxième pilier, c'est aussi s'interroger sur les financements. Les circuits doivent être simplifiés. Plusieurs élus régionaux font état des difficultés de procédure pour avoir accès aux fonds européens. Quelles sont les responsabilités ? Viennent-elles des régions, de l'Etat, des organismes payeurs ? Il faut un audit, monsieur le ministre.
Le deuxième pilier est un menu dans lequel les régions peuvent choisir pour financer leurs priorités. On peut parfaitement imaginer un système à deux niveaux : un premier avec des cofinancements régionaux, un deuxième avec une forte implication de I'Etat cofinançant des actions qu'il considère stratégiques. C'est l'intérêt de la ferme France et de notre filière agroalimentaire.
La réforme à mi-parcours de la PAC est assez avancée pour qu'on y voie plus clair. Onze États membres ont choisi de transférer du financement vers le deuxième pilier. La France n'a fait que transférer 3,3 % de son aide du premier pilier, soit 30 % de moins que les Pays-Bas, 50 % de moins que l'Allemagne et 70 % de moins que le Royaume-Uni. Le transfert maximal autorisé est de 1,1 milliard. D'après les professionnels, il faut dégager 3 milliards par an pour moderniser nos exploitations. Le plan Juncker pourrait être davantage mobilisé vers l'agriculture, M. Lenoir et moi avons interpellé le commissaire Phil Hogan sur ce point.
La France doit assumer la mutation de son agriculture. Il faut urgemment un programme commun agricole avec ses partenaires européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Michel Le Scouarnec . - Pourvu que ce débat n'engendre pas une maigre moisson pour des exploitants qui attendent des actes ! La PAC, qui représente un des postes les plus importants de l'Union européenne, constitue une ligne de fracture entre les États membres.
Loin de se résumer à l'aménagement des paysages, l'agriculture nourrit les peuples. Cela légitime une régulation qui assure un revenu digne aux agriculteurs. C'est pourquoi, la réforme et la consolidation de la PAC doivent constituer une priorité de l'UE, en particulier dans la perspective inquiétante de hausse des prix agricoles et des négociations autour du TAFTA.
De six États membres, nous sommes passés à 28. Les distorsions de concurrence sont inévitables. Les pays de l'Est, dont les pays baltes, sont les premiers à protester contre cette distorsion de concurrence que représentent les aides directes. Nos voisins allemands n'ont recouplé aucune aide directe. Ainsi, un éleveur laitier de Savoie et de Bavière ne reçoit pas la même aide. Ces différences sont encore plus notables au sein du second pilier.
Les orientations de la PAC, de moins en moins régulatrice, aggravent cette situation. Surtout, la PAC joue de moins en moins son rôle. Ce n'est plus une politique agricole commune mais un système hyper-concurrentiel avec les travailleurs détachés, générant un dumping social terrible. Les chèques nationaux ne compenseront jamais une PAC juste, durable et efficace socialement pour les paysans.
Quelques mots sur l'agriculture biologique. En trois ans, les soutiens pour la conversion et l'agriculture biologique sont passés en France d'un pilier de la PAC à un autre. Cette instabilité a entraîné de nombreuses difficultés. Le retour de la mesure « conversion à la bio » dans le pilier développement rural a apporté un peu plus de cohérence, la pérennité est toutefois loin d'être assurée.
De plus, la distinction des mesures bio des autres paiements environnementaux était préconisée par la Cour des Comptes européenne, afin de diffuser l'agriculture biologique sur tout le territoire.
Le groupe CRC souhaite une PAC au service d'une agriculture de qualité, garantissant un revenu digne. Pour récolter, il faut semer. Remplaçons les coûteux systèmes actuels par un système de paiement simplifié. Cessons de soutenir l'agriculture intensive tout en taxant la pollution, mettons du bon sens dans notre réglementation. Notre agriculture a besoin de signes pour avoir confiance en son avenir.
M. Franck Montaugé . - Ce débat est bienvenu. L'agriculture française est confrontée à des enjeux de sécurité et de qualité alimentaires, économiques, environnementaux, territoriaux et de résilience.
La PAC post 2020 doit être construite autour de la croissance, de l'emploi et de la compétitivité ; de la contribution aux enjeux climatiques ; du développement de la ruralité ; et, enfin, de la gestion des risques pour une agriculture résiliente et durable. Je m'en tiendrai au dernier point dans la perspective du débat que nous aurons à la fin du mois sur la proposition que j'ai cosignée avec Didier Guillaume et Henri Cabanel.
Ces agriculteurs veulent des prix et pas des primes ; ils ont raison. Cela nécessite des marchés justes en quelque sorte. Mais les mécanismes de régulation soit ont disparu - les quotas - soit sont embryonnaires. Depuis la réforme de la PAC de 1992, les principes du « libre marché autorégulé » modèlent l'agriculture de nos nations ; ils ont fait souffrir, parfois jusqu'à l'insupportable, nos paysans. Dans cette situation, qui est éminemment politique, la résignation n'est pas de mise. Montrons-nous pragmatiques et solidaires à l'égard du monde paysan.
Partons d'une réalité : les agriculteurs n'ont pas de pouvoir de marché. Et lorsque les prix augmentent, c'est avant tout l'amont et l'aval qui en profitent.
La PAC n'intègre pas de mécanisme de gestion des risques économiques. L'observation des dispositifs mis en oeuvre dans les grands pays producteurs hors de l'Union est riche d'enseignements. Pour les risques individuels de type usuel, la gestion relève de choix privés soutenus par des aides publiques. Quand l'aléa est maîtrisable, interventions collectives et publiques se complètent. Enfin, lorsque le risque est systémique ou que l'aléa est catastrophique, c'est au public d'intervenir pour rééquilibrer les marchés avec des aides contracycliques
A partir de cette typologie des risques, quel constat poser ? D'abord, l'Etat intervient sur les baisses de charges, sur le lissage de la fiscalité, dans le financement des assurances récoltes avec le contrat-socle et du Fonds de mutualisation sanitaire et environnremental ; il encourage également les organisations collectives - coopératives, GAEC, GIEE. Il pourrait utilement approfondir la mise en oeuvre des articles 36 à 39 du règlement 1305/2013 de l'UE qui traitent de la gestion des risques. C'est l'objet de notre proposition de loi.
Quant à l'Union européenne, dans la perspective de la PAC post-2020, il lui faudra être en mesure d'évaluer finement les pertes de revenus agricoles. Que de retard dans le big data agricole ! Elle devra favoriser la création de comptes d'épargne de précaution mais aussi soutenir des tests de terrain pour valider ou non les méthodes nouvelles. A elle aussi de prévoir un financement suffisamment flexible pour les outils de gestion des risques en utilisant les réserves spéciales de l'Union et de superviser la gestion des risques. Enfin, le premier pilier devra être restructuré et la question des aides découplées, posée. Enfin, une question : la PAC peut-elle être efficace, réactive aux situations aléatoires, dans le cadre d'un cycle budgétaire annualisé ?
Les scientifiques nous inviteraient à changer de paradigme mais un tel système ne saurait être rayé d'un trait de plume. Expérimentons, certains y sont prêts et associons les agriculteurs à cette mutation. Monsieur le ministre, je sais que vous y veillez déjà. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)
M. Jean Desessard . - La crise agricole met à rude épreuve les filières, et notamment l'élevage. Les réponses européennes sont multiples - doublement des plafonds d'intervention sur le lait et le beurre, stockage pour le porc, relance de l'investissement, dérogations au droit de la concurrence et aides financières pour les producteurs laitiers - mais ne traitent pas le fond. Le Gouvernement y ajoute l'année blanche et le plan d'investissements de 3 milliards d'euros sur trois ans mais, là encore, il s'agit de simples pansements.
Si la nouvelle PAC est davantage tournée vers les petites exploitations et le bio, la répartition demeure insatisfaisante. L'avalanche de demandes d'aides à la reconversion en bio a amené des régions à plafonner les aides. Cela pourrait être généralisé pour éviter que seules les plus grandes exploitations en profitent.
Pour nous, écologistes, il faudrait transférer une partie des aides du premier pilier de la PAC vers le deuxième. Cela n'est pas un problème strictement français, puisque l'Allemagne connaît le même phénomène de pénurie des aides à la conversion. C'est dire à quel point avait été sous-estimé le dynamisme de la filière bio, qui apparaît aujourd'hui comme un rempart contre la crise et l'assurance de pouvoir vendre ses produits à un prix couvrant enfin les coûts de l'exploitation quand pas moins de 60 % des exploitations françaises ont un revenu négatif.
Autre point : l'échec des aides largement insuffisantes aux légumineuses fourragères, qui occupent 150 000 hectares contre 700 000 hectares prévus, alors qu'il s'agissait d'éviter des importations souvent d'OGM.
Malheureusement, une partie de la profession veut encore et toujours financiariser l'agriculture, standardiser les produits à outrance et défendre des aberrations environnementales comme la ferme de mille vaches. Si l'on poursuit cette logique, 15 % d'agriculteurs auront disparu en 2020, laissant la place à des exploitations toujours plus grandes, consommant pesticides et antibiotiques, en contradiction avec les objectifs de la PAC.
Il faut imaginer dès à présent la PAC d'après 2020, une PAC tournée vers l'agroécologie, le stockage du carbone avec le projet « 4 pour 1 000 », l'autonomie fourragère et la polyculture élevage. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Raymond Vall . - Près de 40 % du budget de l'Union européenne est absorbé par la PAC ; il faudrait qu'elle soit un tant soit peu efficace. Or, et le député Eric Andrieu dans son rapport d'avril dernier l'a montré, la PAC n'a créé aucun emploi et n'a pérennisé aucune exploitation agricole. Merci, monsieur le ministre, pour vos efforts et votre déplacement dans le Gers ; vous avez su redonner confiance à nos agriculteurs.
L'Europe est touchée par une crise de surproduction, la France encore plus. Pensez-vous, monsieur le ministre, pérenniser les allègements de charge ? La question de la contractualisation et celle des organisations des producteurs est également à approfondir.
Les dispositifs nationaux s'inscrivent dans un cadre communautaire sur lequel nous devrions être plus exigeants.
Première exigence, reconnaître que la stabilité des marchés est une condition de survie pour de nombreux marchés agricoles. La proposition de loi de MM. Cabanel, Guillaume et Montaugé est bienvenue.
Deuxième exigence, la régulation. Monsieur le ministre, pour surmonter la crise laitière, vous avez demandé son activation. Faut-il opposer marché et régulation ? Américains, Brésiliens et Chinois protègent bien leurs agriculteurs. L'Union européenne doit faire preuve de pugnacité dans les négociations sur le TAFTA, l'accord avec le Canada ou encore sur les sanctions frappant la Russie.
Troisième exigence, la PAC devrait être plus solidaire. Nous ne rivaliserons pas avec des géants comme le Brésil ou l'Argentine aux prix de production imbattables. Les exploitations de taille modeste sont un atout sur le segment de la qualité. La nouvelle architecture des paiements directs de la PAC a d'ailleurs permis d'effectuer des choix ciblés. Ceux de la France peuvent être partagés : soutien à l'élevage, aux jeunes agriculteurs, aux zones de montagne, à la modernisation. L'étiquetage de l'origine des viandes et du lait a fait débat. Quand la Commission européenne rendra-t-elle ses conclusions sur le projet de décret français ?
La crise de l'agriculture nous oblige à repenser les outils de régulation. Le groupe RDSE vous soutiendra, monsieur le ministre, pour porter la voix de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Claude Lenoir . - J'ai été frappé, en écoutant les orateurs qui se sont succédé à la tribune, par les convergences entre nous. Cela paraît naturel vu l'ampleur de la crise. Il y a quelques mois pourtant, nous nous opposions sur les raisons de cette crise et les mesures à prendre. Le monde agricole attend de nous que nous dépassions nos clivages, employons-nous-y.
Comme beaucoup dans cet hémicycle, j'entends la détresse du monde agricole. Certains me demandent pourquoi certaines productions sont en retrait en France alors qu'elles explosent, contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer il y a quelques années, en Allemagne ou en Irlande.
Il y a donc des convergences entre nous sur les mesures qu'il convient de prendre et, peut-être et surtout, sur le fait qu'il nous faut penser autrement la PAC. Longtemps, nous n'avons pas voulu changer notre manière de concevoir ce qui était bon ou mauvais pour notre agriculture. Dorénavant, nous acceptons que notre agriculture doive être rendue plus compétitive pour faire face à la concurrence. C'était l'objet de ma proposition de loi.
L'Union européenne n'est pas l'institution qui empêche, mais qui permet. En orientant les aides européennes vers l'élevage, le Gouvernement a effectué un premier pas. Allons plus loin : la viticulture a renoncé aux aides directes pour moderniser ses exploitations. Les résultats sont là. (M. Roland Courteau renchérit).
Il y a également des dispositions à prendre en Europe sur l'assurance. Jean-Jacques Lasserre a fait d'excellentes propositions, dans la commission des affaires économiques que je préside. Elles figurent d'ailleurs dans la proposition de loi qui sera débattue le 30 juin.
M. Daniel Raoul. - Allons bon ! C'est une OPA...
M. Jean-Claude Lenoir. - L'Union européenne a desserré quelque peu l'étau lors de la crise laitière en activant l'article 122 du règlement de l'OCM unique. Pourquoi ne pas aller vers un système assurantiel européen ?
Jean-Paul Fournier voulait vous alerter, monsieur le ministre, sur la riziculture. Les autres pays européen ont consommé les aides à leur filière alors que la filière française est dans une situation catastrophique. N'oublions pas que la Camargue est la plus grande zone humide de France.
Dans les traités de libre-échange avec le Canada et les États-Unis - voyez que je n'utilise pas l'acronyme TAFTA utilisé par ceux qui y sont opposés, il faudra défendre l'excellence française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-Jacques Lasserre . - Merci pour ce débat. La semaine dernière, les ministres européens de l'agriculture se sont réunis à Amsterdam, la PAC d'après 2020 se joue dès maintenant.
Certains points avaient été discutés dès 2013. D'abord, le principe de la convergence concernant la redistribution des aides. II a été choisi d'abandonner le plafonnement des aides directes en contrepartie de l'application du principe de dégressivité. La convergence externe et interne devrait conduire à plus de justice.
Nous ne pouvons qu'être favorables à une distribution plus juste des aides, les plus grandes exploitations bénéficiant de 80 % des aides directes.
Concernant l'élevage, le taux pour les aides couplées a été renforcé, passant de 10 à 13 % avec une possibilité supplémentaire de 2 % pour la production de protéines végétales. C'est insuffisant ; il faut à tout prix utiliser les mesures disponibles pour accorder le soutien maximum aux exploitations bovins-viande : couplage, compensations de handicaps, mesures adaptées de soutien en deuxième pilier et préservation du niveau des DPU des systèmes naisseurs et engraisseurs.
Autre point fondamental, le verdissement. Une agriculture écoresponsable est souhaitable et souhaitée. Mais regardons effectivement les efforts des agriculteurs pour l'environnement. Nous sommes très réservés quant à l'augmentation des sommes consacrées au verdissement et demandons que les exigences soient adaptées selon les caractéristiques agronomiques des départements.
On ne peut plus accepter que la prime herbagère agroenvironnementale et les indemnités compensatoires de handicaps naturels soient distribuées de façon toujours plus restrictive.
Il faut soutenir les jeunes agriculteurs, c'est primordial.
Enfin, les risques. Si risques climatiques et économiques sont liés, il faut traiter chacun d'entre eux en tant que tel. Il faut généraliser l'assurance pour les premiers. Pour les seconds, et je le dis à mes collègues socialistes, penser réguler les prix exclusivement par des fonds publics est illusoire. Il faut surveiller scrupuleusement la régulation des échanges internationaux et encadrer la circulation des produits dans l'espace communautaire.
Le caractère contracyclique de la PAC est audible si son champ est défini précisément. Les flambées des prix, qui concernent surtout les grandes cultures, justifient une redistribution plus affinée des aides européennes ; ce pourrait être la base de l'épargne de précaution obligatoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Henri Cabanel . - La crise agricole a des raisons conjoncturelles mais aussi structurelles : concurrence, perte de débouchés, volatilité des prix. La PAC a perdu son rôle modérateur.
Comment faire pour que la PAC continue de remplir ses objectifs : assurer un bon niveau de vie aux agriculteurs, sécuriser nos approvisionnements, stabiliser les marchés ? Il faut un modèle de long terme, celui de la viticulture.
Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec M. Lenoir pour prendre la viticulture comme modèle. À partir de 2008, l'OCM vin a fait l'objet d'une vaste réforme. Le régime d'arrachage volontaire sur trois ans a permis d'éliminer les vins ne correspondant plus au goût du consommateur.
Le montant des paiements de l'enveloppe 2014-15 du programme quinquennal français de l'OCM vitivinicole a été consommé selon une stratégie voulue par la filière : 103 millions d'euros pour les investissements des entreprises, 101 millions d'euros pour la restructuration et reconversion du vignoble, 45 millions d'euros pour la promotion sur les marchés des pays tiers et 34 millions pour les prestations viniques. Cette priorité donnée à l'investissement permet au secteur de rester dynamique. Les négociations sur la partie PAC doivent s'en inspirer.
L'Europe ne peut plus fonder sa politique agricole sur les aides directes. Il faut passer à une gestion des risques mutualisés telle que décrite dans notre proposition de loi, qui constitue la suite de la proposition de résolution européenne de Didier Guillaume que nous avions adoptée à l'unanimité le 6 avril dernier.
Les récentes catastrophes climatiques montrent la nécessité d'ouvrir le débat. Le basculement d'une partie des aides découplées vers la gestion des risques est inéluctable. Le programme national de gestion des risques doit être consolidé. À Amsterdam, monsieur le ministre, vous avez insisté sur cette question ainsi que sur l'idée d'une épargne de précaution obligatoire, pour donner à la PAC un caractère contracyclique. Nous vous soutenons. Vous avez aussi défendu les aides au verdissement. Là encore, nous vous soutenons.
Il faut des règles ; encore faut-il qu'elles soient applicables. Espérons que vous convaincrez vos collègues européens de la nécessité de construire un projet à moyen et long terme pour que les agriculteurs puissent vivre dignement de leur métier. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Michel Raison . - Quels objectifs fixons-nous à l'agriculture française, à l'agriculture européenne ? Nous serons d'accord sur un point : la ferme France comme la ferme européenne doivent rester fortes et exportatrices.
Qu'est-ce qu'une agriculture moderne ? Ne cédons pas à la nostalgie ; ce n'était pas mieux avant. Le ministère vient de publier une petite brochure très bien faite sur son action en matière sanitaire : supprimer les produits de traitement, les avancées scientifiques en agriculture serait revenir au XIXe siècle et aux épidémies.
La crise est là. Elle dure, hélas ! D'autres sont à craindre. Tous les leviers doivent être activés pour la modernisation. L'agriculteur est le premier : au risque de choquer, je dirais que certains ont des progrès à faire en matière de gestion... L'État ensuite a son rôle à jouer. L'Europe, enfin, avec la PAC qui devra être bouleversée pour que son premier pilier ressemble plus ou moins au farm bill américain (marques d'approbation à droite) afin d'accompagner les politiques nationales et les fluctuations du marché.
L'Europe doit mettre en place un système de régulation plus performant ; une solution serait de mobiliser une partie des aides du premier pilier pour aider les agriculteurs à passer un cap difficile.
Et décentralisons les aides du deuxième pilier : lorsque les routes ou les collèges ont été décentralisés, cela a mieux marché ! Régionalisons donc, cela sera plus efficace.
L'agriculteur moderne est un agriculteur qui ne renonce ni au progrès scientifique, ni aux méthodes ancestrales, assolement intelligent, légumineuses. Les aides peuvent aussi servir à orienter... (Applaudissements à droite)
M. Daniel Gremillet . - Il est intéressant de dresser le bilan de la PAC à mi-parcours. La dégradation est sans précédent. Nous sommes à mi-2016, on ne peut que constater que les engagements pris auprès des agriculteurs n'ont pas été tenus. La France et l'Union européenne leur doivent de l'argent. Du jamais vu.
Le niveau de sur-administration de la PAC est préoccupant, incompréhensible. Les surfaces non-agricoles... Demain un paysan sera accusé pour avoir coupé un arbre... Plus grave, la fin des déclarations papier d'assolement ; tous les agriculteurs n'ont pas internet... Et on leur explique qu'ils doivent se déplacer à la DDA... Ils se sentent rejetés. Ils ont besoin d'être encouragés et accompagnés.
La gestion des marchés et des risques... Nous sommes tous d'accord sur l'assurance récolte. Nous suggérons dans notre proposition de loi un certain transfert de dépenses entre les deux piliers.
L'organisation des marchés a atteint ses limites. A l'inverse des pays asiatiques ou des États-Unis, l'Union européenne a renoncé à toute stratégie offensive. Rien n'est prévu dans la politique extérieure de l'Europe pour défendre nos agriculteurs, qui sont en première ligne. Revenons à l'esprit du traité de Rome : garantir un revenu décent et équitable aux agriculteurs.
M. Jean Bizet. - Oui !
M. Daniel Gremillet. - La question de la compétitivité de notre industrie agroalimentaire ne doit pas plus être négligée, le taux de pénétration de nos produits est fragilisé.
L'Europe a été une chance pour notre agriculture. Revenons à l'esprit des origines. L'Europe peut redevenir une chance si la France y retrouve une place stratégique et donne envie à ses partenaires de la suivre. Ce n'est pas le cas aujourd'hui... (Applaudissements à droite)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement . - Certains ont mis en doute ma sensibilité à la question agricole... Voilà plus de quatre ans que je suis ministre de l'agriculture. Je suis né dans un village de 250 habitants où mes grands-parents étaient agriculteurs. J'ai passé un BTS agricole. Si je n'étais pas sensible à la question agricole, monsieur Raison, je ne serais pas resté aussi longtemps dans mes fonctions...
Revenons à la crise. La hausse des prix du porc est liée à la reprise du marché chinois, je ne m'en attribue aucun mérite. Cela ne doit pas nous dispenser de consolider la filière grâce à la contractualisation, pour monter en gamme. Les enjeux de la structuration sont cruciaux. La crise laitière... Certains doutent de la capacité de la France à entraîner les autres pays européens. Mais c'est la France qui a demandé et obtenu un conseil extraordinaire en septembre, obtenu la mobilisation de 500 millions d'aides ! Qui d'autre a alerté sur la profondeur de la crise ? Le commissaire européen a reconnu plus tard avoir été trop optimiste et que nous avions raison. Qui a dit que les 500 millions ne suffiraient pas en l'absence de mesures structurelles, sinon la France ? Qui a proposé l'article 222 dont M. Lenoir a parlé ? La France, encore ! Et elle continue de peser - je ne dis pas le ministre de l'agriculture... À Varsovie, jeudi prochain, j'espère obtenir un engagement de l'Allemagne et de la Pologne sur l'utilisation concrète de l'article 222.
On ne va pas refaire le débat sur les quotas, monsieur Bizet, mais des décisions prises par d'autres gouvernements ont des conséquences aujourd'hui... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) On a doublé le plafond des interventions en début d'année mais il a été atteint en six mois, 218 000 tonnes de poudre de lait... Il faut faire un choix entre le marché et l'intervention... Si on ne rééquilibre pas l'offre et la demande, les crises se répèteront. L'Allemagne commence à bouger. Je ne cesse d'alerter mes homologues sur les risques. Mais il a fallu sept à huit mois pour que le Copa et la Cogeca bougent...
Le président de la République a obtenu la stabilisation des fonds de cohésion et de la PAC, la hausse de 60 % du deuxième pilier. Cessons de diminuer le poids de la France, nous nous affaiblissons nous-mêmes ! Les autres nous écoutent... et en profitent.
La France pèse et a pesé. Cela a aussi été le cas sur la définition des objectifs de la prochaine PAC.
Nous avons proposé un texte organisé autour de trois grands axes. Nul autre ne l'a fait et d'autres pays nous suivent désormais, qu'ils soient gouvernés par la gauche, par la droite ou par une coalition. Je ne vais pas m'en plaindre... Quels sont ces axes ? D'abord, le caractère contracyclique des politiques. Certains évoquent le farm bill. Mais les États-Unis sont un État fédéral : le budget est annuel, voté par le Congrès, et peut être augmenté ou diminué selon la conjoncture. Dans l'Union européenne, le budget est pluriannuel, financé par les contributions des États - et chacun calcule son taux de retour, en particulier le Royaume-Uni... On oublie parfois la solidarité européenne... Ceux qui profitent d'ailleurs le plus du marché solvable qu'est le marché européen, des politiques de cohésion sont les pays exportateurs, au premier rang desquels l'Allemagne... En Grèce aussi on achète des Mercedes... Ce qui veut dire qu'on ne peut pas faire du contracyclique dans le cadre actuel.
Il faut trouver d'autres solutions, arrêter de faire du farm bill un modèle. Le système assurantiel américain est cher et terriblement complexe.
Autres enjeux, l'innovation, l'emploi, l'organisation des filières. Une partie des aides couplées pourraient être utilisées pour organiser les filières. Nous avons un vrai débat autour de la conception que les uns et les autres se font de l'agriculture. Les pays du Nord développent une agriculture hors-sol, industrielle - ils ont peu de terres ; aux Pays-Bas c'est le modèle de l'agriculture verticale, produite dans des bulles stérilisées et éclairées - on y produit des tomates jour et nuit... Notre modèle, c'est une agriculture du sol et de plein air.
Autre thème, le verdissement. Celui-ci doit se faire à l'échelle européenne, qu'il s'applique de la même manière partout. L'Allemagne voulait l'intégrer au deuxième pilier, mais ses critères privilégiaient les plus gros producteurs, d'où des distorsions de concurrence. Il faut aussi tenir compte du réchauffement climatique : la France a proposé la règle des 4 pour 1 000 à l'échelle mondiale. Les terres agricoles sont un puits à carbone. J'ai proposé d'élargir certains critères, d'intégrer la couverture des sols pour favoriser l'agroécologie, le développement des cultures fourragères et des légumineuses.
La simplification... J'ai proposé la création de zones homogènes d'objectifs autour de trois critères : la couverture des sols, la biodiversité, le taux de matière organique dans les sols. D'une logique de moyens, on passerait à une logique de résultat, différenciée selon les zones. Et on contractualise. Nous présenterons tout cela le 23 juin.
Troisième axe enfin, la résilience de l'agriculture. Comment faire face à la volatilité des prix ? Le marché international est là, avec ses fluctuations. En trois ans, le prix des céréales a chuté... Ce n'est pas la faute du ministre...
La régulation, des filets de sécurité, la mutualisation, la contractualisation, voilà des pistes. Et l'État est toujours là pour colmater les brèches... La France propose une épargne de précaution en haut de cycle : une partie des aides du premier pilier pourrait être retenue afin que les agriculteurs puissent l'utiliser lors d'un retournement de cycle, au lieu de s'endetter en anticipant les aides - et de souffrir quand il faut rembourser en période de crise. Là encore, c'est la France qui a lancé le débat - débat ouvert d'ailleurs dans votre proposition de loi. Lorsque la crise est globale, c'est au système de mutualisation de prendre le relais.
Utilisons aussi notre capital foncier comme un outil de compétitivité au maximum de son potentiel. La saison est longue chez nous, à la différence par exemple de la Russie où dès novembre tout est à l'arrêt... Allégeons les besoins d'investissement en optimisant notre potentiel foncier. C'est ce qu'a fait la Nouvelle-Zélande qui a misé sur la gestion des parcelles en herbe. Beaucoup de régions françaises pourraient suivre son exemple.
Autre atout, les indications géographiques protégées (IGP) sur lesquelles la France ne cédera jamais dans les négociations avec les États-Unis, d'autant que les Chinois reconnaissent désormais 45 appellations bordelaises : César est venu, César a vu, César...
M. Gérard César. - ... a vaincu !
M. Jean Bizet. - Bravo !
M. Stéphane Le Foll, ministre. - Nous avons 600 IGP, la Chine 2 000.... Voilà un allié de poids face aux pays anglo-saxons...
Enfin, monsieur Lenoir, sur le riz on a mis en place une mesure agro- environnementale de 300 euros à l'hectare. La riziculture est fondamentale pour lutter contre la salinisation des sols en Camargue. Il faut trouver un équilibre entre la production et les grands enjeux environnementaux.
Merci à vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et socialiste et républicain)
Prochaine séance, mercredi 8 juin 2016, à 14 h 30.
La séance est levée à 23 h 15.
Jacques Fradkine
Direction des comptes rendus
Ordre du jour du mercredi 8 juin 2016
Séance publique
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
Présidence : M. Gérard Larcher, président M. Claude Bérit-Débat, vice-président
Secrétaire : M. François Fortassin
1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 (n° 614, 2015-2016).
Rapport de M. Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 628, 2015-2016).
Texte de la commission (n° 629, 2015-2016).
Avis de M. Jérôme Bignon, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 652, 2015-2016).
2. Proposition de résolution européenne relative au régime de sanctions de l'Union européenne à l'encontre de la Fédération de Russie, présentée en application de l'article 73 quater du Règlement (n° 643, 2015-2016).
Rapport de M. Robert del Picchia et Mme Josette Durrieu, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 659, 2015-2016) et texte de la commission.
3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché (n° 612, 2015-2016).
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 611, 2015-2016).