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Table des matières



CMP (Candidatures)

Organisme extraparlementaire (Nomination)

Modification de l'ordre du jour

Construction en milieu rural

Discussion générale

M. Jacques Genest, auteur de la proposition de loi

M. Daniel Laurent, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable

M. Alain Duran

M. Joël Labbé

M. Jean-Claude Requier

M. Jean-Claude Luche

M. Michel Le Scouarnec

M. Jean-Claude Lenoir

Mme Delphine Bataille

M. Pascal Allizard

M. Patrick Masclet

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Charles Guené

Mme Delphine Bataille

M. Michel Raison

ARTICLE 2

M. Alain Duran

M. Michel Raison

M. Rémy Pointereau

M. Gérard Bailly

M. André Trillard

M. Mathieu Darnaud

M. Jean-Claude Luche

M. Martial Bourquin

Mme Emmanuelle Cosse, ministre

ARTICLE 3

M. Mathieu Darnaud

M. Alain Duran

M. Gérard Bailly

M. Daniel Gremillet

M. Daniel Raoul

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 6

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 10

CMP (Nominations)

Ordre du jour du jeudi 2 juin 2016

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mercredi 1er juin 2016

104e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Secrétaires : Mme Valérie Létard, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 17 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

CMP (Candidatures)

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission des lois a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour une République numérique.

Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.

Organisme extraparlementaire (Nomination)

M. le président.  - Conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, la commission des lois, lors de sa réunion du 1er juin 2016, a émis, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, un avis conforme (28 voix pour, 3 voix contre et 11 bulletins blancs) sur le projet de nomination, par M. le président du Sénat, de M. Henri Bardet aux fonctions de membre de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Acte est donné de cette communication.

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement sollicite l'inscription à l'ordre du jour du mercredi 8 juin 2016 des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché. S'il n'y a pas d'opposition, il en est ainsi décidé.

En conséquence, l'ordre du jour du mercredi 8 juin 2016 s'établit comme suit :

mercredi 8 juin 2016

À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :

- Projet de loi autorisant la ratification de l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 ;

- Proposition de résolution européenne relative au régime de sanctions de l'Union européenne à l'encontre de la Fédération de Russie ;

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché.

Construction en milieu rural

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural, présentée par M. Jacques Genest et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.

Discussion générale

M. Jacques Genest, auteur de la proposition de loi .  - À quoi aspirent les habitants des quelque 32 000 communes rurales de notre pays ? À travailler au pays, y disposer de services, notamment médicaux et à habiter dans des logements correspondant à leur mode de vie ; or c'est là que le bât blesse.

Le code de l'urbanisme a sédimenté des normes, obligations et interdictions, dont beaucoup visent la protection du territoire, on ne le conteste guère, mais qui s'imposent de manière trop uniforme et freinent le développement rural.

D'où cette proposition de loi du groupe Les Républicains. Celle-ci ne résoudra pas tous les problèmes, mais nous rétablissons le droit au développement rural qui avait curieusement disparu de notre droit. Elle autorise la construction d'annexes aux bâtiments agricoles, qui peuvent être nécessaires à l'équilibre économique de l'exploitation : pour la vente des produits de la ferme, l'agritourisme ou des gîtes ruraux.

Tous les ruraux ne sont pas des agriculteurs : il faut rétablir l'égalité de traitement entre tous, qu'ils soient soumis au règlement national d'urbanisme (RNU), à un plan local d'urbanisme (PLU), à une carte communale.

L'article 4 rend seulement consultatif l'avis de la Commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

L'article 5 étend la notion de continuité : cela bénéficiera notamment aux communes de montagne où des travaux de desserte ont déjà été effectués avant les restrictions imposées par la loi de 2010 et la loi Alur.

Plus une commune est gourmande en foncier, plus elle a le droit de construire ! L'article 6 met fin à cette double peine pour les communes qui se dépeuplent, en tenant compte des caractéristiques architecturales de l'existant et des terrains disponibles.

Les quatre derniers articles rendent des marges de manoeuvres financières aux communes rurales, déjà affectées par la baisse brutale de la dotation générale de fonctionnement. Nous rétablissons donc la participation pour voiries et réseaux sans pour autant perdre le bénéfice de la taxe d'aménagement. II n'est pas illégitime que soient mis à contribution les principaux bénéficiaires des travaux entrepris sur la voirie ainsi que les raccordements aux réseaux d'eau, d'électricité et d'assainissement.

Une commune dont la population vieillit risque de dépérir. Un hameau qui se vide, c'est une friche programmée si l'on y interdit la construction raisonnée et l'on y condamne aussi les agriculteurs, car ils ne peuvent vivre dans un désert. Ma commune de 800 habitants est un bel exemple de la complémentarité entre un urbanisme élevé mais raisonné et une agriculture bien présente.

Réveillons nos territoires, offrons à nos concitoyens d'exprimer le dynamisme dont ils sont capables ! Faisons confiance à leur capacité à penser un avenir qui ne sera pas l'image figée du passé, mais celle des projets qu'ils auront imaginés. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Daniel Laurent, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Au cours des dix dernières années, et récemment encore avec la loi d'avenir pour l'agriculture, la loi Alur, la loi Macron, les textes relatifs à l'urbanisme se sont succédé, afin que l'urbanisation prenne mieux en considération les impératifs de protection de l'environnement et que se concilient de manière plus aisée les objectifs parfois contradictoires qui doivent guider la décision d'ouvrir de nouveaux territoires à l'urbanisation.

Cette démarche n'a cependant pas toujours assez pris en compte la nécessité d'accompagner les espaces ruraux dans leur développement économique et démographique.

Les dernières lois en matière d'urbanisme ont eu pour objectif principal la limitation de l'étalement urbain, passant notamment par un principe de « gestion économe de l'espace », en ce qui concerne les schémas de cohérence territoriale et de « modération » de consommation de l'espace concernant les plans locaux d'urbanisme.

Cet objectif de modération est incontestablement nécessaire. Néanmoins, l'interprétation souvent stricte de ces notions par les directions territoriales de l'État pénalise les communes rurales et de montagne, dans lesquelles les ouvertures à l'urbanisation et le nombre d'autorisations de construire délivrées depuis plusieurs décennies sont déjà significativement faibles. On en vient souvent à imposer à ces communes de limiter plus encore leurs possibilités de construire, réduisant parfois à néant toute perspective de développement.

En outre, la réglementation sur les constructions nouvelles, applicable sur l'ensemble du territoire national, peut conduire à des absurdités. C'est ainsi qu'il est plus facile à un nouveau résident de s'implanter dans une commune rurale qu'à un exploitant agricole retraité ayant cédé sa ferme de rester sur ses terres en aménageant certains locaux à usage agricole pour en faire son habitation principale. Nous sommes tous confrontés, sur nos territoires, à de telles situations.

Comme l'ont souligné les associations d'élus, il faut reconnaître un véritable droit des communes rurales et de montagne à se développer. Elles doivent rester des lieux de vie et ne sauraient se transformer en des conservatoires où plus aucune évolution du bâti n'est envisageable. Ces dernières années, dix-neuf départements ont connu un déclin démographique à cause de la désertification médicale et de la disparition des services. Il ne s'agit évidemment pas de supprimer tout encadrement mais de procéder aux adaptations nécessaires pour que le développement rural et celui des territoires de montagne soient également pris en considération par la législation sur l'urbanisme : si dans ces territoires, la lutte contre le mitage doit rester une priorité, elle doit aussi favoriser un étalement urbain raisonnable.

Des ajustements sont nécessaires. C'est dans cette voie que s'engage résolument la présente proposition de loi. Elle adapte les contraintes d'urbanisation aux spécificités des communes rurales ou de montagne. Son chapitre premier consacre expressément le développement rural parmi les principes fondamentaux du droit de l'urbanisme.

En second lieu, elle assouplit les conditions qui encadrent la construction d'annexes et de dépendances aux constructions existantes. Le PLU pourrait prévoir des secteurs ouverts à l'urbanisation lorsque ceux-ci comportent des équipements de dessertes réalisés ou programmés, ou ont fait l'objet d'acquisitions foncières significatives de la part de la commune ou de l'EPCI.

Le second axe rétablit certaines participations d'urbanisme pour favoriser les projets d'aménagement. C'est ainsi qu'est rétablie la participation pour voiries et réseaux, dans son régime antérieur au 1er janvier 2015, en la réservant aux seules communes de montagne ou faiblement peuplées et élargit la possibilité, pour les communes de montagne ou faiblement peuplées, d'instituer une majoration du taux de la taxe d'aménagement.

Notre commission a adopté des amendements pour recentrer le texte et avancer, sans remettre en cause les protections de l'environnement et du code forestier.

À l'initiative de M. Pointereau, nous avons étendu la dispense de recours à un architecte aux constructions à usage agricole de moins de 800 m2 édifiées par les coopératives d'utilisation de matériel agricole.

Je vous inviterai donc à adopter ce texte dans la rédaction issue de nos travaux. (Applaudissements au centre et à droite).

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable .  - Le Gouvernement est soucieux de retrouver la construction dans tous les territoires.

Si je suis parisienne de naissance, je suis aussi une Ardéchoise de coeur.

M. Jean-Claude Lenoir. - Très bien !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre.  - Je connais très bien la question des hameaux.

Notre ambition est d'accompagner les territoires en veillant à éviter tout séparatisme entre le rural et l'urbain, et en protégeant les espaces forestiers.

Lors des deux comités interministériels sur la ruralité, cent quatre mesures ont été examinées pour surmonter les effets négatifs dus à la RGPP : lutter contre les déserts médicaux avec la création de mille maisons de services publics avant la fin de l'année et de quatre cents maisons de santé, lutter contre les zones blanches, contrats de ruralité, autant de mesures concrètes !

Il faut prévenir la dégradation de l'habitat dans les centres-bourgs et construire des logements attractifs pour les nouveaux habitants.

Le Gouvernement agit. Il soutient l'accession sociale à la propriété : 60 % des prêts à taux zéro sont octroyés en zone rurale, ainsi que 40 % des logements du programme « habiter mieux ».

Un appel à projet a été lancé pour soutenir le logement dans les centres-bourgs. Nous avons créé les groupements d'intérêt économique et environnemental forestier.

La loi Alur a renforcé les obligations pour protéger les parcs agricoles et forestiers. Des objectifs chiffrés ont été fixés. Les commissions regroupent les élus, les opérateurs forestiers, tous les acteurs. Elles assurent la sécurité des décisions d'urbanisme délivrées par le préfet.

Des assouplissements ont été introduits dans les zones agricoles et naturelles. Du reste, 90 % des 568 EPCI compétentes pour le PLUI sont des communautés de communes, la plupart en zone rurale. Unies, les petites communes sont plus fortes pour défendre leur territoire, sauvegarder leur qualité paysagère et donc leur attractivité.

Cependant, il ne faut pas confondre le développement des territoires ruraux et la permissivité qui conduirait à une artificialisation excessive et à une imperméabilisation des sols.

Le cadre des autorisations d'urbanisme est adapté. Après les réformes, on a besoin de stabilité et de pérennité. Les principes fondamentaux sont l'inconstructibilité en zone naturelle et en zone agricole, le caractère exceptionnel des secteurs de taille et de capacité limitées (Stecal), l'encadrement strict des procédures lorsqu'une zone protégée est menacée, le rôle des CFPEFAE et la stabilité financière.

Le Gouvernement souhaite renforcer l'aide d'ingénierie pour les petites communes : à la suite d'une circulaire du 10 mars 2016 du Premier ministre, quatre cents agents seront consacrés à cette mission.

Le Gouvernement apporte aussi son soutien financier à trouver des appels à projets sur les PLUI, les Scot ruraux ; vingt-quatre agents du ministère se déplacent pour assurer la formation des agents communaux. Je suis à l'écoute, comme sur la définition des dents creuses.

Nous n'opposons pas les urbains et les ruraux : chaque territoire doit s'appuyer sur ses atouts pour renforcer son attractivité. Je suis très attentive aux territoires en déprise, en particulier aux centres-bourgs dont l'habitat se dégrade et qui perdent leur population. Vous êtes proches des territoires ; le Gouvernement poursuivra son travail d'accompagnement des collectivités volontaires pour les aider à répondre aux besoins des habitants en logement. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Duran .  - Cette proposition de loi offre de nouveaux moyens de construction en zone rurale et agricole. Si nous ne pouvons que partager les objectifs, les remèdes apparaissent pires que le mal. Cette proposition de loi ouvre de manière débridée les vannes de la construction, faisant fi des outils visant à l'encadrer, au motif que l'artificialisation des sols toucherait plus les périphéries des villes que les communes rurales.

Pourtant nous perdons 50 000 hectares de terres agricoles par an ; à ce rythme, la France aura perdu 8 % de son potentiel agricole en 2050, après en avoir perdu 15 % en quelques décennies : voilà la réalité ! (On apprécie sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Votre proposition : la suppression du caractère obligatoire des PLUI ! Retour en arrière ! Quant au principe de droit au développement, il existe déjà ! L'agritourisme est déjà possible, d'ailleurs le rapporteur a récrit l'article 2 tant il était confus...

Les passages en force engendrent des recours et, in fine, ralentissent les procédures. Les Safer ont rappelé que l'enjeu n'était pas l'extension non maitrisée des communes, mais la rénovation des centres-bourgs. Le Gouvernement a opportunément élargi les PTZ.

N'incitons pas les communes à renoncer au PLUI, ce qui serait un nivellement vers le bas. Ces documents sont fondamentaux dans l'élaboration des projets de territoire. Dans ma commune, nous transformons notre PLU en PLUI, avec succès.

Les communes rurales ont plutôt besoin d'un meilleur concours de l'État en termes d'ingénierie. Les outils d'urbanisme existent.

C'est pourquoi le groupe socialiste et républicain votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Joël Labbé .  - Relancer la construction en milieu rural, l'intention est louable tant les territoires peinent à se développer et tant la fracture entre territoires s'accroit. Autre objectif louable, le soutien à l'agritourisme, et l'introduction du droit au développement rural parmi les principes d'urbanisme. Toutefois, les textes existants répondent déjà à ces objectifs. Est-il utile de légiférer ? Non.

La gestion économe de l'espace est fondamentale pour préserver les terres agricoles. La terre vivante et nourricière est un bien commun, précieux. Avant de construire ne faut-il pas évaluer l'offre ? Réhabiliter les centres-bourgs ? Développer des services ? Encourager le télétravail ?

L'agriculture reste le coeur des territoires ruraux. Dommage que le Sénat ait vidé de sa substance notre proposition de loi visant à l'ancrage territorial de l'alimentation !

Des réponses innovantes sont envisageables, comme un transfert des droits de construction dans certains cas pour favoriser un développement équilibré de la construction. Un rapport du Sénat prônait de confier systématiquement aux échelons pertinents les procédures d'urbanisme et de faciliter l'achat de logements sociaux dans les centres-bourgs.

Je recherche le consensus, mais nous ne pouvons voter ce texte. (On s'en désole à droite ; applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Requier .  - L'urbanisme doit répondre à des logiques différentes, voire contradictoires : aménagement du territoire et maintien des espaces agricoles et sylvicoles ; développement du tourisme, des services et de l'agriculture. Ces objectifs d'intérêt général justifient des atteintes modérées au droit de propriété. Nous défendons la protection des zones agricoles. Les lois de 2010, la loi Alur et la loi Macron ont encadré les procédures d'urbanisme.

Toutefois, nous connaissons les difficultés de construire en zone rurale. Mais il faut éviter tout mitage. Rien n'interdit de construire aujourd'hui des locaux de commercialisation des produits de la ferme ou d'hébergement. Cela améliore la viabilité des structures agricoles. Il était quasi impensable pour les agriculteurs de construire une annexe d'habitation dans les zones en RNV ou PLU. Cela a été rendu possible par la loi Alur.

Faut-il assouplir le carcan administratif ? Certainement ! Mais il est des règles qui se justifient par les contournements passés. Le pastillage sur des zones non constructibles a conduit à des dérives dans certaines communes.

Nous soutenons les objectifs de ce texte. Ce n'est pas en construisant des piscines que l'on rendra un territoire attractif ! (Mme la ministre approuve) Je doute de l'effet de ce texte sur la politique du Gouvernement. Sans soutien aux services publics accessibles, le déclin des territoires ruraux sera inéluctable. La majorité du groupe RDSE votera ce texte ; à titre personnel, je voterai pour, soutenant cette déclaration d'intention. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Luche .  - Ce texte évoque la ruralité, la densité de population, la démographie - je prendrai l'exemple de l'Aveyron : il y a plus d'Aveyronnais à Paris, qu'en Aveyron. Vous le savez, car vous connaissez les brasseries (M. Jean-Claude Requier approuve) qui mettent en avant les talents de l'Aveyron.

Dans trois ans, il y aura en Aveyron 630 enfants scolarisés en primaire de moins qu'aujourd'hui, soit 20 postes supprimés, et autant d'actifs qui partiront ! Telle est la vérité, voilà pourquoi nous devons nous lancer dans la reconquête démographique, il y a plus de décès que de naissances, y engager toutes nos forces ! Cela passe par l'attractivité, dont la prise en compte des enjeux ruraux ; aujourd'hui, cela passe par la construction : la réhabilitation des centre-bourgs ne suffit pas.

Ce texte va dans le bon sens. Nombreux sont les urbains qui veulent s'installer dans la ruralité, mais la qualité des paysages ne suffit pas : l'offre crée la demande, je le constate en Aveyron. Pour sauter le pas, les actifs ont besoin d'un logement, de services publics, d'une offre culturelle ; or dans la ruralité, ces services butent sur trop de contraintes juridiques, notamment venues du maintien de l'environnement.

Nous ne voulons pas revenir sur les principes, mais sur certaines contraintes dont l'efficacité n'est pas démontrée et qui freinent le développement. Nous avons besoin d'une ruralité inventive, moderne, attractive, qui n'a rien de contradictoire avec le respect de l'environnement.

Qu'est-ce qu'un paysage ? C'est une étendue, une vue, naturelle ou transformée par l'homme et qui présente une certaine identité, historique et culturelle. Le bâti y a toute sa place. Il n'y a pas un style aveyronnais, homogène, mais un style caussenard sur les plateaux des Grands Causses, un style lévézou, un style ségala, dans les collines et les monts.

La loi Alur est allée dans le bon sens, celui de la ruralité, des agriculteurs qui toujours ont transformé le paysage, en l'entretenant. Nous avons tout à gagner à mieux protéger le territoire, en le rendant plus attractif.

Le groupe UDI-UC votera cette excellente proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Le Scouarnec .  - Trop de normes dans l'urbanisme, qui seraient un obstacle aux élus ? Non, c'est plutôt la pénurie de ressources qui fait problème : « cessez la saignée des collectivités », comme le dit un collectif éponyme, constitué d'élus de toutes sensibilités.

Le dynamisme du monde rural ne passe pas par plus de construction, grande consommatrice d'espace rural - le rapporteur l'a compris en modérant les dispositifs les plus libéraux.

La problématique réelle du logement rural a deux aspects. La réutilisation des centres-bourgs d'abord : le code règle déjà la protection des espaces naturels - la superficie d'un département.... tous les sept ans, on ne peut rendre l'avis de la commission facultatif !

Oui à la construction dans les « dents creuses ». En revanche, pour une utilisation économe de l'espace qui répond au besoin de la population : le Morbihan y est très engagé. Je citerai le maire d'une commune très rurale de 1 000 habitants.

M. Mathieu Darnaud.  - Vous appelez cela une commune très rurale ? (Sourires)

M. Michel Le Scouarnec.  - Écoutez-le ! Celui-ci dénonce l'impossibilité de densifier les hameaux - alors que c'est là, plus que les lotissements. Quelles sont les marges de manoeuvre pour attirer des jeunes couples ? Déficit de logement ? Des maires bâtisseurs ont du mal à remplir ; en revanche, nous manquons de service public, d'écoles, de commerces : voilà ce qu'il faut rattraper -  nous le proposions dans une proposition de loi de mieux répartir les dotations, hélas, nous n'avons pas été entendus ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Lenoir .  - J'avoue ma surprise : le monde rural a des problèmes, nous le savons tous, pourquoi imaginer que les solutions y seraient diverses ? Il n'y a pas de grands oubliés de la République, dispersés dans des territoires non identifiés mais des territoires qui participent d'un ensemble : le Perche, où il y a plus de Franciliens que d'autochtones, ne s'oppose pas à l'Aveyron, qui compte moins d'Aveyronnais que Paris !

Les infrastructures, ensuite, sont aussi implantées dans la ruralité : combien de terres agricoles délimitées par la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux ?

Personne ne conteste qu'il est plus difficile de construire en milieu rural qu'ailleurs : il y a les règles, la jurisprudence qui forment un vrai parcours du combattant ! (On en doute à gauche) Il y a des solutions ; j'étais favorable, contre la majorité de mes collègues, au PLUI, qui va dans le sens de la maîtrise par les élus ; cependant le débat s'est déplacé, car les élus se trouvent en face d'une administration exigeante, elle dit ce qui est bon ou pas. Or il faut une grille de lecture, des critères. Laissons les élus décider ! Si le préfet conteste leurs décisions, qu'il le fasse devant le tribunal administratif, a posteriori.

Le prochain projet de loi « égalité et citoyenneté » contiendrait des solutions. (Mme la ministre approuve) Peut-être cela permettra-t-il de lever le blocage qui semble concerner l'article 2 de cette proposition de loi. Encore un, décidément - il faudra bientôt passer directement de l'article premier à l'article 3...(Sourires)

Je vous invite à surmonter vos préventions : le monde rural a besoin de vivre ; pour cela, il doit pouvoir construire ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Delphine Bataille .  - Ce texte revient sur des principes de protection des zones naturelles et agricoles et fait fi des résultats enregistrés depuis plusieurs mois - pas plus qu'il ne prend en compte la diversité du monde rural.

Le département du Nord, le plus peuplé de France, est agricole à 62 % de son territoire, sa population jeune et familiale demande des services. Dans l'arrondissement rural où je réside, il y a 6 000 logements vacants, dans les centres-bourgs, soit 10 %. La densification est plus utile que l'étalement périurbain sans fin au détriment des terres agricoles. Cette proposition de loi inquiète les agriculteurs et les Safer, car elle abaisse la protection du foncier agricole. (M. Martial Bourquin renchérit)

L'étalement urbain coûte cher, les collectivités locales le savent bien. (M. Roland Courteau approuve) Les évolutions récentes répondent aux besoins : la loi Alur a limité l'artificialisation, la loi Macron autorise les annexes dans les zones agricoles et naturelles des PLU. Pourquoi remettre en cause cet équilibre ?

Cette proposition de loi n'apporte aucun droit nouveau mais envoie un très mauvais signal à la protection du territoire.

Le Gouvernement a pris des mesures pour le plan de relance, pour la revitalisation des centres-bourgs, le PTZ a été étendu, 40 % des crédits du programme « Habiter mieux » de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah) ont été redéployés pour réhabiliter 30 000 logements en milieu rural : ces mesures concrètes sont utiles et pertinentes. La construction neuve est en hausse, les réhabilitations aussi : ces effets sont encourageants et dotent les élus d'outils adaptés.

Nul hasard à l'examen de ce texte d'affichage pendant le Congrès des maires ! (Protestations à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Le texte ne tient aucun compte des élus de terrain qui ont besoin de cadre protecteur contre les demandes qui peuvent être excessives ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur quelques bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Pascal Allizard .  - Cette proposition de loi démontre que le Sénat est l'un des derniers lieux où l'on s'intéresse aux territoires ruraux...

M. Jacques Genest.  - Eh oui !

M. Pascal Allizard.  - Vous en savez quelque chose, vous qui animez le groupe de travail sur la ruralité...

M. Gérard Longuet.  - Remarquablement !

M. Pascal Allizard.  - L'urbanisme est une contrainte majeure pour les élus ruraux, par ses règles nombreuses et d'interprétation diverse : il faut desserrer l'étau, en particulier en zone de montagne. Sans remettre en cause la lutte contre l'artificialisation des sols, soulignons que les territoires ruraux sont vivants. Leurs habitants doivent pouvoir y vivre sans contrainte normative excessive : il faut rééquilibrer le texte en conséquence.

Sur la construction des annexes, oui, il est devenu impossible d'en construire en dehors des secteurs de taille et de capacité d'accueil limité (STECAL). J'avais posé une question à ce sujet en 2014 : j'avais été déçu par la fin de non-recevoir du ministre ; tout autant que du revirement opportun - ou opportuniste  - du Gouvernement, avec la loi Macron, après la loi Alur...

Les élus locaux ne peuvent pas suivre l'inflation législative, ni adapter sans cesse les règles applicables : cette proposition de loi simplifie, c'est très attendu, de même est-il bienvenu de développer la multi-activité des exploitations agricoles.

Le critère de la ruralité, cependant, ne sera-t-il pas trop restrictif à l'usage ?

La doctrine doit évoluer. Notre ruralité, en fait victime et non pas complice de l'étalement urbain, ne peut devenir un jardin d'agrément sanctuarisé : cette proposition de loi fait un pas important, je la voterai ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Patrick Masclet .  - Je salue l'excellent travail de votre rapporteur, qui souligne la décroissance rurale.

Dans le Nord, troisième département rural de France, vivent 650 000 ruraux. Cependant, de nombreuses communes perdent des habitants, siphonnés par l'agglomération de Lille ; la désertification menace.

Quels sont les mécanismes à l'oeuvre? D'abord, la démographie. La décroissance est liée à la moyenne d'âge et à la décohabitation des jeunes ; bien vivre la ruralité, c'est comme ailleurs, disposer de services. L'AMF montre dans une étude que les priorités des néo-ruraux c'est l'offre de santé, puis l'offre scolaire, puis encore l'offre internet qui posent problème à leur installation. Or les communes subissent une véritable saignée financière avec le recul des dotations : reste l'impôt, qui est limité. On ne peut jouer sur le taux, mais sur l'assiette, en attirant de nouveaux territoires.

D'autres pistes sont à explorer : l'occupation des logements vacants des centres-bourgs et la construction, laquelle reste un véritable parcours du combattant, pour reprendre les mots justes du président Lenoir. Les territoires ruraux sont des territoires ressources en eau, en éléments naturels. Cette proposition de loi reconnaît le principe du développement rural, assouplit les outils à disposition ; elle ne prétend pas régler tous les problèmes mais permet des progrès : le groupe Les Républicains la votera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Charles Guené .  - Cette proposition de loi n'est pas seulement technique, elle se veut un coup d'arrêt à une dérive qui menace la ruralité dans sa culture et son essence, mais également un signal fort à l'égard des maires qui l'administrent.

Les maires sont au service de leurs concitoyens, ils doivent répondre à leur préoccupation première : « habiter » dans la cité.

S'il faut se garder d'une prolifération anarchique du bâti, du rétrécissement de l'espace agricole, s'il reste urgent de conforter les bourgs-centres, de favoriser la construction sociale dans les pôles urbains, toutes ces bonnes raisons ne doivent pas conduire à réduire drastiquement toutes les aides à la construction dans le milieu rural, à la non-constructibilité de fait, au prétexte de normes juridiques ou matérielles sans commune mesure avec les nécessités locales, techniques ou sociétales.

Les maires, à qui l'on réduit encore les ressources, sont empêchés d'exercer leur mission de bâtisseurs. Ce texte prend le contrepied de ce mouvement, nous vous demandons de l'adopter, les maires sont exaspérés, « étouffés » ont-ils dit au Congrès des maires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Delphine Bataille .  - La reconnaissance du principe de ce droit au développement rural serait utile si la ruralité n'avait pas déjà toute sa place dans nos codes. Ce dont il s'agit ici, c'est bien d'affichage politique...

M. Jacques Genest.  - Vous n'en faites jamais, vous ? (M. Rémi Pointereau renchérit)

Mme Delphine Bataille.  - La ruralité a besoin de service.

M. Jacques Genest.  - Ce n'est pas incompatible !

Mme Delphine Bataille.  - C'est ce que fait le Gouvernement, avec des mesures nombreuses, pour la commission comme pour la réhabilitation de logements, au service des habitants.

M. Jacques Genest.  - Méthode Coué.

M. Michel Raison .  - Ah, le monde rural, l'aménagement du territoire ! À Vesoul, nous avons eu la chance d'accueillir un comité interministériel, avec le président de la République et une débauche de ministres... Cependant, la ruralité, c'est avant tout une réalité concrète. Bien sûr, des mesures existent déjà, mais pourquoi négliger le levier pragmatique que ce texte propose ? Il faut clarifier les règles, faciliter les réhabilitations, les constructions utiles : votons cet article !

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. Alain Duran .  - Les constructions et installations nécessaires à l'activité agricole sont permises, y compris de l'habitation : le monde agricole se satisfait des règles actuelles. Cet article ouvre bien davantage les possibilités de construction. Le rapporteur a limité la proposition de loi initiale. Nul besoin de légiférer : je voterai contre.

M. Michel Raison .  - Bien sûr des constructions sont possibles, mais nous parlons ici d'activités nouvelles : dans les Vosges Saônoises, par exemple, sur le plateau des milles étangs, on ne peut pas construire une maison de pêche pour accueillir le tourisme spécialisé. Il faut adopter ce texte.

M. Rémy Pointereau .  - Je la voterai assurément, cette proposition de loi est complémentaire à celle que nous proposerons fin juin sur la certification dans la construction. Les permis de construire sont difficiles à obtenir dans le milieu rural. Ils sont souvent refusés par les directions départementales des territoires (DDT)...

M. Daniel Raoul.  - Faux !

M. Rémy Pointereau.  - Certaines dents creuses n'en sont pas. Sans parler des maisons sans terrain qui ne sont pas attractives. De même, on ne peut pas construire pour ses enfants à la ferme ; ou encore, construire pour développer une activité nouvelle : cette proposition de loi répond à des problèmes très concrets. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Gérard Bailly .  - Mes collègues socialistes me surprennent, je ne veux pas croire qu'ils ne font pas face aux mêmes problèmes que nous pour construire dans les territoires ruraux. Les petites villes sont désertées, dans mon département, la DDT demande d'y réintégrer les habitants des hameaux isolés. Ne prolongez pas indument le débat ! Toutes les excuses sont bonnes pour étayer une position qui est d'abord politique !

M. André Trillard .  - Au nom de l'environnement, on ne peut plus construire de saloir dans les marais salants... alors qu'il n'y a pas plus artificiels que les marais salants ! Ils sont dus au travail des hommes. On confond trop souvent vacances et vie à la campagne !

M. Mathieu Darnaud .  - Je suis moi aussi surpris de la lecture que font de ce texte nos collègues socialistes. Nous parlons de réalités, quand vous restez prisonniers d'une approche dogmatique ! Depuis quand, madame Bataille, la santé et le développement économique s'opposent-ils à la construction ?

Mme Delphine Bataille.  - Je n'ai jamais dit cela.

M. Mathieu Darnaud.  - Le problème de construction est bien réel, nous apportons des outils aux agriculteurs qui veulent développer leur activité. Arrêtons, enfin, de déresponsabiliser les élus locaux. Nous demandons des adaptations, vous nous répondez par des règles générales... Venez voir comment les choses se passent dans nos territoires.

M. Jean-Claude Luche .  - Tous ici, nous sommes d'accord pour réhabiliter les centres-bourgs. Depuis trente-trois ans que je suis élu, j'y ai tout essayé : amélioration de l'habitat avec l'Anah, programmes d'intérêt général avec l'intercommunalité et le département... Rien n'y fait : les jeunes foyers veulent construire en périphérie et non pas reprendre des habitations qui ont un voisinage trop proche. Vous n'avez aucune solution à nous proposer.

Dans l'Aveyron, l'objectif du conseil départemental que je préside est de gagner 20 000 habitants en dix ou douze ans. Pendant ce temps, Montpellier et Toulouse gagnent 15 000 nouveaux habitants... par an, en consommant des centaines d'hectares en périphérie. Et vous nous embêtez pour quatre ou cinq hectares dans les communes rurales ?

La ruralité n'est ni de droite, ni de gauche. Sans un nombre suffisant d'habitants, elle ne pourra plus se développer, et il sera alors trop tard. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Martial Bourquin .  - Je m'étonne du tour pris par la discussion.

Des voix à droite.  - Nous aussi !

M. Martial Bourquin.  - Il n'y a pas ceux qui s'occupent de la ruralité et les autres. La situation des zones rurales est très contrastée. De belles opérations de revitalisation ont été menées grâce à l'Anah...

M. Jean-Claude Luche.  - Ça ne marche pas !

M. Martial Bourquin.  - ... et au PTZ. Des villages ont construit des lotissements. Les Safer, les agriculteurs ont donné un avis négatif sur ce texte, il y a de quoi se poser des questions ! Quand nous parlons d'agriculture, tout le monde plaide pour la préservation des terres agricoles, et maintenant, nous ferions n'importe quoi ? (M. Jacques Genest s'exclame) Construire, c'est bien beau, mais il faut aussi se préoccuper des services, des commerces, du très haut débit...

Les agriculteurs ont besoin de terres, n'accélérons pas la disparition des terres agricoles.

M. Jean-François Rapin.  - Ce n'est pas le même débat !

M. Martial Bourquin.  - Ce texte aurait des conséquences très néfastes pour la ruralité et les agriculteurs.

M. Jacques Genest.  - Merci, professeur !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre .  - Il n'y a pas des zones où il est plus facile de construire que d'autres. (Vives protestations à droite)

M. Philippe Mouiller.  - Venez voir, avant de parler !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre.  - En tant qu'élue francilienne, je connais la ruralité de l'Ile-de-France. (M. Jacques Genest se gausse) Je vous emmènerai, monsieur Genest : vous découvrirez les problèmes de logement que l'on rencontre dans des villages de quinze maisons.

Nous le savons tous, l'étalement urbain est un problème, il impose de nouvelles dépenses publiques liées à la gestion des déchets, de l'eau, aux services publics. D'où l'enjeu d'une urbanisation intelligente. Le contrôle s'exerce partout, y compris dans les métropoles : preuve en est que les régions devront désormais toutes se doter d'un schéma directeur. Sans cela, l'agriculture et les autres activités économiques rurales ne pourront plus se développer. Les syndicats agricoles refusent d'ailleurs l'article 2. Vous proposez de légaliser une jurisprudence limitée...

Nous aidons les territoires ruraux à construire. Si les aides de l'Anah ne marchaient pas, il n'y aurait pas tant d'élus ruraux à y recourir ! Si vous avez des difficultés, le ministre du logement est disponible.

M. Jean-Claude Luche.  - Des sous !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre.  - Pas seulement, de l'ingénierie aussi, et des ateliers de travail pour une meilleure compréhension des normes, afin d'éviter les annulations en cascade par le juge.

N'opposons pas les territoires les uns aux autres. Dans certaines régions, des ménages quittent les nouveaux lotissements pour revenir habiter en centre-bourg... C'est pour cinquante ans et non pour dix qu'il faut aujourd'hui construire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

L'article 2 est adopté.

L'article 2 bis est adopté.

ARTICLE 3

M. Mathieu Darnaud .  - Qui n'écoute pas l'autre ? Vous prétendez que ce texte efface tous les outils existants, le Scot, le PLU... Au contraire, nous proposons des ajustements, pour passer outre les blocages et non pour favoriser « l'étalement urbain » - notion curieuse en milieu rural...

Je doute que ce soit avec l'Anah que l'on réglera tous les problèmes de la ruralité. Un exemple : lors d'une révision du PLU, l'État demande la division par cinq ou dix de l'enveloppe foncière.... Aujourd'hui, des maires qui ont investi des millions d'euros pour urbaniser autour des hameaux se voient dire qu'il n'en est plus question ! Quand on connaît la réalité des villages de 50 ou 100 habitants, parler de dents creuses a de quoi faire sourire.

M. Alain Duran .  - L'article 3 autorise la construction d'annexes aux bâtiments dans les parties non urbanisées, que la commune soit ou non couverte par un document d'urbanisme, et rend l'avis de la commission départementale facultatif. Il revient sur un système qui évite de gâcher les sols, ce n'est pas raisonnable. L'artificialisation est irréversible ! Les PLU sont l'occasion pour les maires de définir avec les habitants un projet de développement. Les communes rurales s'en sont emparées : 20 % des documents d'urbanisme les concernent. Cet article ne les incitera pas à poursuivre... C'est un mauvais signal, y compris pour l'attractivité de nos territoires.

M. Gérard Bailly .  - C'est un agriculteur qui vous parle, père de deux agriculteurs et grand-père d'un agriculteur. Je suis donc préoccupé comme vous par la perte de terres agricoles. Mais je pense aussi aux entreprises agricoles, forestières, artisanales, aux PME installées dans notre monde rural et qui ont besoin de se développer. J'aurais d'ailleurs aimé que l'article aille plus loin... Dans l'agriculture sociétale, les cheptels peuvent atteindre trois cents bêtes, et quand on les nourrit au foin comme chez moi, il faut des bâtiments volumineux...

M. Daniel Gremillet .  - J'ai l'impression de revenir au mois de décembre, lors des débats sur notre proposition de loi pour la compétitivité agricole. « Ce n'est pas le moment », nous disait-on, « cela n'a pas de sens »... En réalité, nous avions raison, preuve en est que le Gouvernement a repris depuis plusieurs de nos mesures.

L'échec de la CMP sur la loi Biodiversité est une raison de plus de voter ce texte. Les compensations écologiques pèseront une fois de plus sur les terres agricoles. La jeunesse rurale a besoin de signes. (Applaudissements à droite ; M. Jean-Claude Luche applaudit aussi)

M. Daniel Raoul .  - Vous avez des outils, mais ne les utilisez pas. Les Safer sont très violemment opposées à ce texte, (M. Martial Bourquin renchérit) même chose pour les jeunes agriculteurs. C'est bien qu'il y a un problème ! Autoriser toute extension sans aucun contrôle, hors de tout document d'urbanisme, c'est tout bonnement n'importe quoi. 

L'article 3 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. Luche, Cigolotti et Lasserre, Mme Férat et MM. Roche, Gabouty, Delcros, Capo-Canellas, Médevielle et D. Dubois.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 121-16 du code de l'urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les plans d'eau intérieurs situés en zone de montagne, cette distance peut être réduite à 50 mètres à compter des plus hautes eaux par les documents d'urbanisme de la collectivité concernée. »

M. Jean-Claude Luche.  - Nous sommes très attachés à la préservation des paysages, mais un environnement à l'abandon est un environnement qui se meurt. L'interdiction de construire à 100 mètres des plans d'eau est un gros handicap.

M. Daniel Laurent, rapporteur.  - L'idée est intéressante, l'acte II de la loi Montagne pourrait être le véhicule adéquat. La commission des affaires économiques l'a anticipé en donnant un avis favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre.  - Avis défavorable. On peut déjà construire dans les dents creuses, et ce n'est pas le bon cadre législatif.

M. Joël Labbé.  - Cet amendement est dangereux pour nos paysages, pour la préservation des sols comme pour la qualité de l'eau. Allez-vous bientôt remettre en cause la règle des 100 mètres de la loi Littoral ?

L'amendement n°4 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.

L'article 4 est adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. D. Laurent, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

À la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme, après le mot : « expose », sont insérés les mots : « , au regard des capacités effectives de mobilisation des terrains disponibles, ».

M. Daniel Laurent, rapporteur.  - Dans bien des cas, lorsqu'un bâti existant a été construit sur une parcelle relativement vaste, l'espace de la parcelle laissé libre est considéré comme consommable. Cela découle de la volonté d'urbaniser d'abord par une densification des espaces déjà urbanisés.

Mais les objectifs chiffrés de consommation sont alors purement théoriques, car la densification suppose de diviser les parcelles, ce qui n'est pas viable économiquement en zone rurale... Et pour les petites communes, les outils plus lourds de mobilisation du foncier sont hors de portée. La planification urbaine trouve ici sa limite dans le respect du droit de la propriété foncière.

Aussi cet amendement impose-t-il la prise en compte, dans le rapport de présentation du PLU, des capacités effectives de mobilisation des terrains disponibles. Les objectifs de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain pourront ainsi être réellement adaptés aux contraintes foncières locales.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre.  - Cet exposé le montre : nous avons besoin de simplification. Mais la loi Alur permet déjà de justifier les choix et de prendre en compte les spécificités locales. Avis défavorable.

L'amendement n°5 est adopté et l'article 6 est ainsi rédigé.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par Mme Morhet-Richaud, M. Grosdidier, Mme Micouleau, MM. Dufaut, Doligé, Mandelli et Vogel, Mmes Imbert et Di Folco, MM. Vaspart, Revet, A. Marc, Raison et Lefèvre, Mmes Duranton et Deroche, MM. César, Gremillet et Mouiller, Mme Lopez, MM. Laménie, Pointereau, Morisset, Kennel, Longuet et Pierre, Mme Estrosi Sassone, MM. Pellevat, Vasselle, Masclet, Chaize et Dallier et Mme Loisier.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, après les mots : « les objectifs poursuivis » sont insérés les mots : « dans les grandes lignes proportionnés en fonction des enjeux ».

M. Jean Pierre Vogel.  - Il est défendu.

M. Daniel Laurent, rapporteur.  - Retrait ? C'est un cavalier, même si je partage son objectif : mettre fin à la jurisprudence de la Cour administrative d'appel de Lyon qui avait annulé le PLU de Saint-Martin-d'Hères.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié ter est retiré.

L'article 7 est adopté.

Les amendements nos1 et 3 rectifié ne sont pas défendus.

L'article 8 est adopté.

L'article 9 est adopté.

ARTICLE 10

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. D. Laurent, au nom de la commission.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) À la seconde phrase, les mots : « même loi » sont remplacés par les mots : « loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 précitée ainsi que celles rétablies par la loi n°  du  précitée » ;

L'amendement de coordination n°6, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 10, modifié, est adopté.

L'article 11 demeure supprimé.

A la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°238 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 191
Contre 148

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements au centre et à droite)

CMP (Nominations)

M. le président.  - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour une République numérique.

La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l'article 12 du Règlement.

Je n'ai reçu aucune opposition. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire, en tant que titulaires : Mme Catherine Troendlé, MM. Christophe-André Frassa, Philippe Dallier, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Jean-Pierre Sueur, Yves Rome et Jean-Pierre Bosino ; en tant que suppléants : MM. Pierre Camani, Patrick Chaize, Mme Dominique Gillot, M. Hervé Maurey, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Claude Requier et Bruno Sido.

Prochaine séance demain, jeudi 2 juin 2016, à 10 h 30.

La séance est levée à 19 h 40.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du jeudi 2 juin 2016

Séance publique

À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir

Présidence :

Mme Isabelle Debré, vice-présidente M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Secrétaires : Mme Corinne Bouchoux M. Jean-Pierre Leleux

1. Deuxièmes lectures de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (n° 568, 2015-2016) et de la proposition de loi organique, modifiée par l'Assemblée nationale, relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (n° 567, 2015-2016).

Rapport de M. Jacques Mézard, fait au nom de la commission des lois (n° 633, 2015-2016).

Textes de la commission (nos 634 et 635, 2015-2016).

Avis verbal de M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 623, 2015-2016).

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière pénale (n° 461, 2015-2016).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 636, 2015-2016).

Résultat des travaux de la commission (n° 637, 2015-2016).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 238 sur l'ensemble de la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :339

Pour :191

Contre :148

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (109)

Contre : 109

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Contre : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 4 - MM. Alain Bertrand, Pierre-Yves Collombat, François Fortassin, Jean-Claude Requier

Contre : 9

Abstentions : 4 - MM. Joseph Castelli, Yvon Collin, Robert Hue, Raymond Vall

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier